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---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
255cad6d-51ba-4573-a742-f850253febca | En fait :
A.
Par jugement du 2 décembre 2014, le Tribunal de police de l’arrondissement de l'Est vaudois a libéré H._ du chef d'accusation de violation simple des règles de la circulation routière (I), annulé l'ordonnance pénale rendue le 18 août 2014 par le Préfet du district de la Riviera-Pays d'Enhaut à l'encontre de H._ (II) et laissé les frais d'audience à la charge de l'Etat (III).
B.
Le Ministère public a déposé une annonce, puis une déclaration d'appel le 22 décembre 2014 contre ce jugement. Il a conclu à son annulation et au renvoi de la cause au Tribunal de police pour nouvelle instruction et nouveau jugement dans le sens des considérants.
Par déterminations du 30 janvier 2015, H._ a conclu au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement attaqué.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
H._ est né le 4 mars 1955 à [...] (NE). Il est célibataire et exerce la profession d'électricien.
Son casier judiciaire et le fichier ADMAS ne comportent aucune inscription.
2.
Par ordonnance pénale du 18 août 2014, le Préfet du district de la Riviera-Pays d'Enhaut a constaté que H._ s’est rendu coupable de violation simple des règles de la circulation routière pour avoir circulé en maintenant une distance de sécurité insuffisante sur l’autoroute A9, le 31 juillet 2014, à 7h10, et l’a condamné à une amende de 250 fr. ainsi qu’aux frais.
Contestant les faits reprochés, le prévenu a formé opposition à cette ordonnance par courrier du 26 août 2014. Le Préfet a maintenu sa décision et le Ministère public a transmis le dossier de la cause à l’autorité de première instance en vue des débats, en application de l’art. 356 al. 1 CPP. | En droit :
1.
1.1
Interjeté dans les formes et délai légaux (art. 399 CPP) par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel est recevable.
1.2
S’agissant d’un appel dirigé contre une contravention, la procédure écrite est applicable (art. 406 al. 1 let. c CPP) et la cause ressort de la compétence d’un juge unique (art. 14 al. 3 LVCPP [Loi vaudoise d’introduction du Code de procédure pénale suisse du 19 mai2009; RSV 312.01]).
1.3
Selon l’art. 398 al. 4 CPP, lorsque seules des contraventions ont fait l’objet de la procédure de première instance, l’appel ne peut être formé que pour le grief que le jugement est juridiquement erroné, et que l’état de fait est établi de manière manifestement inexacte ou en violation du droit. Aucune nouvelle allégation ou preuve ne peut être produite. Cet appel restreint a été prévu pour les cas de peu d’importance, soit concernant des infractions mineures, le droit conventionnel international admettant en pareil cas des exceptions au droit à un double degré de juridiction (Kistler Vianin, in: Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 22 et 23 ad art. 398 CPP).
En l'espèce, seule une contravention à la législation sur la circulation routière a fait l’objet de la procédure de première instance, de sorte que l’appel est retreint.
2.
L’appelant soutient que si le premier juge estimait le rapport de police insuffisant, il lui incombait alors d’entendre les gendarmes concernés afin que ces derniers précisent les faits et l’éclairent sur les éventuelles incohérences qu’il croyait déceler.
2.1
Comme indiqué ci-dessus, en cas d’appel restreint, le pouvoir d’examen de l’autorité d’appel est limité dans l’appréciation des faits à ce qui a été établi de manière arbitraire, la formulation de l’art. 398 al. 4 CPP correspondant à celle de l’art. 97 al. 1 LTF (Loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005, RS 173.110) (TF 68_1247/2013 du 13 mars 2014 c. 1.2; TF 6B_362/2012 du 29 octobre 2012 c. 5.2 et les références citées).
Le principe de l’appréciation libre des preuves interdit d’attribuer d’entrée de cause une force probante accrue à certains moyens de preuve, comme par exemple des rapports de police (cf. TF 1P.283/2006 du 4 août 2006 c. 2.3). Toutefois, on ne saurait dénier d’emblée toute force probante à un tel document. Celui-ci est en effet, par sa nature, destiné et propre à servir de moyen de preuve dans la mesure où le policier y reproduit des faits qu’il a constatés et il est fréquent que l’on se fonde dans les procédures judiciaires sur les constatations ainsi transcrites (cf. TF 6S.703/1993 du 18 mars 1994 c. 3b).
2.2
Le rapport de police du 31 juillet 2014 mentionne ce qui suit : « Alors que nous circulions en direction de Vevey à bord de notre voiture de service, sur la voie droite, dans une file de véhicules, notre attention se porta sur la voiture de tourisme [...]. Son conducteur, identifié par la suite comme étant H._, circulait sur la voie gauche, en dépassement, à environ 100 km/h, selon son dire. A un moment donné, il se rapprocha dangereusement du véhicule qui le précédait et le suivit sur quelque 400 mètres, en maintenant un intervalle inférieur à 10 mètres. Ce comportement ne lui aurait pas permis de s’arrêter à temps en cas de freinage inattendu de la part de l’autre conducteur. Il fut intercepté sur la voie de sortie de Montreux. La dénonciation a été signifiée sur le champ à H._ qui se montra d’une parfaite correction ».
Lors des débats de première instance, le prévenu a expliqué qu’il roulait à environ 80 km/h à une distance de 30 à 40 mètres du véhicule qui le précédait, qu’il n’avait pas vu la voiture des gendarmes mais que ceux-ci l’avaient dépassé alors qu’il s’était rabattu sur la gauche. Il a contesté avoir roulé à moins de 10 mètres du véhicule le précédent.
En l’espèce, il n’existe aucune raison de mettre en doute les déclarations concordantes des dénonciateurs, agents publics assermentés, aucun élément ne permettant de mettre en doute leur crédibilité. On voit difficilement que deux policiers puissent inventer un dépassement inexistant et parler d’une distance insuffisante alors que celle-ci n’aurait pu être observée de manière claire. De plus, ces policiers n’ont aucun intérêt à l’issue de la procédure, contrairement à l’intimé. D’autre part, leurs observations ne comportent aucune incertitude sur les éléments pertinents de la cause. En effet, il s’agit de deux policiers qui ont sans aucun doute l’habitude de ce genre d’affaires en matière de circulation routière et qui, évidemment, ne dénoncent, ni ne procèdent à des arrestations à tout va ou dans les cas douteux.
A l’inverse, le prévenu n’est pas crédible au regard des éléments suivants. D’une part, il s’est lui-même contredit en indiquant tout d’abord à la police qu’il circulait à 100 km/h avant de dire, aux débats de première instance, qu’il roulait à 80 km/h. D’autre part, il n’a pas réagi lorsque les policiers lui ont immédiatement signifié son infraction. Enfin, son affirmation selon laquelle il avait eu de la peine à déboîter sur la voie de gauche tant la circulation était dense sur cette voie atteste davantage du contenu de la dénonciation.
Au regard de l’ensemble de ces éléments, l’appréciation du premier juge ne saurait être suivie et H._ doit être reconnu coupable de violation simple des règles de la circulation routière.
3.
Au regard de la culpabilité de H._ et de sa situation personnelle, une amende de 250 fr. réprime de manière adéquate la contravention commise. A défaut de paiement de l'amende, la peine privative de liberté de substitution sera de trois jours.
4.
Sur le vu de ce qui précède, l'appel du Ministère public doit être admis et le jugement attaqué réformé en ce sens que H._ est condamné pour violation simple des règles de la circulation routière.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel, par 540 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]), doivent être mis à la charge de H._, qui succombe (art. 428 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
2564474a-ae91-43ad-a90f-aa8ddd604787 | En fait :
A.
Par prononcé du 22 avril 2013, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a pris acte de la convention des 11 février, 7 et
9 mars 2013 et en particulier du retrait de plainte figurant sous chiffre 2 (I), a ordonné la cessation des poursuites pénales dirigées contre D._ pour lésions corporelles simples (II), a fixé à 1'846 fr. 90, débours et TVA inclus, l’indemnité due à Me Eric Reynaud, défenseur d’office de D._ (III), a fixé à 880 fr. 20, débours et TVA inclus, l’indemnité due à Me Eduardo Redondo, conseil d’office de N._, et a laissé cette indemnité à la charge de l’Etat (IV), a mis les frais de la cause, par 5'446 fr. 90, comprenant l’indemnité fixée sous chiffre III ci-dessus, à la charge de D._ (V) et a dit que le remboursement à l’Etat de l’indemnité allouée à Me Eric Reynaud sera exigible pour autant que la situation économique de D._ se soit améliorée (VI).
B.
Le 6 mai 2013, D._ a formé appel contre ce jugement. Par déclaration d’appel motivée du 15 mai 2013, il a conclu, avec suite de frais et dépens, à sa modification en ce sens que les frais de la procédure, incluant l’indemnité de son conseil d’office, sont mis à la charge de l’Etat.
Par courrier du 27 mai 2013, le Ministère public a indiqué qu’il n’entendait pas présenter une demande de non-entrée en matière ou déclarer un appel joint.
Par avis du 4 juin 2013, le Président de céans a informé les parties que l'appel sera traité en procédure écrite et leur a imparti un délai au 24 juin 2013 pour déposer un mémoire motivé.
Le 10 juin 2013, le Ministère public a renoncé à déposer des déterminations écrites.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
Le 5 août 2011, à 02h50, à [...], Rue [...], devant la discothèque « [...] », un litige a éclaté entre la sécurité dudit établissement et des clients. Au cours de cette altercation, D._, agent de sécurité, a assené plusieurs coups au visage, ainsi qu’à la jambe gauche du client N._, avant de le sprayer au visage au moyen d’un spray au poivre.
N._ a notamment souffert d’un hématome sur l’œil gauche, de douleurs multiples sur le corps, d’une dent cassée et de brûlures aux yeux. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit (al. 1). La déclaration d’appel doit être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (al. 3).
Interjeté dans les forme et délais légaux par une partie ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de D._ est recevable. Il y a donc lieu d’entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
3.
L’appelant reproche au premier juge d’avoir mis les frais à sa charge sur la base de mises en cause sur lesquelles il n’a pas pu se prononcer, violant ainsi le droit d’être entendu et le droit à un procès équitable.
3.1
L'art. 423 CPP prévoit que les frais de procédure sont mis à la charge de la Confédération ou du canton qui a conduit la procédure, sauf disposition contraire. Selon l'art. 426 al. 2 CPP, lorsque la procédure fait l'objet d'une ordonnance de classement ou que le prévenu est acquitté, tout ou partie des frais de procédure peuvent être mis à sa charge s'il a, de manière illicite et fautive, provoqué l'ouverture de la procédure ou rendu plus difficile la conduite de celle-ci.
Un retrait de plainte, comme en l'espèce, s'apparente d'un point de vue procédural à un classement. En ce sens, l'art. 426 al. 2 CPP est susceptible de s'appliquer dans le cadre d'un retrait de plainte pour une infraction poursuivie sur plainte (TF 6B_87/2012 du 27 avril 2012, c. 1.1 et les références citées).
3.2
La jurisprudence déduit du droit d’être entendu, garantie par
l'art. 29 al. 2 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999; RS 101), notamment le droit de s’exprimer avant qu'une décision ne soit prise (ATF 135 I 187 c. 2.2; 129 II 497 c. 2.2). Au regard de cette disposition, il suffit que chaque intéressé puisse fournir ses explications ou présenter son point de vue verbalement ou par écrit, en personne ou par l'intermédiaire d'un représentant (ATF 125 I 113 c. 2a p. 115).
3.3
Conformément à l'art. 6 par. 3 let. d CEDH (Convention du
4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales; RS 0.101), tout accusé a le droit d'interroger ou de faire interroger les témoins à charge. Ce droit ne s'applique pas seulement s'agissant de témoins au sens strict du terme, mais à l'encontre de toute personne qui fait des déclarations à charge, indépendamment de son rôle dans le procès. Il s'agit d'un des aspects du droit à un procès équitable institué à l'art. 6 par. 1 CEDH. Cette garantie exclut qu'un jugement pénal soit fondé sur les déclarations de témoins sans qu'une occasion appropriée et suffisante soit au moins une fois offerte au prévenu de mettre ces témoignages en doute et d'interroger les témoins (ATF 131 I 476 c. 2.2;
ATF 129 I 151 c. 3.1 et les références citées). Ce droit n'est toutefois absolu que lorsque le témoignage litigieux est déterminant, soit lorsqu'il constitue la seule preuve ou pour le moins une preuve essentielle (ATF 131 I 476 c. 2.2; 129 I 151 c. 3.1 et les références citées).
3.4
En l’espèce, avant de rendre son prononcé, le premier juge a interpellé les parties afin qu’elles se déterminent sur la question des frais (P. 29). Ainsi, l’appelant avait tout loisir d’exposer ses moyens, ce qu’il a d’ailleurs fait par courrier du 4 avril 2013 (P. 30). Aucune violation du droit d’être entendu ne peut donc être retenue et ce premier grief doit être rejeté.
3.5
S’agissant du moyen tiré de la violation du droit à un procès équitable, il est manifestement abusif. En effet, c’est l’appelant lui-même qui a sollicité la suppression de l’audience de première instance, initialement agendée au
16 avril 2013, en exposant que «
les parties viennent de signer une convention sur intérêts civils dont l’exécution toute prochaine entraînera le retrait de plainte de Monsieur N._
» (lettre du 12 mars 2013, P. 25). Dans son courrier du 22 mars 2013, l’appelant a écrit ce qui suit : «
l’exécution de cette convention entraîne le retrait de plainte de Monsieur N._ et, en conséquence, la fin de la procédure pénale. S’agissant des frais d’enquête, j’attire votre attention sur le souhait des parties qu’ils soient laissés à la charge de l’Etat. Si vous ne vous estimez pas en mesure d’accéder à cette requête, je sollicite la fixation d’un délai formel aux parties pour déposer une écriture relative à la fixation des frais de procédure
» (P. 28). Dans ses déterminations du 4 avril 2013 relatives aux frais de procédure, D._ concluait à ce que les frais soient laissés à la charge de l’Etat en relevant qu’il n’avait pas adopté un comportement civilement répréhensible ou compliqué la procédure. A aucun moment, l’appelant ne s’est plaint des opérations d’enquête, en soulignant, par exemple, qu’il n’avait jamais pu être confronté aux témoins à charge. Une partie ne peut pas, sous peine d’être accusée de mauvaise foi, renoncer à faire valoir certains droits et venir s’en plaindre ensuite au motif qu’elle n’est pas satisfaite de l’issue de la cause. Partant, ce moyen est infondé et doit également être rejeté.
4.
L’appelant fait grief au Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne d’avoir violé la présomption d’innocence. Il expose que la mise à sa charge des frais de la procédure constitue une peine déguisée, alors que les faits ne permettent pas de dire qu’il a adopté un comportement civilement critiquable.
4.1
La condamnation d'un prévenu acquitté à supporter tout ou partie des frais doit respecter la présomption d'innocence, consacrée par les art. 32 al. 1 Cst. et 6 par. 2 CEDH. Celle-ci interdit de rendre une décision défavorable au prévenu libéré en laissant entendre que ce dernier serait néanmoins coupable des infractions qui lui étaient reprochées. Une condamnation aux frais n'est ainsi admissible que si le prévenu a provoqué l'ouverture de la procédure pénale dirigée contre lui ou s'il en a entravé le cours. A cet égard, seul un comportement fautif et contraire à une règle juridique, qui soit en relation de causalité avec les frais imputés, entre en ligne de compte (TF 6B_331/2012 du 22 octobre 2012 c. 2.3; ATF 119 Ia 332 c. 1b p. 334; 116 Ia 162 c. 2c p. 168). Ces considérations valent mutatis mutandis lorsque le tribunal refuse d'allouer une indemnité au prévenu en cas de procédure se soldant sans condamnation (cf. ATF 115 Ia 309 c. 1a p. 310; arrêt 6B_215/2007 du 2 mai 2008 c. 6).
Il n'y a pas lieu d'envisager une indemnisation du prévenu en cas de condamnation aux frais, l'obligation de supporter les frais et l'allocation d'une indemnité s'excluant réciproquement (TF 6B_300/2012 du 10 juin 2013 c. 2.4; ATF 137 IV 352 c. 2.4.2).
4.2
Pour déterminer si le comportement en cause est propre à justifier l'imputation des frais ou le refus d'une indemnité, le juge peut prendre en considération toute norme de comportement écrite ou non écrite résultant de l'ordre juridique suisse pris dans son ensemble, dans le sens d'une application par analogie des principes découlant de l'art. 41 CO (ATF 119 Ia 332 c. 1b p. 334; 116 Ia 162 c. 2c p. 169). Le fait reproché doit constituer une violation claire de la norme de comportement (ATF 119 Ia 332 c. 1b p. 334; 116 Ia 162 c. 2d p. 171). La faute exigée doit s’apprécier selon des critères objectifs. Une distinction doit être opérée entre faute civile et faute pénale (Chapuis, in: Kuhn/Jeanneret [éd.], Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 2 ad art. 426 CPP p. 1857). L'acte répréhensible n'a pas à être commis intentionnellement. La négligence suffit, sans qu'il soit besoin qu'elle soit grossière (ATF 109 Ia 160 c. 4a p. 163 s.). L'acte répréhensible doit en outre se trouver dans une relation de causalité adéquate avec l'ouverture de l'enquête ou les obstacles mis à celle-ci; tel est notamment le cas lorsque le comportement du prévenu, violant clairement des prescriptions écrites cantonales, était propre à faire naître, selon le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le soupçon d'un comportement punissable justifiant l'ouverture d'une enquête pénale (Domeisen, in: Niggli/Wiprächtiger
[éd.], Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, Jugendstrafprozessordnung, Bâle 2011, n. 29 ad art. 426 CPP pp. 2809-2810; ATF 116 Ia 162 c. 2c p. 170). Enfin, une condamnation aux frais ne peut se justifier que si, en raison du comportement illicite du prévenu, l'autorité était légitimement en droit d'ouvrir une enquête. Elle est en tout cas exclue lorsque l'autorité est intervenue par excès de zèle, ensuite d'une mauvaise analyse de la situation ou par précipitation (ATF 116 Ia 162 c. 2c p. 171).
Sur la base des principes précités, la jurisprudence a régulièrement admis qu'un comportement contraire à une disposition légale peut, sans violation de la présomption d'innocence, être retenu pour justifier la mise à charge des frais, respectivement le refus d'indemnité, même si l'action pénale pour l'infraction correspondante n'a pas abouti à une condamnation (cf. TF 6B_331/2012 du 22 octobre 2012 c. 2.3; 6B_143/2010 du 22 juin 2010 c. 3.1; 1P.584/2006 du 22 décembre 2006 c. 9.3; 1P.543/2001 du 1
er
mars 2002 c. 1.2).
4.3
Comme le relève à juste titre le premier juge, il ne fait aucun doute, sur la base des mises en cause résumées dans le rapport de synthèse de la police du 15 août 2011 (P. 5) que l’appelant est à l’origine de l’action pénale. En effet, l’atteinte à l’intégrité corporelle du plaignant, provoquée par les coups de D._ ainsi que par le spray au poivre appartenant à ce dernier, en l’absence d’un fait justificatif, constitue un acte illicite au sens de l’art. 28 CC. La violation de cette norme civile est manifestement en rapport de causalité avec l'ouverture de l'enquête pénale ainsi que son déroulement.
A cela s’ajoute que la convention sur intérêts civils, signée par l’employeur de l’appelant et l’appelant, d’une part, et le plaignant, d’autre part, satisfait intégralement les prétentions du lésé. Cette convention a été signée «
par gain de paix et sans reconnaissance de responsabilité
», mais il n’empêche que l’appelant et son employeur ont jugé que les prétentions étaient suffisamment fondées pour y adhérer (cf. P. 28).
Il se justifiait par conséquent de faire supporter à l’appelant les frais de procédure, incluant l’indemnité de son conseil d’office, en application de
l’art. 426 al. 2 CPP.
5.
En définitive, l’appel, manifestement mal fondé, doit être rejeté sans autres échanges d'écritures (art. 390 al. 2 CPP) et le prononcé du 22 avril 2013 confirmé.
Vu l'issue de l'appel, les frais de la cause doivent être mis à la charge de l'appelant, qui succombe (art. 428 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
256da02c-cb21-44d5-a287-7a05e52bb9db | En fait :
A.
Par jugement du 30 mars 2015, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a constaté que N._ s’est rendu coupable d’infraction à la Loi fédérale sur les stupéfiants (I), l’a condamné à une peine pécuniaire de 90 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 30 fr., avec sursis pendant cinq ans, sous déduction de trois jours de détention préventive avant jugement (II), a révoqué la libération conditionnelle octroyée par le Straf-und-Massnahmenvollzug de Berne le 1
er
mai 2014 et ordonné l’exécution des cinq jours de détention (III), a ordonné la confiscation et la destruction de la cocaïne séquestrées (IV) et a mis les frais de justice, par 10'889 fr. 65, à sa charge (V).
B.
Le 7 avril 2015, N._ a formé appel contre ce jugement, concluant à une diminution des frais de la cause.
Par avis du 25 juin 2015, les parties ont été informées que l’appel serait traité d’office en procédure écrite en application de l’art. 406 al. 1 CPP.
Par courrier du 10 août 2015, le Ministère public a renoncé à déposer des déterminations.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
N._ est né le [...] 1983 à [...], en Gambie, pays dont il est ressortissant. Marié, il est actuellement au bénéfice d’un permis de séjour de type B. Sans emploi, il ne touche aucune indemnité du chômage ou d’un service social. Son épouse, qui perçoit un revenu de 3'700 fr. par mois, subvient entièrement à son entretien. Il n’a pas de dettes.
Le casier judiciaire du prévenu comporte les inscriptions suivantes :
- 30 octobre 2009 : Untersuchungsrichteramt III Bern-Mittelland, Bern ; séjour illégal, non-respect d’une assignation à un lieu de résidence ou interdiction de pénétrer dans une région déterminée, contravention à la Loi fédérale sur les stupéfiants ; peine pécuniaire de 40 jours-amende à 30 fr. ; sursis à l’exécution de la peine, délai d’épreuve de deux ans ; amende de 400 francs ;
- 12 novembre 2009 : Jugendgericht Emmental-Oberaargau Burgdorf ; insoumission à une décision de l’autorité, contravention à la Loi fédérale sur le transport public, séjour illégal, non-respect d’une assignation à un lieu de résidence ou interdiction de pénétrer dans une région déterminée ; privation de liberté de cinq jours ; sursis à l’exécution de la peine, délai d’épreuve jusqu’au 11 mai 2010 ;
- 20 juin 2011 : Staatsanwaltschaft Bern – Mittelland Bern ; séjour illégal, contravention à la Loi fédérale sur les stupéfiants ; peine privative de liberté de 90 jours ; amende de 150 fr. ; peine partiellement complémentaire au jugement du 30 octobre 2009 rendu par l’Untersuchungsrichteramt III Bern-Mittelland, Bern ; peine partiellement complémentaire au jugement du 12 novembre 2009 rendu par le Jugendgericht Emmental-Oberaargau Burgdorf.
2.
Le 27 novembre 2014, N._ a fait l’objet d’un contrôle par le Corps des gardes-frontières. A cette occasion, il a avalé sept boulettes de cocaïne (pour un poids brut de 10 grammes). L’intéressé transportait les stupéfiants entre Bienne et Montreux et devait toucher 40 fr. pour ce service.
Par ordonnance du
29 novembre 2014, le Ministère public Strada a rendu une ordonnance pénale à l’encontre de N._, le condamnant à 90 jours de peine privative de liberté, sous déduction de trois jours de détention avant jugement, et révoqué la libération conditionnelle octroyée par le Straf-und Massnahmenvollzug de Berne en date du 1
er
mai 2014.
Contestant les faits reprochés, N._ a formé opposition contre cette ordonnance pénale par courrier du 6 décembre 2014. Le Ministère public a décidé de maintenir sa décision et a transmis le dossier de la cause à l’autorité de première instance. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux (399 CPP) par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel est recevable.
Seule la question des frais étant litigieuse, l’appel est traité en procédure écrite (art. 406 al. 1 let. d CPP).
2.
Aux termes de l'art. 398 CPP, la juridiction d'appel jouit d'un plein pouvoir d'examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L'appel peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L’appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d’appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier ; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L’appel tend à la répétition de l’examen des faits et au prononcé d’un nouveau jugement (Luzius Eugster, in : Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, Bâle 2011, n. 1 ad art. 398 CPP).
3.
3.1
Conformément à l’art. 422 al. 1 CPP, les frais de procédure se composent des émoluments visant à couvrir les frais et des débours effectivement supportés. Selon l’alinéa 2 de cette disposition, on entend notamment par débours, les frais imputables à la défense d’office et à l’assistance gratuite (let. a), les frais de traduction (let. b), les frais d’expertise (let. c), les frais de participation d’autres autorités (let. d) et les frais de port et de téléphone et d’autres frais analogues (let. e).
Cette disposition fait référence à la distinction usuelle en Suisse entre les frais généraux de la justice, tels que les frais de fonctionnement de cette dernière, le traitement du personnel et des magistrats ou encore l’entretien des locaux et les frais liés à une affaire pénale déterminée. Les frais généraux sont en principe pris en charge par l’Etat ; celui-ci perçoit cependant des émoluments auprès du justiciable au titre de recours à la justice ; ces émoluments ne doivent cependant jamais être supérieurs à la somme des coûts supportés par l’Etat pour fournir la prestation correspondante (Message du Conseil fédéral du 21 décembre 2005, FF 2006 p. 1309). En d’autres termes, ils doivent respecter tant le principe de la couverture des frais que celui de l’équivalence (Moreillon et Parein-Reymond, Petit commentaire du Code de procédure pénale, Bâle 2013, n. 2 et 3 ad art. 422 CPP, p. 1224).
3.2
L’énumération de l’art. 422 al. 2 CPP n’est pas exhaustive. Les frais de détention provisoire ou de détention pour des motifs de sûretés, supportés par les établissements pénitentiaires, ne sont pas mentionnés par la disposition. L’avant-projet les mentionnait mais cette solution a été abandonnée. Pour certains auteurs, cela laisse à la Confédération et aux cantons la faculté de les inclure ou non. Pour d’autres, de tels frais ne sauraient être mis à la charge du condamné puisque les frais d’exécution de la peine échoient à l’Etat et qu’en application de l’art. 51 CP, la détention subie avant jugement est imputée sur la peine à subir (cf. Moreillon et Parein-Reymond, op. cit., n. 10 ad art. 422 CPP, p. 1225 et les références citées).
3.3
Conformément à l’art. 424 al. 1 CPP, la Confédération et les cantons règlent le calcul des frais de procédures et fixent les émoluments. Le Tribunal cantonal arrête le tarif des frais, et le Conseil d’Etat, celui des ordonnances rendues par le Ministère public et les autorités administratives compétentes en matière de contraventions (art. 32 et 33 LVCPP, Loi d’introduction du Code de procédure pénale suisse ; RSV 312.01). L’art. 2 du Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale (TFIP ; RSV 312.03.1), qui a le même contenu que l’art. 3 TFPContr (Tarif des frais de procédure pour le Ministère public et les autorités administratives compétentes en matière de contraventions ; RSV 312.03.3), comprend une énumération non exhaustive des débours. Il précise à son alinéa 2 que sont notamment des débours, les frais d’expertise (ch. 3), les sommes que l’office paie à des tiers mis en œuvre par lui : médecin, entreprise spécialisée, etc. (ch. 4), les notes établies par les autres services de l’Etat, à l’exception des frais afférents à la détention avant jugement (notes de geôle) (ch. 6).
3.4
Conformément à l’art. 2 al. 1 TFPContr, l’émolument est établi sur la base du nombre de pages des procès-verbaux des opérations, des décisions et des auditions, y compris les auditions de police. L’art. 14 al. 1 TFPContr dispose que l’émolument prévu à l’article 2 précité est de 75 fr. par page ou fraction de page pour le Ministère public, de 50 fr. la page pour l’autorité compétente en matière de contraventions.
3.5
L’art. 19 al. 1 TFIP fixe à 700 fr. l’émolument pour une demi-journée d’audience du tribunal de police, l’alinéa 2 précisant que l’audience consacrée à la délibération et à la lecture du jugement n’est pas comptée. L’alinéa 3 précise enfin que si l’audience du tribunal de police a duré moins d’une heure, y compris la lecture du jugement, l’émolument est de 400 francs.
3.6
En l’espèce, la première juge a mis à la charge du prévenu condamné la somme de 10'889 fr. 65, répartie selon la liste de frais comme suit : 3'000 fr. pour l’ordonnance pénale, 700 fr. pour l’audience au Tribunal de police, 4'108 fr. 95 pour la facture du CHUV et 3'080 fr. 70 pour la facture de l’entreprise Securitas.
En tenant compte du nombre de pages du procès-verbal des opérations, de l’audition figurant au dossier et des décisions, la procédure est constituée de quatorze pages. La direction de la procédure étant le Ministère public, celles-ci sont facturées 75 fr. chacune. Ainsi, le montant des frais de procédure devant cette autorité s’élève à 1'050 francs. L’audience devant le Tribunal de police a duré de 9 heures à 9 heures 35 et de 11 heures 05 à 11 heures 22, soit moins d’une heure (52 minutes), y compris la lecture du dispositif. Dès lors, la somme à comptabiliser de ce chef doit être de 400 fr. et non de 700 fr. comme l’a fait l’autorité de première instance. La facture du CHUV de 4'108 fr. 95 fait partie des frais dans la mesure où il s’agit de frais d’enquête nécessaires liés à l’infraction pénale réalisée. En revanche, les frais de l’entreprise Securitas, par 3'080 fr. 70, sont liés à la détention provisoire subie par N._, de sorte qu’ils doivent être laissés à la charge de l’Etat.
Partant, c’est à tort que le tribunal de première instance a fixé les frais de la procédure à 10'889 fr. 65, le montant total de ces frais s’élevant à 5'558 fr. 95 (1'050 fr. + 400 fr. + 4'108 fr. 95).
4.
4.1
L’appelant fait valoir qu’il n’a pas de travail et que le revenu de son épouse est faible.
4.2
Conformément à l’art. 426 CPP, il y a lieu de mettre les frais à charge du prévenu condamné. L’art. 425 CPP dispose que l’autorité pénale peut accorder un sursis pour le paiement des frais de procédure, et qu’elle peut réduire ou remettre les frais compte tenu de la situation de la personne astreinte à les payer. L’autorité pénale peut décider de réduire ou remettre les frais lorsqu’ils apparaissent comme trop élevés ou disproportionnés, afin d’éviter que leur paiement apparaisse, au vu de la situation de la personne astreinte à les payer, comme une peine déguisée ou qu’il réduise les chances de réinsertion de la personne concernée. L’autorité pénale dispose dans tous les cas d’un large pouvoir d’appréciation (Moreillon et Parein-Reymond, op. cit., n. 3 ad art. 425, p. 1228).
La jurisprudence de la Cour d’appel pénale du Tribunal cantonal est restrictive concernant l’application de l’art. 425 CPP (cf. CAPE 26 janvier 2012/47, CAPE 30 mai 2012/146, CAPE 2 août 2012/196, CAPE 17 août 2012/206). Cette dernière impose que la situation générale de la personne (personnelle, familiale et procédurale) soit obérée de façon sérieuse.
4.3
En l’espèce, N._ ne travaille pas, il n’émarge pas aux services sociaux et c’est son épouse, qui gagne 3'700 fr. par mois, qui l’entretient. Toutefois, la peine de 90 jours-amende à 30 fr., qui revient à 2'700 fr., a été accordée avec sursis et l’appelant n’a pas de dettes. Au vu de ces circonstances, même si la situation financière de l'appelant est modeste, elle n'est en tous les cas pas obérée. Une réduction des frais pénaux ne s’impose dès lors pas. On ne discerne en outre pas de motif qui imposerait de surseoir au paiement des frais.
Partant, il n’y a pas lieu de réduire ces frais, qui doivent être mis à sa charge, conformément aux règles de l’art. 426 CPP.
5.
En définitive, l'appel doit être admis et le prononcé attaqué modifié à son chiffre V en ce sens que les frais de la cause à la charge de N._ s’élèvent à 5'558 fr. 95.
Vu l’issue de la cause, les frais de la procédure d’appel, par 880 fr., doivent être laissés à la charge de l’Etat. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
2599ab60-2724-45ce-9f20-b284dc4aac09 | En fait :
A.
Par jugement du 19 mars 2015, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a pris acte des retraits de plainte de B._ et N._ (I), a libéré N._ du chef de prévention de voies de fait (II), a libéré A._ des chefs de prévention de tentative d’extorsion et chantage et d’injure (III), a libéré B._ des chefs de prévention de tentative d’extorsion et chantage, de voies de fait et d’injure (IV), a constaté qu’A._ s’était rendu coupable d’infraction à la Loi fédérale sur les armes, les accessoires d’armes et les munitions et de vol d’usage (V), a constaté que B._ s’était rendu coupable d’infraction à la Loi fédérale sur les armes, les accessoires d’armes et les munitions, de vol d’usage, d’accomplissement non autorisé d’une course d’apprentissage et de violation des règles de la circulation routière (VI), a condamné A._ à une peine pécuniaire ferme de 60 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 40 fr. (VII), a condamné B._ à une peine pécuniaire ferme de 100 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 40 fr. (VIII), a condamné B._ à une amende de 300 fr. (IX), a dit qu’à défaut de paiement de l’amende, la peine privative de liberté de substitution était fixée à 3 jours (X), a ordonné la confiscation et la destruction du holster pour pistolet, ainsi que de l’objet noir assimilé à une matraque séquestrée sous fiche 55267 et du fusil T03-17, série C2150, séquestré (XI), a arrêté le montant de l’indemnité allouée à Me Alix De Courten, défenseur d’office de B._, à 4'353 fr. 40 TVA et dépens inclus (XII), a dit que B._ sera tenu de rembourser à l’Etat le montant de l’indemnité allouée sous chiffre XII lorsque sa situation financière le permettra (XIII), a mis les frais de justice à la charge de N._ par 657 fr. 40, à la charge d’A._ par 2'958 fr. 30 et à la charge de B._ par 2'958 fr. 30 (XIV).
B.
Le 26 mars 2015, A._ a déposé une annonce d’appel.
Le 30 mars 2015, B._ a déposé une annonce d’appel et a requis que l’objet noir séquestré sous fiche n° 55267 ne soit pas détruit et qu’il soit maintenu au dossier jusqu’à droit connu sur la procédure d’appel.
Par courrier du 8 avril 2015, le Tribunal d’arrondissement de Lausanne a indiqué que l’objet noir séquestré sous fiche n° 55267 ne sera pas détruit avant l’exequatur du jugement.
Par déclaration d’appel motivée du 12 juin 2015, A._ a conclu, avec suite de frais et dépens, à la réforme des chiffres III, V, VII et XIV en ce sens qu’il est libéré des chefs de prévention de tentative d’extorsion et de chantage, d’injure et de vol d’usage (III), qu’il s’est rendu coupable d’infraction à la Loi fédérale sur les armes, les accessoires d’armes et les munitions (V), à l’exemption de toute peine, subsidiairement au prononcé d’une peine pécuniaire de 10 jours-amende à 40 fr., avec sursis pendant 2 ans (VII), les frais de justice mis à sa charge devant être réduits (XIV). A titre subsidiaire, A._ a conclu à l’annulation du jugement et au renvoi de la cause devant le Tribunal de première instance pour nouvelle décision.
Le 18 juin 2015, B._ a retiré son appel.
Par lettre du 26 juin 2015, le Ministère public a déclaré s’en remettre à justice quant au sort de l’appel.
Par lettre du 14 juillet 2015, le Ministère public a déclaré renoncer à comparaître à l’audience du 25 août 2015 et a conclu au rejet de l’appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Ressortissant kosovar, A._ est né le 1er février 1985 à Ferizaj au Kosovo. Arrivé en Suisse en 2006, il est au bénéfice d’un permis B. Il est marié et est le père d’une fille en bas âge. Actuellement, le prévenu n’exerce aucune activité professionnelle et perçoit des indemnités journalières de chômage, à concurrence de 3'800 fr. à 4'000 fr. par mois. Ses charges mensuelles se composent d’un loyer de 1'200 fr., de 910 fr. d’assurance-maladie pour l’ensemble du ménage, de 1'000 fr. à titre d’arriérés d’impôts pour l’année 2012 et de 365 fr. pour le leasing de sa voiture.
Son casier judiciaire suisse comporte une condamnation prononcée le 30 août 2013 par le Ministère public de l’arrondissement de Lausanne pour violation des règles de la circulation routière, conduite d’un véhicule automobile malgré le refus, le retrait ou l’interdiction de l’usage du permis, concours (plusieurs peines de même genre), à une peine pécuniaire 30 jours-amende à CHF 50.-, avec sursis pendant 2 ans, et à une amende à CHF 400.-. Le fichier ADMAS le concernant fait état de trois mesures administratives prononcées entre 2012 et 2013.
2.
2.1
Dans le courant de l’année 2010, N._ a emprunté une somme de CHF 3'000.- à la famille [...], sans qu’il soit clairement déterminé si l’argent lui a été remis par A._ ou par son oncle [...]. En 2012, cette somme n’ayant pas été remboursée, A._ et B._ ont entrepris diverses manœuvres pour que N._ procède au remboursement de cette somme.
C’est ainsi que le 8 septembre 2012, vers 12h00, dans le quartier de [...], en région [...],A._ et B._ se sont emparés du véhicule de N._, lequel se trouvait alors en possession de W._, sans laisser à ce dernier la possibilité de s’y opposer. Les deux prévenus ont ensuite conduit le véhicule à proximité d’un local occupé par A._, à l’avenue du [...], à [...], puis ont téléphoné à N._ pour lui dire de venir récupérer son bien à cet endroit, manifestement dans l’idée d’exiger le remboursement de la somme due en échange de la restitution de la voiture. Le véhicule a été retrouvé le jour même par la police à l’avenue du Chablais, à Lausanne, et a été immédiatement restitué à N._ (P. 9/1, 18).
2.2
A [...], à son domicile du chemin du [...],A._ était en possession d'un fusil T03-17, dissimulé dans sa cave, derrière des enceintes. Cette arme a été saisie par la police lors de la perquisition effectuée le 8 septembre 2012 (P. 9/1, 9/2, 9/3). | En droit :
1.
Interjeté dans les forme et délai légaux (art. 399 CPP) par une partie ayant qualité à recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier ; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP ; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
3.
L’appelant conteste le vol d’usage, soutenant avoir uniquement voulu déplacer le véhicule pour éviter une contravention à N._ et reprochant au surplus aux premiers juges de s’être arbitrairement écartés de sa version des faits, privilégiant celle de N._ et de W._ qui auraient eu des déclarations contradictoires.
3.1
3.1.1
Le vol d’usage au sens de l’art. 94 ch. 1 aLCR, applicable au moment des faits, est l’action de celui qui soustrait un véhicule avec l’intention d’en faire usage. La soustraction correspond à la prise de possession d’un véhicule sans consentement du détenteur ou de la personne qui en dispose avec son accord. La soustraction est consommée dès que l’auteur s’est arrogé la maîtrise exclusive du véhicule, par exemple en le déplaçant (Giger, SVG Kommentar, 8
e
éd., Zürich 2014, n. 3 ad art. 94 LCR ; Bussy/Rusconi, Code suisse de la circulation routière annoté, 4
e
éd., Bâle 2015, n. 1.1 ad art. 94 LCR). Il s’agit d’un enlèvement (
Wegnahme
) sans intention d’appropriation (Probst, Basler Kommentar, Strassenverkehrsgesetz, Bâle 2014, n. 10-11 ad art. 94 LCR ; Giger, op. cit., n. 3 ad art. 94 LCR). La transmission d’une clé peut impliquer une transmission de la maîtrise du véhicule (Probst, op. cit., n. 14 ad art. 94 LCR).
3.1.2
L’art. 10 CPP dispose que toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le Tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Le tribunal se fonde sur l’état de fait le plus favorable au prévenu lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation (al. 3).
S'agissant plus précisément de l'appréciation des preuves et de l'établissement des faits, il s’agit de l’acte par lequel le juge du fond évalue librement la valeur de persuasion des moyens de preuve à disposition et pondère ces différents moyens de preuve afin de parvenir à une conclusion sur la réalisation ou non des éléments de fait pertinents pour l’application du droit pénal matériel. Le juge peut fonder une condamnation sur un faisceau d’indices ; en cas de versions contradictoires, il doit déterminer laquelle est la plus crédible. En d’autres termes, ce n’est ni le genre ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (Verniory, in : Kuhn/Jeanneret [éd.], Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 34 ad art. 10 CPP; Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, nn. 19 ss ad art. 398 CPP, et les références jurisprudentielles citées).
Le principe de l'appréciation des preuves interdit d'attribuer d'entrée de cause une force probante accrue à certains moyens de preuve, comme par exemple des rapports de police (TF 1P_283/2006 du 4 août 2006 c. 2.3). Toute force probante ne saurait en revanche d'emblée être déniée à un tel document. Celui-ci est en effet, par sa nature, destiné et propre à servir de moyen de preuve dans la mesure où le policier y reproduit des faits qu'il a constatés et il est fréquent que l'on se fonde, dans les procédures judiciaires sur les constatations ainsi transcrites (TF 6S_703/1993 du 18 mars 1994 c. 3b ; CREP 8 janvier 2013/10).
Lorsque l'autorité a forgé sa conviction sur la base d'un ensemble d'éléments ou d'indices convergents, il ne suffit pas que l'un ou l'autre de ceux-ci ou même chacun d'eux pris isolément soit à lui seul insuffisant. L'appréciation des preuves doit être examinée dans son ensemble. Le principe in dubio pro reo est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables au prévenu sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (ATF 120 Ia 31 c. 2c; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38 c. 2a; cf. aussi, quant à la notion d’arbitraire,
ATF 136 III 552 c. 4.2).
3.2
Comme souvent dans ce type de conflits, il s’est avéré difficile de déterminer ce qui s’était passé exactement vu les déclarations contradictoires des protagonistes tout au long de l’instruction pénale et devant l’autorité de première instance. Il ressort du dossier pénal que les déclarations de N._, alors qu’il n’était pas présent à l’endroit où son véhicule a été emmené, étaient manifestement exagérées. Par ailleurs, N._ a d’abord nié l’existence d’une dette, pour finalement l’admettre et s’en acquitter. Ce point ne doit toutefois pas être développé puisque A._ et B._ ont été libérés du chef de prévention de tentative d’extorsion et de chantage au bénéfice du doute. Le témoin W._, qui est manifestement un ami de N._ et B._, a fait des déclarations pondérées devant la police et à l’audience de jugement, indiquant justement qu’une personne était venue et lui avait demandé de sortir du véhicule, pour ensuite quitter les lieux au volant de ce dernier. Quant à B._, il a déclaré ignorer tout de cette histoire, ce qui n’est pas crédible, mais néanmoins sans pertinence pour statuer sur la culpabilité de son frère. A._ s’est quant à lui référé à ses déclarations faites en cours d’enquête, selon lesquelles il aurait demandé à W._ de lui remettre les clés du véhicule appartenant à N._, au volant duquel il se trouvait, et d’avoir déplacé le véhicule pour le mettre sur une place afin d’éviter toute contravention.
Comme relevé par le premier juge, l’excuse du véhicule soi-disant déplacé pour éviter une amende n’est pas plausible. En effet, c’est W._ qui se trouvait au volant du véhicule de N._ et qui en avait par conséquent la responsabilité. De ce fait, rien ne justifiait qu’A._ se préoccupe de cette question. Il faut donc retenir que le prévenu a déplacé le véhicule sans une quelconque autorisation afin d’être en mesure de dire à N._ de venir le rechercher. Ces faits sont constitutifs d’une course non autorisée tombant sous le coup de l’art. 94 ch. 1 aLCR.
Certes, W._ a « donné » les clés à A._ et a déclaré n’avoir pas été menacé. Dès lors, rien n’indique que le prévenu ait pris les clés à l’insu de l’intéressé, par la force ou par surprise. W._ étant le dépositaire du véhicule de N._, se pose la question de savoir si l’on peut en déduire la « non-soustraction » dudit véhicule. Il n’est pas possible d’arriver à une telle conclusion, dès lors que l’on sait que le but d’A._ était – comme déjà mentionné – d’obtenir un contact avec N._. Son intention était donc d’emmener le véhicule à cette fin, sans pour autant avoir l’intention de se l’approprier. Selon les déclarations du prévenu lui-même, W._ n’a pas eu le choix puisqu’il a déclaré : « j’ai ensuite demandé à un des deux d’appeler N._ pour qu’ils l’avertissent qu’ils avaient pris sa voiture » (PV aud. 8 p. 3). La version de l’appelant va dans le même sens lorsqu’il dit : « je lui ai dit de me donner les clés et que j’allais appeler N._. Il a alors parqué le véhicule vers les locaux. Pour ma part, je l’ai déplacé [...]» (PV aud. 4 p. 3). Nonobstant le fait que la transmission des clés puisse faire penser à une transmission de la maîtrise sur le véhicule, il résulte de l’ensemble des circonstances que tel n’était pas le cas et que l’on se trouve, en l’espèce, dans un cas de vol d’usage. L’appel doit donc être rejeté sur le principe.
4.
L’appelant ne conteste pas sa culpabilité s’agissant de l’infraction à la Loi fédérale sur les armes. Il soutient néanmoins qu’il s’agit d’un cas de peu de gravité qui justifie une exemption de peine au sens de l’art. 52 CP, puisque le fusil de chasse T03-17 ne comportait pas de magasin.
4.1
4.1.1
L’art. 33 al. 1 let a LArm (RS 514.54) prévoit que
sera puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire quiconque, intentionnellement et sans droit, offre, aliène, acquiert, possède, fabrique, modifie, transforme, porte, exporte vers un Etat Schengen ou introduit sur le territoire suisse des armes, des éléments essentiels d'armes, des composants d'armes spécialement conçus, des accessoires d'armes, des munitions ou des éléments de munitions, ou en fait le courtage.
L’art. 12 al. 1 let. d OArm (Ordonnance sur les armes, les accessoires d’armes et les munitions, RS 514.541) interdit aux ressortissants du Kosovo l’acquisition, la possession, l’offre, le courtage et l’aliénation d’armes, d’éléments essentiels d'armes, de composants d'armes spécialement conçus, d'accessoires d'armes, de munitions ou d'éléments de munitions, ainsi que le port d'armes et le tir avec des armes à feu.
4.1.2
L’art. 52 CP prévoit que l’autorité compétente renonce à poursuivre l’auteur, à le renvoyer devant le juge ou à lui infliger une peine si sa culpabilité et les conséquences de son acte sont peu importantes. L’importance de la culpabilité et celle du résultat dans le cas particulier doivent être évaluées par comparaison avec celle de la culpabilité et celle du résultat dans les cas typiques de faits punissables revêtant la même qualification (ATF 135 IV 130 c. 5.3.3.3). En d’autres termes, il faut qu'une appréciation globale du comportement du prévenu, en soi illicite eu égard aux éléments constitutifs de l'infraction, fasse apparaître que l'acte en cause et la culpabilité de son auteur, mesurés au cas normal, sont nettement moins graves (Message du Conseil fédéral concernant la modification du code pénal suisse, FF 1999 pp. 1787 ss, spéc. 5100). Cette différence doit être tellement nette que le fait d'infliger une sanction pénale paraîtrait injustifié, tant du point de vue de la prévention générale que de celui de la prévention spéciale (ibidem). Ainsi, on doit, d'une part, se trouver en présence d'infractions minimes par rapport au résultat et à la culpabilité de l'auteur, et d'autre part, le comportement de l'auteur doit apparaître négligeable par rapport à d'autres actes qui tombent sous le coup de la même disposition légale (Kuhn/Moreillon/Viredaz/Bichovsky, La nouvelle partie générale du Code pénal suisse, Berne 2006, p. 267). La culpabilité de l’auteur se détermine selon les règles générales de l’art. 47 CP (ATF 135 IV 130 c. 5.2.1), mais aussi selon d’autres critères, comme le principe de célérité ou d’autres motifs d’atténuation de la peine indépendants de la faute (tels que l’écoulement du temps depuis la commission de l’infraction, ATF 135 IV 130 c. 5.4).
4.2
L’appelant a dans un premier temps indiqué à la police n’avoir pas eu connaissance de la présence de l’arme dans sa cave, précisant qu’elle appartenait à son cousin. Ce n’est qu’une fois confronté à des photographies postées sur Facebook, sur lesquelles il apparaît avec ce fusil, qu’A._ a admis avoir été au courant de sa présence dans sa cave, indiquant cette fois que « des personnes qui ont logé qui l’y ont laissé » (P. 9, PV aud. 12 p. 3). Il sied de préciser que le T03-17 est un fusil de chasse d’origine russe qui est réputé pour son efficacité, sa précision et sa dangerosité, peu importe qu’il n’ait pas été muni d’un magasin. Le fusil a été découvert à la cave, dissimulé derrière des enceintes, ce qui tend à démontrer que l’appelant savait parfaitement de quoi il en retournait. Au vu de la législation claire en la matière s’agissant de l’interdiction applicable aux ressortissants du Kosovo et du comportement d’A._ qui ne peut être considéré comme négligeable, l’exemption de toute peine au sens de l’art. 52 CP est exclue.
5.
L’appelant conteste la peine ferme fixée par le premier juge. A défaut d’une exemption de peine, la peine prononcée devrait, selon lui, être assortie du sursis, en l’absence de tout pronostic défavorable.
La nature de la peine prononcée par le Tribunal de première instance, ainsi que le montant fixé du jour-amende ne sont pas contestés par l’appelant.
5.1
5.1.1
L’art. 94 al. 1 aLCR et l’art. 33 al. 1 let. a LArm prévoient le prononcé d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
5.1.2
Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale (TF 6B_85/2013 du 4 mars 2013 c. 3.1; ATF 134 IV 17 c. 2.1).
5.1.3
Selon l'art. 42 CP, le juge suspend en règle générale l’exécution d’une peine pécuniaire, d’un travail d’intérêt général ou d’une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu’une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l’auteur d’autres crimes ou délits (al. 1). Si, durant les cinq ans qui précèdent l’infraction, l’auteur a été condamné à une peine privative de liberté ferme ou avec sursis de six mois au moins ou à une peine pécuniaire de 180 jours-amende au moins, il ne peut y avoir de sursis à l’exécution de la peine qu’en cas de circonstances particulièrement favorables (al. 2).
Sur le plan subjectif, le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. La question de savoir si le sursis serait de nature à détourner l'accusé de commettre de nouvelles infractions doit être tranchée sur la base d'une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Le pronostic doit être posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement (ATF 134 IV 1 c. 4.2.1). Le sursis est désormais la règle dont on ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable. Il prime en cas d'incertitude (TF 6B_492/2008 du 19 mai 2009 c. 3.1.2; ATF 134 IV 1 c. 4.2.2). La présomption d’un pronostic favorable, respectivement du défaut d’un pronostic défavorable, ne s’applique en revanche plus si durant les cinq ans qui précèdent l’infraction, le prévenu a été condamné à une peine privative de liberté ferme ou avec sursis de six mois au moins ou à une peine pécuniaire de 180 jours-amende au moins. L’octroi du sursis n’entrera alors en considération que si, malgré l’infraction commise, on peut raisonnablement supposer, à l’issue de l’appréciation de l’ensemble des facteurs déterminants, que le condamné s’amendera (ATF 134 IV 1 c. 4.2.3). Ainsi, en cas de récidive au sens de l'art. 42 al. 2 CP, seules deux hypothèses sont envisageables : soit les circonstances sont particulièrement favorables et le sursis total doit être accordé à l'auteur; soit les circonstances sont mitigées ou défavorables et le sursis, respectivement partiel ou total, est alors exclu (TF 6B_492/2008 du 19 mai 2009, c. 3.1.3, non publié aux ATF 135 IV 152).
Selon l'art. 42 al. 4 CP, le juge peut prononcer, en plus d'une peine assortie du sursis, une peine pécuniaire sans sursis ou une amende selon l'art. 106 CP. Cette combinaison se justifie lorsque le sursis peut être octroyé, mais que, pour des motifs de prévention spéciale, une sanction ferme accompagnant la sanction avec sursis paraît mieux à même d'amener l'auteur à s'amender. Elle doit contribuer, dans l'optique de la prévention tant générale que spéciale, à renforcer le potentiel coercitif de la peine avec sursis. Cette forme d'admonestation adressée au condamné doit attirer son attention (et celle de tous) sur le sérieux de la situation en le sensibilisant à ce qui l'attend s'il ne s'amende pas (ATF 134 IV 60 c. 7.3.1). La combinaison prévue à l'art. 42 al. 4 CP constitue un "sursis qualitativement partiel" (ATF 134 IV 1 c. 4.5.2). La peine prononcée avec sursis reste prépondérante, alors que la peine pécuniaire sans sursis ou l'amende est d'importance secondaire. Cette combinaison de peines ne doit pas conduire à une aggravation de la peine globale ou permettre une peine supplémentaire. Elle permet uniquement, dans le cadre de la peine adaptée à la culpabilité, une sanction correspondant à la gravité des faits et à la personnalité de l'auteur. Les peines combinées, dans leur somme totale, doivent être adaptées à la faute (ATF 134 IV 1 c. 4.5.2 p. 8; 134 IV 60 c. 7.3.2). Pour tenir compte du caractère accessoire des peines cumulées, il se justifie en principe d'en fixer la limite supérieure à un cinquième, respectivement à 20 %, de la peine principale; des exceptions sont possibles en cas de peines de faible importance pour éviter que la peine cumulée n'ait qu'une portée symbolique (ATF 135 IV 188 c. 3.4.4).
5.1.4
Aux termes de l'art. 49 CP, si, en raison d’un ou de plusieurs actes, l’auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l’infraction la plus grave et l’augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine (al. 1). Si le juge doit prononcer une condamnation pour une infraction que l’auteur a commise avant d’avoir été condamné pour une autre infraction, il fixe la peine complémentaire de sorte que l’auteur ne soit pas puni plus sévèrement que si les diverses infractions avaient fait l’objet d’un seul jugement (al. 2).
Le cas – normal – de concours réel rétrospectif se présente lorsque l'accusé, qui a déjà été condamné pour une infraction, doit être jugé pour une autre infraction commise avant le premier jugement, mais que le tribunal ignorait. L'art. 49 al. 2 CP enjoint au juge de prononcer une peine complémentaire ou additionnelle (Zusatzstrafe), de telle sorte que l'auteur ne soit pas puni plus sévèrement que si les diverses infractions avaient fait l'objet d'un seul jugement. Concrètement, le juge doit se demander comment il aurait fixé la peine en cas de concours simultané, puis déduire de cette peine d'ensemble hypothétique la peine de base, soit celle qui a déjà été prononcée (TF 6B_455/2013 du 29 juillet 2013 c. 2.4.1 et les références citées). Le prononcé d'une peine complémentaire suppose que les conditions d'une peine d'ensemble au sens de l'art. 49 al. 1 CP sont réunies. Une peine additionnelle ne peut ainsi être infligée que lorsque la nouvelle peine et celle qui a déjà été prononcée sont du même genre. Des peines d'un genre différent doivent en revanche être infligées cumulativement car le principe d'absorption n'est alors pas applicable (TF 6B_1082/2010 du 18 juillet 2011 c. 2.2 et les références citées). En cas de concours rétrospectif partiel, soit lorsque le juge est appelé à sanctionner à la fois des infractions plus anciennes qu’une précédente condamnation et des infractions nouvelles, celui-ci doit prononcer une peine d’ensemble. Il doit pour cela déterminer l’infraction pour laquelle la loi prévoit la peine la plus grave; s’il s’agit de l’infraction ancienne, le juge raisonne à partir de la peine, qui la concerne et y ajoute la peine théorique liée à l’infraction nouvelle. A l’inverse, si c’est l’infraction récente qui est la plus grave, la peine qu’elle mérite sert de base; le juge y ajoute la peine théoriquement complémentaire qui concerne l’infraction ancienne. Cette méthode permet d'appliquer l'art. 49 al. 1 CP sans négliger l'art. 49 al. 2 CP. Sur le plan formel, la sanction est toujours une peine d'ensemble mais, sur celui de sa quotité, il est tenu compte du concours rétrospectif (ATF 116 IV 14 c. 2b et les références citées; TF 6B_28/2008 du 10 avril 2008 c. 3.3.2).
5.2
Dans le cas d’espèce, on se réfère au considérant 4.2 supra s’agissant de l’exclusion de l’exemption de peine. C’est donc à juste titre que le Tribunal de première instance a prononcé une peine pécuniaire à l’encontre de A._.
Le casier judiciaire d’A._ comporte une condamnation à 30 jours-amende à 50 fr. avec sursis pendant deux ans et une amende à 400 fr. pour violation des règles de la circulation routière, conduite d’un véhicule automobile malgré le refus, le retrait ou l’interdiction de l’usage du permis. Cette peine a été prononcée le 30 août 2013 par le Ministère public de l’arrondissement de Lausanne, soit à une date postérieure aux faits de la présente cause. Il y a dès lors lieu de prononcer une peine complémentaire au regard de l’art. 49 al. 2 CP.
La culpabilité d’A._ est manifeste. Le premier juge a examiné les antécédents d’A._ et de B._ pour établir leur pronostic et justifier le prononcé d’une peine ferme. Force est de constater que la situation des deux prévenus s’agissant de l’existence de condamnations antérieures n’était pas similaire. En effet, au moment des faits, le casier judiciaire de B._ comportait déjà une condamnation, ce qui n’était pas le cas de celui de son frère A._. Quant au fait de nier les faits tout au long de la procédure, cet élément ne saurait à lui seul être suffisant pour fonder un pronostic défavorable. Au vu des considérants 5.1.3 et 5.1.4 supra, rien ne justifie de ne pas octroyer le sursis à A._. Néanmoins, au regard de l’art. 42 al. 4 CP, la peine prononcée sera assortie d’une amende à titre de sanction immédiate.
L’appel doit ainsi être admis sur ce point.
Tout bien considéré, une peine pécuniaire de 45 jours à 40 fr. avec sursis pendant deux ans doit être prononcée pour sanctionner le comportement d’A._. Une amende de 300 fr. à titre de sanction immédiate doit également être prononcée, dont le taux de conversion est fixé à 100 francs. Cette peine sera complémentaire à celle prononcée par le Ministère public de l’arrondissement de Lausanne le 30 août 2013.
6.
L’appelant demande une réduction des frais de première instance.
6.1
Conformément à l'art. 418 al. 1 CPP, lorsque plusieurs personnes sont astreintes au paiement des frais, ceux-ci sont répartis proportionnellement entre elles.
Cette répartition doit rester la règle, mais on peut toutefois, le cas échéant, tenir compte de la gravité de l’infraction imputée à chacun au moment de fixer cette répartition (Crevoisier, in : Kuhn/Jeanneret (éd.), Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 1 ad art 418 CPP).
Par ailleurs, l’art. 426 al. 2 CPP dispose que, lorsque la procédure fait l’objet d’une ordonnance de classement ou que le prévenu est acquitté, tout ou partie des frais de procédure peuvent être mis à sa charge s’il a, de manière illicite et fautive, provoqué l’ouverture de la procédure ou rendu plus difficile la conduite de celle-ci.
6.2
Dans le cas d’espèce, l’instruction pénale a été ouverte en septembre 2012, puis étendue en juillet 2013 pour les différents faits dénoncés par N._. Ces faits ont engendré diverses mesures d’instruction avec pour conséquence une enquête pénale qui a duré deux ans avant d’être transmise au tribunal pour jugement. Le Tribunal de première instance a finalement admis que les prévenus n’avaient jamais fait pression sur N._ pour le remboursement de sa dette, de sorte qu’ils ont été libérés du chef de prévention de tentative d’extorsion et chantage. Le comportement fautif et illicite d’A._ sur ce point ne saurait justifier que l’ensemble des frais lui soient imputés. Les frais de première instance doivent être réduits de moitié, soit à 1'500 francs. L’appel est ainsi admis sur ce point.
7.
En conclusion, l'appel est partiellement admis et le jugement attaqué modifié dans le sens des considérants qui précèdent.
Vu l'issue de la cause, les frais de la procédure d'appel, constitués de l’émolument de jugement, par 2'160 fr., sont mis par moitié à la charge de l’appelant, le solde étant laissé à la charge de l’Etat (art. 428 al. 1, 1ère phrase, CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
25b2c9da-3e60-480b-8089-3ea714c2e6ff | En fait :
A.
Par jugement du 17 février 2011, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a libéré V._ du chef d'accusation d'abus d'autorité (I), dit que le DVD-R avec les images tirées du système de vidéosurveillance des locaux de l'Hôtel de police le 17 juillet 2009 entre 04h00 et 08h45 versé sous fiche de pièce à conviction n° 45348 demeurera au dossier au titre de pièce à conviction (II) et mis une partie des frais de la cause par 1'114 fr. 95 à la charge de V._, le solde étant laissé à la charge de l'Etat (III).
B.
Le 22 février 2011, le Ministère public a formé appel contre ce jugement.
Par déclaration d'appel motivée du 23 mars 2011, il a conclu à la réforme du jugement précité en ce sens que V._ est condamné pour abus d'autorité à dix jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 75 fr., avec sursis pendant deux ans, et que les frais de justice liés à l'instruction et à l'audience sont mis à la charge du prévenu, les frais de la procédure d'appel étant laissés à la charge de l'Etat.
Par courrier du 18 avril 2011, l’intimé V._ a annoncé qu’il renonçait à présenter une demande de non-entrée en matière et à déclarer un appel joint.
Aux débats du 23 juin 2011, la Présidente a confirmé que la Cour d'appel avait préalablement visionné les séquences filmées par les caméras de surveillance des locaux de l'Hôtel de police. Les parties ont été entendues. Le procureur a précisé qu'il renonçait à requérir l'aggravation de l’accusation du chef de lésions corporelles simples qualifiées et a confirmé les conclusions prises dans son écriture. V._ a, quant à lui, conclu au rejet de l'appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Le prévenu V._, né en 1978, de nationalité suisse, originaire de St-Cierges/VD, est entré à la police municipale de Lausanne à l'âge de 17 ans. Il y a fréquenté l'école de police, qu'il a terminée deux ans plus tard. Il a le grade de brigadier. Il est marié et père de deux filles de trois ans et neuf mois, et de deux ans et deux mois, ainsi que d'un garçon de huit mois. Son épouse s'occupe des enfants et du ménage. Il touche un salaire mensuel net de 7'300 francs. Le loyer de l'appartement familial s'élève à 2'400 fr. par mois, charges comprises. Il paie 900 fr. d'impôts par mois. Les primes d'assurance-maladie sont de 164 fr. 60 pour lui et 369 fr. 60 pour le reste de la famille. Il n'a plus de leasing sur son véhicule, mais un crédit pour lequel il s'acquitte de mensualités de 460 francs. Il n'a pas d'autres dettes. Son casier judiciaire est vierge.
2.
2.1
Le 16 juillet 2009, F._ fêtait ses 20 ans. A cette occasion, son père lui a remis 600 fr. pour faire la fête avec des amis. F._ s'est rendu dans divers établissements publics, où il a consommé de l'alcool et sans doute d'autres produits. Au [...], il a ramassé un porte-monnaie tombé par terre et en a vidé le contenu, soit environ 10 fr. en monnaie. Avertis par un tiers, les securitas sont intervenus et ont fait appel à Police-secours. Deux agents de la section B ont amené le jeune homme à l'Hôtel de police. Celui-ci a été soumis à une fouille complète, laquelle n'a rien révélé de particulier. Il a ensuite subi un test à l'éthylomètre, qui a indiqué un taux d'alcoolémie de 1.3 g ‰, à 04h00, le 17 juillet 2009. Au terme de cette procédure, il a été placé en box de maintien, à disposition des inspecteurs de la Police municipale de Lausanne. F._ est devenu très agité. Il s'est mis à frapper contre les murs et à donner des coups de pieds contre la porte. Il a enlevé son t-shirt et fait mine de le mettre autour de son cou. Il en a fait de même avec ses pantalons. Il a également essayé de cacher la caméra qui se trouve dans le box, mais sans succès.
Le 17 juillet 2009, à 04h00, la section D de Police-secours, dont V._ est brigadier, a succédé à la section B. C'est à ce moment-là que le prévenu, qui n'avait pas participé à l'interpellation de F._ au [...], ni ne l'avait accueilli lorsque ce dernier était arrivé à l'Hôtel de police, a pris son service, lequel devait se terminer à midi. V._ et F._ ne se connaissaient pas.
Vu le comportement du jeune homme, le chef de la section D, le premier lieutenant G._, a décidé de le placer sur un lit de contention afin de le protéger contre lui-même. C'est V._ qui, avec son équipe, s'en est chargé, étant précisé que selon la procédure, ils devaient être au moins six et que c'est V._ qui donnait des instructions à ses collègues. Il a également été fait appel à un médecin.
Au moment d'être placé sur le lit de contention, F._ s'est calmé et a obtempéré; il était 04h12, comme il ressort des images de la vidéosurveillance. A 04h17, il s'est retrouvé seul dans le box de maintien, couché sur le dos et attaché au lit. Il a alors tout essayé pour se libérer de ses liens. Cinq minutes à peine après le départ des agents, il est parvenu à uriner sur le sol et le mur, à faire ensuite glisser sous ses genoux les liens qui tenaient ses cuisses, à passer sa tête sous une des sangles et à mordre le lien qui tenait sa main gauche. A 04h26, V._ est entré dans le box, accompagné d'un autre policier; le premier a pris le mode d'emploi du lit de contention et l'a feuilleté pendant deux minutes, tandis que le second s'est mis à chercher les aimants que F._ avait réussi à enlever. Les deux agents sont sortis du local à 04h28, sans avoir essayé de replacer les liens. Particulièrement excité, le jeune homme est ensuite parvenu à abaisser le dossier surélevé du lit et à passer sa tête sous la sangle droite. A 04h31, le prévenu est retourné dans le box, a enlevé une barre située sous le lit, a redressé le dossier et a réussi à replacer la tête de l'intéressé entre les deux sangles, malgré la résistance farouche de ce dernier. Cette intervention n'a toutefois pas empêché F._ de repasser sa tête sous le lien et d'invectiver le brigadier; celui-ci est sorti de la pièce à 04h32. Deux minutes plus tard, cinq agents sont entrés dans le local et V._ a replacé sous le lit la barre précédemment enlevée. Un sixième policier les a ensuite rejoints. Jusqu'à 04h40, soit pendant six minutes, ils ont essayé, d'abord à deux, puis à trois, et enfin à quatre, de remettre les liens à leur place, y parvenant enfin en maintenant fermement la tête de F._. Lors de cette intervention, ce dernier a invectivé les agents et a craché au visage de l'intimé. Une fois seul, il a tenté à plusieurs reprises de se délier et a repassé la tête sous une des sangles.
A 04h44, le médecin est intervenu. Il a réussi à communiquer avec F._ et à procéder à un examen médical sommaire. Après son départ, le jeune homme a libéré ses deux cuisses. V._ est ensuite retourné dans le local, en compagnie de deux autres collègues, et lui a attaché les deux jambes; il était 05h02. Puis, jusqu'à 05h37, F._ s'est retrouvé seul. Il s'est alors mis à s'agiter à tel point qu'il a fait bouger le lit, a libéré sa cuisse droite et a détaché une partie des sangles qui tenaient son torse, ce qui a derechef nécessité l'intervention, de 05h37 à 05h51, de V._ et de son équipe. Plus précisément, à un moment situé entre 05h37 et 05h49, F._ a de nouveau craché au visage de l'intimé et s'est mis à proférer à son encontre des insultes telles que "fils de pute" ou "connard". Il est allé crescendo dans ses invectives, puisqu'il a même dit au brigadier : "Je la mets dans la chatte de ta mère et mon père aussi". Dans un premier temps, l'intimé et trois de ses collègues se sont limités à chercher les aimants sur le sol et sous le corps de F._ – aimants que deux agents ont finalement retrouvés dans le slip du prénommé quelque quarante minutes plus tard. Ils ont ensuite fixé les liens. Le jeune continuant à s'agiter, le prévenu lui a repoussé la tête, pendant que les autres essayaient de le bâillonner. Puis, un cinquième policier est arrivé, suivi de peu d'un sixième, qui est entré dans le local, menottes dans les mains et les bras levés en signe de victoire; il était 05h46. Quelques secondes après, un agent est sorti du local, tandis que V._ était occupé avec un collègue à remettre les liens autour du torse de F._ et qu'un autre se chargeait de la sangle qui devait tenir sa jambe. A 05h49, V._ a libéré la main droite du lésé pour l'attacher au lit au moyen des menottes; alors qu'il tenait de sa main droite le poignet droit de F._, celui-ci s'est tourné vers lui et lui a dit qu'il "baisait ses filles". C'est à ce moment-là que l'intimé a asséné un coup de poing au visage de F._, qui était toujours tourné vers lui, sans qu'aucun des quatre autres agents ne réagisse. Il lui a ensuite bloqué le bras droit avec ses deux mains, avant de repousser et de tenir fermement sa tête d'une main pendant quelques secondes. Lorsqu'il lui a lâché la tête, un autre agent, aidé par un troisième policier, l'a maintenue de ses deux mains. Après avoir essuyé le sang sur la bouche du lésé, le prévenu est sorti du box; il était 05h51. Trois minutes plus tard, ses collègues ont, à leur tour, quitté le local.
V._ a immédiatement avisé son supérieur, le premier lieutenant G._, de ce qui s'était passé; celui-ci s'est alors rendu chez le jeune homme, qui s'était calmé entre-temps. Le lésé a admis les injures et a déclaré qu'il allait déposer plainte, ce qu'il n'a finalement pas fait. Le premier lieutenant a enjoint l'intimé de rédiger un rapport sur son comportement, rapport qu'il a fait suivre auprès du chef de division et qui a ensuite été transmis au commandant.
A 06h41, le prévenu est retourné seul dans le box et a discuté tranquillement pendant dix minutes avec F._, qui était toujours couché sur le lit de contention.
Le coup de poing lui ayant provoqué une entaille sur la lèvre supérieure, le lésé a été examiné sur place par les ambulanciers, puis a été transporté au CHUV pour y subir deux points de suture.
2.2
V._ craint un licenciement. A ce jour, aucune sanction administrative n'a été prononcée à son encontre, son employeur attendant l'issue de la procédure pénale. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 3 ad art. 399 CPP). La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
Le Ministère public a, de droit, la qualité pour faire appel, en application de l'art. 381 al. 1 CPP.
En l’occurrence, interjeté dans les formes et délais légaux contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
3.
Le Ministère public conteste la libération du prévenu de l'accusation d'abus d'autorité au sens de l'art. 312 CP. Il soutient que le tribunal a confondu les éléments objectifs et subjectifs de cette infraction et qu'il a fait une mauvaise application de la jurisprudence en la matière.
3.1
Aux termes de l'art. 312 CP, les membres d'une autorité et les fonctionnaires qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, ou dans le dessein de nuire à autrui, auront abusé des pouvoirs de leur charge, seront punis d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
Cette disposition punit l'abus d'autorité, soit l'emploi de pouvoirs officiels dans un but contraire à celui recherché. Elle protège, d'une part, l'intérêt de l'Etat à disposer de fonctionnaires loyaux qui utilisent les pouvoirs qui leur ont été conférés en ayant conscience de leur devoir et, d'autre part, l'intérêt des citoyens à ne pas être exposés à un déploiement de puissance étatique incontrôlé et arbitraire (TF 6S.171/2005 du 30 mai 2005 c. 2.1 et la réf. cit.).
Sur le plan objectif, cette infraction suppose que l'auteur soit un membre d'une autorité ou un fonctionnaire au sens de l'art. 110 al. 3 CP, qu'il ait agi dans l'accomplissement de sa tâche officielle et qu'il ait abusé des pouvoirs inhérents à cette tâche (Corboz, Les infractions en droit suisse, Vol. II, Berne 2010, n. 1 ss ad art. 312 CP).
Cette dernière condition est réalisée lorsque l'auteur exerce de manière illicite le pouvoir qu'il détient en vertu de sa charge, en décidant ou contraignant alors qu'il n'est pas autorisé à le faire, mais aussi lorsque, bien qu'en agissant licitement, il utilise des moyens excessifs (TF 6B_688/2010 du 21 octobre 2010 c. 2.1 et les réf. cit.).
Dans un arrêt du 23 août 2001 (ATF 127 IV 209, JT 2003 IV 117), le Tribunal fédéral a précisé la jurisprudence rendue précédemment (cf. ATF 108 IV 48, JT 1983 IV 45). Il a admis qu'on ne peut généralement limiter le champ d'application de l'art. 312 CP aux cas où l'utilisation des pouvoirs officiels a pour but d'atteindre un objectif officiel. Selon la Haute Cour, il est indubitable que cette disposition est aussi destinée à protéger les citoyens d'atteintes totalement injustifiées ou en tout cas pas motivées par l'exécution d'une tâche officielle, atteintes commises par des fonctionnaires durant l'accomplissement de leur travail. Ainsi, au moins en matière de violence et de contrainte exercées par un fonctionnaire, l'application de l'art. 312 CP dépend uniquement de savoir si l'auteur a utilisé ses pouvoirs spécifiques, s'il a commis l'acte qui lui est reproché sous le couvert de son activité officielle et s'il a ainsi violé les devoirs qui lui incombent. L'utilisation de la force ou de la contrainte doit apparaître comme l'exercice de la puissance qui échoit au fonctionnaire en vertu de sa position officielle.
Du point de vue subjectif, l'infraction suppose un comportement intentionnel, au moins sous la forme du dol éventuel. L'auteur doit avoir conscience de son statut et accepter l'éventualité d'abuser des pouvoirs de sa charge. A cette condition s'ajoute un dessein spécial, qui peut se présenter sous deux formes alternatives, soit le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite ou le dessein de nuire à autrui (Corboz, op. cit., n. 9 s. ad art. 312 CP; TF 6B_688/2010, précité).
3.2
En l'espèce, au regard de la jurisprudence récente du Tribunal fédéral, la Cour d'appel considère, avec l'appelant et contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, que les éléments constitutifs de l'infraction d'abus d'autorité sont réalisés.
Il est tout d'abord établi que le brigadier V._ est employé de l'Etat et donc fonctionnaire au sens du Code pénal.
Ensuite, conformément à la jurisprudence précitée, il ne fait pas de doute qu'en frappant F._, l'intimé a agi en étant protégé par son pouvoir. On rappellera que le lésé a été interpellé par deux agents de la section B de Police-secours parce que, alors qu'il se trouvait dans un établissement public, il avait ramassé un porte-monnaie sur le sol et en avait vidé le contenu. Il a été conduit à l'Hôtel de police et maintenu dans une cellule, à disposition des inspecteurs de la police municipale de Lausanne. Au vu de son état hystérique et de son comportement auto-agressif, il a été placé sur un lit de contention par V._ et ses collègues, tous agents de la section D de Police-secours, dont le prévenu est brigadier. A partir de cet instant, il se trouvait sous la garde de l'intimé et de son équipe, qui étaient ainsi tenus de le protéger. Bloqué sur le lit, il a tout tenté pour se libérer, ce qui a nécessité à plusieurs reprises l'intervention du prévenu et de ses collègues, préoccupés que le jeune homme puisse avaler les aimants qu'il avait réussi à enlever (cf. jugt, pp. 3 et 7). Alors que F._ se trouvait déjà depuis plus d'une heure et demi sur le lit, il a été décidé de l'attacher avec des menottes, l'intéressé étant parvenu à libérer une de ses cuisses et à détacher une partie des liens qui tenaient son torse. Lorsque V._ est entré dans le box et a, après quelques minutes, frappé F._, celui-ci était à sa merci, sans défense. Dans ces circonstances, force est de constater que le brigadier V._, qui a dirigé les opérations, a commis le geste litigieux sous le couvert de son activité officielle. Le fait que le lésé n'ait pas été arrêté et amené au poste par lui n'y change rien. Par ailleurs, il importe peu que l'utilisation de la force de la part de l'intimé n'avait pas en soi pour objectif de remplir une tâche officielle, comme par exemple pour calmer le jeune homme, l'empêcher de fuir, le contraindre à faire des déclarations ou poursuivre des examens médicaux, puisqu'elle apparaît objectivement en tout cas comme un exercice de la puissance publique qui appartient au policier en tant que détenteur d'un pouvoir en vertu de sa charge officielle (ATF 127 IV 209, précité, c. 1.c).
Enfin et surtout, le coup de poing donné par V._ ne trouve aucune justification en l'espèce. En effet, il sied de préciser, comme il résulte clairement des images vidéo, que le lésé a toujours eu les chevilles, les mains, les épaules et, en partie, le torse tenus par les sangles. S'il est vrai qu'il a craché au visage du prévenu et s'est mis à l'insulter, il n'a toutefois jamais tenté de le frapper – à supposer qu'il eût été en mesure de le faire –, et l'intimé ne prétend pas le contraire. Ce qui est reproché au brigadier, ce n'est pas d'avoir placé et maintenu F._ sur le lit de contention, la décision ayant d'ailleurs été prise par son supérieur, ni même de l'avoir menotté, le prévenu agissant dans les limites des ses prérogatives et en tenant compte de l'attitude du jeune homme, mais de l'avoir
frappé
pour avoir été insulté
.
Le comportement de V._ remplit donc les éléments constitutifs objectifs de l'art. 312 CP.
3.3
L'élément subjectif est aussi réalisé. Au moment des faits, le prévenu était en service depuis près de deux heures, en uniforme, entouré de quatre collègues, dans un box de maintien de l'Hôtel de police, face à une personne qu'il avait lui-même attachée sur un lit de contention et qui se trouvait dans un état second. Il ne pouvait dès lors qu'avoir conscience de son statut de policier lorsqu'il a frappé le lésé.
Le fait que "c'est le père qui a été blessé et à qui F._ a porté atteinte" (jugt, p. 17, par. 2) n'est pas déterminant à ce stade, mais doit être pris en considération dans le cadre de l'examen de la culpabilité du prévenu; ce qui compte, c'est que l'auteur ait accepté l'éventualité d'abuser des pouvoirs de sa charge, ce qui est le cas en l'occurrence. Le coup de poing était certes spontané, voire instinctif. L'intimé ne pouvait toutefois qu'envisager, au vu des circonstances d'espèce, que le jeune homme, qui l'avait pris à partie, comme il l'a lui-même admis (jugt, p. 3), et dont les insultes à son encontre allaient crescendo (cf. p. 10
supra
), aurait réagi à la première tentative de le menotter au lit. Qu'il n'ait jamais subi d'insulte concernant ses enfants auparavant ne saurait donc suffire à conclure, comme l'a fait le tribunal, qu'il a agi sans réfléchir et que, partant, il n'avait pas l'intention de commettre un abus de droit.
Il convient enfin d'établir si V._ a eu le dessein de nuire. Or, tel est bel et bien le cas. Le coup de poing donné par le prénommé, alors que celui-ci tentait, en compagnie de ses collègues, de bloquer le lésé au lit afin d'éviter qu'il se fasse du mal en avalant les aimants (jugt, p. 7), ne pouvait qu'être destiné à nuire et, par l'usage disproportionné de la force, le prévenu a, à tout le moins, admis de commettre un abus d'autorité.
3.4
En conséquence, l'infraction est réalisée et l'intimé ne saurait s'en libérer en invoquant des circonstances exceptionnelles qui, au moment des faits, l'auraient amené à oublier pendant un instant qu'il agissait en sa qualité de policier.
4.
Reste à fixer la peine. Le Ministère public requiert une peine pécuniaire de dix jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 75 fr., avec sursis pendant deux ans.
4.1
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
Selon la jurisprudence développée sous l'empire de l'art. 63 aCP, les éléments fondant la culpabilité que le juge doit examiner en premier lieu sont ceux qui se rapportent à l'acte lui-même, à savoir : du point de vue objectif, le résultat de l'activité illicite, le mode et l'exécution de l'acte ainsi que, du point de vue subjectif, l'intensité de la volonté délictueuse de l'auteur ou la gravité de la négligence et ses mobiles.
L'importance de la faute dépend de la liberté de décision dont disposait l'auteur; plus il lui aurait été facile de respecter la norme qu'il a enfreinte, plus lourdement pèse sa décision de l'avoir transgressée et, partant, sa faute.
En second lieu, le juge prendra en considération les éléments concernant la personne de l'auteur : ses antécédents, sa situation personnelle, tant familiale que professionnelle – qui comprend l'éducation reçue et la formation suivie – son intégration sociale, voire sa réputation ainsi que son attitude et son comportement après les faits et dans le cadre de la procédure pénale (Nicolas Queloz/Valérie Humbert, in : Roth/Moreillon [éd.], Commentaire romand, Code pénal I, Bâle 2009, n. 7 ad art. 47 CP; ATF 129 IV 6 c. 6.1, JT 2005 IV 229 c. 6.1; ATF 127 IV 101 c. 2a; ATF 118 IV 21 c. 2b).
L'art. 47 al. 1 CP fixe le principe et reprend le critère des antécédents et de la situation personnelle. La portée de l'absence d'antécédents doit être relativisée. En effet, sauf circonstances exceptionnelles, elle a un effet neutre sur la fixation de la peine et n'a donc plus à être prise en considération dans un sens atténuant (ATF 136 IV 1 c. 2.6.4). L'art. 47 al. 1 CP enjoint encore au juge de prendre en considération l'effet de la peine sur l'avenir du condamné. Cet aspect de prévention spéciale ne permet toutefois que des corrections marginales, la peine devant toujours rester proportionnée à la faute (TF 6B_14/2007 du 17 avril 2007 c. 5.2).
Codifiant la jurisprudence rendue sous l'empire de l'ancien droit (art. 63a CP), l'art. 47 al. 2 CP énumère de manière non limitative les critères permettant de déterminer le degré de gravité de la culpabilité de l'auteur. Ainsi, le juge devra prendre en considération la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné ainsi que le caractère répréhensible de l'acte, qui correspondent respectivement au "
résultat de l'activité illicite
" et au "
mode et exécution de l'acte
" de la jurisprudence (TF 6B_710/2007 du 6 février 2008 c. 3.2 et les réf. cit.). Sur le plan subjectif, le texte légal cite la motivation et les buts de l’auteur, qui correspondent aux mobiles de l’ancien droit, et la mesure dans laquelle l’auteur aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, qui se réfère au libre choix de l’auteur entre la licéité et l’illicéité (ATF 127 IV 101, précité, c. 2a). Concernant ce dernier élément, le législateur enjoint le juge de tenir compte de la situation personnelle de l’intéressé et des circonstances extérieures (TF 6B_143/2007 du 25 juin 2007 c. 8.1).
En vertu de l'art. 50 CP, le choix de la sanction, comme la quotité et la durée de celle qui est prononcée, doivent être motivés de manière suffisante. Le juge doit exposer dans sa décision les éléments essentiels relatifs à l'acte et à l'auteur qu'il prend en compte, de manière à ce que l'on puisse vérifier que tous les aspects pertinents ont été pris en considération et comment ils ont été appréciés, que ce soit dans un sens atténuant ou aggravant. La motivation doit justifier la peine prononcée, en permettant de suivre le raisonnement adopté, mais le juge n'est nullement tenu d'exprimer en chiffres ou en pourcentage l'importance qu'il accorde à chacun des éléments qu'il cite (ATF 127 IV 101 c. 2c et les arrêts cités). Plus la peine est élevée, plus la motivation doit être complète (ATF 134 IV 17 c. 2.1 et les arrêts cités).
4.2
Dès lors que le critère à prendre en considération pour la détermination du nombre de jours-amende est celui de la culpabilité du délinquant, les principes établis par la jurisprudence en matière de fixation de la peine privative de liberté s'appliquent également en matière de fixation de la peine pécuniaire (Kuhn/Moreillon/Viredaz/Bichovsky, La nouvelle partie générale du Code pénal suisse, Berne 2006, p. 163).
Quant à la quotité du jour-amende, l'art. 34 al. 2 CP prévoit qu'elle est de 3'000 fr. au plus. Le juge fixe le montant selon la situation personnelle et économique de l'auteur au moment du jugement, notamment en tenant compte de son revenu et de sa fortune, de son mode de vie, de ses obligations d'assistance, en particulier familiales, et du minimum vital.
4.3
4.3.1
En l'espèce, il convient tout d'abord de tenir compte, sous l'angle de la gravité de la faute, des circonstances dans lesquelles V._ a agi. Il ressort des images de la vidéosurveillance qu'entre le moment où F._ a été placé sur le lit de contention et celui où il a été frappé, soit pendant près d'une heure et demi, l'équipe du brigadier V._ est intervenue pas moins de sept fois pour examiner le lit, rattacher les sangles et chercher les aimants, par crainte que le jeune homme ne puisse les avaler. Celui-ci est même parvenu à uriner sur le sol et le mur de la cellule, à déplacer le lit et à abaisser le dossier; c'est dire s'il était dans un état second. Le prévenu a indiqué que c'était la première fois que ce lit était utilisé au sein de sa section (jugt, p. 7), ce qui expliquerait la raison pour laquelle ses collègues et lui ont dû se référer au mode d'emploi pour essayer d'attacher le lésé, ce qu'ils ont finalement réussi à faire, en utilisant les menottes. Contrairement à ce qu'a retenu le tribunal (jugt, p. 14), cette situation n'a pu que rendre le climat de travail des agents tendu et plus particulièrement influencer négativement l'état d'esprit de l'intimé, dans la mesure où c'est lui qui, pour avoir été formé au lit de contention, donnait des instructions à ses collègues, ce qui semble d'ailleurs avoir amené le lésé à considérer le brigadier en question comme responsable de ce qui lui arrivait (cf. jugt, p. 3). Ce nonobstant, on ne perçoit pas sur les images vidéo de comportement brutal ou de geste rageur de la part du prévenu, qui a donc su maîtriser la situation pendant plus d'une heure et demi.
Ensuite, il sied de constater que V._ n'a pas réagi aux insultes précédentes qu'il qualifie de "standard", ni à celle qui visait sa mère, ni même au crachat dont il a été l'objet, ce qui constitue également un élément favorable dans le cadre de la fixation de la peine.
A cela s'ajoute le comportement du prévenu qui, après avoir frappé le lésé, s'est chargé d'essuyer le sang sur sa bouche. Il a ensuite immédiatement avisé son supérieur de son geste en affichant une forme de malaise, celui-ci ayant précisé que le brigadier "était blanc et paraissait se sentir mal" (jugt, p. 6). On relèvera encore qu'en raison de son geste, ce dernier n'a pas déposé plainte pour les injures subies (jugt, p. 7). Le prévenu a spontanément présenté ses excuses au jeune homme le jour même des faits, excuses qu'il a renouvelées par la suite devant le Juge d'instruction (PV aud. 3, p. 2). De manière plus générale, il n'a pas hésité à admettre ses torts, ce qu'il a fait tout au long de la procédure pénale et jusqu'à l'audience de ce jour, acceptant par ailleurs de rédiger lui-même un rapport sur son comportement (pièce 5) et allant jusqu'à admettre spontanément avoir asséné, par le passé, une tape derrière la tête d'un prévenu, geste qui avait donné lieu à une enquête ayant abouti à un non-lieu (PV aud. 3, p. 2). Il a au surplus expressément regretté que son comportement ait pu jeter du discrédit sur l'ensemble du corps de police, attitude qui a paru sincère au premier juge (jugt, p. 16
in initio
).
On remarquera de surcroît que V._ a démontré clairement sa volonté de ne pas récidiver et a pris conscience que les insultes dont il est l'objet ne sont pas dirigées contre lui personnellement, mais contre sa fonction, et qu'il doit pouvoir faire la part des choses (jugt, p. 7).
Il convient encore d'observer que le prénommé, dépourvu d'antécédents, a une excellente réputation, étant décrit par le premier lieutenant de police G._, qui le connaît depuis plusieurs années, comme quelqu'un d'"impliqué, volontaire et pointu, notamment dans la formation de sections, les lois et les règlements" (jugt, p. 5).
Quant à l'effet de la peine sur l'avenir de l'intimé, qui est marié et père de trois enfants en bas âge, tout porte à croire qu'une peine clémente suffira à le détourner de commettre d'autres infractions, vu le risque de récidive faible, voire très faible, que présente le prévenu.
Enfin, la Cour d'appel estime que si le brigadier V._ a frappé F._, c'est parce qu'il était en proie à une émotion violente au sens de l'art. 48 al. 1 let. c CP causée par l'injure sexuelle grossière visant ses filles mineures, le Ministère public ayant d'ailleurs lui-même évoqué, lors de son réquisitoire, une telle possibilité, sans toutefois l'admettre expressément.
Selon la jurisprudence, l’émotion violente est un état psychologique particulier, d’origine émotionnelle et non pas pathologique, qui se caractérise par le fait que l’auteur est submergé par un sentiment violent qui restreint dans une certaine mesure sa faculté d’analyser correctement la situation ou de se maîtriser (ATF 119 IV 202 c. 2a). Pour que l’émotion violente donne lieu à une atténuation de la peine, il faut encore qu’elle soit excusable. Le fait que l’état de l’auteur soit psychologiquement explicable n’est pas décisif; il doit apparaître justifié selon une appréciation objective en fonction de critères éthiques. L’état de l’auteur doit tirer sa source non pas exclusivement ou à titre prépondérant de motifs égoïstes, mais de circonstances extérieures, telles que la provocation ou l’état de détresse. L’auteur ne doit pas être responsable ou principalement responsable de la situation conflictuelle qui provoque son émotion. Le juge doit se demander si un homme raisonnable, mais de la même condition que l’auteur, placé dans la même situation, se trouverait facilement dans un tel état (cf. not. ATF 108 IV 99 c. 3b, JT 1983 IV 98; ATF 107 IV 103 c. 2b/bb, JT 1982 IV 103).
En l'occurrence, avant de frapper F._, V._ avait, comme on l'a vu, subi plusieurs injures et des crachats de la part du lésé. Il a expliqué que s'il n'avait pas réagi à ces insultes, qu'il a qualifiées d'habituelles et "normales" (jugt, p. 7), il n'avait en revanche pas supporté celle visant ses filles, précisant sur ce point n'avoir jamais fait l'objet de tels propos auparavant, ni n'avoir jamais entendu ses collègues se plaindre d'avoir été insulté de cette façon (PV aud. 3; jugt, pp. 3 et 7). Or, sur la base de ces déclarations, dont il n'y a pas lieu de douter de la véracité ou de la sincérité, on admettra qu'au moment d'agir, le prévenu, qui n'était du reste pas particulièrement fatigué (jugt, p. 12, par. 2
in fine
), ne présentait aucune tendance à l'impulsivité et que même s'il se rendait compte que le jeune homme en avait spécifiquement après lui (jugt, p. 3), il n'avait aucune raison de penser qu'en le menottant, il s'exposerait à une insulte visant ses filles. Il n'a donc pas agi par esprit de vengeance, pas plus qu'il ne s'est retrouvé par sa faute dans cette situation conflictuelle. L'injure à laquelle il a réagi de manière spontanée et immédiate doit donc être assimilée à une provocation injuste permettant l'atténuation de la peine requise par le Ministère public.
En définitive, au regard de l'ensemble des circonstances et conformément aux critères d'application des art. 47, 48 et 48a CP, une peine pécuniaire de cinq jour-amende, assortie du sursis fixé au minimum légal de deux ans, est adéquate.
4.3.2
Pour fixer l
e montant du jour-amende, il convient de partir du revenu que l'auteur réalise en moyenne quotidiennement, quelle qu'en soit la source, car c'est la capacité économique réelle de fournir une prestation qui est déterminante. Constituent des revenus, outre ceux d'une activité lucrative dépendante ou indépendante, notamment les revenus d'une exploitation industrielle, agricole ou forestière, ainsi que les revenus de la fortune (loyers et fermages, intérêts du capital, dividendes, etc.), les contributions d'entretien de droit public ou privé, les prestations d'aide sociale ainsi que les revenus en nature (Message 1998, p. 1824). Ce qui est dû en vertu de la loi ou ce dont l'auteur ne jouit pas économiquement doit en être soustrait. Il en va ainsi des impôts courants, des cotisations à l'assurance-maladie et accidents obligatoire, ou encore des frais nécessaires d'acquisition du revenu, respectivement pour les indépendants, des frais justifiés par l'usage de la branche (Message 1998, p. 1824). Le principe du revenu net exige que seul le disponible excédant les frais d'acquisition du revenu soit pris en considération, dans les limites de l'abus de droit (TF 6B_541/2007, précité, c. 6.4.1).
En l'espèce, V._ réalise un salaire net de 7'300 fr. par mois. Les montant déductibles, au vu des principes susmentionnés, sont ses primes d'assurance-maladie, ascendant à 534 fr. 20, son loyer, soit 2'400 fr., et ses impôts qui s'élèvent à 900 francs; à cela s'ajoutent les mensualités d'un crédit à hauteur de 460 francs. Partant, le total des charges de l'intimé se monte à 4'294 fr. 20, ce qui, au vu du revenu précité, lui laisse un disponible de 3'005 fr. 80, soit 100 fr. 20 par jour. Partant, le montant du jour-amende que le Ministère public fixe, en conclusion de son appel et sans plus amples explications, à 75 fr. est adéquat.
5.
En conclusion, l'appel du Ministère public est admis.
6.
Vu l'issue de la cause, les frais de la procédure de première instance, d'un montant total de 2'546 fr. 95, restent pleinement imputables à l'intimé (art. 426 al. 1, 1
ère
phrase, CPP).
Les frais de la procédure d'appel sont, quant à eux, laissés à la charge de l'Etat, comme le requiert l'appelant.
La Cour d’appel pénale,
vu les articles 34, 42, 44, 47, 50, 312 CP; 398 ss CPP,
prononce :
I.
L'appel déposé le 23 mars 2011 par le Ministère public est admis.
II.
Le jugement rendu le 17 février 2011 par le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne est modifié en ce sens que son dispositif est le suivant :
I. Constate que V._ s'est rendu coupable d'abus d'autorité.
II. Condamne V._ à une peine pécuniaire de 5 (cinq) jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 75 fr. (septante-cinq francs).
III. Suspend l'exécution de la peine et fixe à V._ un délai d'épreuve de 2 (deux) ans.
IV. Dit que le DVD-R avec les images tirées du système de vidéosurveillance des locaux de l'Hôtel de police le 17.07.2009 entre 04h00 et 08h45 versé sous fiche de pièce à conviction n° 45348 demeurera au dossier au titre de pièce à conviction.
V. Met les frais de la cause, par 2'546 fr. 95, à la charge de V._.
III.
Les frais de la procédure d'appel sont laissés à la charge de l'Etat.
IV.
Le jugement est exécutoire. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
25c9e1d8-a5ee-4c29-a897-5882288d3ffd | En fait :
A.
Par jugement du 12 juillet 2011, le Tribunal de police de l’arrondissement de l'Est vaudois a constaté que A.M._ s'était rendu coupable de détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice, de menaces, de violation d'une obligation d'entretien et d'insoumission à une décision de l'autorité (I), l'a condamné à une peine pécuniaire de cent huitante jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 130 fr., et à une amende de 1'000 fr., peine partiellement complémentaire à celle prononcée le 25 janvier 2011 par le Ministère public de l'arrondissement de Lausanne (II), a dit qu'à défaut de paiement de l'amende, la peine privative de liberté de substitution serait de 10 jours (III) et que A.M._ était le débiteur de B.M._ de la somme de 2'000 fr. à titre d'indemnité pour tort moral (IV) et de X._ de la somme de 1'000 fr. à titre d'indemnité pour tort moral et d'un montant de 3'500 fr. pour ses frais d'intervention pénale (V) et a mis les frais de la cause, par 6'672 fr. 20, à la charge du prévenu, y compris l'indemnité de son défenseur d'office fixée à 3'607 fr. 20, TVA et débours compris (VI).
B.
Le 13 juillet 2011, A.M._ a formé appel contre ce jugement.
Par déclaration d'appel motivée du 4 août 2011, il a conclu principalement à la réforme du jugement précité en ce sens qu'il est libéré des accusations de détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice, de menaces, de violation d'une obligation d'entretien et d'insoumission à une décision de l'autorité et subsidiairement à son annulation et au renvoi de la cause à l'autorité de première instance pour nouveaux débats et nouveau jugement.
Le 10 août 2011, le Ministère public a annoncé qu’il renonçait à présenter une demande de non-entrée en matière et à déclarer un appel joint, puis, par courrier du 2 septembre 2011, il a déclaré qu'il s'en remettait à justice sur le sort de la cause, renonçant ainsi à déposer des conclusions motivées dans le délai qui lui avait été imparti.
La partie plaignante n'a pas contesté l'entrée en matière, ni n'a déposé d'appel joint. Par courrier du 20 septembre 2011, elle a requis l'audition comme témoin de [...], ancienne maman de jour de B.M._.
Par lettre du 26 septembre 2011, le Président de la cour de céans a rejeté la réquisition de preuve de la plaignante.
A l'audience de ce jour, la Cour d'appel a procédé à l'audition d'un témoin amené par la défense, E._, compagne de l'appelant.
Les parties ont ensuite signé une convention par laquelle X._ a déclaré retirer les plaintes qu'elle avait déposées contre le prévenu, en contrepartie d'une somme de 9'000 fr.
visant à couvrir l'arriéré des contributions d'entretien dues à B.M._
, montant que l'appelant a remis séance tenante à l'intimée,
se reconnaissant par ailleurs débiteur de cette dernière de la somme de 3'500 fr. pour ses frais de défense de première instance telle que retenue au ch. V du dispositif du jugement entrepris.
Le retrait de plaintes conduit ainsi à la libération de A.M._ pour les chefs d'accusation de menaces et de violation d'une obligation d'entretien.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Né le 9 février 1970, A.M._, divorcé de X._ et père de B.M._, née le 20 novembre 2001, vit en concubinage avec E._ et travaille comme assureur pour le compte de [...] SA. Il affirme gagner entre 4'000 fr. et 6'000 fr. net par mois, auxquels s'ajoutent les montants que son employeur verse directement à l'intimée, d'une part, soit 700 fr. par mois à titre de pension alimentaire pour leur fille B.M._, et à l'Office des poursuites, d'autre part, à savoir en moyenne 800 fr. par mois, ce qui représente selon ses déclarations un salaire moyen de 7'611 fr. par mois. Il s'acquitte de la moitié du loyer, par 550 fr. par mois, et de ses primes d'assurance-maladie, par 280 fr. Ses frais de déplacement s'élèvent mensuellement à 300 fr. et ses frais de repas à 250 fr.
A son casier judiciaire figurent quatre inscriptions :
- 1
er
juin 2005, Préfecture de Lausanne, violation grave des règles de la circulation routière, amende de 800 fr., avec sursis durant deux ans, échec de la mise à l'épreuve;
- 10 mai 2006, Juge d'instruction de Lausanne, conduite d'un véhicule automobile sans permis de conduire ou malgré un retrait, amende de 700 francs;
- 26 mars 2009, Juge d'instruction du Nord vaudois, escroquerie, 90 jours-amende à 60 fr., avec sursis pendant deux ans, et amende de 900 fr., assortie d'une règle de conduite, sursis non révoqué le 25 janvier 2011;
25 janvier 2011, Ministère public de l'arrondissement de Lausanne, détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice, 10 jours-amende à 20 fr., avec sursis pendant deux ans.
2.
2.1
Par décision du 6 mars 2008, le Juge de paix des districts de Vevey, de Lavaux et d'Oron a fait défense à A.M._, sous la menace de la peine d'amende prévue à l'art. 292 CP, de ne plus voir sa fille B.M._ et de renoncer à son droit de visite. Le prévenu ne s'est pas conformé à cet ordre et, à tout le moins entre mai 2008 et juin 2009, s'est rendu à plusieurs reprises à l'école de sa fille, à Lutry, afin de la rencontrer.
Il a été dénoncé par la Justice de paix du district de Riviera – Pays d'Enhaut.
2.2
Entre le 19 mai 2008 et le 8 mai 2009, l'appelant a fait l'objet d'une saisie de salaire auprès de l'Office des poursuites de l'arrondissement de Lausanne-Est en faveur de divers créanciers, dont X._. Lors des opérations de saisie des 19 mai et 25 août 2008, le prévenu a fait de fausses déclarations. Il a sciemment caché ses revenus de salarié auprès de [...] SA durant environ une année, affirmant, dans un premier temps, travailler comme assureur indépendant et être aidé financièrement par son père, avant de préciser qu'il gagnait entre 2'000 fr. et 2'500 fr. par mois dès octobre 2008, se prétendant sans revenu de mars à septembre 2008. Il a ajouté suivre des cours de courtier en assurances, ce qui s'est révélé faux, et vouloir défrayer ses créanciers en utilisant son deuxième pilier, ce qu'il n'a jamais fait. Il a signé les procès-verbaux des opérations de saisie faisant état d'une mise en garde quant aux conséquences pénales en cas de fausses déclarations.
Des actes de défaut de biens ont été délivrés aux créanciers, et notamment à l'intimée. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 3 ad art. 399 CPP). La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l’occurrence, interjeté dans les formes et délais légaux contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
3.
Vu le retrait de plaintes intervenu à l'audience du 7 octobre 2011, A.M._ doit être libéré des infractions de menaces et de violation d'une obligation d'entretien, celles-ci ne se poursuivant que sur plainte. Il reste donc à examiner les conséquences sur la peine de
l'abandon de ces deux infractions,
la question du sursis et le sort des frais de première et de seconde instance, A.M._ ayant, au cours des débats, expressément limité son appel à ces points (cf. art. 399 al. 4 CPP), à l'exclusion des griefs concernant les art. 169 et 292 CP (p. 5 ci-avant).
3.1
3.1.1
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
Selon l’art. 49 al. 2 CP, si le juge doit prononcer une condamnation pour une infraction que l’auteur a commise avant d’avoir été condamné pour une autre infraction, il fixe la peine complémentaire de sorte que l’auteur ne soit pas puni plus sévèrement que si les diverses infractions avaient fait l’objet d’un seul jugement. Ainsi, le juge appelé à prononcer la nouvelle peine, dite complémentaire, doit procéder en se demandant quelle peine il aurait fixée s’il avait eu à connaître des deux infractions en même temps et déduire de cette peine hypothétique celle qui a déjà été infligée (TF 6B_28/2008 du 10 avril 2008 c. 3.3). Le juge n'est toutefois pas lié par le genre de peine infligée lors du premier jugement (Jürg-Beat Ackermann, Basler Kommentar, Strafrecht I, 2 éd., 2007, n. 71 ad art. 49 CP).
S'il y a plusieurs infractions anciennes et plusieurs condamnations antérieures, il faut rattacher chacune de ces infractions à la condamnation qui a suivi la commission de l'acte, créant ainsi des groupes d'infractions. Le juge détermine ensuite l'infraction la plus grave induisant la peine de base, à laquelle viendront s'ajouter les peines additionnelles (ou complémentaires) de chaque groupe (ATF 116 IV 14, c. 2c).
3.1.2
Quant à la quotité du jour-amende, l'art. 34 al. 2 CP prévoit qu'elle est de 3'000 fr. au plus. Le juge fixe le montant selon la situation personnelle et économique de l'auteur au moment du jugement, notamment en tenant compte de son revenu et de sa fortune, de son mode de vie, de ses obligations d'assistance, en particulier familiales, et du minimum vital.
3.1.3
La réglementation en matière de fixation de l'amende, prévue à l'art. 106 al. 3 CP, dispose que le juge fixe l'amende et la peine privative de liberté de substitution en tenant compte de la situation de l'auteur afin que la peine corresponde à la faute commise.
C'est prise dans son ensemble que la peine prononcée doit correspondre à la culpabilité de l'auteur telle qu'elle est définie par la loi et c'est en regard de la sanction globale que l'autorité de céans doit examiner si la quotité de la peine pécuniaire et l'amende ont été fixées conformément aux principes qui viennent d'être rappelés (TF 6S.677/1996 du 4 novembre 1996 c. 2a).
3.2
3.2.1
En l'espèce, A.M._ doit être condamné, en définitive, pour les infractions de détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice et d'insoumission à une décision de l'autorité, la première infraction étant punissable d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire (art. 169 CP) et la seconde d'une amende (art. 292 CP).
La Cour d'appel pénale constate tout d'abord que le prénommé en est à sa cinquième condamnation en six ans. Sous l'angle de la gravité de la faute, on tiendra compte de la durée des faits incriminés, qui s'étendent sur plus d'une année, et du comportement de l'appelant, qui n'a pas hésité à mentir aux autorités, comme l'a indiqué le tribunal, allant jusqu'à déclarer faussement, par téléphone, à la secrétaire de l'Office du juge d'instruction que sa mère, avec laquelle il était en mauvais termes (p. 3 ci-dessus), était décédée (cf. procès-verbal des opérations, p. 4
in initio
; jugt, pp. 22 et 24).
Il faut encore relever que la bonne attitude du prévenu à l'audience d'appel, qui a fini par admettre les faits et qui a versé séance tenante à la plaignante la somme de 9'000 fr. à titre d'arriérés de pension alimentaire, s'engageant en outre à s'acquitter en trois fois du montant de 3'500 fr. pour les frais d'intervention pénale du conseil de l'intimée, contrebalance dans une certaine mesure son mauvais comportement en cours d'enquête.
Enfin, force est de constater que la peine qui doit être infligée à A.M._ pour les deux infractions
de détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice et d'insoumission à une décision de l'autorité
est partiellement complémentaire non seulement à celle prononcée le 25 janvier 2011 par le Ministère public de l'arrondissement de Lausanne (jugt, p. 25), mais également à celle infligée le 26 mars 2009 par le Juge d'instruction du Nord vaudois, ce que le premier juge a omis de constater.
En l'occurrence, on a affaire à deux groupes d'infractions, soit celles commises avant le 26 mars 2009 et celles perpétrées après cette date. Toutefois, dans la mesure où les deux nouvelles infractions susmentionnées, qui, à quelques semaines près, couvrent la même période, ont été commises principalement avant la condamnation de A.M._ pour escroquerie en date du 26 mars 2009 (soit onze mois avant et deux mois après cette date), la peine additionnelle pour ces deux infractions est pratiquement entièrement complémentaire à la peine pécuniaire de nonante jours-amende et à l'amende de 900 fr. infligées au prévenu à la date précitée. Ainsi, si on avait eu à connaître des trois infractions (escroquerie, détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice et insoumission à une décision de l'autorité) en même temps, on aurait prononcé une peine d'ensemble de cent trente jours-amende et 1'900 fr. d'amende.
En conséquence, a
u vu de ce qui précède, et compte tenu en particulier de l'abandon des infractions
de menaces et de violation d'une obligation d'entretien, il convient d'infliger à A.M._ une peine pécuniaire de quarante jours-amende et de confirmer l'amende de 1'000 fr. ainsi que la peine privative de liberté de substitution de 10 jours fixées par le premier juge, le taux de conversion de l'amende
en peine privative de liberté de substitution à 100 fr. le jour étant pour le surplus adéquat (cf. ch. 3.2.2 ci-dessous).
3.2.2
Reste à déterminer le montant du jour-amende. Le prénommé a indiqué aux débats d'appel (p. 5 ci-dessus) qu'il percevait entre 4'000 fr. et 6'000 fr. par mois, soit une moyenne de 5'000 fr., auxquels il faut encore ajouter, comme il ressort de la pièce 55,
le montant des saisies de salaire ascendant à 1'500 fr. par mois, à savoir 700 fr. à titre de pension alimentaire et 800 fr. versés à l'Office des poursuites, ce qui donne une somme de 6'500 fr. Il s'est référé au surplus au salaire moyen de 7'611 fr.
qui figure en page 25 du jugement entrepris; ce montant correspond, après déduction des 1'500 fr. susmentionnés, à 6'111 fr. par mois. Les autres montants déductibles sont ses primes d'assurance-maladie, par 280 fr., ses frais de déplacement, qui s'élèvent à 300 fr., ses frais de repas, par 250 fr., et la moitié du minimum vital du couple qui ascende à 850 francs. Partant, le total des charges de l'appelant se monte à 1'680 fr., ce qui, au vu du revenu moyen le plus favorable mentionné ci-avant, savoir 6'111 fr., lui laisse un disponible de 4'431 fr., soit 147 fr. 70 par jour. Partant, le montant de 130 fr. retenu par le tribunal est adéquat et peut être confirmé.
4.
Il faut encore examiner si la peine de quarante jours-amende infligée à A.M._ peut être assortie du sursis.
4.1
Selon l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire, d'un travail d'intérêt général ou d'une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits.
Sur le plan subjectif, le juge doit poser un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. Il suffit qu'il n'y ait pas de pronostic défavorable. Le sursis est la règle dont on ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable (
ATF 134 IV 1
c. 4.2.2 pp. 5 s.). Pour émettre ce pronostic, le juge doit se livrer à une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Il doit tenir compte de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement. Il ne peut accorder un poids particulier à certains critères et en négliger d'autres qui sont pertinents (
ATF 134 IV 1
c. 4.2.1 p. 5).
Pour p
oser le pronostic, le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation. Il y a toutefois violation du droit fédéral si la décision attaquée repose sur des considérations étrangères à la disposition applicable, si elle ne prend pas en compte les critères découlant de celle-ci ou si le juge s'est montré à ce point sévère ou clément que l'on doive parler d'un abus du pouvoir d'appréciation (ATF 119 IV 195, c. 3b et les arrêts cités).
4.2
En l'espèce, compte tenu de la conciliation intervenue à l'audience d'appel et de l'admission des infractions retenues en définitive, la Cour d'appel considère que A.M._ a montré une prise de conscience permettant de considérer que le pronostic n'est pas défavorable.
En conséquence, A.M._ peut être mis au bénéfice du sursis, la sanction qui lui est infligée étant pour le surplus partiellement complémentaire à deux autres peines prononcées elles aussi avec sursis.
4.3
En définitive, c'est une peine pécuniaire de quarante jours-amende à 130 fr. le jour-amende, avec sursis pendant deux ans, et une amende de 1'000 fr. qu'il convient de prononcer.
5.
En conclusion, l'appel de A.M._ est partiellement admis dans la mesure décrite ci-dessus.
6.
Reste à statuer sur le sort des frais de la procédure.
6.1
S
eul un comportement fautif au regard du droit civil peut justifier la mise des frais à la charge du prévenu contre lequel la plainte retirée avait été déposée (JT 1992 IV 52).
Le comportement fautif du prévenu doit être à l'origine de l'ouverture de l'enquête pénale ou alors, il doit s'agir d'une "faute procédurale", c'est-à-dire d'un comportement qui a compliqué ou prolongé la procédure, pour que les frais y relatifs puissent être mis à la charge de celui-ci. Selon le principe de la causalité des frais, le comportement du prévenu doit également être à l'origine des frais pour que ceux-ci puissent lui être imputés. Il faut que le prévenu ait clairement violé une norme de comportement écrite ou non écrite, résultant de l'ordre juridique suisse dans son ensemble, pour permettre une application analogique de l'art. 41 CO (Loi fédérale du 30 mars 1911 complétant le code civil suisse, RS 220; Chapuis, Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, op. cit., n. 2 ad art. 426 CPP).
6.2
En l'espèce, i
l est établi que le comportement de A.M._ est à l'origine de l'ouverture de l'action pénale et que ce n'est finalement qu'en raison du retrait de plaintes de X._ à l'audience d'appel que le prévenu a été libéré des chefs d'accusation de menaces et de violation d'une obligation d'entretien. Le comportement de l'appelant, qui, au demeurant, a prolongé la procédure en refusant de s'acquitter, en cours d'enquête, des contributions d'entretien dues à sa fille alors qu'il en avait les moyens (jugt, p. 20) et en contestant la plupart des éléments de fait pourtant dûment prouvés, se trouve à l'évidence en lien de causalité avec les frais de justice engagés dans la présente cause. Il se justifie donc de mettre à sa charge l'entier des frais de première instance, dont le montant est pour le surplus conforme
au tarif des frais judiciaires pénaux
.
6.3
Vu l'issue de la cause, les frais de la procédure d'appel comprenant l'indemnité allouée au défenseur d'office de A.M._, par 2'386 fr. 80, TVA incluse, sont mis pour un tiers à la charge de l’appelant (art. 428 al. 1 et al. 2 let. a CPP), étant précisé que
le prénommé ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant de l’indemnité en faveur de son conseil d’office prévue ci-dessus que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
25ca9aae-09d9-4a73-9a2c-6aa86445036d | En fait :
A.
Par jugement du 18 mars 2014, le Tribunal de police de l'arrondissement de la Broye a libéré X._ des chefs de prévention de voies de fait et de menaces (I), a constaté que X._ s'est rendu coupable de lésions corporelles simples (II), l’a condamné à une peine pécuniaire de cinq jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à dix francs (III), a mis une partie des frais de la cause, par 15'596 fr. 20, à la charge de X._, y compris les indemnités allouées au conseil d’office de M._, Me Vincent Kleiner, par 5'821 fr. 20, et à son défenseur d'office, Me Roger Vago, par 7'050 fr., le solde étant laissé à la charge de l’Etat (IV) et a dit que le remboursement à l'Etat des indemnités mentionnées sous chiffre IV ci-dessus ne pourra être exigé de X._ que si sa situation économique se sera améliorée et le permettra (V).
B.
X._ a annoncé faire appel de ce jugement le 7 avril 2014. Il a déposé une déclaration d’appel motivée le 6 mai 2014. Il a conclu, avec suite de frais et dépens, à la modification du jugement en ce sens que le prévenu soit libéré de l’accusation de lésions corporelles simples.
A l’audience d’appel, X._ a déposé un mémoire complémentaire motivé reprenant les conclusions de sa déclaration d’appel et les complétant en ce sens qu’une «indemnité symbolique» de 200 fr. lui est allouée en application de l’art. 429 let. c CPP (recte : art. 429 al. 1 let. c CPP). Pour sa part, l’intimé M._ a conclu, avec suite de frais et dépens, au rejet de l’appel, en déposant des conclusions écrites.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.1 Le prévenu X._, ressortissant de Macédoine, né en 1980, est actuellement détenu en exécution de peine aux Etablissements de la
Plaine de l’Orbe. Il travaille à la buanderie pour un pécule journalier de 33 fr., dont à déduire 8 fr. de participation à ses frais de détention.
Son casier judiciaire comporte deux inscriptions, à savoir :
- 17 mars 2005, Tribunal cantonal du Jura, dix ans de réclusion pour brigandage, injure, menaces et violation grave des règles de la circulation routière;
- 18 juin 2008, Tribunal cantonal du Jura, cinq ans de peine privative de liberté, peine complémentaire à celle prononcée le 17 mars 2005, pour brigandage, brigandage qualifié, brigandage en bande, délit manqué de brigandage, utilisation frauduleuse d’un ordinateur, instigation à délit manqué d’extorsion et chantage, recel et violation grave des règles de la circulation routière.
1.2 Aux Etablissements de la Plaine de l’Orbe, le 29 juin 2011, une dispute a éclaté entre le prévenu et l’un de ses codétenus en exécution de peine, M._, dans un espace commun de la division où tous deux étaient incarcérés. M._ a tenté de s’emparer d’un journal qui comportait un article concernant des accusations dont il était l’objet et que tenait en main le prévenu. Ce dernier a refusé d’abandonner le journal qu’avait déjà saisi son codétenu. A cette occasion, il lui a exprimé son mépris en rappelant sa condamnation pour des actes relevant de la pédophilie. Une bousculade s’ensuivit entre les deux hommes, au cours de laquelle le prévenu a, par réflexe et pour se défendre, involontairement heurté du coude M._ au niveau de la bouche. Le prévenu a ensuite empoigné son codétenu par le cou en attendant l’arrivée des gardiens, selon lui dans la seule intention de le calmer. Il n’a toutefois pas desserré son étreinte avant l’arrivée du gardien [...], qui a dû l’enjoindre de lâcher sa victime et, faute d’être obéi, lui saisir le bras.
Selon un rapport établi le 1
er
juillet 2011 par le Service de médecine et de psychiatrie pénitentiaires, l’altercation a occasionné à la victime, une plaie transfixiante de la lèvre supérieure de 0,5 cm. M._ a en outre subi un petit hématome et des contusions, à la face antérieure de l’épaule droite (2 cm), d’une part, et à la face antérieure de l’épaule gauche (1 cm), d’autre part. Le rapport médical constate en outre une «[d]ermabrasion (griffure ?)» d’environ 8 cm à la face latérale du cou à gauche (P. 35/3).
M._ a déposé plainte.
1.3 Appréciant les faits de la cause, le tribunal de police a estimé que l’on ne pouvait pas déterminer précisément comment avait été occasionnée la plaie transfixiante de la lèvre supérieure. Il a dès lors, au bénéfice du doute, retenu la version des faits du prévenu selon laquelle c’était par réflexe et pour se défendre qu’il avait involontairement heurté le plaignant au niveau de la bouche. Le premier juge a en revanche retenu que le prévenu avait enserré le cou du plaignant jusqu’à l’arrivée des gardiens et que, même à ce moment-là, il n’avait pas lâché prise jusqu’à l’intervention physique de [...], pour en déduire que c’était à l’occasion de cette prise qu’avaient été occasionnés les hématomes, contusions, ainsi que la dermabrasion constatés sur la personne du plaignant.
Le premier juge a ainsi retenu que ces derniers actes, soit la prise d’étranglement infligée au plaignant, étaient constitutifs de lésions corporelles simples. Au surplus, le tribunal a exclu la légitime défense en considérant que le prévenu n’avait aucun motif de maintenir le plaignant par le cou jusqu’à l’arrivée des gardiens et au-delà, et ceci même s’il fallait calmer M._, selon la version des faits du prévenu. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel est recevable.
2.
2.1
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
2.2
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
L’appelant conteste la qualification des faits par les premiers juges respectivement leur appréciation. Niant au demeurant que le plaignant ait subi une atteinte à la santé, il fait expressément valoir que la blessure, soit la dermabrasion, constatée sur la personne de l’intimé ne serait constitutive que de voies de fait, et non de lésions corporelles simples (mémoire, p. 5, 1
er
par.). Or, poursuit-il, il n’aurait, tout au plus, agi que par négligence. Les voies de fait par négligence n’étant pas punissables pénalement, il en déduit qu’aucune peine ne saurait être prononcée à son égard (mémoire, p. 6, 1
er
par.). Il se prévaut au surplus de la légitime défense, avérée, respectivement à tout le moins putative (mémoire, pp. 5 s.).
4.
L'art. 123 CP réprime les lésions du corps humain ou de la santé qui ne peuvent être qualifiées de graves au sens de l'art. 122 CP. Cette disposition protège l'intégrité corporelle et la santé tant physique que psychique. Elle implique une atteinte importante aux biens juridiques ainsi protégés. A titre d'exemples, la jurisprudence cite l'administration d'injections, la tonsure totale et tout acte qui provoque un état maladif, l'aggrave ou en retarde la guérison, comme les blessures, les meurtrissures, les écorchures ou les griffures, sauf si ces lésions n'ont pas d'autres conséquences qu'un trouble passager et sans importance du sentiment de bien-être (ATF 134 IV 189 c. 1.1; ATF 119 IV 25 c. 2a p. 26; ATF 107 IV 40 c. 5c p. 42; ATF 103 IV 65 c. 2c p. 70).
Les voies de fait, réprimées par l'art. 126 CP, se définissent comme des atteintes physiques qui excèdent ce qui est socialement toléré et qui ne causent ni lésions corporelles, ni dommage à la santé. Une telle atteinte peut exister même si elle n'a causé aucune douleur physique (ATF 134 IV 189 c. 1.2; ATF 119 IV 25 c. 2a p. 26; ATF 117 IV 14 c. 2a pp. 15 ss).
La distinction entre lésions corporelles et voies de fait peut s'avérer délicate, notamment lorsque l'atteinte s'est limitée à des meurtrissures, des écorchures, des griffures ou des contusions. Ainsi, une éraflure au nez avec contusion a été considérée comme une voie de fait; de même une meurtrissure au bras et une douleur à la mâchoire sans contusion. En revanche, un coup de poing au visage donné avec une violence brutale propre à provoquer d'importantes meurtrissures, voire une fracture de la mâchoire, des dents ou de l'os nasal, a été qualifié de lésion corporelle; de même de nombreux coups de poing et de pied provoquant chez l'une des victimes des marques dans la région de l'oeil et une meurtrissure de la lèvre inférieure et chez l'autre une meurtrissure de la mâchoire inférieure, une contusion des côtes, des écorchures de l'avant-bras et de la main (ATF 119 IV 25 c. 2a pp. 26 s.). La question peut parfois être résolue de manière satisfaisante par l'application de l'art. 123 ch. 1 al. 2 CP, qui permet une atténuation libre de la peine dans les cas de peu de gravité (cf. ATF 134 IV 189 c. 1.3; ATF 119 IV 25 c. 2a p. 27).
Dans les cas limites, il faut tenir compte de l'importance de la douleur provoquée, afin de déterminer s'il s'agit de lésions corporelles simples ou de voies de fait. Comme les notions de voies de fait et d'atteinte à l'intégrité corporelle, qui sont décisives pour l'application des art. 123 et 126 CP, sont des notions juridiques indéterminées, la jurisprudence reconnaît, dans ces cas, une certaine marge d'appréciation au juge du fait car l'établissement des faits et l'interprétation de la notion juridique indéterminée sont étroitement liés. Dans ces circonstances, le Tribunal fédéral s'impose une certaine réserve dans la critique de l'interprétation faite par l'autorité cantonale, dont il ne s'écarte que si cela s'avère nécessaire (ATF 119 IV 25 c. 2a p. 27 et les arrêts cités).
Ainsi, l'art. 123 CP protège non seulement l'intégrité corporelle et la santé physique, mais aussi la santé psychique (ATF 119 IV 25 c. 2a p. 26). Pour qu'il y ait lésions corporelles, il n'est donc pas nécessaire que la victime ait subi une atteinte à son intégrité physique; une atteinte psychique peut suffire à la réalisation de l'infraction. Pour justifier la qualification de lésions corporelles, l'atteinte doit toutefois revêtir une certaine importance. Afin de déterminer ce qu'il en est, il y a lieu de tenir compte, d'une part, du genre et de l'intensité de l'atteinte et, d'autre part, de son impact sur le psychisme de la victime. Une atteinte de nature et d'intensité bénignes et qui n'engendre qu'un trouble passager et léger du sentiment de bien-être ne suffit pas. En revanche, une atteinte objectivement propre à générer une souffrance psychique et dont les effets sont d'une certaine durée et d'une certaine importance peut être constitutive de lésions corporelles. S'agissant en particulier des effets de l'atteinte, ils ne doivent pas être évalués uniquement en fonction de la sensibilité personnelle de la victime; il faut bien plutôt se fonder sur les effets que l'atteinte peut avoir sur une personne de sensibilité moyenne placée dans la même situation. Les circonstances concrètes doivent néanmoins être prises en considération; l'impact de l'atteinte ne sera pas nécessairement le même suivant l'âge de la victime, son état de santé, le cadre social dans lequel elle vit ou travaille, etc. (ATF 134 IV 189 c. 1.4).
5.
En l’espèce, les deux hématomes et contusions sur les faces antérieures des épaules de l’intimé, de même que la dermabraison constatée sur le cou, ne peuvent pas avoir été provoqués par la bousculade consécutive au désaccord des parties quant à la possession du journal. Les lésions sont en lien avec la prise d’étranglement, décrite par le gardien [...] dans son compte-rendu écrit. Il s’agit certes d’un cas limite, comme l’a au demeurant retenu le premier juge. Il convient néanmoins de tenir compte non seulement de ces traces, mais également du fait qu’une prise d’étranglement est de nature à effrayer et à provoquer un sentiment de panique, dès lors que la victime d’une telle prise est totalement soumise à la volonté de son agresseur, qui en l’espèce, venait d’exprimer son mépris au plaignant en raison de sa condamnation pour des actes de pédophilie. Vu les circonstances et la douleur subie, cet acte a occasionné à la victime plus qu’un trouble passager et sans importance à son sentiment de bien-être. Cette prise a du reste laissé subsister des traces physiques constatées le surlendemain des faits encore. L’élément constitutif objectif de l’infraction réprimée par l’art. 123 ch. 1 al. 1 CP est donc réalisé. L’appelant ayant agi avec conscience et volonté, il s’est rendu coupable de lésions corporelles simples.
Le premier juge a exclu la légitime défense, dès lors que le prévenu n’avait aucun motif de maintenir le plaignant par le cou jusqu’à l’arrivée des gardiens et même au-delà, et ceci même s’il fallait calmer M._, selon la version des faits du prévenu. On ne peut que partager ce point de vue. Au demeurant, ce n’est pas l’appelant qui était blessé avant cette prise, mais l’intimé, qui avait la lèvre en sang.
La condamnation de l’appelant doit donc être confirmée. Vérifiée d’office, la peine est adéquate à l’aune de l’art. 47 CP.
6.
L’appelant conclut en outre à l’allocation d’une «indemnité symbolique» de 200 fr. en application de l’art. 429 al. 1 let. c CPP, en faisant valoir qu’il aurait été «soupçonné à tort». Il suffit de relever que la condamnation du prévenu exclut toute réparation selon la norme invoquée nonobstant sa libération partielle, s’agissant d’un même complexe de faits incriminés. En outre, il n’a, à l’évidence subi aucune atteinte particulièrement grave à sa personnalité du fait de la procédure au sens de cette disposition.
Quant aux frais de première instance, ils ont intégralement été mis à la charge du prévenu nonobstant sa libération partielle. Aucune opération d’enquête n’est liée qu’aux infractions dont il a été libéré, s’agissant, à cet égard encore, d’un unique complexe de faits incriminés. En outre, son comportement, à tout le moins civilement illicite et fautif au sens de l’art. 426 al. 2 CPP, a donné lieu à l’enquête même pour ce qui est des actes à raison desquels il a été libéré (cf. notamment TF 6B_1008/2013 du 27 mars 2014 c. 1.2; TF 6B_87/2012 du 27 avril 2012 c. 1.2). Ainsi, il y a lieu de mettre l’entier des frais de première instance à sa charge selon l’art. 426 al. 1, 1
re
phrase, CPP.
7.
Les frais de la procédure d'appel sont mis entièrement à la charge du prévenu qui succombe (art. 428 al. 1 CPP).
Outre l'émolument, ces frais comprennent l’indemnité allouée au défenseur d’office du prévenu et celle octroyée au conseil d’office de l’intimé, pour les opérations liées à la procédure d'appel (cf. les art. 135 al. 2 et 422 al. 2 let. a CPP; art. 2 al. 2 ch. 1 TFIP).
Vu l'ampleur et la complexité de la cause en appel, l'indemnité allouée au défenseur d'office du prévenu doit être fixée sur la base d'une durée d'activité de neuf heures d’avocat breveté, à 180 fr. l'heure, plus une unité de débours à 120 fr. au titre des frais de vacation (y compris pour l’audience d’appel), soit à 1'740 fr., TVA en sus (art. 135 al. 1 CPP), soit à un total de 1'879 fr. 20. Pour sa part, l’indemnité allouée au conseil d’office de l’intimé doit être arrêtée sur la base de sept heures d’activité d’avocat breveté à 180 fr. l’heure, en sus de 120 fr. de frais de vacation et de 50 fr. d’autres débours, soit à 1'430 fr., TVA en sus, soit à un total de 1'544 fr. 40.
Le prévenu ne sera tenu de rembourser à l’Etat
le montant
des indemnités ci-dessus que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
25daee2c-f9f3-4520-b98e-3415e045fda6 | En fait :
A.
Par jugement du 13 mars 2014, le Tribunal criminel de l’arrondissement de Lausanne a libéré B._ des infractions de tentative de lésions corporelles graves, injure et menaces (I), a constaté que B._ s’est rendu coupable de tentative de meurtre, mise en danger de la vie d’autrui, lésions corporelles simples qualifiées, lésions corporelles simples, tentative de contrainte, insoumission à une décision de l’autorité, infraction à la Loi fédérale sur les étrangers et contravention à la Loi fédérale sur les stupéfiants (II), a condamné B._ à une peine privative de liberté de 6 ans et à une amende de 300 fr. sous déduction de 541 jours de détention avant jugement (III), a dit qu’en cas de non paiement fautif de l’amende fixée sous chiffre III ci-dessus, la peine privative de liberté de substitution est de 3 jours (IV), a maintenu B._ en détention pour garantir l’exécution de la peine privative de liberté prononcée (V), a libéré C._ des infractions de tentative de meurtre, tentative de lésions corporelles graves, mise en danger de la vie d’autrui, injure et menaces (VI), a constaté que C._ s’est rendu coupable de tentative de lésions corporelles simples qualifiées et de voies de fait (VII), a condamné C._ à une peine privative de liberté de 4 mois et 20 jours, peine complémentaire à la peine privative de liberté de 100 jours prononcée par l’ordonnance pénale rendue par le Ministère public de l’arrondissement de Lausanne le 14 novembre 2012 et à la peine privative de liberté de 300 jours prononcée le 22 août 2013 par le Tribunal de police de Lausanne (VIII), a rejeté les conclusions civiles et demandes d’indemnité prises par C._ à l’encontre de B._ (IX), a rejeté les conclusions civiles prises par B._ à l’encontre de C._ (X), a rejeté la demande d’indemnité de B._ pour durée excessive de détention au sens de l’art. 429 al. 1 let. c CPP (XI), a statué sur les séquestres ordonnés (XII et XIII), a arrêté à 25'310 fr. 20, débours, vacations et TVA compris, l’indemnité de Me Samuel Pahud, défenseur d’office de B._ dont 13'900 fr. ont déjà été versés (XIV), a arrêté à 7'500 fr. 15, débours, vacations et TVA compris, l’indemnité de Me Lise-Marie Gonzalez Pennec, défenseur d’office de C._ (XV), a mis les frais par 52'349 fr. 75 à la charge de B._, étant précisé que le montant de l’indemnité du défenseur d’office arrêtée sous chiffre XIV ci-dessus ne devra être remboursé à l’Etat que si sa situation économique le permet (XVI) et a mis les frais par 10'644 fr. 15 à la charge de C._, étant précisé que le montant de l’indemnité du défenseur d’office arrêtée sous chiffre XV ci-dessus ne devra être remboursé à l’Etat que si sa situation économique le permet (XVII).
B.
Le 17 mars 2014, B._ a annoncé faire appel de ce jugement. Par déclaration d’appel du 9 avril 2014, il a conclu, avec suite de frais et dépens, à sa réforme en ce sens qu’il est libéré des infractions de tentative de meurtre, tentative de lésions corporelles graves, injure et menaces, mise en danger de la vie d’autrui, lésions corporelles simples qualifiées, lésions corporelles simples, tentative de contrainte et insoumission à une décision de l’autorité ; qu’il est constaté qu’il s’est rendu coupable de voies de fait, infraction à la Loi fédérale sur les étrangers, contravention à la Loi fédérale sur les stupéfiants, lésions corporelles simples qualifiées par négligence ; et qu’enfin il est condamné à une peine pécuniaire, subsidiairement une peine privative de liberté ne dépassant pas une année, subsidiairement correspondant à la détention déjà subie. Il a également conclu à l’octroi d’indemnités fondées sur les art. 429 et 431 al. 2 CPP et qu’une proportion des frais réduite soit mise à sa charge, respectivement une proportion augmentée à la charge de C._. Subsidiairement, il a conclu à l’annulation du jugement et au renvoi de la cause au Tribunal de première instance pour nouveau jugement.
Le 18 mars 2014, C._ a annoncé faire appel de ce jugement. Par déclaration d’appel du 10 avril 2014, il a conclu, avec suite de frais et dépens, à son acquittement, frais à la charge de l’Etat.
Le 17 avril 2014, B._ a conclu au rejet de l’appel interjeté par C._.
Le 25 avril 2014, le Ministère public a déposé un appel joint. Il a conclu à ce que B._ soit condamné à une peine privative de liberté de 7 ans.
Le même jour, le Ministère public a indiqué qu’il s’en remettait à justice s’agissant de la recevabilité de l’appel déposé par C._ et qu’il n’entendait pas déposer d’appel joint.
Le 26 mai 2014, B._ a conclu au rejet de l’appel joint.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
1.1
B._ est né le 8 mars 1971 en Algérie, pays dont il est ressortissant. Il y a suivi l’école primaire puis l’école secondaire jusqu’à l’âge de 16 ans avant d’entreprendre un apprentissage de soudeur pour lequel il a obtenu un diplôme. Au terme de cette formation, il a effectué son service militaire. Il est devenu sergent. Il a été instructeur pendant un an puis chauffeur et garde du corps d’un colonel et enfin sergent de terrain. Ses missions principales consistaient alors dans la lutte contre le terrorisme. Il a dit en avoir eu assez de voir des cadavres tous les jours et a décidé de quitter l’armée, ce qui a été considéré comme une trahison quand bien même son contrat était arrivé à terme. Il a déclaré avoir quitté l’Algérie pour l’Espagne et la France puis être arrivé en Suisse en 1993. Il s’est établi dans un premier temps en Suisse allemande où il a connu sa première épouse, avec laquelle il a eu une fille âgée aujourd’hui de 20 ans. Divorcé, il s’est mis en ménage avec A.X._, d’abord à [...] puis à [...]. De leur vie commune est née une fille âgée aujourd’hui de 9 ans. Il a occupé divers emplois temporaires dans la région. Toutefois, consommateur de produits stupéfiants mais également d’alcool, il a entrepris déjà en 2007 un sevrage volontaire à [...] avant de demander à intégrer au début 2008 la Fondation [...]. Il n’y est toutefois pas resté, l’institution ayant mis fin au placement provisoire le 10 novembre 2008. Le prévenu vit séparé de sa concubine et de sa fille, depuis plusieurs années.
Ensuite du jugement du Tribunal correctionnel de l’arrondissement de La Côte du 11 décembre 2008, B._ a continué son combat contre la dépendance aux stupéfiants. Il a travaillé durant certaines périodes, [...] lui trouvant des missions temporaires en tant que soudeur, dans l’isolation et dans les chantiers en général. Il a notamment vécu à [...] pendant une année en 2009 tout en venant à [...] pour rendre visite à sa fille B.X._. Il a ensuite vécu avec un ami dans un appartement dont le bail était au nom de celui-ci. Chacun payait alors la moitié du loyer. Il gagnait des petites sommes par-ci par-là. Le prévenu n’a pas été en mesure d’indiquer un revenu mensuel moyen.
B._ a expliqué avoir eu de la peine à gérer les conséquences psychologiques de ce qu’il a vu pendant sa période d’armée. Il évoque que c’est certainement une des raisons pour laquelle il est tombé dans la drogue. Il a cependant précisé avoir vécu correctement depuis son arrivée en Suisse jusqu’en 1998 environ. La situation a basculé quand il s’est séparé de son épouse d’alors, H._.
Son casier judiciaire contient les inscriptions suivantes :
- 18 juin 2002, Bezirksgericht Zürich, infraction à la LF sur les stupéfiants, brigandage (délit manqué), contravention à la LF sur les stupéfiants, emprisonnement 14 mois, exécution de la peine suspendue, établissement pour toxicomane 44/1 CP ;
- 6 septembre 2006, Tribunal de police Lausanne, délit contre la LF sur les stupéfiants, contravention à la LF sur les stupéfiants, emprisonnement 1 mois ;
- 11 décembre 2008, Tribunal correctionnel de La Côte, lésions corporelles simples, lésions corporelles simples (en défaveur d’une personne sans défense sur laquelle il avait le devoir de veiller), voies de fait, voies de fait qualifiées, dommages à la propriété, utilisation abusive d’une installation de télécommunication, menaces, peine privative de liberté 12 mois, exécution suspendue, traitement institutionnel des addictions 60 CP, abrogation de la mesure le 6 novembre 2009, peine suspendue exécutée ;
- 19 février 2010, Juge d’instruction de Lausanne, lésions corporelles simples, injure, menaces, délit contre la LF sur les stupéfiants, contravention à la LF sur les stupéfiants, peine pécuniaire 100 jours-amende à 20 fr., amende 300 fr. ;
- 29 avril 2010, Juge d’instruction de Lausanne, utilisation frauduleuse d’un ordinateur (délit manqué), contravention à la LF sur les stupéfiants, peine privative de liberté 20 jours, amende 100 fr. ;
- 22 octobre 2010, Juge d’instruction de Lausanne, séjour illégal, contravention à la LF sur les stupéfiants, peine privative de liberté de 90 jours, amende 100 fr. ;
- 7 juin 2011, Ministère public de l’arrondissement de Lausanne, menaces, peine pécuniaire 10 jours-amende à 20 francs.
En outre, B._ a encore subi les condamnations suivantes qui ne sont plus inscrites au casier judiciaire :
- 26 août 1998, Bezirksanwaltschaft Zürich, délit impossible de vol, 2 mois d’emprisonnement avec sursis pendant 2 ans ;
- 7 février 2000, Bezirksgericht Hinwil, lésions corporelles simples (commises à réitérées reprises), menaces (commises à réitérées reprises) et dommages à la propriété (importance mineure), 3 mois d’emprisonnement.
Dans le cadre de la présente affaire, B._ est détenu provisoirement depuis le 19 septembre 2012.
En cours d’enquête, B._ a fait l’objet d’une expertise psychiatrique (cf. P. 86). Il ressort du rapport du Département de psychiatrie du CHUV rendu le 3 mai 2013 que le prévenu souffre d’un trouble mixte de la personnalité associé à un syndrome de dépendance à de multiples substances psycho-actives. Les experts n’ont pas mis en évidence de graves troubles cognitifs empêchant B._ d’apprécier le caractère illicite de ses actes. Ils ont en revanche considéré que sa responsabilité pénale était légèrement diminuée.
1.2
C._ est né le 16 février 1974, à Alger, d’un père algérien et d’une mère tunisienne. Il a deux frères et une sœur. Il a été élevé par ses parents et a suivi l’école primaire à Alger durant cinq ans. Entre seize et dix-huit ans, le prévenu a travaillé avec son père, agriculteur. A dix-huit ans, il s’est rendu en France durant cinq ans, où il a travaillé comme peintre et carreleur, sans formation. A vingt-trois ans, il a rejoint l’Italie, reprenant son activité d’agriculteur. Trois ans plus tard, il est rentré en Algérie où il est resté deux ans avant de se rendre en France. En 2010, il a rejoint la Suisse, travaillant comme déménageur avant de tomber dans la délinquance.
En 2010, il est allé vivre à [...] chez un cousin. Il y est resté pendant près d’un an et y a travaillé au noir. Il est arrivé dans le canton de Vaud en 2011. En effet, la police genevoise l’avait interdit de périmètre sur tout le canton de Genève. Il a déposé une requête d’asile qui a été rejetée. Depuis lors, il a vécu dans la région [...], dormant à [...] et passant ses journées à [...]. Il a parfois travaillé à [...] au noir en faisant des déménagements. Il gagnait environ 70 fr. par jour en travaillant trois jours par semaine. En Suisse, il est le seul de sa famille. Il dit avoir fréquenté Z._ pour aller boire des bières avec des amis venant du « printemps arabe ».
A sa sortie de prison, C._ veut trouver du travail mais lorsqu’on lui dit que la Suisse a pris une décision l’obligeant à quitter le pays, il dit vouloir partir. Il n’a pas consulté de psychiatre en prison.
Actuellement, C._ est détenu à la prison de La Croisée pour une autre cause.
Le casier judiciaire de C._ contient les inscriptions suivantes :
- 18 janvier 2011, Ministère public du canton de Genève, délit contre la LF sur les stupéfiants, entrée illégale, séjour illégal, peine pécuniaire de 15 jours-amende à 30 fr. avec sursis durant 3 ans, révoqué le 19 mai 2011 ;
- 20 avril 2011, Ministère public du canton de Genève, délit contre la LF sur les stupéfiants et séjour illégal, peine pécuniaire de 30 jours-amende à 30 fr. avec sursis durant 3 ans, révoqué le 19 mai 2011 ;
- 19 mai 2011, Ministère public du canton de Genève, délit contre la LF sur les stupéfiants, séjour illégal et activité lucrative sans autorisation, peine privative de liberté de 4 mois, peine d’ensemble avec les jugements des 18 janvier et 20 avril 2011 du Ministère public du canton de Genève ;
- 12 juin 2012, Ministère public de l’arrondissement de l’Est vaudois, vol (délit manqué) et séjour illégal, peine privative de liberté d’un mois ;
- 31 juillet 2012, Staatsanwalt du canton du Valais, séjour illégal, peine pécuniaire de 50 jours-amende à 30 francs ;
- 14 novembre 2012, Ministère public de l’arrondissement de Lausanne, vol et séjour illégal, peine privative de liberté de 100 jours ;
- 22 août 2013, Tribunal de police de Lausanne, brigandage, vol, vol d’importance mineure, dommages à la propriété, violation de domicile, séjour illégal, activité lucrative sans autorisation, contravention et délit contre la LF sur les stupéfiants, peine privative de liberté de 300 jours et 400 fr. d’amende.
2.
2.1
B._ a séjourné illégalement en Suisse et dans la région [...] en particulier entre le 22 octobre 2010 et le 19 septembre 2012, date de son appréhension dans le cadre de la présente cause. Durant cette période, le prévenu a exercé sans droit quelques travaux rémunérés.
2.2
B._ a consommé des stupéfiants entre le 12 décembre 2010 et le 17 janvier 2012 à tout le moins, dont de l'héroïne ainsi qu’occasionnellement des comprimés de Dormicum.
Il a notamment été interpellé :
- à [...], sur la place de Z._, le 3 mai 2011, vers 11h35, alors qu'il était en possession d'un sachet minigrip d'héroïne (0,2 g) et d'un comprimé de Dormicum ;
- à [...], dans les WC publics de la place de Z._, le 16 juillet 2011, vers 20h30, alors qu'il consommait de l'héroïne, drogue acquise peu auparavant auprès d'un inconnu pour la somme de 10 fr. ;
- à [...], dans les WC publics de la rue [...], le 10 septembre 2011, vers 16h40, alors qu'il consommait de l'héroïne, stupéfiant acquis peu auparavant auprès d'un inconnu pour la somme de 15 fr. ;
- à [...], à la rue [...], le 17 janvier 2012, vers 10h00, alors qu'il était porteur de trois paquets d'héroïne d'un poids total net de 0,3 g, drogue acquise la semaine auparavant auprès d'un inconnu pour une somme indéterminée.
2.3
A [...], le 19 avril 2011, vers 20h50, en dépit d’une décision rendue le 30 août 2010 par la Présidente du Tribunal civil de l’arrondissement de Lausanne lui faisant interdiction sous la menace de la peine d’amende prévue à l’article 292 CP d’approcher A.X._ et ses enfants à moins de 300 mètres, B._ s’est présenté au domicile de la précitée. Il a sonné à l’interphone en disant qu’il voulait voir sa fille B.X._. Après avoir demandé conseil à sa sœur, la mère de l’enfant a accepté que B.X._ descende vers le prévenu accompagné de sa cousine. La tante de B.X._ a alors précisé à B._ qu’il pouvait aller dans le jardin à proximité de la maison mais pas plus loin. Dès lors, le prévenu a emmené sa fille B.X._ dans le parc en question. Mais il a désobéi à l’injonction de la tante et enjambé la barrière du petit parc avec sa fille pour quitter cet endroit. Entendant des cris, la tante de B.X._ a constaté que le prévenu était en train de quitter le parc et a téléphoné à la police. La mère de l’enfant est allée reprendre sa fille aidée en cela par l’un de ses voisins. Lorsque les forces de police sont intervenues, A.X._ avait déjà récupéré sa fille.
2.4
Le 7 mai 2012, entre 16h et 16h30, B._ a abordé W._ qui se roulait une cigarette assis sur un banc de la place de Z._ à [...] et l'a menacé de lui « mettre les dents par terre » s’il ne quittait pas les lieux rapidement. W._ n’a pas obtempéré et B._ lui a asséné un coup de poing au niveau de l’œil gauche. W._ a basculé en arrière. B._ a continué à le frapper en lui donnant des coups de poing et de coude sur la tête et le dos. Deux individus qui n’ont pas pu être identifiés s’en sont également pris au lésé et ont tenté de s’emparer de son porte-monnaie.
Ensuite des faits, W._ a présenté une bosse dans la région occipitale gauche, une tuméfaction temporale gauche, un hématome périorbitaire gauche, deux plaies superficielles à l’arcade orbitaire droite, des dermabrasions au cou et au thorax sur le côté gauche, ainsi qu’une laxité du pouce gauche en abduction faisant suspecter une lésion du ligament latéral externe du pouce gauche.
2.5
Le 18 septembre 2012, vers 19h50, à [...], à la place de Z._, une altercation a éclaté entre C._ et B._ lors de laquelle les deux hommes se sont mutuellement empoignés. Ils ont pu être séparés une première fois par les personnes présentes sur la place. Toutefois, ils sont revenus à la charge l’un contre l’autre. C._, qui était porteur d’un couteau, s’est fait désarmé par B._, lequel s’en est servi pour lui infliger six coups de couteau. F._, présent sur la place, a tenté de s’interposer pour séparer les protagonistes et a été blessé au cou par B._.
Cette altercation a débuté en raison d’une dispute que B._ et C._ ont eu la veille au centre d’accueil le V._. A cette occasion, C._ a tenté de voler le porte-monnaie d’un dénommé K._, lorsque ce dernier, s’en rendant compte, s’est mis à l’insulter. C._ a fait de même. C’est alors que B._ est intervenu et a dit aux protagonistes de se calmer.
Ensuite des coups de couteau qu’il a reçus, C._ a présenté une plaie d’environ 4 cm de long en regard de l’articulation temporo-mandibulaire gauche atteignant les tissus sous-cutanés, une plaie d’environ 2 cm de long située à l’entrée du conduit auditif externe gauche sans atteinte des structures profondes, plusieurs plaies superficielles au niveau du tronc, soit deux plaies de respectivement 1 et 2 cm de long au niveau de l’hypochondre gauche ainsi que deux plaies de 1 et 2 cm de long en regard de l’omoplate gauche. L’ensemble de ces lésions a entraîné un risque hémorragique certain au moment de l’agression (P. 23). Quant à F._, il a souffert d’une plaie cervicale gauche de 1 cm de long qui a été traitée par deux points de suture (P. 22). | En droit :
1.
Interjetés dans les formes et délais légaux par des parties ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), les appels de B._ et C._ sont recevables. Il en va de même de l'appel joint du Ministère public.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L’appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d’appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L’appel tend à la répétition de l’examen des faits et au prononcé d’un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398 CPP). L’immédiateté des preuves ne s’impose toutefois pas en instance d’appel. Selon l’art. 389 al. 1 CPP, la procédure d’appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d’appel administre, d’office ou à la demande d’une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
3.
B._ conteste sa condamnation pour insoumission à une décision de l'autorité. Il fait valoir que l'action pénale est prescrite trois ans après les faits.
3.1
Aux termes de l'art. 292 CP, celui qui ne se sera pas conformé à une décision à lui signifiée, sous la menace de la peine prévue au présent article, par une autorité ou un fonctionnaire compétents sera puni d'une amende. Cette disposition est une contravention, pour laquelle l'action pénale, conformément à l'art. 109 CP, se prescrit par trois ans.
Or, selon l'art. 97 al. 3 CP, la prescription ne court plus si, avant son échéance, un jugement de première instance a été rendu. Ce principe s'applique également aux contraventions par renvoi de l'art. 104 CP (ATF 135 IV 196 c. 2); en outre, le jugement de première instance peut être un prononcé de condamnation ou d'acquittement (ATF 139 IV 62 c. 1.5).
3.2
En l'espèce, les faits litigieux se sont déroulés le 19 avril 2011. Le jugement de première instance a été rendu le 13 mars 2014, soit moins de trois ans depuis les faits. L'action pénale n'est par conséquent pas prescrite.
Ce grief, mal fondé, doit être rejeté et la condamnation de B._ pour insoumission à une décision de l’autorité confirmée.
4.
L’appelant B._ se plaint d’arbitraire dans l’appréciation des preuves s’agissant de l’altercation qu’il a eue avec W._.
4.1
A teneur de l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
La présomption d’innocence, garantie par les art. 14 par. 2 Pacte ONU Il (Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, RS 0.103.2), 6 par. 2 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, RS 0.101) et 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, RS 101), ainsi que son corollaire, le principe
in dubio pro reo
, concernent tant le fardeau de la preuve que l’appréciation des preuves. En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d’innocence signifie que toute personne prévenue d’une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu’il appartient à l’accusation de prouver la culpabilité de celle-là (ATF 127 I 38 c. 2a; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1). Comme règle d’appréciation des preuves, le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l’accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 la 31 c. 2c; TF 6B_831/2009 précité, c. 2.2.2).
L’appréciation des preuves est l’acte par lequel le juge du fond évalue la valeur de persuasion des moyens de preuve à disposition et pondère ces différents moyens de preuve afin de parvenir à une conclusion sur la réalisation ou non des éléments de fait pertinents pour l’application du droit pénal matériel. L’appréciation des preuves est dite libre, car le juge peut par exemple attribuer plus de crédit à un témoin, même prévenu dans la même affaire, dont la déclaration va dans un sens, qu’à plusieurs témoins soutenant la thèse inverse; il peut fonder une condamnation sur un faisceau d’indices; en cas de versions contradictoires, il doit déterminer laquelle est la plus crédible. En d’autres termes, ce n’est ni le genre ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (Verniory, in: Kuhn/Jeanneret [éd.], Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 34 ad art. 10 CPP et les références citées).
4.2
B._ reproche aux premiers juges d’avoir écarté à tort le témoignage de M._ et de n’avoir ainsi pas retenu sa version des faits selon laquelle il avait été provoqué par W._.
En l’espèce, à l’instar de ce qu’ont retenu les premiers juges, la version présentée par l’appelant ne peut être considérée comme crédible. En effet, les lésions constatées sur le plaignant et décrites dans le certificat médical du 11 mai 2012, dont il sera question ci-dessous, ne peuvent être le résultat d’un unique coup de poing comme l’affirme l’appelant. De plus, les deux témoins entendus durant l’enquête, S._ et P._, cités par le prévenu, n’ont pas assisté à la scène. Quant au témoin M._, entendu pour la première fois aux débats de première instance, il a certes déclaré que c’était W._ qui avait provoqué B._ en lui disant « sales arabes rentrez chez vous, vous avez envahi la Suisse », mais pour le reste ses déclarations ne corroborent pas celles de B._. Il prétend avoir séparé les deux protagonistes, ce que B._ n’a jamais dit. Il ne mentionne en outre pas la présence de tiers. Son témoignage apparaît pour l’essentiel de complaisance, M._ ayant expliqué avoir hébergé B._ pendant une période de cinq ou six mois (jgt., p. 12) et ce dernier n’ayant jamais pendant l’enquête évoqué la présence de M._ lors de cette bagarre. De plus, les déclarations du témoin D._, qui a appelé la police, sont certes assez vagues, mais correspondent pour l’essentiel à celles de W._ (cf. P. 10, p. 5). En particulier, D._ a parlé de trois toxicomanes avec un blessé au visage puis de trois personnes à la peau blanche. Elle a surtout décrit une bagarre violente, avec du sang, alors que B._ a expliqué avoir donné un seul coup de poing et nié l’implication d’autres personnes. Enfin, W._ a été constant et mesuré dans ses déclarations. Il n’a pas mis en cause l’appelant pour le vol de son porte-monnaie et pour être la personne qui lui avait écrasé le bras. Il n’a de surcroît rien réclamé à B._ à titre de réparation. Le plaignant n’avait ainsi aucun intérêt à mentir. Partant, les propos modérés du plaignant sur le rôle joué par B._ sont plus crédibles que ceux grandiloquents de ce dernier, de sorte que la version des faits de W._, selon laquelle l’altercation a commencé par la menace de B._ de lui casser les dents s’il ne partait pas, a été retenue à juste titre par le Tribunal de première instance.
4.3
B._ remet en cause les certificats médicaux produits par W._.
En l’espèce, il ressort du constat médical établi par l’unité de médecine des violences du CHUV que W._ s’est rendu aux urgences du CHUV le 7 mai 2012, jour de l’agression, qu’il a déposé plainte le jour suivant et qu’il a consulté le 11 mai 2012 l’unité de médecine des violences du CHUV (dossier D, P. 5). Contrairement à ce que soutient l’appelant, le certificat établi par les urgences le 7 mai 2012 ne contredit nullement le constat médical, certes plus complet, établi quatre jours plus tard. Ce constat ne décrit pas d’autres blessures qui ne correspondraient pas à la plainte déposée le 8 mai 2012. Au demeurant, les premiers juges se sont fondés sur le certificat des urgences qui corrobore les déclarations de la victime, soit qu’il a reçu un coup de poing au visage de la part de B._, qu’il a basculé en arrière, que B._ a continué à lui donner des coups et que deux autres personnes l’ont également molesté. Ce ne sont à l’évidence pas toutes les blessures attestées qui ont été infligées par l’appelant B._, puisque deux autres personnes sont intervenues. Cependant, c’est bien B._ qui est à l’origine de l’œil au beurre noir et des dermabrasions comme retenus par les premiers juges.
Le moyen tiré d’une appréciation arbitraire des preuves est donc mal fondé et doit être rejeté. La condamnation de B._ pour tentative de contrainte et lésions corporelles simples sur la personne de W._ doit par conséquent être confirmée.
5.
Les appelants C._ et B._ font tous deux grief aux premiers juges d’avoir procédé à une constatation erronée et incomplète des faits ainsi que d’une violation de la présomption d’innocence s’agissant de l’altercation qu’ils ont eue le 18 septembre 2012 à la Place de Z._.
5.1
Les éléments à prendre en considération pour l’appréciation des preuves et la violation de la présomption d’innocence ont été évoqués ci-dessus (cf. 4.1 supra).
A titre préliminaire, il faut rappeler, comme les premiers juges l’on fait (jgt., p. 44), que les témoins prennent tantôt position pour l’un tantôt pour l’autre. S’agissant de toxicomanes sous l’emprise de produits divers, leurs déclarations doivent être considérées avec circonspection. En outre, B._ est intervenu auprès de certains d’entre eux pour influencer leurs déclarations.
5.2
C._
conteste d’abord l’appréciation des faits des premiers juges sur les motifs de l’altercation du 18 septembre 2012.
En l’espèce, les premiers juges ont préféré la version de B._ plutôt que celle de C._, selon laquelle la veille de l’altercation, au centre d’accueil du V._, ce dernier était en train de faire les poches de K._, lorsque ce dernier, s’en rendant compte, s’est mis à l’insulter. C._ en a fait de même. B._ a dit aux protagonistes de se calmer et les éducateurs ont interdit à C._ de fréquenter ce lieu. Cet événement était, selon le Tribunal de première instance, la goutte qui a fait déborder la vase, déjà bien rempli d’animosité entre les deux prévenus.
La version de C._ a été écartée à juste titre par les premiers juges. Il paraît en effet peu réaliste qu’il ait seulement fait mine de voler le porte-monnaie de K._ pour lui faire une blague. On peut par ailleurs déduire des débats de première instance que l’altercation a bien débuté en raison de l’événement de la veille au V._, bien que C._ explique que c’est B._ qui est venu vers lui parce qu’il s’était laissé insulté par K._ (jgt., p. 19). Néanmoins, en l’absence de témoignage de l’éducateur du V._, il ne sera pas retenu que C._ a été exclu de ce centre d’accueil. Pour le reste, les considérants des premiers juges peuvent être retenus.
5.3
C._ conteste sa condamnation pour voies de fait, expliquant que c’est B._ qui a commencé l’altercation en l’empoignant.
5.3.1
L’art. 126 al. 1 CP énonce que celui qui se sera livré sur une personne à des voies de fait qui n’auront causé ni lésion corporelle ni atteinte à la santé sera, sur plainte, puni d’une amende.
Les voies de fait, réprimées par l’art. 126 CP, se définissent comme des atteintes physiques qui excèdent ce qui est socialement toléré et qui ne causent ni lésions corporelles, ni dommages à la santé. Une telle atteinte peut exister même si elle n'a causé aucune douleur physique (ATF 134 IV 189 c. 1.2; ATF 119 IV 25 c. 2a).
5.3.2
En l’espèce, plusieurs témoins ont été entendus. L._ n’a rien vu (PV aud. 1). P._ a dit que B._ s’en prenait à C._ en lui serrant la gorge, ce dernier ne se débattant pas (PV aud. 2, p. 2). Selon Q._, C._ est venu vers B._ et ils se sont empoignés et poussés (PV aud. 3, p. 2). F._ a constaté qu’une bagarre avait éclaté entre deux personnes et que le ton était agressif (PV aud. 4, p. 2). J._ a expliqué qu’il était en train d’arriver sur la place de Z._ quand il a vu B._ et C._ qui s’empoignaient (PV aud. 10, p. 2). T._ a dit qu’il avait entendu des cris et avait vu B._ et C._ s’empoigner (PV aud. 13, p. 2). U._, qui fumait un joint de marijuana, a expliqué que les deux prévenus se disputaient fortement (PV aud. 16, p. 2). Quant aux protagonistes, C._ a expliqué avoir dit à B._ de laisser tranquille une fille avec laquelle il se disputait, être venu vers lui, l’avoir pris par le cou et lui aussi (PV aud. 5, p. 2). B._ a au contraire dit que C._ lui avait sauté dessus en lui saisissant le col par devant (PV aud. 6 p. 3 et 7 p. 2).
Ainsi, il ressort de ses différentes déclarations qu’une dispute a éclaté entre B._ et C._ et qu’ils se sont empoignés par le col. Il n’est toutefois pas possible de déterminer quel est le premier qui a fait preuve d’agressivité, chacun prétendant que l’autre a commencé, un témoin disant que c’est B._ qui a commencé et un autre que c’est C._. Un climat d’animosité entre les deux hommes est avéré quoi qu’en dise C._. Par conséquent, il y a lieu de s’en tenir aux faits décrits dans le jugement de première instance, soit qu’ils se sont empoignés mutuellement.
C._ a été reconnu coupable de voies de fait, mais le dispositif du jugement attaqué ne prononce pas d’amende. Les premiers juges ont également omis de statuer sur cette infraction concernant B._.
Partant, B._ et C._ devraient être tous deux condamnés pour voies de fait. Cependant, il s’agit de contraventions qui sont absorbées par les délits subséquents à cette empoignade, car elles procèdent de la même intention d’en découdre. B._ et C._ doivent ainsi être libérés de l’infraction de voies de fait. Les chiffres I, VI et VII du dispositif seront par conséquent rectifiés d’office.
5.4
C._ conteste s’être rendu coupable de tentative de lésions corporelles simples qualifiées. Il soutient qu’il n’a pas sorti un couteau pour tenter de donner un coup à B._ et qu’il n’a pas été désarmé par ce dernier.
5.4.1
Se rend coupable de lésions corporelles simples qualifiées notamment celui qui, intentionnellement, aura fait subir à une personne une atteinte à l'intégrité corporelle ou à la santé en se servant du poison, d'une arme ou d'un objet dangereux (art. 123 ch. 2 al. 2 CP).
Aux termes de l’art. 22 al. 1 CP, le juge peut atténuer la peine si l’exécution d’un crime ou d’un délit n’est pas poursuivie jusqu’à son terme ou que le résultat nécessaire à la consommation de l’infraction ne se produit pas ou ne pouvait pas se produire.
5.4.2
Les premiers juges ont considéré que les déclarations des personnes présentes lors de l’altercation ne permettaient pas de déterminer d’où provenait le couteau. F._ s’est contredit. P._, Q._, J._, T._ et U._ n’avaient rien vu. Le témoignage de E._ n’était pas déterminant puisqu’il était le seul à avoir vu B._ désarmé C._ et qu’il était en conflit avec ce dernier. En revanche, les déclarations enregistrées peu de temps après les événements sur le téléphone portable d’U._ démontraient, selon les premiers juges, que c’est C._ qui avait d’abord en mains le couteau, que B._ l’a désarmé et lui a ensuite donné des coups de couteau (cf. jgt., p. 47).
En l’espèce, les témoins P._, Q._, J._, T._ et U._ n’ont pas vu d’où venait le couteau, étant précisé que Q._ a vu que B._ faisait un geste pour sortir quelque chose de sa poche (PV aud. 3, p. 2). L._ a au contraire vu que B._ sortait un couteau de sa poche avant d’en déplier la lame (PV aud. 2, p. 2). F._ a dit en cours d’enquête qu’il ne savait pas d’où sortait le couteau (PV aud. 4, p. 2). A l’audience, il a à nouveau déclaré ne pas savoir d’où provenait le couteau, mais avoir vu B._ ouvrir le couteau (jgt., p. 17). Contrairement à ce que prétend C._, ce témoignage est contradictoire. En effet, soit F._ ne sait pas d’où provient le couteau, soit il a effectivement vu B._ déplier un couteau et il ne peut avoir de doute sur sa provenance. Ainsi, ces témoignages sont tous imprécis ou contradictoires et ne permettent pas, comme l’ont retenu les premiers juges, d’établir la provenance du couteau qui a blessé C._ et F._.
Toutefois, il ressort d’une vidéo réalisée par U._ à l’aide de son téléphone portable le jour de l’agression qu’une personne dit « R._ (surnom de C._) est un imbécile. Il ne sait pas planter. Un des deux a insulté sa mère, il se défend. R._ a sorti un couteau, a donné un coup et s’est enfuit » (cf. P. 95, p. 10). Ces déclarations, enregistrées dans les instants qui ont suivi les faits, de manière spontanée et sans pression des intervenants, sont probantes et doivent être retenues. Elles établissent que C._ a tenu un couteau avec lequel il a tenté de s’en prendre à B._. C._ avait au demeurant déjà été accusé d’avoir donné un coup de couteau à E._ et avait été libéré sur ce point, les déclarations de E._ n’étant pas constantes ; toutefois un couteau suisse avait été saisi à cette occasion. Au contraire, B._ n’a jamais été interpellé en possession d’une arme blanche (P. 95, p. 11). Ainsi, le fait que C._ soit usuellement porteur d’un couteau n’est peut-être pas déterminant en lui-même, mais il vient corroborer l’enregistrement (P. 95, p. 11). Enfin, il est établi que les deux protagonistes ne se sont pas rendus à Z._ pour en découdre, de sorte qu’on ne peut pas supposer que B._ se soit muni d’un couteau pour agresser C._, alors qu’on peut en déduire que ce dernier en avait un sur lui. L’ensemble de ces éléments démontre que c’est bien C._ qui était porteur du couteau et qu’il a été désarmé par B._, lequel s’en est servi contre lui.
La condamnation de C._ pour tentative de lésions corporelles simples doit par conséquent être confirmée.
6.
B._, qui se plaint également d’une constatation inexacte des faits s’agissant de l’altercation du 18 septembre 2012, soutient d’abord que C._ serait tunisien et non algérien.
6.1
En l’espèce, interrogé aux débats de première instance, l’inspecteur Bugnon a expliqué qu’il n’avait pas été possible de vérifier l’identité de C._ (jgt., p. 21). Ce dernier se dit algérien, mais a aussi déclaré être tunisien (PV aud. 15, p. 6). A l’audience de première instance, il a précisé être algérien par son père et tunisien par sa mère (jgt., p. 7). Il a confirmé cette nationalité à l’audience d’appel (PV de l’audience du 28 août 2014, p. 2). L’état de fait a été complété dans la mesure nécessaire de ce qui précède.
6.2
B._ reproche aux premiers juges de n’avoir pas retenu qu’il y avait un attroupement autour des deux principaux protagonistes, attroupement dont les intentions n’étaient pas louables à son égard.
En l’espèce, les premiers juges ont examiné toutes les déclarations des témoins sur ce point. En particulier, E._ a confirmé la thèse de l’appelant B._ selon laquelle quatre autres protagonistes s’en seraient pris à lui. Or, ce témoin est en conflit avec C._ comme cela ressort du jugement rendu le 22 août 2013 par le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne où ils étaient coprévenus (P. 124, p. 28). Selon l’inspecteur Bugnon, E._ a prétendu avoir été agressé à une reprise au couteau par C._ (jgt., p. 25). Quant au témoin G._, il a déclaré avoir constaté que C._ avait peu avant la bagarre ouvert un couteau pour le mettre dans sa poche en parlant à quatre ou cinq tunisiens en leur disant qu’il voulait se battre avec quelqu’un et leur a dit de venir avec lui (PV aud. 17 p. 3). Il n’a cependant pas assisté à la bagarre et a été détenu dans la même prison que B._. Ces deux témoignages, de complaisance, ne sont dès lors pas crédibles. En outre, tous les autres témoins entendus et qui ont assisté à la bagarre et dont les déclarations ont été énumérées dans le jugement attaqué et auxquelles la Cour de céans se réfère, ont décrit une bagarre entre deux hommes et non un attroupement contre lequel B._ devait se défendre.
De toute évidence, au vu de l’endroit où les événements se sont déroulés et du nombre de personnes présentes, l’altercation a provoqué l’attention des personnes s’y trouvant, soit un attroupement, d’autant que les deux protagonistes s’étaient déjà empoignés peu avant. Plusieurs témoins ont au demeurant confirmé qu’il y avait un attroupement dont certaines personnes d’origine maghrébine (PV aud. 2, pp. 2 s. ; PV aud. 13, p. 2) . Cependant, rien ne permet de dire qu’il y a eu un groupe de personnes qui en voulaient à l’intégrité physique ou psychique de B._. En effet, aucun élément au dossier ne vient étayer la thèse de l’appelant B._ d’une rivalité exacerbée entre les ressortissants de ces pays ni d’une animosité collective particulière à son égard en raison du fait qu’il se dit protecteur des toxicomanes. Il a d’ailleurs précisé lui-même n’avoir pas vu les couteaux des tunisiens qui se trouvaient autour de lui, mais qu’il était certain qu’ils en avaient car leurs mains étaient dans les poches (PV aud. 12, p. 3). Ces éléments sont insuffisants et le grief soulevé par B._ doit être rejeté.
6.3
L’appelant prétend que les premiers juges ont reconstitué les faits en retenant qu’il y avait eu des moments bien distincts entre la sortie du couteau, le désarmement, l’intervention de F._ et l’usage du couteau.
En l’espèce, il ressort très clairement du jugement attaqué que les premiers juges n’ont jamais perdu de vue que les événements se sont déroulés dans un laps de temps extrêmement court. Afin de reconstituer le déroulement des faits, ils ont simplement dû détailler les différents moments de l’altercation.
6.4
B._ soutient que l’intervention de F._ n’a pas eu lieu avant qu’il ne « pique » C._ mais pendant qu’il lui donnait des coups de couteau. Il en déduit que son geste ne pouvait qu’être involontaire.
En l’espèce, quoi qu’en dise B._, on peine à comprendre l’importance de cet élément temporel. Plusieurs témoins ont affirmé que F._, comme lui-même l’a d’ailleurs toujours répété, était intervenu pour séparer les deux protagonistes (PV aud. 1, p. 2 ; PV aud. 2, p. 3).
B._ n’a pas cessé de modifier sa version des faits sur ce point, perdant ainsi toute crédibilité. Il a notamment affirmé que F._ s’était approché de lui pour lui parler après qu’il ait piqué C._ et qu’il n’était pas blessé (PV aud. 7, p. 3 et PV aud. 12, p. 4). Il a également dit avoir frappé d’abord C._, puis involontairement F._ (PV aud. 15, p. 5). C’est seulement aux débats de première instance qu’il a adopté la version des faits qu’il soutient aujourd’hui, à savoir qu’au moment où il piquait C._, il regardait derrière lui et a touché accidentellement F._ (jgt., p. 22). Les différents témoignages recueillis ne permettent pas de déterminer précisément quand F._ a été blessé. En effet, celui-ci a déclaré qu’il était intervenu après avoir vu B._ sortir un couteau et foncer sur C._. Il a alors voulu s’interposer (PV aud. 4, p 2). Aux débats de première instance, il a expliqué que lorsqu’il s’est approché de B._, celui-ci l’a regardé dans les yeux, lui a mis le coup de couteau et a continué à donner des coups de couteau à C._ (jgt., p. 17). Quant à C._, il a déclaré lors de sa première audition et à l’audience de première instance que F._ était intervenu après qu’il a reçu les coups de couteau, lorsqu’il essayait de fuir (PV aud. 5, p. 2 et jgt., p. 19). P._, J._ et U._ ont affirmé que F._ avait été blessé après C._ (PV aud. 2, p. 2 ; PV aud. 10, p. 2 ; PV aud. 16, p. 16), tandis qu’L._ a déclaré qu’il avait donné d’abord le coup de couteau à F._ avant d’en asséner plusieurs à C._ (PV aud. 1, pp. 2 s.).
Au vu des éléments qui précèdent, il n’est pas possible d’affirmer, comme les premiers juges l’ont fait (jgt., p. 48), que B._ a donné un coup de couteau à F._ pour se défaire de son emprise avant d’infliger plusieurs coups de couteau à C._. Il apparaît plutôt que B._ avait déjà agressé C._. Quoi qu’il en soit, ce point n’est pas déterminant. En effet, tous les témoins ont parlé d’une intervention de F._ pour séparer les protagonistes. Personne n’a fait état d’une attitude menaçante ou agressive de F._. En outre, il ressort des déclarations claires de F._ qu’avant de le frapper, B._ l’a regardé. Celui-ci a aussi expliqué en audience que B._ devait bien voir qui il était et qu’il a dû le reconnaître.
La version des faits de F._ est à l’évidence plus crédible que celle de B._. D’abord, comme les premiers juges l’ont retenu, F._ est apparu mesuré en audience et n’a rien réclamé à B._. Il l’a également été dans ses premières déclarations. Ensuite, s’agissant de l’intervention de F._, B._, comme déjà relevé, a donné plusieurs versions des événements, n’hésitant pas à affirmer n’avoir pas remarqué que F._ était blessé alors même qu’il saignait abondamment (cf. PV aud. 12, p. 4). Il a également déclaré avoir été effrayé et ne pas avoir vu à ce moment si F._ était porteur d’un couteau. Or, hormis l’appelant, personne n’a compris l’intervention de F._ comme un geste agressif de sa part. Enfin, comme relevé ci-dessus, rien au dossier ne permet d’affirmer que B._ ait été en danger et menacé par plusieurs tunisiens.
Partant, le grief soulevé par l’appelant doit être rejeté.
7.
B._ conteste la tentative de meurtre sur C._ soutenant qu’il n’a jamais eu l’intention de tuer. Il soutient avoir agi en état de légitime défense, à tout le moins en état de légitime défense excusable.
7.1
Selon la jurisprudence, il y a tentative lorsque l'auteur a réalisé tous les éléments subjectifs de l'infraction et manifesté sa décision de la commettre, alors que les éléments objectifs font, en tout ou en partie, défaut (ATF 137 IV 113 c. 1.4.2; 131 IV 100 c. 7.2.1). La tentative suppose toujours un comportement intentionnel, le dol éventuel étant suffisant.
Selon l’art. 12 al. 2 CP, agit intentionnellement quiconque commet un crime ou un délit avec conscience et volonté. De jurisprudence constante, il y a dol éventuel lorsque l’auteur tient pour possible la réalisation de l’infraction et l’accepte au cas où celle-ci se produirait, même s’il ne souhaite pas le résultat envisagé (art. 12 al. 2 ; ATF 137 IV 1 c. 4.2.3; 135 IV 152 c. 2.3.2 ; 133 IV 9 c.4.1 ; 130 IV 58 c. 8.2 = JT 2004 I 486). Le juge doit se déterminer au vu des circonstances de l’espèce. Le dol éventuel peut être retenu au regard des éléments révélateurs du contenu de la conscience et de la volonté, comme la probabilité connue par l’auteur de la réalisation du risque, l’importance de la violation du devoir de prudence, ses mobiles et la manière dont il a agi. En effet, il n’est pas rare que l’intention doive être déterminée, alors que les auteurs n’ont fait aucun aveu à ce propos ou ne sont pas précisément prononcés sur cette question (ATF 134 IV 26 c. 3.2.2).
7.2
En vertu de l’art. 15 CP, quiconque, de manière contraire au droit, est attaqué ou menacé d’une attaque imminente a le droit de repousser l’attaque par des moyens proportionnés aux circonstances. Selon l’art. 16 CP, si l’auteur, en repoussant une attaque, a excédé les limites de la légitime défense au sens de l’art. 15 CP, le juge atténue la peine (al. 1). Si cet excès provient d’un état excusable d’excitation ou de saisissement causé par l’attaque, l’auteur n’agit pas de manière coupable (al. 2).
La légitime défense suppose une attaque, c'est-à-dire un comportement visant à porter atteinte à un bien juridiquement protégé, ou la menace d'une attaque, soit le risque que l'atteinte se réalise. Il doit s'agir d'une attaque actuelle ou à tout le moins imminente, ce qui implique que l'atteinte soit effective ou qu'elle menace de se produire incessamment (ATF 106 IV 12 c. 2a; ATF 104 IV 232 c. c). Cette condition n'est pas réalisée lorsque l'attaque a cessé ou qu'il n'y a pas encore lieu de s'y attendre (ATF 93 IV 81 c. a). Une attaque n'est cependant pas achevée aussi longtemps que le risque d'une nouvelle atteinte ou d'une aggravation de celle-ci par l'assaillant reste imminent (ATF 102 IV 1 c. 2b). S'agissant en particulier de la menace d'une attaque imminente contre la vie ou l'intégrité corporelle, celui qui est visé n'a évidemment pas à attendre jusqu'à ce qu'il soit trop tard pour se défendre; il faut toutefois que des signes concrets annonçant un danger incitent à la défense. Tel est notamment le cas lorsque l'agresseur adopte un comportement menaçant, se prépare au combat ou effectue des gestes qui donnent à le penser (ATF 93 IV 81 c. a). Par ailleurs, l'acte de celui qui est attaqué ou menacé de l'être doit tendre à la défense; un comportement visant à se venger ou à punir ne relève pas de la légitime défense; il en va de même du comportement qui tend à prévenir une attaque certes possible mais encore incertaine, c'est-à-dire à neutraliser l'adversaire selon le principe que la meilleure défense est l'attaque (TF 6B_926/2009 du 15 décembre 2009 c. 3.2 et la jurisprudence citée).
La défense doit apparaître proportionnée au regard de l'ensemble des circonstances. A cet égard, on doit notamment examiner la gravité de l'attaque, les biens juridiques menacés par celle-ci et par les moyens de défense, la nature de ces derniers ainsi que l'usage concret qui en a été fait. La proportionnalité des moyens de défense se détermine d'après la situation de celui qui voulait repousser l'attaque au moment où il a agi. Les autorités judiciaires ne doivent pas se livrer à des raisonnements a posteriori trop subtils pour déterminer si l'auteur des mesures de défense n'aurait pas pu ou dû se contenter d'avoir recours à des moyens différents, moins dommageables. Il est aussi indispensable de mettre en balance les biens juridiquement protégés qui sont menacés de part et d'autre. Encore faut-il que le résultat de cette pesée des dangers en présence soit reconnaissable sans peine par celui qui veut repousser l'attaque, l'expérience enseignant qu'il doit réagir rapidement (ATF 136 IV 49 c. 3.2; ATF 107 IV 12 c. 3; ATF 102 IV 65 c. 2a).
7.3
En l’espèce, B._ a infligé à C._ six coups de couteau, dont deux dans le dos, deux dans l’abdomen et deux au visage. Il a en particulier frappé sur le tronc où se trouvent les organes vitaux. Cette attaque était objectivement susceptible d’entraîner la mort en raison du risque hémorragique encouru (cf. P. 23). De plus, la Cour de céans ne croit pas à la version de l’appelant qui explique avoir mis le pouce sur la lame afin de seulement « piquer » sa victime et ne pas la blesser profondément. Si les plaies constatées sur C._ étaient peu profondes c’est uniquement en raison de l’épaisseur des vêtements que ce dernier portaient, des traces de coupures et de sang étant visibles sur le pull ainsi que sur la doudoune sans manches de la victime (P. 29). Rappelons que B._ a désarmé C._, a écarté F._ et s’en est pris à lui, lui infligeant plusieurs coups de couteau. Il voulait manifestement en découdre. Enfin, compte tenu de son expérience militaire, du nombre de coups, de leur emplacement, de l’acharnement dont il a fait preuve, du risque hémorragique, il ne pouvait ignorer que C._ était en danger de mort. Et même s’il n’a pas voulu en soit causer la mort de sa victime, il s’est accommodé d’une issue qui aurait pu être mortelle.
En outre, il n’a pas été établi qu’un groupe de personnes en voulait à l’intégrité physique ou psychique de B._. Il est évident, notamment en raison de l’attroupement qui s’est formé autour des protagonistes, que l’ambiance était électrique, mais rien n’indique qu’il y avait un danger concret pour B._ autre qu’éventuellement des atteintes à l’honneur. Il n’y a, dans ces circonstances, pas de place pour la légitime défense, C._ étant désarmé et ayant été blessé aussi dans le dos, soit lorsqu’il fuyait. Il en va de même pour la légitime défense excusable, dans la mesure où B._ n’a pas été dans un état excusable d’excitation. De plus, même si C._ l’a menacé en premier avec un couteau, une fois désarmé, ce dernier n’était plus susceptible d’attaquer B._ qui avait nettement pris l’avantage, également au vu de sa carrière militaire.
8.
8.1
B._ plaide la légitime défense putative s'agissant du coup de couteau donné à F._.
8.1.1
La notion de légitime défense putative implique que l'auteur a cru erronément se trouver dans une situation de fait constituant la légitime défense au sens de l'art. 15 CP (cf. 7.2 supra), autrement dit qu'il a cru, par erreur, qu'il était attaqué ou menacé de l'être (ATF 129 IV 6 c. 3.2).
8.1.2
En l'espèce, la Cour de céans a retenu que F._ était intervenu pour séparer les protagonistes et qu'il n'avait fait preuve d’attitude menaçante ou agressive. Ainsi, même si B._ a pu être surpris par le fait que F._ se soit interposé et qu'il l'ait empoigné, rien ne lui permettait de croire que ce dernier ou d'autres tunisiens sur la place en voulaient à son intégrité physique ou psychique. Le fait que certains d'entre eux avaient probablement des couteaux sur eux n'y change rien, dès lors qu'aucune autre arme que celle que l'appelant avait dans la main n'a été brandie lors des faits. B._ ne pouvait ainsi croire, par erreur, qu'il se faisait attaquer par F._, lequel a agi passivement pour tenter de mettre fin à l'altercation entre lui et C._. Partant, il n'y a également ici pas de place pour la légitime défense putative.
8.2
B._ plaide subsidiairement les lésions corporelles simples qualifiées par négligence.
8.2.1
Conformément à l’art. 12 al. 3 CP, agit par négligence quiconque, par une imprévoyance coupable, commet un crime ou un délit sans se rendre compte des conséquences de son acte ou sans en tenir compte. L’imprévoyance est coupable quand l’auteur de l’acte n’a pas usé des précautions commandées par les circonstances et par sa situation personnelle.
8.2.2
En l'espèce, avant d'infliger un coup de couteau, B._ a marqué un petit temps d'arrêt et regardé F._ dans les yeux. Selon la victime, il ne pouvait avoir aucune confusion car B._ l'avait bien reconnu. Ce dernier était en outre conscient que la victime n'avait pas d'arme en mains. Ainsi, c'est à bon droit que le Tribunal criminel a retenu que B._ a volontairement donné un coup de couteau à F._, un geste accidentel ou spontané étant absolument exclu.
8.3
En définitive, les qualifications juridiques retenues par les premiers juges, à savoir les lésions corporelles simples qualifiées et la mise en danger de la vie d'autrui, doivent être confirmées.
9.
B._ conclut à ce qu’il soit condamné à une peine pécuniaire, subsidiairement à une peine privative de liberté ne dépassant pas une année.
Dans son appel joint, le Ministère public conteste la quotité de la peine infligée à B._ et requiert une peine privative de liberté de sept ans.
9.1
Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 c. 2.1; 129 IV 6 c. 6.1).
9.2
En l'espèce, la culpabilité de B._ est terriblement lourde. Il s'est rendu coupable de tentative de meurtre, mise en danger de la vie d’autrui, lésions corporelles simples qualifiées, lésions corporelles simples, tentative de contrainte, insoumission à une décision de l’autorité, infraction à la Loi fédérale sur les étrangers et contravention à la Loi fédérale sur les stupéfiants. A charge, on retiendra qu'il n'a pas hésité à s'en prendre avec lâcheté, accompagné de deux autres individus non identifiés, à W._ pour un motif totalement futile. Il s'en est également pris à C._ en le poursuivant et lui assénant six coups de couteau alors qu'il était désarmé et à F._ qui tentait seulement de mettre fin à la bagarre. B._ a agi avec une absence totale de scrupule, niant ou minimisant les faits et voulant se faire passer pour un grand frère protecteur voire une victime. Il n'y a pas l'ombre d'une prise de conscience chez le prévenu qui a même usé de son influence pour tenter d'orienter certains témoignages en sa faveur. Il n’a aucun respect pour l’autorité, bravant une interdiction d’approcher, et essaie même de s’ériger lui-même en autorité prétendant régler les conflits des autres. Enfin, il sera tenu compte du concours d’infractions et des lourds antécédents du prévenu, en particulier ses trois condamnations pour lésions corporelles simples, qui démontrent qu’il se complaît dans la violence.
A décharge, on retiendra le bon comportement du prévenu en prison. Il y a aussi lieu de tenir compte dans l’appréciation de sa faute de sa responsabilité pénale légèrement diminuée (cf. expertise psychiatrique du 3 mai 2013, P. 86).
Les éléments à charge et à décharge mis en exergue ont été correctement appréciés par le tribunal criminel, de sorte que la peine de détention de six ans prononcée par les premiers juges est adéquate et doit être confirmée.
Mal fondés, les moyens tirés d'une violation de l'art. 47 CP doivent donc être rejetés.
10.
L’appelant C._ ne conteste expressément ni le genre, ni la quotité de la peine. Il y a cependant lieu de statuer d'office sur ces points dans la mesure où il a conclu à son acquittement.
10.1
Les éléments à prendre en compte pour la fixation de la peine ont déjà été rappelés ci-dessus (cf. 9.1 supra).
10.2
En l'espèce, la culpabilité de C._ est importante. Il s'est rendu coupable de tentative de lésions corporelles simples sur la personne de B._. A charge, on retiendra qu'il n'a pas hésité à sortir son couteau avant de se faire désarmer par B._. Si les faits ne s’étaient pas déroulés de cette manière, la Cour de céans est convaincue, à l'instar des premiers juges, que la situation aurait été toute autre. Il y a également lieu de tenir compte des nombreux antécédents de C._ qui a été condamné à sept reprises. A décharge, il sera pris en compte que le prévenu a été blessé dans l'altercation qui l'a opposé à B._.
Sur la base de ces éléments, la peine prononcée par les premiers juges de quatre mois et vingt jours de détention est adéquate et doit être confirmée. Cette peine sera complémentaire à la peine privative de liberté de 100 jours prononcée par l’ordonnance pénale rendue par le Ministère public de l’arrondissement de Lausanne le 14 novembre 2012 et à la peine privative de liberté de 300 jours prononcée le 22 août 2013 par le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne.
11.
B._ conclut à ce qu'une proportion réduite des frais de première instance soit mise à sa charge, respectivement une proportion augmentée à la charge de C._, éventuellement en application de l'art. 432 CPP.
C._ plaide à la mise à la charge de l'Etat de tous les frais de procédure le concernant.
11.1
Selon l'art. 426 al. 1 CPP, le prévenu supporte les frais de procédure s’il est condamné. Font exception les frais afférents à la défense d’office; l’art. 135 al. 4, est réservé. L’art. 426 al. 2 dispose que lorsque la procédure fait l'objet d'une ordonnance de classement ou que le prévenu est acquitté, tout ou partie des frais de procédure peuvent être mis à sa charge s'il a, de manière illicite et fautive, provoqué l'ouverture de la procédure ou rendu plus difficile la conduite de celle-ci.
11.2
En l'espèce, les premiers juges ont mis les neuf dixièmes des frais communs à la charge de B._ et un dixième des frais communs à la charge de C._. Cette répartition est justifiée. En effet, compte tenu des infractions pour lesquelles B._ est seul poursuivi et son rôle dans la bagarre de Z._, il ne se justifie pas de réduire les frais judiciaires de première instance mis à sa charge. Il en va de même pour C._ qui se voit toujours condamné pour tentative de lésions corporelles simples.
12.
C._ a conclu à la suppression du chiffre IX du dispositif du jugement attaqué qui rejetait ses conclusions civiles et demandes d’indemnités prises à l’encontre de B._. Il n’a toutefois pas pris de conclusions en allocation de telles indemnités dans sa déclaration d’appel motivée, si bien que le chiffre IX du dispositif sera confirmé.
13.
Sur le vu de ce qui précède, les appels de B._ et C._ ainsi que l'appel joint du Ministère public doivent être rejetés. Le jugement du Tribunal criminel de l'arrondissement de Lausanne du 28 août 2014 est rectifié d’office dans le sens des considérants (cf. 5.3.2 supra).
L’appelant B._ succombant, la conclusion de l'appel tentant à l'octroi d’une indemnité au sens des art. 429 et 431 al. 2 CPP en sa faveur doit être rejetée.
Les frais d'appel doivent être mis par deux cinquièmes à la charge de B._, par deux cinquièmes à la charge de C._, le solde étant laissé à la charge de l’Etat (art. 428 al. 1 CPP). Outre l'émolument, qui se monte à 4’220 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]), ces frais comprennent l’entier des indemnités allouées aux défenseurs d’office des appelants.
Compte tenu de la nature de la cause, de la connaissance du dossier acquise en première instance et des opérations nécessaires à la défense des intérêts de son client, le temps consacré à la présente procédure par Me Samuel Pahud est beaucoup trop élevé, notamment les 12 heures consenties à la rédaction de la déclaration d’appel et à la préparation de l’audience, ce d’autant plus que l’avocat a plaidé 35 minutes lors de l’audience d’appel (cf. P. 157). 25 heures d’activité, audience d’appel comprise, suffisaient pour mener à bien son mandat. C’est donc une indemnité de 5’052 fr. 25, correspondant à 25 heures à 180 fr., une vacation à 120 fr. et 58 fr. de débours, plus la TVA, qui doit être allouée au défenseur d’office de B._ pour la procédure d’appel.
S’agissant de l’indemnité d’office, Me Lisa Gonzalez Pennec a produit une liste d’opérations faisant état de 21 heures et 40 minutes d’activité, dont 19 heures et 45 minutes effectuées par son avocat-stagiaire et le solde par ses soins (P. 158). Compte tenu de la nature de la cause, de la connaissance du dossier acquise en première instance et des opérations nécessaires à la défense des intérêts de son client, le temps consacré à la présente procédure est trop élevé. Tout bien considéré, il sera tenu compte de 2 heures d’activité pour Me Lisa Gonzalez Pennec et de 15 heures pour son stagiaire. C’est donc une indemnité de 2’516 fr. 40, correspondant à 2 heures à 180 fr. et 15 heures à 110 fr., trois vacations au tarif applicable pour les avocats-stagiaires, soit 80 fr. et non 120 fr., et 80 fr. de débours, plus la TVA, qui doit être allouée au défenseur d’office de C._ pour la procédure d’appel.
B._ et C._ ne seront tenus de
rembourser à l’Etat le montant de l’indemnité allouée à leurs défenseurs d’office que lorsque leur situation financière le permettra
. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
25de8910-fb02-4cef-8b2e-4c6c6a0df05c | En fait :
A.
Par jugement du 1
er
avril 2015, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de La Broye et du Nord vaudois a libéré E._ du chef de prévention de vol par métier (I), a constaté que E._ s’est rendu coupable de vol en bande, dommages à la propriété, tentative de violation de domicile, violation de domicile, vol d’usage, et infraction à la loi fédérale sur les étrangers (II), l’a condamné à une peine privative de liberté de 30 (trente) mois, sous déduction de 243 jours de détention avant jugement au 1
er
avril 2015 (III), a ordonné à toutes fins utiles le maintien en exécution anticipée de peine de E._ (IV), a ordonné la révocation du sursis accordé à E._ le 26 août 2013 par le Ministère public de la Confédération et l’exécution de la peine pécuniaire de 5 (cinq) jours-amende à 30 (trente) francs (V), a renvoyé S._, B.N._, et Z._ à agir par la voie civile contre E._ (VI), a ordonné la confiscation et la dévolution à l’Etat des espèces séquestrées sous fiche n°
[...]
(VII), a ordonné la confiscation et la destruction de l’ensemble des objets séquestrés sous fiches n° [...] et [...] (VIII), a ordonné la confiscation et la destruction, une fois jugement définitif et exécutoire des trois CD qui figurent au dossier sous fiche de pièces à conviction n° [...] (IX), a mis une partie des frais de la cause par 18’118 fr. (dix-huit mille cent dix-huit francs) à la charge de E._, y compris l’indemnité allouée à son défenseur d’office Me Angelo Ruggiero par 5’648 fr. 40 (cinq mille six cent quarante-huit francs et quarante centimes), le solde étant laissé à la charge de l’Etat (X) et a dit que le remboursement à l’Etat de l’indemnité allouée sous chiffre X. ci-dessus ne pourra être exigé de E._ que dans la mesure où sa situation financière se sera améliorée et le permettra (XI).
B.
Par annonce du 10 avril 2015, puis déclaration motivée du 4 mai suivant, E._ a formé appel contre ce jugement, en concluant, avec suite de frais et dépens, à sa réforme en ce sens qu’il est condamné pour vol, dommages à la propriété, tentative de violation de domicile, violation de domicile, vol d’usage et infraction à la loi fédérale sur les étrangers à une peine privative de liberté de 9 mois, sa libération immédiate étant ordonnée.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
1.1
Né le 13 août 1976, E._ est originaire de Serbie. Au terme de sa scolarité obligatoire, il a effectué avec succès un apprentissage de mécanicien. En janvier 1998, il est parti pour l’Italie où il aurait travaillé dans le domaine de la construction. Il y a également subi plusieurs périodes d’incarcération, ainsi qu’en 2011 au Danemark.
Marié, il est père de deux enfants, un garçon de trois ans et une fille de onze ans née d’une première union. Cette dernière vit en Pologne avec sa mère. La famille du prévenu vit en Serbie. Avant son incarcération, il exploitait un bar avec sa femme qui est actuellement fermé en raison de difficultés financières.
Le casier judiciaire suisse de E._ comporte une condamnation à une peine pécuniaire de 5 jours-amende à 30 fr. avec sursis pendant deux ans pour opposition aux actes de l’autorité, prononcée le 26 août 2013 par le Ministère public de la Confédération.
Il ressort de l’extrait de son casier judiciaire allemand qu’il a été condamné dans ce pays le 20 mars 2014 pour entrée et séjour illégaux.
L’extrait de son casier judiciaire italien comporte dix-sept inscriptions entre 1998 et 2011 faisant notamment état de condamnations à des peines privatives de liberté comprises entre un mois et un an et quatre mois entre autres pour des infractions contre le patrimoine.
1.2
Pour les besoins de la présente cause, E._ a été détenu avant jugement du 2 août au 11 novembre 2014, soit durant 102 jours. Depuis le 12 novembre 2014, il exécute sa peine de manière anticipée.
2.
2.1
Entre le 15 septembre 2013 à 19h00 et le 22 septembre 2013 à 07h30, au Parking [...] à Genève, E._, en compagnie d’un individu dénommé T._, a forcé, à l’aide d’un outil plat indéterminé, la serrure de la portière côté conducteur du véhicule appartenant à S._ avant de dérober ledit véhicule en allumant le contact d’une manière indéterminée. L’objectif était de pouvoir ensuite se déplacer librement pour commettre des cambriolages. Alors que E._ et son comparse se trouvaient au volant du véhicule, ce dernier s’est arrêté pour une raison indéterminée sur l’autoroute A1 (chaussée Jura) entre l’échangeur d’Yverdon-les-Bains et celui d’Essert-Pittet. La voiture a été retrouvée à cet endroit en date du 22 septembre 2013.
Le jour même, S._ a déposé plainte et s’est constitué partie civile.
2.2
Le 22 septembre 2013, entre 04h30 et 05h20, à Champagne, E._, toujours en compagnie du dénommé T._, a forcé la fenêtre de la véranda d’une boulangerie, puis la porte donnant accès au magasin [...], au moyen d’un outil plat indéterminé. Une fois à l’intérieur du commerce, les auteurs ont forcé le cadre et la porte vitrée de la caisse enregistreuse avant de dérober plusieurs cartouches de cigarettes pour une valeur totale de 12'205 fr. 20.
Le jour même, F._, agissant en tant que représentante qualifiée de [...], a déposé plainte et s’est constituée partie civile.
2.3
Le 27 septembre 2013, entre 03h58 et 04h10, à la Rue de [...] à Genève, E._ accompagné de T._ a pénétré à l’intérieur du magasin A.N._, après avoir brisé une porte vitrée, à l’aide d’un objet indéterminé. Le prévenu et son comparse ont ensuite dérobé trente-quatre manteaux en fourrure pour une valeur totale de 75'400 francs. Le montant des dégâts s’élève quant à lui à 1'267 francs.
Le 7 octobre 2013, B.N._ a déposé plainte.
2.4
Le 1
er
octobre 2013, vers 05h00, à l’Avenue de [...] à Lausanne, E._ et son comparse ont brisé la vitre du magasin de montres K._ d’une manière indéterminée. Les auteurs n’ont pas réussi à pénétrer à l’intérieur dudit magasin. Ils ont néanmoins été en mesure de dérober, depuis l’extérieur, cinq montres dont une de marque Jaeger-Lecoultre, une de marque Alpina, deux de marque Jorg Hysek et une de marque Van Der Bauwede.
Le jour même, Z._, agissant en tant que représentant qualifié de K._, a déposé plainte et s’est constitué partie civile.
2.5
Dans le courant de l’année 2013, E._ est entré en Suisse alors qu’il était sous le coup d’une décision d’interdiction d’entrée sur le territoire Schengen. Il a séjourné en Suisse sans autorisation à tout le moins du 15 septembre au 1
er
octobre 2013, période durant laquelle, il a commis les infractions retenues sous chiffre 2.1 à 2.4 ci-dessus.
Enfin, le 29 juillet 2014, le prévenu est à nouveau entré en Suisse sous l’identité de R._ alors qu’il faisait l’objet d’une interdiction d’entrée en Suisse prononcée le 12 août 2013. Il a ensuite séjourné illégalement sur notre territoire jusqu’à son interpellation du 2 août 2014. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux (art. 399 CPP) par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de E._ est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1 et la doctrine citée).
3.
L’appelant conteste en premier lieu la réalisation de la circonstance aggravante de la bande pour l’infraction de vol. Il fait valoir qu’il n’a agi qu’avec un seul comparse, qu’ils n’ont commis ensemble que trois vols à l’improviste, sans organisation préalable, sans répartition des rôles et sans entente préalable sur le partage du butin. Pour le surplus, ils ne se connaissaient pas avant les faits et ne se sont côtoyés que pendant sept jours. Toujours selon l’appelant, il ne se serait ainsi pas associé avec son comparse.
3.1
Aux termes de l’art. 139 ch. 3 CP, le vol est puni d’une peine privative de liberté de dix ans au plus ou d’une peine pécuniaire de 180 jours-amende au moins si son auteur l’a commis en qualité d’affilié à une bande formée pour commettre des brigandages ou des vols.
Selon la jurisprudence, l’affiliation à une bande est réalisée lorsque deux ou plusieurs auteurs manifestent expressément ou par actes concluants la volonté de s’associer en vue de commettre ensemble plusieurs infractions indépendantes, même s’ils n’ont pas de plan et que les infractions futures ne sont pas encore déterminées. L’association a pour caractéristique de renforcer physiquement et psychiquement chacun des membres de sorte qu’elle les rend particulièrement dangereux et laisse prévoir la commission d’autres infractions de ce type (ATF 135 IV 158 c. 2 ; ATF 124 IV 286 c. 2a, 86 c. 2b).
Cette qualification suppose toutefois un minimum d’organisation (par exemple une répartition des tâches ou des rôles) et que la coopération des intéressés soit suffisamment intense pour que l’on puisse parler d’un groupe stable même s’il n’est qu’éphémère (ATF 132 IV 132 c. 5.2 et les références citées).
Du point de vue subjectif, il suffit que l’auteur connaisse et veuille les circonstances de fait qui correspondent à la définition de la bande (ATF 124 IV 86, précité, c. 2b).
3.3
En l’espèce, il ne fait aucun doute que l’appelant formait une bande avec le dénommé T._. C’est en vain que l’appelant s’écarte de l’état de fait du jugement pour contester le minimum d’organisation en place dans la commission des infractions. Les premiers juges ont ainsi relevé que les comparses se déplaçaient ensemble pour se rendre sur les lieux des vols, qu’ils se répartissaient à parts égales le prix de vente des objets volés et qu’ils avaient agi à plusieurs reprises ensemble, démontrant ainsi une association certes éphémère, mais comportant un minimum d’organisation, de sorte à pouvoir la qualifier de bande. Cette appréciation est adéquate et doit être confirmée.
4.
L’appelant reproche également aux premiers juges de lui avoir infligé une peine disproportionnée par rapport à sa culpabilité. Ils n’auraient pas tenu compte suffisamment de sa bonne collaboration à l’enquête, de sa situation personnelle, en particulier familiale, et auraient accordé trop de poids à ses antécédents
.
4.1
Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale (TF 6B_85/2013 du 4 mars 2013 c. 3.1 ; ATF 134 IV 17 c. 2.1 ; ATF 129 IV 6 c. 6.1 p. 20).
4.2
Pour fixer la peine, le tribunal de première instance a retenu à charge les condamnations antérieures prononcées dans plusieurs pays européens pour des délits contre le patrimoine, l’appât du gain, le butin considérable, le concours d’infractions et a refusé de prendre en compte à décharge la collaboration de l’appelant à la détermination des faits délictueux, dès lors qu’il ne les a reconnus que lorsqu’il était de toute manière confondu par son ADN.
Là encore, cette appréciation est adéquate. Entendu le 2 août 2014, le prévenu a commencé par nier toute infraction et, devant le procureur genevois, a refusé de s’exprimer (dossier joint B, P. 1 et 3). Ce n’est que confronté aux preuves techniques qu’il a reconnu certains cas de vols.
Pour le reste, l’appelant est manifestement un voleur professionnel de longue date et n’entend pas changer de comportement, malgré de belles déclarations d’intention. Il avait déjà une famille lorsqu’il a commis des vols en ltalie, au Danemark et en Allemagne. C’est donc en vain qu’il prétend que sa situation personnelle ne l’exposerait pas à la récidive. Il faut au contraire constater que l’appelant paraît malheureusement ancré dans la délinquance et c’est donc à juste titre que les premiers juges ont prononcé une peine sévère pour des motifs de prévention spéciale.
La sanction doit en conséquence être confirmée.
5.
En définitive, l’appel doit être rejeté et le jugement entrepris confirmé.
5.1
L'indemnité de défenseur d'office allouée à Me Angelo Ruggiero pour la procédure d'appel sera fixée à 2'118 fr. 95, TVA compris, correspondant à 10 heures d’activité à 180 fr., une vacation à 120 fr. et 42 fr. de débours.
5.2
Vu l’issue de la cause, les frais d’appel, constitués de l’émolument de jugement, par 1'390 fr., ainsi que de l’indemnité allouée au défenseur d'office de E._, par 2'118 fr. 95,
sont mis à la charge de ce dernier (art. 428 al. 1 CPP).
E._ ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant de l’indemnité d'office précitée que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
2601cdc6-534a-4527-a328-3fe47629c233 | En fait :
A.
Par jugement du 5 octobre 2011, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne a acquitté B.Z._ (I), a libéré A.Z._ des accusations d'interruption de grossesse punissable, de voies de fait qualifiées et de contrainte (II), a condamné A.Z._, pour lésions corporelles simples qualifiées, injure et menaces qualifiées, à 90 jours-amende, à 30 fr. le jour, avec sursis pendant deux ans, sous déduction de quinze jours de détention préventive, à 1'000 fr. d'amende et au paiement des frais, par 8'782 fr. 90, le surplus des frais demeurant à l'Etat (III), a dit que la peine privative de liberté de substitution, en cas de non-paiement de l'amende, est de 33 jours (IV), a dit que A.Z._ est débiteur de C.Z._ de 15'000 fr. à titre d'indemnité pour tort moral et donné acte de ses réserves civiles à C.Z._ pour le surplus (V), a rejeté toutes autres ou plus amples conclusions (VI) et a arrêté l'indemnité du conseil d'office de C.Z._ à 4'492 fr. 80 pour toute chose (VII).
B.
Le 14 octobre 2011, A.Z._ a annoncé faire appel de ce jugement. Par déclaration d'appel du 14 novembre suivant, il a conclu, avec suite de frais, à la réforme, soit à la modification du jugement entrepris en ce sens que l'appelant est libéré des accusations d'interruption de grossesse punissable, de voies de fait qualifiées, de lésions corporelles simples qualifiées, d'injure et de contrainte (ch. II nouveau); qu'il est condamné, pour menaces qualifiées, à 30 jours-amende, à 30 fr. le jour-amende, avec sursis pendant deux ans, sous déduction de quinze jours de préventive, et à 300 fr. (d'amende, réd.), les frais étant laissés à la charge de l'Etat (ch. III nouveau); que la peine privative de liberté de substitution, en cas de non-paiement de l'amende, est de 11 jours (ch. IV nouveau); qu'il est débiteur de C.Z._ de 3'000 fr. à titre d'indemnité pour tort moral et qu'il est donné acte de ses réserves civiles à C.Z._ pour le surplus (ch. V nouveau).
Le 17 octobre 2011, le Ministère public a également annoncé faire appel de ce jugement. Par déclaration d'appel du 11 novembre suivant, il a conclu à la modification du jugement précité en ce sens que l'intimé A.Z._ est libéré du chef d'accusation d'injure (I), qu'il est déclaré coupable de lésions corporelles simples qualifiées, de menaces qualifiées et de contrainte (II) et qu'il est condamné à une peine de 180 jours-amende, la valeur du jour-amende étant fixée à 100 fr., avec sursis pendant deux ans, sous déduction de quinze jours de détention préventive, ainsi qu'à une amende de 1'000 fr., dont la peine de substitution est de dix jours de peine privative de liberté (III), le jugement étant confirmé pour le surplus (IV).
Entendu à l'audience d'appel, A.Z._ a déclaré confirmer ses déclarations faites jusqu’à présent, ajoutant que sa situation personnelle n’avait pas changé. Interrogé par le Président, il a apporté diverses précisions quant à sa situation économique actuelle, énoncées ci-dessous en partie faits. Pour sa part, le Ministère public a, au vu des précisions apportées par le prévenu, réduit sa conclusion portant sur la quotité du jour-amende en ramenant le montant requis à 70 francs. Enfin, C.Z._, intimée à l'appel du prévenu, a conclu, par son conseil, au rejet de l'appel du prévenu et à l'admission de l'appel du Ministère public.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.1 Le prévenu A.Z._, ressortissant turc, né en 1973, est l'époux de C.Z._, également ressortissante turque, née en 1979. Le couple a vécu à Lausanne depuis 2004. Les époux sont séparés et se trouvent en instance de divorce. Le prévenu est père d'un fils âgé de 16 ans, issu d'une précédente union, qui est partiellement à sa charge. Il exerce la profession de responsable de vente. Il perçoit un salaire net de 4’700 fr. par mois, versé douze fois l'an (soit 5'560 fr. de revenu mensuel brut). Il estime à 500 fr. la charge mensuelle que représente son fils pour lui une fois déduites les allocations familiales qui lui sont versées. Son assurance-maladie lui coûte 380 fr., son loyer 1’090 francs. Sa charge fiscale représente 400 fr. par mois, mais il a des arriérés d’impôts, qu'il rembourse à concurrence de 1'700 fr. par mois et ce jusqu’à la fin du mois de mai 2012. Il a un crédit privé, qu'il rembourse également. Sa dette s’élève à 10'000 francs. Il dit avoir besoin d’une voiture.
Son casier judiciaire est vierge.
1.2 En décembre 2006, C.Z._ s'est rendue seule en Turquie durant plusieurs semaines, auprès de sa famille. Le 3 janvier 2007, un médecin lui a fait part de ce qu'elle était enceinte. Elle a annoncé la nouvelle le lendemain à son mari par téléphone. Un désaccord est tout de suite intervenu entre époux, la femme souhaitant garder l'enfant à naître, au contraire de son mari. A son retour en Suisse, le 12 février 2007, l'épouse a appris qu'elle était enceinte de 14 semaines.
Dès le 4 janvier 2007, soit sitôt après l'annonce de la grossesse, A.Z._ a demandé à son épouse de manière insistante, par la voie de SMS entre autres démarches, de procéder à un avortement, de préférence en Turquie, avant de retourner en Suisse. Afin de s'assurer que son mari la laisser rentrer en Suisse, C.Z._ a prétendu être d'accord de procéder à un avortement, mais uniquement dans notre pays et pour des raisons de santé.
Avant même le retour de sa femme en Suisse et sans en parler avec elle, le prévenu a obtenu un rendez-vous au CHUV grâce à l'aide de son ex-belle-mère, B.Z._, employée de l'établissement, dans le but d'entreprendre au plus vite les démarches liées à l'avortement. C.Z._ ne souhaitant pas aller à ce rendez-vous, son mari l'y a contrainte à force de pressions psychologiques, lui déclarant notamment que leur couple allait mal finir et qu'ils allaient divorcer. Les époux se sont ainsi rendus à plusieurs reprises au CHUV entre le 13 et le 19 février 2007. Durant cette période, le prévenu a menacé son épouse en lui déclarant à plusieurs reprises : "Si on était en Turquie, je t'aurais déjà tuée"; il lui a aussi dit qu'il allait lui faire du mal ou porter préjudice à sa famille. Il l'a également injuriée plusieurs fois, en des termes que l'enquête n'a pas établi. Lors des visites au CHUV, il la tenait fortement par le bras et s'occupait de traduire la majorité des propos de son épouse au personnel hospitalier, celle-ci ne parlant que peu le français. Le 19 février 2007, les époux ont été informés du refus de l'interruption de grossesse au CHUV, le délai légal autorisé étant dépassé.
Dès lors, le prévenu a organisé, contre l'avis de son épouse, un voyage en Turquie dans le dessein d'interrompre la grossesse de sa femme. Le 21 février 2007, soit la veille de son départ pour son pays, C.Z._ s'est rendue au poste de police de [...], sans toutefois parvenir à se faire comprendre, ce pour des raisons linguistiques. Elle s'est ensuite adressée à l'association [...], qui l'a aidée à contacter le CHUV, où elle s'est rendue l'après-midi même. Elle a expliqué à l'assistante sociale rencontrée sur place qu'elle désirait garder son enfant et qu'elle ne voulait pas entreprendre le voyage prévu en Turquie. Un contact téléphonique a alors été pris avec le prévenu. Celui-ci a, dans un premier temps, déclaré qu'il ne désirait pas cet enfant et qu'il ne voulait plus de sa femme. Toutefois, alors que l'épouse s'apprêtait à se rendre auprès de l'institution des [...] pour y être hébergée, une nouvelle discussion a été entamée avec le prévenu. Celui-ci a alors fait mine de changer d'attitude et a faussement déclaré à sa femme qu'il était prêt à garder l'enfant et à annuler le voyage en Turquie si elle regagnait le domicile conjugal. Le prévenu a alors pris contact avec B.Z._ pour que celle-ci ramène son épouse à la maison, car il ne voulait pas qu'elle reste seule. Le soir même, il a expliqué à son épouse qu'il lui avait menti et qu'ils partiraient le lendemain pour la Turquie.
Le lendemain 22 février 2007, les époux ont été conduits à l'aéroport par B.Z._ pour embarquer dans un vol à destination de la Turquie. Le prévenu a organisé l'interruption de grossesse dans une clinique turque qui, moyennant paiement, pratiquait de telles interventions après le délai légal. L'avortement a ainsi eu lieu, illégalement selon la loi du lieu, entre le 23 et le 26 février 2007, le séjour en Turquie ayant pris fin à cette dernière date.
1.3 Dans la nuit du 20 au 21 mars 2007, une fois les époux revenus en Suisse, une dispute a éclaté entre les intéressés alors que le prévenu se trouvait dans la salle de bain de leur logement lausannois. A un certain moment, il a saisi son épouse par les deux avant-bras en les serrant fortement, puis l'a faite tomber par terre et lui a asséné une gifle au visage. Peu après, il lui a une nouvelle fois saisi les deux bras, l'a emmenée dans la chambre à coucher, l'a poussée contre le mur, la blessant légèrement à l'épaule, l'a mise à terre et lui a encore donné plusieurs gifles. Tandis que la victime se débattait à l'aide de ses jambes, il a placé son genou entre ses jambes, heurtant ainsi son épouse aux parties génitales à tout le moins à une reprise. Il a ensuite disposé son pied sur le cou de sa femme et lui a déclaré "Je pourrais te tuer". Il a enlevé son pied après plusieurs secondes et est parti. A l'audience d'appel, il a fait valoir que c'était son épouse qui était à l'origine de la dispute et que le propos cité ci-avant ne signifiait pas autre chose que "Tu ne fais pas le poids (face à moi, réd.)".
1.4 La victime a tenté de se suicider le 21 mars 2007 au matin. Elle a été transportée en urgence au CHUV vers 8 h 30. Fondé sur un examen pratiqué le lendemain 22 mars 2007 à 10 h 20, un rapport médical établi à cette même date par l'Unité de médecine des violences de l'Institut universitaire de médecine légale de Lausanne fait état de diverses ecchymoses aux avant-bras et, notamment, d'une ecchymose à l'arrière de l'épaule droite. Au niveau du membre supérieur droit, l'avis mentionne une ecchymose violacée à la partie postérieure de l'épaule; une zone de discoloration cutanée à la partie antéro-externe du tiers supérieur du bras; trois plaies punctiformes au pli du coude; une plaie punctiforme à la partie postérieure du tiers inférieur de l'avant-bras, en regard d'un trajet veineux; une ecchymose violacée à la face postérieure de la main; une plaie punctiforme à la face antérieure du poignet. Au niveau du membre supérieur gauche, la victime présentait notamment des ecchymoses bleu violacées à la partie antéro-interne du tiers moyen du bras; une ecchymose rougeâtre à 2 cm des ecchymoses susmentionnées; cinq abrasions très superficielles à 1,5 cm des ecchymoses en question; une ecchymose rougeâtre à la partie postérieure du tiers moyen du bras et, adjacente à celle-ci, une ecchymose bleutée; une ecchymose à la partie antérieure du tiers inférieur de l'avant-bras; deux zones de discoloration cutanée d’aspect ecchymotique à la face antérieure du poignet. Le compte-rendu médical ajoutait que la victime s’était plainte de douleurs aux membres supérieurs lors de la consultation (P. 6).
Il ressort en outre d'un certificat médical délivré le 22 mai 2008 que le mal-être de la victime perdurait alors encore, l'intéressée présentant un état de stress post-traumatique se manifestant en particulier par des troubles du sommeil, une anxiété générale, des idées suicidaires et une dépression en relation avec les événements subis; la poursuite d'un traitement entamé le 24 mai 2007 s'imposait (P. 71). La victime a dû consulter une psychologue jusqu'à la fin de l'année 2010. Elle a enfin fait parvenir à l'autorité de céans (à l'appui de sa demande de dispense de comparution personnelle à l'audience d'appel) un certificat médical du 22 mars 2012 mentionnant un "état dépressif sévère lié aux difficultés vécues avec son ex(sic)-conjoint".
1.5 C.Z._ a déposé plainte le 22 mai 2007. Elle a pris des conclusions à hauteur de 20'000 fr. en réparation de son tort moral, d'une part, et à raison de 6'600 fr. à titre de dépens, sous déduction de l'indemnité en faveur de son conseil d'office, d'autre part; elle a demandé qu'acte lui soit donné de ses réserves civiles pour le surplus. Le prévenu a conclu au rejet de ces conclusions.
1.6 Aux débats de première instance, le prévenu a présenté des excuses à la plaignante. Il a plaidé principalement que l'interruption de grossesse avait été admise par son épouse.
2. Appréciant les faits de la cause, le tribunal correctionnel a retenu qu'il ressortait des SMS adressés par le prévenu à sa femme (P. 9) que leur auteur était très opposé à la venue au monde de l'enfant (PV aud. 7), non seulement pour des raisons de principe ou de stabilité du mariage, mais aussi pour des motifs plus bassement économiques. Les premiers juges ont relevé que le prévenu avait admis avoir menti à sa femme au retour du CHUV le 21 février 2007, qu'il avait exercé des pressions sur elle, l'avait menacée de demander le divorce et lui avait dit notamment qu'en Turquie, il l'aurait déjà tuée. Dès lors, c'était, toujours selon le tribunal correctionnel, en vain que le prévenu tentait de faire croire que son attitude n'avait pas été clairement contraignante vis-à-vis de son épouse. Bien plutôt, les premiers juges ont relevé une gradation des moyens de pression, parfois physiques mais bien plutôt psychiques, utilisés contre l'épouse. Les SMS ont ainsi été suivis de la prise de rendez-vous au CHUV avec un accompagnement serré si ce n'est musclé, puis de menaces et d'allusions funestes, de la décision de passer outre le délai légal d'interruption de grossesse autorisé, en Suisse comme en Turquie, et, enfin, de la fourberie qui a consisté à mentir à une victime en plein désarroi en organisant à son insu un voyage en Turquie, ce dans un contexte d'entente conjugale très relative et sans qu'à aucun moment le prévenu ne se soit préoccupé du mal-être et des besoins de sa femme. Cette attitude, qualifiée par la cour de plus que lamentable, de méchante, de trompeuse, de machiste et d'un autre âge, a perduré après le retour de Turquie; preuve en est l'épisode de la nuit du 20 au 21 mars 2007.
Néanmoins, et la plaignante l'a admis, la victime a parfois fait preuve d'une certaine ambivalence, retenue par les premiers juges. La cour n'en a pas moins retenu que le prévenu avait, par son harcèlement durant des semaines, fait preuve d'une détermination invariable, cette attitude étant tenue pour révoltante et honteuse.
Le tribunal correctionnel a matériellement qualifié les faits déterminants d'interruption de grossesse punissable, de voies de fait qualifiées, de contrainte, de lésions corporelles simples qualifiées, d'injure et de menaces qualifiées. Toutefois, l'interruption de grossesse punissable ayant eu lieu à l'étranger pour un étranger et impliquant une étrangère, elle échappait au droit suisse. En outre, la poursuite de l'infraction de voies de fait qualifiées était prescrite. Enfin, la contrainte a été implicitement considérée comme absorbée par les menaces qualifiées, le jugement étant muet à cet égard dans ses considérants.
Statuant sur la réparation civile, le tribunal correctionnel a considéré qu'il devait être tenu compte non pas du seul résultat imposé par les exigences du droit pénal, mais de tout le contexte. A cet égard, le préjudice moral de la plaignante, établi à dires de médecin, était dû au comportement du prévenu, tenu pour civilement et éthiquement très critiquable, totalement contraire à l'esprit du mariage et révélateur d'un égoïsme, d'une méchanceté et d'un manque d'empathie frappants. Une réparation de 15'000 fr. a été jugée adéquate au vu de l'ensemble des circonstances.
Le prévenu a été astreint à supporter l'ensemble des frais le concernant, soit les trois quarts des frais globaux, pour le motif que, même s'il n'a été condamné que pour partie, il n'en avait pas moins donné lieu à l'ouverture de l'enquête par son comportement civilement illicite. | En droit :
1.1
Interjetés dans les formes et délais légaux (cf. art. 399 CPP) contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), les appels sont recevables.
1.2
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
2.
S'agissant d'abord de l'appel interjeté par le prévenu, il faut d'emblée relever que les conclusions portant sur la réduction de la quotité de la peine supposent que les lésions subies par la victime soient qualifiées de voies de fait qualifiées et non de lésions corporelles simples qualifiées.
3.1
Le Tribunal fédéral a considéré que des gifles, des coups de poing ou de pied, dans la mesure où ils n’entraînent aucune lésion du corps humain ou de la santé, ne pouvaient être qualifiés de lésions corporelles au sens de l'art. 123 CP, mais seulement de voies de fait selon l'art. 126 CP, qui constituent l'atteinte la plus insignifiante au corps humain (ATF 119 IV 25, précité; ATF 117 IV 14 c. 2a/cc, JT 1993 IV 37).
Lorsqu'il s'agit de meurtrissures, d'écorchures, de griffures et contusions provoquées par des coups ou d'autres causes du même genre, la distinction entre les voies de fait et les lésions corporelles simples est délicate. Il faut tenir compte de l'importance de la douleur provoquée afin de déterminer s'il s'agit de lésions corporelles simples ou de voies de fait (Favre, Pellet et Stoudmann, Code pénal annoté, Lausanne 3
ème
éd. 2007, n. 1.4.ad art. 123 CP; Corboz, Les infractions en droit suisse, Vol. I, 3
e
éd, Berne 2010, n. 11 ad. art. 123 CP, p. 133; ATF 107 IV 40).
3.2
La plaignante présentait plusieurs ecchymoses de grandeur variables (deux au niveau du membre supérieur droit; quatre au niveau du membre supérieur gauche) ainsi que cinq abrasions très superficielles et deux zones de discoloration cutanée rouge rosé d’aspect ecchymotique. Toutes ces lésions peuvent être directement rattachées à l’épisode violent survenu au domicile du couple dans la nuit du mardi 20 au mercredi 21 mars 2007. Le constat médical rapporte encore que la victime s’est plainte de douleurs aux membres supérieurs lors de la consultation. Les lésions sont nombreuses et s’étendent aux deux membres supérieurs du corps de la victime. Elles étaient visibles le surlendemain des faits en milieu de matinée encore, à savoir un peu moins d'un jour et demi après. Cette durée est significative. Les douleurs mentionnées sont étayées par le constat clinique. Ce tableau clinique est clairement évocateur de lésions corporelles simples au sens de l'art. 123 CP. Partant, c’est en vain que l'appelant considère qu’il ne s’agit ici que de voies de fait. Ce premier moyen doit dès lors être rejeté.
4.
L’appelant fait valoir plus avant que la poursuite de l'infraction d'injure (art. 177 CP) est prescrite. A juste titre. En effet, la prescription a couru dès le 21 mars 2007 au plus tard (art. 98 let. b CP) et il s'agit d'un délit contre l'honneur auquel un délai de prescription spécifique quadriennal est applicable (art. 178 al. 1 CP). Il aurait appartenu aux premiers juges d'examiner d'office la question de la prescription.
L'art. 177 CP définit une contravention. La peine n’entre pas en concours avec les autres infractions retenues par les premiers juges à la charge du prévenu, qui sont des délits. L’admission de ce moyen ne permet donc pas de modifier la peine lorsque celle-ci est prononcée en jours-amende. Elle n'a pas davantage d'influence sur l’amende qui a été prononcée séparément. En effet, l’amende de 1'000 fr. constitue uniquement une sanction immédiate à la peine principale prononcée avec sursis, ainsi que cela ressort du considérant 7 du jugement (p. 29). Elle réprime donc les mêmes infractions que la peine principale. Il faut ainsi constater que l’injure n’a pas été réprimée par le tribunal correctionnel, si bien que l'admission de ce moyen n’a pas d'effet sur le sort de la cause. L'appel doit néanmoins être admis très partiellement en ce sens que le prévenu est libéré du chef d'accusation d'injure sans suite de réduction de la peine.
5.
L'appelant critique ensuite la peine prononcée. Ce moyen est, comme déjà relevé, subordonné à l’admission du moyen principal de l'appel, étant précisé que la poursuite des voies de fait aurait été prescrite si ce moyen avait été accueilli. Il n'apparaît ainsi pas que la quotité de la peine soit contestée en elle-même (soit sous l'angle de l'art. 47 CP). Quoi qu’il en soit, même si l’on devait considérer ce grief comme indépendant, il n'y aurait pas matière à modifier la peine en fonction des moyens invoqués, aucun critère applicable à la fixation de la peine n'étant contesté en lui-même.
6.
L’appelant conteste enfin à la quotité de la réparation du tort moral allouée à la partie civile, qui devrait, selon lui, être ramenée à 3'000 francs.
6.1
L'art. 47 CO étant un cas particulier de l'action générale en réparation du tort moral prévue par l'art. 49 CO, le lésé n'a droit à une réparation que pour autant que la gravité de l'atteinte le justifie (Tercier, Le nouveau droit de la personnalité, Zurich 1982, pp. 270 ss, n. 2047 ss). On définit le tort moral comme les souffrances physiques ou psychiques que ressent la personne lésée à la suite d'une atteinte à sa personnalité. L'art. 49 al. 1 CO exige une atteinte d'une certaine gravité, dépassant la mesure de ce qu'une personne doit normalement supporter sans recourir au juge, que ce soit sur le plan de la durée des souffrances ou de leur intensité (Deschenaux/Tercier, La responsabilité civile, 2ème éd., Berne 1982, p. 93, nn. 24 s.; Tercier, op. cit., p. 267, n. 2029, et pp. 270 ss, nn. 2047 ss; Tercier, La réparation du tort moral : crise ou évolution ?, in : Mélanges Deschenaux, Fribourg 1977, pp. 307 ss, spéc. p. 313, ch. 3).
Alors que le calcul du dommage se fonde autant que possible sur des données objectives, l'évaluation du tort moral échappe par sa nature à une appréciation rigoureuse, puisqu'elle concerne des valeurs par définition non mesurables. En effet, nul ne peut réellement évaluer la souffrance d'autrui (Werro, La responsabilité civile, Berne 2005, n. 1271 p. 324). Selon la jurisprudence, le juge ne peut dès lors se fonder sur un tarif préétabli mais doit bien davantage prendre en considération l'ensemble des circonstances. De façon générale, la fixation de la réparation morale devrait s'effectuer en deux phases, la phase objective principale permettant de rechercher le montant de base au moyen de critères objectifs et la phase d'évaluation faisant intervenir les facteurs d'augmentation ou de réduction du tort moral ainsi que les circonstances du cas particuliers tels que la cause de la responsabilité, la gravité de la faute, une éventuelle faute concomitante et les conséquences dans la vie particulière du lésé (ATF 132 II 117 c. 2.2.3; TF 4C.263/2006 du 17 janvier 2007 c. 7.3).
Les facteurs de réduction des art. 43 et 44 CO sont applicables par analogie à l'indemnité pour tort moral (Werro, Commentaire romand, n. 16 ad art. 49 CO, p. 345). On précisera encore que la réparation a un caractère compensatoire, à l'exclusion de toute fonction pénale, et que la gravité de la faute ne joue un rôle que dans la mesure où elle rend encore plus douloureuses les circonstances qui ont entouré la survenance de l'atteinte, aggravant ainsi l'intensité des douleurs dont souffre la victime (Tercier, op. cit., spéc. pp. 314 s., II.1.a, et p. 325, ch. 2.1).
Comme il s'agit d'une question d'équité – et non pas d'une question d'appréciation au sens strict, qui limiterait son pouvoir d'examen à l'abus ou à l'excès du pouvoir d'appréciation –, il faut examiner librement si la somme allouée tient suffisamment compte de la gravité de l'atteinte ou si elle est disproportionnée par rapport à l'intensité des souffrances morales causées à la victime (ATF 130 III 699 c. 5.1, JT 2006 I 193, SJ 2005 I 152; ATF 129 IV 22 c. 7.2; ATF 125 III 269 c. 2a, SJ 1999 I 431).
6.2
En l’espèce, l’épouse de l’appelant a été fortement et durablement atteinte dans son bien-être moral par le comportement exclusif de ce dernier. Le jugement établit avec toute la précision requise que l’appelant ne voulait pas que la grossesse vienne à terme et qu'à force de pressions (mais aussi de roublardise), il était parvenu à ses fins. On peut observer que, si l’intimée avait été aussi ambivalente que le soutient l’appelant, celui-ci n’aurait pas eu besoin de recourir aux menaces et aux pressions psychiques variées et récurrentes exercées au préjudice de celle-là pour l'amener à avorter. Le stratagème du mari consistant à réserver une place dans un avion pour la Turquie à l'insu de son épouse et lui annoncer par la suite, faussement, l’annulation de ce voyage pour la faire revenir au domicile conjugal atteste que l’appelant n’était pas dupe de la volonté de son épouse de garder l’enfant en se mettant à l’abri de son mari dans un foyer. Les pièces 10/3 et 10/4 attestent du désir de l’épouse de garder l’enfant et de la volonté absolue du mari de ne pas être père. Il s’ensuit que les critiques de l’appelant relatives à l’ambivalence de l’épouse qui justifierait selon lui une réduction de l’indemnité pour tort moral sont infondées.
Les atteintes psychologiques subies à long terme par la partie civile sont établies par les divers avis médicaux déjà mentionnés, qui sont limpides et auxquels il suffit de renvoyer. La perte d'un enfant à naître est assurément une atteinte grave aux droits de la personnalité de toute femme. A ceci s'ajoute, dans le cas particulier, que l'emprise exercée par le prévenu sur son épouse pour la contraindre à avorter s'est doublée de menaces, y compris de mort. Elle s'est aussi accompagnée d'invectives diverses, qui sont à l'origine du renvoi de l'intéressé pour répondre du chef d'accusation d'injure. Ces propos et écrits sont incontestés. Certes, la poursuite pénale de l’injure est prescrite, mais l’illicéité civile – constitutive d’une atteinte aux droits de la personnalité de la partie civile – n'en reste pas moins donnée de ce fait également.
Les atteintes aux droits de la personnalité de la plaignante n'ont pas pris fin avec l'avortement pratiqué en février 2007. Moins d'un mois plus tard, en effet, soit dans la nuit du 20 au 21 mars 2007, elle a dû subir de lourdes menaces de son époux, doublées d'atteinte à son intégrité corporelle, à telle enseigne qu'elle a été acculée à une tentative de suicide. Ce dernier épisode de violence domestique est d'une gravité telle qu'il aurait justifié à lui seul une réparation du tort moral.
Par ailleurs, on ne discerne pas ici une faute concomitante de la victime (art. 44 CO) de nature à entraîner une réduction de la réparation civile, que soit en relation avec ou l'autre des deux complexes de faits dommageables. Enfin, le jugement ne consacre aucune violation de l’art. 398 al. 3 let. a CPP dans l’établissement des faits. Le montant de 15'000 fr. alloué en capital est adéquat au vu de l’ampleur globale du préjudice moral subi par la partie civile. Il doit donc être confirmé.
7.
Dans son appel, le Ministère public fait d'abord valoir que le délit de contrainte aurait dû être retenu par les premiers juges au vu des faits établis par le jugement. Il considère ensuite que l’injure est prescrite. Il conclut enfin à une peine de 180 jours-amende, la valeur du jour-amende étant portée à 70 fr. compte tenu de la situation financière de l’intimé.
7.1
Il doit d'abord être rappelé (cf. c. 4 in initio ci-dessus) que la poursuite de l'infraction d'injure est prescrite en vertu de l'art. 178 al. 1 CP. C'est dès lors en violation du droit fédéral que le prévenu a été reconnu coupable de cette infraction, même si aucune peine (notamment d'amende) ne la réprime séparément.
7.2
L’acte d’accusation renvoyait aussi le prévenu pour répondre du chef d’accusation de contrainte. Le jugement est cependant muet sur le sort de l'action pénale à cet égard, si ce n'est dans son dispositif (ch. II). C’est donc à juste titre que le Ministère public relève que les considérants du jugement ne développent pas la raison de l’acquittement du prévenu de ce chef d'accusation. La Cour d’appel peut y remédier, dès lors que l’état de fait du jugement est complet et conforme aux pièces du dossier et qu’elle dispose, de toute façon, d’un pouvoir de cognition complet dans l’établissement des faits. Il faut se reporter à la page 28 du jugement. L’état de fait retient que le prévenu a privé son épouse de son libre arbitre et l’a maintenue sous une emprise psychique constante en recourant à des modes d’expression aussi divers que les menaces (divorce en Suisse, menace d'homicide en Turquie; cf. le jugement, p. 26 in medio), la fourberie et le harcèlement. C'est au mépris des faits que le prévenu soutient que son épouse s’est rendue de plein gré en Turquie. On peut à cet égard observer que, le 21 février 2007 (P. 10/4), il avait été convenu que l'épouse retourne le lendemain à 10h00 au Service social de la maternité du CHUV ou qu’elle téléphone. Or, il ressort de la pièce 10/3 que, le lendemain, l'ex-belle-mère du prévenu a informé le Service social du fait que le couple était dans l’avion à destination de la Turquie. On sait par ailleurs par quel stratagème le prévenu est parvenu à faire rentrer son épouse à domicile pour éviter qu’elle ne cherche refuge dans un foyer, étant précisé qu'un tel séjour aurait contrecarré ses plans, dès lors qu’un départ en avion était précisément prévu pour le lendemain. De même, il ressort des faits que l'épouse n'était pas libre de ses mouvements. Le jugement, complet et convaincant, établit bien plutôt qu’elle était privée de son libre arbitre par le fait de son mari et aussi à cause de sa méconnaissance de la langue française ajoutée à son esseulement dans notre pays, ce qui ne pouvait échapper à l’appelant.
7.3
Selon l'art. 181 CP, se rend coupable de contrainte celui qui, en usant de violence envers une personne ou en la menaçant d'un dommage sérieux, ou en l'entravant de quelque autre manière dans sa liberté d'action, l'aura obligée à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte.
Le bien juridique protégé est la liberté d’action de la victime. Il y a menace si l’auteur fait volontairement redouter à la victime la survenance d’un préjudice au sens large (ATF 122 IV 97 c. 2b p. 100). La menace est un moyen de pression psychologique. La notion est la même que celle contenue à l’art. 180 CP. L’auteur doit donc en particulier évoquer la survenance future d'un événement préjudiciable dont la réalisation dépend de sa volonté (ATF 106 IV 125 c. 2a p. 128). Il n’est toutefois pas nécessaire qu’il ait effectivement une influence sur la survenance de l’événement préjudiciable; il suffit que, selon sa présentation, celle-ci semble dépendre de son pouvoir (ATF 106 IV 125 c. 2a p. 128).
Il faut en plus que le dommage apparaisse sérieux et que la contrainte soit illicite (ATF 120 IV 17 c. 2a p. 19 et les arrêts cités). Il y a menace d'un dommage sérieux lorsque la perspective de l'inconvénient est de nature à entraver le destinataire dans sa liberté de décision. La question doit être tranchée en fonction de critères objectifs, et non pas d'après les réactions du destinataire d'espèce (ATF 120 IV 17 c. 2a/aa p. 19 précité et la jurisprudence citée). En d’autres termes, la perspective de l’inconvénient évoqué doit être propre, pour un destinataire raisonnable, à amener la victime à adopter un comportement qu’elle n’aurait pas eu si elle avait eu toute sa liberté de décision (ATF 122 IV 322 c. 1a p. 325; ATF 120 IV 17 c. 2a/aa p. 19). Le bien visé par la menace importe peu, pourvu que l’inconvénient soit assez grave pour entraver la liberté (Corboz, op. cit., n. 11, ad art. 181 CP, pp. 704 s.).
Selon la jurisprudence, une contrainte est illicite lorsque le moyen ou le but est contraire au droit, ou lorsque le moyen est disproportionné pour atteindre le but visé, ou encore lorsqu'un moyen de contrainte conforme au droit utilisé pour atteindre un but légitime constitue, au vu des circonstances, un moyen de pression abusif ou contraire aux moeurs (ATF 129 IV 6 c. 3.4 pp. 15 s.; 122 IV 322 c. 2a p. 326; 120 IV 17 c. 2a/bb et les arrêts cités; Delnon/Rüdy, Kommentar ad Art. 181 StGB, Basler Kommentar, Strafrecht II, 2e éd., 2007, n. 50, p. 1007). Cette dernière hypothèse est en particulier réalisée lorsqu'il n'y a pas de rapport entre l'objet de la menace et l'exigence formulée (ATF 120 IV 17 c. 2a/bb p. 20 et les arrêts cités). La contrainte peut donc être illicite dans cinq cas (Corboz, op. cit., nn. 22-26, ad art. 181 CP, pp. 707 s.) : le moyen employé est lui-même illicite, sous réserve des faits justificatifs; l’illicéité de la contrainte peut résulter du but poursuivi : il est illicite de recourir à la contrainte pour obtenir une prestation à laquelle on n’a pas droit; l’illicéité peut provenir d’une inadéquation entre le moyen employé et le but poursuivi, par exemple quand l’auteur, en menaçant d’exercer un droit, tente d’obtenir plus que ce à quoi il a droit; elle peut résulter d’une absence de connexité, notamment lorsque l’auteur menace de dénoncer des faits dont il a connaissance pour obtenir le paiement d’une créance qui lui est due, alors qu’il n’y a aucun rapport entre l’objet de la plainte et la créance; enfin, l’illicéité peut résulter du fait que le moyen employé est disproportionné par rapport au but poursuivi.
Sur le plan subjectif, l’auteur doit avoir agi intentionnellement, le dol éventuel étant suffisant (Delnon/Rüdy, Kommentar ad Art. 181 StGB, op. cit., n. 48, p. 1007).
7.4.1
En l’espèce, le premier complexe de faits à examiner est celui ayant, du fait des agissements du prévenu, mené à l'interruption de grossesse en février 2007. La contrainte résulterait des faits exposés au chiffre 1 de l’ordonnance de renvoi, repris en page 23 du jugement. C'est à juste titre que le Ministère public soutient la contrainte. En effet, il est établi que l'emprise exercée par son mari a privé l’épouse de son libre arbitre. Cette atteinte au libre arbitre de la victime était illicite d'abord en raison d’une totale disproportion entre les moyens utilisés et le désaccord entre conjoints. Elle l'était aussi en raison du but visé par l’auteur, à savoir une interruption de grossesse illégale et, de surcroît non voulue par l’épouse, ce qui ne pouvait lui échapper. L’intention du prévenu est enfin établie. Les éléments constitutifs de l'infraction réprimée par l'art. 181 CP sont ainsi réunis. Cela étant, il paraît difficile d’ajouter les menaces à la contrainte, donc de retenir cumulativement les deux infractions. Les menaces font en réalité partie de cette contrainte et se surajoutent aux pressions psychologiques mais toujours, dans l’esprit de l’auteur, pour amener son épouse à avorter. Il n'y a donc qu'un seul complexe d'actes illicites, procédant d'une unique volonté délictuelle. La contrainte englobe les menaces lorsque celles-ci sont utilisées comme moyen de pression pour obliger autrui à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte (ATF 99 IV 212 c. 1b p. 216; TF 6B_251/2007 du 7 septembre 2007). Il s'ensuit qu'il y a absorption de l'infraction la moins grave par la plus grave, l'art. 181 CP saisissant l'acte sous tous ses aspects. En d'autres termes, il y a concours imparfait. L’appelant sera dès lors libéré du chef d'accusation de menaces qualifiées pour être reconnu coupable de contrainte, s'agissant du complexe de faits lié à l'interruption de grossesse.
7.4.2
La procédure porte aussi sur un fait (ou complexe de faits) distinct, postérieur, à savoir l'épisode survenu dans la nuit du 20 au 21 mars 2007.
Pendant cette dispute, alors que son épouse était à terre et se débattait à l'aide de ses jambes, le prévenu a placé son genou entre ses jambes, puis a disposé son pied sur son cou et lui a déclaré "Je pourrais te tuer". Il n'a enlevé son pied qu'après plusieurs secondes. A l'audience d'appel, il a fait valoir que c'était son épouse qui était à l'origine de la dispute et que l'invective citée ci-avant ne signifiait pas autre chose que "Tu ne fais pas le poids (face à moi, réd.)". Les menaces de mort sont explicites et ont été proférées dans une situation où l'auteur était objectivement en mesure de commettre un homicide par une compression cervicale confinant à la strangulation. Les moyens invoqués ne peuvent dès lors qu'être qualifiés de dérisoires. L'infraction de menace, ici distincte de tout acte de contrainte, n'est englobée par aucune autre infraction. Elle doit être réprimée par aggravation de la peine globale, ce à raison de dix jours jours-amende, étant précisé que le genre de la peine n'a pas à être modifié. L'appel du Parquet doit être admis dans cette mesure.
Pour le surplus, le Ministère public ne fait pas valoir que la peine procéderait en elle-même d'un abus de leur pouvoir d'appréciation par les premiers juges.
8.
Le Ministère public critique enfin la quotité du jour-amende, qu'il tient pour excessivement modique au regard des réquisits légaux.
8.1
L'art. 34 al. 2 CP prévoit que le jour-amende est de 3'000 fr. au plus; le juge en fixe le montant selon la situation personnelle et économique de l'auteur au moment du jugement, notamment en tenant compte de son revenu et de sa fortune, de son mode de vie, de ses obligations d'assistance, en particulier familiales, et du minimum vital.
Les principes régissant la fixation de la peine pécuniaire, la quotité du jour-amende en particulier, ont fait l'objet d'un arrêt de synthèse rendu par le Tribunal fédéral le 18 juin 2009 (ATF 135 IV 180). Le Tribunal fédéral renvoie à sa jurisprudence (ATF 134 IV 60 c. 5 et 6; voir également TF 6B_541/2007 du 13 mai 2008 c. 6) en soulignant les points suivants : La quotité du jour-amende doit être fixée conformément au principe du revenu net, soit celui que l'auteur réalise en moyenne quotidiennement, quelle qu'en soit la source, ce qui inclut notamment les prestations d'aide sociale. Le principe du revenu net exige que seul le disponible excédant les frais d'acquisition du revenu soit pris en considération, dans les limites de l'abus de droit. Ce qui est dû en vertu de la loi ou ce dont l'auteur ne jouit pas économiquement doit en être soustrait. Des charges financières extraordinaires peuvent conduire à une réduction lorsqu'elles correspondent à des besoins financiers accrus résultant de la situation de l'auteur et indépendantes de sa volonté. Le revenu net ainsi défini en droit pénal est le point de départ pour fixer la quotité du jour-amende. Dans ce contexte, le minimum vital mentionné à l'art. 34 al. 2 CP constitue un correctif permettant au juge de s'écarter du principe du revenu net et d'arrêter le jour-amende à un niveau sensiblement inférieur. La situation financière concrète est toujours déterminante. Ce qui est dû en vertu de la loi ou ce dont l'auteur ne jouit pas économiquement doit en être soustrait. Il en va ainsi des impôts courants, des cotisations à l'assurance-maladie et accidents obligatoire, ou encore des frais nécessaires d'acquisition du revenu, respectivement pour les indépendants, des frais justifiés par l'usage de la branche. Contrairement aux dettes fiscales, le loyer du condamné n'est en revanche pas une charge (ATF 134 IV 60 précité c. 6.1). La fixation de la quotité du jour-amende dans le cas concret procède d'un pouvoir d'appréciation exercé avec soin (ATF 135 IV 180 précité c. 1.1). Ces principes ont été confirmés par la jurisprudence fédérale plus récente (TF 6B_845/2009 du 11 janvier 2011 c. 1.1.1; TF 6B_619/2009 du 13 juillet 2010 c. 1.1).
8.2
Dans le cas particulier, selon la pièce 13 du dossier, le prévenu annonce des revenus de 4'500 fr. par mois et des dettes pour 12'000 francs. Le prévenu a fourni d'importantes précisions à l'audience d'appel quant à sa situation économique, auxquelles soit renvoi.
Un montant de 50 fr. équivaut à 1'500 fr. nets par mois, ce qui correspond de manière adéquate au disponible actuel du prévenu, compte tenu en particulier de la charge fiscale exceptionnelle du fait des arriérés. Le montant de 70 fr. faisant l'objet des conclusions, même réduites, du Ministère public serait ainsi excessif, alors que la quotité de 30 fr. retenue ne peut être confirmée après l'instruction complémentaire à laquelle il a été procédé à l'audience d'appel. Quant à l’amende, fixée ici en application de l’art. 106 CP, ce qui est possible en vertu de l’art. 42 al. 4 CP, elle doit être maintenue. Cette amende n’est en effet qu’une sanction immédiate. Elle n’a pas vocation à réprimer l'infraction d’injure, dont il a été vu qu'elle est prescrite. L'appel du Ministère public doit être admis également dans la mesure qui précède. La valeur du jour-amende étant portée à 50 fr., on prononcera une peine de substitution de 20 jours en cas de non paiement fautif de l'amende.
9.
En conclusion, les appels doivent être partiellement admis dans la mesure décrite ci-dessus. Le jugement entrepris est modifié dans le sens des considérants.
Vu la mesure dans laquelle l'appelant A.Z._ succombe sur ses conclusions, respectivement celle dans laquelle le Ministère public obtient gain de cause sur les siennes, les frais de la procédure d'appel selon l'art. 424 CPP doivent être mis à la charge de A.Z._ à hauteur des deux tiers, le solde étant laissé à la charge de l'Etat (art. 428 al. 1, 1
ère
phrase, CPP). Ces frais sont limités à l'émolument (art. 21 al. 1 et 2 TFJP). Pour ce qui est de l'indemnité allouée au défenseur d’office de l'intimée B.Z._ pour la procédure d’appel, il y a lieu de relever que la plaignante n'a fait que s'opposer à la conclusion de l'appel portant sur la réparation civile. Elle obtient entièrement gain de cause sur sa conclusion en rejet de l'appel sur ce point. Partant, l'indemnité de dépens allouée à cette partie doit l'être exclusivement à la charge de l'appelant A.Z._, qui succombe à l'égard de la plaignante.
L'indemnité allouée au conseil d'office de la plaignante pour la procédure d'appel doit être arrêtée à 995 fr. 30, débours et TVA compris, au vu de l'ampleur des opérations effectuées, étant précisé que cette partie n'a pas déposé de mémoire écrit (art. 135 al. 1 et 2 CPP, par renvoi de l'art. 138 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
2629ea36-4754-4ebc-ada5-3624e46d3a14 | En fait :
A.
Par jugement du 11 février 2013, le Tribunal criminel de l'arrondissement de Lausanne a libéré G._ des infractions de voies de fait, tentative de lésions corporelles simples qualifiées et utilisation abusive d’une installation de télécommunication (I), a constaté que ce dernier s’est rendu coupable de lésions corporelles simples, lésions corporelles simples qualifiées, mise en danger de la vie d’autrui, dommages à la propriété, injure, menaces, menaces qualifiées, contrainte, violation de domicile, viol et violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires (II), l’a condamné à une peine privative de liberté de 4 ans, sous déduction de 374 jours de détention avant jugement (III), a ordonné la mise en oeuvre d’un traitement psychiatrique ambulatoire (art. 63 CP) selon modalités à définir par l’autorité d’exécution (IV), a révoqué le sursis octroyé le 12 février 2009 par le Juge d’instruction de Lausanne et ordonné l’exécution de la peine (V), a pris acte des engagements de G._ à l’égard de D.B._ et Esterilla pour valoir jugement (VI), a dit que G._ est reconnu débiteur de C._ de la somme de 25'000 fr. à titre de réparation morale (VII), a alloué à Esterilla la somme de 8’283 fr. à titre de dépens (VIII), a dit que le condamné est reconnu débiteur de la somme de 2'079 fr. 15 à titre de dommages-intérêts envers Ia [...] (IX), a ordonné la confiscation et la destruction des objets saisis sous fiches n° 53062 et 53063 (X), a arrêté l’indemnité d’office de Me Coralie Devaud à la somme de 24'286 fr. et celle de Me Laurent Etter à la somme de 14'163 fr., montant dont le paiement interviendra sous déduction de la somme de 4'500 fr. déjà versée à titre d’avance (XI), a mis les frais, par 79'409 fr. 20, à la charge de G._, dont les indemnités d’office mentionnées au chiffre précédent (XII), a dit que les indemnités d’office ne seront exigibles du prénommé que pour autant que sa situation financière le permette (XIII) et a ordonné le maintien en détention du condamné à titre de sûreté (XIV).
B.
Par annonce du 21 février 2013, puis par déclaration motivée du 28 mars 2013, G._ a fait appel de ce jugement. Il a conclu, avec suite de frais et dépens, à sa libération des accusations de viol et de contrainte, à la réduction de la quotité de sa peine, à l’octroi du sursis ou du sursis partiel, soumis à une règle de conduite sous la forme d’un traitement ambulatoire, à la non révocation du sursis octroyé par jugement du 12 février 2009, à la réduction de l’indemnité pour tort moral allouée à C._, à la réduction des frais de justice mis à sa charge et à sa relaxe immédiate.
Par requête du 19 mars 2013, G._ a demandé à pouvoir exécuter sa peine de manière anticipée. Le 25 mars 2013, le Président de céans a admis cette requête, sous réserve que l’exécution intervienne en milieu fermé.
Par courrier du 11 avril 2013, le Ministère public a déclaré qu’il s’en remettait à justice s’agissant de la recevabilité de l’appel et qu’il n’entendait pas déposer d’appel joint. Les autres parties ne se sont pas déterminées dans le délai imparti.
Le 24 avril 2013, C._ a déposé un appel joint. Elle a conclu, avec suite de frais et dépens, à ce que G._ soit condamné pour deux mises en danger de la vie d’autrui et quatre viols, ainsi qu’à l’octroi d’une indemnité pour tort moral d’un montant de 100'000 fr., plus intérêts à 5% dès le 23 mars 2010, subsidiairement d’un montant de 25'000 fr., plus intérêts à 5% dès le 23 mars 2010.
Le 16 mai 2013, le Ministère public a déclaré qu’il s’en remettait à justice s’agissant de la recevabilité de l’appel joint.
A l’audience d’appel, le prévenu a confirmé ses déclarations et les conclusions de son appel. Entendue, la partie plaignante a précisé ses déclarations de première instance et a confirmé les conclusions de son appel joint. Pour sa part, le Ministère public a conclu au rejet de l’appel principal et à l’admission partielle de l’appel joint.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
1.1
G._ est né le [...] 1989 à Cuba, pays d’où il est ressortissant. Ses parents se sont séparés alors qu’il était encore enfant. Son père est demeuré à Cuba alors que sa mère s’est installée en Suisse, où il l’a accompagnée en 1999. Il a effectué sa scolarité primaire à [...] jusqu’à l’âge de treize ans, puis est reparti pour Cuba où il a intégré une école de boxe anglaise, discipline dans laquelle il aurait voulu faire carrière. Après deux ans, il est revenu en Suisse auprès de sa mère, remariée depuis lors. Par l’intermédiaire de son beau-père, cadre chez [...],G._ a pu obtenir un poste de manutentionnaire de nuit dans cette entreprise. Il réalisait un revenu mensuel brut de l’ordre de 4'000 fr. à 5'000 francs. Son employeur a déclaré être disposé à le réengager à sa sortie de prison.
A l’âge de dix-huit ans, l’appelant a fait la connaissance d’une jeune femme cubaine qu’il a épousée et dont il a divorcé quelques mois plus tard. Courant 2009, il a noué une relation amoureuse avec C._ chez qui il a emménagé peu de temps après leur rencontre, à tout le moins, il y passait la plupart de son temps, bien qu’il fut officiellement domicilié chez ses parents. A l’heure actuelle, il semblerait qu’il ait noué une relation affective stable et sérieuse avec [...].
Son casier judiciaire suisse fait état d’une condamnation le 12 février 2009 par le Juge d’instruction de Lausanne, pour conduite en incapacité de conduire (véhicule automobile, taux alcoolémie qualifié) et sans permis de conduire ainsi que pour vol d’usage, à une peine pécuniaire de 45 jours-amende à 20 fr., avec sursis à l’exécution de la peine et délai d’épreuve de 2 ans, ainsi qu’à une amende 300 francs.
Le 14 décembre 2007, l’appelant a été jugé par le Tribunal des mineurs, notamment pour injures et violences à l’égard de deux petites amies. Il a également été condamné pour menaces et infraction à la Loi fédérale sur les armes. La thérapie que ce jugement mentionne n’a jamais été mise en œuvre.
1.2
G._ a été soumis à une expertise psychiatrique. Dans leur rapport du 31 juillet 2012 (P. 97), les experts ont posé le diagnostic de trouble de la personnalité émotionnellement labile, de type impulsif. Ce trouble est notamment caractérisé par une tendance à agir avec impulsivité et sans considération pour les conséquences possibles. Les capacités d’anticipation sont ainsi réduites et des éclats de colère peuvent conduire à de la violence ou à des comportements explosifs qui sont volontiers déclenchés lorsque le sujet est contrarié ou critiqué par autrui. Entendu à l’audience de première instance, le Prof. [...] a ajouté que le trouble de la personnalité dont souffrait l’intéressé impliquait un abaissement du taux d’inhibition et une surréaction entraînant une difficulté dans le contrôle de ses impulsions face à des événements réels. Ce trouble influait aussi sur le mode de relation avec autrui qui était non nuancé, les personnes étant soit bonnes, soit mauvaises. En revanche, les réactions impulsives dans ce type de pathologie n’étaient pas forcément de type agressif. L’agressivité du prévenu a été décrite comme partiellement liée à sa pathologie (jgt, p. 51).
Selon les experts, compte tenu de sa pathologie, G._ présente une responsabilité légèrement diminuée. Il existe par ailleurs un risque de récidive dans le même type d’actes, dans un contexte de différend avec autrui. Ils ont préconisé un traitement psychiatrique ambulatoire. Selon eux, ce traitement doit faire l’objet d’une contrainte judiciaire, dans la mesure où la labilité de l’intéressé peut l’amener, au cours du suivi, à interrompre une prise en charge dont il ne verrait plus la pertinence. La détention n’est pas un obstacle au traitement. Le prévenu a en partie pris conscience de ses difficultés. Toutefois, le traitement déjà entrepris en prison va être de longue haleine et comprendre des rechutes inévitables, mais à terme cela va l’aider à mieux gérer ses impulsions. Ils ont précisé que même si le traitement va être long, la régularité des rendez-vous doit entraîner des changements, le risque de récidive ne pouvant qu’en être favorablement affecté. Les médecins ont encore indiqué que la pathologie du prévenu ne lui enlève pas la faculté de percevoir les sentiments d’autrui, notamment le désaccord ou l’opposition chez un tiers, mais qu’il peut passer outre cet aspect s’il est en colère. La thérapie préconisée vise ainsi à lui faire prendre conscience de son impulsivité et l’aider à reconnaître les signaux d’alarme devant lui permettre de se maîtriser.
Selon l’attestation du 30 janvier 2013 établie par le Service de médecine et de psychiatrie pénitentiaire (P. 156), G._ est suivi à sa demande par ce service depuis le 11 mars 2012.
1.3
Pour les besoins de la cause, le prévenu a été détenu provisoirement du 25 mars 2010 au 28 avril 2010, puis dès le 10 mars 2012.
Il ressort du rapport de comportement du 1
er
janvier 2013 établi par le directeur de la prison de La Croisée que, d’une manière générale, l’intéressé répondait aux attentes, mais qu’il pouvait devenir arrogant et agressif en cas de vexations. Hormis une sanction disciplinaire en 2012, son comportement n’a pas prêté le flanc à la critique.
2.
C._ est née le 28 mai 1990. Au moment des faits, elle effectuait un apprentissage de vendeuse qu’elle a toutefois interrompu ensuite de la présente affaire. Depuis lors, elle n’a plus eu d’emplois stables. Le 13 avril 2012, elle s’est mariée avec [...].
Après les événements litigieux, elle a bénéficié, entre le 6 octobre 2011 et 15 novembre 2011, de cinq séances de soutien psychologique prises en charge par l’Etat dans le cadre de la LAVI. Le 14 décembre 2012, elle a entamé une thérapie en relation avec les agressions qu’elle avait subies. Il ressort des rapports du 23 décembre 2012 (P. 136) et 20 mai 2013 (P. 179/1) établis par [...], psychologue et spécialiste en psychothérapie, que C._ est bien orientée dans l’espace et dans le temps, sans signe de la lignée psychotique et avec un discours cohérent. Dans le cadre thérapeutique, elle a constaté que la jeune femme était très affectée psychiquement et qu’elle était envahie par des émotions très fortes de tristesse et de colère insupportables pour elle. L’évocation des violences sexuelles subies était aussi très douloureuse. La dissociation qu’elle présentait était un mécanisme d’autoprotection naturel. La psychologue a conclu à un état de stress post-traumatique.
3.
3.1.1
À Lausanne, chemin du [...] 142, entre novembre 2009 et mars 2010, G._ qui vivait chez son amie, C._, lui a asséné à plusieurs reprises des coups de poing sur le corps, en particulier sur les côtes. En outre, à trois ou quatre reprises, il l’a contrainte à entretenir des relations sexuelles avec lui alors qu’elle lui disait qu’elle n’en avait pas envie, en lui donnant des coups de poing dans les côtes, en la mordant dans le dos et en lui disant qu’« elle était sa femme, qu’elle était obligée et qu’elle devait faire ce qu’il voulait ». A certaines occasions, la jeune femme se forçait à avoir des relations sexuelles avec son compagnon de peur qu’il ne la frappe, ce qu’il faisait quand elle essayait de résister. Par ailleurs, il a également empêché cette dernière de voir ses amis et l’a menacée de la tuer si elle appelait la police, raison pour laquelle elle ne l’a pas contactée à l’époque des faits.
C._ a souffert de gros hématomes dans le dos et de bleus sur les bras, sur les jambes ainsi qu’à un œil. Elle a également eu une marque de morsure dans le dos.
3.1.2
Au cours du mois de décembre 2009, alors que le prévenu faisait usage d’un ordinateur chez C._, celle-ci s’est enfuie de l’appartement et s’est rendue dans la forêt voisine. S’étant rendu compte de son absence, le prévenu l’a suivie, l’a rattrapée et l’a forcée à rentrer. Une fois dans l’immeuble, il l’a prise par le cou avec les deux mains et l’a tirée de cette manière pour la ramener dans l’appartement situé au deuxième étage, ainsi que pour étouffer ses cris. La respiration de sa victime a été interrompue pendant quelques secondes, toutefois sans qu’elle ne perde connaissance. Par ailleurs, la jeune femme toussait et avait du mal à reprendre son souffle.
3.1.3
A Lausanne, chemin du [...] 142, le 23 mars 2010, vers 22h00, lors d’une dispute, G._ a déclaré à C._ qu’elle devait choisir entre lui ou ses amis. Lorsque cette dernière lui a répondu qu’elle n’était pas d’accord, il lui a dit qu’elle pouvait le quitter si elle le voulait mais qu’« il allait d’abord lui défoncer la gueule ». Le prévenu l’a alors poussée sur le lit et lui a donné plusieurs coups de poing au visage, dans le ventre et sur tout le corps. Il l’a également maintenue sur le lit en lui tenant les bras et les poignets avec une main et lui a serré le cou avec l’autre main jusqu’à ce que l’air lui manque. Il a relâché son cou un moment, puis a serré à nouveau pour qu’elle ne crie pas. Lorsqu’une voisine, alertée par les cris et les bruits, a sonné à la porte, il a lâché la jeune femme et l’a menacée de lui faire du mal si elle disait quelque chose. Celle-ci n’a alors pas demandé de l’aide.
Selon le rapport du CURML du 31 mars 2010 (P. 11), C._ a souffert d’une tuméfaction des téguments du visage, d’ecchymoses d’aspect frais au niveau du visage, du cou, du thorax, de l’abdomen et des membres supérieurs, d’ecchymoses d’aspect récent au niveau du membre supérieur gauche, de plusieurs lignes d’aspect ecchymotiques autour du cou et d’une dermabrasion du membre supérieur gauche. Les médecins ont également constaté une voix légèrement rauque. Selon eux, une compression exercée au niveau du cou pouvait être de nature à entraîner le décès sans forcément laisser de traces visibles.
3.1.4
Le 16 avril 2010, C._ a déposé plainte. Elle a pris des conclusions civiles à hauteur de 100'000 fr. à titre de réparation morale. Le 24 décembre 2010, la [...] Compagnie d’Assurances s’est constituée partie plaignante. Elle a pris des conclusions civiles d’un montant de
2'079 fr. 15 correspondant aux prestations d’assurance versées suite aux agressions dont a été victime C._.
3.2
A Lausanne, entre le 7 septembre 2009 et mi-novembre 2009, G._ a eu deux altercations avec son amie D.B._, au cours desquelles il l’a injuriée en la traitant de “salope” et de “pute”.
A Lausanne, le 20 novembre 2009, le prévenu a une nouvelle fois insulté D.B._ en la traitant de “salope” et de “pute”. La cousine de cette dernière, B.B._, qui était venue lui prêter main forte s’en est prise au prévenu et tous deux se sont empoignés et bousculés. Finalement, les deux jeunes femmes se sont réfugiées dans une garderie. A cet endroit, l’appelant, qui les avait suivies, a saisi B.B._ au cou et l’a plaquée contre une vitre, tout en lui disant qu’il allait lui faire payer son comportement.
A Lausanne, le 26 janvier 2010, G._, qui avait croisé B.B._ dans un passage sous-voie à proximité de la gare, a menacé cette dernière en lui disant qu’il allait lui casser la gueule.
Entre le 8 et le 29 décembre 2009, le prévenu a envoyé à D.B._ des sms, en espagnol, injurieux et menaçants. Le 7 janvier 2010, il lui a adressé un courriel menaçant sur l’adresse e-mail de sa sœur.
A Lausanne, le 30 janvier 2010, vers 03h00, l’appelant, qui était accompagné de C._, a croisé D.B._ dans une discothèque. En voyant le jeune homme, cette dernière est sortie de l’établissement. Celui-ci a couru dans sa direction en brandissant un cutter, lame ouverte. Un ami de la jeune femme s’est alors placé entre elle et son agresseur. Ce dernier lui a dit de se pousser en faisant des mouvements circulaires avec le cutter et en menaçant la fille de mort.
3.3
A Lausanne, le 1
er
octobre 2010, G._ a tenté de donner des coups de sabre à Esterilla et l’a menacé de mort.
A Renens, le 29 décembre 2010, le prévenu s’est rendu chez le prénommé et l’a menacé avec un couteau.
A Lausanne, entre le 12 février 2011 et le 8 mai 2011, à plusieurs reprises, l’appelant a menacé et injurié Esterilla.
A Lausanne, le 3 mars 2012, le prévenu s’est approché de Esterilla, lui a asséné des coups de pied et l’a menacé.
A Renens, le 4 mars 2012, le prévenu s’est rendu sans droit sur la terrasse du prénommé et a brisé la vitre extérieure de la porte ainsi qu’un meuble. Avant de quitter les lieux, il l’a menacé de mort en déposant la culasse d’une arme à feu factice.
3.4
A Lausanne, le 9 février 2012, dans les locaux de la commission de la police, G._ a proféré des menaces contre les fonctionnaires de cette autorité après que ceux-ci eurent refusé de lever le séquestre ordonné sur son véhicule. | En droit :
1.
Selon l'art. 399 al. 1 CPP, l'appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d'appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP). L'appel joint doit être interjeté dans un délai de vingt jours dès la réception de la déclaration d'appel (art. 400 al. 3 CPP).
En l’occurrence, interjeté dans les forme et délai légaux par le prévenu qui a la qualité pour le faire (art. 382 al. 1 CPP) et contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel interjeté par G._ est recevable.
Il en va de même de l'appel joint déposé par la partie plaignante qui a la qualité pour recourir sur la question de la culpabilité et les conclusions civiles (art. 382 al. 2 CPP; ATF 139 IV 84 c. 1.1).
Par conséquent, il y a lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier ; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'article 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
3.
G._ admet sa condamnation pour voies de fait, tentative de lésions corporelles simples qualifiées, contrainte et utilisation abusive d’une installation de télécommunication, en raison des faits présentés aux chiffres 3.2 à 3.4 ci-dessus. En revanche, invoquant une violation du principe
in dubio pro reo,
il conteste sa condamnation pour viol. Il fait grief aux premiers juges d’avoir retenu à tort la version de la partie plaignante selon laquelle, entre novembre 2009 et mars 2010, il l’aurait contrainte à l’acte sexuel (P. 5, p. 4; jgt, p. 17) après l’avoir frappée dans les côtes et mordue à la nuque, épisode qui serait intervenu dans un climat général de coups et de violence (jgt, p. 72). Il soutient que les faits litigieux ont eu lieu dans le cadre d’un jeu sexuel, sa compagne, sadomasochiste, voulant en effet que, durant leurs rapports sexuels, il la frappe dans les côtes, lui tire les cheveux et la morde, lui-même ne s’adonnant à ces pratiques qu’à la demande de sa partenaire (jgt, p. 12 in fine). En outre, selon lui, la plaignante l’accuse de viol par vengeance (jgt, p. 16), soit par dépit amoureux (PV aud. 1, p. 2).
3.1
Selon l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
La présomption d'innocence, qui est garantie par l'art. 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, RS 101), ainsi que son corollaire, le principe in dubio pro reo, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.
Comme règle d'appréciation des preuves, le principe in dubio pro reo est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 Ia 31 c. 2c; TF 6B_831/2009, précité, c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38, c. 2a).
3.1.1
Les premiers juges ont procédé à une analyse détaillée des preuves (jgt, p. 68 à 70). Ils ont étayé leur conviction de la véracité des déclarations de C._ par les éléments suivants :
- le prévenu a admis avoir eu des comportements brutaux à l’égard de son amie (coups aux côtes, morsures, cheveux tirés);
- trois autres amies intimes du prévenu ont déclaré que les pratiques sexuelles de celui-ci ne comportaient pas de sadomasochisme;
- le mari actuel de la victime n’a pas rapporté que celle-ci s’adonnerait à de telles pratiques;
- partant, les brutalités admises par le prévenu n’étaient pas liées à des jeux sexuels consentis;
- la violence physique à laquelle la victime était soumise, sa peur et son isolement, voulu par le prévenu possessif, ont été établis par des témoins;
- le 25 mars 2010, la victime, dont le comportement avait changé, a confié à sa mère avoir subi viol et violence;
- les déclarations de la plaignante n’ont pas varié et recèlent des détails, tels que l’alternance chez l’auteur de brutalités et d’excuses, typiques des situations de violence au sein d’un couple;
- le rapport de la psychologue de la victime atteste de la cohérence de celle-ci, de sa souffrance, des émotions ressenties en relation avec les faits, de la mise en oeuvre d’une dissociation comme mécanisme de protection, le tout relevant d’un état de stress post-traumatique (P. 136 et P. 179).
La cour de céans reprend à son compte l’appréciation circonstanciée des premiers juges. En outre, elle inclut dans ses éléments de conviction le contenu de l’expertise psychiatrique du prévenu ainsi que la violence obsessionnelle manifestée par celui-ci à l’égard de deux autres victimes, soit D.B._ et Esterilla, qu’il entendait soumettre à sa domination ou dont il entendait se venger.
3.1.2
Pour étayer sa thèse de jeux sexuels consentis, l’appelant s’est référé au témoignage de T._ (PV aud. 12) laquelle a relaté que la victime avait déclaré à ses collègues de travail que son ami la mordait pendant leurs rapports et qu’il prenait son plaisir comme ça, qu’elle avait montré 4 ou 5 points rouges dans son dos en disant qu’il s’agissait de morsures, qu’un jour elle se plaignait de son ami et que le lendemain elle disait l’aimer, mais qu’elle n’avait pas parlé de relations sexuelles forcées. Aux débats de première instance (jgt, p. 25), ce témoin a confirmé sa première déposition et expliqué que la victime lui avait déclaré avoir eu des relations sexuelles qu’elle n’aimait pas, mais qu’elle n’avait jamais parlé ou fait comprendre qu’elle y avait été contrainte. Les premiers juges ont considéré que la témoin avait exprimé son inconfort devant les contradictions et les ambiguïtés de la victime. Selon eux, ce type de déclarations s’avère caractéristique de l’état d’esprit oscillant entre amour et peur d’une femme soumise à la violence de son partenaire (jgt, p. 68).
A l’audience de première instance, la victime a précisé que le prévenu ne l’avait mordue qu’à une reprise lorsqu’elle s’était refusée à lui (jgt, p. 17). Cette morsure est confirmée par le témoignage de [...] (PV aud. 11, p. 2) chez qui la victime s’était rendue, à deux reprises, très tard dans la nuit, après avoir été frappée par son ami. Selon ses dires, C._ présentait des bleus et, à une reprise, une trace de morsure dans le dos sur laquelle de la pommade avait été appliquée.
Il résulte de ce qui précède qu’une morsure a indéniablement été infligée à la plaignante par le prévenu. Quant aux circonstances, d’une part, la victime s’est plainte de cette blessure et a demandé à en garder une preuve par photo qui a été prise avec son portable par une collègue et, d’autre part, elle a dit contradictoirement qu’il s’agissait d’un jeu, cela pour ne pas évoquer un viol. C’est donc à juste titre que les premiers juges ont vu une ambivalence dans ces déclarations contemporaines aux faits, sans pour autant que la réalité du viol n’en soit affectée. En effet, pour protéger sa relation ou pour ne pas l’anéantir définitivement et affronter les affres d’une procédure pénale, la victime a déclaré, sous une forme atténuée, que son ami se plaisait à la mordre durant des ébats qu’elle n’aimait pas toujours.
3.1.3
En définitive, compte tenu de l’ensemble de ces éléments, il convient de retenir, à l’instar des premiers, la version de la victime. Il n'existe en effet aucun doute sur la véracité de ses déclarations.
3.2
3.2.1
Selon l'art. 190 CP, se rend coupable de viol, celui qui, notamment en usant de menace ou de violence, en exerçant sur sa victime des pressions d’ordre psychique ou en la mettant hors d’état de résister, aura contraint une personne de sexe féminin à subir l’acte sexuel.
Le crime réprimé par l'art. 190 CP (comme celui sanctionné par l'art. 189 CP) est une infraction de violence, qui suppose, en règle générale, une agression physique. La violence désigne l'emploi volontaire de la force physique sur la personne de la victime dans le but de la faire céder (
ATF 122 IV 97
c. 2b; TF 6B_267/2007 du 3 décembre 2007 c. 6.3). En introduisant la notion de "pressions psychiques", le législateur a voulu viser les cas où la victime se trouve dans une situation sans espoir, sans pour autant que l'auteur ait recouru à la force physique ou à la violence (
ATF 128 IV 106
c. 3a/bb;
122 IV 97
c. 2b et les références citées). L'auteur provoque intentionnellement chez la victime des effets d'ordre psychique propres à la faire céder et à permettre l'acte (TF 6B_28/2013 du 13 juin 2013 c. 5.2;
ATF 131 IV 167
c. 3.1 et 3.2; Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. I, 3
e
éd., Berne 2010, n. 18 ad art. 189 CP). Le Tribunal fédéral a considéré qu'un climat de psycho-terreur entre époux pouvait, même sans violence, exercer une telle influence sur la volonté que la victime considère, de manière compréhensible, qu'elle n'a pas de possibilité réelle de résister (ATF 126 IV 124). La jurisprudence a également précisé que la pression psychique avait l'intensité requise pour que l'on retienne un acte de contrainte lorsque l'on était en présence de comportements laissant craindre des actes de violence à l'encontre de la victime ou de tiers (ATF 131 IV 167, JT 2007 IV 101).
L'infraction de viol est intentionnelle, le dol éventuel étant suffisant. L'auteur doit savoir que la victime n'est pas consentante ou en accepter l'éventualité. Il doit vouloir accepter que la victime soit contrainte par le moyen qu'il met en œuvre ou la situation qu'il exploite. Il doit enfin vouloir ou accepter que la femme se soumette à l'acte sexuel sous l'effet de la contrainte (Corboz, op. cit, n. 11 ad art. 190 CP).
3.2.2
En l’occurrence, l’appelant n’a pas présenté d’argument contre l’élément constitutif de la contrainte relevant d’un côté de violences (la victime étant frappée lorsqu’elle essayait de résister; jgt, p. 17), et d’un autre côté, de colères et de réactions extrêmes et dangereuses, soit d’un climat de psycho-terreur qu’il avait installé (jgt, p. 71 in fine et 72) et qu’il mettait à profit pour asseoir la complète domination de sa victime. Or, c’est bien dans ce contexte de violence général que la victime a été contrainte à subir l’acte sexuel.
De même, l’élément subjectif est réalisé. Le prévenu avait en effet conscience qu’il forçait son amie – en pleurs –, qu’il frappait et à laquelle il disait qu’elle devait se soumettre, dès lors qu’elle était sa femme.
Les éléments constitutifs de l'art. 190 CP étant réunis, c’est à bon droit que le Tribunal de police a retenu que G._ s’était rendu coupable de viol.
4.
G._ conteste sa condamnation pour contrainte; ce grief n’a été développé ni dans la déclaration d’appel ni à l’audience d’appel.
4.1
D'après l'art. 181 CP, celui qui, en usant de violence envers une personne ou en la menaçant d’un dommage sérieux, ou en l’entravant de quelque autre manière dans sa liberté d’action, l’aura obligée à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte sera puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire.
Cette disposition protège, en tant que bien juridique, la liberté de décision et d’action de l’individu (Dupuis et al., Petit commentaire du Code pénal, Bâle 2012, n. 1 ad art. 181 CPP). La menace est un moyen de pression psychologique consistant à annoncer un dommage futur dont la réalisation est présentée comme dépendante de la volonté de l'auteur, sans toutefois qu'il soit nécessaire que cette dépendance soit effective (ATF 117 IV 445 c. 2b;
ATF 106 IV 125 c. 2a) ni que l'auteur ait réellement la volonté de réaliser sa menace (ATF 105 IV 120 c. 2a).
L’infraction de l’art. 181 CP est intentionnelle, le dol éventuel étant suffisant (Dupuis et al., op. cit., nn. 35 et 36 ad art. 181 CP et les références citées).
4.2
En l’espèce, le prévenu a été condamné pour contrainte (jgt, p. 70 in fine) pour avoir menacé la victime de mort si elle appelait la police, raison pour laquelle elle ne l’avait précisément pas fait (jgt, p. 17, 18 et 67).
La version de la victime, qui a évoqué ces faits dans sa plainte (P. 5, p. 4) et qui a donné des détails sur certains épisodes de menaces destinées à l’empêcher d’obtenir la protection de la police (jgt, p. 18), emporte la conviction. La jeune femme avait en effet si peur que toute l’affaire n’a été dévoilée qu’après qu’une voisine, alertée par les bruits d’un passage à tabac, eut appelé la police (P. 5, p. 2). Par ailleurs, au moment où la police est intervenue, elle a refusé catégoriquement de parler par crainte de représailles de son ami. Ce n’est qu’une fois en sécurité qu’elle a finalement accepté de se confier (P. 5, p. 2).
Tous les éléments constitutifs de l’art. 181 CP étant réalisés, c’est à bon droit que les premiers juges ont reconnu G._ coupable de contrainte.
5.
L’appel joint de C._ porte sur la culpabilité du prévenu pour que celle-ci soit augmentée d’épisodes de viol et de mise en danger de la vie d’autrui, non retenus dans le jugement de première instance. Cet appel soulève dès lors la question de son incidence, en cas d’aboutissement, sur la quotité de la peine, notamment au regard de l’interdiction de la
reformatio in pejus
et de l’interdiction d’examiner en appel d’autres points que ceux du jugement de première instance.
5.1
Aux termes de l’art. 382 al. 2 CPP, la partie plaignante ne peut pas interjeter recours sur la question de la peine ou de la mesure prononcée. Celle-ci peut donc attaquer un jugement sur la question de la culpabilité, indépendamment de la prise de conclusions civiles, et ce non seulement pour contester un acquittement mais également pour mettre en cause la qualification juridique retenue contre le prévenu en première instance (ATF 139 IV 84 c. 1.1).
Selon l’art. 391 al. 2 CPP, l’autorité de recours ne peut modifier une décision au détriment du prévenu ou du condamné si le recours a été interjeté uniquement en leur faveur. Ainsi, lorsque l'appel émane du seul prévenu, la juridiction d'appel ne saurait statuer à son détriment, sous réserve de faits nouveaux.
Conformément à l’art. 404 al. 1 CPP, la juridiction d’appel ne peut examiner que les points attaqués du jugement de première instance qui sont attaqués dans l’appel ou dans l’appel joint. En revanche, elle ne peut revoir ceux qui ne sont pas contestés, à moins que leur modification ne s’impose à la suite de l’admission de l’appel ou de l’appel joint (Vianin, in: Kuhn/Jeanneret (éd.), Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 1 ad art. 404 CPP).
5.2
En l’espèce, la Cour d’appel est autorisée par l’art. 391 CPP à infliger une sanction plus sévère, si elle doit retenir la commission de crimes supplémentaires. En effet, l’appel de la partie plaignante sur la quotité de la peine n’est pas recevable, mais la peine peut en revanche être revue d’office comme conséquence directe de l’admission d’un appel joint aboutissant à une culpabilité plus importante (cf. supra c. 5.1; Vianin, op. cit. n. 1 ad art. 404 CPP).
6.
C._ soutient avoir été victime de deux mises en danger de sa vie en décembre 2009 et le 23 mars 2010, et non pas d’une seule le 23 mars 2010, comme retenu par les premiers juges (jgt, p. 17 in fine), qui ont considéré que l’élément constitutif du danger de mort imminent était incertain faute de certificat médical et de sensation suffisante d’étouffement éprouvée par la victime (jgt, p. 71).
6.1
En l’occurrence, le 24 mars 2010, précisant que la peur l’avait empêché auparavant de se plaindre ou de consulter un médecin, la plaignante a déclaré à la police que son compagnon « l’avait déjà saisie à la gorge à plusieurs reprises lors de leurs disputes, serrant suffisamment pour manquer d’air et se mettre à tousser » (P. 5, p. 4).
Lors de son audition du 16 avril 2010 (PV aud. 8, p. 2), elle a uniquement indiqué que le prévenu l’avait serrée au cou à deux reprises et que l’épisode du 23 mars 2010 avait été le plus violent.
A l’audience de première instance, elle a expliqué qu’en décembre 2009, le prévenu l’avait poursuivie à l’extérieur, alors qu’elle s’était enfuie de l’appartement dans la forêt voisine, qu’il l’avait rattrapée, forcée à rentrer et que, dans l’immeuble, il l’avait serrée au cou jusqu’à ce qu’elle étouffe, qu’elle avait crié et essayé d’alerter les voisins en donnant des coups de pied dans leurs portes, mais que personne n’était là, et qu’elle était encore convaincue qu’il voulait essayer de la tuer, qu’il essayerait encore en sortant de prison et qu’elle était terrorisée (jgt, p. 17).
Entendue à l’audience d’appel, elle a précisé que son ami l’avait prise par le cou avec les deux mains en se tenant devant elle, qu’il l’avait tirée ainsi pour la ramener dans l’appartement situé au deuxième étage et pour étouffer ses cris, que sa respiration avait parfois été interrompue durant quelques secondes, qu’elle toussait et avait du mal à reprendre sa respiration, mais qu’elle n’avait pas perdu connaissance. Elle a encore précisé qu’elle avait eu l’impression qu’elle pouvait mourir d’un moment à l’autre et qu’elle était sûre que son ex-petit ami aurait été capable de la tuer (jgt, p. 5).
En l’occurrence, la scène est convaincante par les détails qu’elle comporte et sa cohérence interne. En effet, aussitôt à l’abri des regards, l’auteur a puni sa victime de s’être enfuie en lui faisant comprendre qu’elle engageait sa vie en tentant de lui échapper, l’étranglement a été pratiqué dans le déplacement contraint et la victime a essayé d’attirer l’attention des voisins en cognant du pied les portes qui défilaient à sa portée.
Au vu de ces éléments, la cour retient qu’il y a bien eu un deuxième épisode de strangulation en décembre 2009. Il convient dès lors d’examiner si ces faits sont constitutifs d’une mise en danger de la vie d’autrui.
6.2
6.2.1
Aux termes de l'
art. 129 CP
, celui qui, sans scrupules, aura mis autrui en danger de mort imminent sera puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
La notion de danger de mort imminent implique d'abord un danger concret, c'est-à-dire un état de fait dans lequel existe, d'après le cours ordinaire des choses, la probabilité ou un certain degré de possibilité que le bien juridique protégé soit lésé, sans toutefois qu'un degré de probabilité supérieur à 50% soit exigé. Le danger de mort imminent représente cependant plus que cela. Il est réalisé lorsque le danger de mort apparaît si probable qu'il faut être dénué de scrupules pour négliger sciemment d'en tenir compte. Quant à la notion d'imminence, elle n'est pas aisée à définir. Elle implique en tout cas, outre la probabilité sérieuse de la réalisation du danger concret, un élément d'immédiateté qui est défini moins par l'enchaînement chronologique des circonstances que par le lien de connexité directe unissant le danger et le comportement de l'auteur (TF 6B_87/2013 du 13 mai 2013 c. 3.1;
ATF 121 IV 67
c. 2b/aa et les références citées).
S'agissant plus précisément de la strangulation, la jurisprudence a admis qu'il pouvait y avoir danger de mort lorsque l'auteur
étranglait
sa victime avec une certaine intensité. Ainsi, le Tribunal fédéral a retenu une mise en danger de la vie d'autrui à la charge d'un auteur qui avait
étranglé
sa victime, sans pour autant lui causer de sérieuses lésions et sans qu'elle ait perdu connaissance. Il relevait que, selon les médecins légistes, la violence décrite pouvait entraîner, bien que rarement, une mort par réflexe cardio-inhibiteur, ou par asphyxie, si elle était suffisamment forte et longue (
ATF 124 IV 53
; TF 6B_87/2013 ibid.).
Sur le plan subjectif, l'art. 129 CP exige un dol de mise en danger, qui ne peut néanmoins prendre la forme que d'un dol direct, à l'exclusion d'un dol éventuel. L'auteur doit avoir pleine et entière conscience de créer un danger de mort imminent sans vouloir aboutir à une issue fatale (Dupuis et al., op. cit., n. 11 ad art. 129 CP et les références citées).
6.2.2
En l’espèce, il est constant que l’agresseur a serré le cou de sa victime avec les deux mains durant la montée des escaliers en desserrant, puis en resserrant sa prise, que la jeune femme toussait et qu’elle avait eu du mal à reprendre son souffle. Toutefois, elle n’a pas perdu connaissance, sa respiration n’ayant été interrompue que durant quelques secondes. Dans ces circonstances, force est de constater que l’interruption du flux vital a été trop brève pour générer un danger de mort imminent. De surcroît, aucun élément médical ne permet d’étayer une telle mise en danger. Au demeurant, le sentiment de la victime selon lequel sa vie était en danger n’était pas associé à la durée et à la puissance de l’étranglement en tant que tel, mais à son expérience de la violence générale du prévenu.
L’élément constitutif du danger de mort imminent n’étant pas réalisé, c’est à juste titre que les premiers juges n’ont pas retenu ce chef d’accusation pour ces faits.
Mal fondé, l’appel doit être rejeté sur ce point.
7.
C._ soutient avoir été victime de trois ou quatre viols, et non d’un seul.
7.1
En l’occurrence, les premiers juges n’ont retenu que l’épisode du viol comportant une morsure et ont écarté les autres viols allégués pour le seul motif que la victime se serait soumise par lassitude aux exigences du prévenu, sans manifester clairement son refus (jgt, p. 67 et 72).
A l’audience de première instance (jgt, p. 17), la victime n’a pas distingué de manière claire le climat général de violence qu’elle subissait et les violences spécifiques à l’obtention de rapports sexuels. De même, elle a admis qu’il lui arrivait de se forcer au rapport sollicité de peur d’être frappée ou parce qu’elle était trop faible pour résister, ce qui semble signifier qu’elle n’avait pas véritablement exprimé son refus. En revanche, elle a aussi déclaré qu’elle était frappée lorsqu’elle essayait de résister, qu’elle avait été forcée à trois ou quatre reprises en ayant été frappée à cet effet et qu’elle pleurait dans le lit. Dans sa plainte (P. 5, p. 4), elle a évoqué plusieurs viols en précisant que finalement elle s’était résignée pour éviter de subir plus de violences. Lors de son audition du 16 avril 2010 (PV aud. 8, p. 1 in fine), elle a confirmé avoir été forcée à trois ou quatre reprises, viol à la morsure compris.
A l’audience d’appel, la plaignante a précisé que lorsqu’elle avait évoqué, devant le Procureur, trois ou quatre épisodes de viol, elle se référait aux viols au cours desquels son ami avait été violent en la frappant, en lui donnant des coups de poing dans les côtes, en lui tirant les cheveux et en la mordant pendant l’acte. Par ailleurs, elle a déclaré qu’il y avait eu d’autres épisodes où elle n’était pas consentante, où elle exprimait son refus, mais où en définitive, elle se laissait faire (pv du 26 juillet 2013, p. 4).
Quant aux déclarations du prévenu, elles ont beaucoup varié au fil des auditions. Il a finalement admis que des brutalités avaient eu lieu dans le cadre de jeux sexuels consentis. A l’audience de première instance, il a ainsi « contesté avoir violenté sa compagne lors de relations sexuelles en dehors des fois où elle le lui avait demandé » (jgt, p. 12 in fine).
Appréciant tous ces éléments, la cour de céans a acquis la conviction que la plaignante a été contrainte par la violence, à trois reprises au moins, à subir l’acte sexuel. Cette conviction se fonde notamment sur la crédibilité de la victime et l’absence de vraisemblance de la version du prévenu, qui admet néanmoins des violences durant l’acte sexuel à plusieurs reprises.
7.2
Ainsi, G._ a passé, plus d’une fois, outre les refus de sa compagne, en ayant recours, à trois reprises au moins, à des violences physiques, soit des coups dans les côtes et une morsure, pour la contraindre à entretenir des relations sexuelles avec lui. Il avait dès lors clairement conscience puisqu’il la forçait à l’acte sexuel, la battait à cette fin et qu’elle était notamment en pleurs lors de ces agressions.
Par ailleurs, le jeune homme avait instauré un climat de psycho-terreur, par les menaces proférées, ses colères et ses réactions excessives. Toutefois, la victime a indiqué qu’il lui arrivait de ne rien dire, de se laisser faire par peur qu’il ne la frappe. Concernant ces épisodes de soumission, on ne saurait sans autre retenir que le jeune homme avait conscience de lui imposer l’acte sexuel en usant de violences psychiques.
Compte tenu de ce qui précède, G._ doit être reconnu coupable de viol, à trois reprises au moins.
Bien fondé, le grief de l’appelante doit être admis.
8.
Au vu de l’admission de l’appel joint, il convient de fixer une nouvelle peine correspondant à la culpabilité finalement retenue (ATF 139 IV 84 c. 1.2).
8.1
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (
objektive Tatkomponente
). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (
subjektive Tatkomponente
). A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (
Täterkomponente
), à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 c. 2.1 p. 19 s.; ATF 129 IV 6 c. 6.1 p. 20; TF 6B_759/2011 du 19 avril 2012 c. 1.1; TF 6B_335/2012 du 13 août 2012 c. 1.1).
Selon l'art. 19 al. 2 CP, le juge atténue la peine si, au moment d'agir, l'auteur ne possédait que partiellement la faculté d'apprécier le caractère illicite de son acte ou de se déterminer d'après cette appréciation. Les principes qui président à la fixation de la peine en cas de diminution de la responsabilité ont été développés dans l’ATF 136 IV 55. Partant de la gravité objective de l'acte (objektive Tatschwere), le juge doit apprécier la faute (subjective; subjektives Tatverschulden). Il doit mentionner, dans le jugement, les éléments qui augmentent ou diminuent la faute dans le cas concret et qui permettent d'apprécier la faute en relation avec l'acte. Le législateur mentionne plusieurs critères, qui jouent un rôle important pour apprécier la faute et peuvent même conduire à diminuer celle-ci de telle manière qu'il convient de prononcer une peine inférieure au cadre légal ordinaire de la peine. Parmi ceux-ci, figure notamment la diminution de la responsabilité au sens de l'art. 19 CP. Dans ce cas, en modification de la jurisprudence antérieure (ATF 134 IV 132 c. 6.1), il s'agit de diminuer la faute et non la peine; la réduction de la peine n'est que la conséquence de la faute plus légère (TF 6B_356/2012 du 1
er
octobre 2012 c. 3.2; ATF 136 IV 55 c. 5.5).
8.2
En l’occurrence, la culpabilité de G._ doit être qualifiée de lourde.
Les faits qui lui sont reprochés sont graves. Le prévenu a joui de la terreur qu’il faisait régner, en l’érigeant en mode de vie et en multipliant les infractions portant atteinte à des biens juridiques fondamentaux, telles que les crimes de viol et de mise en danger de la vie d’autrui. Malgré une responsabilité pénale restreinte, sa faute s’avère particulièrement importante.
A charge, il sera tenu compte du fait qu’il n’a exprimé ni regrets ni excuses à l’endroit de C._. Son comportement en cours de procédure, consistant notamment à rejeter la faute sur sa victime, dénote une absence totale de prise de conscience. Le prévenu donne l’impression d’être dépourvu de toute considération pour autrui. Il est impératif qu’il expérimente concrètement, dans sa personne, les conséquences de ses actes pour qu’il en tire une leçon définitive.
Le jeune âge, l’enfance un peu perturbée, les difficultés d’acclimatation de ce ressortissant cubain, l’entourage familial préservé, les perspectives de travail à sortie de prison et la démarche thérapeutique engagée sur son initiative, jouent certes à décharge, mais pas au point de contrebalancer le poids considérable de sa culpabilité.
En procédant à une appréciation globale, compte tenu de la faute commise, des nouveaux chefs de condamnation retenus, des éléments à charge et à décharge, la peine doit être fixée à cinq ans.
9.
L’appelant conteste le refus du sursis, à tout le moins partiel, ainsi que la révocation du sursis octroyé le 12 février 2009.
9.1
Selon l'art. 42 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire, d'un travail d'intérêt général ou d'une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits (al. 1).
Aux termes de l'art. 43 al. 1 CP, le juge peut suspendre partiellement l'exécution d'une peine pécuniaire, d'un travail d'intérêt général ou d'une peine privative de liberté d'un an au moins et de trois ans au plus afin de tenir compte de façon appropriée de la faute de l'auteur (al. 1).
Lorsque le juge est appelé à connaître d'un crime ou d'un délit que l'auteur a commis après une précédente condamnation à une peine assortie du sursis, il est également compétent pour statuer sur la révocation de ce dernier (art. 46 al. 3 CP). Il doit donc examiner si les conditions d'une révocation sont réunies, laquelle postule que le crime ou le délit dont il est appelé à connaître ait été commis pendant le délai d'épreuve du sursis antérieur et qu'il y ait dès lors lieu de prévoir que l'auteur commettra de nouvelles infractions (art. 46 al. 1 CP). Cette dernière condition implique l'existence d'un pronostic défavorable quant au comportement futur du condamné (ATF 134 IV 140 c. 4.3). Elle correspond donc à l'une des conditions de l'octroi du sursis, de sorte que, comme dans ce dernier cas, le pronostic à émettre doit reposer sur une appréciation d'ensemble de tous les éléments pertinents (ATF 134 IV 140 c. 4.4 et les arrêts cités).
9.2
En l’occurrence, la quotité de la peine infligée à l’appelant (cf. supra c. 8.2) exclut tout sursis.
Par ailleurs, l’intéressé ayant réitéré la commission d’infractions graves après une première période de détention provisoire, le sursis octroyé en 2009 doit impérativement être révoqué. Il importe peu qu’il s’agisse d’infractions aux dispositions sur la circulation routière, le pronostic étant sombre et la prise de conscience quasi nulle puisque, pour tenter de se tirer d’affaire, le prévenu salit sa victime en la présentant comme une sadomasochiste qui réclamait des coups et qui se vengerait de lui en l’accusant faussement de viol. On ne peut considérer que la perspective de l’exécution de la peine fixée par la Cour de céans suffise à renverser ce pronostic défavorable.
Mal fondé, ce moyen doit être rejeté.
10.
G._ conteste la quotité de la réparation morale allouée à la partie plaignante.
Pour sa part, l’appelante par voie de jonction demande que le montant de l’indemnité soit porté à 100'000 francs.
10.1
En vertu de l’art. 47 CO, le juge peut, en tenant compte de circonstances particulières, allouer à la victime de lésions corporelles une indemnité équitable à titre de réparation morale. Les circonstances particulières à prendre en compte se rapportent à l’importance de l’atteinte à la personnalité du lésé, l’art. 47 CO étant un cas d’application de l’art. 49 CO. Les lésions corporelles, qui englobent tant les atteintes physiques que psychiques, doivent donc en principe impliquer une importante douleur physique ou morale ou avoir causé une atteinte durable à la santé (TF 4A_373/2007 du 8 janvier 2008 c. 3.2, non publié in ATF
134 I 97; 132 Il 117 c. 2.2.2; TF 6B_970/2010 du 23 mai 2011 c. 1.1.2).
En raison de sa nature, l’indemnité pour tort moral, qui est destinée à réparer un dommage ne pouvant que difficilement être réduit à une simple somme d’argent, échappe à toute fixation selon des critères mathématiques, de sorte que son évaluation en chiffres ne saurait excéder certaines limites; l’indemnité allouée doit toutefois être équitable. Le juge en proportionnera donc le montant à la gravité de l’atteinte subie et évitera que la somme accordée n’apparaisse dérisoire à la victime (ATF 125 III 269, précité; ATF 118 II 410, précité).
S'agissant du montant alloué en réparation du tort moral, toute comparaison avec d'autres affaires doit intervenir avec prudence, puisque le tort moral touche aux sentiments d'une personne déterminée dans une situation donnée et que chacun réagit différemment face au malheur qui le frappe. Cela étant, une comparaison n'est pas dépourvue d'intérêt et peut être, suivant les circonstances, un élément utile d'orientation. Le Tribunal fédéral a eu l'occasion de relever que les montants alloués pour tort moral en cas de viol entre 1990 et 1995 se situaient généralement entre 10'000 et 15'000 fr. et s'élevaient exceptionnellement à 20'000 fr. (
ATF 129 III 269
c. 2a). L'examen de décisions cantonales récentes montre que des montants plus importants sont désormais accordés. Depuis 1998, des montants de 15'000 à 20'000 fr. ont régulièrement été octroyés en cas de viol et d'actes d'ordre sexuel, et parfois même des montants plus élevés encore (6P_1/2007 et 6S_12/2007 du 30 mars 2007).
10.2
En l’espèce, la réparation morale de 25'000 fr. était surtout contestée dans son principe par l’appelant parce que le viol n’était pas admis par lui. Quant à la plaignante, elle demande que l’indemnité soit augmentée, puisqu’elle conclut à une condamnation pour des faits supplémentaires.
En se référant à la jurisprudence, les premiers juges ont relevé (jgt, p. 81) qu’une réparation morale d’un montant de 100'000 fr. ne pouvait être allouée que dans des cas exceptionnels, notamment dans le cadre d’atteintes graves et répétées (ATF 125 III 269). Dans le cas d’espèce, ils ont estimé que l’atteinte globale à la personnalité de la victime par les actes illicites du prévenu justifiait une réparation de l’ordre de 25'000 fr., dès lors qu’une atteinte sérieuse (stress post-traumatique) avait été identifiée. Ils ont toutefois relevé que la victime connaissait déjà des difficultés existentielles avant les événements litigieux.
En l’occurrence, cette motivation pertinente ne prête pas le flanc à la critique et doit être suivie. En effet, ce ne sont pas seulement les actes commis, mais également l’intensité et la gravité de l’atteinte subie par la victime qui justifient la quotité de la réparation. Il ressort en effet des pièces au dossier que la plaignante a été très perturbée par les événements, sa psychologue ayant attesté un état post-traumatique important. Tant sa vie professionnelle (difficultés à trouver un emploi stable) qu’affective (relation perturbée avec son actuel mari; cf. jgt, p. 44) s’est vue profondément affectée par les agressions qu’elle a subies. Cela étant, elle éprouvait déjà certaines difficultés personnelles avant les faits litigieux.
Partant, dans la mesure où le prévenu a été reconnu coupable de trois viols supplémentaires, il se justifie d’augmenter la quotité de la réparation morale allouée à la victime. Compte tenu de l’atteinte subie par celle-ci, un montant de 30'000 fr. paraît équitable, étant précisé que la souffrance ressentie n’est pas directement proportionnelle au nombre de crimes de viol perpétrés.
Par ailleurs, le montant octroyé sera dû avec intérêts à 5% l’an dès le 23 mars 2010, date correspondant à la dernière intervention de la police (JT 2005 I 488, cité in : Braconi/Carron/Scyboz, Code civil suisse et Code des obligations annotés, 9
e
éd., 2013, note ad art. 41 CO, p. 39), tel que requis par la partie plaignante.
11.
G._ conteste la mise à sa charge des frais de la procédure de première instance.
Dans la mesure où cette contestation est liée à l’admission de son appel, le grief de l’appelant sur ce point doit être rejeté.
12.
En définitive, l’appel de G._ doit être rejeté et l’appel joint de C._ doit être partiellement admis. Le jugement entrepris sera réformé aux chiffres III et VII de son dispositif, en ce sens que le prévenu est condamné à une peine privative de liberté de cinq ans et que le montant alloué à la plaignante à titre de réparation morale est fixé à 30’000 fr. avec intérêts à 5% l’an dès le 23 mars 2010, le jugement étant maintenu pour le surplus.
13.
Vu l’issue de la cause, les frais d’appel, constitués de l’émolument d’arrêt, par 3’890 fr., de l’indemnité allouée au conseil d’office de C._, par 3'027 fr. 30, TVA et débours compris, ainsi que de l’indemnité allouée au défenseur d’office de G._, par 4'104 fr., TVA et débours compris, doivent être mis à la charge du prévenu, qui succombe (art. 428 al. 1 CPP).
S’agissant de l’indemnité réclamée par Me Laurent Etter, on précisera que celui-ci a produit une liste d'opérations faisant état d’un total de 25,8 heures (P. 183). Compte tenu de la nature de la cause, de la connaissance du dossier acquise en première instance et des opérations nécessaires pour la défense des intérêts de sa cliente, le temps consacré à la présente procédure paraît trop important. Tout bien considéré, c'est un montant de
3’027 fr. 30
, correspondant à 15 heures de travail, TVA et 103 fr. 05 de débours compris, qui doit lui être alloué à titre d'indemnité d'office pour la procédure d'appel.
G._ ne sera tenu de rembourser le montant des indemnités d'office prévues ci-dessus que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
26b590ce-b5a6-4564-a602-dcee4dc0acc7 | En fait :
A.
Par jugement du 12 février 2015 rectifié par prononcé du 18 février suivant, le Tribunal de police de l’arrondissement de La Broye et du Nord vaudois a pris acte des retraits de plainte et libéré I._ de l’accusation de violation de domicile (I), a constaté qu’I._ s’est rendu coupable de vol, vol d’usage, séjour illégal et infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants (II), l’a condamné à une peine privative de liberté de cent jours, partiellement complémentaire à celle prononcée le 5 novembre 2012 par le Ministère public de La Côte et entièrement complémentaire à celle prononcée le 11 août 2014 par le Ministère public du Nord vaudois (III), a révoqué le sursis accordé à I._ le 29 juin 2012 par le Ministère public de Lausanne et ordonné l’exécution de la peine de vingt jours-amende à 30 fr. le jour-amende (IV), a dit qu’I._ est le débiteur de S._ de la somme de 400 fr. à titre de réparation du dommage matériel (V), a fixé l’indemnité du défenseur d’office d’I._, l’avocat Florian Ducommun, à 1’373 fr., TVA et débours compris, pour la période du 9 janvier 2015 au 12 février 2015 (VI), a mis les frais par 3’104 fr. 15 à la charge d’I._, y compris l’indemnité de 1'373 fr. allouée à l’avocat Florian Ducommun (VII) et a dit que le remboursement à l’Etat de l’indemnité de 1’373 fr. allouée au défenseur d’office d’I._, l’avocat Florian Ducommun, sera exigible pour autant que la situation économique d’I._ se soit améliorée (VIII).
B.
Par annonce du 20 février 2015, puis déclaration motivée du 17 mars 2015, I._ a formé appel contre ce jugement, en concluant, principalement, sous suite de frais et dépens, à sa réforme en ce sens qu’il est libéré des accusations de vol et vol d’usage, qu’il n’est pas le débiteur de S._ et que la peine est réduite dans une mesure laissée à la libre appréciation de la Cour de céans, seule une partie des frais de justice et de l’indemnité du défenseur d’office étant mis à sa charge. Subsidiairement, il a conclu au renvoi de la cause au premier juge pour nouveau jugement.
Par courrier du 23 avril 2015, le Ministère public de l’arrondissement du Nord vaudois a indiqué qu’il n’entendait pas comparaître à l’audience d’appel et qu’il renonçait à déposer des conclusions.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
I._ est né au Maroc le [...] 1984 dans une famille de sept enfants. Il a grandi à Marrakech où il a effectué sa scolarité obligatoire jusqu’à l’âge de 16 ans. Il est alors parti en Libye, puis en Italie où il s’est lancé dans le commerce avec le Maroc. Il est ensuite allé en France et en Suisse où il a demandé l’asile le 10 novembre 2011. Une décision de non-entrée en matière a été rendue le 30 septembre 2012, mais le prévenu est toutefois resté en Suisse. Il a le projet de retourner au Maroc. Il est sans ressources et dit bénéficier de la générosité d’une femme en Suisse, avec laquelle il compte se marier.
Le casier judiciaire suisse d’I._ mentionne les inscriptions suivantes:
- 23 avril 2012, Ministère public de Lausanne, vol d’importance mineure, dommages à la propriété, injure, violation de domicile, violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires et contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants, 50 jours-amende à 30 fr. avec sursis pendant deux ans et 300 fr. d’amende ;
- 24 mai 2012, Ministère public de Lausanne, recel et contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants, 20 jours-amende à 30 fr. avec sursis pendant deux ans. Le sursis a été révoqué le 21 septembre 2012 par le Ministère public de Lausanne ;
- 25 mai 2012, Ministère public de Lausanne, vol et dommages à la propriété, 20 jours-amende à 30 fr. avec sursis pendant deux ans. Le sursis a été révoqué le 21 septembre 2012 par le Ministère public de Lausanne ;
- 29 juin 2012, Ministère public de Lausanne, recel, 20 jours-amende à 30 fr. avec sursis pendant deux ans ;
- 21 septembre 2012, Ministère public de Lausanne, vol et recel, peine privative de liberté de 60 jours ;
- 5 novembre 2012, Ministère public de La Côte, vol, peine privative de liberté de 40 jours ;
- 11 août 2014, Ministère public du Nord vaudois, dommages à la propriété, injure et violation de domicile, peine privative de liberté de 20 jours et 10 jours-amende à 20 francs.
Par jugement du 5 mai 2015, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a notamment condamné I._ à une peine privative de liberté de 14 mois pour s’être rendu coupable de vol par métier, infraction et contravention à la Loi fédérale sur les stupéfiants et infraction à la Loi fédérale sur les étrangers (P. 44). Pour les besoins de cette procédure, le prévenu est détenu depuis le 16 septembre 2014.
2.
2.1
Entre le 30 septembre 2012 et le 30 mars 2014, à Yvonand, Lausanne, Morges et en d’autres lieux, I._ a persisté à séjourner en Suisse, alors qu’il ne bénéficiait d’aucune autorisation de séjour.
2.2
Dans la nuit du 26 au 27 octobre 2013, à Yvonand, avenue [...], un vol par introduction clandestine a été commis dans la villa de O._. Un téléphone portable Nokia, un ordinateur portable, la clé de contact d’une Citroën C3 Picasso et la voiture elle-même, propriété de M._, ont été emportés.
Devant la porte de la villa de O._, une bouteille de vin de « Château Haut Mazeris » de 1,5 litre, année 1999 a été retrouvée le matin du 27 octobre 2013. Or, la police avait contrôlé I._ quelques heures auparavant vers 4h40 au chemin [...] à Yvonand. Son intervention avait été requise par S._ à la suite d’un vol par introduction clandestine commis pendant la nuit dans sa villa (cf. ch. 2.3 ci-après). I._ était fortement sous l’influence de l’alcool et tenait précisément une bouteille de vin rouge de 1,5 dl de l'année 1999 avec une étiquette dorée « Château... ». Il était venu à la rencontre de la police pour demander le chemin de la gare. Lors de sa fouille, la police avait trouvé une carte de légitimation émise par l’Office fédéral des migrations. Sur la base de ce document, elle l’avait identifié comme étant I._. Elle l’avait laissé aller au terme du contrôle, car son habillement ne correspondait pas au descriptif donné par la lésée S._.
En outre, la Citroën C3 Picasso de M._ a été retrouvée le 29 octobre 2013 à Yverdon. A l’intérieur, la police a découvert un mégot de cigarette, dont l’analyse ADN a révélé qu’il avait été fumé par le dénommé W._, objet d’une enquête distincte. Or, l’enquête a établi que W._ était en cheville avec I._. En effet, les deux hommes ont été contrôlés à la gare de [...] le 6 novembre 2013. I._ avait fait la connaissance de W._ dans un bunker à [...]. Après une période de détention entre mars et octobre 2013, il avait proposé à W._ de partager la cabane en bois dans laquelle il logeait à [...] avec l’autorisation du propriétaire.
Sur la base de ces éléments, I._ a été reconnu coupable de vol par le premier juge.
2.3
Toujours dans la nuit du 26 au 27 octobre 2013 à Yvonand, avenue [...], un vol par introduction clandestine a été commis par le prévenu dans la villa de S._. La somme de 400 fr. (deux fois 50 fr. et trois fois 100 fr.) a été dérobée.
S._ a déposé plainte le 27 octobre 2013 et l’a retirée le 11 février 2015. Elle a pris des conclusions civiles à hauteur de 400 fr. contre le prévenu.
2.4
A Lausanne, le 30 mars 2014, I._ a été interpellé par les forces de l’ordre alors qu’il était en possession de 4,2 g net d’héroïne, qui lui avaient été confiés par un tiers et qui n’étaient pas destinés à sa consommation propre. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux (art. 399 CPP) par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel d’ I._ est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier ; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP ; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
L’appelant conteste tout d’abord sa condamnation pour vol et vol d’usage (cas 2.2 retenu ci-dessus). Il soutient que les preuves pour le condamner seraient insuffisantes, en particulier car il ne pourrait être fait une relation certaine entre la bouteille en possession de l’individu interpellé, l’appelant contestant être cette personne, et celle retrouvée devant la porte d’entrée de la villa cambriolée.
3.1
Selon l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
La présomption d’innocence, ainsi que son corollaire, le principe
in dubio pro reo
, concernent tant le fardeau de la preuve que l’appréciation des preuves. En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d’innocence signifie que toute personne prévenue d’une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu’il appartient à l’accusation de prouver la culpabilité de celle-là (ATF 127 I 38 c. 2a ; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1). Comme règle d'appréciation des preuves, le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes ; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 Ia 31 c. 2c ; TF 6B_831/2009 précité c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38 c. 2a).
En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il y arbitraire lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 28 ad art. 398 CPP). L'appréciation des preuves est en particulier arbitraire lorsque le juge de répression n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, s'il a omis, sans raison sérieuse, de tenir compte d'un moyen important propre à modifier la décision attaquée ou encore si, sur la base des éléments recueillis, il a fait des déductions insoutenables (ATF 135 III 552 c. 4.2 ; TF 1C_517/2010 du 7 mars 2011 c. 2.1).
3.2
Pour retenir les infractions contestées par l’appelant, le premier juge a retenu qu’une bouteille de vin de 1,5 litre « Château Haut Mazeris » année 1999 avait été retrouvée le matin du 27 octobre 2013 devant la porte de la villa cambriolée de O._. Or, la police avait contrôlé le prévenu quelques heures auparavant, son intervention ayant été requise par S._ dans le cadre d’un autre cambriolage sur lequel on reviendra ci-après. L’appelant était sous l’influence de l’alcool et en possession d’une bouteille de vin de 1,5 litre dont l’étiquette dorée comportait le mot «Château » et le millésime 1999. Lors de la fouille, la police a découvert la carte de légitimation du prévenu émise par l’Office fédéral des migrations. Il a toutefois été laissé libre au terme du contrôle car les vêtements qu’il portait ne correspondait pas à ceux décrits par la lésée S._.
L’appelant ne peut pas être cru lorsqu’il prétend qu’il n’a pas été l’objet du contrôle décrit ci-dessus, dès lors qu’il a été identifié sur la base d’une pièce de légitimation officielle, son affirmation selon laquelle le dénommé W._ lui l’aurait prise ayant été formellement démentie par les policiers ayant procédé à l’interpellation (jgt. en p. 8). En outre, la relation entre la bouteille retrouvée sur les lieux du forfait et celle en possession de l’appelant lors de son interpellation est une preuve supplémentaire, même si les policiers n’ont pas relevé lors de l’interpellation le nom du Château, la contenance de la bouteille, soit celle d’un magnum, et le millésime étant identiques, ce qui suffit à considérer qu’il ne peut s’agir d’une coïncidence.
La condamnation de l’appelant ne consacre donc pas une violation de la présomption d’innocence et doit être confirmée.
4.
L’appelant conteste également avoir participé au cambriolage de la villa de S._ (cas 2.3 retenu ci-dessus). Il affirme à nouveau, comme il l’avait fait en première instance, que ses vêtements ne correspondraient pas à ceux décrits par la lésée et qu’il ne serait pas la personne objet de l’interpellation décrite ci-dessus.
4.1
Le premier juge n’a pas ignoré que la description des vêtements faite par la lésée et celle constatée par les policiers lors de l’interpellation ne coïncidaient pas. On peut toutefois d’emblée remarquer que cette divergence n’est guère importante. Lors de son audition-plainte, la lésée a décrit un jeune homme habillé en foncé (P. 6) alors que les policiers précisent que la personne interpellée était vêtue d’une veste noire et d’un jeans bleu (P. 14). Cette question est toutefois secondaire dans l’appréciation des preuves.
Le premier juge a en effet considéré à juste titre que les liens de l’appelant avec son comparse W._ étaient établis à satisfaction. Dans le cas précédemment examiné du cambriolage dans la villa de O._, la participation de ce dernier au vol a pu être déterminée par l’analyse de l’ADN retrouvé sur un mégot de cigarette dans le véhicule du lésé dérobé également. Les deux prévenus ont été contrôlés ensemble le 6 novembre 2013 à la Gare de [...] et, comme on l’a vu, W._ serait, dans la version de l’appelant, celui qui lui aurait pris sa carte de légitimation lors du contrôle du 27 octobre 2013. Il est donc prouvé que les deux prévenus étaient ensemble la nuit du 26 au 27 octobre 2013 et qu’ils ont commis les deux cambriolages ensemble, la commission de deux vols la même nuit à Yvonand leur étant imputable, sans doute possible.
A nouveau, il n’y a aucune violation de la présomption d’innocence.
5.
En définitive, l’appel doit être rejeté et le jugement entrepris confirmé.
Pour le surplus, quand bien même I._ a été condamné le 5 mai 2015 par le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne, la peine prononcée en l’espèce n’est pas complémentaire à celle de cette dernière condamnation, le jugement n’étant pas exécutoire (ATF 129 IV 113 c. 1.2 et 1.3, JdT 2005 IV 51).
5.1
L'indemnité de défenseur d'office allouée à Me Florian Ducommun pour la procédure d'appel sera fixée à 1'333 fr. 80, TVA compris, correspondant à 10h30 d’activité à 110 fr. ainsi qu’une vacation à 80 fr. pour son avocat stagiaire.
5.2
Vu l’issue de la cause, les frais d’appel, constitués de l’émolument de jugement, par 1'500 fr., ainsi que de l’indemnité allouée au défenseur d'office d’I._, par 1'333 fr. 80,
sont mis à la charge de ce dernier (art. 428 al. 1 CPP).
I._ ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant de l’indemnité d'office précitée que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
26c456b4-a0a4-4e10-baad-5147f36c194f | En fait :
A.
Par jugement du 31 mars 2011, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne a libéré Z._ du chef d'accusation de détournement de choses frappées d'un droit de gage ou de rétention (I); l'a condamné pour escroquerie et infraction à la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants à une peine privative de liberté de douze mois, avec sursis pendant trois ans, peine entièrement complémentaire à celle prononcée le 31 octobre 2008 par la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois (II); a alloué à C._ et X._, solidairement entre eux, la somme de 5'000 fr. au titre de juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure pénale et a dit que Z._ en était le débiteur (III); a levé le séquestre sur le portefeuille titres détenu sur le compte [...] SA à Lausanne (IV); a mis les frais de la cause par 9'711 fr. 20 à la charge de Z._ (V) et a dit qu'il ne devra rembourser l'indemnité de son conseil d'office par 6'636 fr. 20 que pour autant que sa situation financière le permette (VI).
B.
Z._ a formé appel contre ce jugement. Par déclaration d'appel motivée du 24 mai 2011, il a conclu à sa libération du chef de prévention d'escroquerie, à sa condamnation, pour infraction à la loi fédérale sur l'assurance vieillesse et survivants, à une peine pécuniaire n’excédant pas 90 jours-amende, avec sursis, peine entièrement complémentaire à celle prononcée par la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois le 31 octobre 2008, à l'annulation du chiffre III du jugement et à la réduction des frais de première instance compte tenu de l’acquittement partiel.
Le 31 mai 2011, X._ et C._ ont annoncé qu’ils renonçaient à présenter une demande de non-entrée en matière et à déclarer un appel joint.
En date du 28 juin 2011, le Ministère public de l'arrondissement de Lausanne s’est rallié intégralement aux considérants et conclusions du jugement rendu le 31 mars 2011 et a demandé sa dispense de comparution personnelle.
Par courrier du 13 juillet 2011, la Présidente de la cour de céans à informé les parties que le préavis de la Municipalité de [...] du 26 octobre 2005, son complément du 25 octobre 2006 et un extrait du procès-verbal n° 4 de la séance du Conseil communal du 6 décembre 2006 avaient été versés au dossier.
Par courrier du 9 août 2011, X._ et C._ ont produit un bordereau de pièces.
A l'audience du 19 août 2011, l'appelant a produit un bordereau de pièces et a confirmé les conclusions prises dans ses écritures. X._ et C._ ont conclu au rejet de l'appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Z._ est né le 6 août 1941 à Périgueux, en France. Il a travaillé au service de différentes banques et obtenu l’équivalent d’un diplôme d’expert fiscal. En 1982, il est venu s’établir en Suisse et a géré plusieurs fiduciaires et diverses sociétés actives notamment dans le domaine de l’immobilier. Il a rencontré des difficultés financières dès 2005, perdant l’essentiel de ses biens. Il est désormais retraité et vit, avec son épouse, dans un logement dont ses enfants sont propriétaires, bénéficiant d’un droit d’habitation.
Son casier judiciaire suisse comporte les inscriptions suivantes :
- 14 février 2005 : Juge d’instruction de Lausanne, conducteur pris de boisson, 25 jours d'emprisonnement avec sursis pendant deux ans et 1'000 fr. d'amende;
- 31 octobre 2008 : Cour de cassation pénale (Lausanne), gestion fautive, peine pécuniaire de 180 jours-amende à 50 fr. le jour avec sursis pendant deux ans.
2.
Actuellement à la retraite, Z._ a géré, au cours de sa carrière, plusieurs fiduciaires et sociétés actives notamment dans le domaine de l’immobilier.
Il a rencontré des difficultés financières dès 2005 à tout le moins ou dès la fin de l’année 2004.
Dès le 1
er
janvier 2004 et jusqu’au 30 juin 2008, Z._, administrateur unique de M._ SA, n’a pas versé à la caisse AVS les montants retenus sur les salaires de ses employés (dossier, pièce 5/17).
Du 18 octobre 2004 au 17 avril 2009, 77 poursuites ont été introduites à son encontre pour un total de 1’751'214 fr. 05. Entre la fin de l'année 2004 et le début de l'année 2005, certaines d'entre elles portaient notamment sur des factures d’assurance-maladie.
Z._ a été condamné le 3 septembre 2008 par le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de La Broye et du Nord vaudois pour gestion fautive à une peine de 180 jours-amende avec sursis pendant deux ans (dossier, pièce 40/1). Ce jugement a été confirmé par la Cour de cassation pénale le 31 octobre 2008. Les faits qui lui sont reprochés se sont déroulés entre le 31 mars 1998 et le 17 mai 2002 et sont liés à la [...], à Peyres-Possens.
L'arrêt de la Cour de cassation retient que les affaires de Z._ ont périclité après la faillite de la [...] prononcée le 4 juillet 2002 et clôturée le 21 décembre 2004. A cette époque, le prévenu était administrateur unique de M._ SA et de [...] SA (dossier, pièce 40/2, p. 10) et qu’il a fait profiter son entreprise O._ de montants exorbitants aux dépens de la Fondation du Moulin (dossier, pièce 40/2, pp. 20-22).
3.
Depuis 1999, Z._ était le conseiller fiduciaire des époux C._ et X._. Ce dernier est enseignant spécialisé alors que son épouse est organisatrice de spectacle. Dans le cadre de son mandat, Z._ a établi leurs déclarations d'impôts, les a conseillés lorsque C._ est devenue indépendante professionnellement et les a assistés dans le cadre d'une procédure de redressement fiscal.
A la fin du mois de février 2005, Z._ a demandé à X._ un prêt pour une courte période, expliquant qu’il avait un besoin urgent de liquidités pour un projet immobilier qui devait démarrer incessamment à [...]. Il a insisté sur le fait que la somme serait rapidement remboursée dès le début du chantier du projet immobilier. Le rendez-vous a eu lieu dans un établissement public. Dans la mesure où Z._ avait besoin d’une réponse immédiate, X._ a téléphoné à son épouse qui a donné son accord de principe.
Le 25 février 2005, les parties ont signé un contrat portant sur un prêt de 150’000 fr., précisant qu’il était accordé pour les affaires professionnelles de Z._ et pour une durée de deux mois à compter du 28 février 2005, avec intérêt de 0,7 % par mois. Le transfert de fonds a eu lieu en trois jours.
En date du 17 mars 2005, Z._ a confirmé aux époux [...] qu’il avait reçu les fonds et qu’il nantissait, en cas de besoin, à leur profit les éléments suivants :
"
- Les débiteurs de M._ SA, département immobilier sur l’affaire à [...]E._
- le portefeuille titres détenu au CIAL sur le compte [...]
".
Z._ n'a pas remboursé la somme dans le délai prévu. Un avenant au contrat de prêt a été signé le 3 février 2006, en vertu duquel le prêt était prorogé de trois mois en trois mois dès le 31 juillet 2006, les mêmes garanties étant maintenues et les intérêts devant être versés à chaque échéance trimestrielle.
Lorsque la construction des villas E._ a commencé, les époux [...] ont réclamé à nouveau le remboursement. Le prévenu n’a pas été en mesure de produire des pièces attestant qu’il avait effectivement investi la somme de 150’000 fr. dans un projet immobilier à [...].Z._ ne s'est jamais exécuté et a fait opposition au commandement de payer dans le cadre de la poursuite que les époux [...] lui ont fait notifier.
4.
Le jugement attaqué retient que Z._
a profité du rapport de confiance qu’il entretenait avec les époux [...] pour obtenir la somme de 150'000 francs. Il a soutenu avoir besoin de cet argent par manque de liquidités momentané. Or, l’instruction a clairement démontré que la situation financière personnelle du prévenu, comme celle de ses sociétés, était obérée. Z._, qui connaissait personnellement le couple, savait qu’ils étaient peu rompus aux affaires, les a pressés pour obtenir de l'argent dans un délai très court. Le transfert de fonds a eu lieu en trois jours et le prêt ne devait durer que deux mois. Tout a été mis en oeuvre pour que les plaignants pensent être remboursés à brève échéance.
De plus, le prévenu n’a pas été en mesure de produire des pièces attestant qu’il avait effectivement investi la somme prêtée dans un projet immobilier à [...]. Il a dans un premier temps parlé des villas E._, puis d’un projet dans lequel L._ SA était impliquée. Dans un cas comme dans l’autre, aucun permis de construire n’était délivré au mois de février 2005, de sorte que Z._ ne pouvait ignorer que ni l’un ni l’autre projet ne démarrerait dans le délai de deux mois donné aux plaignants comme objectif de remboursement.
En raison de ces faits, Z._ a été reconnu coupable d’escroquerie au sens de l’art. 146 al. 1 CP. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
L'appel étant limité à la question de la réalisation de l'infraction d'escroquerie, un éventuel effet réformatoire ne pourra porter que sur cet élément (Kistler Vianin, Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 2 ad art. 408 CPP).
A juste titre, l'appelant ne remet pas en cause le verdict de culpabilité prononcé par les premiers juges, constatant qu'il s'est rendu coupable d'infraction à la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants.
3.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
4.
Invoquant une violation de l'art. 146 CP, l'appelant conteste l'existence d'une tromperie, et, partant, la qualification d'escroquerie, dès lors que les époux [...] ont toujours su qu’il manquait de liquidités et qu'il s’agissait d’investir la somme prêtée dans la société O._ pour deux projets immobiliers précis devant générer des revenus sûrs dont une commission de courtage de 181’125 francs. En outre, sa situation financière n'était pas obérée puisqu'il avait des montants disponibles sur ses comptes [...]. Selon lui, on ne peut également rien déduire du fait qu’il n’a pas pu démontrer qu’il avait investi les 150’000 fr. dans un projet particulier. Il soutient ne pas avoir agi astucieusement, les informations étant vraies et documentées et le motif du prêt véridique. Il relève encore que les époux [...] ont fait preuve d’imprudence en prêtant une somme élevée aussi rapidement alors qu'ils pouvaient se protéger en se renseignant. Enfin, il n’y a pas de dessein d’enrichissement puisqu'il pensait réellement pouvoir rembourser dans les deux mois, le non-remboursement étant dû à la lenteur imprévue dans le règlement du projet immobilier.
4.1
Aux termes de l’art. 146 CP, se rend coupable d’escroquerie celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais, ou l’aura astucieusement confortée dans son erreur et aura de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d’un tiers.
L’escroquerie suppose une tromperie, qui peut se présenter sous la forme d’affirmations fallacieuses, de dissimulation de faits vrais ou encore consister à conforter la dupe dans l’erreur. Selon la jurisprudence, l’emprunteur qui a l’intention de rembourser son bailleur de fonds n’agit pas astucieusement s’il ne l’informe pas spontanément de son insolvabilité (ATF 86 IV 205). Il en va en revanche différemment si l’auteur présente une fausse vision de la réalité de manière à dissuader le prêteur de se renseigner sur sa situation financière (Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. I, Berne 2010, art. 146 CP, n. 6 ss ad art. 146 CP), ou lorsque des circonstances particulières font admettre à l’auteur que le prêteur ne posera pas de question sur ce point (ATF 86 IV 206).
La loi pénale exige que la tromperie soit astucieuse. Selon la jurisprudence, tel est notamment le cas si l’auteur recourt à des manoeuvres frauduleuses, à une mise en scène comportant des documents ou des actes ou à un échafaudage de mensonges qui se recoupent de façon si raffinée que même une victime critique se laisserait tromper (ATF 135 IV 76 c. 5; 128 IV 18 c. 3a; ATF 126 IV 165 c. 2a). L’astuce sera également admise si l’auteur exploite un rapport de confiance préexistant qui dissuade la dupe de vérifier (ATF 122 IV 246 c. 3a) ou si la dupe n’a pas la possibilité de vérifier ou si des vérifications seraient trop difficiles et que l’auteur exploite cette situation (ATF 125 IV 124 c. 3a).
L’astuce n’est toutefois pas réalisée si la dupe pouvait se protéger avec un minimum d’attention ou éviter l’erreur avec le minimum de prudence que l’on pouvait attendre d’elle. L’astuce n’est exclue que lorsque la dupe est coresponsable du dommage parce qu’elle n’a pas observé les mesures de prudence élémentaires qui s’imposaient. Il ne suffit pas de se demander comment une personne raisonnable et expérimentée aurait réagi à la tromperie. Il faut, au contraire, prendre en considération la situation particulière de la dupe, telle que l’auteur la connaît et l’exploite, par exemple une faiblesse d’esprit, l’inexpérience ou la sénilité, mais aussi un état de dépendance, d’infériorité ou de détresse faisant que la dupe n’est guère en mesure de se méfier de l’auteur. Le principe de coresponsabilité ne saurait être utilisé pour nier trop aisément le caractère astucieux de la tromperie (ATF 128 IV 18 c. 3a).
La tromperie astucieuse doit amener la dupe, dans l'erreur, à accomplir un acte préjudiciable à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers. La dupe doit conserver une certaine liberté de choix (Corboz, op. cit., n° 28 ad art. 146 CP). L'erreur créée ou confortée par la tromperie doit motiver l'acte (ATF 119 IV 210 c. 3d). L'escroquerie ne sera consommée que s'il y a un dommage (Corboz, op. cit., n° 32 ad art. 146 CP).
Sur le plan subjectif, l'escroquerie est une infraction intentionnelle, l'intention devant porter sur tous les éléments constitutifs de l'infraction. L'auteur doit en outre agir dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime (ATF 134 IV 210 c. 5.3).
4.2
En l'espèce, si Z._ a informé X._ et C._ qu’il manquait de liquidités, il leur a cependant affirmé que cela était temporaire et leur a caché que sa situation était difficile, voire obérée, prétextant disposer d'argent sous forme d'actions qu'il n'était pas opportun de vendre. Or, en réalité, sa situation financière, respectivement celle de ses sociétés, était précaire et il faisait l'objet de plusieurs poursuites. A cet égard, il ressort du jugement de la Cour de cassation pénale du 31 octobre 2008 que les affaires de Z._ périclitaient depuis la faillite de la [...] prononcée le 4 juillet 2002 et clôturée le 21 décembre 2004. En outre, durant toute l’année 2004, une de ses sociétés n’a pas payé les cotisations AVS des employés et des factures d’assurance‐maladie ont fait l’objet de poursuites entre la fin de l'année 2004 et le début de l'année 2005. Son compte CIC [...] présentait un solde de 3’653 fr. 81 le 1
er
janvier 2005 (dossier, pièce 10/23) et son compte [...], un solde négatif de 802 fr. 55 (dossier, pièce 10/24). Au demeurant, entre le 18 octobre 2004 et le 17 avril 2009, 77 poursuites ont été introduites à son encontre pour un montant total de 1’751’214 fr. 05.
Au vu de ce qui précède, la situation financière obérée de Z._ au moment où il a requis un prêt de 150'000 fr. des époux [...] est clairement établie.
Enfin, comme l'ont pertinemment relevé les premiers juges, les garanties offertes aux plaignants (cf. supra c. 3, p. 5) n'étaient pas sérieuses dans la mesure où elles ne constituaient pas un véritable droit de gage au sens de l'art.
884 CC. Z._ est en effet resté seul titulaire du compte titre, qu'il s'est d'ailleurs bien gardé de réaliser pour rembourser sa dette, et les débiteurs de M._ SA n'ont pas été déterminés précisément et n'ont finalement versé aucun montant aux époux [...].
Au vu de ce qui précède, Z._ a trompé ses cocontractants sur sa situation financière et la valeur des garanties offertes.
4.3
L'appelant soutient qu'afin de rembourser le prêt, initialement prévu pour deux mois, il était censé recevoir rapidement des commissions de courtage en relation avec deux projets immobiliers.
4.3.1
Au moment de la conclusion du contrat, Z._ a évoqué le projet E._ qui peut être résumé comme suit.
Le 17 mai 2002, l’hoirie W._, propriétaire de la parcelle E._, a conclu un contrat de "
promesse de vente et d’achat et constitution d’un droit d’emption
" avec D._, partenaire de Z._. Ce document précisait que la parcelle était en zone constructible conditionnée à l’adoption d’un plan de quartier (dossier, pièce 16). Le 23 décembre 2004, le prévenu a reçu une offre d’honoraires de [...] SA pour la mise à l’enquête de 29 villas dans le lotissement E._, à [...], à hauteur de 154’626 fr. 14, somme arrondie à 150'000 fr. (dossier, pièce 16). En févier 2005, O._ a établi un plan financier pour la construction et la vente de 27 villas dans le lotissement E._ (dossier, pièce 16).
Il ressort de ce qui précède qu'avant de pouvoir construire les villas sur la parcelle E._, il fallait, à tout le moins, faire adopter un plan partiel d'affectation par le Conseil communal de [...]. A cet égard, il ressort du préavis municipal n° 31/2005 du 26 octobre 2005, du complément au préavis municipal n° 31/2005 du 25 octobre 2006 et du procès-verbal n° 4 de la séance du Conseil communal du 6 décembre 2006 que le plan partiel d'affectation E._ et son règlement ont été soumis à l’enquête publique du 17 décembre 2004 au
24 janvier 2005 et qu'il y a eu 28 oppositions, une pétition et une enquête complémentaire du 20 juillet au 20 août 2006 avant que le plan soit adopté par le Conseil communal dans sa séance du 6 décembre 2006.
L'ensemble de ces éléments démontre qu'au moment de la conclusion du contrat de prêt, le plan partiel d’affectation E._ venait d’être mis à l’enquête publique et avait suscité de nombreuses oppositions, ce que le prévenu, en tant qu'intéressé au projet, ne pouvait ignorer. D’ailleurs, même si un tel plan avait été adopté rapidement par le conseil communal, le projet devait encore être approuvé par le département cantonal compétent. La vente des villas ne pouvait ainsi intervenir qu'ultérieurement, soit au stade du permis de construire.
En définitive, contrairement à ce qu'a fait croire l'appelant aux époux [...], il était certain que le projet immobilier n’allait pas démarrer incessamment
(jgt, p. 8) et que si la somme allait être remboursée dès le début du chantier immobilier comme il l'a affirmé (jgt, p. 9), cela ne serait pas dans les deux mois, ni même dans l’année.
4.3.2
Après la conclusion du contrat de prêt, Z._ a parlé aux époux [...] d'un second projet immobilier pour lequel il était censé obtenir une commission de courtage. Il peut être résumé de la manière suivante.
En date du 15 août 2003, D._, partenaire de Z._, a conclu avec l'hoirie W._ un contrat de courtage avec exclusivité portant sur les parcelles [...] de [...]. Le 5 septembre 2005, l’hoirie W._ et L._ ont conclu un contrat de "
vente à terme conditionnelle - droit d’emption
" portant sur les parcelles précitées pour un prix de 16’300’000 francs. Cette vente était conditionnée à l’adoption, à l’initiative de l’acheteur, d’un plan partiel d’affectation par le Conseil communal de [...] et à la ratification de celui‐ci par le département cantonal compétent (dossier, pièce 41).
En date du 27 novembre 2005, l’hoirie W._ a écrit à D._ que le montant qui lui était dû était de 362’250 fr. pour solde de tout compte, que le mandat d’architecte était compris dans la commission de courtage et que ce montant ne serait versé qu’au moment où l’acquéreur du terrain leur ferait parvenir le versement définitif. La moitié de la commission précitée revenait à Z._.
Le 13 mars 2006, O._ a adressé sa facture finale de courtage de 362'250 fr. à l’hoirie W._, qui l'a contresignée pour accord. Cette facture précisait que le versement de la commission interviendrait lors du paiement du terrain par l’acheteur. La vente à L._ a finalement eu lieu le
31 mars 2011 et la commission de courtage a fait l’objet de requête de mesures provisionnelles le 30 mars 2011 pour que le notaire bloque le prix de vente de 16'100'000 fr., subsidiairement le montant de la commission de 362’250 francs. Lors du jugement dont est appel, ces commissions de courtage n’avaient pas encore été payées (jgt, p. 12, par. 1).
S'il est établi que le contrat de courtage date de 2003 et que la promesse de vente est intervenue le 5 septembre 2005, il n'en demeure pas moins que la commission n’est due en général qu’une fois la vente effective, ce qui a été confirmé le 13 mars 2006. Dans ces conditions, faire croire aux époux [...] qu'il les rembourserait rapidement à l’aide de cette commission constitue également une tromperie. Par ailleurs, entendu par le juge d’instruction le 19 août 2009, le prévenu a affirmé qu’il avait investi les 150’000 fr. aussi pour préparer le dossier de cette vente. Or, selon les déclarations de X._, Z._ n'avait évoqué que le projet E._ lors de la conclusion du prêt. Ce n'est que par la suite, qu'il a parlé à X._ et C._ de la commission sur la vente à L._ SA.
4.3.3
Au vu de l'ensemble des éléments susmentionnés, il apparaît qu'en ce qui concerne les commissions de courtage espérées en relation avec ces deux projets immobiliers, l'appelant a bel et bien trompé les époux [...] par des affirmations fallacieuses, en leur faisant croire qu'il rembourserait la somme empruntée à l'échéance convenue ou, à tout le moins, dans un bref délai. Or, cela n'était simplement pas possible au vu des procédures qui étaient en cours. Il reste à déterminer si cette tromperie peut être qualifiée d'astucieuse.
4.4
Z._ était le fiduciaire des époux [...] depuis plusieurs années lorsqu'il leur a demandé un prêt. Dans le cadre de son mandat, il a non seulement établi leurs déclarations d'impôts mais il les a également conseillés lorsque C._ est devenue indépendante professionnellement et il les a assistés dans le cadre d'une procédure de redressement fiscal. Il est évident qu’entre les époux [...] et leur fiduciaire, qui connaissait parfaitement leur situation financière et leur inexpérience en matière d'affaires, une relation de confiance existait. Dans ces circonstances, X._ et C._ n’avaient aucune raison de vérifier les affirmations du prévenu quant à sa solvabilité et les gains qu’il espérait en relation avec ses projets immobiliers.
Z._ n'a pas seulement caché sa réelle situation financière, mais a en plus donné et entretenu l'illusion qu'il allait recevoir d'importantes sommes d'argent, de sorte qu'il était évident, pour ses victimes, que sa situation financière ne pouvait être que bonne et qu'ils seraient très rapidement remboursés. En effet, une fois passé le délai de deux mois pour le remboursement (cf. procès-verbal d'audition n° 2), Z._ a remis à X._ le dossier relatif au projet de construction E._ mentionnant que les villas allaient être vendues dans l’année, ce qui ne pouvait être que faux, et que la vente allait générer un gain de 1’681’000 fr. dont la moitié lui revenait (dossier, pièce 16). Si les époux [...] pouvaient avoir des doutes, ce dossier était de nature à les rassurer. En outre, le délai très bref de deux mois, la constitution de garanties, qui n’en étaient en réalité pas, leur renouvellement en février 2006 alors que les comptes avaient en bonne partie été vidés, étaient encore autant d'éléments de nature à les rassurer et à les dissuader de faire des vérifications. Au demeurant, Z._ s’est montré très pressé et leur a laissé peu de temps de réflexion en prétextant un besoin urgent de liquidités. Dans ces conditions, rien ne permet de dire que les époux [...] ont fait preuve d'une légèreté justifiant d'exclure l'astuce.
L'appelant a induit et conforté ses victimes dans l'erreur qu'il avait les moyens de régler ses dettes et les a ainsi conduites à conclure un contrat, tout en sachant que, de son côté, il ne pouvait remplir ses engagements. Quant aux cocontractants, ils n'avaient pas de motifs impératifs de contrôler la situation financière de Z._ au regard de leur relation de confiance, du comportement, des affirmations et des assurances données par ce dernier. Dans ces conditions, l'astuce est bien réalisée.
4.5
Par son comportement astucieux, l'appelant a déterminé les époux [...] à lui prêter la somme totale de 150'000 francs. Ceux-ci ont subi un préjudice pécuniaire, en ce sens que, contrairement à ce que le prévenu leur avait laissé croire, il a offert dès le début si peu de garanties que la créance issue du prêt est mise en péril au point de perdre une part importante de sa valeur; il a ainsi fait
courir aux prêteurs un risque qui ne pouvait raisonnablement être exigé d'eux
(ATF 102 IV 84, JT 1978 IV 103, spéc. p. 106, c. 4).
Il apparaît ainsi que les éléments constitutifs objectifs de l'art. 146 CP sont réalisés.
4.6
L'appelant soutient que l'élément subjectif de l'art. 146 CP n'est pas réalisé. Il prétend qu'il avait la volonté de rembourser ses bailleurs de fonds, notamment grâce à la perspective de gains en relation avec ses projets immobiliers.
Il a déjà été souligné qu'au moment où Z._ a contracté le prêt, sa situation financière était déjà problématique. Il apparaît ainsi clairement que l'appelant n'avait pas la capacité financière de rembourser l'emprunt concédé par les époux [...]; vu l'ampleur de ses dettes, cet élément ne pouvait lui échapper. Il a d'ailleurs lui-même admis qu'il ne s'était pas adressé à une banque vu que le dossier n'était pas concret sur son dénouement (procès-verbal n° 1, p. 2). En outre, les projets immobiliers censés lui permettre de rembourser le prêt n'ont pas, à l'heure actuelle, soit plus de cinq ans après la conclusion du contrat de prêt, occasionné le versement d'une commission. Il faut donc en inférer que l'appelant a contracté un prêt sans avoir l'intention de rembourser ses victimes aux échéances convenues, ni même dans un avenir plus lointain.
En conséquence, les premiers juges ont appliqué à juste titre
l'art. 146 CP, dont les éléments constitutifs étaient réalisés.
5.
En définitive, l'appel doit être rejeté et le jugement confirmé.
Vu l'issue de la cause, les frais du présent jugement doivent être mis à la charge de l'appelant. Outre l'émolument, ces frais comprennent l'indemnité d’office allouée au conseil de Z._ (cf. les art. 135 al. 2 et 422 al. 2 let. a CPP; art. 2 al. 2 ch. 1 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux, RSV
312.03.1
]).
Le remboursement à l'Etat de l'indemnité due à son défenseur d'office sera exigible pour autant que la situation économique de Z._ se soit améliorée (ATF 135 I 91 c. 2.4).
X._ et C._ n'ayant pas formulé de prétentions relatives à une juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure au sens de l'art. 433 CPP, la cour de céans n'a pas à examiner cette question.
La Cour d’appel pénale
en application des articles 2 al. 2, 40, 42 al. 2, 44, 47, 49 al. 1 et 2, 50, 146 CP; 87 al. 3 LAVS; 398 ss CPP :
prononce :
I.
L'appel est rejeté.
II.
Le jugement rendu le 31 mars 2011 par le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne est confirmé selon le dispositif suivant :
"
I. Libère Z._ du chef d'accusation de détournement de choses frappées d'un droit de gage ou de rétention.
II. Condamne Z._ pour escroquerie et infraction à la Loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants à une peine privative de liberté de 12 (douze) mois, avec sursis pendant 3 (trois) ans, peine entièrement complémentaire à celle prononcée le 31 octobre 2008 par la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois.
III. Alloue à C._ et X._, solidairement entre eux, la somme de 5'000 fr. (cinq mille francs) au titre de juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure pénale et dit que Z._ en est le débiteur.
IV. Lève le séquestre sur le portefeuille titres détenu sur le compte [...] (Suisse) SA à Lausanne.
V. Met les frais de la cause par 9'711 fr. 20 à la charge de Z._.
VI. Dit que Z._ ne devra rembourser l'indemnité de son conseil d'office par 6'636 fr. 20 que pour autant que sa situation financière le permette.
III.
Une indemnité de défenseur d'office pour la procédure d'appel d'un montant de 1'627 fr. 10 (mille six cent vingt-sept francs et dix centimes), TVA comprise, est allouée à Me Benoît Morzier.
IV.
Les frais d'appel, par 3'677 fr. 10 (trois mille six cent septante-sept francs et dix centimes), y compris l'indemnité allouée à son défenseur d'office sous chiffre III ci-dessus, sont mis à la charge de Z._.
V.
Z._ ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant prévu sous chiffre III ci‐dessus que lorsque sa situation financière le permettra
.
VI.
Déclare le présent jugement exécutoire. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
28090a15-c642-4347-ac58-b10b16c5e51d | E n f a i t :
A.
Par jugement du 1
er
décembre 2014, le Tribunal criminel de l’arrondissement de La Côte a déclaré U._ coupable de vol en bande et par métier, dommages à la propriété qualifiés, violation de domicile et faux dans les certificats (I), l’a condamné à une peine privative de liberté de 4.5 ans, sous déduction de 541 jours de détention avant jugement (II), a ordonné son maintien en détention pour des motifs de sûreté (III), a déclaré P._ coupable de vol en bande et par métier, dommages à la propriété qualifiés et violation de domicile (IV), l’a condamné à une peine privative de liberté de 4 ans sous déduction de 541 jours de détention avant jugement (V), a ordonné son maintien en détention pour des motifs de sûreté (VI), a déclaré K._ coupable de vol en bande, de tentative de vol en bande, de dommages à la propriété qualifiés et de violation de domicile (VII), l’a condamné à une peine privative de liberté de 20 mois, sous déduction de 541 jours de détention avant jugement, avec sursis pendant 3 ans (VIII), a ordonné sa relaxation immédiate sauf autre motif de détention (IX), a déclaré V._ coupable de vol en bande, tentative de vol en bande, dommages à la propriété et violation de domicile (X), l’a condamné à une peine privative de liberté de 24 mois, sous déduction de 541 jours de détention avant jugement (XI), a ordonné son maintien en détention pour des motifs de sûreté (XII), a dit que P._ doit 47'550 fr, 40 à [...], 2'786 fr. 60 à [...], 200 fr. à [...] et 345'228 fr. 50 à la [...] (XIII), a donné acte à [...], [...] et [...] de leurs réserves civiles contre les quatre condamnés (XIV), a statué sur les frais et les indemnités d’office (XV à XVIII) et a énoncé la clause de l’art. 135 CPP (XIX).
B.
a) Par annonce du 2 décembre 2014, puis déclaration motivée du 5 janvier 2015, le Ministère public a formé appel contre ce jugement, en concluant à sa réforme en ce sens que U._ est condamné à une peine privative de liberté de 6 ans sous déduction de la détention subie avant jugement, que P._ est condamné à une peine privative de liberté de 7 ans sous déduction de la détention subie avant jugement, que K._ est déclaré coupable, en plus des infractions déjà retenues à son encontre, de vol par métier et qu’il est condamné à une peine privative de liberté de 5 ans sous déduction de la détention subie avant jugement, et que V._ est déclaré coupable, en plus des infractions déjà retenues, de vol par métier et qu’il est condamné à une peine privative de liberté de 7 ans sous déduction de la détention subie avant jugement.
b) Par annonce du 8 décembre 2014, puis déclaration motivée du 5 janvier 2015, U._ a formé appel contre ce jugement, en concluant, avec suite de frais et de dépens, à la modification du chiffre II de son dispositif en ce sens qu’il est condamné à une peine privative de liberté inférieure à celle prononcée en première instance. Il conteste son implication dans le cas 50 de l’acte d’accusation.
Le 13 janvier 2015, le Ministère public s’en est remis à justice s’agissant de la recevabilité de l’appel de U._ et a indiqué qu’il n’entendait pas déposer d’appel joint.
Le 20 janvier 2015, U._ s’en est remis à justice d’agissant de la recevabilité de l’appel du Ministère public, a indiqué qu’il n’entendait pas déposer d’appel joint et qu’il se référait intégralement aux moyens développés dans sa propre déclaration d’appel.
c) Le 29 janvier 2015, M._, plaignant, a déposé un appel joint en concluant à la condamnation de P._, K._ et V._ dans le cas 48, objet de sa plainte, conformément à l’appel du Ministère public.
d) Le 2 février 2015, V._ a déposé un appel joint en concluant, principalement, à son complet acquittement, ainsi qu’à l’allocation d’une indemnité de l’art. 429 CPP d’un montant correspondant à 250 fr. par jour de détention subie et aux honoraires de son défenseur, à son immédiate relaxation et au rejet des conclusions civiles des plaignants, les frais étant entièrement mis à la charge de l’Etat. Subsidiairement, il a conclu au prononcé d’une peine privative de liberté inférieure à 24 mois avec sursis, à l’octroi d’une indemnité de l’art. 429 CPP à raison de 250 fr. par jour de détention, à sa relaxation immédiate et à ce qu’une partie des frais soit mise à la charge de l’Etat.
e) Le 2 février 2012, P._ a déposé un appel joint à celui du Ministère public en concluant à ce qu’il soit condamné à une peine privative de liberté inférieure à 4 ans.
f) Le 2 février 2015, K._ a déposé un appel joint à celui déposé par le Ministère public en concluant à son acquittement complet, à l’octroi d’une indemnité du chef de l’art. 429 CPP à raison de 250 fr. par jour de détention subie, à ce que tous les frais soient supportés par l’Etat et à ce que les plaignants [...], [...] et [...] ne reçoivent pas acte de leurs réserves civiles en tant qu’elles le concerne. Subsidiairement, K._ a conclu à ce que sa peine privative de liberté soit de 20 mois au maximum, à l’octroi d’une indemnité du chef de l’art. 429 CPP à raison de 250 fr. par jour de détention et à ce qu’une part des frais soit laissée à la charge de l’Etat.
C.
a) Le prévenu U._ est né le [...] à Montofalco en Italie. Ressortissant italien, il a été élevé dans la région de Rome. Il est allé à l’école jusqu’à l’âge de 14 ans et a travaillé par la suite comme forgeron avec son père. Lors de sa première audition du 10 juin 2013, il a déclaré qu’il exerçait toujours cette activité, pour un revenu mensuel de l’ordre de 800 à 1'000 euros. Lors de son audition du 2 juillet 2013, il a déclaré que son travail, dont il a alors refusé d’indiquer la nature, l’éloignait souvent de son domicile. U._ vit maritalement avec [...], avec laquelle il a eu quatre enfants : [...], née en 1992, [...], né en 1993, [...], né en [...] et [...], né en [...]. Le prévenu et sa famille habitent à [...] dans une villa dont [...] est propriétaire. Cette dernière n’exerce pas d’activité professionnelle régulière. Le comportement du prévenu en prison a été décrit comme bon.
Le casier judiciaire suisse de U._ est vierge. Son casier judiciaire italien comporte les inscriptions suivantes :
- 19.10.2006, Cour d’appel de Campobasso (I), vol, réclusion 9 mois et amende € 400.- ;
- 20.05.2008, Cour d’appel de Cagliari (I), faux dans les certificats, fausses déclarations sur son identité et vol en concours, réclusion 1 année et 9 mois, amende € 344.-.
b) Le prévenu P._ est né le [...] à Rome. Ressortissant italien, il vit maritalement avec [...], qui est la sœur du prévenu U._, avec laquelle il a eu trois enfants, [...], né le 8 juin 1992, [...], âgé de 17 ans et [...], âgée de 5 ans. Le prévenu a déclaré lors de son audition du 10 juin 2013 qu’il travaillait comme ouvrier d’usine, pour un salaire d’environ 1'000 euros par mois, pour l’entreprise [...], à [...]. Sa compagne ne travaille pas. Le prévenu et sa famille vivent dans une villa à [...], dont [...] est propriétaire.
Le casier judiciaire suisse de P._ ne comporte aucune inscription. Son casier judiciaire italien comporte une inscription :
- 25.01.1993, Cour d’appel de Florence (I), vol en concours, réclusion 1 an et 2 mois et amende de LIT 200'000.-.
c) Le prévenu K._ est né le [...] à Grosseto, en Italie, pays dont il est ressortissant. Au moment de son arrestation, il vivait chez ses parents à [...]. Il a une amie, [...], à laquelle il aurait été uni par un mariage coutumier célébré le 14 avril 2013. Il a déclaré travailler comme ferrailleur indépendant avec son père. Il tirerait de cette activité un revenu mensuel de l’ordre de 2'000 à 3'000 euros.
Les casiers judiciaires suisse et italien de K._ sont vierges.
d) Le prévenu V._ est né le [...] à San Secondo Parmese en Italie, pays dont il est ressortissant. Il vit maritalement avec [...], qui est la sœur de [...], ainsi qu’avec leurs trois enfants nés en [...], [...] et [...]. Il a déclaré travailler en qualité de maçon et d’électricien indépendant, pour un revenu de l’ordre de 800 euros par mois. Le revenu de [...], pour une activité de nettoyeuse, serait de l’ordre de 400 euros par mois. Le prévenu vit avec sa famille dans une maison à [...], laquelle appartiendrait à sa compagne.
Le casier judiciaire suisse de V._ ne comporte aucune inscription. Son casier judiciaire italien indique les trois condamnations suivantes :
- 04.08.1990, Préture de Livorno (I), vol en concours, réclusion 6 mois et amende LIT 140'000.- ;
- 03.09.1990, Préture de Volletri (I), tentative de vol en bande, réclusion 6 mois et amende LIT 600'000.- ;
- 13.05.1996, Préture de Livorno (I), vol, réclusion 7 mois et amende LIT 400'000.-.
D.
a)
L’appel du Ministère public porte sur de nombreux cambriolages qui n’ont pas été imputés aux prévenus par les premiers juges. Par souci de clarté, tous les cas énumérés dans l’acte d’accusation seront reproduits ci-dessous, puis discutés dans la partie droit, étant précisé que les premiers juges ont imputé à U._ les cas 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 14, 39, 42, 44, 46, 47, 48, 49, 50, 51 et 52 ; à P._ les cas 8, 10, 15, 16, 17, 22, 23, 30, 36, 37, 38, 40, 41, 45, 49, 50, 51 et 52 et à K._, ainsi qu’à V._, les cas 50, 51 et 52
b)
Depuis l'été 2012, une série de cambriolages a été commise, selon le même mode opératoire, dans des villas de luxe situées dans le canton de Vaud, mais également dans le reste de la Suisse et dans d'autres pays européens. Afin de déjouer le système d’alarme, souvent installé au rez-de-chaussée de ces habitations, les auteurs escaladaient la bâtisse, à l’aide d’objets trouvés sur place, afin d’y accéder par le niveau supérieur. A cet endroit, pour pénétrer dans l’habitation, ils s’en prenaient à la vitre de l’une des fenêtres qu’ils sortaient de son cadre, qui parfois se brisait. Une fois à l’intérieur, ils s’attaquaient principalement aux coffres-forts en les meulant sur place ou en les emportant avec eux lorsque leur taille le permettait. Ils emportaient essentiellement des bijoux de grandes marques et des numéraires. Pendant ces opérations, certains des prévenus restaient à l’extérieur pour faire le guet. Les images de vidéosurveillance de différents cas ont permis de déterminer que les auteurs communiquaient entre eux non pas au moyen de leur téléphone portable, mais en utilisant des talkies-walkies.
Le préjudice total des vols commis en Suisse s'élèvent à plusieurs millions de francs.
L'enquête a permis d’établir que les auteurs de ces cambriolages étaient des ressortissants italiens issus de la communauté du voyage. Ils ont notamment été identifiés en les personnes de P._, son fils, K._, ses beaux-frères, V._ et U._, le fils de ce dernier, [...], [...] et [...], tous trois déférés séparément. D’autres comparses des prévenus n’ont à ce jour pas encore pu être identifiés.
Ces prévenus se déplaçaient à travers toute l'Europe à bord de camping-cars, parfois avec femmes et enfants, et s'installaient notamment dans des campings officiels situés à proximité des frontières d'où ils se rendaient, à bord de véhicules de location ou de véhicules volés, dans les pays frontaliers pour commettre leurs méfaits.
Des traces ADN, dont notamment certaines correspondant au profil ADN de P._ et de U._, ainsi que des traces de semelles ont été relevées sur plusieurs sites. Ces indices permettent de relier certains cas entre eux.
c) Le 9 juin 2013, vers 23h30, P._, K._, V._ et U._ ont été interpellés à Genève dans un véhicule VW Touran noir, loué en France par P._. Dans le véhicule, divers outils et trois paires de chaussures ont été retrouvés. Une fouille approfondie de ce véhicule par un service spécialisé a permis de découvrir qu'une cache avait été créée dans la voiture dans laquelle du matériel servant à commettre des cambriolages, et notamment à ouvrir des coffres-forts, a été retrouvé (meule à disques, disques, talkies-walkies, gants, etc.). Les profils ADN des quatre prévenus ont été retrouvés sur ces outils.
Cette interpellation a permis de mettre fin à l’activité délictueuse des prévenus.
d)
L’acte d’accusation retient les faits suivants :
1. A Nürtingen/Allemagne[...], le 16 juin 2010 entre 19h45 et 22h45, le prévenu U._, accompagné d’individus non identifiés, a pénétré par effraction dans la villa de [...] en escaladant la façade et en passant par le toit du garage pour atteindre le balcon, forcé le châssis de la fenêtre et brisé celle-ci à l’aide d’un objet pointu. Une fois à l’intérieur, les prévenus ont commencé à fouiller la chambre avant d’être dérangés et de quitter les lieux en emportant tout de même plusieurs bijoux pour un montant total de 9'300 euros. Le profil ADN de U._ a été retrouvé sur les lieux. [...] ont déposé plainte et se sont constitués parties civiles. Ils n’ont toutefois pas chiffré leurs prétentions civiles (Doss. A : PV aud. 25; Doss. E).
2. Entre octobre 2010, date du vol des documents, et le 20 avril 2013, date de sa première légitimation, en France, avec ceux-ci, le prévenu U._ a contrefait la carte d’identité et le permis de conduire de [...], l’un de ses voisins à [...]/Italie, en y apposant sa photographie. A tout le moins le 9 juin 2013, date de son interpellation, le prévenu a utilisé ces documents falsifiés afin de se légitimer. La carte d’identité et le permis de conduire ont été saisis et transmis au Service de l’Identité judiciaire de la police de sûreté vaudoise (Doss. A : PV aud. 13, 23 et P. 92/4, 92/5, 281).
3. A Vandoeuvres/GE, [...], le 25 février 2012 vers 19h27, le prévenu U._, accompagné d’individus non identifiés, a pénétré par effraction dans la villa de [...] en escaladant l’avant-toit jusqu’au premier étage et en brisant la fenêtre de la chambre des enfants. Il y a dérobé deux montres Omega et Hermes, trois paires de boucles d’oreilles Van Cleef, Laurence Coste, deux consoles de jeux WII et PSP avec des accessoires, pour un montant de plus de 16'000 francs. Le montant des dommages causés s’élève à 785 fr. 20. Le profil ADN de U._ a été retrouvé sur les lieux. En outre, une trace de semelle correspondant à celle prélevée sur le cas 4 ci-dessous a été retrouvée. [...] a déposé plainte et s’est constitué partie civile le 4 mars 2012. Il n’a toutefois pas chiffré ses prétentions civiles (Doss. A : PV aud. 21, 23; Doss. D, F).
4. A Corsier/GE, [...], le 25 février 2012 vers 20h20, le prévenu U._, accompagné d’individus non identifiés, a pénétré par effraction dans la villa de [...] en forçant l’ouverture du volet d’une fenêtre et en la brisant pour y dérober des biens. Les prévenus ont toutefois quitté les lieux sans rien avoir pu emporter. Le profil ADN de U._ a été retrouvé sur les lieux. En outre, une trace de semelle correspondant à celle prélevée sur le cas 3 a été retrouvée. [...] a déposé plainte le 4 mars 2012 (Doss. A : PV aud. 21, 23; Doss. D, F).
5. A Bougy-Villars/VD, [...], entre le 10 et le 11 juillet 2012, le prévenu U._, accompagné de [...] et [...], déférés séparément, a pénétré par effraction dans la villa de [...] en cassant la porte-fenêtre du bureau. Une fois à l’intérieur, les prévenus ont descellé le coffre-fort qui se trouvait à la cave et l’ont forcé à l’aide d’une meule. Puis, ils ont forcé la porte de la salle d’eau et cassé les boiseries de la chambre à coucher, avant de quitter les lieux en emportant 12'000 fr., neufs montres de grandes marques, un pendentif en diamant, une broche composée de nombreux diamants et 34 pièces de monnaie anciennes. Le profil ADN de U._ a été retrouvé sur les lieux. [...] a déposé plainte et s’est constitué partie civile le 11 juillet 2012. Il n’a toutefois pas chiffré ses prétentions civiles (Doss. A : PV aud. 2 à 13, 20 à 23 et P. 5, 8, 10, 59, 93, 96 à 99, 186, 191 à 195, 200, 246, 248, 281).
6. A Conches/GE, [...], le 14 juillet 2012 vers 22h06, le prévenu U._, accompagné d’individus non identifiés, a pénétré par effraction dans la villa de [...] en cisaillant la clôture en treillis, en escaladant le pilier du couvert de la terrasse jusqu’au premier étage et en cassant la fenêtre de la chambre à coucher. Une fois à l’intérieur, les prévenus ont détruits le système d’alarme et ont dérobé six montres Tag Heuer, Bell & Ross, Bulgari, Jaeger-Lecoultre, Omega et Baume & Mercier pour un montant de 19'150 fr., ainsi que de nombreux bijoux de grandes marques pour un montant de 24'360 francs. Le montant des dommages causés s’élève à environ 5'000 francs. Une trace de semelle correspondant à celle prélevée sur le cas 7 a été retrouvée sur les lieux. [...] a déposé plainte et s’est constitué partie civile le 15 juillet 2012. Il n’a toutefois pas chiffré ses prétentions civiles (Doss. A : PV aud. 23; Doss. F).
7. A Cologny/GE, [...], entre le 14 et le 15 juillet 2012, le prévenu U._, accompagné d’individus non identifiés, a pénétré par effraction dans la villa de [...] en brisant la fenêtre du salon à l’aide d’une pierre. Une fois à l’intérieur, les prévenus ont arraché l’alarme, ont descellé le coffre-fort, qu’ils ont emporté avec eux, et ont dérobé trois sacs HERMES pour un montant de 16'500 fr. et 5'600 euros. Le coffre contenait entre 10'000 fr. et 12'000 fr., entre 8'000 et 10'000 euros, treize montres Cartier, Jaeger-Lecoultre, Audemars Piguet, Chaumet, Chanel, Hermes, Rolex et Mauboussin, trois bagues Piaget et Enigma, trois paires de boucles d’oreilles Cartier et Enigma, un bracelet Cartier et huit pièces d’or Vreneli. Le préjudice total s’élève à 220'020 francs. Le profil ADN de U._, ainsi qu’un profil ADN non attribué ont été retrouvés sur les lieux. [...] a déposé plainte et s’est constitué partie civile le 18 juillet 2012. Il n’a toutefois pas chiffré ses prétentions civiles (Doss. A : PV aud. 23; Doss. F).
8. A La Croix-sur-Lutry/VD, [...], entre le 27 et le 28 juillet 2012, les prévenus P._, K._ et V._, accompagnés de [...], [...], déférés séparément, et d’un autre individu non identifié, ont pénétré par effraction dans la villa de [...] en escaladant la façade jusqu’au premier étage et en forçant la fenêtre de la salle de bain, qui était légèrement ouverte. Une fois à l’intérieur, les prévenus ont forcé le coffre-fort à l’aide d’une meule et y ont dérobé 2'500 euros, 20'000 DKK, environ 1'000 USD, un bracelet en or blanc et une montre Rolex Gmt Master en acier. Le profil ADN de P._, ainsi qu’un profil ADN non attribué, ont été retrouvés sur les lieux. [...] a déposé plainte et s’est constitué partie civile le 28 juillet 2012. Il n’a toutefois pas chiffré ses prétentions civiles (Doss. A : PV aud. 2 à 13, 20 à 23 et P. 6, 7, 10, 59, 93, 96 à 99, 186, 191 à 195, 201, 246, 248, 281).
9. A St-Saphorin-sur-Morges/VD, [...], entre le 31 juillet et le 1er août 2012, les prévenus P._, K._ et V._, accompagnés de [...], [...], déférés séparément, et de deux autres individus non identifiés, ont pénétré par effraction dans la villa de [...] en escaladant la façade jusqu’à la terrasse du premier étage et en brisant la porte-fenêtre vitrée à l’aide d’un objet indéterminé. Une fois à l’intérieur, les prévenus ont forcé le coffre-fort à l’aide d’une meule et y ont dérobé de nombreux bijoux de grandes marques, une montre Audemars Piguet et une montre Rolex, pour un montant total de 260'700 fr., ainsi que 5'000 USD. [...] a déposé plainte et s’est constituée partie civile le 1er août 2012. Elle n’a toutefois pas chiffré ses prétentions civiles (Doss. A : PV aud. 2 à 17, 20 à 23 et P. 10, 59, 93, 96 à 99, 186, 191 à 195, 281, 282, 286, 312).
10. A Zumikon/ZH, [...], le 7 août 2012 entre 19h30 et 23h00, les prévenus P._, K._ et V._, accompagnés de [...] et [...], déférés séparément, ont pénétré par effraction dans la villa d’[...] en démontant un détecteur de mouvements, en escaladant la chenaux jusqu’au balcon et en brisant la porte-fenêtre de la chambre à coucher à l’aide d’un outil plat. Une fois à l’intérieur, les prévenus ont arraché le coffre-fort fixé dans la paroi du dressing et l’ont forcé à l’aide d’une meule et y ont dérobé 47 montres Rolex, Chopard, Iwc, Henry Moser, Patek Philippe, Piaget, A. Lange & Söhne, Longines, Tissot, Cartier, Jaeger-Lecoultre, Ebel, Junghans, Maurice Lacroix et Omega, une broche, un téléphone portable Siemens, une clé de voiture, un porte-monnaie contenant divers documents et plusieurs cartes de crédit, qu’ils ont emportés dans une taie d’oreiller prise sur place. Le montant des objets dérobés s’élève à 324'668 fr. et les dommages causés à 13'780 francs. Le profil ADN de P._ a été retrouvé sur les lieux. [...] a déposé plainte et s’est constitué partie civile. Il n’a toutefois pas chiffré ses prétentions civiles (Doss. A : PV aud. 14 à 17, 21; Doss. C).
11. A St-Prex/VD, [...], le 10 août 2012 entre 18h30 et 22h00, les prévenus P._, K._ et V._, U._, accompagnés de [...] et de [...], déférés séparément, ont pénétré par effraction dans la villa de [...] en forçant la fenêtre du dressing à l’aide d’un outil plat, ce qui a brisé la vitre, et y ont dérobé un I-Pad 2 noir, une montre Breitling, une montre Charriol, un sac Louis Vuitton Speedy, un pendentif Van Cleef, un collier et une bague Hermès et une bague Cartier. Le profil ADN de [...] a été retrouvé sur les lieux. [...] a déposé plainte et s’est constitué partie civile le 10 août 2012. Il n’a toutefois pas chiffré ses prétentions civiles (Doss. A : PV aud. 2 à 17, 20 à 23 et P. 10, 59, 93, 96 à 99, 186, 191 à 195, 281, 283).
12. A Begnins/VD, [...], le 10 août 2012 vers 21h56, les prévenus P._, K._, V._ et U._, accompagnés de [...] et de [...], déférés séparément, ont pénétré par effraction dans la villa de [...] en brisant la baie vitrée du petit salon. Une fois à l’intérieur, les prévenus ont arraché le système d’alarme, ont endommagé le coffre-fort et ont dérobé environ 600 euros, une montre Piaget, une montre Chaumet, une montre Jaeger-Lecoultre, une montre Breitling, un bracelet Piaget en or gris, une pince à billets Cartier, des boutons de manchette Lalaounis et un I-Touch pour un montant total d’environ 100'000 francs. Le profil ADN de [...] a été retrouvé sur les lieux. [...] a déposé plainte et s’est constitué partie civile le 10 août 2012. Il n’a toutefois pas chiffré ses prétentions civiles (Doss. A : PV aud. 2 à 17, 20 à 23 et P. 10, 59, 93, 96 à 99, 186, 191 à 195, 281, 284).
13. A Lussy-sur-Morges/VD, [...], le 10 août 2012 vers 23h22, les prévenus P._, K._, V._ et U._, accompagnés de [...] et de [...], déférés séparément, ont pénétré par effraction dans la villa de [...] en escaladant la façade jusqu’au premier étage et en brisant une fenêtre afin d’y dérober des objets. Une fois à l’intérieur, les prévenus ont commencé à fouiller les différentes pièces, mais ont été mis en fuite par le déclenchement de l’alarme sans rien avoir pu emporter. [...] a déposé plainte et s’est constitué partie civile le 11 août 2012. Il n’a toutefois pas chiffré ses prétentions civiles (Doss. A : PV aud. 2 à 17, 20 à 23 et P. 10, 59, 93, 96 à 99, 186, 191 à 195, 281, 285, 288).
14. A Le Mont-sur-Lausanne/VD, [...], le 14 septembre 2012 entre 13h30 et 22h20, le prévenu U._ a pénétré par effraction dans la villa de [...] en sortant la vitre de la porte-fenêtre de la véranda de son cadre à l’aide d’un outil plat et y a dérobé 4'000 fr., 1'300 euros, de nombreuses montres, bijoux et stylos de grandes marques, trois sacs, deux portefeuilles et un porte-cartes Gucci et trois paires de lunettes Gucci, D & G et Chanel. Le profil ADN de U._ a été retrouvé sur les lieux. [...] a déposé plainte et s’est constitué partie civile le 14 septembre 2012. Il n’a toutefois pas chiffré ses prétentions civiles (Doss. A : PV aud. 2 à 17, 20 à 23 et P. 10, 59, 93, 96 à 99, 133, 134, 186, 191 à 195, 202, 246, 248, 281).
15. A La Croix-sur-Lutry/VD, [...], le 28 septembre 2012 à 21h07, les prévenus P._, K._ et V._ ont pénétré par effraction dans la villa de [...] en fracturant la fenêtre de la cage d’escalier. Une fois à l’intérieur, les prévenus se sont rendus dans le bureau, qui se trouve au sous-sol, et ont tenté d’arracher et de forcer le coffre-fort à l’aide d’une meule, afin d’en dérober le contenu, sans y parvenir. Le profil ADN de P._ a été retrouvé sur les lieux. [...] a déposé plainte et s’est constitué partie civile le 28 septembre 2012. Il n’a toutefois pas chiffré ses prétentions civiles (Doss. A : PV aud. 2 à 17, 20 à 23 et P. 10, 59, 93, 96 à 99, 135, 186, 191 à 195, 203, 246, 248, 281).
16. A La Croix-sur-Lutry/VD, [...], le 1er octobre 2012 entre 17h40 et 20h05, les prévenus P._, K._ et V._ ont pénétré par effraction dans la villa de [...] en forçant la fenêtre de la cuisine, laissée ouverte en imposte, à l’aide d’un outil plat et y ont dérobé un étui en cuir pour bijoux contenant divers colliers « fantaisie » pour un montant total de 650 francs. [...] a déposé plainte et s’est constitué partie civile le 1er octobre 2012. Il n’a toutefois pas chiffré ses prétentions civiles (Doss. A : PV aud. 2 à 17, 20 à 23 et P. 10, 59, 93, 96 à 99, 186, 191 à 195, 281, 289, 290).
17. A Lussy-sur-Morges/VD, [...], entre le 1er et le 2 octobre 2012, les prévenus P._, K._ et V._ ont pénétré par effraction dans la villa de [...] en escaladant la façade jusqu’au premier étage à l’aide du mobilier de jardin et en tentant d’enlever les joints en mastic d’un carreau de la fenêtre, en vain, puis en brisant celui-ci. Une fois à l’intérieur, les prévenus ont dérobé une clé d’un coffre se trouvant à l’UBS et un coffre-fort, qu’ils ont ouvert et abandonné à Lully après avoir constaté qu’il était vide. Le profil ADN de P._ a été retrouvé sur les lieux. [...], représentée par son fils [...], a déposé plainte et s’est constituée partie civile le 2 octobre 2012. Elle n’a toutefois pas chiffré ses prétentions civiles (Doss. A : PV aud. 2 à 17, 20 à 23 et P. 10, 59, 93, 96 à 99, 136, 186, 191 à 195, 204, 246, 248, 281).
18. A Clarens/VD, [...], « [...] », entre le 4 et le 5 octobre 2012, les prévenus P._, K._ et V._ ont pénétré par effraction dans la villa de [...], en brisant la porte-fenêtre du rez inférieur, donnant accès au spa de l’habitation. Une fois à l’intérieur, les prévenus ont arraché le système d’alarme. Puis, ils sont ressortis et ont escaladé la façade jusqu’au premier étage à l’aide d’une échelle, ont brisé la fenêtre d’une des chambres et ont pénétré dans la demeure. Les prévenus se sont rendus dans le bureau où ils ont forcé le coffre-fort à l’aide d’une meule et ont dérobé une montre en or Corum, une montre en or avec phase de la lune et chronomètre, une montre Meistersinger et une paire de boutons de manchette en or. [...], par son représentant qualifié [...], a déposé plainte et s’est constitué partie civile le 9 octobre 2012. Il n’a toutefois pas chiffré ses prétentions civiles (Doss. A : PV aud. 2 à 17, 20 à 23 et P. 10, 59, 93, 96 à 99, 186, 191 à 195, 281, 291, 337).
19. A Fribourg/FR, [...], le 1er novembre 2012 vers 18h38, P._, K._, V._ et U._, accompagnés de [...], déféré séparément, ont pénétré par effraction dans la villa de [...] en escaladant la façade jusqu’au premier étage et en brisant la fenêtre de la chambre et y ont dérobé une montre Jaeger-Lecoultre, un diamant monté sur un tour de cou et une paire de boucles d’oreilles DIOR pour un montant total de 11'500 fr., avant d’être mis en fuite par le déclenchement de l’alarme. Une trace de semelle correspondant à celle prélevée sur le cas 21 a été retrouvée sur les lieux. [...] a déposé plainte et s’est constituée partie civile le 1er novembre 2012. Elle n’a toutefois pas chiffré ses prétentions civiles (Doss. A : PV aud. 23; Doss. B : P. 6).
20. A Jouxtens-Mézery/VD, [...], le 2 novembre 2012 entre 20h30 et 22h30, les prévenus P._, K._, V._ et U._, accompagnés de [...], déféré séparément, ont pénétré par effraction dans la villa de [...] en fracturant la fenêtre de la cuisine. Une fois à l’intérieur, les prévenus se sont rendus à la cave où ils ont dérobé le coffre-fort. Puis, ils ont arraché la porte située en haut des escaliers sans déclencher l’alarme, ont brisé la vitre de la porte de la cuisine et ont quitté les lieux avec le coffre, qui contenait une vingtaine de montres de plusieurs grandes marques pour un montant total de 253'700 francs. [...] a déposé plainte et s’est constituée partie civile le 2 novembre 2012. Elle n’a toutefois pas chiffré ses prétentions civiles (Doss. A : PV aud. 2 à 17, 20 à 23 et P. 10, 59, 93, 96 à 99, 186, 191 à 195, 281, 294).
21. A Môtier/FR, [...], entre le 2 et le 6 novembre 2012, les prévenus P._, K._, V._ et U._, accompagnés de [...], déféré séparément, ont pénétré par effraction dans la villa de [...] en escaladant la façade jusqu’au balcon et en brisant une fenêtre et y ont dérobé un pendentif en or en forme de croix et une chaîne en or pour un montant total de 22'900 euros. Un profil ADN non attribué, et également retrouvé sur les lieux d’un vol commis au Luxembourg où l’ADN de U._ a également été découvert, a été retrouvé sur les lieux. Une trace de semelle correspondant à celle prélevée sur le cas 19 a été retrouvée. [...] a déposé plainte et s’est constitué partie civile le 6 décembre 2012. Il n’a toutefois pas chiffré ses prétentions civiles (Doss. A : PV aud. 23; Doss. B : P. 6).
22. A Le Mont-sur-Lausanne/VD, [...], le 3 novembre 2012 entre 10h30 et 20h44, les prévenus P._, K._, V._ et U._, accompagnés de [...], déféré séparément, et d’un autre individu non identifié, ont pénétré par effraction dans la villa d’[...] en escaladant la chenaux jusqu’au balcon et en brisant la porte-fenêtre de la chambre à l’aide d’un outil indéterminé et y ont dérobé des pièces de 2 fr. et 5 fr. pour un montant d’environ 600 fr., divers bijoux « fantaisie » pour une somme de 1'000 fr., cinq sacs, des bijoux, des montres et des lunettes de grandes marques et six bouteilles de champagne pour un montant total de 27'927.10 francs. [...], par son fils [...], a déposé plainte et s’est constituée partie civile le 3 novembre 2012. Elle n’a toutefois pas chiffré ses prétentions civiles (Doss. A : PV aud. 2 à 17, 20 à 23 et P. 10, 59, 93, 96 à 99, 186, 191 à 195, 281, 295).
23. A Clarens/VD, [...], le 3 novembre 2012 entre 17h45 et 19h40, les prévenus P._, K._, V._ et U._, accompagnés de [...], déféré séparément, et d’un autre individu non identifié, ont pénétré par effraction dans la villa de [...] en escaladant la façade jusqu’au balcon à l’aide d’une corde et en brisant la vitre de la porte-fenêtre, ainsi qu’en arrachant le mastic d’un carreau d’une fenêtre du rez supérieur et en le brisant. Une fois à l’intérieur, les prévenus ont déplacé un petit coffre, mais n’ont pas réussi à l’ouvrir, ont forcé la porte d’un meuble en bois à l’aide d’un tournevis et y ont dérobé 600 fr., une paire de boucles d’oreilles Chopard d’une valeur de 80'890 fr., deux chaînes en or avec un pendentif et une bague pour un montant de 8'000 fr., avant de prendre la fuite suite au déclenchement de l’alarme. Le profil ADN de P._ a été retrouvé sur les lieux. [...] a déposé plainte et s’est constitué partie civile le 6 novembre 2012. Il n’a toutefois pas chiffré ses prétentions civiles (Doss. A : PV aud. 2 à 17, 20 à 23 et P. 10, 59, 93, 96 à 99, 177, 178, 186, 191 à 195, 205, 246, 248, 281).
24. A Courgevaux/FR, [...], entre le 3 et le 7 novembre 2012, les prévenus P._, K._, V._ et U._, accompagnés de [...], déféré séparément, ont pénétré par effraction dans la villa de [...] en brisant la porte-fenêtre avec une chaise et y ont dérobé divers objets. Un profil ADN non attribué et correspondant à celui prélevé sur le cas 21 a été retrouvé sur les lieux. [...], représentée par [...], a déposé plainte et s’est constituée partie civile le 7 novembre 2012. Elle n’a toutefois pas chiffré ses prétentions civiles (Doss. A : PV aud. 23; Doss. B : P. 6).
25. A Lausanne/VD, [...], le 5 novembre 2012 entre 11h00 et 19h00, les prévenus P._, K._, V._ et U._, accompagnés [...], déféré séparément, ont pénétré par effraction dans la villa de [...] en escaladant la façade jusqu’au balcon à l’aide d’une échelle et en brisant la vitre de la porte-fenêtre. Une fois à l’intérieur, ils ont déplacé le coffre-fort du rez inférieur au salon du rez supérieur, l’ont forcé à l’aide d’une meule et y ont dérobé plusieurs bijoux et montres de grandes marques. [...] a déposé plainte et s’est constitué partie civile le 5 novembre 2012. Il n’a toutefois pas chiffré ses prétentions civiles (Doss. A : PV aud. 2 à 17, 20 à 23 et P. 10, 59, 93, 96 à 99, 186, 191 à 195, 281, 296, 302).
26. A Jouxtens-Mézery/VD, [...], entre le 5 et le 14 novembre 2012, les prévenus P._, K._, V._ et U._, accompagnés de [...], déféré séparément, ont pénétré par effraction dans la villa de [...] en escaladant la façade jusqu’au premier étage à l’aide du mobilier de jardin et en brisant la fenêtre de la salle de bain. Ils ont dérobé une boîte contenant des pièces de 5 fr., ainsi que de nombreux bijoux pour un montant total d’environ 8'076 fr. et des téléphones portables. Puis, ils ont forcé le store de la cuisine et ont quitté les lieux. [...] a déposé plainte et s’est constitué partie civile le 14 novembre 2012. Il n’a toutefois pas chiffré ses prétentions civiles (Doss. A : PV aud. 2 à 17, 20 à 23 et P. 10, 59, 93, 96 à 99, 186, 191 à 195, 281, 300).
27. A St-Prex/VD, [...], entre le 6 et le 7 novembre 2012, les prévenus P._, K._, V._ et U._, accompagnés de [...], déféré séparément, et d’un autre individu non identifié, ont pénétré par effraction dans la villa d’[...] en escaladant la chéneau jusqu’au premier étage et en brisant la vitre du dressing et y ont dérobé de l’argent et deux coffres-forts contenant un pistolet Sig Sauer P226, deux montres Patek Philippe, valant 42'700 fr. et 15'600 fr., deux montres Cartier, valant 40'000 fr. et 8'065 USD, et une montre Audemars Piguet. [...] a déposé plainte et s’est constitué partie civile le 16 novembre 2012. Il n’a toutefois pas chiffré ses prétentions civiles (Doss. A : PV aud. 2 à 17, 20 à 23 et P. 10, 59, 93, 96 à 99, 186, 191 à 195, 281, 297, 301).
28. A Paudex/VD, [...], le 7 novembre 2012 entre 19h30 et 21h50, les prévenus P._, K._, V._ et U._, accompagnés de [...], déféré séparément, et d’un autre individu non identifié, ont pénétré par effraction dans la villa de [...] en brisant la porte-fenêtre d’une chambre. Une fois à l’intérieur, les prévenus ont forcé le coffre-fort à l’aide d’une meule et y ont dérobé la somme de 10'000 fr. composée de francs suisses, d’euros, de dollars et de lires, de nombreux bijoux et montres de grandes marques, une pièce d’or commémorative des gardes suisses et une paire de boutons de manchette en or et diamant. [...] a déposé plainte et s’est constituée partie civile le 7 novembre 2012. Elle n’a toutefois pas chiffré ses prétentions civiles (Doss. A : PV aud. 2 à 17, 20 à 23 et P. 10, 59, 93, 96 à 99, 186, 191 à 195, 281, 298).
29. A Corseaux/VD, [...], le 8 novembre 2012 entre 18h00 et 19h00, les prévenus P._, K._, V._ et U._, accompagnés de [...], déféré séparément, et d’un autre individu non identifié, ont pénétré par effraction dans la villa de [...] en grimpant sur l’échafaudage jusqu’au premier étage et en brisant la fenêtre du bureau. Une fois à l’intérieur, les prévenus ont tenté de forcer le coffre-fort, sans y parvenir, mais ont toutefois dérobé une montre Cartier valant 8'100 francs. [...] a déposé plainte et s’est constitué partie civile le 8 novembre 2012. Il n’a toutefois pas chiffré ses prétentions civiles (Doss. A : PV aud. 2 à 17, 20 à 23 et P. 10, 59, 93, 96 à 99, 186, 191 à 195, 281, 299, 310).
30. A Epalinges/VD, [...], le 9 novembre 2012 entre 19h00 et 22h00, les prévenus P._, K._, V._ et U._, accompagnés de [...], déféré séparément, ont pénétré par effraction dans la villa de [...] en escaladant la façade jusqu’au premier étage à l’aide du mobilier de jardin et en brisant une fenêtre. Une fois à l’intérieur, les prévenus ont arraché le coffre-fort, l’ont forcé à l’aide d’une meule et ont dérobé une montre Rolex Daytona, valant 21'000 fr., une montre Jaeger-Lecoultre Reverso, plusieurs bagues, dont une estimée à 19'900 fr. et une autre valant 6'500 fr., et colliers, dont un valant 750 euros, de grandes marques et une pierre précieuse en Lapi Lazulli. Puis, ils ont quitté les lieux en arrachant la grille d’un saut-de-loup situé à la cave. Le profil ADN de P._a été retrouvé sur les lieux. [...] a déposé plainte et s’est constituée partie civile le 9 novembre 2012. Elle n’a toutefois pas chiffré ses prétentions civiles (Doss. A : PV aud. 2 à 17, 20 à 23 et P. 10, 59, 93, 96 à 99, 137, 138, 186, 191 à 195, 206, 246, 248, 281).
31. A Jouxtens-Mézery/VD, [...], le 9 décembre 2012 vers 19h20, les prévenus P._, K._ et V._ ont pénétré par effraction dans la villa de [...] en escaladant la façade jusqu’au premier étage à l’aide d’une échelle et en brisant la fenêtre de la chambre à coucher et y ont dérobé une montre Patek Philippe Calatrava, une montre Armani, une montre Calvin Klein, trois paires de boutons de manchette, un bracelet en or, pour un montant total de 33'525 fr., ainsi qu’un ordinateur portable Mac, avant d’être mis en fuite par le déclenchement de l’alarme. [...] a déposé plainte et s’est constituée partie civile le 9 décembre 2012. Elle n’a toutefois pas chiffré ses prétentions civiles (Doss. A : PV aud. 2 à 17, 20 à 23 et P. 10, 59, 93, 96 à 99, 186, 191 à 195, 281, 303).
32. A Pully/VD, [...], le 12 décembre 2012 entre 18h15 et 18h20, les prévenus P._, K._ et V._ ont pénétré par effraction dans la villa de [...] en découpant une fenêtre, afin d’y dérober des biens, ont fouillé les lieux en endommageant le mobilier d’une des chambres, ainsi que la boiserie, et ont quitté les lieux sans rien avoir pu dérober. [...] a déposé plainte et s’est constitué partie civile le 13 décembre 2012. Il n’a toutefois pas chiffré ses prétentions civiles (Doss. A : PV aud. 2 à 17, 20 à 23 et P. 10, 59, 93, 96 à 99, 186, 191 à 195, 281, 304).
33. A Le Mont-sur-Lausanne/VD, [...], le 14 décembre 2012 entre 12h00 et 21h20, les prévenus P._, K._ et V._ ont pénétré par effraction dans la villa [...] en escaladant la façade jusqu’au premier étage, en brisant une fenêtre et en forçant la porte d’entrée à l’aide d’un outil plat et y ont dérobé deux bagues d’une valeur totale de 4'200 fr., une montre Festina valant 200 fr., une paire de boucles d’oreilles Chopard d’une valeur de 1'500 fr., ainsi qu’un coffre-fort contenant 5'600 fr., 350 euros, divers documents, une montre Offshore valant 800 fr., une montre Graham d’une valeur de 15'000 fr., un bracelet en argent, un téléphone portable Iphone 4S et de la monnaie pour un montant de 250 francs. Le coffre-fort a été retrouvé, fracturé, sur la terrasse. [...] a déposé plainte et s’est constitué partie civile le 14 décembre 2012. Il n’a toutefois pas chiffré ses prétentions civiles (Doss. A : PV aud. 2 à 17, 20 à 23 et P. 10, 59, 93, 96 à 99, 186, 191 à 195, 281, 305).
34. A Le Mont-sur-Lausanne/VD, [...], le 14 décembre 2012 entre 18h00 et 21h20, les prévenus P._, K._ et V._ ont pénétré par effraction dans la villa de [...] en brisant la fenêtre du salon à l’aide d’un objet indéterminé et y ont dérobé 400 fr., une sacoche contenant un appareil photographique Canon Eos 550d et un sac contenant des bijoux « fantaisie ». Ils ont également endommagé un téléphone portable Iphone 4S et un Ipod Touch. [...] a déposé plainte et s’est constitué partie civile le 17 décembre 2012. Elle n’a toutefois pas chiffré ses prétentions civiles (Doss. A : PV aud. 2 à 17, 20 à 23 et P. 10, 59, 93, 96 à 99, 186, 191 à 195, 283, 308).
35. A Clarens/VD, [...], le 14 décembre 2012 à 18h29, les prévenus P._, K._ et V._ ont pénétré par effraction dans la villa de [...] [...] en brisant la fenêtre de la cuisine afin d’y dérober des biens. Une fois à l’intérieur, les prévenus ont été mis en fuite par le déclenchement de l’alarme sans rien avoir pu emporter. [...] a déposé plainte et s’est constituée partie civile le 14 décembre 2012. Elle n’a toutefois pas chiffré ses prétentions civiles Doss. A : PV aud. 2 à 17, 20 à 23 et P. 10, 59, 93, 96 à 99, 186, 191 à 195, 281, 306).
36. A La Conversion/VD, [...], le 15 décembre 2012 vers 17h58, les prévenus P._, K._ et V._ ont pénétré par effraction dans la villa de [...] en brisant et sortant la vitre de la porte-fenêtre de la chambre à coucher de son cadre à l’aide d’un outil plat et en endommageant le store et y ont dérobé trois paires de boutons de manchettes Boucheron, Hermes et Bulgari et une paire de boucles d’oreilles en perles et diamants pour un montant total de 10'650 francs. Le montant des dommages causés s’élève à au moins 436 fr. 30. Le profil ADN de P._ a été retrouvé sur les lieux. [...] a déposé plainte et s’est constitué partie civile le 7 janvier 2013. Il n’a toutefois pas chiffré ses prétentions civiles (Doss. A : PV aud. 2 à 17, 20 à 23 et P. 10, 59, 93, 96 à 99, 146, 186, 191 à 195, 212, 246, 248, 281, 344).
37. A Blonay/VD, [...], le 15 décembre 2012 entre 18h50 et 19h15, les prévenus P._, K._ et V._ ont pénétré par effraction dans la villa de [...] en escaladant la façade jusqu’au balcon à l’aide d’une échelle et en brisant et sortant la vitre de la fenêtre du salon de son cadre à l’aide d’un outil plat et y ont dérobé de l’argenterie, ainsi que de nombreux bijoux de grandes marques pour un montant total de 11'644 francs. Les dommages causés s’élèvent à 10'007 francs. [...] a déposé plainte et s’est constitué partie civile le 25 février 2013. Il n’a toutefois pas chiffré ses prétentions civiles (Doss. A : PV aud. 2 à 17, 20 à 23 et P. 10, 59, 93, 96 à 99, 186, 191 à 195, 281, 307, 314).
38. A St-Saphorin-sur-Morges/VD, [...], le 15 décembre 2012 vers 21h00, les prévenus P._, K._ et V._ ont pénétré par effraction dans la villa de [...] en arrachant le store et en brisant la porte-fenêtre de la chambre à coucher à l’aide d’un outil plat. Une fois à l’intérieur, les prévenus ont désactivé la centrale d’alarme en la débranchant et ont dérobé un bracelet en or et un collier de perles Zoelou et les clés de l’entrée principale pour un montant total de 9'950 francs. Les dommages causés s’élèvent à 4'543 fr. 60. Le profil ADN de P._ a été retrouvé sur les lieux. [...] a déposé plainte et s’est constitué partie civile le 15 décembre 2012. Il n’a toutefois pas chiffré ses prétentions civiles (Doss. A : PV aud. 2 à 17, 20 à 23 et P. 10, 59, 93, 96 à 99, 139, 140, 186, 191 à 195, 207, 246, 248, 281).
39. A Mont-sur-Rolle/VD, [...], entre le 17 et le 25 décembre 2012, les prévenus P._, K._, V._ et U._, accompagnés de [...], déféré séparément, ont pénétré par effraction dans la villa de [...] en brisant la fenêtre du salon et y ont dérobé six montres Rolex, Tagheuer, Georg Jensen, Sjöö Sandström et Certina, deux paires de boutons de manchette Cartier, deux bagues et des sous-vêtements en soie. Le profil ADN de U._ a été retrouvé sur les lieux. [...] a déposé plainte et s’est constituée partie civile le 26 décembre 2012. Elle n’a toutefois pas chiffré ses prétentions civiles (Doss. A : PV aud. 2 à 17, 24 à 27 et P. 10, 59, 93, 96 à 99, 186, 191 à 195, 363, 364, 372, 373).
40. A Corseaux/VD, [...], le 18 décembre 2012 vers 18h26, les prévenus P._, K._, V._ et U._, accompagnés de [...], déféré séparément, ont pénétré par effraction dans la villa de [...] en escaladant la façade jusqu’au balcon à l’aide d’une échelle, en endommageant un store et en brisant la porte-fenêtre et une autre fenêtre de l’étage et y ont dérobé six bagues en or Benoit De GorskiI avant d’être mis en fuite par le déclenchement de l’alarme. Le profil ADN de P._ a été retrouvé sur les lieux. [...] a déposé plainte et s’est constitué partie civile le 25 janvier 2013. Il n’a toutefois pas chiffré ses prétentions civiles (Doss. A : PV aud. 2 à 17, 20 à 23 et P. 10, 59, 93, 96 à 99, 141, 142, 186, 191 à 195, 208, 246, 248, 281).
41. A Jouxtens-Mézery/VD, [...], entre le 18 et le 19 décembre 2012, les prévenus P._, K._, V._ et U._, accompagnés de [...], déféré séparément, ont pénétré par effraction dans la villa de [...] en escaladant la façade jusqu’au premier étage à l’aide d’une échelle et en brisant une fenêtre et y ont dérobé un porte-monnaie contenant 260 euros, une parure composée d’un collier et de boucles d’oreilles d’une valeur de 650 fr., une paire de boucles d’oreilles en argent avec pierres valant 80 fr., une paire de boucles d’oreilles en or avec perles d’une valeur de 140 fr. et plusieurs colliers « fantaisie » pour un montant d’environ 100 francs. Le profil ADN de P._ a été retrouvé sur les lieux. [...] a déposé plainte et s’est constitué partie civile le 19 décembre 2012. Il n’a toutefois pas chiffré ses prétentions civiles (Doss. A : PV aud. 2 à 17, 20 à 23 et P. 10, 59, 93, 96 à 99, 143, 186, 191 à 195, 209, 246, 281).
42. A Lugnorre/FR, [...], le 19 décembre 2012 entre 17h15 et 21h45, les prévenus P._, K._, V._ et U._, accompagnés de [...], déféré séparément, ont pénétré par effraction dans la villa de [...] en tentant de forcé la fenêtre du bureau, en vain, puis en forçant la porte-fenêtre du salon et y ont dérobé deux fusils et un trousseau de cinq clés. Le profil ADN de U._ a été retrouvé sur les lieux. [...] a déposé plainte et s’est constitué partie civile le 19 décembre 2012. Il n’a toutefois pas chiffré ses prétentions civiles (Doss. A : PV aud. 14 à 17, 23; Doss. B : P.6).
43. A Epalinges/VD, [...], entre le 19 et le 20 décembre 2012, les prévenus P._, K._, V._ et U._, accompagnés de [...], déféré séparément, ont pénétré par effraction dans la villa d’[...] en escaladant la chenaux jusqu’au premier étage et en forçant une fenêtre à l’aide d’un outil plat et y ont dérobé 4'000 fr., une montre Rolex, un bracelet Van Cleef & Arpels d’une valeur de 2'700 fr., une bague Chanel, un ordinateur Sony Vaio PCG valant 2'900 euros, un collier et une médaille en or, 17 flacons de la collection Lalique et deux caméras Minlota et Leica. [...] a déposé plainte et s’est constitué partie civile le 20 décembre 2012. Il n’a toutefois pas chiffré ses prétentions civiles (Doss. A : PV aud. 2 à 17, 20 à 23 et P. 10, 59, 93, 96 à 99, 186, 191 à 195, 281, 309).
44. A Buchillon/VD, [...], le 21 décembre 2012 entre 18h00 et 18h11, les prévenus P._, K._, V._ et U._, accompagnés de [...], déféré séparément, ont pénétré par effraction dans la villa de [...] en escaladant le portique de l’entrée jusqu’au premier étage et en brisant la fenêtre du bureau et y ont dérobé sept montres Omega, Formex, Zeno, Tissot et Mercedes, une paire de jumelles Minox et une boîte contenant des bagues et des perles Gilbert Albert pour un montant total de 11'770 fr., avant d’être mis en fuite par le déclenchement de l’alarme. Le profil ADN de U._ a été retrouvé sur les lieux. [...] a déposé plainte et s’est constitué partie civile le 21 décembre 2012. Il n’a toutefois pas chiffré ses prétentions civiles (Doss. A : PV aud. 2 à 17, 20 à 23 et P. 10, 59, 93, 96 à 99, 144, 186, 191 à 195, 210, 246, 248, 281).
45. A Chexbres/VD, [...], le 21 décembre 2012 entre 18h20 et 19h43, les prévenus P._, K._, V._, U._, accompagnés de [...], déféré séparément, ont pénétré par effraction dans la villa de [...] en brisant la fenêtre de la chambre à coucher. Une fois à l’intérieur, les prévenus ont descellé le coffre-fort installé dans une armoire de la chambre et l’ont forcé à l’aide d’une meule et y ont dérobé 800 fr., 20 Vreneli d’une valeur de 20 fr. chacun et de nombreux bijoux de grandes marques pour un montant de 74'622 fr., 1'700 euros et 660 Baht. Le profil ADN de P._ a été retrouvé sur les lieux. [...] a déposé plainte et s’est constitué partie civile le 21 décembre 2012. Il n’a toutefois pas chiffré ses prétentions civiles (Doss. A : PV aud. 2 à 17, 20 à 23 et P. 10, 59, 93, 96 à 99, 145, 186, 191 à 195, 211, 246, 248, 281).
46. A Lonay/VD, [...], le 22 décembre 2012 vers 19h20, les prévenus P._, K._, V._ et U._, accompagnés de [...], déféré séparément, ont pénétré par effraction dans la villa de [...] en escaladant la façade jusqu’à la terrasse du premier étage à l’aide d’une échelle et en brisant la porte-fenêtre de la chambre à coucher, afin d’y dérober des biens. Ils ont toutefois été mis en fuite par le déclenchement de l’alarme sans rien avoir pu emporter. Le profil ADN de U._ a été retrouvé sur les lieux (Doss. A : PV aud. 2 à 17, 20 à 23 et P. 9, 10, 59, 93, 96 à 99, 186, 191 à 195, 213, 246, 248, 281).
47. A Begnins/VD, [...], entre le 26 mars et le 2 avril 2013, les prévenus P._, K._, V._ et U._, accompagnés de [...], déféré séparément, et d’un autre individu non identifié, ont pénétré par effraction dans la villa de [...] en escaladant la façade jusqu’au premier étage à l’aide d’une table de jardin et en brisant la fenêtre de la chambre à coucher et y ont dérobé cinq montres Cartier, Rolex, Swatch, Raymond Weil et Prada, cinq bracelets Hermes et Gucci, une bague Hermès en argent, plusieurs bagues en or et une broche en or pour un montant compris entre 25'000 fr. et 30'000 francs. Le profil ADN de U._ a été retrouvé sur les lieux. [...] a déposé plainte et s’est constituée partie civile le 5 septembre 2013. Elle n’a toutefois pas chiffré ses prétentions civiles (Doss. A : PV aud. 2 à 18, 20 à 23 et P. 10, 59, 93, 96 à 99, 182, 186, 191 à 195, 215, 246, 248, 281).
48. A Coinsins/VD, [...], le 31 mars 2013 vers 21h18, les prévenus P._, K._, V._ et U._, accompagnés de [...], déféré séparément, et d’un autre individu non identifié, ont pénétré par effraction dans la villa de M._ en escaladant la façade jusqu’au premier étage, à l’aide d’une barrière utilisée comme une échelle, et en brisant la fenêtre de la chambre à coucher. Une fois à l’intérieur, les prévenus ont dérobé une bague Cartier d’une valeur de 59'810 euros et une paire de boucles d’oreilles Van Cleef, qui se trouvaient sur la table de chevet, ont arraché le coffre-fort fixé dans le dressing à l’aide d’un outil plat et ont pris la fuite suite au déclenchement de l’alarme. Le coffre contenait 7'000 fr., 4'000 euros, ainsi que de nombreux bijoux et montres de grandes marques. Le profil ADN de U._, ainsi qu’un profil ADN non attribué ont été retrouvés sur les lieux. M._ a déposé plainte et s’est constitué partie civile le 31 mars 2013. Il n’a toutefois pas chiffré ses prétentions civiles (Doss. A : PV aud. 2 à 17, 20 à 23 et P. 10, 59, 93, 96 à 99, 179, 180, 181, 186, 191 à 195, 214, 246, 248, 281)
49. A Veyrier/GE, [...], le 19 avril 2013, entre 19h00 et 23h00, les prévenus P._, K._, V._ et U._, accompagnés de [...], déféré séparément, ont pénétré par effraction dans la villa de [...] [...] en escaladant la façade jusqu’au premier étage à l’aide d’une échelle et en brisant la fenêtre de la chambre à coucher et y ont dérobé trois bagues Cartier, Rita & Zia pour un montant de 5'650 fr., deux colliers en or et or gris, une pièce de monnaie autrichienne ancienne valant 4'000 fr., neuf montres F.-P. Journe, Breguet, Paul Buhre, Rolex, Hublot et Zenith pour une somme de 380'800 francs. Les profils ADN de P._ et de U._ ont été retrouvés sur les lieux. [...] a déposé plainte et s’est constituée partie civile le 5 mai 2013. Elle n’a toutefois pas chiffré ses prétentions civiles (Doss. A : PV aud. 14 à 17, 21, 23; Doss. D).
50. A Vich/VD, entre le 8 et le 11 mai 2013, les prévenus P._, K._, V._ et U._, accompagnés de [...], déféré séparément, ont pénétré par effraction dans la villa de [...] en escaladant la chenaux jusqu’au premier étage, en brisant la fenêtre du dressing et en forçant la porte de cette pièce et y ont dérobé 24'240 fr., ainsi que de nombreux bijoux et montres de grandes marques pour un montant de 349'126 fr. 45 Les dommages causés s’élèvent à 1'412 fr. 65.
[...] a déposé plainte et s’est constituée partie civile le 11 mai 2013. Elle n’a toutefois pas chiffré ses prétentions civiles (Doss. A : PV aud. 2 à 17, 20 à 23 et P. 10, 48, 52, 59, 93, 96 à 99, 186, 191 à 195, 225, 281, 315).
51. A Chêne-Bougeries/GE, [...], le 11 mai 2013 entre 22h24 et 22h34, les prévenus P._, K._, V._ et U._, accompagnés de [...], déféré séparément, ont pénétré par effraction dans la villa de [...] en escaladant la façade jusqu’au balcon à l’aide d’une échelle et en brisant la fenêtre de la chambre à coucher. Une fois à l’intérieur, les prévenus ont arraché le coffre-fort qui se trouvait dans le bureau, puis ils l’ont tiré jusqu’à l’escalier où ils l’ont jeté en bas, endommageant les sols, et ont quitté les lieux avec ce coffre, ainsi qu’un appareil photographique et de nombreux bijoux et montres de grandes marques pour un montant total d’environ 30'000 francs. Les dommages causés s’élèvent à 66'500 francs. Les profils ADN de P._ et de U._ ont été retrouvés sur les lieux. [...] a déposé plainte et s’est constitué partie civile le 10 juin 2013. Il n’a toutefois pas chiffré le montant de ses prétentions civiles (Doss. A : PV aud. 14 à 17, 21, 23 et P. 48, 52, 223, 224, 225; Doss. D).
52. A Trélex/VD, [...], le 8 juin 2013 vers 22h40, les prévenus P._, K._, V._ et U._, accompagnés de [...], déféré séparément, ont tenté de pénétrer par effraction dans la villa de [...] en escaladant la façade à l’aide d’une table en fer forgé jusqu’au balcon, endroit où ils ont été mis en fuite par le propriétaire. Le profil ADN de U._ a été retrouvé sur les lieux. [...] a déposé plainte et s’est constitué partie civile le 10 juin 2013 (Doss. A : PV aud. 1 à 13, 20 à 23 et P. 4, 10, 59, 93, 96 à 99, 104, 186, 191 à 195, 216, 217, 225, 246, 248, 281). | E n d r o i t
1.
Interjetés dans les formes et délais légaux par des parties ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), les appels principaux et joints sont recevables.
2.
2.1
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
2.2
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
II. L’appel du Ministère public et l’appel joint de M._
3.
3.1
3.1.1
Se prévalant d’une constatation erronée des faits, le Ministère public conteste la libération des prévenus dans les cas 11 à 13, 19 à 30, 40, 41, 43 et 45 s’agissant de U._, les cas 9, 11 à 13, 18 à 21, 24 à 29, 31 à 35, 39, 42 à 44 et 46 à 48 s’agissant de P._, les cas 8 à 13 et 15 à 49 s’agissant de K._ et de V._. Il fait valoir, cas par cas, que les indices et les preuves recueillis par les enquêteurs prouvent l’implication des prévenus dans ces vols.
3.1.2
Le plaignant M._ conteste l’acquittement de P._, K._ et V._ dans le cas 48 de l’acte d’accusation. Il soutient que les quatre prévenus agissaient systématiquement ensemble, que le mode opératoire correspond à celui utilisé par cette composition de la bande pour perpétrer leurs cambriolages et que P._ se trouvait en Suisse à cette période.
3.2
L’art. 10 CPP dispose que toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le Tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Le tribunal se fonde sur l’état de fait le plus favorable au prévenu lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation (al. 3).
S'agissant plus précisément de l'appréciation des preuves et de l'établissement des faits, il s’agit de l’acte par lequel le juge du fond évalue librement la valeur de persuasion des moyens de preuve à disposition et pondère ces différents moyens de preuve afin de parvenir à une conclusion sur la réalisation ou non des éléments de fait pertinents pour l’application du droit pénal matériel. Le juge peut fonder une condamnation sur un faisceau d’indices; en cas de versions contradictoires, il doit déterminer laquelle est la plus crédible. En d’autres termes, ce n’est ni le genre ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (Verniory,
in
: Kuhn/Jeanneret [éd.], Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 34 ad art. 10 CPP; Kistler Vianin, op. cit., nn. 19 ss ad art. 398 CPP, et les références jurisprudentielles citées).
Lorsque l'autorité a forgé sa conviction sur la base d'un ensemble d'éléments ou d'indices convergents, il ne suffit pas que l'un ou l'autre de ceux-ci ou même chacun d'eux pris isolément soit à lui seul insuffisant. L'appréciation des preuves doit être examinée dans son ensemble. Le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables au prévenu sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (ATF 120 Ia 31 c. 2c; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38 c. 2a; cf. aussi, quant à la notion d’arbitraire, ATF 136 III 552 c. 4.2).
3.3
La constatation des faits est erronée au sens de l’art. 398 al. 3 CPP, précité, lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin,
in
: Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 19 ad art. 398 CPP).
3.4
S’agissant des cas retenus, les premiers juges ont procédé par une démarche en cascade allant de l’indubitable à la déduction fondée sur des indices, qui comprennent notamment l’arrestation groupée des prévenus le 9 juin 2013 à 23h30 à Meinier/Genève dans un véhicule de location pourvu d’une cache contenant du matériel de cambriolage (P. 59), leurs déclarations extrêmement brèves sur leurs liens et sur les motifs de leur venue en Suisse, leur présence dans diverses localités de Suisse établie par la localisation de leurs téléphones portables – tous identiques (marque et modèle) et bon marché –, retrouvés en leur possession et dont ils avaient admis la détention (P. 186).
Les premiers juges ont également tenu compte des traces ADN retrouvées dans les habitations pillées, ainsi que du mode opératoire identique. Ils ont encore constaté que le train de vie élevé des prévenus était incompatible avec les bas revenus licites prétendument réalisés (P. 93). Enfin, ils ont relevé les mensonges et contradictions dans leurs dépositions, les liens spatiaux et temporels étroits entre les divers cambriolages, ainsi que les liens familiaux, communautaires (gitans [...]) et géographiques entre les prévenus assurant leur cohésion.
En revanche, la participation des prévenus a été écartée au bénéfice du doute lorsque les éléments à charge constitués par les cibles, le butin visé et le mode opératoire, même recoupés parfois par la localisation des prévenus en Suisse lors des délits, celle-ci se fondant notamment sur l’exploitation des données de téléphones retrouvés à leurs domiciles italiens, se sont avérés insuffisants ou ont laissé subsister un flou sur la participation effective de chacun. Le Tribunal criminel a en particulier libéré K._ et V._ dans les cas 8 à 13 et 15 à 49 (jugement attaqué, p. 53) faute d’éléments assez probants pour se convaincre de leur présence en Suisse aux dates de ces délits, ainsi que P._ et U._ qui, selon l’acte d’accusation, n’auraient pas systématiquement agi ensemble, dans la mesure où l’ADN d’autres membres de leur entourage, comme [...] a été retrouvé à l’emplacement de plusieurs cambriolage (ibidem).
Contrairement à ce que soutient le Ministère public, la Cour de céans relève que le mode opératoire, comme signature délictuelle, ne constitue pas un élément suffisant et décisif à lui seul. En effet, il ne dit rien de la composition individuelle des équipes de cambrioleurs et, ainsi que le rapport de police le précise en introduction (P. 281, p. 1), d’autres gitans italiens procédant de la même manière ont été arrêtés en Allemagne. Si dans les cas à juger, on peut raisonnablement exclure, en raison des liens établis par 12 types de traces de semelles ou de l’ADN non attribué (4 profils selon la P. 281, p. 4) et des concomitances entre la présence des prévenus en Suisse et les dates des vols, qu’une équipe concurrente, agissant indépendamment, ait œuvré en parallèle, on ne sait en revanche rien d’éventuels remplacements au sein de l’équipe familiale des prévenus, d’accroissements ponctuels de celle-ci, le cas échéant pour mieux se diviser sur le terrain et se partager le travail. On ne sait rien non plus de la permanence d’un effectif standard de quatre ou au contraire de l’existence d’un effectif variable de trois à cinq ou six. La difficulté réside par conséquent dans la détermination de la participation de chacun dans chaque opération.
3.5
En cours d’enquête, aux débats de première instance et d’appel, les quatre prévenus ont refusé de s’exprimer au sujet des délits qui leur étaient imputés par les enquêteurs.
3.5.1
L’art. 113 CPP prévoit expressément le droit de refuser de déposer et de collaborer à la procédure. En principe, aucun argument ne peut donc être tiré du défaut de collaboration pour parvenir à un jugement de culpabilité.
Le droit du prévenu de se taire n’interdit pas que, dans certaines circonstances, le silence et le refus de participer à l’enquête puissent être interprétés, en présence d’autres indices à l’appui, comme des éléments de preuve à charge (TF 6B_825/214 du 30 octobre 2014, SJ 2015 I 25). Ainsi, on ne saurait empêcher l’autorité pénale de prendre en compte, pour apprécier la force probante des éléments à charge, le silence de l’intéressé dans des situations qui appellent assurément une explication de sa part (Macaluso, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 9 ad art 113 CPP).
Dans l’arrêt précité, le comportement des prévenus qui s’étaient plaints de la violation de leur droit d’être entendus pour ne pas avoir pu s’exprimer sur leur identification par images de surveillance vidéo, puis qui avaient refusé de collaborer à l’expertise des images en question, relevait d’une violation du principe de la bonne foi en procédure, ce qui permettait d’interpréter leur refus comme un indice de culpabilité.
3.5.2
En l’espèce, aucune faute procédurale n’est constatable, les prévenus se bornant à faire usage de leur droit au silence de manière constante. Les indices auxquels les prévenus ont été confrontés n’appelaient pas nécessairement une collaboration de leur part si bien que leur silence ne permet pas de se forger la conviction de leur culpabilité.
3.6
La Cour de céans traitera ci-dessous, cas par cas ou lorsque cela se justifie par série, les cambriolages faisant l’objet de l’appel du Ministère public pour lesquels un ou plusieurs prévenus ont été libérés.
3.6.1
Le Ministère public soutient l’implication de K._ et de V._ dans le cambriolage du cas 8, commis entre le 27 et le 28 juillet 2012 à la Croix-sur-Lutry. Ce cambriolage est conforme au type d’objectif, à savoir une habitation de standing, au butin recherché, soit de l’argent, des montres et des bijoux, et au mode opératoire des prévenus, à savoir l’introduction par escalade pour déjouer l’alarme du rez-de-chaussée, le déplacement du coffre de 300 kg au sous-sol, son ouverture à la meule et le travail en équipe (P. 201/1). P._ a été confondu par son ADN laissé sur place (jugement attaqué, p. 50 et PV aud. 10, p. 2). Pour incriminer K._ et V._, le Ministère public se fonde sur une déclaration du 10 juin 2013 de P._ selon laquelle il était accompagné de sa famille, celle-ci comprenant son fils K._ et son beau-frère V._, lors de ses séjours en Suisse en mai 2012, soit durant la période estivale, ainsi qu’en décembre 2012 et en mai 2013. Ce déplacement en famille est corroboré par les images d’un film tourné à Saint-Aubin le 10 août 2012 et consacré à [...], la fille de P._ (P. 191; PV aud. 14, p. 3 in fine). Le séjour de fin d’année 2012 est recoupé par un contrôle en douane de Chiasso le 8 décembre 2013. Des images de vidéo surveillance à l’occasion d’une restitution, le 13 mai 2013, en France par P._ et V._ d’un véhicule loué auparavant établissent le voyage de mai 2013.
Comme le démontrent les pièces à conviction cachées dans le véhicule de location occupé par les quatre prévenus lors de leur arrestation, leur mode opératoire nécessitait, en principe, un guetteur à l’extérieur, et au moins trois autres comparses, voire davantage, qui, munis de gants (on n’en a trouvé que trois paires dans la cache, mais bien quatre appareils de transmission), entraient dans l’immeuble, le fouillaient, descellaient, transportaient ou traînaient et forçaient le coffre souvent pesant. Durant l’été 2012, V._ se trouvait donc en Suisse avec P._ selon les déclarations de celui-ci. La période estivale comprend notamment les mois de juillet et d’août.
Le Ministère public relève encore que P._ n’avait aucune raison de mentir lorsqu’il a dit que V._ se trouvait avec lui cet été là. V._ a le profil d’un cambrioleur, ce qui ressort des cas non contestés en appel principal retenus à sa charge et de ses trois condamnations italiennes pour vol.
Toutefois l’enquête n’a pas révélé que l’équipe était immuable. On ne retiendra donc pas que V._ s’est forcément associé à P._ la nuit en question, l’acte d’accusation mentionnant au demeurant la présence de [...], de [...] et d’un autre individu non identifié, et que son implication dans ce cambriolage n’est pas rigoureusement avérée, même si elle est plausible.
S’agissant du fils de P._, K._, le premier nommé a dit qu’il était avec sa famille, sans y inclure nommément son fils, qui a eu 20 ans révolus le 8 juin 2012, mais qui partageait le domicile de ses parents. Toutefois, il ressort d’une audition précédente que dans la bouche du père de famille, le mot famille comprend l’épouse et les trois enfants dont l’aîné, K._. Associé à la signature collective du mode opératoire. Cette présence de K._ en Suisse en compagnie de son père suffit certes à rendre sa participation au vol vraisemblable, mais ne suffit pas à l’établir au-delà d’un doute raisonnable. La libération de K._ et de V._ doit donc être confirmée dans ce cas.
3.6.2
Le Ministère public affirme que P._, K._ et V._ sont impliqués dans le cas 9. Ce cambriolage a été commis dans la nuit du 31 juillet au 1
er
août 2012, à St-Saphorin sur Morges. Il est conforme au type d’objectif, au butin recherché, ainsi qu’au mode opératoire des prévenus, soit une introduction par escalade de la maison, une fouille compète des lieux et un coffre fort ouvert à la meule. Il s’agit également d’un travail d’équipe.
Le Ministère public fait valoir que les cas 8 et 9 sont proches temporellement, se succédant à trois jours d’écart et que les localités de St-Saphorin-sur-Morges et de la Croix-sur-Lutry sont peu éloignées, ce qui se vérifie aisément, en particulier pour celui qui circule en voiture en empruntant l’autoroute. Outre cette proximité spatio-temporelle, le Ministère public souligne également qu’un profil ADN non attribué (n°1121) relie les cas 8 et 9 (P. 281).
En l’espèce, l’hypothèse qu’il se soit agi d’une autre équipe de gitans pratiquant exactement le même mode opératoire, qui aurait agi durant la même période et dans la même région doit être écartée. Si, sur la base de traces ADN, le jugement attaqué mentionne que d’autres cambrioleurs faisant partie de l’entourage des prévenus ont été localisés sur plusieurs sites de cambriolage (jugement attaqué, p. 52 et 53), il est en revanche hautement invraisemblable que ces tiers aient agi en indépendants. En effet, une des caractéristiques du professionnalisme des prévenus réside dans leur souci constant d’échapper à l’arrestation, aux accusations et aux sanctions en évitant d’être repérés, en effaçant leurs traces et en prenant de multiples précautions dans leurs déplacements: choix varié de leurs véhicules, communications contournant la surveillance téléphonique, dissimulation de pièces à conviction et butin introuvable. Lors de l’exécution de leurs méfaits, ils utilisaient un guetteur et vérifiaient la vacuité des locaux en actionnant la sonnette de l’entrée. Enfin, leur comportement commun affiché durant l’enquête consistant à refuser toute collaboration, même sur des points en apparence anodins, s’inscrit également dans leur haut degré de préparation. Cette obsession réfléchie de leur sécurité de voleurs n’est ainsi pas compatible avec les risques accrus d’alerte, de surveillance et de contrôle policier qu’aurait générés une activité concurrente pratiquée par une autre équipe de voleurs à la même époque et dans les mêmes quartiers cossus de villas. L’arrestation des prévenus a d’ailleurs entraîné l’arrêt des vols de ce type dans le canton.
Toutefois, faute d’être sûre de la composition exacte du commando auquel l’acte d’accusation incorpore les frères [...] et deux autres individus non identifiés, la Cour de céans ne retiendra pas l’implication certaine de P._, de V._ et de K._ dans ce cas 9.
3.6.3
Le Ministère public prétend que K._ et V._ ont participé au cambriolage du cas 10 de l’acte d’accusation. Ce forfait a été commis dans la nuit du 7 août 2012 à Zumikon/Zürich, notamment par P._, qui y a laissé son ADN. Ce cas est conforme au type d’objectif, au butin recherché (324'668 fr., sous forme de montres pour l’essentiel) et au mode opératoire des prévenus, soit une introduction par escalade, le démontage d’un détecteur de mouvement, l’ouverture d’un coffre fort et un travail en équipe. Il ressort en outre de l’acte d’accusation que les frères [...] étaient présents.
Toutefois, la Cour de céans considère que, comme dans le cas traité dans le considérant 3.6.1 (cas 8), la culpabilité de K._ et de V._ est trop incertaine pour être retenue.
3.6.4
Le Ministère public accuse P._, U._, V._ et K._ d’être impliqués dans les cas 11 à 13. Ces cambriolages ont été commis dans la nuit du 10 août 2012 à Saint-Prex (P. 283), à Begnins (P. 284) et à Lussy-sur-morges (P. 285), soit dans trois localités proches de la Côte, ce qui les relie sur le plan spatio-temporel. De plus, la cible, le mode opératoire et le butin obtenu sont similaires.
La présence en Suisse romande de P._, de K._ et de V._ ressort des cas précédents. Quant à U._, sa présence en Suisse résulte de l’usage d’un téléphone au nom de sa fille [...] localisé en Terre Sainte le 15 juillet 2012, soit dans le secteur du cambriolage objet du cas 7, dans lequel son ADN l’implique. Or ce cas 7 est relié au cas 12 par une même trace de semelle (P. 281).
Les cas 8 et 13 sont également liés par une autre même trace de semelle (P. 281, tableau). Toutefois, s’agissant des cas 11 à 13, on se heurte à nouveau à la difficulté d’imputer les vols avec certitude au quatuor des prévenus, les frères [...] y ayant aussi participé selon l’acte d’accusation. Ces cas ne seront donc pas retenus à l’encontre de P._, U._, K._ et V._.
3.6.5
Le Ministère public assure que K._ et V._ ont participé aux vols des cas 15 à 17.
Ces cas sont deux cambriolages infructueux à la Croix-sur-Lutry le 28 septembre 2012, respectivement à Lussy-sur-Morges entre le 1
er
et le 2 octobre 2012. Ils ont pu être imputés à P._ qui a laissé son ADN. Quant au cas 16, soit un cambriolage commis le 1
er
octobre 2012 à la Croix-sur-Lutry (P. 289), il lui est également imputé, non en raison de traces ADN, mais en raison d’une proximité spatio-temporelle étroite (jugement attaqué, p. 51), par ailleurs non contestée par l’intéressé en appel.
S’agissant des prévenus K._ et V._, l’argumentation du Ministère public ne saurait être retenue, notamment en raison du fait que l’on ne se situe pas dans l’une des périodes durant laquelle P._ a dit avoir séjourné en Suisse avec V._ et sa famille, dont son fils K._. Leur libération sur ce point doit ainsi être confirmée.
3.6.6
Le Ministère public conclut à la culpabilité de P._, K._ et V._ dans le cas 18. Ce cambriolage a été commis à Clarens entre le 4 et le 5 octobre 2012. Un coffre a été meulé et des montres et des bijoux ont été volés. La culpabilité de P._ résulterait de la proximité de Clarens avec la Croix-sur-Lutry (cas n° 16 imputé à P._), ainsi que de la proximité des dates de ces cambriolages et de la localisation du téléphone portable de P._ à Saint-Aubin du 27 septembre au 6 octobre 2012 (P. 281, p. 10 et 11). Enfin, une trace de semelle identique relie ce cambriolage à celui du cas 16 imputé à P._.
Toutefois, pour les motifs exposés aux considérants précédents, notamment l’absence d’invariabilité dans la composition de la bande, il convient de s’en tenir à l’appréciation des premiers juges.
3.6.7
Selon le Ministère public, P._, U._, K._ et V._ auraient participé au cambriolage du 1
er
novembre 2012 à Fribourg, soit le cas 19. Il invoque la présence des prévenus en Suisse, l’identification d’une série constituant les cas 19 à 30 intervenus du 1
er
au 9 novembre 2012 suivant un axe autoroutier, l’implication de P._ par trace ADN dans les cas 23 et 30, ainsi qu’un lien par trace de semelle entre le présent cas et les cas 21 et 27.
Ici encore, la Cour de céans considère que ces éléments, en dépit de leur nombre, sont insuffisants pour établir la culpabilité indubitable de chacun. A cela s’ajoute encore que [...] aurait lui aussi été présent selon l’acte d’accusation. La libération des quatre prévenus doit donc être confirmée dans ce cas.
3.6.8
Dans le cas 20, le Ministère public affiche sa conviction de l’implication de P._, U._, K._ et V._ dans ce cambriolage d’une villa le 2 novembre 2012 à Jouxtens-Mézery ayant rapporté un butin de 253'000 francs. Ici encore, [...] aurait été présent selon l’acte d’accusation.
Sur ce point, l’accusation invoque le lien constitué par une trace de semelle trouvée aussi dans le cas 17 dans lequel P._ a été confondu par son ADN. Toutefois, cet élément n’est pas suffisamment précis pour impliquer l’un ou l’autre des prévenus, dès lors que, comme déjà dit, la composition de la bande n’était pas constante. La libération des quatre prévenus doit être confirmée dans ce cas.
3.6.9
S’agissant du cas 21, le Ministère public accuse P._, U._, K._ et V._ d’avoir pris part à ce cambriolage à Môtier/Fribourg dans la période du 2 au 6 novembre 2012 ayant procuré un butin de 22'900 euros, sous forme de bijoux. Sur place, une trace ADN a été découverte, mais n’a pas pu être attribuée. L’acte d’accusation impute ce vol notamment à [...]. L’indice constitué par une trace de semelle qui apparaît aussi dans les cas 19 et 27 est insuffisant pour se convaincre de la culpabilité avérée des quatre prévenus dont la libération doit être confirmée.
3.6.10
S’agissant du cas 22, le Ministère public dit que U._, K._ et V._ ont commis ce vol, le 3 novembre 2012, au Mont-sur-Lausanne, portant sur un butin de 27'927 fr. 10. P._ n’a pas contesté son implication dans ce cas, qui a été retenu par les premiers juges à son encontre. L’acte d’accusation mentionne la participation de [...] ainsi que celle d’un individu non identifié. L’argument du Ministère public consistant à soutenir que la présence de P._ sur les lieux de ce cambriolage implique obligatoirement celles des trois autres prévenus n’est pas soutenable puisque, comme on l’a vu, les équipes n’étaient pas toujours constituées des mêmes personnes. La présence de P._ n’implique donc pas forcément celle de U._, K._ et V._. Il en va de même dans le cas 23, la libération de U._, K._ et V._ devant ainsi être confirmée dans ces cas.
3.6.11
S’agissant du cas 24, le Ministère public soutient l’implication des quatre prévenus dans un vol commis à Courgeveaux entre le 3 et le 7 novembre 2012. L’acte d’accusation mentionne également la présence de [...]. L’argument du Ministère public consistant à dire que ce cambriolage a été commis durant la même période que celui du cas 23 où P._ a été identifié par son profil ADN n’est pas suffisant pour l’imputer à P._, U._, K._ et V._, leur libération devant ainsi être confirmée.
3.6.12
Dans le cas 25, le Ministère public conteste la libération des quatre prévenus dans ce cambriolage effectué à Lausanne le 5 novembre 2012. L’acte d’accusation mentionne [...] comme 5
ème
intervenant. L’accusation se réfère à un lien par traces de semelle avec les cas 12 et 26, ainsi qu’à un autre lien par une trace de semelle avec les cas 31, 33 à 35, 37 et 38, ce dernier cas impliquant P._ par trace ADN. Si ces traces établissent que des auteurs communs ont sévi, elles ne permettent pas de les identifier. La libération des quatre prévenus dans ce cas doit donc être confirmée.
3.6.13
S’agissant du cas 26, le Ministère public soutient l’implication de P._, U._, K._ et V._ dans un cambriolage à Jouxtens-Mézery entre le 11 et le 14 novembre 2012. L’appelant invoque un lien par trace de semelle avec les cas 12 et 25, ainsi qu’un autre lien également par trace de semelle avec les cas 32 et 50, tout en rappelant que ce dernier cas a été retenu à la charge des 4 prévenus par les premiers juges. Tout comme dans le cas 25, si ces traces établissent que des auteurs communs ont sévi, elles ne permettent pas d’attribuer nommément une participation. La libération des quatre prévenus dans ce cas doit être confirmée.
3.6.14
Concernant le cas 27,
le Ministère public accuse les quatre prévenus d’avoir commis un cambriolage à St-Prex entre le 6 et le 7 novembre 2012. Une trace de semelle a été retrouvée sur les lieux de ce délit, qui correspond à des traces prélevées sur les lieux des cambriolages des cas 19 et 21. Aucun indice probant ne permet toutefois d’attribuer l’un ou l’autre de ces cas à une personne en particulier. La libération des quatre prévenus doit donc être confirmée.
3.6.15
S’agissant du cas 28, le Ministère public soutient l’implication des quatre prévenus dans ce délit commis à Paudex le 7 novembre 2012. L’appelant invoque un lien par trace de semelles avec les cas 29, 30 et 45, ainsi qu’un autre lien également par trace de semelle avec les cas 17 et 41, tout en rappelant que le profil ADN de P._ a été retrouvé dans les cas 17, 30, 41 et 45. Ici encore, si ces traces établissent que des auteurs communs ont sévi, elles ne permettent pas d’attribuer nommément une participation. La libération des quatre prévenus dans ce cas doit être confirmée.
3.6.16
Dans le cas 29, le Ministère public accuse les quatre prévenus d’avoir pris part à ce délit commis à Corseaux le 8 novembre 2012. Ici encore, l’appelant invoque un lien par trace de semelle avec les cas 28, 30 et 45, en précisant que dans ces deux derniers cambriolages l’ADN de P._ avait été retrouvé. Toutefois, ces traces ne permettent pas d’attribuer nommément une participation. La libération des quatre prévenus doit encore être confirmée.
3.6.17
S’agissant du cas 30, le Ministère public soutient l’implication de U._, K._ et V._. L’appelant rappelle que P._ a été confondu par son ADN dans ce cas. Il invoque également un lien par trace de semelle avec les cas 28, 29 et 45, ainsi qu’un autre lien également par trace de semelle avec le cas 20, précisant que des traces ADN de P._ ont été retrouvées dans le cas 45. Il en déduit que tous ont agi ensemble. Ces traces ne permettent cependant pas d’attribuer avec certitude ce cas à U._, K._ ou V._ et leur libération doit être confirmée.
3.6.18
A l’égard des cas 31 à 46, le Ministère public souligne les liens spatio-temporels entre ces différents vols par effraction. Il explique que les cambriolages ont été commis durant la période du 9 au 22 décembre 2012, à chaque fois dans des localités situées sur le même axe autoroutier. Tous les indices évoqués par le Ministère public, soit notamment la présence des prévenus en Suisse, le standing des villas visitées, le butin emporté, le mode opératoire identique et les traces de semelles retrouvées, sont pertinents. Toutefois, comme dans les autres cas, on se heurte à nouveau à la difficulté d’imputer avec certitude les vols au quatuor. Les participations répétées d’individus non identifiés à ces séries de cambriolages déduites de traces de semelle ne permettent pas, comme déjà vu, d’imputer chaque cas à des auteurs déterminés, dès lors que la composition de la bande n’était pas constante. Dans cette série, seuls les cas 36, 37, 38, 40, 41 et 45 seront retenus à l’égard de P._, son ADN ayant été retrouvé sur les lieux de ces cambriolages. Quant à U._, il est impliqué dans les cas 39, 42, 44 et 46 par son ADN.
3.6.19
S’agissant du cas 47, le Ministère public soutient l’implication de P._, K._ et V._ dans ce délit commis à Begnins. Le Ministère public met en évidence l’existence d’un lien spatio temporel avec le cas 48, précisant que dans ces deux cas, l’ADN de U._ a été retrouvé. Toutefois, comme on l’a vu, la composition de la bande n’était pas constante et dès lors la culpabilité de U._ n’entraîne pas celle de P._, K._ et V._, dont la libération doit ainsi être confirmée. Pour les mêmes raisons, l’appel du Ministère public sera également rejeté s’agissant du cas 48.
3.6.20
En ce qui concerne le cas 49, le Ministère public soutient que K._ et V._ ont participé à ce cambriolage commis à Veyrier le 19 avril 2013. L’appelant invoque la présence de ces prévenus en Suisse attestée par un contrôle de la gendarmerie, le lendemain de ce vol, au camping de Sciez où P._, U._ et V._ ont été aperçus. Lors de ce contrôle, P._ a dit être venu avec sa famille, ce qui signifie, comme on l’a vu plus haut, avec son épouse et ses trois enfants dont l’aîné K._. Cela n’amène toutefois pas la Cour a retenir avec certitude que V._ et K._ ont participé à ce cambriolage. Leur libération doit ainsi être encore confirmée, la composition de la bande n’étant pas constante.
3.7
Vu le considérant 3.6.19, il se justifie également de rejeter l’appel joint de M._.
3.8
Le Ministère public conclut à ce que la circonstance aggravante du métier soit retenue à l’égard des vols commis par K._ et de V._.
L'auteur agit par métier lorsqu'il résulte du temps et des moyens qu'il consacre à ses agissements délictueux, de la fréquence des actes pendant une période déterminée, ainsi que des revenus envisagés ou obtenus, qu'il exerce son activité coupable à la manière d'une profession, même accessoire. Il faut que l'auteur aspire à obtenir des revenus relativement réguliers représentant un apport notable au financement de son genre de vie et qu'il se soit ainsi, d'une certaine façon, installé dans la délinquance (ATF 129 IV 253 c. 2.1 p. 254; TF 6B_861/2009 du 18 février 2010 et les arrêts cités).
En l’espèce, le nombre limité de cas pouvant finalement être retenus à la charge de K._ et V._ exclut une fréquence suffisamment élevée pour réaliser l’aggravante du métier. Seules les qualifications de vol en bande et de tentative de vol en bande seront ainsi retenues à leur encontre.
4.
Appel de U._ concernant le cas 50
4.1
L’appelant conteste sa participation au cambriolage par escalade d’une villa à Vich entre le 8 et le 11 mai 2013 ayant rapporté 24'240 fr. en espèces et 349'126 fr. 45 en bijoux. Il se prévaut de l’absence de preuve décisive de son implication.
4.2
En l’espèce, le Tribunal criminel a retenu l’implication des quatre prévenus dans le cambriolage du cas 50 en raison de leur présence avérée dans la région, de leur association révélée par leur arrestation commune le 9 juin 2013 alors qu’ils occupaient un véhicule loué pour aller cambrioler au vu de la cache qu’ils y avaient aménagée, des plus de 900 km parcourus en deux jours et de l’exploitation des téléphones portables dont ils étaient munis permettant de les situer dans la région de la Côte et du territoire genevois (jugement attaqué, p. 47) entre le 10 mai (cas n° 50), le 11 mai (cas 51 où les ADN de P._ et U._ ont été retrouvés) et le 8 juin 2013 (cas n° 52 dans lequel l’ADN de U._ a été retrouvé).
Contrairement à ce que soutient l’appelant il existe un lien temporel étroit entre le vol du cas 50 et celui du cas 51 où son ADN a été découvert. De plus, il existe un lien spatial entre ces délits, étant précisé que le téléphone utilisé par U._ a été localisé les 10 et 11 mai 2013 à Gland et Chêne-Bourg (P. 281 ; jugement attaqué, p. 52), soit précisément dans la région des délits. Enfin, P._ a loué un véhicule Citroën en France du 10 au 23 mai 2013 (jugement attaqué, p. 44), ce qui relève d’une caractéristique opératoire, soit l’utilisation de moyens de transport discrets et rapides par la bande des prévenus pour mener des expéditions de vol. La cohésion et la stabilité de l’équipe des quatre voleurs renforcée par [...] résultent de l’extraction des données des téléphones dont ils étaient munis qui a révélé que les seuls numéros enregistrés dans les répertoires étaient ceux des autres membres de la bande. De plus, les localisations relevées montrent que les intéressés se trouvaient dans les régions des vols à l’époque de ceux-ci. De par leur relative précision, ces éléments sont suffisants pour se convaincre que U._ faisait partie intégrante de la bande et a bien participé à ce cambriolage.
5. Les appels joints de P._ concernant les cas 50 et 52 et de K._ et de V._ concernant les cas 50 à 52.
5.1
V._ conteste toute implication dans ces trois cambriolages intervenus les 10 et 11 mai, ainsi que le 8 juin 2013, la veille de l’arrestation du quatuor occupant le même véhicule de location se déplaçant dans la région genevoise en expédition de vol. En plus des éléments développés au considérant 4 ci-dessus, la culpabilité du prénommé ressort de sa localisation par son téléphone dans la région genevoise ou de la Côte du 11 au 13 mai et du 7 au 8 juin 2013 (jugement attaqué, p. 46 in fine) et de son besoin partagé de communiquer exclusivement avec les autres membres de la bande selon leurs répertoires téléphoniques.
5.2
K._ conclut également à son acquittement en exposant la possibilité que d’autres auraient pu se substituer à lui. Cet argument tombe à faux et il peut être renvoyé à la conviction étayée des premiers juges, plus particulièrement sur sa localisation dans les régions des trois cambriolages telles que révélées par son téléphone (jugement attaqué, p. 46 in fine) et sur le fait que les quatre prévenus n’ont introduit dans les répertoires de leurs téléphones que les numéros des autres membres du quatuor et de [...], ce qui exclut un autre éventuel complice.
5.3
P._ conclut lui aussi à son acquittement en tentant de relativiser les preuves retenues à son encontre. Toutefois, comme pour V._ et K._, les coïncidences de temps et de région décrites par le Tribunal, notamment la localisation de son téléphone (ibidem), ainsi que l’étroitesse et l’exclusivité des rapports des quatre prévenus l’incriminent, sans laisser de place au doute quant à la stabilité de l’équipe des cas 50, 51 et 52.
6.
Les peines
6.1
Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 c. 2.1; 129 IV 6 c. 6.1).
Selon la jurisprudence, compte tenu des nombreux paramètres qui interviennent dans la fixation de la peine, une comparaison avec des affaires concernant d'autres accusés et des faits différents est d'emblée délicate. Il ne suffit pas à l'accusé de citer un ou deux cas pour lesquels une peine particulièrement clémente aurait été fixée pour prétendre avoir droit à une égalité de traitement (TF 6B_334/2009 du 20 juillet 2009 c. 2.3.1 ; ATF 123 IV 49 c. 2 ; ATF 120 IV 136 c. 3a). En effet, de nombreux paramètres interviennent dans la fixation de la peine et les disparités de sanction en cette matière s'expliquent normalement par le principe de l'individualisation de la peine, voulue par le législateur. Ce n'est que si le résultat auquel le juge est parvenu apparaît vraiment choquant, compte tenu notamment des arguments invoqués et des cas examinés par la jurisprudence, que l'on peut alors parler d'un véritable abus du pouvoir d'appréciation (TF 6B_334/2009 du 20 juillet 2007 c. 2.3.2 ; ATF 123 IV 49).
Le vol en bande et par métier est passible d’une peine privative de liberté maximale de 10 ans, plafond théorique passant à 15 ans en raison du concours notamment avec les dommages à la propriété qualifiés, crime lui-même passible d’une peine privative de liberté de 1 à 5 ans (art. 144 al. 3 CP).
6.2
6.2.1
Le Ministère public considère que les peines prononcées à l’encontre de P._, K._, V._ et U._ sont trop clémentes compte tenu du nombre très important de vols par effraction imputables à ces derniers et propose qu’il soient condamnés à des peines de respectivement sept ans, cinq ans, sept ans et six ans.
6.2.2
A l’appui de son appel, U._ soutient notamment que sa peine aurait été moins lourde si le jugement avait été confié à un Tribunal correctionnel au lieu d’un Tribunal criminel. Il compare également la peine qui lui a été infligée avec celles prononcées dans d’autres affaires.
6.2.2
Dans son appel joint, P._ soutient que la sanction qui lui a été infligée serait disproportionnée par rapport à son activité délictueuse. Il conclut au prononcé d’une peine privative de liberté inférieure à quatre ans.
6.2.3
Les premiers juges ont qualifié la culpabilité de U._ et de P._ d’accablante (jugement attaqué, p. 56 et 57) en soulignant l’intensité de leur activité délictueuse et la valeur considérable de leur butin, la dévastation des habitations à laquelle ils procédaient, leur efficacité de délinquants professionnels, leur détermination, leur haut degré d’organisation, la complète disparition du butin, leurs antécédents dans le domaine de la délinquance patrimoniale, le caractère factice des excuses qu’ils ont présentées et leur faux engagement à vivre désormais honnêtement. Le seul élément à décharge réside dans leur bon comportement en milieu carcéral. Tous ces éléments sont pertinents et sont repris par la juridiction d’appel. La différence de six mois entre leurs sanctions est justifiée par les différences entre leurs casiers judiciaires et les durées d’activité délictuelle.
S’agissant de U._, l’argument d’une peine aggravée en raison de la compétence plus large de l’autorité de jugement n’a aucune portée. Il fait également valoir que les peines prononcées dans la présente affaire sont sans commune mesure avec celles prononcées dans d’autres affaires de vol en bande et par métier. Tel n’est pas le cas. Compte tenu de la spécificité et du haut degré de sophistication de ces vols professionnels, leurs auteurs ne peuvent être comparés à une bande de voleurs d’envergure réduite qui certes multiplient les cas, mais qui au total appauvrissent moins. De tels vols sont certes audacieux, mais nettement moins redoutables, efficaces et réfléchis dans leur exécution. Enfin, U._ prétend cyniquement que ses regrets étaient sincères et sa conversion authentique alors qu’en réalité il n’a rien restitué aux lésés, rien dit et entraîné son fils dans l’entreprise familiale de vol.
P._, se contente d’expliquer que la peine privative de liberté de 4 ans qui lui a été infligée serait disproportionnée en raison du fait que « seuls » 18 cas ont été retenus à son encontre et que ceux-ci ont été perpétrés sans aucune brutalité ou danger pour des tiers et qu’ils ont eu lieu pendant une période de deux ans.
Outre les éléments d’appréciation de la culpabilité déjà retenus par le Tribunal de première instance (cf. consid. 6.2.3) censés repris ici, la Cour de céans retiendra encore, l’âge de U._ et de P._, soit 42 ans, respectivement 44 ans. Ces hommes d’âge mur sont des pères de familles qui impliquent les leurs dans la délinquance, en initiant leurs fils et en utilisant leurs familles comme couverture, notamment lors de leurs déplacements en camping-cars pour résider à proximité des zones de pillage. Leur délinquance professionnelle est donc un véritable mode de vie, la récidive est assurée et le seul moyen de les en détourner est de leur infliger des peines dissuasives en inversant le rapport qu’ils privilégient d’un train de vie confortable assuré par le butin et une privation de liberté interruptrice d’afflux d’argent aussi brève que possible.
Les peines infligées en première instance doivent être confirmées.
6.4
Dans son appel joint, K._ conclut à une peine privative de liberté inférieure à 20 mois, avec sursis, estimant que les premiers juges ont été trop sévères compte tenu du nombre de cas finalement retenu à son encontre.
6.5
Quant à V._, il estime également que la sanction qui lui a été infligée par les premiers juges est trop sévère compte tenu du fait que seuls 3 cas sur 44 cas ont finalement été retenus à son encontre. Il soutient qu’il aurait dû bénéficier d’une peine avec sursis et il conclut à une peine inférieure à 24 mois, assortie du sursis.
6.6
K._ et V._ sont coupables de vol en bande dans trois cas (2 vols et une tentative de vol), de dommages à la propriété et de violation de domicile.
Au vu de sa culpabilité, c’est à tort que V._ demande dans son appel joint une réduction de peine et l’octroi d’un sursis. A l’évidence, il ne manifeste aucune volonté de s’amender et le pronostic défavorable résultant de sa récidive avérée impose une peine ferme. S’agissant de K._, comme l’ont relevé les premiers juges, il est encore jeune et n’a fait à ce jour l’objet d’aucune condamnation pénale, dans cette mesure, un sursis peut lui être accordé.
Les quotités de 20 et de 24 mois doivent être confirmées. Certes seuls trois cas sont sanctionnés mais le butin dépasse 400'000 fr. en chiffres ronds dans les deux cambriolages achevés et les dommages dépassent 66'000 fr. dans un seul cas. Au vu de l’importance de la culpabilité, les peines sont justifiées.
7.
En définitive, tous les appels tant principaux que joints sont rejetés.
Vu l’issue de la cause, les frais de la procédure d’appel, constitués de l’émolument d’arrêt, par 5’980 fr., doivent être mis par un cinquième, soit 1'196 fr., à la charge de U._, un cinquième, soit 1'196 fr., à la charge de P._, un cinquième, soit 1'196 fr., à la charge de K._ et un cinquième, soit 1'196 fr., à la charge de V._, le solde par 1'196 fr., étant laissé à la charge de l’Etat.
S’agissant de l’indemnité de défenseur d’office due à Me Antonella Cereghetti Zwahlen, celle-ci a produit une liste d’opérations faisant état de 21 heures d’activité dont 12h30 d’avocat et 8h30 d’avocat-stagiaire (P. 502). Compte tenu de la nature de la cause, de la connaissance du dossier acquise en première instance et des opérations nécessaires pour la défense des intérêts de son client, le nombre d’heures annoncé s’avère trop élevé. Tout bien considéré, il sera tenu compte de 16 heures d’activité, soit 11 heures d’avocat et 5 heures d’avocat-stagiaire. C’est donc une indemnité de 3'250 fr. 80, y compris la TVA et quatre vacations à 120 fr, qui doit être allouée pour la procédure d’appel. Cette indemnité est mise pour quatre cinquième à la charge de U._, le solde étant laissé à la charge de l’Etat.
S’agissant de l’indemnité due à Me Adrien Gutowski, on précisera que celui-ci a produit une liste d’opérations faisant état de 16h10 d’activité (P. 501). Ici encore, le nombre d’heures annoncé s’avère trop élevé compte tenu des mêmes éléments que ceux développés ci-dessus. Tout bien considéré, il sera tenu compte de 12 heures d’activité. C’est donc une indemnité de 2'516 fr. 40, y compris la TVA et une vacation à 120 fr, qui doit être allouée à Me Adrien Gutowski pour la procédure d’appel. Cette indemnité est mise pour quatre cinquième à la charge de K._, le solde étant laissé à la charge de l’Etat.
U._ et K._ ne seront tenus de rembourser à l’Etat les parts du montant des indemnités respectives en faveur de leurs défenseurs d’office ci-dessus que lorsque leur situation financière le permettra. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
280a93e6-6c06-45e5-b503-2033f879dfe3 | En fait :
A.
Par jugement du 11 mars 2015, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a constaté qu’M._ s’est rendu coupable d’actes d’ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance et d’infraction à la loi fédérale sur les étrangers (I), l’a condamné à une peine privative de liberté de 15 mois, sous déduction d’un jour de détention avant jugement (II), a suspendu l’exécution d’une partie de la peine privative de liberté portant sur neuf mois et fixé à M._ un délai d’épreuve de trois ans (III), a arrêté l’indemnité due à Me Olivier Boschetti à 4'656 fr. 95 pour toutes choses (IV), a dit que, lorsque sa situation financière le permettra, M._ sera tenu de rembourser à l’Etat le montant de l’indemnité allouée sous chiffre IV ci-dessus (V) et a mis les frais par 4'571 fr. à la charge d’M._ (VI).
B.
Le 20 mars 2015, M._ a annoncé faire appel du jugement. Il a déposé une déclaration d’appel motivée le 14 avril 2015, concluant, avec suite de frais de deuxième instance, principalement à sa modification en ce sens qu’il est libéré du chef de prévention d’actes d’ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance, qu’il est condamné, pour infraction à la loi fédérale sur les étrangers, à une peine pécuniaire de 200 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 10 fr., sous déduction d’un jour de détention avant jugement, que l’exécution de la peine est suspendue et qu’un délai d’épreuve de deux ans lui est fixé, qu’une partie des frais de la cause, d’un montant fixé à dire de justice mais inférieur à 4'571 fr., est mise à sa charge et qu’une indemnité à titre de réparation du tort moral subi, fixée à dire de justice, lui est allouée. Subsidiairement, il a conclu, toujours avec suite de frais de deuxième instance, à l’annulation du jugement, la cause étant renvoyée à l’autorité inférieure pour nouveau jugement dans le sens des considérants.
Le Ministère public a conclu au rejet de l’appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1. Né en Turquie en 1976, ressortissant turc, le prévenu M._ est le cadet d’une fratrie de cinq sœurs et deux frères. Il a grandi dans son village natal et y a effectué sa scolarité obligatoire. Il a, par la suite, aidé son père dans l’exploitation agricole familiale. En 1999, il est venu en Suisse pour y passer deux semaines de vacances. Depuis lors et hormis deux fois, en août 1999 et en 2001, il n’a plus quitté notre pays, se faisant héberger dans la région lausannoise par diverses connaissances. En 2005, son frère [...] lui a trouvé un appartement à Lausanne. Le prévenu est père d’un garçon né en 2008 de son union avec [...]. Séparé de cette dernière, il s’occupe régulièrement de son fils. Il a travaillé au service de restaurants appartenant à son frère et à son cousin, respectivement en janvier 2008 et entre 2010 et juin 2013 à un taux d’environ 30 %. Il a déclaré être actuellement sans activité professionnelle, vivant de l’aide financière de sa famille; c’est son frère qui verse la contribution mensuelle de 350 fr. à laquelle il est tenu en faveur de son fils. Il n’a ni dette ni fortune.
Pour les besoins de la présente cause, il a été détenu du 25 novembre 2013 au 26 novembre 2013, soit durant un jour.
Le casier judiciaire suisse d’M._ fait état de deux inscriptions, à savoir :
- 24 septembre 2007, Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal, utilisation sans droit de valeurs patrimoniales, délit contre la loi fédérale sur le séjour et l’établissement des étrangers, les infractions étant en concours selon l’art. 49 al. 1CP, peine pécuniaire de 210 jours-amende à 20 fr. le jour-amende, sursis à l’exécution de la peine avec délai d’épreuve de trois ans, délai d’épreuve du sursis prolongé d’un an par ordonnance de condamnation du 5 février 2008 du Juge d’instruction de l’arrondissement de Lausanne;
- 5 février 2008, Juge d’instruction de l’arrondissement de Lausanne, séjour illégal, contravention à la loi fédérale sur le séjour et l’établissement des étrangers, contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants, les infractions étant en concours selon l’art. 49 al. 1CP, peine privative de liberté de 45 jours.
2.1 Le vendredi 18 janvier 2008, Q._, née [...] le 23 janvier 1985, a rejoint des connaissances à la [...] au MAD, à Lausanne, aux alentours de 23 h 30. Elle y a fait la connaissance de [...]. A la fermeture, soit le 19 janvier 2008 vers 4 heures, celle-ci l’a ensuite invitée à continuer la soirée dans son logement lausannois en compagnie de quelques autres personnes. Elle a demandé au prévenu, surnommé « Che Guevara », qui travaillait dans une pizzeria du quartier entre 5 et 8 heures du matin, de leur amener une pizza, du vin et des cigarettes. Après avoir effectué la livraison, celui-ci est resté discuter avec les deux jeunes femmes.
Entre 6 et 9 heures, Q._, qui avait consommé beaucoup d'alcool ainsi que de la cocaïne et qui était très fatiguée, s'est rendue, seule, dans la chambre de [...], où elle s'est endormie sur le lit, couchée sur le côté gauche. Avant de s'endormir, elle a enlevé sa robe et s’est vêtue d’un peignoir que lui avait prêté son hôtesse, tout en conservant son string et son soutien-gorge.
A un moment donné, alors que Q._ dormait, le prévenu, sous prétexte d’aller lui dire au revoir, est allé la rejoindre dans le lit. Profitant du sommeil de cette dernière, il l’a pénétrée vaginalement sans préservatif, depuis derrière, en faisant un ou deux « allers-retours », ce qui l’a réveillée en sursaut. Il n’a pas éjaculé. Q._ a alors sauté du lit, est sortie de la chambre en disant à [...] « fais-le sortir, fais-le sortir », puis s’est mise à pleurer. Sur conseil de [...], la victime s’est immédiatement douchée et a lavé ses parties intimes avec du désinfectant. Elle s’est ensuite rendue aux urgences du Département de gynécologie du CHUV pour un examen médical, qui n’a établi aucune lésion.
Q._ a déposé plainte le 28 janvier 2008. Elle l’a retirée le 26 novembre 2013 (PV aud. 5).
2.2 Notamment à Renens, [...], entre le 5 février 2008, date de sa dernière condamnation pour séjour illégal, et le 25 novembre 2013, M._ a continué de séjourner en Suisse, alors qu’il n’était pas titulaire des autorisations nécessaires.
2.3 A Lausanne, avenue de Morges, en janvier 2008, M._ a travaillé au restaurant [...], alors qu’il n’était pas titulaire des autorisations nécessaires.
2.4 A Etoy, [...], entre 2010 et juin 2013, M._ a travaillé à temps partiel au restaurant [...], alors qu’il n’était pas titulaire des autorisations nécessaires. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délai légaux par une partie ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
3.
3.1
Faisant grief aux premiers juges d’une fausse application de l’art. 191 CP, l’appelant conteste s’être rendu coupable d’actes d’ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance. Ce sont uniquement, selon lui, des raisons factuelles qui devraient conduire à le libérer. En effet, il se limite à soutenir qu’il ne s’est pas livré à un acte d’ordre sexuel sur Q._, savoir qu’il ne l’a pas pénétrée vaginalement alors qu’elle dormait. Il se prévaut implicitement d’un doute sur les faits (art. 10 al. 3 CPP). Comme on le verra ci-dessous, les faits de la cause sont établis à satisfaction de droit. Il peut donc être statué au vu du dossier, ce qui implique le rejet de la conclusion subsidiaire en nullité.
3.2
L’affaire a cela de particulier que la victime, Q._, a déposé plainte sitôt après les faits pour la retirer après plusieurs années, car il n’avait pas été possible d’appréhender le prévenu, en situation illégale et n’étant connu de la victime que par son surnom. Ainsi, la lésée a pris sur elle en faisant son autocritique, se persuadant que les faits incriminés n’auraient pas eu lieu si elle n’avait pas participé à la soirée dans l’appartement d’une tierce personne et si elle ne s’était pas assoupie dans la chambre de son hôtesse (PV aud. 6, lignes 101-103), ajoutant qu’elle n’aurait « jamais dû être là » (jugement, p. 6). De même, elle s’est convaincue qu’elle n’avait pas subi d’atteinte à l’intégrité sexuelle faute de violence exercée par l’auteur. Ainsi, elle a considéré, en des termes que la Cour tient pour particulièrement révélateurs de son déni, que, « pour (elle,
réd
.), un violeur c’est une personne qui vous attrape au coin d’une rue, qui vous arrache votre culotte et qui vous pénètre malgré vos cris » (sic) (cf. jugement, p. 6). Il s’ensuit que les déclarations de la lésée ont perdu de leur précision au fil des auditions.
Niant tout souvenir des faits pour le motif qu’il se serait alors trouvé sous l’emprise de l’alcool et de la cocaïne, l’appelant soutient que la victime a varié dans ses déclarations. Plaidant le doute sur les faits, il fait valoir que, finalement, la commission d’un acte sexuel ne serait pas établie à satisfaction de droit.
3.3
Comme le relèvent les premiers juges, savoir si l’auteur a pénétré sa victime une ou plusieurs fois, le cas échéant si la pénétration n’a été que partielle (jugement, pp. 14 s.) n’est pas déterminant quant à la qualification des faits. L’acte sexuel est défini comme l’union naturelle, même partielle et momentanée, du sexe masculin avec le sexe féminin (ATF 99 IV 151 c. 1, JT 1975 IV 14; Dupuis/Geller/ Monnier/Moreillon/Piguet/Bettex/Stoll [éd.], Petit commentaire CP, Bâle 2012, n. 14 ad art. 190 CP). Un tel acte est réalisé dans le cas particulier; peu importe qu’il n’y ait pas eu éjaculation. Ce qui importe bien plutôt, sous l’angle de la crédibilité des dires de la victime, c’est qu’elle ne s’est nullement contredite. Ainsi, dans son ultime déposition, soit celle faite aux débats, elle a déclaré ce qui suit : « (...) après lecture par le Président des pages 1 et 2 ainsi que du premier paragraphe de la page 3 du procès-verbal d’audition de plainte du 28 janvier 2008 (PV aud. 1), je confirme le contenu de celle-ci. (...). Je ne suis pas une menteuse, il faut se référer au PV. (...) » (jugement, p. 6).
Q._ a fait savoir dans sa plainte du 28 janvier 2008 (PV aud. 1) que les fêtards s’étaient retrouvés dans l’appartement de [...] pour poursuivre leur soirée au petit matin, consommant alcool et cocaïne. Elle a ajouté qu’elle était allée dans la chambre de l’appartement pour dormir un moment, ne se sentant pas très en forme. Elle a indiqué qu’endormie sur le côté gauche, elle avait été réveillée par le prévenu qui tentait de la pénétrer avec son sexe. Elle a précisé qu’il s’agissait d’une pénétration vaginale et que l’auteur avait réussi à faire un ou deux « allers-retours » (sic) (PV aud. 1, p. 2 in medio). Elle a confirmé ses déclarations le 25 mai 2009 (PV aud. 3). Dans cette deuxième audition, elle a expliqué qu’elle était en état de choc et qu’elle avait donc annulé un voyage prévu pour son anniversaire, restant cinq jours sans sortir de chez elle. Elle a même précisé qu’elle ne conservait pas de séquelles physiques des faits incriminés mais des séquelles psychologiques.
L’audition-plainte du 28 janvier 2008 apparaît particulièrement crédible en raison du fait qu’elle a suivi de peu les événements du 19 janvier 2008. Cette déposition est également déterminante car les éléments factuels rapportés par la plaignante sont étayés par des tiers. Pour le surplus, elle n’est pas infirmée dans ses éléments essentiels par les dépositions ultérieures de la victime (PV aud. 5 et 6). La Cour retient en particulier les éléments suivants :
- la plaignante a expressément mentionné une pénétration et déclaré qu’elle avait demandé à son hôtesse de faire quitter les lieux à l’appelant; or ce dernier fait est confirmé par [...] (PV aud. 2, p. 2);
- la victime a ajouté qu’elle pleurait; or, ce fait est à nouveau confirmé par [...] (PV aud. 2, p. 2);
- la lésée a précisé s’être douchée et avoir utilisé un désinfectant; or, ce fait est également confirmé par son hôtesse (PV aud. 2, p. 3);
- la victime a indiqué avoir appelé ses amis [...] et [...] vers la fin de la matinée et s’être rendue au CHUV sitôt après leur arrivée; or, ces faits sont confirmés par [...], médecin, lequel a précisé avoir accompagné Q._ au CHUV après que son amie [...] a reçu un appel de cette dernière vers 11 h 30 le 19 janvier 2008 (jugement, p. 5); ils sont en outre indirectement confirmés par [...], qui a relevé que Q._ l’avait appelée le même jour en soirée pour lui décrire les contrôles subis au CHUV (PV aud. 2, p. 3).
- la victime a relevé avoir parlé à ses deux amis et à son hôtesse du fait qu’elle avait été violée; or, ces faits sont confirmés tant par [...] que par [...] (PV aud. 2, p. 2, et jugement, p. 4).
Le jugement retient aussi que la victime a subi un choc. A cet égard, la description des effets de ce traumatisme ne se limite pas à un propos d’ordre général, dès lors que l’intéressée a précisé avoir annulé les vacances prévues à l’occasion de son prochain anniversaire et être restée cloîtrée chez elle pendant cinq jours (PV aud. 3, lignes 21-23). La précision de cette description constitue un élément en faveur de sa véracité.
3.4
Sur la base de ces faits, on ne peut que rejoindre l’appréciation des premiers juges selon laquelle il ressort indubitablement des déclarations de Q._ qu’elle a subi un acte sexuel en dépit des efforts qu’elle a développés par la suite pour minimiser l’importance de l’atteinte dont elle avait été la victime (jugement, p. 15). Comme l’a relevé la représentante de l’accusation à l’audience d’appel, il s’agit de mécanismes de défense courants de la part de victimes d’abus sexuels, lesquels n’entament nullement la crédibilité du récit.
3.5
Cela étant, l’appelant conteste cette appréciation au bénéfice de divers moyens.
Il soutient d’abord que Q._ a omis dans un premier temps de dire qu’elle avait consommé de la drogue, ce qui affecterait sa crédibilité. Ce moyen est infirmé par le fait que les faits dénoncés par la victime et les circonstances les ayant suivi ont, comme décrit ci-dessus, été confirmés par une tierce personne au moins, ce avec une précision suffisante pour les tenir pour avérés. L’appelant tente aussi de tirer argument du fait que [...] a rapporté à l’enquête qu’une semaine après les faits, la lésée se sentait bien. Il fait mine d’oublier que, précisément, la victime est restée cloîtrée chez elle pendant cinq jours après les événements survenus le 19 janvier 2008, ce par souci de préserver son équilibre mental à la suite du traumatisme subi. Il soutient encore que les témoins ont été influencés par la victime. Les témoins [...] et [...] ont vu Q._ pleurer et attestent du fait qu’elle s’est rendue au CHUV à bref délai. [...] a même ajouté que Q._ était désorientée (jugement, p. 4). La teneur de ces dépositions, concordantes et émanant de personnes indépendantes l’une de l’autre, exclut que la victime ait influencé les témoins. On ne voit en particulier pas quel avantage elle aurait été en mesure de leur promettre, étant précisé qu’elle n’avait fait la connaissance de son hôtesse que le soir précédant les faits. Pour le reste, la victime n’a aucune raison d’incriminer à tort le prévenu, qu’elle ne connaissait pas davantage avant les faits.
L’appelant ment lorsqu’il soutient qu’il a quitté l’appartement de [...] le plus normalement possible. Ce fait est en effet contredit par la maîtresse des lieux, qui a expressément relevé l’avoir sommé de partir (PV aud. 2, p. 2). De plus, contrairement à ce que soutient l’appelant, il est évident qu’une personne qui profite délibérément de l’état d’inconscience d’une autre pour lui imposer l’acte sexuel agit consciemment et égoïstement, comme l’ont retenu les premiers juges. Enfin, l’appelant a, notamment à l’audience d’appel, fait valoir qu’il se trouvait alors sous l’emprise de l’alcool et de la cocaïne, ajoutant qu’il aurait été « complètement bourré ». Il soutient qu’il n’aurait « aucun souvenir de ce qui s’[étai]t passé ». Or, les faits se sont produits tôt le matin, après les livraisons effectuées par le prévenu, dont l’horaire de travail était de 5 h à 8 h du matin. Contrairement à ses assertions (déclaration d’appel, ch. 7, p. 4), l’appelant n’a consommé ni drogue ni alcool dans le logement de [...], occupé par des personnes qu’il ne connaissait pas ou peu. En effet, aucun témoin ne mentionne un tel fait et la maîtresse des lieux indique qu’ils avaient mangé ensemble, sans faire état de boissons, en tout cas d’une consommation importante (PV aud. 2, p. 2 in medio). Il est au surplus invraisemblable qu’il ait livré des produits à titre professionnel dans l’état ou il dit s’être alors trouvé.
Au reste, l’appelant a décrit les circonstances de sa rencontre avec [...] et celles de son départ de l’appartement de cette dernière (PV aud. 4, pp. 2 s.). Cette précision exclut toute carence mnésique quant aux faits survenus dans l’intervalle. Le prévenu a aussi déclaré à l’audience de première instance, qu’il s’était « bien entendu avec Q._ », qu’il était « allé dans la chambre pour lui dire au revoir », qu’il s’était « dit ensuite (qu’il allait) [s]e reposer un peu » (jugement, p. 9) et qu’il s’était endormi « [a]près être entré dans le lit » (jugement, p. 4). Par surabondance, il est douteux qu’un homme puisse entretenir des rapports sexuels, même partiels, sous l’emprise d’une alcoolisation massive.
3.6
Au vu de ce qui précède, il n’y a aucun doute raisonnable qui permettrait de libérer l’appelant de l’infraction contre l’intégrité sexuelle dont il a à répondre. La suite du mémoire d’appel (Let. B, pp. 5 s.) suppose l’admission préalable du moyen tiré de la libération de l’infraction définie par l’art. 191 CP. Il n’y a pas davantage matière à réparation d’un tort moral en application de l’art. 429 al. 1 let. c CPP, pas plus qu’il n’y a lieu de modifier le sort des frais de première instance. Enfin, la quotité de la peine, adéquate, n’est pas contestée en soi (art. 404 al. 1 CPP).
4.
En définitive, l’appel est rejeté.
Vu l'issue de la cause, l'émolument d’appel (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]) sera mis à la charge de l’appelant, qui succombe (art. 428 al. 1 CPP).
Les frais d’appel comprennent l’indemnité en faveur du défenseur d’office du prévenu (art. 422 al. 1 et al. 2 let. a CPP). Conformément à la liste d’opérations produite, celle-ci doit être arrêtée sur la base d’une durée d’activité de sept heures d’avocat, y compris l’audience d’appel, plus une vacation à 120 fr. et 50 fr. d’autres débours, ainsi que la TVA, soit à 1'544 fr. 40.
L’appelant ne sera tenu de rembourser le montant de l’indemnité en faveur de son défenseur d’office que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
286766b5-2601-4690-a5ab-c209f10f5475 | En fait :
A.
Par jugement du 17 mars 2015, le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne a, notamment, libéré B._ de l'accusation de faux dans les titres, constaté qu'il s'était rendu coupable de tentative d'escroquerie, l'a condamné à une peine pécuniaire de 30 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 30 fr., suspendu la peine et fixé à B._ un délai d'épreuve de deux ans, l'a condamné à une amende de 600 fr., la peine privative du substitution étant de 6 jours, condamné B._ à verser à R._ une somme de 6'982 fr. à titre d'indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure, ordonné la confiscation et le maintien au dossier d'un carnet noir, arrêté à 2'326 fr. 30 TTC, le montant dû à l'avocate d'office d'B._, dit que dès que sa situation financière le permettra, B._ sera tenu de rembourser à l'Etat les montants alloués à ses deux défenseurs d'office et mis les frais de justice à charge de l'Etat.
B.
Par annonce du 19 mars 2015, puis par déclaration du 10 avril suivant B._ a fait appel de ce jugement en concluant à sa libération de toute condamnation et de toute peine, les frais étant laissés à la charge de l'Etat.
Par lettre du 22 avril 2015, le Ministère public a déclaré s'en remettre à justice.
Par lettre du 5 mai 2015, la plaignante R._ s'en est remise à justice s'agissant de la recevabilité de l'appel et n'a pas déposé d'appel joint.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Le prévenu B._ est né le 1
er
février 1952 au Portugal, pays dont il est ressortissant. Il est marié et père de deux enfants. Au bénéfice d’un permis C, il a œuvré comme aide monteur pour le compte de la plaignante R._ depuis le 1
er
avril 2011. Licencié par cette société par courrier du 30 août 2012 avec effet au 31 octobre suivant, le prévenu a bénéficié des indemnités de l’assurance chômage.
Le casier judiciaire suisse d' B._ est vierge de toute inscription.
2.
A Romanel-sur-Lausanne, entre le 6 mai 2013, date de son licenciement, et le 22 août 2013, B._, qui réclamait le paiement d’heures supplémentaires à son ancien employeur R._, a inscrit d’une traite dans un petit carnet, pour chaque jour de travail accompli entre juillet 2011 et octobre 2012, les heures supplémentaires qu’il prétendait avoir effectuées.
Le 22 août 2013, le prévenu a déposé auprès du Tribunal des Prud’hommes de la Broye et du Nord vaudois une action en paiement contre R._, alléguant avoir effectué plus de 415 heures de travail supplémentaires non compensées et concluant au versement de la somme de 11'811 fr. à ce titre. A l’appui de ses affirmations et afin de tromper le Tribunal au détriment d' R._, B._ a produit le carnet susmentionné en expliquant de manière mensongère y avoir inscrit les heures supplémentaires réalisées au terme de chaque journée de travail, au fur et à mesure de leur accomplissement, ajoutant avoir régulièrement présenté ledit calepin à son employeur R._. Cette société a déposé plainte le 8 octobre 2013.
3.
Une expertise a été confiée à l'institut de police scientifique de l'Université de Lausanne (Dr. [...], [...], chargé de recherche). Les experts ont conclu que les résultats des examens techniques ne permettaient pas de dire si le carnet avait été rempli d'une traite postérieurement à octobre 2012 et que ces examens n'avaient mis en évidence aucune trace permettant d'affirmer qu'un stylo avait été attaché pendant plusieurs mois au bord du carnet. En outre, contrairement aux déclarations faites par B._ lors de l'audition du 26 novembre 2013 (PV aud. 1 p. 3), le carnet litigieux avait été rempli au moyen d'au moins deux stylos à encre bleue (P. 27 p. 6). | En droit :
1.
Interjeté dans les forme et délais légaux contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (cf. art. 398 al. 1 CPP), l'appel de B._
est recevable.
2.
2.1
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
2.2
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
B._
demande à être libéré de l'infraction d'escroquerie au procès.
3.1
Aux termes de l'art. 146 al. 1 CP, se rend coupable d'escroquerie celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, a astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais, ou l'a astucieusement confortée dans son erreur et a de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers.
D’après la jurisprudence fédérale (ATF 122 IV 197 ; JT 1997 IV 145), ce que l’on appelle escroquerie au procès est compris sans autre dans la définition générale de l’escroquerie. Se rend coupable d’escroquerie, celui qui, par tromperie, amène le Tribunal à trancher en défaveur de la partie adverse. Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral pose que le fait d’établir de manière systématique et planifiée des preuves mensongères en les faisant correspondre les unes aux autres est une machination particulière «qui réalise l’élément constitutif de l’astuce» (JT 1997 IV 145 c. 3.c). S’agissant de l’astuce, la doctrine précise que «le degré de turpitude qu’il faudra développer pour que l’on retienne l’astuce dépendra notamment des règles de procédure applicables dans la cause jugée. Plus la procédure est sommaire, plus l’astuce sera admise facilement. Si la procédure prévoit des vérifications minutieuses, il faudra être plus sévère dans l’admission de l’astuce. Ainsi par exemple, ce qui constituera une astuce devant le juge de la mainlevée en droit des poursuites n’en constituera pas forcément une dans une cause identique mais avec un procès au fond » (Daniel Stoll in : JT 1997 IV pp. 155 et 156). En définitive, un simple mensonge ne suffit pas. Il est au contraire nécessaire que le juge se soit trompé astucieusement par la production de moyens de preuve falsifiés ou obtenus de manière illicite (Favre/Pellet/Stoudmann, Code pénal annoté, 3e éd., Lausanne 2007, n. 1.7 ad art.146 CP).
3.2
Le premier juge a considéré que ce carnet était un faux, mais qu'il ne s'agissait pas d'un titre au sens de l'art. 251 CP. Il a donc libéré B._ de l'infraction de faux dans les titres. Il a par contre retenu qu'B._ s'était rendu coupable de tentative d'escroquerie au procès. L'appelant conteste ce point de vue. Il indique que les heures supplémentaires litigieuses devaient être tenues pour effectuées, dès lors que l'accusation n'aurait jamais apporté la preuve du contraire et que le décompte d'heures supplémentaires litigieux n'aurait jamais été contesté. Il a en outre reproché au premier juge de ne l'avoir condamné que sur la base du résultat du rapport d'expertise, ce qui serait contraire au droit. Il prétend qu'en l'état du dossier, il devrait être libéré au bénéfice du doute.
3.3.1
En l'espèce, l'expertise du carnet litigieux (P. 27) n'a pas permis de déterminer s'il avait été rempli au jour le jour ou s'il l'avait été d'une seule traite postérieurement à octobre 2012. L'expertise relève en outre que l'intéressé a utilisé au moins deux stylos à encre bleue et non pas un seul, contrairement à ce qu'il a affirmé en cours d'enquête. Cela n'étaye toutefois pas la version des faits du tribunal plus que celle de l'appelant. Il faut donc examiner s'il existe des indices de falsification.
Un premier indice réside dans le fait que, contrairement à ce qu'a soutenu l'appelant durant l'enquête (PV aud. 1, p. 4, R 24 ligne 136), l'examen du carnet n'a pas révélé de trace particulière indiquant qu'un stylo y avait été accroché durant plusieurs mois.
Constitue aussi un indice le fait que le carnet litigieux n'était connu de personne au sein d'R._ et que le prévenu ne l'a évoqué ni dans les discussions ayant précédé l'ouverture du procès entre l'employeur et son conseil ou le syndicat, ni à l'audience de conciliation.
Il y a encore les divergences existantes entre les écritures du carnet et celles figurant sur les fiches des employés (P 13/2; propreté, tracé), s'agissant des heures de travail effectuées. Quant à ce dernier point, on note que pour la journée du 19 septembre 2012, le carnet indique une activité de 7h00 à 17h00, alors que la fiche indique qu'B._ a été malade toute la journée. On comprend mal la raison de ces différences, surtout si l'on part l'idée que ces deux documents ont été remplis au jour le jour.
Il y a enfin la régularité de l'écriture et la propreté des indications figurant sur le calepin incriminé, qui paraissent en contradiction avec l'allégation d'B._ selon laquelle il l'aurait rempli chaque soir dans une voiture (PV aud. 1, p. 3, R 12 ligne 82).
3.3.2
Au vu de ces éléments, et dès lors que les déclarations de l'appelant ont souvent été confuses et imprécises (PV aud. 1 pp. 3 et 4 réponses aux questions 10, ainsi que 14 à 21), on peut considérer, comme l'a fait l'autorité inférieure, que le carnet litigieux a été rédigé en une traite pour les besoins du procès.
4.
4.1
La production d'un document falsifié afin d'amener le tribunal à pencher en défaveur de la partie adverse est un cas typique d'escroquerie au procès (CAPE 28 mai 2015/190 c. 4.2 et les références citées).
Dans le cas présent, le dessein d'enrichissement illégitime existe dès lors que rien ne permet de retenir qu'B._ n'a noté que les heures supplémentaires qu'il a en réalité effectuées.
Selon l'art. 22 CP, il y a tentative achevée (délit manqué) lorsque, comme en l'espèce, le résultat nécessaire à la consommation de l'infraction ne se produit pas ou ne pouvait pas se produire. Il y a tentative au sens large d'escroquerie lorsque l'auteur agissant intentionnellement et dans un dessein d'enrichissement a commencé l'exécution de cette infraction manifestant ainsi l'intention de la commettre, même si ces éléments objectifs font défaut en tout ou partie (CAPE 28 mai 2015/190 ibidem et réf.).
4.2
En définitive, c'est à juste titre que le jugement entrepris constate qu'B._ s'est rendu coupable de tentative d'escroquerie. Pour le reste, l'appelant a été libéré de l'accusation de faux dans les titres. Il n'y a pas lieu d'y revenir (art. 404 al. 1 CPP).
5.
La peine a été fixée conformément à l'art. 47 CP, le premier juge ayant pris en compte la culpabilité de l'accusé, ainsi que l'ensemble des éléments à charge et à décharge (jugement pp. 8 et 9). Le montant du jour-amende tient compte de la situation économique du prévenu au moment du jugement (art. 34 CP; ATF
134 IV 1 c. 4. 2. 1 p. 5).
6.
Il B._ doit être rejeté et le jugement attaqué confirmé.
7.
Il reste à statuer sur les frais et les indemnités.
7.1
Me Yero Diagne, conseil de choix de la plaignante R._, demande une indemnité de 2'300 fr. 40 pour 7 heures de travail, une vacation et la TVA. Vu le sort de l'appel, il doit être fait droit à cette requête sur le principe (art. 433 al. 1 let. a CPP). Compte tenu de l'ampleur du dossier, de la connaissance de l'affaire déjà acquise en première instance, il convient de lui allouer 1'425 fr. à titre de juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure d’appel. Cela représente 4 heures au tarif horaire de 300 fr., une vacation à 120 fr. et 8 % de TVA. Ce montant sera mis à la charge dB._ (art.
433 al. 1 let. b CPP).
7.2
Me Véronique Fontana, défenseur d'office d'B._ a produit une liste de frais faisant état d'un peu plus de 4h30 de travail, d’un déplacement et de 15 fr. 10 de débours. Il convient d'accéder à cette demande qui est raisonnable et de lui allouer un montant de 1'215 fr. 10. Cette somme prend en compte, audience incluse, 5, 5 heures de travail à 180 fr., une vacation à 120 fr.,
15 fr. 10 de débours et 8 % de TVA.
7.3
Outre le montant de 1'425 fr prévu au ch. 7.1 ci-dessus en faveur de Me Yero Diagne, l'appelant, qui succombe (art. 428 al. 1 CPP), assumera l'entier des frais d'appel, par 2'605 fr. 10, incluant l'indemnité d'office due à son défenseur.
B._ ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant de l’indemnité en faveur de son défenseur d’office ci-dessus que lorsque sa situation financière le permettra. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
2887577c-6721-4980-90d2-911e61c1f091 | En fait :
A.
Par jugement du 2 avril 2012, le Tribunal de police de l’arrondissement de La Côte a libéré J._ des accusations d'infraction par métier à la LPTh, d'infraction à la LPTh, de contravention par métier à la LPTh, de contravention à la LPTh, d'infraction à la LCD, de contravention aux dispositions concernant les raisons de commerce, de contravention à la loi vaudoise sur la santé publique et d'exercice illégal d'une profession de santé (I), ordonné la levée du séquestre ordonné sous fiche n° 2650 et la restitution à J._ des objets séquestrés (II), donné acte à X._ et W._ de leurs réserves civiles à l'encontre du prévenu (III), mis une partie des frais de la cause à la charge de ce dernier, par 4'000 fr. (IV), et dit qu'aucune indemnité à forme de l'art. 429 CPP n'est allouée à J._ (V).
B.
J._, M._ (Institut suisse [...]) et le [...] (ci-après : P._) ont fait appel par courriers respectifs du 11 avril 2012.
Par déclaration d'appel du 3 mai 2012, J._ a conclu à l'annulation des chiffres IV et V du jugement, à l'allocation en sa faveur d'une indemnité pour ses frais de défense au sens de l'art. 429 CPP "équivalant à 480 heures de travail, dont la moitié a été effectuée par des stagiaires, au tarif cantonal" et à ce que les frais de première et deuxième instances soient laissés à la charge de l'Etat.
Par déclaration d'appel du 3 mai 2012, M._ a conclu, sous suite de frais, à ce que J._ soit reconnu coupable de vente par correspondance illégale de médicaments non autorisés, commise par métier, et condamné à 180 jours-amende, la quotité du jour-amende étant fixée à 235 fr., et à ce qu'A._ SA soit condamnée au paiement d'une créance compensatrice d'un montant de 150'000 francs. Elle a requis l'audition de trois experts.
Par déclaration d'appel du même jour, le P._ a conclu, sous suite de frais et dépens, à ce que J._ soit reconnu coupable d'infraction à la loi fédérale du 19 décembre 1986 contre la concurrence déloyale et condamné à une peine adéquate, les objets séquestrés sous fiche n° 2650 étant confisqués et détruits.
Par lettre du 14 mai 2012, le Ministère public a annoncé qu’il renonçait à présenter une demande de non-entrée en matière et à déclarer un appel joint.
Le 29 mai 2012, J._ a déposé un "appel joint" dans lequel il a conclu au rejet des appels déposés par M._ et par le P._ et, implicitement, à l'admission des conclusions de son appel principal.
Par arrêt du 2 juillet 2012, la Cour d'appel pénale, après avoir donné l'occasion aux parties de se prononcer sur la recevabilité des appels conformément à l'art. 403 al. 2 CPP, a déclaré l'appel de M._ irrecevable en tant qu'il contient des conclusions nouvelles dirigées contre A._ SA (I) et l'appel joint de J._ irrecevable faute d'objet (II) et a dit que les frais suivaient le sort de la cause au fond (III).
Par lettre du 25 septembre 2012, le Président de la cour de céans a rejeté les réquisitions de preuves de M._.
Aux débats d'appel, M._ a modifié la conclusion II de sa déclaration d'appel en ce sens que le prévenu est condamné à une peine pécuniaire de 180 jours-amende et à une amende de 10'000 francs. Le P._ et J._ ont chacun confirmé les conclusions de leurs déclaration d'appel. J._ a en outre conclu au paiement d'une indemnité de dépens d'appel de l'art. 429 CPP (cf. p. 5 ci-avant; pièce 149).
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
1.1
Né le 25 décembre 1959 dans le canton de St-Gall, où il a passé son enfance, J._, après avoir obtenu un CFC de boulanger-pâtissier à l'âge de 18 ans, a fréquenté l'Ecole de commerce jusqu'à 20 ans.
En 1994, le prévenu a été engagé en qualité de coordinateur par A._ SA, société dont [...] était propriétaire. Son travail consistait alors à mettre en place et organiser au sein de cette société une structure comprenant divers services (service clientèle, "call center" et service de facturation), à la disposition de trois entreprises de vente par correspondance qui appartenaient à [...] : les "[...]", actives dans l'édition de livres, "[...]", active dans le commerce de produits de santé et de bien-être et "[...]", active dans la distribution de produits ménagers. Dans le cadre de sa fonction, le prévenu a apporté à son employeur de nouveaux clients, dont la [...] et [...]. Par la suite, il a développé l'activité d'A._ SA en trouvant de nouveaux clients dans le domaine des compléments alimentaires, du bien-être et de l'ésotérisme; il en est devenu l'administrateur avec signature individuelle en 1997. En été 2009, il a racheté A._ SA à son propriétaire. Il tirait de cette activité un salaire annuel net de l'ordre de 200'000 fr., son revenu étant à peu près le même depuis 2007.
1.2
Divorcé, père de deux enfants âgés de 12 et 17 ans, qui sont sous la garde de leur mère, J._ habite seul dans la maison mitoyenne dont il est propriétaire, à [...]. A l'exception d'un emprunt hypothécaire grevant sa maison pour un montant de 360'000 fr., il n'a pas de dettes. Sa charge hypothécaire est de l'ordre de 7'000 fr. par an, soit environ 600 fr par mois, et ses primes d'assurance maladie s'élèvent à 400 fr. par mois. Sa fortune se compose de sa villa et de quelques économies. A l'audience d'appel, le prénommé a déclaré que la présente affaire avait entraîné d'importantes difficultés financières, qu'A._ SA, qui ne comptait plus que quatre employés en Suisse, était encore active dans les domaines autres que ceux de l'ésotérisme et des "compléments alimentaires", qu'elle avait perdu beaucoup d'argent et qu'il ne restait plus que 200'000 fr. de disponible dans la société. L'intéressé a encore expliqué qu'il avait cessé de se verser un salaire depuis juillet 2012, qu'il n'était plus employé de la société, qu'il vivait de ses économies, qu'il envisageait de s'établir en Thaïlande, à tout le moins pendant six à sept mois par année, et que c'est son frère qui le remplaçait comme administrateur d'A._ SA.
2.
2.1
A._ SA (ci-après : A._ SA) fait partie du groupe de sociétés [...] Holding, dont J._ est le patron et auxquelles appartiennent également les filiales A._ France et A._ Portugal, filiales qui, aux dires du prévenu, sont actuellement en liquidation.
Le but d'A._ SA, dont le siège se situe à Nyon, est le suivant : "Conseils et services ressortant notamment aux domaines fiduciaire, informatique, publicitaire et du marketing; gestion et formation du personnel; location de locaux". A._ SA assure la logistique pour des sociétés de vente par correspondance qui pouvaient être domiciliées dans le monde entier et agissait principalement dans les domaines de la santé et de l'ésotérisme, ce qui procurait à la société les deux tiers de son chiffre d'affaires, chiffre d'affaires que le prévenu a estimé à environ 10 millions de fr. par an dans le courant des années 2000, en particulier en 2003 et 2004, et à 5 à 6 millions de fr. en 2009. La société a en outre été active dans la vente par correspondance d'articles de ménage, de whisky, de livres, de chocolat et de CD, ce qui représentait un tiers du chiffre d'affaires de l'entreprise.
L'activité d'A._ SA consiste notamment à distribuer un produit ou une gamme de produits sur mandat d'une société domiciliée le plus souvent à l'étranger. A._ SA s'engage alors à mettre à disposition de sa mandante toutes les infrastructures nécessaires à la distribution des produits, cherche une adresse postale, qui peut être celle d'une connaissance de J._ ou d'un collaborateur d'A._ SA et à laquelle l'entité désignée par le nom commercial (brand name) que la mandante choisit est installée fictivement, et détermine des emplacements à l'étranger où les stocks de produits seront établis, ces produits étant déposés auprès de la succursale de la société au Portugal ou auprès d'un mandataire à l'étranger.
Les accords passés entre A._ SA et les sociétés mandantes font l'objet de contrats distincts, établis, pour la plupart d'entre eux, sur le même modèle (jugt, p. 12
in medio
; cf. pièces 40 et 54, annexe 1; cf. ég. Dossier D, pièce 24/2), soit un "contrat de service" accompagné d'un "plan de l'étude", aux termes desquels, d'une part, la mandante garantit que les marchandises et documents, dont elle reste seule propriétaire et qui sont traités par A._ SA, sont conformes à la loi et aux usages, et, d'autre part, cette dernière s'engage à mettre en place les moyens pour préserver l'intégralité de ces marchandises et documents, à respecter un délai de 3 à 5 jours pour l'expédition d'une commande, à condition toutefois que sa cocontractante livre les produits et documents aux dates convenues, à assurer la saisie des commandes en temps réel et le traitement des réclamations par courrier ou téléphone, après validation par la mandante, ainsi que le stockage des marchandises et des matériaux qui servent à la préparation des commandes et à facturer un forfait par commande pour, notamment, la prise de commande, la création du compte client, l'encaissement des paiements, l’impression des bulletins de livraison, le traitement du courrier des clients, le conditionnement et la préparation de la marchandise pour l’envoi et la gestion des retours de marchandises.
Après la conclusion des contrats et la mise en place des infrastructures, la mandante fait envoyer par une agence de publicité des publipostages aux clients potentiels, tous domiciliés à l'étranger (il n'est en effet pas établi que des consommateurs domiciliés en Suisse figuraient parmi les destinataires de ces publipostages), ou fait publier des annonces dans la presse et, parallèlement, expédie les produits au lieu de stockage mis à disposition par A._ SA. Cette dernière donne à sa cliente un accès à un site Internet afin qu'elle puisse contrôler le stock en permanence et le réapprovisionner. L'adresse de commande qui figure sur les publicités est l'adresse commerciale fournie par A._ SA. Les commandes qui parviennent à cette adresse sont transmises à Nyon soit directement par la poste, soit par la personne qui a loué son adresse à la société, puis elles sont saisies dans le système informatique d'A._ SA. La société étrangère qui tient le stock est ensuite avisée, prend en charge l'emballage et s'occupe de l'envoi de la commande. Les clients paient les produits au comptant, par chèque joint à la commande, par carte de crédit ou sur facture. L'encaissement de l'argent est assuré par A._ SA, qui fait suivre les montants sur des comptes qu'elle a ouverts à l'étranger, sur lesquels les mandantes disposent d'une procuration.
Les clients qui ne sont pas satisfaits des produits les retournent à l'adresse du stock, qui figure sur le bulletin de livraison ou sur la facture, même s'il arrive que certains les renvoient à Nyon. Le partenaire étranger signale le retour à A._ SA qui procède alors au remboursement. Si le retour est accompagné d'une réclamation, le mandataire étranger ou la société adresse une brève réponse au client. Les questions relatives aux produits sont traitées par le service clientèle d'A._ SA ou par l'un des quelque dix centres d'appels dans le monde auxquels ladite entreprise a confié cette tâche. Les réponses sont données sur la base d'une fiche technique que la mandante remet à la société pour chaque produit. Il est arrivé qu'A._ SA envoie de la documentation promotionnelle à des clients, soit des bons permettant de passer une nouvelle commande; dans ces cas, ces bons, qui accompagnent les bons de livraison, sont adressés non pas directement au consommateur étranger, mais au prestataire situé à l'étranger qui livrera le produit, prestataire qui est souvent la filiale française ou portugaise d'A._ SA ou, à défaut, un mandataire choisi par cette dernière.
2.2
Depuis 2003, à Nyon, dans le cadre de l'activité d'A._ SA, J._, qui ne possède aucune qualification professionnelle dans le domaine de la santé, a fait le commerce de médicaments alors que ceux-ci n'avaient pas été autorisés par M._ pour pouvoir être mis sur le marché et qu'il n'était pas titulaire d'une autorisation d'exploitation délivrée par cet institut. En outre, le prévenu a vendu ces médicaments par correspondance sans être au bénéfice d'une autorisation cantonale et par le biais notamment de publipostages faisant apparaître la consultation médicale comme superflue, suggérant que l'effet du médicament est garanti, se référant à des témoignages émanant de professionnels de la santé ou affirmant que l'efficacité du médicament est due au fait qu'il s'agit d'un "produit naturel".
Ainsi, à la suite de contrats signés par J._, au nom d'A._ SA, celle-ci a distribué des médicaments pour plusieurs sociétés domiciliées à l'étranger, notamment aux Etats-Unis. La documentation figurant au dossier ainsi que de nombreux produits saisis par la police lors des visites effectuées dans les locaux de ladite société, dont la plupart ont été transmis à M._ pour examen (cf. pièces 36, 43 et 46), visent principalement des pathologies telles que l'arthrose (not. Arthrocartil, Arthroprotect, Cartilage de requin) ou les troubles de l'érection (not. Ejac Rafale, Viarex). Il s'agit également de produits amaigrissants (not. Esobiol, Skinly) ou anti-âge (not. L'Artichaut Sauvage des Centenaires).
Plus particulièrement, il résulte du rapport de M._ (pièce 36) que des 67 produits commercialisés par A._ SA, 29 peuvent être qualifiés de produits thérapeutiques, à savoir : Arthrocartil capsules, Arthroprotect gel, Arthroprotect gélules, Bien-être circulatoire gel, Bien-être circulatoire gélules, Bien-être digestif gélules, Brûl'excès gélules, Cartilage de requin gélules, Confort articulaire gélules, Confort de la prostate gélules, Confort visuel gélules, Draineur polyvalent gélules, Ejac Rafale gélules, Esobiol, Gelée royale, Hoodia Speed P57 gélules, L'artichaut sauvage des centenaires gélules, Lipo'Stim gélules, Matex comprimés, Méla + DHEA gélules, Mémoire et concentration gélules, Mod'Appetil gélules, Multi-vitamines naturelles gélules, Noix d'Amazonie gélules, Papaye fermentée, Reishi Rouge de Chine, Transit & Ventre plat gélules, Viarex gélules et Yucca schidigeria.
Il résulte des documents complémentaires (publicités et bulletins de commande) qui ont été soumis à l'examen de M._ sur demande du Juge d'instruction du 7 mai 2007 (pièce 43) que 4 autres produits peuvent être qualifiés de produits thérapeutiques, soit Arthro-Vie, T'Chi-Patch, Cure Myrtille Bleue et Ginger-Patch.
S'y ajoutent encore les 10 produits suivants, dont la documentation a été transmise au magistrat instructeur soit par la Pharmacienne cantonale vaudoise, soit par M._ : Gotulitho (pièce 31), Bioveinol (pièce 48), Cure de Rhodiola rosea, Cure de pulpe pure d'Aloe vera et Cure de jeunesse Ayur Veda (pièce 51), Arthrotextil (pièce 52), Das Blaue Gold et Oliva (pièce 53), Baume du Siam au Ginseng (pièce 58), ainsi que Flex 3 (pièce 61/1).
Enfin, le dossier fait état de nombreuses plaintes et dénonciations portant sur des produits ou des catalogues de produits (autres que ceux mentionnés ci-dessus) parmi lesquels il convient de retenir, à tout le moins, les 18 suivants : Biortisone, Eau de colon, Yarsagumba, Extraveinol, Botoslim, Hepatonic, Huile d'Argan, Sulfagic, Dolo-Contact, Derma-Tonic, Renocare, Hydrocare, Glucoman 425, Cartilage de raie, Ashwagandha, Actif iH et Glutathion (pièce 86), ainsi que Skinly (classeur 3/XXI).
Ainsi, au total, ce ne sont pas moins de 61 produits qui, pour les motifs qui seront exposés plus loin (cons. 4.2.2 et 4.9.2), doivent être retenus comme étant des produits thérapeutiques ayant fait l'objet d'un commerce non autorisé.
2.3
Dans le cadre de cette activité, J._ a, via A._ SA, commercialisé les produits supposés améliorer la santé et le bien-être en fournissant des adresses commerciales en Suisse à ses mandantes domiciliées à l'étranger. Ces dernières envoyaient aux clients potentiels des publipostages contenant de fausses indications, laissant entendre au consommateur que la prestation proposée était exceptionnelle, l'incitant à répondre rapidement sous peine de ne pas pouvoir bénéficier de ses offres ou multipliant les envois de courriers publicitaires, étant précisé qu'il n’est pas établi que les publipostages parvenus en mains des clients potentiels leur ont été adressés par A._ SA directement.
Ainsi, des termes tels que "laboratoire", "institut" ou "centre", qui désignent les auteurs apparents de ces publipostages, en relation avec des adresses en Suisse, faisaient croire au public que les produits provenaient d'un organisme sérieux situé dans notre pays, voire qu'ils y étaient fabriqués. Les allégations qui figurent dans les publipostages litigieux étaient en outre corroborées par de prétendus médecins, docteurs, professeurs ou autres spécialistes. La documentation incriminée faisait croire aux consommateurs que les produits proposés possédaient des vertus thérapeutiques ou de bien-être précises et qu'ils étaient conformes aux exigences de santé publique. Elle leur laissait entendre qu'ils seraient remboursés s'ils n'étaient pas satisfaits, alors que cette garantie n'était pas toujours respectée et que, dans certains cas, les produits n'ont même pas été livrés. Enfin, la présentation des produits, notamment leur dénomination, était propre à créer une confusion avec des articles connus ou à faire croire qu'ils avaient des liens avec des sociétés ou des personnes qui existaient réellement.
Le P._ a déposé plainte le 17 août 2006 (pièce 23), dite plainte ayant été complétée par courriers des 28 août 2008 (pièce 59/1), 12 novembre 2008 (pièce 60) et 14 septembre 2011 (pièce 86). Le Juge d'instruction a, dans son ordonnance de renvoi du 23 décembre 2010, considéré que la plainte du P._ du 17 août 2006 était tardive s'agissant des réclamations antérieures au 16 mai 2006 et a prononcé un non-lieu sur ce point.
Les publipostages en cause concernent à tout le moins 21 entités, soit : Arthrotextil (Rue Saint-Germain 5, 1030 Bussigny), Bien-Etre & Santé (Postfach 556, 8105 Regensdorf), Centre de la Vie Saine (Rue de Lausanne 8, 1030 Bussigny), Institut Nutrimince (Case postale 2462, 1260 Nyon), Label Nature (place de la Harpe 9, 1180 Rolle), Laboratoire des Produits Naturels (Case postale 144, 1222 Vesenaz), Laboratoire Henri Clairval (Case postale 2669, 1211 Genève 2), Laboratoire Hepatoncare (Baarerstrasse 135, 6300 Zoug), Laboratoire Jacques Bonneval (Baarerstrasse 135, 6301 Zoug), Laboratoire Paul Neuville (Case postale 2054, 1211 Genève 2), Laboratoire Pierre Lagrange (Baarerstrasse 135, 6301 Zoug), Laboratoire Pierre Montagnac (Case postale 2667, 1211 Genève 2), Laboratoire Rose d'Estreille (Case postale 2561, 1211 Genève 2), Les Jardins de l'Aloe (Av. Marcelin 11, 1110 Morges), NaturaPhyto (Case postale 2661, 1211 Genève 2), PhytoAvenir Laboratoires (Route des Jeunes 59, 1227 Carouge), Phyto-Form Institut (Ch. du Canal 1, 1260 Nyon), Sanacorpus (Ch. des Vignes 16, 1196 Gland), Solutions Bien-Etre (Case postale 2365, 1211 Genève 2), Vital Corpus (Rue Gilbert 22, 1217 Meyrin) et Vitalys (Case postale 2658, 1260 Nyon 2).
2.4
Lors des débats du 27 octobre 2011, le tribunal de police a prononcé la disjonction de la cause et renvoyé le volet "voyance" du dossier, figurant au chiffre 3 de l’ordonnance de renvoi du 23 décembre 2010, au Ministère public pour complément d’instruction.
Aux débats du 26 octobre 2011, le tribunal a procédé à l'audition de [...], Dr. en pharmacie et collaborateur de M._, en qualité de personne appelée à donner des renseignements. Lors des débats du 26 mars 2012, il a entendu [...], comptable à Estavayer-le-Lac, ainsi que [...], avocat au barreau de Nice, en qualité de témoins.
2.5 | En droit, le tribunal de police a considéré, s'agissant des infractions à la LPTh (Loi fédérale sur les médicaments et les dispositifs médicaux [Loi sur les produits thérapeutiques] du 15 décembre 2000, RS 812.21) reprochées au prévenu, qu'il n'y avait pas de stockage et d’expédition en Suisse (jugt, p. 56), ni de produits commercialisés sur le marché suisse (p. 57) et que ce n’était pas A._ SA qui envoyait les formulaires de commande au consommateur (p. 58). Concernant les infractions à la LCD (Loi fédérale contre la concurrence déloyale du 19 décembre 1986, RS 241), le premier juge a expliqué qu’il n’était pas démontré que J._ ait participé à la création ou à la diffusion des publipostages en cause.
En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l’occurrence, interjetés dans les formes et délais légaux contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), les appels de J._, du P._ et de M._ contre J._ sont recevables.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier ; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
3
.
On examinera tout d’abord l'appel de M._ (ch. 4), puis celui du P._ (ch. 5) et finalement celui de J._ (ch. 7).
4.
M._ fait valoir, en substance, que J._, par les activités de la société A._ SA dont il était le dirigeant effectif – activités notamment de logistique, de stockage, d'expédition ainsi que de gestion des commandes et des réclamations – a fait le commerce de produits qui n'avaient pas été autorisés et sans être au bénéfice d'une autorisation d'exploitation, dites activités étant, de par ses relations contractuelles avec ses partenaires, sous le contrôle de sa société.
4.1
La LPTh distingue, selon la gravité de l'infraction, entre les délits (art. 86) et les contraventions (art. 87), étant précisé que l'infraction tant à l'une qu'à l'autre de ces dispositions peut être commise par métier (art. 86 al. 2 et 87 al. 2). En vertu de l'art. 86 al. 1 LPTh, à moins qu'il n'ait commis une infraction plus grave au sens du code pénal ou de la loi sur les stupéfiants, est passible de l'emprisonnement ou d'une amende de 200'000 fr. quiconque met intentionnellement en danger la santé d'êtres humains par un des faits légaux énoncés aux let. a à g, par exemple la fabrication, mise sur le marché, prescription, importation ou exportation des médicaments ou le commerce à l'étranger sans autorisation ou en enfreignant d'autres dispositions de la LPTh (let. b). Selon l'art. 87 al. 1 LPTh, est passible des arrêts ou d'une amende de 50'000 fr. au plus quiconque, intentionnellement, commet des actes visés à l'art. 86 al. 1 sans mettre en péril la santé des personnes. En d'autres termes, savoir si l'un des comportements énoncés à l'art. 86 al. 1 let. a à g doit être qualifié de délit (art. 86 LPTh) ou de contravention (art. 87 LPTh) dépend de l'existence d'une mise en danger de personnes.
En l'occurrence, M._ ne remet pas en cause la libération de J._ du chef d'accusation d'infraction (par métier) à la LPTh au sens de l'art. 86 de cette loi. L'appelante, qui, en première instance, s'était ralliée aux conclusions prises dans ce sens par le Ministère public (jugt, pp. 41 s.), conclut à ce que le prévenu soit reconnu coupable de vente par correspondance illégale de médicaments non autorisés, commise par métier au sens de l'art. 87 al. 2 LPTh. Cela étant, il n'y a pas lieu de revenir sur la question de l'application de l'art. 86 LPTh ni sur celle des art. 24 et 25 de cette loi mentionnés dans l'ordonnance de renvoi uniquement en relation avec l'art. 86 précité.
4.2
Il convient tout d'abord de déterminer si les produits litigieux sont soumis à la LPTh.
4.2.1
Les médicaments, qui, à l'art. 2 al. 1 let. a LPTh, sont qualifiés de produits thérapeutiques, comprennent les produits d'origine chimique ou biologique destinés à agir médicalement sur l'organisme humain ou animal, ou présentés comme tels, et servant notamment à diagnostiquer, à prévenir ou à traiter des maladies, des blessures et des handicaps; le sang et les produits sanguins sont considérés comme des médicaments (art. 4 al. 1 let. a LPTh). Selon cette définition, un produit est un médicament soit s'il possède objectivement des propriétés énoncées dans cette disposition soit si, sans avoir ces propriétés, il est présenté comme tel.
Savoir à quel groupe appartient un produit qui ne présente pas objectivement les propriétés définies à l'art. 4 al. 1 let. a LPTh dépend donc de la manière dont il est présenté. Tout produit présenté à la vente comme médicament, mais qui, objectivement, n'en est pas un, relève de la loi sur les produits thérapeutiques. La notion de "présentation à la vente" permet notamment d'empêcher une personne de mettre sur le marché des produits en affirmant qu'ils ne sont pas des médicaments, tout en leur attribuant des vertus thérapeutiques qui n'ont pas été vérifiées lors d'une procédure d'autorisation (Message concernant une loi fédérale sur les médicaments et les dispositifs médicaux, FF 1999 p. 3151, spéc. p. 3185). Il y a lieu de considérer qu'un produit est présenté comme un médicament lorsque, eu égard à son étiquetage, à son conditionnement ou à sa publicité, il apparaît comme étant destiné à agir médicalement sur l'organisme (ATF 138 IV 57 c. 3.1 et les références citées).
Selon un document établi par M._ (pièce 91, annexe, p. 13), les mises en garde (mention d’interactions, mention de contre-indications) les promesses (accent mis sur l’élimination d’un trouble de la santé, description du mécanisme d’action d’une substance, description de processus physiologiques, messages se référant à des maladies), ainsi que la présentation sous la forme d’un emballage typique de médicaments ou avec illustration d’organes sont des indices typiques d’un produit thérapeutique.
4.2.2
En l'espèce, il ressort du rapport scientifique du 6 août 2007 du Dr. [...], pharmacien et collaborateur de M._, que, des 67 produits commercialisés par A._ SA qui ont été examinés sur demande du Juge d'instruction, 49 doivent être qualifiés de produits thérapeutiques (pièce 46), M._ ayant admis que les autres 18 produits ne doivent pas être considérés comme tels, soit qu'il s'agisse de compléments alimentaires, soit que les éléments à disposition soient insuffisants pour procéder à une qualification, et l'accusation a été retirée en ce qui les concerne (jugt, p. 7). Il n'y a certes pas eu d'analyse pharmacologique des 49 produits finalement retenus, mais ceux-ci ont été présentés à la vente comme des médicaments, dès lors que de nombreuses vertus thérapeutiques leur étaient prêtées et que les composants végétaux ou les principes chimiques utilisés sont pharmacologiquement actifs (pièce 46). Cette conclusion a été confirmée aux débats par le Dr. [...], expert en chef de M._ (jugt, p. 8) : à l'exception des produits, qui, en raison de la reprise du droit européen par le droit suisse, ne peuvent plus être qualifiés de médicaments, la composition et les effets pharmacologiques des autres produits ou les indications thérapeutiques les accompagnant justifient que ces produits soient considérés comme des produits thérapeutiques.
Il n'y a aucune raison de s'écarter des conclusions du Dr. [...] et J._, qui se limite à soutenir qu'il s'agit de "compléments alimentaires" et non de médicaments, ne fournit aucun argument convaincant à l'encontre des explications données par ce spécialiste; au demeurant, la question examinée par [...] (jugt, p. 36) de savoir si les produits litigieux sont ou non autorisés en France – qui n'est d'ailleurs par le seul pays concerné par l'activité de J._ – en tant que compléments alimentaires est sans pertinence, seule l'application du droit suisse étant ici en cause.
Il ressort du dossier que plusieurs dizaines d'autres produits ont été présentés à la vente comme médicaments. Il s'agit des produits figurant sous pièces 31, 48, 51, 52, 53, 58 et 61/1 ainsi que de la plupart de ceux mentionnés à la pièce 86 et dans les annexes à la plainte du P._ du 17 août 2006 (classeurs 2 et 3). En effet, la documentation (brochures et bulletins de commande) relative à ces produits décrit diverses pathologies (arthrose, troubles de l'érection) ou vante des effets amaigrissants et anti-âge qui étaient tous associés à des traitements à base des produits litigieux, fait apparaître la consultation médicale comme superflue, suggère que l'effet du produit est garanti, se réfère à des témoignages émanant de professionnels de la santé ou affirme que l'efficacité du produit est due au fait qu'il s'agissait d'un "produit naturel" ou "miracle. Elle comprend en outre des conseils d'utilisation (par ex. : "2 comprimés", "3 gélules"). Dans ces conditions, il apparaît que les produits étaient présentés comme destinés à agir médicalement sur l'organisme, les éléments susmentionnés correspondant d'ailleurs aux "indices typiques d'un produit thérapeutique" (pièce 91, annexe, p. 13). Ils tombent ainsi, indépendamment de leur composition, dans le champ d'application de la LPTh.
4.3
4.3.1
Les médicaments ne peuvent être mis sur le marché en Suisse qu’après délivrance d’une autorisation de M._ (art. 9 LPTh). Une autorisation est aussi nécessaire pour l’importation, l’exportation et pour "quiconque (...) fait à l’étranger le commerce de médicaments à partir de la Suisse, sans que ces médicaments pénètrent en Suisse" (art. 18 al. 1 let. c LPTh). La vente par correspondance de médicaments est en principe interdite (art. 27 LPTh). Sont illicites, notamment, la publicité trompeuse ou contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs, la publicité pouvant inciter à un usage excessif, abusif ou inapproprié de médicaments et la publicité pour les médicaments qui ne peuvent être mis sur le marché en Suisse (art. 32 al. 1 LPTh).
Constituent notamment des contraventions au sens de l’art. 87 LPTh le fait de faire le commerce à l’étranger de médicaments sans autorisation ou en enfreignant d’autres dispositions de la présente loi (art. 86 al. 1 let. b par renvoi de l’art. 87 al. 1 let. f) ou des produits thérapeutiques non conformes aux exigences figurant dans la pharmacopée (art. 87 al. 1 let. a), et le fait de contrevenir aux dispositions sur la publicité pour les médicaments (art. 87 al. 1 let. b). Du point de vue subjectif, l'auteur doit avoir agi intentionnellement.
Si, dans ces cas, l’auteur agit par métier, la peine est l’emprisonnement pour six mois au plus et une amende de 100'000 fr. au plus (art. 87 al. 2 LPTh). La tentative et la complicité sont punissables (al. 4). La contravention et la peine se prescrivent par 5 ans (al. 5).
4.3.2
En l'espèce, il n’est pas contesté qu’aucune autorisation au sens de l’art. 9 LPTh n’a été ni demandée ni obtenue par A._ SA. J._ a toutefois fait plaider que M._ ne disposait d’aucune compétence sur le territoire étranger et qu’elle n’était pas autorisée à contrôler une activité se déroulant à l’étranger ni à soumettre à autorisation le commerce effectué à étranger, que les autorisations de mise sur le marché délivrées par M._ n'étaient valables que pour la Suisse et que l’art. 9 LPTh ne s’appliquait pas à la mise sur le marché de médicaments à l’étranger. Formulé ainsi en référence à l’art. 9 LPTh, il est exact que les médicaments litigieux étaient fabriqués à l’étranger et livrés depuis l’étranger à des destinataires domiciliés également à l’étranger et qu'une condamnation ne peut se fonder sur cette disposition.
Cependant, le problème se situe au niveau de l’autorisation exigée à l’art. 18 al. 1 let. c LPTh pour celui qui fait à l’étranger le commerce de médicaments à partir de la Suisse sans que ces médicaments ne pénètrent en Suisse, autorisation que J._ n'a ni requise ni obtenue. Sans examiner spécifiquement l’application de cette disposition, pourtant mentionnée dans l’ordonnance de renvoi, le premier juge a considéré que les marchandises litigieuses n’avaient été livrées ni depuis Nyon ni depuis un autre endroit en Suisse, qu’on ne pouvait donc retenir qu’A._ SA aurait mis sur le marché des médicaments depuis la Suisse et que l’encaissement des montants payés par les consommateurs ainsi que la mise à disposition d’un call-center ne tombaient pas sous le coup de la disposition susmentionnée.
Le raisonnement des premiers juges ne peut pas être confirmé. Certes, il faut donner acte à J._ qu’il n’y a eu ni importation ni exportation de médicaments. Toutefois, pour savoir si le prévenu "a fait à l'étranger le commerce de médicaments à partir de la Suisse" au sens de l'art. 18 al. 1 let. c LPTh, il faut tenir compte de tous les éléments de l’espèce, ce que le premier juge n’a pas fait.
Or, il résulte du dossier les éléments suivants:
Premièrement, A._ SA mettait à disposition des fabricants étrangers une adresse en Suisse pour l’envoi des bulletins de commande de médicaments ou des "bons de recommande" alors que, selon les explications de J._ lui-même, A._ SA avait une filiale en France et au Portugal, ainsi que divers mandataires. Si les médicaments pouvaient être expédiés depuis un stockage chez A._ France ou chez A._ Portugal ou depuis chez un mandataire d'A._ SA, on ne s’explique pas pourquoi, sauf à vouloir créer intentionnellement, notamment à des fins promotionnelles, un lien avec la Suisse, l’adressage des bulletins de commande ne pouvait se faire aussi auprès des dits expéditeurs.
Deuxièmement, le traitement des bulletins de commande, l'encaissement du prix payé et l'ordre de livraison donné par A._ SA une fois la commande traitée et le montant encaissé étaient effectués en Suisse par des employés d'A._ SA. On remarquera sur ce dernier point que rien ne justifiait – si ce n'est pour le motif susmentionné – que le traitement du paiement ne soit pas opéré par la filiale ou le mandataire étranger d'A._ SA, d'autant plus que le paiement émanait de l'étranger et avait pour destinataire final un compte étranger, soit le compte dudit mandataire sur lequel A._ SA transférait les montants payés par les clients finaux.
Troisièmement, la livraison était opérée depuis le stock étranger par une société appartenant à A._ SA ou mandatée par celle-ci, donc dans les deux cas sur instructions de cette dernière.
Quatrièmement, les réclamations et les questions des consommateurs étaient traitées en Suisse.
Cinquièmement, les employés d'A._ SA étaient chargés de la réception, à Nyon, d'une partie au moins des retours provenant de consommateurs déçus ou mécontents. Peu importe à cet égard que le retour en Suisse soit la conséquence ou non d’une erreur dans l’adressage de la part des clients, dès lors que c'est A._ SA qui, en mettant à la disposition de ceux-ci une adresse en Suisse pour la commande, le paiement et le traitement des réclamations, se trouvait à l’origine de la confusion, si c’est vraiment d’une "confusion" dont il s’agit, l’opération dans son ensemble démontrant au contraire qu’absolument tout était fait pour que le client soit persuadé qu’il traitait avec une société suisse.
Sixièmement, la rémunération d'A._ SA était calculée au pro rata du nombre de commandes.
Enfin, selon les explications du prévenu (jugt, p. 29), les frais d'envois de médicaments effectués par A._ France sur instructions des mandants d'A._ SA étaient payés directement par cette dernière à la poste française.
Au vu de tous ces éléments, c'est à tort que le prévenu a prétendu que tout se déroulait à l'étranger et que, dès lors, l'art. 18 LPTh ne pouvait trouver application. En effet, les seules opérations commerciales qui n'étaient pas effectuées depuis la Suisse étaient la fabrication et l’expédition. Or, la fabrication (définie à l'art. 4 al. 1 let. c LPTh) n’est pas un élément constitutif du "commerce" au sens de l'art. 18 al. 1 let. c LPTh; il suffit de lire l'art. 87 al. 1 let. a de cette même loi qui érige en infractions distinctes la fabrication, d'une part, et le "commerce à l'étranger", d'autre part, de produits thérapeutiques (cf. ég. art. 10 al. 1 let. b et 86 al. 1 let. b LPTh). Quant à l’expédition, elle était opérée, comme on l’a vu, par une filiale ou un mandataire d'A._ SA, soit dans les deux cas par une société qui donnait suite aux instructions de J._, via son entreprise suisse. Autrement dit, mise à part la fabrication, A._ SA faisait ou commandait directement tout. Dans ces conditions, il apparaît manifeste qu'A._ SA faisait effectivement à l’étranger du commerce de médicaments à partir de la Suisse au sens de l’art. 18 al. 1 let. c LPTh; en effet, ce qui importe, c'est que la personne (physique ou morale) "poursuive un but commercial" (FF 1999, p. 3201), ce qui est le cas en l'occurrence.
Pour cette raison déjà, l'appel de M._ doit être admis et J._ condamné pour avoir fait le commerce à l'étranger de médicaments sans autorisation (art. 86 al. 1 let. a LPTh par renvoi de l'art. 87 al. 1 let. f).
4.4
M._ reproche ensuite au tribunal de n'avoir pas appliqué l'art. 27 LPTh.
Selon l'art. 27 LPTh, la vente par correspondance de médicaments est en principe interdite. Des autorisations peuvent être délivrées aux conditions fixées par l'al. 2 de cette disposition.
En l'espèce, il est établi qu’il n’y a eu ni autorisation ni demande d’autorisation. J._ a toutefois prétendu que dans la mesure où les produits litigieux étaient stockés en dehors de la Suisse et où aucun d’entre eux n’avait jamais été livré à un consommateur sur le territoire helvétique, la disposition précitée ne saurait s’appliquer faute d’un lien suffisant avec la Suisse.
On ne saurait suivre cette argumentation. Peu importe en effet que ni la provenance ni le destinataire de la marchandise n’étaient en Suisse, puisque tant l’enregistrement des commandes chez le client que la transmission des commandes et l’envoi de formules de commandes sont des opérations qui entrent dans la notion – assez large – de vente par correspondance (FF 1999, p. 3209; Bürgi, Basler Kommentar, op. cit., n. 19 ad art. 27 HMG [LPTh] et les références citées). J._ a admis avoir envoyé des formulaires de commande et de recommande à ses clients (jugt, p. 4). A cela s'ajoute, comme on l'a vu ci-avant, que c'est A._ SA qui traitait en Suisse les commandes et les paiements, donnait les instructions nécessaires pour la livraison et s’occupait du service après-vente. Cela suffit pour admettre l’existence d’une vente par correspondance en Suisse, nonobstant que la livraison soit en définitive opérée depuis un pays étranger à destination de ce même pays ou d'un autre pays étranger ou que le prévenu ne soit ni l'auteur ni l'expéditeur des publipostages adressés aux consommateurs (jugt, p. 58). Comme le relève à juste titre M._, il n’y a pas besoin de maîtriser tout le processus et l’exercice de l’une ou l’autre des étapes suffit pour tomber sous le coup de cette disposition. Au surplus, comme on l’a vu plus haut, les activités de stockage et de livraison avaient lieu sous le contrôle direct d'A._ SA, par le biais d’une filiale ou d’un mandataire.
Au vu de ces éléments, le commerce organisé par A._ SA était manifestement un commerce de médicaments par correspondance au sens de l'art. 27 LPTh, disposition dont la violation est sanctionnée à l'art. 86 al. 1 let. b LPTh (qui parle d'infraction à "d'autres dispositions de la présente loi") retenu en l'occurrence par renvoi de l'art. 87 al. 1 let. f LPTh.
4.5
M._ ne remet pas en cause l'exclusion par le premier juge de l'art. 32 al. 1 let. a et c LPTh mentionné dans l'ordonnance de renvoi en relation avec l'art. 87 LPTh.
Au demeurant, la solution du premier juge doit être confirmée. Selon l'art. 32 LPTh, sont illicites, notamment, les publicités trompeuses ou contraires à l’ordre public ou aux bonnes mœurs (let. a) ainsi que la publicité pour des médicaments qui ne peuvent être mis sur le marché en Suisse (let. c). Cette disposition ne peut trouver application que dans le cas de publicités distribuées à l’intérieur de la Suisse. Or, en l'occurrence, on constatera, avec le tribunal, que le dossier ne contient aucun élément permettant d’affirmer qu'A._ SA ait fabriqué ou distribué de la publicité ou encore qu'une activité publicitaire ait eu lieu en Suisse au sens de l'art. 32 LPTh. Une application de cette disposition dans le cas d’espèce est exclue. Le fait que le commerce d’A._ SA reposait sur des publicités illicites et sur lesquelles figuraient des adresses fournies par A._ SA ne suffit pas à retenir que cette disposition a été violée.
4.6
M._ s'en prend ensuite à l'argumentation du premier juge selon lequel, sous l’angle subjectif, il n’était de toute façon pas démontré que J._ se serait associé, selon un plan commun, à la décision de commercialiser sans autorisation des médicaments à l’étranger, partant qu’il ne saurait être considéré comme coauteur d’éventuelles infractions commises à l’étranger (jugt, p. 59).
L'appelante a raison et on ne comprend pas le raisonnement du tribunal. J._ n’a pas été renvoyé pour des infractions commises à l’étranger, mais il l’a été, sur la base de dispositions appartenant à l’ordre juridique interne suisse, pour avoir fait le commerce de médicaments à partir de la Suisse. Or, il résulte des déclarations mêmes du prévenu que la mise en place de ce système a été faite de manière parfaitement intentionnelle et élaborée. En effet, l'intéressé savait qu’une autorisation était nécessaire pour la commercialisation des médicaments puisqu’il rendait "attentifs [s]es mandants à la nécessité pour eux de vérifier que le produit [était] autorisé" (jugt, p. 12). A cela s'ajoute qu’il a été jugé en 2000 – quoique acquitté au bénéfice de la prescription – pour des faits semblables (cf. jugt, p. 26
in medio
).
4.7
Il s'ensuit que tant les éléments objectifs que subjectifs de l'infraction à l'art. 87 al. 1 let. b et f LPTh sont réalisés.
4.8
4.8.1
L'auteur agit par métier lorsqu'il résulte du temps et des moyens qu'il consacre à ses agissements délictueux, de la fréquence des actes pendant une période déterminée ainsi que des revenus envisagés ou obtenus qu'il exerce son activité coupable à la manière d'une profession, même accessoire. Il faut que l'auteur se soit, d'une certaine façon, installé dans la délinquance et qu'il aspire à obtenir des revenus relativement réguliers représentant un apport notable au financement de son genre de vie. La question doit être examinée au regard de l'ensemble des circonstances du cas concret, parmi lesquelles le nombre ou la fréquence des infractions commises pendant un laps de temps donné, l'élaboration d'un procédé ou d'une méthode, la mise au point d'une organisation, des investissements, etc. (TF 6B_140/2010 du 16 avril 2010 c. 2.1 et les références citées).
4.8.2
En l'espèce, s'il est vrai, faute d'éléments contraires, que J._ n’a acquis les actions d'A._ SA qu’en 2009 et qu'il n’a pas perçu de part aux bénéfices ni de dividende, comme il l'a expliqué en première instance (jugt, p. 27), il résulte toutefois de ses propres déclarations qu'il était administrateur de la société depuis 1997 (jugt, p. 25
in fine
) et que sa rémunération de directeur a augmenté progressivement jusqu’en 2007 (jugt, p. 27). Or, que l’on se réfère à l’art. 6 DPA (Loi fédérale sur le droit pénal administratif du 22 mars 1974, RS 313.0), applicable par renvoi de l’art. 89 LPTh, ou que l’on se réfère à l’art. 29 CP, la situation de J._ est tout à fait claire : il était, en qualité de gestionnaire, organe ou dirigeant effectif d’A._ SA – ce qu'il ne conteste pas –, la personne physique ayant commis l’acte.
Il ressort des explications de J._ qu'il s'est livré, durant des années, à l'activité litigieuse, qu'il a exercée "au quotidien" (jugt, p. 13), qu'à cette fin, il a développé toute une organisation (création de sociétés, apport de clients, aménagement de locaux, etc.), que l’activité en matière de santé représentait environ un tiers du chiffre d’affaires de la société, lequel a fluctué dans une fourchette de l’ordre de 5 à 10 millions par an (jugt, p. 4), et que ce chiffre d’affaires a notablement baissé ensuite de la présente enquête, soit que le prévenu n’ait plus voulu conclure avec certains clients dès 2008 (jugt, p. 5), soit que de nombreux clients aient été perdus pour d’autres raisons (jugt, p. 39; p. 3
supra
), ce qui ne l'a toutefois pas empêché de percevoir un salaire annuel net de l'ordre de 200'000 fr. (jugt, p. 27).
Au vu de ces éléments et de la jurisprudence précitée, la circonstance aggravante du métier est réalisée, de sorte que J._ doit être reconnu coupable de contravention par métier à la LPTh au sens de l'art. 87 al. 2 de cette loi.
4.8.3
J._ a soutenu en appel qu'il n'avait eu qu'un rôle secondaire, ayant agi tout au plus en tant que complice.
Cet argument tombe à faux. S'il est vrai qu'il n'était pas le fabriquant des produits litigieux, de sorte que ce n'était pas lui qui percevait le prix des ventes des dits produits, l'intéressé n’en était pas moins l’unique auteur de cette organisation commerciale, et c'est cette activité qui lui est reprochée dans le cadre de l’art. 87 LPTh. Il ne peut donc prétendre n’être condamné que pour complicité.
4.9
Il reste à examiner la question de la prescription.
4.9.1
A la teneur de l'art. 87 al. 5 LPTh, les contraventions se prescrivent par 5 ans. Ce délai de l'ancien droit étant un délai relatif, il résulte de la jurisprudence que la nouvelle partie générale du code pénal prévoit désormais des délais absolus et qu'aussi bien les délits que les contraventions à la LPTh se prescrivent par 7 ans (TF 6B_374/2008 du 27 novembre 2008 c. 5.2 ss; TF 6B_314/2011 du 27 octobre 2011 c. 6.1; sur la question de l'adaptation des règles de prescription ensuite de l'entrée en vigueur de la partie générale du Code pénal, cf. Dupuis et al., Petit commentaire du Code pénal, Bâle 2012, n. 15 ad art. 333 CP et les références citées, not. l'ATF 134 IV 28 c. 2.1).
4.9.2
J._ a été acquitté en première instance. Or, la notion de jugement de première instance, à partir duquel la prescription ne court plus (art. 97 al. 3 CP), vise les prononcés de condamnation et non les prononcés d'acquittement (ATF 134 IV 328 c. 2.1; cf. ég. TF 6B_242/2011 du 15 mars 2012, SJ 2012 I 314), de sorte qu'en l'espèce, la prescription n'a pas été interrompue par le jugement du 2 avril 2012. Il s'ensuit que les infractions commises avant le 15 novembre 2005 sont prescrites.
Il convient alors de déterminer la part de l’activité de J._ qui n’est pas couverte par la prescription.
Même si l'on ne dispose pas du nombre exact de médicaments effectivement vendus par l'intermédiaire d'A._ SA pendant la période incriminée, les explications du prévenu donnent une idée de l'ampleur de son activité. Celui-ci a admis, lors de son audition du 9 août 2006, qu'A._ SA distribuait "actuellement", dans le domaine des produits de la santé, une cinquantaine de produits pour environ 10 à 12 clients (PV aud. 1, D. 12, p. 4). Lors de son audition du 12 août 2008, il a encore précisé qu'il traitait en moyenne 3'000 commandes par jour et 10'000 dans "une grande journée" (PV aud. 3, p. 1), dont un tiers concernait le domaine de la santé (jugt, p. 3). Or, la vente par A._ SA, en 2006, de seulement cinq produits différents totalisant 1'913 commandes a généré un chiffre d'affaires de 59'334 fr. (pièce 54, annexe 1), soit 31 fr. par commande (ce qui correspond, à quelques centimes près, au prix par commande traitée en 2005 [642'363 fr. 50 : 20'855 produits = 30 fr. 80];
ibidem
).
Sur la base de ce qui précède, il ne fait aucun doute que l'activité d'A._ SA en matière de santé s'est étendue au-delà du 15 novembre 2005, ce qui ressort d'ailleurs également clairement de la perquisition d'août 2006 dans les locaux d'A._ SA à Nyon (pièces 22/2, 22/3 et 28) et des déclarations ultérieures du prévenu, qui a admis en première instance que la résiliation du contrat d'avec le client [...] n'était intervenue qu'en 2008 (jugt, p. 5) et que [...] était encore "aujourd'hui" une mandante d'A._ SA.
Reste toutefois à établir quels sont les médicaments dont la commercialisation illicite n'est pas prescrite. Tout d'abord, il convient de déduire des 49 produits qui, après examen par le Dr. [...] (pièce 46), ont été qualifiés de médicaments par M._ (cons. 4.2.2 ci-avant) les 20 produits pour lesquels cette dernière a abandonné l'accusation en raison de la prescription (jugt, pp. 15 et 40; pièce 93), ce qui donne un total de 29 produits, dont la liste figure au considérant 2.2 ci-avant (p. 14).
Comme on l'a vu ci-dessus (cons. 4.2.2), plusieurs dizaines d'autres produits ont été présentés à la vente comme médicaments. Or, si la plupart des publipostages concernant ces produits ne permettent pas de statuer sur la prescription, faute pour ces publicités ou bulletins de commande qu'elles contiennent d'être datés, il en existe en tout cas 4 sur lesquels figure (en haut à gauche) l'indication "Bon de recommande" ou son abréviation (en majuscules) "BDR" suivie d'une date postérieure au 15 novembre 2005 (pièce 43, annexe); il s'agit des produits dénommés Arthro-Vie, T'Chi-Patch, Cure Myrtille Bleue et Ginger-Patch, qui doivent donc également être retenus.
A ceux-là s'ajoutent encore 10 produits dont la documentation – qui a fait l'objet de plaintes ou dénonciations postérieurement à la date précitée – a été transmise au magistrat instructeur soit par la Pharmacienne cantonale vaudoise, soit par M._, à savoir : Gotulitho (pièce 31), Bioveinol (pièce 48), Cure de Rhodiola rosea, Cure de pulpe pure d'Aloe vera et Cure de jeunesse Ayur Veda (pièce 51), Arthrotextil (pièce 52), Das Blaue Gold et Oliva (pièce 53), Baume du Siam au Ginseng (pièce 58), ainsi que Flex 3 (pièce 61/1).
Enfin, il convient de retenir, parmi les plaintes et dénonciations (réclamations) versées au dossier par le P._ (pièces 23, 59/1, 60, 86 et classeurs 2 et 3), celles déposées postérieurement au 15 novembre 2005 et portant, à tout le moins, sur les 18 produits suivants : Biortisone, Eau de colon, Yarsagumba, Extraveinol, Botoslim, Hepatonic, Huile d'Argan, Sulfagic, Dolo-Contact, Derma-Tonic, Renocare, Hydrocare, Glucoman 425, Cartilage de raie, Ashwagandha, Actif iH et Glutathion (figurant tous à la pièce 86), ainsi que Skinly (classeur 3/XXI). Le fait que le Juge d'instruction ait, dans son ordonnance de renvoi du 23 décembre 2010, déclaré que la plainte du P._ du 17 août 2006 était tardive s'agissant des réclamations de tierces personnes antérieures au 16 mai 2006 est sans pertinence pour statuer sur la question de la prescription de l'infraction à l'art. 87 LPTh, dans la mesure où le non-lieu qui a été prononcé (désormais définitif) ne concerne que les infractions à la LCD reprochées au prévenu
4.10
En définitive, l'appel de M._ doit être admis et J._ condamné pour contravention par métier à la LPTh au sens de l'art. 87 al. 1 et 2 LPTh pour avoir violé les art. 18 al. 1 let. c et 27 de cette loi.
Il sera statué ci-après (cons. 6) sur la peine à prononcer.
5.
Le P._ conclut à ce que J._ soit reconnu coupable d'infraction à la LCD pour avoir enfreint l'art. 3 let. b, c, d, h et i de cette loi.
5.1
Selon l'art. 10 al. 3 LCD, la Confédération peut intenter les actions prévues à l'art. 9 al. 1 et 2 LCD "si elle le juge nécessaire à la protection de l'intérêt public", notamment lorsque "la réputation de la Suisse à l'étranger est menacée ou subit une atteinte et les personnes dont les intérêts économiques sont touchés résident à l'étranger" (let. a).
En l'espèce, ces conditions sont réalisées. En effet, les clients qui ont dénoncé les cas à la police, aux administrations communales, aux pharmaciens cantonaux ou directement aux procureurs sont domiciliés à l’étranger et le caractère manifestement abusif ou trompeur d’une partie au moins des publipostages incriminés, ne serait-ce qu’au regard de la domiciliation fictive en Suisse du laboratoire fabriquant les produits, est de nature à mettre en danger la réputation de la Suisse à l’étranger. La Confédération, par l’intermédiaire du P._, est donc habilitée à agir, et à recourir (cf. ATF 126 III 198 c. 1a; Message concernant la modification de la loi fédérale contre la concurrence déloyale, FF 2009 p. 5539, spéc. p. 5554).
5.2
L’activité déployée par A._ SA consistant à faire le commerce de médicaments à l’étranger depuis la Suisse est illicite, comme cela a été constaté plus haut. A cela s'ajoute que les prestations offertes étaient purement fallacieuses, puisque la documentation relative à ces produits, qui en principe font l'objet d'un marché, faisait croire aux consommateurs que dits produits possédaient des vertus thérapeutiques ou de bien-être précises et qu'ils étaient conformes aux exigences de santé publique (cf. cons. 2.3 p. 15 ci-avant). La question de savoir si la LCD s’applique en présence d’un marché qui ne devrait pas exister car illicite est discutée (cf. ATF 126 III 123 c. 2c/bb, où le Tribunal fédéral le conteste; contra Killias in SIC ! 2000, p. 320). En l’espèce, la question peut rester ouverte.
Si acte de concurrence déloyale il y a, celui-ci ne résulte en effet pas de la vente des médicaments mais de la diffusion des publipostages qui vantent les compositions, les qualités et les effets bénéfiques sur la santé. Or, il n’est pas établi qu’A._ SA ait envoyé les publipostages litigieux. Il résulte d’ailleurs des enveloppes au dossier que ces envois se faisaient depuis les pays concernés (France et Allemagne, principalement), non depuis la poste suisse, à destination de pays étrangers. Il n’est pas non plus établi que des publipostages aient été expédiés de Suisse ou reçu en Suisse, ni qu’A._ SA ou J._ ait participé de quelque manière que ce soit à la création et à l’envoi de ces publipostages. Le seul fait pour A._ SA d’avoir fourni une adresse en Suisse pour l’envoi des commandes dont elle savait qu’elle ne correspondait ni au lieu de fabrication, ni au domicile du fabricant, ni même au lieu d’expédition, et d’avoir consenti à ce que dite adresse figure sur les publipostages litigieux ne peut suffire à justifier d’une application de la LCD. La situation est ainsi différente de celle du jugement du Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne cité par le P._ (appel, p. 3
in fine
), où l'activité de l'intéressé consistait, notamment, à élaborer des mailings ou publipostages (jugement précité, p. 14). Dans ces conditions, une condamnation de J._ pour concurrence déloyale est exclue, comme l’a constaté à juste titre le premier juge.
Partant, mal fondé, le moyen doit être rejeté et, avec lui, l'appel du P._.
6.
Le prévenu étant en définitive reconnu coupable de contravention par métier à la LPTh, la cour de céans doit statuer sur la peine.
6.1
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (TF 6B_335/2012 du 13 août 2012 c. 1.1 et les références citées).
Selon l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire, d'un travail d'intérêt général ou d'une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits. Le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. En l'absence de pronostic défavorable, il doit accorder le sursis. Celui-ci est ainsi la règle, dont le juge ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable ou hautement incertain (
ATF 134 IV 1
c. 4.2.2 p. 5).
6.2
En l'espèce, la culpabilité de J._ est importante. Tout d'abord, son activité illicite s’est poursuivie sur plusieurs années. Même en tenant compte de la prescription pour les faits antérieurs au 15 novembre 2005, il ressort du dossier que plus de 60 médicaments différents ont été commercialisés au-delà de cette date (cons. 4.9.2 ci-avant).
Le prévenu, qui savait, ensuite de difficultés rencontrées antérieurement, que son commerce pouvait poser des problèmes, a fui ses responsabilités en disant à ses clients (étrangers) que c’était à eux de déterminer si leur commerce était licite ou non.
Il n’a par ailleurs pas interrompu son activité lorsque M._ est intervenue en 2006 ni lorsque la présente enquête a été ouverte, certains médicaments étant encore commercialisés en 2011 (pièce 86, annexe; cf. ég. jugt, p. 16), ce qui dénote une prise de conscience faible, voire inexistante.
Même si le dossier ne permet pas, faute d’une comptabilité analytique, de déterminer précisément les chiffres d’affaires et bénéfices réalisés dans le cadre du commerce illicite, force est de constater que les montants en jeu sont conséquents. Certes, il faut tenir compte, ici encore, des faits prescrits ainsi que des produits de santé non concernés par la LPTh., On constate, sur la base des propres déclarations du prévenu (jugt, p. 4), que les chiffres d’affaires annuels sont de l’ordre de 5 à 10 millions de francs, dont un tiers concernait le domaine de la santé (
ibidem
). Sachant que chaque vente de médicaments rapportait plus de 30 fr. à A._ SA (cons. 4.9.2 ci-avant), ces chiffres donnent une idée de l’ampleur du commerce.
J._ a justifié le nombre de ses adresses commerciales par la réception de 10'000 commandes par jour en 2006 et 3'000 en 2008 (PV aud. 1, D. 14; PV aud. 3, p. 1). En estimant à un tiers le nombre de produits relevant du domaine de la santé, le nombre de commandes tombant sous le coup de l’art. 18 LPTh était donc de l’ordre de 3'000 par jour en 2006 et 1'000 en 2008.
A cela s'ajoute que ce ne sont pas moins de 21 clients (mandants) – dont la liste figure au considérant 2.3 ci-avant (p. 16) – qui étaient en relations contractuelles avec la société du prévenu, seuls étant finalement retenus ceux qui ont fait l'objet de plaintes (postérieures au 16 mai 2006 [cons. 2.3 ci-avant, p. 15
in fine
]) versées au dossier par le P._ (ATF 126 III 198 précité c. 1a; sont dès lors exclues de ladite liste les entités mentionnées exclusivement aux pièces 31, 43, 46, 48, 51, 52, 53, 58, 61/1 et 93).
Enfin, on relèvera que même si la santé du public n’a pas été mise en danger au sens de l’art. 86 LPTh, la commercialisation sur une grande échelle de pseudo-médicaments sur la base de promesses mirifiques et mensongères est de nature à léser une grande quantité de clients crédules et démunis, le but de l’opération n'étant, en l'occurrence, que d’augmenter le chiffre d’affaires et le gain de la société.
Au vu de ce qui précède,
une peine pécuniaire de cent vingt jours-amende (art. 34 CP) est adéquate pour réprimer le comportement du prévenu (
ATF 134 IV 82 c. 4.1; TF 6B_541/2007 du 13 mai 2008), le montant du jour-amende étant fixé à 30 fr., vu la situation financière de l'intéressé (p. 3 ci-avant).
Compte tenu de l'absence d'antécédents du prévenu, acquitté lors de son précédent jugement en raison de la prescription, et de la cessation des activités de sa société dans le domaine de la santé, société dont il n'est plus ni administrateur, ni employé (
ibidem
), le risque de récidive, s'il n'est pas nul, peut être considéré comme faible. Il convient dès lors d'assortir la peine pécuniaire du sursis et de fixer le délai d'épreuve à trois ans.
Vu le caractère particulièrement économique de l'activité en cause, il se justifie de prononcer, en sus de la peine pécuniaire avec sursis, une amende de 7'000 fr. à titre de sanction immédiate (art. 42 al. 4 CP), la peine privative de liberté de substitution en cas de non-paiement étant fixée à septante jours (art. 106 al. 2 CP).
7.
Il reste à statuer sur le sort des frais de la procédure et sur la question de l'indemnité de l'art. 429 CPP.
7.1
La libération de J._ des chefs d'accusation de contravention aux dispositions concernant les raisons de commerce, de contravention à la loi vaudoise sur la santé publique et d'exercice illégal d'une profession de la santé (jugt, pp. 61 s.) n'a pas donné lieu à des mesures d'instruction particulières et donc à des frais particuliers. En revanche, sa libération des autres chefs d'accusation (infraction par métier à la LPTh, infraction à la LPTh, contravention à la LPTh – accusations que le Ministère public a abandonnées lors des débats de première instance [jugt, p. 41] – et infraction à la LCD) ne correspond pas à une réduction des actes d'instruction nécessités par le jugement des faits de la cause. Enfin, s'agissant de l'infraction de contravention par métier à la LPTh dont le prévenu a été reconnu coupable (cons. 4.9 ci-avant), le fait qu'une partie de l'activité litigieuse soit couverte par la prescription (cons. 4.9.2 ci-avant) ne fait pas obstacle à la mise à sa charge des frais. Dans ces circonstances, il convient, après déduction des frais en rapport avec la disjonction de cause ordonnée aux débats du 27 octobre 2011 (jugt, pp. 21 s.), de mettre à la charge du prévenu, en application de l'art. 426 al. 1, 1
ère
phrase, CPP, la moitié des frais de première instance, par 4'000 francs.
7.2
J._ conclut au paiement d'une indemnité au sens de l'art. 429 al. 1 let. a CPP correspondant à 480 heures de travail pour la procédure de première instance (appel, p. 5).
Aux termes de cette disposition, si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s’il bénéficie d’une ordonnance de classement, il a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l’exercice raisonnable de ses droits de procédure. L'autorité pénale examine d'office les prétentions du prévenu. Elle peut enjoindre à celui-ci de les chiffrer et de les justifier (al. 2).
En l'espèce, le total de 480 heures est à l'évidence excessif. Tout d'abord, si rien n’interdit à une partie de se faire assister de deux, voire trois conseils, on ne saurait considérer, à ce stade, qu’il s’agisse alors de l’exercice "raisonnable" des droits de procédure. Ensuite, s’il est vrai, d'une part, que le dossier est particulièrement volumineux en raison de la production de tous les publipostages concernant les médicaments incriminés et que, d'autre part, les questions de droit à résoudre sortent du cadre habituel, les problèmes de fait et de droit posés par cette affaire ne sont toutefois pas d’une complexité telle qu’ils peuvent justifier un investissement en temps de cette ampleur. Au surplus, une partie importante du travail effectué dans cette affaire – et qui se trouve notamment à l’origine des divers recours au Tribunal d’accusation puis à la Chambre des recours pénale –, concerne le volet "voyance" du dossier, qui a été disjoint de la présente cause et n'a pas encore été jugé. Enfin, la décision prise ci-dessus s'agissant des frais impliquerait encore la réduction de moitié d'une éventuelle indemnité.
Quoiqu'il en soit, la question du montant de l'indemnité à allouer au prévenu, qui pourrait tout au plus correspondre à une centaine d'heures de travail pour la première instance (abstraction faite de la réduction ou du refus de l’indemnité selon les art. 429 et 430 CPP), peut être laissée ouverte. En effet, il ressort du jugement attaqué (p. 41) que le Président du tribunal de première instance a, conformément aux exigences de l’art. 429 al. 2 CPP précité (cf. TF 1B_475/2011 du 11 janvier 2012; cf. ég. TF 1B_114/2011 du 11 avril 2011), interpellé le prévenu au terme de l’instruction. Celui-ci, assisté de deux mandataires professionnels, s’est contenté de réserver ses droits et n’a formulé aucune conclusion à cet égard, ni à ce moment-là, ni au cours des plaidoiries (jugt, p. 42). Dans ces conditions, aucun reproche ne saurait être formulé à l’encontre du premier juge en relation avec son devoir d’instruire d’office la question des prétentions ad art. 429 CPP. Comme la doctrine l'indique (Schmid, Handbuch des Schweizerischen Strafprozessrechts, St-Gall 2009, n. 1819, p. 836; Wehrenberg/Bernhard, in: Basler Kommentar, op. cit., n. 31 ad art. 429 CPP), la partie libérée peut renoncer à sa prétention. En l'espèce, en se réservant de faire valoir ses droits ultérieurement sans obtenir, ni même requérir, l’application de l’art. 342 CPP, le prévenu doit être tenu pour avoir renoncé à ses droits sur ce point, de telle sorte que son appel sur cette question doit être rejeté dans la mesure où il est recevable.
Mal fondé, le moyen doit donc être rejeté et, avec lui, l'appel de J._.
8.
Le premier juge a ordonné la levée du séquestre et la restitution des objets séquestrés sous fiche n° 2650.
Aux termes de l'art. 69 CP, alors même qu'aucune personne déterminée n'est punissable, le juge prononce la confiscation d'objets qui ont servi ou devaient servir à commettre une infraction ou qui sont le produit d'une infraction, si ces objets compromettent la sécurité des personnes, la morale ou l'ordre public (al. 1). Le juge peut ordonner que les objets confisqués soient mis hors d'usage ou détruits (al. 2).
Lors de la perquisition d'août 2006 dans les locaux d'A._ SA à Nyon (pièces 22/2, 22/3 et 28), des médicaments ainsi que divers documents et un CD ont été saisis. Les médicaments doivent être confisqués et détruits en application de la disposition précitée, dès lors qu'ils ont servi à commettre une infraction,
la prescription concernant la commercialisation d'une partie de ces produits ne faisant pas obstacle à leur confiscation (
Dupuis et al., op. cit., n. 16 ad art. 69 CP et les références citées)
. Quant aux documents et au CD saisis, ils seront versés au dossier comme pièces à conviction.
Le chiffre II du dispositif du jugement attaqué sera dès lors modifié dans ce sens.
9.
Il ressort du chiffre III dudit dispositif que le premier juge a donné acte de leurs réserves civiles aux plaignants X._ et W._ et ce, en raison de "l'acquittement du prévenu" (jugt, p. 62
in fine
).
Bien que la solution retenue par la cour de céans sur le fond diffère de celle du tribunal de première instance, J._ étant en définitive condamné pour contravention par métier à la LPTh, il n'y a pas lieu de modifier le ch. III précité du dispositif du jugement entrepris, dès lors que les plaignants n'ont pas fait appel.
10.
En conclusion, l'appel de M._ est admis et le jugement attaqué modifié dans le sens des considérants qui précèdent. Les appels du P._ et de J._ sont rejetés.
11.
11.1
Vu l'issue de la cause, les frais de la procédure d'appel, par 5'100 fr., sont mis par deux tiers à la charge de J._, soit 3'400 fr., le solde étant laissé à la charge de l'Etat (cf. art. 20 al. 1 et 2 TFJP – Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1). Ils comprennent les frais de la décision de la cour de céans du 2 juillet 2012 (par 770 fr.) mis à la charge du prévenu dans la même proportion, soit 513 fr. 35.
11.2
J._ a été représenté en procédure d'appel par un avocat de choix. Conformément à ses conclusions, le prénommé, acquitté en partie, a droit, à la charge de l'Etat, à une indemnité selon l'art. 429 al. 1 let. a CPP pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure en appel, étant précisé qu'il a été enjoint par la cour de céans à chiffrer ses prétentions en application de l'art. 429 al. 2, 2
ème
phrase, CPP (p. 4 ci-avant).
Le conseil du prévenu a produit une liste des opérations effectuées en deuxième instance totalisant 131 heures 30. Ce quantum est trop élevé. Plus particulièrement, il est injustifié de facturer les opérations découlant de la rédaction de l'"appel joint" du 29 mai 2012, soit plus de 10 heures, dans la mesure où celui-ci a été déclaré irrecevable, et de se prévaloir d'avoir consacré plus de 40 heures aux recherches et la préparation de l'audience d'appel, alors que le mandataire possédait déjà une connaissance exhaustive du dossier ensuite des débats de première instance. A cela s'ajoute, comme déjà rappelé ci-dessus (cons. 7.2 ci-avant), qu'il ne se justifie pas de financer le travail de plusieurs conseils. Vu l'ampleur et la complexité de la cause ainsi que la connaissance du dossier acquise en première instance, l
es opérations effectuées postérieurement au jugement entrepris n'impliquaient nullement une activité supérieure à 30 heures.
Or, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, il existe un parallélisme entre la mise à la charge du prévenu des frais de procédure selon l’art. 426 CPP et le remboursement de ses frais d'avocat, en ce sens que si les frais de procédure sont mis à la charge du prévenu, il ne peut lui être alloué d’indemnité, tandis que lorsque les frais sont laissés à la charge de l’Etat, le prévenu a droit à une indemnité (ATF 137 IV 352 c. 2.4.2 et les références citées).
En l'espèce, les frais d'appel ayant été mis par deux tiers à la charge du prévenu, il y a lieu, conformément à la jurisprudence précitée, de réduire dans la même proportion l'indemnité allouée. C'est donc une somme de 2'700 fr. correspondant à 10 heures de travail à 270 fr. l'heure qui doit être allouée pour la procédure d'appel.
11.3
En vertu de l'art. 442 al. 4 CPP, les autorités pénales peuvent compenser les créances portant sur des frais de procédure avec les indemnités accordées à la partie débitrice dans la même procédure pénale.
Il convient en l'occurrence de faire application de cette disposition et d'effectuer une compensation entre l'indemnité allouée à J._, par 2'700 fr., d'une part, et les frais de première et deuxième instances mis à sa charge, d'un total de 7'473 fr. 35 (4'000 fr. + 3'473 fr. 35), d'autre part. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
28abb7e1-a6a0-4e55-a8dc-36cdfdbd645c | En fait :
A.
Par jugement du 30 mai 2011, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a notamment acquitté F._ des chefs d’accusation de fabrication et de mise sur le marché d’équipements servant à décoder frauduleusement les services cryptés, d’infraction à la loi sur la concurrence déloyale, de violation par métier du droit d’auteur et de violation par métier des droits voisins (I), acquitté M._ des chefs d’accusation de fabrication et de mise sur le marché d’équipements servant à décoder frauduleusement les services cryptés, d’infraction à la loi fédérale sur la concurrence déloyale, de violation par métier du droit d’auteur et de violation par métier des droits voisins (II), donné acte de leurs réserves civiles à R._, P._, S._ et L._ (IV), dit qu'F._ et M._, solidairement entre eux, doivent verser à R._, P._, S._ et L._, solidairement entre elles, la somme de 10'926 fr. à titre de dépens pénaux (V) et mis les frais de justice arrêtés à 1'389 fr. 85 à la charge d'F._, arrêtés à 694 fr. 85 à la charge de M._ et arrêtés à 694 fr. 85 à la charge de [...] (IX).
Statuant sur les appels déposés contre ce jugement par M._ et F._, d'une part, et les plaignantes, d'autre part, la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal vaudois a, par jugement du 9 décembre 2011, rejeté celui des premiers et partiellement admis celui des secondes. Elle a modifié le jugement du 30 mai 2011 en ce sens qu'elle a condamné M._ et F._ pour infraction à la loi contre la concurrence déloyale à une peine de 120 jours-amende, respectivement, 60 jours-amende, à 30 fr. le jour, avec sursis pendant deux ans, dit que F._ était débiteur des plaignantes, solidairement entre elles, de la somme de 104'000 francs au titre de remise de gain avec intérêts à 5% dès la date du jugement (II), mis les frais d'appel à la charge de M._ et F._, à raison d'un quart chacun, laissant le solde à la charge de l'Etat (III) et mis à la charge de ces derniers, solidairement entre eux, une indemnité à titre de dépens de 4'631 francs 95 à verser au conseil des plaignantes (IV).
Par arrêt du 11 octobre 2012, la Cour de droit pénal du Tribunal fédéral a admis le recours formé par M._ et F._ au motif que l'infraction à la loi contre la concurrence déloyale n'était pas réalisée, annulé l'arrêt entrepris et renvoyé la cause à l'autorité cantonale pour qu'elle statue à nouveau sur les prétentions civiles et les frais et dépens des instances cantonales (arrêt 6B_156/2012). Par un second arrêt du même jour, la cour de céans a rejeté le recours des plaignantes tendant à ce que M._ et F._ soient condamnés pour infraction à la loi sur le droit d'auteur (TF 6B_167/2012).
Statuant après renvoi, la Cour d’appel pénale du Tribunal cantonal vaudois, par jugement du 31 janvier 2013, a confirmé le jugement de première instance du Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne du 30 mai 2011 en tant qu’il acquittait M._ et F._ des infractions qui leur étaient reprochées, donnait acte aux plaignantes de leurs réserves civiles, condamnait M._ et F._ à verser aux plaignantes une somme de 10’926 fr. à titre de dépens pénaux et mis les frais de justice de première instance arrêtés à 1'389 fr. 85 à la charge de F._, arrêtés à 694 fr. 85 à la charge de M._ et arrêtés à 694 fr. 85 à la charge de [...] (CAPE 37/2013).
B.
Par arrêt du 19 juillet 2013, la Cour de droit pénal du Tribunal fédéral a admis partiellement le recours de M._ et F._, annulé le jugement de la Cour d’appel pénale du 31 janvier 2013 en tant qu’il refuse toute indemnité à titre de dépens aux recourants et renvoyé la cause à l’autorité cantonale pour qu’elle statue à nouveau. Elle a rejeté le recours pour le surplus
(TF 6B_439/2013).
En bref, la Haute cour a relevé qu’il appartenait à la Cour cantonale d’accorder une indemnité partielle aux recourants, réduite dans la même proportion que celle qui avait présidé à la répartition des frais, en l’absence de motifs permettant d’exclure l’octroi de toute indemnité.
Invités à déposer des déterminations suite à l’arrêt du Tribunal fédéral, M._ et F._ estiment qu’il convient de se fonder sur un montant de 21'777 fr. pour M._ et de 44'537 fr. pour F._ avant de déduire 1/6 à charge du premier et 1/3 à charge du second. Invité à produire sa liste d’opérations pour la procédure de première instance, leur défenseur d’office a arrêté ses honoraires à un total de 26'115 fr. 30, TVA et débours inclus.
Dans leur écriture du 4 septembre 2013, les plaignantes considèrent qu’elles ne sauraient être condamnées à verser des dépens à M._ et F._, dès lors qu’aucune négligence ni témérité ne saurait leur être reprochée. Elles s’en remettent à justice s’agissant de l’indemnisation des prévenus à la charge de l’Etat.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
F._ est propriétaire de deux magasins [...] Sàrl à [...] et [...] à [...], spécialisés dans la vente et l’installation de paraboles et récepteurs satellites permettant de capter les chaînes de télévision mondiale, cryptées ou non. Il a pour associé M._.
2.
En substance, il est reproché à F._ et M._ d’avoir modifié des décodeurs de manière à ce qu'ils puissent décrypter des programmes de télévision payante, sans souscrire l'abonnement y relatif auprès de celui qui les diffuse, et de les avoir vendus à des tiers pour en tirer un profit. Ils ont agi de la sorte entre 2006 et décembre 2007, par le biais des magasins de F._. | En droit :
1
. L'autorité à laquelle la cause est renvoyée doit fonder sa décision sur les considérants en droit de l'arrêt du Tribunal fédéral (Corboz, in Corboz/Wurzburger/Ferrari/Frésard/Aubry Girardin, Commentaire de la LTF, Berne 2009, nn. 26 et 27 ad art. 107 LTF, p. 1078). Elle voit donc sa cognition limitée par les motifs de l’arrêt de renvoi, en ce sens qu’elle est liée par ce qui a déjà été jugé définitivement par le Tribunal fédéral et par les constatations de fait qui n’ont pas été attaquées devant lui. La juridiction cantonale n’est libre de sa décision que sur les points qui n’ont pas été tranchés par l’arrêt de renvoi ou dans la mesure où elle se fonde sur des faits complémentaires établis postérieurement à l’arrêt (ATF 133 III 201 c. 4.2 ; ATF 131 III 91 c. 5.2 et les arrêts cités).
La seule question litigieuse est celle de l’indemnité à titre de dépens qu’il convient d’octroyer aux appelants pour la procédure de première instance, étant relevé que les dépens de la procédure d’appel n’ont pas été contestés devant
le Tribunal fédéral et qu’il n’y a donc pas lieu d’y revenir (TF 6B_439/2013 du
19 juillet 2013, c. 4).
2.
Les appelants réclament chacun une indemnité de 12'000 fr. et F._ réclame une indemnité complémentaire de 22'760 francs. Le 2 octobre 2013, Me Pierre-Olivier Wellauer a transmis sa note d’honoraires et débours qui concerne les opérations de première instance d’octobre 2007 à mai 2011. L’avocat chiffre ses honoraires à 24'000 fr., auxquels il convient d’ajouter
247 fr. 50 de débours ainsi que la TVA, soit un total de 26'115 fr. 30. Il ne mentionne toutefois aucun chiffre relatif à chaque opération effectuée, que ce soit en temps ou en coût. On ne sait donc pas à quoi correspond l’indemnité complémentaire de 22'760 fr., qui ne peut dès lors être octroyée faute de motivation suffisante à ce sujet et ce malgré l’interpellation de l’autorité de céans.
2.1
Selon l'art. 426 al. 2 CPP, lorsque la procédure fait l'objet d'une ordonnance de classement ou que le prévenu est acquitté, tout ou partie des frais de procédure peuvent être mis à sa charge s'il a, de manière illicite et fautive, provoqué l'ouverture de la procédure ou rendu plus difficile la conduite de celle-ci.
Aux termes de l'art. 429 al. 1 let. a CPP, si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s'il bénéficie d'une ordonnance de classement, il a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure. L'autorité pénale peut toutefois réduire ou refuser l'indemnité si le prévenu a provoqué illicitement et fautivement l'ouverture de la procédure ou a rendu plus difficile la conduite de celle-ci (art. 430 al. 1 let. a CPP).
Une mise à charge des frais selon l'art. 426 al. 1 et 2 CPP exclut en principe le droit à des dépens. La question des dépens doit être tranchée après la question des frais. Dans cette mesure, la décision sur les frais préjuge de la question des dépens. Il en résulte qu'en cas de condamnation aux frais, il n'y a pas lieu d'octroyer de dépens ou de réparer le tort moral alors que, lorsque les frais sont supportés par le caisse de l'Etat, le prévenu dispose d'un droit à des dépens. Lorsque la condamnation aux frais n'est que partielle, la réduction de l'indemnité devrait s'opérer dans la même mesure. Ainsi, lorsque les frais de procédure sont mis pour moitié à la charge de l'Etat en raison de l'acquittement du prévenu, l'octroi d'une demi-indemnité à titre de dépens est appropriée (ATF 137 IV 352 c. 2.4.2 et les réf. citées).
L’art. 432 CPP dispose, quant à lui, que le prévenu qui obtient gain de cause peut demander à la partie plaignante une juste indemnité pour les dépenses occasionnées par les conclusions civiles (al. 1). Lorsque le prévenu obtient gain de cause sur la question de sa culpabilité et que l’infraction est poursuivie sur plainte, la partie plaignante ou le plaignant qui, ayant agi de manière téméraire ou par négligence grave, a entravé le bon déroulement de la procédure ou a rendu celle-ci plus difficile peut être tenu d’indemniser le prévenu pour les dépenses occasionnées par l’exercice raisonnable de ses droits de procédure (al. 2).
Ainsi, le législateur a conçu une réglementation prévoyant une possibilité d'indemniser le prévenu acquitté. Il se déduit de l'art. 429 al. 1 let. a CPP que les frais de défense relatifs à l'aspect pénal sont en principe mis à la charge de l'Etat (voir Message du 21 décembre 2005 relatif à l'unification du droit de la procédure pénale, FF 2006 1313 ad art. 437 et 1314 ad art. 440 du projet). Il s'agit d'une conséquence du principe selon lequel c'est à l'Etat qu'incombe la responsabilité de l'action pénale (ATF 139 IV 45 c. 1.2).
2.2
Au regard de la nature et de l’importance de la cause, des difficultés que celle-ci a présentées en fait et en droit, du temps que l’avocat lui a consacré, des opérations indiquées dans la note du 2 octobre 2013 et nécessaires au traitement de l’affaire, du nombre de conférences, audiences et rédactions de recours et de la durée de la procédure, on peut admettre que le mandataire a dû consacrer, en première instance, 20 heures de travail pour chacun des prévenus. A défaut de tarif horaire indiqué par l’avocat, on peut arrêter celui-ci à 300 francs (TF 6B_392/2013 du 4 novembre 2013), ce qui correspond à 6'000 fr. pour chacun des appelants. Au regard des fautes commises et conformément à la répartition des frais de première instance, l’indemnité de F._ doit être réduite d’un tiers et donc arrêtée à 4'000 fr. alors que celle de M._ doit être réduite d’un sixième et donc fixée à 5'000 francs. Il convient d’ajouter à ces montants 125 fr. à titre de débours pour chacun des appelants, ainsi que la TVA.
3.
En définitive, l’appel de M._ et F._ doit être partiellement admis, en ce sens qu’ils ont droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l’exercice raisonnable de leurs droits de procédure. Le jugement de première instance doit dès lors être réformé dans ce sens.
Les frais de la procédure d’appel qui s’est tenue après l’arrêt du Tribunal fédéral, constitués uniquement d’un émolument d’arrêt de 990 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFJP [tarif des frais judiciaires pénaux; RSV 312.03.1]), doivent être laissés à la charge de l’Etat. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
28b69da2-3887-4c05-a529-09c7485cef41 | En fait :
A.
Par jugement du 24 mai 2011, le Tribunal de police de l’arrondissement de l'Est vaudois a condamné J._ pour escroquerie d'importance mineure et faux dans les titres à une peine pécuniaire de 15 jours-amende, avec sursis pendant deux ans, ainsi qu'à une amende de 2'000 fr. (I), fixé le montant du jour-amende à 50 fr. (II), dit qu'en cas de non paiement fautif de l'amende, la peine privative de liberté de substitution sera de vingt jours (III), dit que J._ est la débitrice de P._SA de la somme de 84 fr. à titre de dommages et intérêts ainsi que de 2'300 fr. à titre de dépens pénaux (IV) et mis les frais de la cause, par 5'790 fr. 60, incluant l'indemnité de son défenseur d'office, par 2'775 fr. 60, TVA et débours compris, à la charge de J._ (V).
B.
Par acte déposé le 3 juin 2011, J._ a formé appel contre le jugement précité.
Par déclaration d'appel motivée du 29 juin 2011, l'appelante conclut principalement à l'annulation des chiffres IV et V, subsidiairement à ce que les dépens pénaux à sa charge soient fixés à 230 fr. et les frais, y compris l'indemnité de son conseil d'office, à 579 fr., plus subsidiairement que la condamnation aux dépens pénaux de 2'300 fr. et celle aux frais de 5'790 fr. 60, y compris l'indemnité de son conseil d'office, soient assorties du sursis pendant deux ans.
Le Ministère public n'a pas présenté une demande de non-entrée en matière et n'a pas formé d'appel joint.
Par courrier du 29 août 2011, la Présidente de la Cour d'appel pénale a informé l'appelante que son appel serait d'office traité en procédure écrite en application de l'art. 406 al. 1 CPP.
Par acte déposé le 23 septembre 2011, P._SA a conclu au rejet de l'appel interjeté par J._.
Par courrier du 21 septembre 2011, le Ministère public a informé la Cour de céans qu'il n'entendait pas déposer de déterminations.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
J._ est née le 13 septembre 1969 au Portugal, pays dont elle est ressortissante. Elle est au bénéfice d'un permis C, est mariée et mère d'un enfant, né le 20 mars 1993. Elle exerce la profession de vendeuse auprès de la société [...] Sàrl et réalise un salaire mensuel net de 4'025 francs. En sus de ce revenu, la prévenue perçoit mensuellement en faveur de son fils les allocations familiales d'un montant de 250 fr. ainsi qu'une contribution d'entretien s'élevant à 850 francs. L'intéressée participe à l'entretien de son fils qui poursuit des études à l'Ecole d'horlogerie de Genève. Son époux touche, quant à lui, un revenu mensuel net de 4'954 fr. 85. Le total des revenus de la famille se monte à 10'079 fr. 85. Leurs charges mensuelles, y compris leur loyer qui se monte à 2470 fr., s'élèvent à 9'483 fr. 25.
Son casier judiciaire suisse comporte une inscription. L'intéressée a été condamnée le 30 novembre 2006 par le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de l'Est vaudois pour faux témoignage à une peine privative de liberté d'un mois, avec sursis pendant deux ans.
2.
Le 10 mars 2009, à la boutique [...] à Montreux, J._, vendeuse, a encaissé auprès d'une cliente le montant de 462 fr., correspondant à l'achat de divers vêtements. Elle a remis une quittance n° 124134 à la cliente avec la somme précitée et a établi une fausse quittance n° 124138 destinée à la comptabilité du magasin. Sur cette deuxième quittance, la prévenue a ajouté différents rabais d'un montant total de 84 francs. Elle a ainsi pu s'approprier ce montant sans que rien n'apparaisse lors du contrôle de la caisse ou de la comptabilité. | En droit :
1.
Interjeté en temps utile (art. 399 al. 1 et 3 CPP), l'appel satisfait en outre aux exigences de motivation prévues à l'art. 399 al. 3 et 4 CPP, de sorte qu'il est recevable en la forme.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
En l'espèce, l'appelante ne conteste ni sa condamnation à une peine pécuniaire ainsi qu'à une amende, ni l'état de fait tel qu'il a été retenu par l'autorité de première instance. L'appel de J._ porte uniquement sur sa condamnation aux frais de procédure, y compris l'indemnité due à son défenseur d'office, et à l'indemnité pour les frais de défense de la partie plaignante (cf. art. 399 al. 4 let. f CPP).
3.
Conformément à l'art. 406 al. 1 let. d CPP, la Cour d'appel pénale a traité l'appel en procédure écrite étant donné que seuls les frais et les indemnités sont attaqués par l'appelante dans le cas d'espèce.
4.
L'appelante fait valoir que la situation financière de sa famille est difficile, le solde mensuel disponible pour elle, son mari et son enfant étant de 596 fr. 60, sans tenir compte de l'impôt fédéral direct et du remboursement par acompte d'un traitement dentaire de 4'250 fr. qu'elle a subi récemment. Elle soutient que le jugement de première instance viole les art. 423, 425 et 426 CPP, alléguant que la condamnation au paiement des frais et dépens pénaux va se répercuter sur l'ensemble de sa famille et que la proportion entre la peine pécuniaire et l'amende d'une part, et les frais et dépens d'autre part, conduit à ce que la condamnation aux frais et dépens constitue la sanction principale.
5.
Il convient en premier lieu d'examiner le montant des frais et indemnités mis à la charge de l'appelante, qui s'élève à 5'790 fr. 60 et résulte d'une liste qui comporte les postes suivants:
EMOLUMENTS
Description
Montant unitaire
Montant de l'émolument
Montant à charge de l'appelante
21
Pages PV instruction
75 fr.
1'575 fr.
1'575 fr.
1
Audience 1⁄2 journée au Tribunal de police
700 fr.
700 fr.
700 fr.
1
Audience 1⁄2 journée au Tribunal de police
700 fr.
700 fr.
700 fr.
Emoluments Totaux
2'975 fr.
2'975 fr.
DEBOURS
Description
Montant Débours
Montant à charge de l'appelante
Indemnité conseil d'office Me Lardi Pfister
2'775 fr. 60
2'775 fr. 60
Indemnité du témoin T._
10 fr.
10 fr.
Indemnité du témoin C._
30 fr.
30 fr.
Débours Totaux
2'815 fr. 60
2'815 fr. 60
Emoluments et débours totaux
5'790 fr. 60
5'790 fr. 60
Il a également été mis à la charge de l'appelante la somme de 2'300 fr. à titre d'indemnité due à la partie plaignante pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure.
5.1.
L'enquête à l'encontre de l'appelante a eu lieu avant l'entrée en vigueur le 1
er
janvier 2011 du CPP (Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007, RS 312.0), l'acte d'accusation datant du 12 avril 2010. L'audience des débats et de jugement s'est, quant à elle, déroulée en 2011. Conformément à l'art. 448 al. 1 CPP, les procédures pendantes au moment de l'entrée en vigueur du présent code se poursuivent selon le nouveau droit, à moins que les dispositions 449 ss CPP en disposent autrement. S'agissant du montant des frais, l'ancien Tarif des frais judiciaires pénaux du 7 octobre 2003 (ci-après: aTFJP), en vigueur jusqu'au 31 décembre 2010, s'applique pour les opérations faites avant le 1
er
janvier 2011 et le nouveau Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010 (TFJP, RSV 312.03.1) en vigueur au 1
er
janvier 2011 pour celles faites depuis. Or, les principes et les montants prévus par l'aTFJP, remplacé par le TFJP du 28 septembre 2010 et par le TFPContr (Tarif des frais de procédure pour le Ministère public et les autorités administratives compétentes en matière de contraventions du 15 décembre 2010, RSV 312.03.3) sont les mêmes, de sorte que ces modifications réglementaires n'ont pas, ici, de conséquences pratiques.
5.2.
L'appelante prétend qu'elle n'a pas à supporter les frais relatifs aux opérations liées au non-lieu qui a été rendu en sa faveur dans l'ordonnance de renvoi du 12 avril 2010. Il s'agit des accusations selon lesquelles elle aurait établi une fausse quittance le 24 février 2009 et aurait commis un vol portant sur une somme de 800 fr. le 25 juin 2007 au préjudice de P._SA.
L'art. 18 aTFJP dispose que l'émolument
est établi sur la base du nombre de pages des procès-verbaux des opérations et décisions et des auditions, y compris les auditions par la police (al. 1); par page ou fraction de page, il est de 75 francs.
La première juge a retenu 21 pages à 75 fr., alors que le procès-verbal des opérations en compte 7, sans la page de garde, que l'ordonnance en compte 3, sans la dernière page qui n'indique que les voies de droit, et que les auditions en comptent 18, sans une page ne comportant que les signatures, soit au total 28 pages. La première juge a ainsi procédé à une réduction du nombre de pages et a dès lors tenu compte du non-lieu partiel rendu en faveur de l'appelante. Partant, le grief, mal fondé, doit être rejeté.
5.3.
L'appelante affirme qu'elle n'a pas à supporter des frais de procédure occasionnés par l'attitude de la plaignante, notamment en raison d'un retard de cette dernière et les frais de report d'audience dû à la non comparution d'un témoin.
En vertu de l'art. 19 TFJP, l'émolument est fondé sur la demi-journée d'audience à raison de 700 fr. pour le tribunal de police (al. 1). L'audience consacrée à la délibération et à la lecture du jugement n'est pas comptée (al. 2).
En l'espèce, l’audience du 1
er
février 2011 a duré de 09h00 à 11h05. Elle a été suspendue pour permettre d’entendre deux témoins qui ne se sont pas présentés, soit T._ et M._. L’assignation de T._ a été requise par la prévenue et par la plaignante. L’audience a été reprise le 24 mai 2011 à 10h30, alors même qu’elle aurait dû commencer à 09h00. Le procès-verbal n’indique pas les causes de ce retard. La partie plaignante, P._SA, a été représentée par sa mandataire qui a demandé la dispense de comparution personnelle de sa cliente à l’audience, demande à laquelle il a été fait droit. N._, représentant de P._SA, s’est néanmoins présenté au tribunal à 11h25, entre la réplique et la duplique. Le témoin T._, qui a fait l’objet d’un mandat d’amener délivré le 28 avril 2011 a été entendue. Le témoin M._ ne s’est pas présenté et il a été renoncé à son audition. L’audience a été suspendue à 11h35, reprise à 12h00 pour la lecture du dispositif et d’un résumé des considérants. Elle a été levée à 12h15.
A défaut de mention dans le procès-verbal, on ne saurait retenir que la partie plaignante a compliqué le déroulement de l’audience du 24 mai 2011 et entraîné des frais supplémentaires en arrivant en retard comme le prétend l’appelante, la dispense de comparution personnelle ayant été requise et admise, dès le commencement de celle-ci, de sorte qu’il ne semble pas que son absence ait provoqué le retard. En revanche, les temps d’audience précités, soit de 09h00 à 11h05 le 1
er
février 2011 et de 10h30 à 11h35 le 24 mai 2011, démontrent que si le témoin T._, dûment convoquée, s’était présentée le 1
er
février 2011, une demi-journée d’audience aurait suffi.
En conséquence, ces frais supplémentaires n'ont pas à être mis à la charge de l'appelante, puisqu'elle ne les a pas provoqués. Le témoin aurait pu être, au demeurant, condamné à une amende, ce qui n'a pas été le cas. Partant, il convient de retenir qu'une demi-journée d'audience, de réduire dès lors les émoluments de 700 fr. et de les fixer ainsi à 2'275 francs. Au vu de ce qui précède, l'appel doit être partiellement admis.
5.4.
S'agissant du montant des indemnités des témoins T._ et C._, par respectivement 10 fr. et 30 fr., et de l'indemnité de son conseil d'office, par 2'775 fr. 60, l'appelante ne les conteste pas. Ils sont en outre tout à fait corrects et justifiés.
5.5.
Concernant finalement l'indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure due à la partie plaignante, l'art. 433 CPP prévoit que la partie plaignante peut demander au prévenu une juste indemnité à cet égard si elle obtient gain de cause (al. 1 let. a). La partie plaignante adresse ses prétentions à l'autorité pénale; elle doit les chiffrer et les justifier (al. 2).
Cette indemnité est due en particulier lorsque la partie plaignante obtient gain de cause, c'est-à-dire lorsque le prévenu est condamné (Mizel/Rétornaz, in: Kuhn/Jeanneret (éd.), Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 2 ad art. 433 CPP). La juste indemnité, qui ne doit pas être confondue avec les prétentions civiles, ne porte que sur les dépenses et les frais exposés en relation avec la procédure pénale. Les frais liés à la défense de la partie plaignante doivent être indemnisés, à savoir ses frais d'avocat, mais également d'autres frais tels que des frais d'expertise privée, voire des contrôles médicaux privés destinés à ménager une preuve liés à une infraction (Mizel/Rétornaz, op. cit., nn. 9 ss ad art. 433 CPP). L'indemnité pour ses dépenses obligatoires occasionnées par un acte de procédure accompli par une autorité pénale est attribuée sur demande de la partie plaignante. Cette dernière a ainsi l'obligation de formuler et d'adresser ses prétentions à l'autorité compétente avant la fin de la procédure, avec le devoir de les chiffrer et de les documenter, sous peine de péremption. La péremption n’intervient cependant que si la partie plaignante a eu la possibilité de faire valoir ses prétentions au cours de la procédure (Message du Conseil fédéral relatif à l’unification du droit de la procédure pénale du 21 décembre 2005, FF 2006 II 1057 ss, spéc. 1315).
Le principe et le montant de cette indemnité, fixée à 2'300 fr., ne sont pas remis en cause par l'appelante. Cette somme a d'ailleurs été chiffrée et justifiée par la partie plaignante conformément à l'art. 433 al. 2 CPP. Partant, il convient de confirmer le montant de 2'300 fr. mis à la charge de l'appelante.
6.
Il convient ensuite d'examiner si l'autorité de première instance pouvait mettre l'intégralité des frais et indemnités à la charge de l'appelante, ce que celle-ci conteste.
6.1.
6.1.1.
En vertu de l'art. 426 al. 1 CPP, qui pose le principe, le prévenu supporte les frais de procédure s'il est condamné. La réglementation selon laquelle le prévenu qui est condamné supporte les frais de procédure n'est pas une nouveauté introduite par le CPP, mais elle est commune à tous les codes de procédure pénale qui existaient en Suisse (Message du Conseil fédéral relatif à l’unification du droit de la procédure pénale du 21 décembre 2005, FF 2006 II 1057 ss, spéc. 1310). La personne condamnée doit ainsi rembourser à l'Etat les frais que ce dernier a avancés dans la procédure (Chapui, in: Kuhn/Jeanneret (éd.), Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 1 ad art. 426 CPP).
6.1.2.
Les frais de procédure sont définis à l'art. 422 CPP. Ils se composent des émoluments visant à couvrir les frais et des débours effectivement supportés (al. 1). On entend notamment par débours (al. 2) les frais imputables à la défense d’office et à l’assistance gratuite (let. a), les frais de traduction (let. b), les frais d’expertise (let. c), les frais de participation d’autres autorité (let. d) et les frais de port et de téléphone et d’autres frais analogues (let. e).
6.1.3.
L'art. 425 CPP dispose que l'autorité pénale peut accorder un sursis pour le paiement des frais de procédure. Elle peut réduire ou remettre les frais compte tenu de la situation de la personne astreinte à les payer.
S'il appartient à l'autorité d'exécution de fixer les modalités de paiement des frais sur demande de la personne astreinte à s'en acquitter (par exemple en fixant des acomptes mensuels en fonction des revenus du débiteur), la décision de réduire ou remettre les frais compte tenu de la situation de la partie concernée appartient en premier lieu à l'autorité de jugement en vertu de l'art. 425 CPP (Chapuis, in: Kuhn/Jeanneret (éd.), Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 1 ad art. 425 CPP; Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, Jugendstrafprozessordnung, Bâle 2011, n. 2 ad. 425 CPP). Le CPP impose au juge de se poser la question de l’incidence de la mise à la charge du condamné des frais sur sa réinsertion sociale et également du rôle des frais par rapport à la peine, ceux-ci ne devant pas être perçus comme une peine déguisée (Basler Kommentar, op. cit., n. 3 ad. 425 CPP; Schmid, Handbuch des Schweizerischen Strafprozessrechts, Zürich 2009, n. 1781 p. 815). Lorsque les frais liés à une affaire sont élevés ou paraissent disproportionnés, l'autorité de jugement a un large pouvoir d'appréciation pour juger en équité s'il convient d'appliquer l'art. 425 CPP (Chapuis, op. cit., n. 1 ad art. 425 CPP). Pour fixer le montant des émoluments ainsi que des débours, l’autorité peut prendre en compte la situation financière de la personne astreinte à les payer (Message du Conseil fédéral relatif à l’unification du droit de la procédure pénale du 21 décembre 2005, FF 2006 II 1057 ss, spéc. 1310). Cette disposition ne limite toutefois pas les possibilités de réduction ou de remise au seul motif de la situation financière de la personne astreinte au paiement. C'est la situation de la personne en général (personnelle, familiale, comme procédurale) qui peut être à l'origine d'une telle décision de l'autorité de jugement (Chapuis, op. cit., n. 3 ad. art. 425 CPP). Ce n’est notamment pas aux proches de subir les conséquences de la condamnation.
L’art. 425 CPP concerne les frais de procédure, qui ne comprennent pas, selon l’art. 422 CPP – mais la liste est exemplative –, l’indemnité due à la partie plaignante pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure au sens de l’art. 433 CPP. Une lecture systématique de la loi conduit à la même conclusion. Le chapitre 3 qui traite des indemnités et réparations du tort moral (art. 429 ss CPP), dont notamment l’indemnité pour les frais de défense nécessaire ne mentionne pas la possibilité de réduire, remettre cette indemnité ou de surseoir à son paiement pour tenir compte de la situation financière du prévenu condamné au paiement; il ne comporte aucun renvoi à l’art. 425 CPP.
Dans un jugement du 6 mai 2011 (CAPE, 6 mai 2011/33), la Cour d'appel pénale a admis, en application de l’art. 425 CPP, une réduction de moitié des frais de première instance d’une prévenue dont la situation financière était obérée. L’appelante était en effet endettée et bénéficiaire depuis 2004 d’une demi-rente d’invalidité complétée par le revenu d’insertion.
6.2.
En l'espèce, la première juge a considéré que l'appelante, qui a succombé, devait supporter l'entier des frais de la cause, y compris les frais de son conseil d'office. Elle n'a semble-t-il pas examiné la question de l'application de l'art. 425 CPP.
6.2.1.
Il y a d'abord lieu de confirmer la mise à la charge de l'appelante de l'intégralité de l'indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure due à la partie plaignante conformément à l'art. 433 CPP, par 2'300 francs. Il est renvoyé à ce qui a été exposé aux considérant 5.5 et 6.1.3 du présent jugement.
6.2.2.
La proportion entre les frais de procédure (2’275 fr. + 2’815 fr. 60) et la peine (2000 fr. + 750 fr.) n’est pas telle, en l’espèce, qu’une réduction s’impose pour ce motif seulement. Si on ajoute aux frais de procédure, l'indemnité due à la plaignante en vertu de l'art. 433 CPP, le ratio est de 2.68, ce qui n’apparaît pas disproportionné.
S'agissant la situation financière de l’appelante, son revenu mensuel net est de 4'025 francs. Si on tient compte de tous ses revenus et de tous les frais liés à son fils, sur la base des pièces et informations qu’elle a fournies en appel, on arrive à 5’125 fr. de revenus (4'025 fr. additionné à 850 fr. correspondant à la contribution d’entretien pour son fils et à 250 fr. à titre d’allocations familiales). L’addition de ses charges et de celles de son fils aboutit à une somme de 4’124 fr. 70, soit un disponible d’environ 1’000 francs. En outre, les revenus de sa famille s’élèvent à 10'079 fr. 85 alors que les charges de celle-ci sont de 9’483 fr. 25, le disponible étant ainsi de 596 fr.60. Au vu de ces montants, on ne saurait considérer que la situation financière de l’appelante et celle de sa famille sont obérées. On observe en effet que l'appelante conserve un disponible que l’on considère sa situation financière et celle de son fils séparément, ou globalement celle de son couple et de son fils. Ces disponibles sont un peu inférieurs si on tient compte de l’impôt fédéral direct et des frais dentaires. On notera aussi que l’appelante doit s’acquitter de 50 fr. par mois en remboursement des frais liés à sa précédente condamnation pénale et que selon le rapport de renseignement figurant au dossier (P. 6), il s’agit de sa seule dette, dont 2’970 fr. sur 5’070 fr. restent à payer (cf. P. 12, du bordereau des pièces produite par l'appelante). Dans ces circonstances, une réduction des frais pénaux ne s’impose pas. On ne discerne en outre pas de motif qui imposerait de surseoir au paiement des frais.
Le grief, mal fondé, doit être rejeté.
6.3.
Il convient encore de préciser que les conditions de recouvrement de l’émolument du tribunal et de l’indemnité du défenseur d’office ne sont pas identiques. En effet, conformément à l’art. 29 al. 3 Cst., toute personne qui ne dispose pas des ressources suffisantes a droit, à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès, à l’assistance judiciaire gratuite. Elle a en outre droit à l’assistance gratuite d’un défenseur dans la mesure où la sauvegarde de ses droits le requiert. L'art 132 al. 1 let. b CPP prévoit une solution similaire en disposant que la direction de la procédure ordonne une défense d’office si le prévenu ne dispose pas des moyens nécessaires et que l’assistance d’un défenseur est justifiée pour sauvegarder ses intérêts. La notion de ressource suffisante au sens de l’art. 29 al. 3 Cst. ne se recoupe pas entièrement avec celle du minimum vital du droit des poursuites en ce sens qu’il n’y a pas lieu, dans l’examen du droit de l’assistance judicaire, de se référer schématiquement aux normes du droit de l’exécution forcée mais de prendre en considération l’ensemble des circonstances individuelles du requérant (ATF 135 I 91 c. 2.4.3). En outre, dans le cadre d’une procédure de poursuite, le condamné aux frais ne peut pas invoquer que sa situation matérielle ne se serait pas améliorée (81 al. 1 LP). Ainsi, la mise à charge du condamné des frais de sa défense d’office n’est possible au regard des art. 29 Cst, 6 par. 3 let c CEDH et 135 al. 4 CPP que pour autant qu’il soit garanti que ces frais ne seront pas recouvrés tant que l’indigence persiste (ATF 135 I 91 c. 2.4.3 précité). Il y a donc lieu de modifier le jugement sur ce point en ajoutant la mention que les frais d’assistance judiciaire avancés au titre de la défense d’office seront exigés de sa bénéficiaire que lorsque sa situation économique se sera améliorée dans une mesure suffisante.
7.
Au vu de ce qui précède, l'appel doit être partiellement admis et le jugement attaqué modifié à son chiffre V en ce sens que les frais de la cause sont désormais de 5'090 fr. 60, y compris l'indemnité du conseil d'office de l'appelante, par 2'775 fr. 60, en lieu et place des 5'790 fr. 60 retenu dans le jugement de première instance. En outre, il sera ajouté au dispositif un chiffre VI qui mentionnera que J._ ne sera tenue de rembourser à l'Etat le montant de l'indemnité en faveur de son conseil d'office prévue au chiffre V du dispositif que lorsque sa situation financière le permettra. Le jugement entrepris est maintenu pour le surplus.
Vu l'issue de la cause, les frais de la procédure d'appel doivent être mis à raison des trois quarts à la charge de J._, le solde étant laissé à la charge de l’Etat (art. 428 al. 1 CPP). Outre l'émolument, qui se monte à 1'540 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1]), ces frais comprennent l'indemnité d'office allouée au conseil de l'appelante (cf. art. 135 al. 2 et 422 al. 2 let. a CPP, art. 2 al. 2 ch. 1 TFJP). Au vu de la complexité de la cause et de la procédure d'appel, il convient d'admettre que le conseil d'office de l'appelante a dû consacrer 4 heures à l'exécution de son mandat et l'indemnité sera dès lors arrêtée à 777 fr. 60, TVA et débours compris (cf. art. 135 al. 1 CPP). Partant, les frais d’appel se montent au total à 2'317 fr. 60, qui seront mis à raison des trois quarts à la charge de J._, par 1'738 fr. 20, le solde, par 579 fr. 40, étant laissé à la charge de l’Etat.
L'appelante ne sera tenue de rembourser à l'Etat le montant de l'indemnité en faveur de son conseil d'office prévue ci-dessus que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
28c39a7b-2e16-4d9a-b6c4-8d150a572314 | En fait :
A.
Par jugement du 14 août 2015, le Tribunal de police de l’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a libéré A._ de l’accusation de lésions corporelles simples par négligence (I), a constaté qu’il s’est rendu coupable de violation grave des règles de la circulation et ivresse au volant (II), l’a condamné à une peine pécuniaire de 30 jours-amende avec sursis pendant deux ans, le montant du jour-amende étant fixé à 40 fr. (III et IV), a renvoyé W._ à agir devant le juge civil pour ses prétentions contre A._ (V), a rejeté les conclusions de A._ en versement d’une indemnité pour les dépenses occasionnées par l’exercice de ses droits de procédure au sens de l’art. 429 CPP (VI) et a mis une partie des frais par 5'058 fr. 60 à la charge de A._ et laissé le solde à la charge de l’Etat (VII).
B. a)
Le 18 août 2015, A._ a formé appel contre ce jugement. Par déclaration du 25 août 2015, il a conclu principalement à sa réforme en ce sens qu’il soit libéré de l’infraction de violation grave des règles de la circulation, qu’il soit condamné à 10 jours-amende à 40 fr. le jour, que les conclusions civiles de W._ soient rejetées, qu’une indemnité de 23'442 fr. 05, à la charge de l’Etat lui soit allouée pour les dépenses occasionnées par l’exercice de ses droits de procédure et qu’une partie des frais, par 300 fr., soit mise à sa charge. Il conclut également à ce que les frais de la procédure d’appel soient mis à la charge de l’Etat et qu’une indemnité lui soit allouée pour les dépenses occasionnées par sa défense en procédure d’appel.
Subsidiairement, A._ conclut à ce que le jugement attaqué soit entièrement annulé et la cause renvoyée au Ministère public pour qu’il mette en œuvre une nouvelle expertise et rende une ordonnance pénale.
b)
Le
20 août 2015, W._ a formé appel contre le jugement du 14 août 2015. Par déclaration du 15 septembre 2015, il a conclu à sa réforme en ce sens que A._ soit reconnu coupable de lésions corporelles simples par négligence, que les frais de procédure d’appel soient mis à la charge de l’Etat et qu’une indemnité lui soit allouée pour les dépenses occasionnées par la procédure d’appel.
Par détermination du 25 novembre 2015, le Ministère public de l’arrondissement du Nord vaudois a conclu aux rejets des deux appels.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Le prévenu A._ est né le [...] 1974 à Ville D._. Cadet d’une famille de quatre enfants, il a grandi à Ville D._, où il a effectué toute sa scolarité. Il y a également fait son apprentissage de boulanger-pâtissier. Après l’obtention de son CFC, il a travaillé dans le domaine de la boulangerie à Ville D._ et dans la région. Depuis décembre 2004, il est employé par la société [...] d’abord à Fribourg, puis à [...]. Il gagne quelques 4'100 fr. net par mois, treize fois l’an. Il a eu des jumeaux en 2004 et s’est marié en février 2005. A la suite de son divorce en 2007, la garde des enfants a été confiée à la mère. A._ est astreint à contribuer à leur entretien par le versement d'une pension de 1'360 fr. par mois. Son loyer s’élève à 1'572 fr. par mois. Le montant de sa prime d’assurance-maladie est de 210 fr. environ, compte tenu des subsides dont il bénéficie. Ses acomptes d’impôt sont de 140 fr. par mois. Il n'a pas d’économies, mais des dettes pour 40'000 fr. environ.
Son casier judiciaire mentionne une condamnation :
- 29 juillet 2014, Ministère public du canton de Fribourg, pour actes d'ordre sexuel avec des enfants (erreur sur l'âge, art. 187 ch. 4 CP), condamné à 720 heures de travail d'intérêt général avec sursis pendant deux ans.
2.
2.1
Le 25 novembre 2009, aux environs de 19h30, A._ circulait au volant de son véhicule de marque Opel Kadett de Ville E._ en direction de Ville D._, sur la route de la [...], à une vitesse se situant entre 76 et 83 km/h alors que ce tronçon est limité à 50 km/h, lorsqu’il a heurté le piéton W._. Ce dernier, qui venait de quitter la gare CFF de Ville E._, marchait en longeant la voie ferrée sur le chemin privé des [...] en direction de la route de la [...]. Au débouché sur l’artère principale, alors qu’il avait l’intention de traverser la chaussée, il a laissé passer un véhicule conduit par C._ arrivant à sa gauche, puis, immédiatement après le passage de ce véhicule, s’est engagé sur la chaussée. L’endroit en question était dépourvu de passage pour piétons.
Au moment où le piéton traversait la chaussée, soit plus ou moins au milieu de la partie droite de la route de la [...] en direction de Ville D._, A._, arrivant depuis le passage à niveau de Ville E._, ne voyant pas W._, alors masqué par l’automobile d’C._, l’a heurté de plein fouet. Le point de choc se situe à environ 16 mètres du passage à niveau de Ville E._. Le piéton a été projeté contre le pare-brise de la voiture et est resté encastré dans celui-ci jusqu’à l’arrêt complet du véhicule, environ 72 mètres après le point de choc.
2.2
W._, grièvement blessé, a été héliporté à l’hôpital de l’Isle, à Berne, par la Rega. Il a souffert de multiples fractures (tibia, fémur, côtes droites), d’une lésion abdominale et de deux dents cassées. Il a passé deux semaines à l’hôpital de l’Isle, avant d’être transféré pour une période de dix jours à la clinique bernoise de [...]. Il s’est retrouvé plusieurs semaines en incapacité de travail.
W._, né le [...] 1982, a déposé plainte le 5 février 2010 par l’intermédiaire de son conseil, l'avocat Charles Guerry, et s’est constitué partie civile.
2.3
L’analyse des échantillons d’urine et de sang de A._ par l’Institut de chimie clinique a permis d’établir qu’au moment des faits, le prévenu ne se trouvait pas sous l’influence de la drogue ou de médicaments, mais qu’il présentait une alcoolémie de 0.86 g ‰. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP (Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 ; RS 312.0), l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l’occurrence, interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant qualité pour recourir contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier ; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in : Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP ; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 consid. 3.1).
I. Conclusions subsidiaires
3.
3.1
A titre subsidiaire, A._ se plaint d’une violation du droit au procès équitable et d’une violation du droit d’être entendu. Il conviendra d’examiner ce moyen en premier lieu dès lors que, s’il devait être admis, le jugement de première instance pourrait être annulé nonobstant le caractère restrictif de l’art. 409 CPP.
3.2
L’art. 3 al. 2 let. c CPP prévoit qu’à tous les stades de la procédure, les autorités pénales se conforment à la maxime voulant qu’un traitement équitable et le droit d’être entendu soient garantis à toute les personnes touchées par la procédure.
Cette disposition exprime le droit à un procès équitable qui découle des art. 29 al. 1 Cst (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 ; RS 101) et 6 par. 1 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ; RS 0.101). La notion d’équité que renferme le principe n’est pas définie, mais elle implique que les autorités sont tenues de traiter correctement les personnes concernées dans les procédures, en respectant leur dignité et leurs droits. En particulier, il est essentiel que le prévenu ait pu interroger ou faire interroger des témoins durant la procédure préliminaire ou aux débats (Moreillon/Parein-Reymond, Petit commentaire Code de procédure pénale, Bâle 2013, n. 14 ad art. 3 CPP).
Tel que garanti par l'art. 29 al. 2 Cst, le droit d'être entendu comprend, notamment, le droit pour l'intéressé de prendre connaissance du dossier, de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 135 Il 286 consid. 5.1 ; ATF 132 Il 485 consid. 3.2 ; ATF 127 I 54 consid. 2b). Le droit d’être entendu n’empêche pas l’autorité de mettre un terme à l’instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que, ces dernières ne pourraient pas l’amener à modifier son opinion (cf. ATF 134 I 140 consid. 5.3 et les références citées).
Le droit d’être entendu étant de nature formelle, toute violation de ce dernier conduit, en principe, à l’annulation de la décision rendue ; demeurent cependant réservés les cas dans lesquels la violation est de peu de gravité et peut être réparée, par exemple lorsque la partie dont le droit d’être entendu a été violé peut l’exercer par la suite devant une instance disposant du même pouvoir d’examen (TF 6B_562/2011 du 5 décembre 2011).
3.3
3.3.1
A._ reproche à l’expert d’avoir, dans le cadre de son expertise du 28 septembre 2012 (P. 59), procédé à une reconstitution de l’accident avec interrogatoire des gendarmes et d’avoir pris diverses photographies des lieux de nuit pour se représenter la vision de l’automobiliste, cela sans en avertir les parties au préalable.
Il résulte de l’art. 185 al. 4 CPP que l’expert peut procéder lui-même à des investigations simples qui ont un rapport étroit avec le mandat qui lui a été confié et convoquer des personnes à cet effet. La loi ne prévoit pas que les parties et/ou les conseils puissent participer aux opérations d’une expertise. Par conséquent, il n’y a pas de droit à ce que l’avocat d’une partie assiste aux opérations d’expertise (Vuille, in : Kuhn/Jeanneret [éd.], Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, nn. 15-16 ad art. 185 CPP).
En l’espèce, on ne peut donc pas reprocher à l’expert de ne pas avoir convoqué les parties lorsqu’il a procédé à l’inspection des lieux qui était indispensable à sa mission. Dans cette mesure, on ne saurait retrancher du rapport les investigations de l’expert « sans indemnité » et procéder à une nouvelle expertise. Le fait qu’il ait procédé à dite expertise en présence du gendarme ayant établi le rapport de police ne peut pas non plus lui être reproché dans la mesure où celui-ci n’était pas en mesure de fournir d’autres éléments que ceux mentionnés dans ledit rapport ou dans le plan de la gendarmerie (P. 4 et 28), et compte tenu du fait que la présence de la gendarmerie était au surplus rendue nécessaire par le besoin de sécuriser les lieux. Ainsi, à l’instar du juge de première instance, la Cour de céans considère que l’audition du gendarme ne sort pas du cadre légal, que le rapport de l’expert n’est pas entaché de vices et qu’il répond aux questions que les parties ont pu poser à l’expert. En outre, l’expert a été entendu en contradictoire aux débats de première instance et son rapport constitue un élément de preuve parmi d’autres que les autorités de jugement ont examiné librement. Partant, la procédure d’expertise n’était pas viciée et le rapport d’expertise du 28 septembre 2012 ne doit pas être retiré du dossier.
3.3.2
A._ reproche également au tribunal de première instance de ne pas avoir cité les gendarmes aux débats.
En l’espèce, il s’avère que cela n’était pas nécessaire au traitement de l’appel. En effet, conformément à l’art. 139 al. 2 CPP, il n’y a pas lieu d’administrer des preuves sur des faits non pertinents, notoires, connus de l’autorité ou déjà suffisamment prouvés. Cette disposition codifie, pour la procédure pénale, la règle jurisprudentielle déduite de l’art. 29 al. 2 Cst en matière d’appréciation anticipée des preuves. Selon la jurisprudence, le refus d'instruire ne viole ainsi le droit d'être entendu des parties que si l'appréciation anticipée de la pertinence du moyen de preuve offert, à laquelle le juge a procédé, est entachée d'arbitraire (TF 6B_496/2012 du 18 avril 2013 consid. 6.1 ; TF 1B_112/2012 du 6 décembre 2012 consid. 2.1).
L’appelant met en doute la fiabilité des mesures, du rapport du 7 janvier 2010 et du plan effectués par la police. Il n’expose toutefois nullement en quoi l’audition des policiers pourrait contribuer à éclaircir ces questions. Le prévenu, hormis soutenir que le procès serait manifestement inéquitable s’il n’avait pas eu la possibilité de poser des questions aux policiers, n’expose pas quelles sont les questions concrètes qu’il leur aurait posées. Au demeurant, il s’avère que les policiers n’ont pas été en mesure de dire à l’expert comment les traces de freinage avaient été mesurées, ni de donner d’autres explications que celles figurant dans les rapports écrits (jgt., p. 6), de telle sorte que leur audition n’aurait rien pu apporter en première comme en seconde instance. Partant, l’absence d’audition des gendarmes ne permet pas de conclure au caractère inéquitable de la procédure.
3.3.3
Pour le surplus, les autres éléments mis en avant par A._ tels que l’émolument de 50 fr. pour l’envoi du dossier de la cause et l’existence d’un recours à la Chambre des recours pénale, ne sont à l’évidence pas des éléments permettant de conclure à la nécessité d’une annulation du jugement de première instance, au motif que la procédure se serait avérée inéquitable.
En définitive, le droit d’être entendu de A._ n’a pas été violé, de même que son droit à un procès équitable. Le moyen, mal fondé, sera rejeté.
II. Constatation des faits, qualification juridique et peine
4.
Invoquant notamment une violation du principe de la présomption d’innocence, l’appelant conteste un certain nombre de faits retenus par le tribunal de première instance.
4.1
L'art. 10 CPP dispose que toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
S'agissant plus précisément de l'appréciation des preuves et de l'établissement des faits, il s’agit de l’acte par lequel le juge du fond évalue librement la valeur de persuasion des moyens de preuve à disposition et pondère ces différents moyens de preuve afin de parvenir à une conclusion sur la réalisation ou non des éléments de fait pertinents pour l’application du droit pénal matériel. Le juge peut fonder une condamnation sur un faisceau d’indices ; en cas de versions contradictoires, il doit déterminer laquelle est la plus crédible. En d’autres termes, ce n’est ni le genre ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (Verniory, in : Kuhn/Jeanneret [éd.], Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 34 ad art. 10 CPP ; Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, nn. 19 ss ad art. 398 CPP et les références jurisprudentielles citées).
Le principe de l'appréciation des preuves interdit d'attribuer d'entrée de cause une force probante accrue à certains moyens de preuve, comme par exemple des rapports de police (TF 1P_283/2006 du 4 août 2006 consid. 2.3). Toute force probante ne saurait en revanche d'emblée être déniée à un tel document. Celui-ci est en effet, par sa nature, destiné et propre à servir de moyen de preuve dans la mesure où le policier y reproduit des faits qu'il a constatés et il est fréquent que l'on se fonde, dans les procédures judiciaires sur les constatations ainsi transcrites (TF 6S_703/1993 du 18 mars 1994 consid. 3b ; CREP du 8 janvier 2013/10).
Lorsque l'autorité a forgé sa conviction sur la base d'un ensemble d'éléments ou d'indices convergents, il ne suffit pas que l'un ou l'autre de ceux-ci ou même chacun d'eux pris isolément soit à lui seul insuffisant. L'appréciation des preuves doit être examinée dans son ensemble. Le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables au prévenu sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes ; on parle alors de doutes raisonnables (ATF 120 Ia 31 consid. 2c ; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 consid. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38 consid. 2a ; cf. aussi, quant à la notion d’arbitraire, ATF 136 III 552 consid. 4.2).
4.2
En premier lieu, A._ conteste la détermination du lieu de la collision. Il reproche au premier juge de s’être fondé uniquement sur l’emplacement des débris de son véhicule dans la zone limitée à 50 km/h afin de déterminer le point de choc, alors que l’expert a admis que l’emplacement de ces débris n’avait pas pu être déterminé de façon fiable.
Il résulte du plan de la gendarmerie (P. 28) que le point de choc se situe environ 16 mètres après le passage à niveau et 7 mètres avant le panneau permettant une vitesse maximale de 60 km/heure. Par conséquent, l’emplacement de la collision se situe encore dans la zone limitée à 50 km/heure. L’expert a adhéré à ces constatations, tout en expliquant que, pour parvenir à de telles conclusions, il ne s’était pas fondé sur l’emplacement des débris car ceux-ci avaient été balayés et rassemblés sur le bord de la route. L’expert a en revanche procédé à une reconstitution sur la base des traces de freinage, du temps de réaction de l’automobiliste et du temps de montée en puissance des freins.
Cette argumentation est complète et convaincante. Il n’existe dès lors pas d’éléments qui justifieraient que l’on s’écarte de la conclusion ainsi obtenue. On ne peut suivre A._ lorsqu’il soutient que le point de choc doit, à tout le moins au bénéfice du doute, être situé après le panneau introduisant la limitation de vitesse à 60 km/heure. Certes, les débris ont été amassés dans une zone se trouvant entre 2 et 6 mètres avant le panneau 60 km/h (cf. P. 28), soit à une distance légèrement inférieure à celle de 7 mètres retenue par les gendarmes comme étant celle du point de choc. Toutefois, la présence de ces débris ne permet en aucune manière de déplacer le point de choc dans la mesure requise par l’appelant ; on ne saurait en effet présumer que la personne qui a balayé les débris ait jugé utile de les déplacer de plusieurs mètres sur le trottoir après les avoir rassemblés.
L’emplacement du point de choc est en outre corroboré par le trajet probable du piéton W._ dont le trajet impliquait qu’il traverse la chaussée dès que possible dans la mesure où le côté de la route sur lequel il se trouvait était non protégé, non éclairé et sans issue. L’expertise montre certes un parcours du piéton en arc de cercle et non pas un trajet plus court, toutefois cela s’explique par le fait que le piéton a laissé passer un véhicule arrivant en sens inverse avant de traverser. C’est donc à raison que le juge de première instance a retenu que le point de choc se situait à l’emplacement désigné par les policiers et par l’expert, soit environ 16 mètres après le passage à niveau et 7 mètres avant le panneau permettant une vitesse maximale de 60 km/heure.
4.3
Il résulte de ce qui précède et du plan effectué par la gendarmerie (P. 28) qu’à l’endroit de l’impact, la vitesse était limitée à 50 km/h et non pas à 60 km/h comme le plaide le prévenu.
4.4
4.4.1
A._ conteste la détermination de la vitesse de son véhicule effectuée par l’expert. Pour ce faire, il met en cause la fiabilité des mesures des traces de freinage et l’exactitude du report de celles-ci sur le plan de la gendarmerie, et ainsi, la fiabilité des réponses de l’expert au sujet desdites traces (cf. P. 63). Il reproche en outre au premier juge d’avoir retenu qu’à dire d’expert, il roulait à une vitesse comprise entre 76 et 83 km/h, en lieu et place de la vitesse d’environ 70 km/h retenue par la police, qui lui était plus favorable (P. 4).
4.4.2
Dans la mesure où le prévenu n’a jamais vu le piéton et déclare qu’il se trouvait en phase d’accélération dès le passage à niveau, il y a lieu de conclure qu’il n’a pas freiné avant le choc mais seulement après.
En l’espèce, comme l’invoque l’appelant, il est vrai que les policiers n’ont pas pris de photographies des lieux de l’accident, les seules photographies présentes au dossier étant celles de l’expert. Les policiers ont également admis dans un deuxième temps avoir inversé les longueurs des traces gauche et droite (P. 27). Cependant, cette inversion n’a aucune conséquence sur les faits à retenir. En outre, de telles traces sont marquées, puis mesurées à l’aide d’une chevillière. Dès lors, on ne voit pas en quoi l’absence de photographies ou de points de référence permettrait une mise en doute des longueurs mesurées. Ainsi, le terme « longueur voisine de », dont se plaint A._, doit être compris comme « arrondi » ou « approximatif » et ne signifie pas en l’état que les traces n’ont pas été reportées de façon correcte.
Les arguments de A._ quant à l’exactitude du report des traces sur le plan de la gendarmerie sont purement théoriques. En effet, au vu de la situation du point de choc, de la situation du véhicule après son arrêt, de la fiabilité en règle générale de ce type de plans qui sont établis par des spécialistes de la gendarmerie et de l’absence d’éléments concrets justifiant une mise en doute des traces relevées, il y a lieu de retenir l’exactitude du plan de la gendarmerie (P. 28). Le fait que son auteur ait relevé l’inversion des traces gauche et droite ainsi que le fait que la distance parcourue par le véhicule après son arrêt soit plus élevé que la distance approximative indiquée dans le rapport écrit (P. 4) constituent d’ailleurs plutôt des indices supplémentaires de fiabilité.
4.4.4
A._ soutient avoir accéléré après le passage à niveau. Il en déduit ainsi que le calcul de l’expert ne tiendrait pas compte de cette accélération qui aurait « au moins compensé la perte de vitesse résultant du rapport des masses ».
Par ce moyen, on voit mal où l’appelant veut en venir. En effet, la détermination a posteriori d’une vitesse est faite sur la base d’un raisonnement opéré à partir de traces de freinage, du temps de réaction de l’automobiliste et du temps de montée en pression des freins. Dès lors, rien ne permet de conclure qu’une accélération au moment du choc serait un élément de nature à influer sur le facteur de décélération du véhicule, d’autant que rien ne permet de supposer que l’accélération se soit poursuivie au-delà du point de choc.
4.4.5
L’appelant soutient que le calcul de vitesse effectué par les gendarmes, soit 70 km/h (cf. P. 4), aurait dû être retenu dès lors qu’il est plus favorable au prévenu que le calcul de l’expert, qui conclut à une vitesse de 76 à 83 km/heure.
La différence entre les deux calculs s’explique toutefois à un km/h près, par le fait que l’expert a pris en compte, par le calcul d’un rapport de masse, la perte de vitesse subie par la voiture lors du choc, soit une variation de vitesse de 5 à 6 km/heure. Cet élément n’avait pas été pris en compte par la gendarmerie.
En conséquence, c’est à juste titre que le tribunal de première instance, en suivant le rapport de l’expert, a arrêté la vitesse de l’automobiliste A._ à 76 km/h lors du choc avec le piéton W._ et partant, a retenu un dépassement de vitesse de 26 km/h à l’intérieur d’une localité.
5.
Le tribunal de première instance a retenu à l’encontre de A._ une violation grave des règles de la circulation routière pour avoir circulé à une vitesse de 76 km/h à un endroit limité à 50 km/h, ce que l’appelant conteste.
5.1
Aux termes de l’art. 90 al. 2 LCR (Loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 ; RS 741.01), celui qui, par une violation grave d'une règle de la circulation, crée un sérieux danger pour la sécurité d'autrui ou en prend le risque est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
Selon l’art. 4a al. 1 OCR (Ordonnance sur les règles de la circulation routière du 13 novembre 1962 ; RS 741.11), la vitesse maximale générale des véhicules peut atteindre, lorsque les conditions de la route, de la circulation et de visibilité sont favorables, 50 km/h dans les localités (let. a), 80 km/h hors de localités, à l’exception des semi-autoroutes et des autoroutes (let. b), 100 km/h sur les semi-autoroutes (let. c) et 120 km/h sur les autoroutes (let. d). L’art. 4a al. 5 OCR prescrit que lorsque des signaux indiquent d'autres vitesses maximales, celles-ci sont applicables en lieu et place des limitations générales de vitesse.
L'infraction réprimée par l'art. 90 al. 2 LCR est objectivement réalisée lorsque l'auteur viole grossièrement une règle fondamentale de la circulation et met ainsi sérieusement en danger la sécurité d'autrui ; une mise en danger abstraite accrue est toutefois suffisante. Subjectivement, l'infraction suppose un comportement sans scrupule ou gravement contraire aux règles de la circulation. Cette condition est toujours réalisée si l'auteur est conscient du danger que représente sa manière de conduire. En cas d'acte commis par négligence, l'application de l'art. 90 al. 2 LCR implique à tout le moins une négligence grossière (ATF 131 IV 133 consid. 3.2, JdT 2005 I 466). Dans le domaine des excès de vitesse, la jurisprudence, afin d'assurer l'égalité de traitement, a été amenée à fixer des règles précises. Ainsi, le cas est objectivement grave, c'est-à-dire sans égard aux circonstances concrètes, en cas de dépassement de la vitesse autorisée de 25 km/h ou plus à l'intérieur des localités, de 30 km/h ou plus hors des localités et sur les semi-autoroutes dont les chaussées, dans les deux directions, ne sont pas séparées et de 35 km/h ou plus sur les autoroutes. Le conducteur qui dépasse de manière aussi caractérisée la vitesse autorisée agit intentionnellement ou à tout le moins par négligence grossière. Il existe un lien étroit entre la violation objectivement grave et l'absence de scrupule sous l'angle subjectif, sous réserve d'indices contraires spécifiques. Le Tribunal fédéral a régulièrement nié l'existence de telles circonstances à décharge (TF 6B_3/2014 du 28 avril 2014 consid. 1.1 et 1.3, ainsi que les arrêts cités ; TF 6B_1011/2013 du 13 mars 2014 consid. 2.1 ; Bussy et al., Code suisse de la circulation routière commenté, 4
e
éd., Bâle 2015, n. 8 ad art. 16 ss LCR et n. 3.10.3.1 ad art. 32 LCR).
5.2
Au vu de ce qui précède, notamment de l’établissement de la vitesse à laquelle le prévenu roulait (cf. consid. 4.4), l’infraction de violation grave des règles de la circulation routière retenue par le premier juge (jgt., p. 23) ne porte pas flanc à la critique en l’espèce, dans la mesure où l’appelant circulait à une vitesse de 76 km/h au moins en lieu et place de 50 km/heure. Au surplus, la gravité de l’excès de vitesse est manifeste vu la situation des lieux– passage à niveau, sortie de localité – et des circonstances – nuit –, et ce d’autant plus lorsque le prévenu déclare qu’il accélérait au moment du choc, alors qu’il n’avait pas encore passé le panneau augmentant la limitation de vitesse à 60 km/heure.
Partant, c’est à bon droit que le premier juge a retenu que A._ avait violé de façon grave les règles de la circulation, au sens des art. 90 al. 2 LCR et 4a al. 1 OCR.
5.3
L’ivresse au volant n’est pas contestée par l’appelant.
6.
Le prévenu A._ a été libéré de l’infraction de lésions corporelles simples par négligence par le premier juge. Ce dernier a considéré que la cause première de l’accident était le comportement imprudent du piéton W._, qui s’était élancé sur la route hors d’un passage protégé, sans remarquer ou sans tenir compte de l’arrivée du véhicule de A._. Ce dernier n’avait dès lors aucune chance d’éviter le piéton.
6.1
W._ reproche au premier juge d’avoir rejeté sur lui toute la responsabilité de l’accident alors qu’il aurait été plus juste, selon lui, qu’en cas de libération de A._ de l’infraction de lésions corporelles par négligence, de le libérer au bénéfice du doute.
6.2
6.2.1
L'art. 125 CP (Code pénal suisse du 21 décembre 1937 ; RS 311.0) réprime le comportement de celui qui, par négligence, aura causé une atteinte à l'intégrité corporelle ou à la santé d'une personne. La réalisation de cette infraction suppose ainsi la réunion de trois conditions : l'existence de lésions corporelles, une négligence et un lien de causalité entre la négligence et les lésions.
Conformément à l'art. 12 al. 3 CP, il y a négligence si, par une imprévoyance coupable, l'auteur a agi sans se rendre compte ou sans tenir compte des conséquences de son acte. La négligence suppose, tout d'abord, que l'auteur ait violé les règles de prudence que les circonstances lui imposaient pour ne pas excéder les limites du risque admissible. En second lieu, la violation du devoir de prudence doit être fautive, c'est-à-dire qu'il faut pouvoir reprocher à l'auteur une inattention ou un manque d'effort blâmable (ATF 135 IV 56 consid. 2.1 ; ATF 134 IV 255 consid. 4.2.3 ; ATF 129 IV 119 consid. 2.1). Pour déterminer plus précisément les devoirs imposés par la prudence, on peut se référer à des normes édictées par l'ordre juridique pour assurer la sécurité et éviter les accidents. S'agissant d'un accident de la route, il convient de se référer aux règles de la circulation routière (ATF 122 IV 133 consid. 2a).
6.2.2
Pour que les lésions corporelles par négligence soient retenues, il faut que les lésions se trouvent dans un rapport de causalité naturelle et adéquate avec le comportement de l’auteur.
Le rapport de causalité peut être qualifié d'adéquat si le comportement de l'auteur était propre, selon une appréciation objective, à entraîner un résultat du genre de celui qui s'est produit ou à en favoriser l'avènement, de telle sorte que la raison conduit naturellement à imputer le résultat à la commission de l'acte (ATF 131 IV 145 consid. 5.1 et les arrêts cités). La causalité adéquate sera admise même si le comportement de l'auteur n'est pas la cause directe ou unique du résultat. Peu importe que le résultat soit dû à d'autres causes, notamment à l'état de la victime, à son comportement ou à celui de tiers (ATF 131 IV 145 consid. 5.2 et l'auteur cité). La causalité adéquate suppose une prévisibilité objective. Il faut se demander si un tiers observateur neutre, voyant l'auteur agir dans les circonstances où il agit, pourrait prédire que le comportement considéré aura très vraisemblablement les conséquences qu'il a effectivement eues, quand bien même il ne pourrait prévoir le déroulement de la chaîne causale dans ses moindres détails. L'acte doit être propre, selon une appréciation objective, à entraîner un tel résultat ou à en favoriser l'avènement, de telle sorte que la raison conduit naturellement à imputer le résultat à la commission de l'acte (ATF 131 IV 145 consid. 5.1). La causalité adéquate peut cependant encore être exclue, l'enchaînement des faits perdant sa portée juridique, si une autre cause concomitante, par exemple une force naturelle, le comportement de la victime ou d'un tiers, constitue une circonstance tout à fait exceptionnelle ou apparaît si extraordinaire que l'on ne pouvait pas s'y attendre. L'imprévisibilité d'un acte concurrent ne suffit pas en soi à interrompre le lien de causalité adéquate. Il faut encore que cet acte revête une importance telle qu'il s'impose comme la cause la plus probable et la plus immédiate de l'événement considéré, reléguant à l'arrière-plan tous les autres facteurs qui ont contribué à l'amener et notamment le comportement de l'auteur (ATF 131 IV 145 consid. 5.2 et les arrêts cités ; 122 IV 17 consid. 2c/bb).
6.2.3
Selon l’art. 31 al. 1 LCR, le conducteur devra rester constamment maître de son véhicule de façon à pouvoir se conformer aux devoirs de la prudence. L’art. 3 al. 1 OCR précise que le conducteur vouera son attention à la route et à la circulation. Il évitera toute occupation qui rendrait plus difficile la conduite du véhicule. Il veillera en outre à ce que son attention ne soit pas distraite. Le degré de l’attention requise par l’art. 3 al. 1 OCR s’apprécie au regard des circonstances d’espèce, telles que la densité du trafic, la configuration des lieux, l’heure, la visibilité et les sources de danger prévisibles (ATF 127 II 302 consid. 3c et arrêt cité). L’attention requise du conducteur implique qu’il soit en mesure de parer rapidement aux dangers qui menacent la vie, l’intégrité corporelle ou les biens matériels d’autrui (TF 6B_873/2014 du 5 janvier 2015 consid. 2.1 et arrêt cité).
6.2.4
S’agissant de la vitesse, selon l’art. 32 al. 1 LCR, celle-ci doit toujours être adaptée aux circonstances, notamment aux particularités du véhicule et du chargement, ainsi qu’aux conditions de la route, de la circulation et de la visibilité. L’art. 4 al. 1 OCR précise notamment que le conducteur ne doit pas circuler à une vitesse qui l’empêcherait de s’arrêter sur la distance à laquelle porte sa visibilité. Cette règle de prudence procède du constat que, la nuit, le risque pour l’automobiliste de rencontrer sur son chemin un obstacle non éclairé n’est pas si minime qu’il puisse en faire abstraction (ATF 126 IV 91 consid. 4a/cc ; TF 6B_873/2014 du 5 janvier 2015 consid. 2.1).
Selon la jurisprudence, dans le cadre d’homicide ou de lésions corporelles par négligence en matière de circulation routière, il sied de prendre en compte la vitesse de l’automobiliste et de voir si cette dernière est adaptée, mais il n’est pas possible de déduire que cette vitesse – en l’espèce 40 km/h – est trop élevée uniquement en raison du comportement de la victime (arrêt TF 6B_409/2015 du 1
er
juin 2015, consid. 2.3).
6.3
En l’espèce, comme le relève le premier juge, il n’est pas remis en cause que W._ a subi des lésions corporelles suite à l’accident.
L’acte d’accusation ne reproche pas à A._ de ne pas avoir vu W._, l’inattention n’étant donc pas une cause des lésions corporelles subies par ce dernier. L’argument de W._ tombe à faux sur ce point.
S’agissant de la vitesse, il résulte de l’expertise que même si A._ avait respecté la limitation de vitesse et qu’il avait effectué un freinage d’urgence, cela n’aurait pas été suffisant pour éviter le choc, raison pour laquelle le premier juge a retenu qu’au niveau spatial, un évitement n’était pas possible. Dans ces conditions, on ne peut retenir un lien de causalité naturelle entre la vitesse excessive et l’accident. C’est donc à juste titre que A._ a été libéré de l’infraction de lésions corporelles par négligence.
Le point de savoir dans quelle mesure la vitesse du véhicule de A._ a joué un rôle dans la gravité des blessures de W._ et, partant, dans quelle mesure cette vitesse doit être prise en compte dans la répartition des responsabilités relève du juge civil. En effet, dès le moment où les conditions de la punissabilité du conducteur pour lésions corporelles par négligence ne sont pas remplies, cette question, comme celles relevant de l’application des art. 58 et 59 LCR, n’ont pas à être tranchées dans le cadre de la présente procédure.
Au surplus, le premier juge a retenu qu’au niveau temporel, une vitesse moindre laissait plus de temps au piéton pour traverser la chaussée et sortir de la zone de danger. Toutefois, cette hypothèse dépendait également de la vitesse de marche du piéton. Partant, les incertitudes quant à la vitesse de marche de W._ constituent des éléments supplémentaires qui permettent de conclure à l’acquittement de A._, à tout le moins au bénéfice du doute.
7.
A._ a été condamné à une peine pécuniaire ferme de 30 jours-amende et le montant du jour-amende a été fixé à 40 francs. Le prénommé conteste la quotité de la peine au motif que le principe de célérité a été violé. Il résulte cependant des conclusions prises dans son mémoire d’appel qu’il admet le montant du jour-amende.
7.1
7.1.1
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 consid. 2.1 ; ATF 129 IV 6 consid. 6.1).
7.1.2
L’art. 29 al. 1 Cst garantit à toute personne, dans une procédure judiciaire ou administrative, le droit à ce que sa cause soit traitée dans un délai raisonnable. A l’instar de l’art. 6 par. 1 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ; RS 0.101), qui n’offre à cet égard pas une protection plus étendue, cette disposition consacre le principe de la célérité, en ce sens qu’elle prohibe le retard injustifié à statuer. Aux termes de l’art. 5 al. 1 CPP, les autorités pénales engagent les procédures pénales sans délai et les mènent à terme sans retard injustifié.
L’autorité viole cette garantie lorsqu’elle ne rend pas une décision qu’il lui incombe de prendre dans le délai prescrit par la loi ou dans le délai que la nature de l’affaire et les circonstances font apparaître comme raisonnable (cf. ATF 130 I 312 consid. 5.1). Le caractère raisonnable du délai s’apprécie selon les circonstances particulières de la cause, eu égard notamment à la complexité de l’affaire, à l’enjeu du litige pour l’intéressé, à son comportement ainsi qu’à celui des autorités compétentes (ATF 135 I 265 consid. 4.4 ; ATF 130 I 312 consid. 5.1). A cet égard, il appartient au justiciable d'entreprendre ce qui est en son pouvoir pour que l'autorité fasse diligence, que ce soit en l'invitant à accélérer la procédure ou en recourant, le cas échéant, pour retard injustifié (ATF 130 I 312 consid. 5.2). Enfin, on ne saurait reprocher à l'autorité quelques temps morts, qui sont inévitables dans une procédure. Lorsqu'aucun d'eux n'est d'une durée vraiment choquante, c'est l'appréciation d'ensemble qui prévaut. Des périodes d'activité intense peuvent donc compenser le fait que le dossier a été laissé momentanément de côté en raison d'autres affaires (ATF 130 IV 54 consid. 3.3.3 ; 130 I 312 consid. 5.2).
Le principe de la célérité impose aux autorités, dès le moment où l'accusé est informé des soupçons qui pèsent sur lui, de mener la procédure pénale sans désemparer, afin de ne pas maintenir inutilement l'accusé dans les angoisses qu'elle suscite. II s'agit d'une exigence posée à l'égard des autorités pénales, qui se distingue de la circonstance atténuante du temps relativement long, liée à l’approche de la prescription et qui suppose que l'accusé se soit bien comporté dans l'intervalle. Comme les retards dans la procédure pénale ne peuvent être guéris, le Tribunal fédéral a fait découler de la violation du principe de la célérité des conséquences sur le plan de la peine. Le plus souvent, la violation de ce principe conduira ainsi à une réduction de la peine, parfois même à la renonciation à toute peine ou encore à une ordonnance de non-lieu (en tant qu'ultima ratio dans des cas extrêmes ; ATF 117 IV 124 consid. 4d ; ATF 124 I 139 consid. 2a). La jurisprudence a ainsi créé praeter Iegem des sanctions autonomes de nature matérielle (ATF 130 IV 54).
Selon l’art. 48 let. e CP, le juge atténue la peine si l'intérêt à punir a sensiblement diminué en raison du temps écoulé depuis l'infraction et que l'auteur s'est bien comporté dans l'intervalle. L'atténuation de la peine en raison du temps écoulé depuis l'infraction procède de la même idée que la prescription. L'effet guérisseur du temps écoulé, qui rend moindre la nécessité de punir, doit aussi pouvoir être pris en considération lorsque la prescription n'est pas encore acquise, si l'infraction est ancienne et si le délinquant s'est bien comporté dans l'intervalle. Cela suppose qu'un temps relativement long se soit écoulé depuis l'infraction. Cette condition est en tout cas réalisée lorsque les deux tiers du délai de prescription de l'action pénale sont écoulés. Le juge peut toutefois réduire ce délai pour tenir compte de la nature et de la gravité de l'infraction (ATF 140 IV 145 consid. 3.1 et les références citées).
7.2
En l’espèce, au vu de la gravité objective du comportement routier de l’appelant, au surplus de nuit dans un endroit dangereux en raison du passage à niveau se trouvant à une sortie de localité et nonobstant qu’il soit libéré de l’infraction de lésions corporelles par négligence, la peine prononcée par le premier juge est tout à fait justifiée ; elle apparaît même modeste, au regard des principes résumés ci-dessus et de la culpabilité de l’appelant, en présence d’un cumul d’infractions. Il résulte des conclusions prises que la quotité du jour-amende est admise. Le sursis n’est pas remis en cause.
Il faut certes consentir à l’appelant que presque six ans se sont écoulés entre l’accident et les débats de première instance, alors que le délai de prescription est de sept ans, et que le principe de la célérité a en conséquence été violé. Il faut le constater et il ne suffit pas de tenir compte de l’ancienneté des faits comme l’a fait le premier juge. Il y aurait donc lieu en principe de réduire la peine pour tenir compte des principes résumés plus haut. Cela étant, la peine de 30 jours prononcée par le premier juge étant inférieur à celle que la Cour d’appel aurait prononcée en application de son plein pouvoir d’appréciation, la mention du principe de la célérité ne peut avoir pour conséquence une diminution de la peine. Quant à l’art. 48 let. e CP, il ne peut s’appliquer dans le cas d’espèce, la seule violation du principe de la célérité ne permettant pas de considérer que l’intérêt à punir ait sensiblement diminué ; ici, le premier juge a déjà tenu compte de la problématique, en constatant que le temps écoulé ne laissait plus la place à une amende à titre de sanction immédiate.
Il s’ensuit que la peine de trente jours-amende prononcée par le premier juge dans le jugement attaqué doit être confirmée. Il en va de même du montant du jour-amende, fixé à 40 fr., ainsi que de l’octroi du sursis avec un délai d’épreuve de deux ans.
III.
Conclusions civiles, frais et indemnité de première instance
8.
A._ fait grief au premier juge d’avoir renvoyé W._ à agir devant le juge civil pour ses prétentions contre lui et conclut donc au rejet de l’ensemble des conclusions civiles de ce dernier.
8.1
L'art. 58 al. 1 LCR dispose que si une personne est tuée ou blessée ou qu'un dommage matériel est causé par suite de l'emploi d'un véhicule automobile, le détenteur est civilement responsable. La loi fédérale impose la conclusion d'une assurance couvrant la responsabilité civile du détenteur et celle des personnes dont il est responsable (art. 63 al. 1 et 2 LCR). Dans la limite des montants prévus par le contrat d'assurance, le lésé peut intenter une action directe contre l'assureur (art. 65 al. 1 LCR). Le mode et l'étendue de la réparation ainsi que l'octroi d'une indemnité à titre de réparation morale sont régis par les principes du code des obligations concernant les actes illicites (art. 62 al. 1 LCR).
La responsabilité du détenteur est indépendante de toute faute de sa part, le cas fortuit ne le libérant pas, pas plus que la faute propre légère ou moyenne du lésé (Roland Brehm, La responsabilité civile automobile, 2
e
éd., Berne 2010, ch. 8 p. 4). Toutefois, en vertu de l'art. 59 al. 1 LCR, le détenteur est libéré de la responsabilité civile s'il prouve que l'accident a été causé par la force majeure ou par une faute grave du lésé ou d'un tiers sans que lui-même ou les personnes dont il est responsable aient commis de faute et sans qu'une défectuosité du véhicule ait contribué à l'accident. Il appert ainsi que le détenteur ne peut être libéré qu'en cas de faute grave exclusive du lésé (ATF 124 III 182 consid. 4a). Le fardeau de la preuve incombe au détenteur qui entend s'exonérer de sa responsabilité (arrêt TF 4A_699/2012 du 27 mai 2013 consid. 3.1 ; Oftinger/Stark, Schweizerisches Haftpflichtrecht, Besonderer Teil, vol. II/2, 4
e
éd., 1989, p. 282, n°646 et 647 et p. 182 n°427).
8.2
En l’espèce, nonobstant la faute consistant pour le piéton à traverser de nuit une route sans visibilité et l’acquittement de l’automobiliste s’agissant de l’infraction de lésions corporelles par négligence, le principe demeure celui de la responsabilité du détenteur du véhicule impliqué selon l’art. 58 al. 1 LCR. De plus, au vu de la gravité de l’excès de vitesse commis, il n’est pas envisageable de considérer à ce stade que le conducteur n’aurait commis aucune faute au sens de l’art. 59 al. 1 LCR. Il résulte par ailleurs de l’expertise que la vitesse du véhicule de A._ était susceptible d’avoir joué un rôle dans la gravité des blessures de W._ et cela, même si le choc ne pouvait pas être évité.
Il sied donc de confirmer le jugement de première instance sur ce point et de renvoyer les parties devant le juge civil s’agissant des conclusions civiles de W._ dans la mesure où on ne saurait en rejeter la totalité en l’état.
9.
A._ soutient qu’il ne devait être condamné à payer qu’une petite partie des frais de première instance, à hauteur de 300 francs.
9.1
Selon l’art. 426 al. 1 CPP, le prévenu supporte les frais de procédure s’il est condamné. Selon l’art. 426 al. 2 CPP, lorsque la procédure fait l’objet d’une ordonnance de classement ou que le prévenu est acquitté, tout ou partie des frais de procédure peuvent être mis à sa charge s’il a, de manière illicite et fautive, provoqué l’ouverture de la procédure ou rendu plus difficile la conduite de celle-ci.
En cas de classement partiel ou d’acquittement partiel, si le prévenu est libéré du chef d’accusation et condamné pour un autre, il sera condamné aux frais relatifs à sa condamnation et aura respectivement droit à une indemnité correspondant à son acquittement partiel (cf. Message relatif à l’unification du droit de la procédure pénale du 21 décembre 2005, FF 2006 1313 ad art. 438 CPP [actuel 430 CPP] ; arrêt TF 6B_300/2012 du 10 juin 2013 consid. 2.4). De la même manière que la condamnation aux frais n’exclut pas automatiquement l’indemnisation du prévenu partiellement acquitté, l’acquittement partiel n’induit pas d’office l’octroi d’une indemnisation. Celle-ci présuppose qu’aucun comportement illicite et fautif ne puisse être reproché au prévenu relativement aux agissements ayant donné lieu au classement ou à l’acquittement partiel (cf. art. 430 CPP a contrario ; arrêt TF 6B_300/2012 du 10 juin 2013 consid. 2.4).
Pour déterminer si le comportement en cause est propre à justifier l'imputation des frais, le juge peut prendre en considération toute norme de comportement écrite ou non écrite résultant de l'ordre juridique suisse pris dans son ensemble, dans le sens d'une application par analogie des principes découlant de l'art. 41 CO (Code des obligations du 30 mars 1911 ; RS 220) (TF 6B_439/2013 du 19 juillet 2013 consid. 1.1 ; TF 6B_99/2011 du 13 septembre 2011 consid. 5.1.2 ; Chapuis, in : Kuhn/Jeanneret [éd.], Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 2 ad art. 426 CPP). Le fait reproché doit constituer une violation claire de la norme de comportement (ATF 119 Ia 332 consid. 1b ; TF 6B_439/2013 précité consid. 1.1). L'acte répréhensible n'a pas à être commis intentionnellement. La négligence suffit, sans qu'il soit besoin qu'elle soit grossière (ATF 109 Ia 160 consid. 4a ; TF 6B_439/2013 précité consid. 1.1). La relation de causalité est réalisée lorsque, selon le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le comportement de la personne concernée était de nature à provoquer l'ouverture de la procédure pénale et le dommage ou les frais que celle-ci a entraînés (TF 6B_99/2011 précité consid. 5.1.2 et les références citées). En outre, le juge doit fonder sa décision sur des faits incontestés ou déjà clairement établis (ATF 112 Ia 371 consid. 2a ; TF 6B_87/2012 du 27 avril 2012 consid. 1.2).
Selon la jurisprudence, la condamnation d’un prévenu acquitté à supporter tout ou partie des frais, respectivement le refus de lui allouer une indemnisation à raison du préjudice subi par la procédure pénale, doit respecter la présomption d’innocence consacrée par l’art. 10 al. 1 CPP, 32 al. 1 Cst et 6 par. 2 CEDH. Celle-ci interdit de rendre une décision défavorable au prévenu libéré en laissant entendre que ce dernier serait néanmoins coupable des infractions qui lui étaient reprochées (arrêt TF 6B_300/2012 du 10 juin 2013 consid. 2.4 et réf. citées ; 6B_391/2014 du 18 septembre 2014 consid. 2.2). Une condamnation aux frais, respectivement un refus d’indemnisation, n’est ainsi admissible que si le prévenu a provoqué l’ouverture de la procédure pénale dirigée contre lui ou s’il en a entravé le cours.
9.2
En l’espèce, il s’agit d’un seul ensemble de faits, constitué d’un accident de la circulation dans le cadre duquel deux infractions graves à la circulation routière ont été commises par le conducteur, soit une conduite en état d’ébriété et un excès de vitesse. Initialement, l’enquête a en outre porté sur la contravention commise par le piéton. Si, comme le relève A._, on peut admettre que peu d’actes d’instruction ont été effectués concernant l’infraction de conduite en état d’ébriété, tel n’est pas le cas de l’excès de vitesse. Le fait que le prévenu ait finalement été acquitté d’une infraction supplémentaire, soit les lésions corporelles par négligence dans le cadre du même ensemble de fait, a été pris en compte par le premier juge dans la mesure où il a mis à la charge du prévenu moins de la moitié des frais de la cause. En effet, les frais d’expertise, par 7'231 fr., ont été laissés à la charge de l’Etat alors que seuls 5'058 fr. 60, soit l’équivalent de 41% du total des frais, ont été mis à la charge du prévenu condamné. Dès lors, la part des frais mise à la charge du prévenu est notablement insuffisante si l’on considère qu’un grand investissement a été opéré sur la question de la vitesse et sur celle du point de choc, qui conditionnait la question de la vitesse. A l’inverse, la question de la visibilité a fait l’objet d’un investissement moindre et, finalement, si le prévenu a été acquitté de l’infraction de lésions corporelles par négligence, c’est en raison de l’importante faute du piéton.
Partant, c’est à raison que le premier juge a mis 5'058 fr. 60 de frais à la charge de A._.
10.
A._ a pris des conclusions tendant à l'allocation d'une indemnité de 23'442 fr. 05 pour la procédure de première instance fondée sur l'art. 429 CPP.
10.1
Selon l'art. 429 al. 1 CPP, si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s'il bénéficie d'une ordonnance de classement, il a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (let. a), à une indemnité pour le dommage économique subi au titre de sa participation obligatoire à la procédure pénale (let. b) et à une réparation du tort moral subi en raison d'une atteinte particulièrement grave à sa personnalité, notamment en cas de privation de liberté (let. c).
10.2
En l’espèce, au vu de la jurisprudence citée ci-dessus (cf. consid. 9) tendant au parallélisme entre la décision sur les frais et celle sur l’indemnité, et dans la mesure où il a été libéré de l’infraction de lésions corporelles par négligence, A._, peut donc prétendre à une indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par cette phase de la procédure. Au vu de l'ensemble des circonstances, il convient d'arrêter cette indemnité à un tiers des dépenses occasionnés pour l’exercice raisonnable de ses droits de procédure, soit à 8'000 francs.
IV.
Synthèse, frais et indemnités
11.
En définitive, l’appel de W._ doit être rejeté, tandis que l’appel de A._ doit être partiellement admis. Le jugement sera réformé en ce sens qu’une indemnité de 8'000 fr. est allouée à A._ pour les dépenses occasionnées par l’exercice raisonnable de ses droits de procédure. Cette indemnité sera compensée avec les frais de justice, de première et deuxième instance, mis à la charge de A._, en application de l'art. 442 al. 4 CPP.
Vu l’issue de la cause, les frais d'appel, par 3’260 fr., constitués de l'émolument de jugement (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010 ; RSV 312.03.1]), seront mis pour un tiers à la charge de A._ et pour un tiers à la charge de W._, le solde étant laissé à la charge de l’Etat.
Aucune indemnité ne sera allouée à W._ dans la mesure où ce dernier succombe entièrement. L’appel de A._ étant rejeté à l’exception de l’octroi de l’indemnité au sens de l’art. 429 CPP pour la procédure de première instance, il n’y pas
matière à indemniser le prévenu selon cet article dans le cadre de la procédure d’appel. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
291278f0-b435-499e-9d45-4ca4ba4805a1 | En fait :
1.
F._, né en [...], a obtenu le brevet d'avocat en [...]. Il est inscrit au registre cantonal des avocats vaudois depuis [...] sans avoir fait l'objet d'une sanction ou d'une mesure disciplinaire.
2.
Me F._ a été consulté par W._ dans le cadre d'un litige du droit de la construction l'opposant à l'architecte X._ et à la société U._SA, en liquidation. Il a ouvert action devant la Cour civile du Tribunal cantonal par demande du 10 novembre 2005. La réponse des défendeurs du 20 mars 2006 a été envoyée à Me F._ le 6 avril 2006.
Le 22 janvier 2009, Me F._ a requis la fixation du délai de réplique. Le 27 janvier suivant, le juge instructeur a toutefois avisé les parties de la prochaine péremption d'instance du fait de l'expiration du délai d'une année après la production de la réponse. En l'absence de toute objection dans le délai fixé, le juge instructeur a constaté la péremption d'instance et rayé la cause du rôle par décision du 13 février 2009.
Me F._ n'a pas remis ce prononcé de péremption d'instance à sa cliente et n'a pas répondu aux demandes répétées de celle-ci sur l'avancement de la procédure.
Lors d'un téléphone au greffe de la Cour civile le 4 octobre 2010, W._ a été informée de la péremption d'instance. Cela lui a été confirmé par courrier du Juge instructeur de la Cour civile du 7 octobre 2010.
Par courrier du 4 octobre 2010, W._ a résilié le mandat et requis Me F._ de lui restituer son dossier.
Me F._ ne s'est pas exécuté.
Sur requête de Me P._ du 9 novembre 2011, Me F._ a transmis son dossier au nouveau conseil de W._. Par courriers des 11 et 25 novembre 2010, Me P._ a toutefois constaté que les écritures liées à la procédure ouverte en Cour civile cessaient au 22 janvier 2008. Il a dès lors requis la transmission des pièces manquantes.
Par courrier du 6 décembre 2010, Me P._ a relevé que la question d'une responsabilité civile professionnelle se posait. Il a demandé à Me F._ s'il était d'accord d'entrer en matière sur une discussion, si son assureur responsabilité civile avait été informé et si la péremption d'instance et l'écoulement du temps étaient préjudiciables aux intérêts de son ancienne cliente.
3.
Le 6 avril 2011, P._, pour sa cliente W._, a dénoncé Me F._ à la Chambre des avocats pour violation de l'art. 12 lit. a LLCA.
F._ s'est déterminé par courrier du 23 mai 2011. Il a expliqué que sa cliente avait connu un très grave accident de santé, qu'elle avait été plongée dans le coma et avait été hospitalisée pendant une longue période. Il ne se souvenait pas des contacts entretenus avec l'époux de sa cliente. Par la suite, il avait souhaité réintroduire la procédure mais avait lui-même rencontré des problèmes de santé qui l'avaient empêché d'assurer un suivi convenable du dossier.
Le 8 juin 2011, le Président de la Chambre des avocats a ouvert une enquête disciplinaire à l'encontre de Me F._ et confié l'instruction préliminaire prévue à l'art. 54 al. 1 LPAv à Me Christine Marti.
Le 1
er
juillet 2011, le membre instructeur a entendu Me F._. Celui-ci a admis avoir négligé le dossier de W._, négligence qui a conduit à la péremption d'instance. Il s'est déclaré conscient du fait que sa responsabilité était engagée. Il a expliqué avoir été très affecté par les problèmes de santé de sa cliente et avoir rencontré lui-même des ennuis de santé assez sérieux qui l'avaient empêché d'agir. Interpellé sur la question de savoir s'il avait transmis le prononcé de péremption d'instance à sa cliente ou à l'époux de celle-ci, il a expliqué n'avoir que de vagues souvenirs de cette période : il avait parlé de la problématique de la péremption d'instance avec Monsieur [...], mais ne se rappelait pas s'il avait envoyé le prononcé avec une lettre explicative. Il avait en outre exposé à Monsieur [...] qu'il fallait à nouveau ouvrir l'action, ce qu'il n'avait pas fait. Me F._ a indiqué avoir pris contact téléphoniquement avec son assureur RC.
Entendu le même jour, Me P._ a exposé le désarroi de ses clients face à l'inertie de Me F._, qui n'a jamais donné la moindre explication quant à son attitude et au sort de la procédure. Me P._ a fait valoir que certaines pièces originales semblaient manquer au dossier transmis.
Le membre instructeur a ensuite entendu conjointement Mes F._ et P._. Le premier a donné des explications sur ses carences, admis sa responsabilité, présenté des excuses et s'est engagé à écrire à son ancienne cliente une lettre d'explications et d'excuses. Il a également été convenu que Me F._ transmette la preuve de l'enregistrement du sinistre auprès de son assureur.
Le 31 août 2011, Me F._ a informé Me Marti qu'il détenait encore certaines pièces relatives à l'expertise hors procès faite sous l'autorité du juge de paix ainsi que certains classeurs de documents divers, mais pas les autres pièces recherchées par Me P._. Il a répété avoir annoncé le sinistre à son assurance mais n'a pas fourni la preuve requise.
Par courrier du 7 septembre 2011, également adressé à Me Marti, Me P._ a constaté qu'il n'avait pas reçu d'offre d'indemnisation du préjudice de la part de Me F._ et que les éléments manquants du dossier original ne lui avaient pas été remis.
4.
Par décision du 26 septembre 2011, le Président de la Chambre a renvoyé Me F._ devant la Chambre des avocats en application de l'art. 54 al. 2 LPAv.
Le 8 novembre 2011, Me P._ a informé Me Marti que sa mandante était toujours sans nouvelles de Me F._ et de son assureur.
Me F._ a été entendu ce jour par la Chambre des avocats. | En droit :
I.
a)
La procédure de surveillance des avocats relève de la loi fédérale du 23 juin 2000 sur la libre circulation des avocats (RS 935.61; ci-après: LLCA) et de la loi vaudoise du 24 septembre 2002 sur la profession d'avocat (RSV 177.11; ci-après: LPAv). A teneur de l'art. 10 LPAv, la Chambre des avocats se saisit d'office, sur plainte ou sur dénonciation, de toute question concernant l'activité professionnelle d'un avocat.
b)
La LLCA a harmonisé au plan fédéral les règles professionnelles les plus importantes figurant dans les législations cantonales. Les règles déontologiques conservent toutefois une portée juridique, dans la mesure où elles peuvent servir à interpréter et à préciser les règles professionnelles (Message du Conseil fédéral du 28 avril 1999 concernant la loi fédérale sur la libre circulation des avocats, in FF 1999 VI p. 5355, spéc. p. 5368). L'art. 12 LLCA comporte ainsi un catalogue exhaustif de règles professionnelles auxquelles l'avocat doit se soumettre (ATF 129 II 297 c. 1.1; Message, pp. 5372 et 5373).
II. a)
La clause générale de l'art. 12 let. a LLCA dispose que l'avocat "exerce sa profession avec soin et diligence". Elle permet d'exiger de l'avocat qu'il se comporte correctement dans l'exercice de sa profession afin de préserver la confiance du public (FF 1999 p. 5331, spéc. p. 5368). Il doit, de manière toute générale, assurer et maintenir la dignité de la profession, en s’abstenant notamment de tout ce qui pourrait porter atteinte à la considération et à la confiance dont il doit jouir pour remplir sa mission (TF 2A.151/2003 du 31 juillet 2003; ATF 108 Ia 316 c. 2b/bb, JT 1984 I 183 ; ATF 106 Ia 100 c. 6b, JT 1982 I 579).
L'avocat viole notamment son devoir de diligence à l'égard de son client s'il gère son dossier de manière gravement déficiente ou s'il viole son devoir d'information (Bohnet/Martenet, op. cit., n. 1201 p. 514).
b)
La dénonçante reproche à Me F._ d'avoir laissé l'instance se périmer et de ne pas l'en avoir informée, malgré ses demandes répétées d'information sur le suivi du dossier.
Comme tout mandataire, l'avocat est responsable envers le mandant de la bonne et fidèle exécution du mandat. L'autorité de surveillance n'a pas à examiner la justesse et l'opportunité des démarches du mandataire. Une mesure disciplinaire ne s'impose que lorsque la violation du devoir de diligence porte atteinte à la confiance placée dans l'avocat et sa profession (Bohnet/Martenet, Droit de la profession d'avocat, Berne 2009, n. 2713 p. 1085).
Ainsi, un avocat qui laisse échapper un délai verra suivant les circonstances sa responsabilité contractuelle engagée, mais ne risquera pas de sanction disciplinaire, à moins que son manquement ne soit intentionnel ou ne résulte d'une négligence grossière, par exemple une organisation gravement déficiente (Bohnet/Martenet, op. cit., n. 1154 p. 498). L'avocat doit organiser son travail de telle manière qu'il puisse exercer sa profession avec soin et diligence. Son étude doit également être organisée de façon à ce que les délais et échéances puissent être respectés (Bohnet/Martenet, op. cit., n. 1169 pp. 503-504). Un avocat risque ainsi une sanction disciplinaire s'il gère des dossiers de manière extrêmement négligente, en ne répondant pas à son client malgré plusieurs demandes de sa part, en reportant de manière injustifiée le dépôt d'une demande en justice, en ne prenant pas les mesures qui s'imposent pour la défense des intérêts du client. Des problèmes personnels, de santé ou de secrétariat, ou encore une surcharge momentanée ne justifient pas des manquements au devoir de diligence (Bohnet/Martenet, op. cit., n. 1203 pp. 514-515).
En l'espèce, Me F._ a non seulement laissé l'instance se périmer, mais il n'en a surtout pas averti sa cliente. Il déclare avoir informé le mari de sa cliente mais aucun élément au dossier ne vient étayer ce fait. Me F._ a d'ailleurs admis lors de son audition par le membre instructeur n'avoir que de "vagues souvenirs" de cette période. Il n'a en outre pas répondu aux demandes de renseignements sur l'avancement du dossier de sa cliente, laquelle soutient n'avoir appris que par téléphone du 4 octobre 2010 au greffe de la Cour civile du Tribunal cantonal la péremption d'instance. A cela s'ajoute que Me F._ a tardé à remettre un dossier complet au nouveau conseil de Mme W._.
Me F._ n'a ainsi pas accordé toute l'attention utile à son dossier. Il n'a pas organisé son travail – son étude – de manière à préserver les délais utiles. Il n'a pas répondu à sa cliente malgré plusieurs demandes de sa part et par la suite, il n'a pas pris les mesures qui s'imposaient pour la défense des intérêts de sa cliente: dépôt d'une nouvelle action et démarches auprès de son assurance responsabilité civile pour la prise en charge du dommage lié à la péremption d'instance. En effet, sur ce dernier point, si Me F._ affirme avoir annoncé le sinistre à son assureur, il n'en a jamais apporté la preuve au membre instructeur, à Me P._ ou à la Chambre, malgré de nombreuses demandes en ce sens et son engagement régulier à le faire.
Me F._ a admis avoir fait preuve de négligence dans la gestion du dossier de sa cliente, négligence qui a conduit à la péremption d'instance. Il s'est également déclaré conscient du fait que sa responsabilité était engagée. Il fait valoir qu'il a été affecté par l'accident de sa cliente et ses conséquences (coma et hospitalisation de longue durée) et par ses problèmes de santé. De tels problèmes ne doivent toutefois pas amener un avocat à négliger ses obligations professionnelles sur une aussi longue période. Il appartient à l'avocat qui n'est plus capable d'assumer ses mandats pour des raisons personnelles de prendre les mesures qui s'imposent pour la sauvegarde des intérêts de ses clients, en se faisant remplacer ou en résiliant le mandat en temps opportun.
Les manquements de Me F._ dans le dossier de sa cliente W._ sont ainsi d'une gravité certaine et constituent une violation de son devoir de diligence découlant de l’art. 12 let. a LLCA. Ce manquement doit être sanctionné sur le plan disciplinaire.
III.
a)
L'art. 17 LLCA permet de prononcer, en cas de violation de la loi, l'avertissement, le blâme, une amende de 20'000 fr. au plus, l'interdiction de pratiquer pour une durée maximale de deux ans ou l'interdiction définitive de pratiquer.
Le droit disciplinaire est soumis au principe de proportionnalité (ATF 108 Ia 230, JT 1984 I 21 ; Bohnet/Martenet, op. cit., n. 2178 p. 888 et les références citées; Montani/Barde, La jurisprudence du Tribunal administratif relative au droit disciplinaire, in RDAF 1996 p. 345, spéc. p. 347, pp. 363 ss ; Grisel, Traité de droit administratif, vol. I, p. 354 ; Muller, Le principe de la proportionnalité, in RDS 1978 II 197, spéc. p. 229) et à celui de l’opportunité (Montani/Barde, ibid.). La mesure prononcée doit tenir compte, de manière appropriée, de la nature et de la gravité de la violation des règles professionnelles. Elle doit se limiter à ce qui est nécessaire pour garantir la protection des justiciables et empêcher les atteintes au bon fonctionnement de l'administration de la justice. Il y a lieu de déterminer le but que la sanction disciplinaire doit atteindre dans le cas particulier et de choisir la mesure qui est apte, nécessaire et proportionnée à cette fin (Bohnet/Martenet, op. cit., nn. 2183-2184 p. 890).
La règle de la proportionnalité met ainsi en balance la gravité des effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public. L'autorité tiendra compte d'éléments objectifs, soit de l'atteinte portée à l'intérêt public, et de facteurs subjectifs, comme par exemple des motifs qui ont conduit l'intéressé à violer ses obligations (Montani/Barde, op. cit., pp. 349-350). La sanction disciplinaire vise d’abord à amener l’avocat en cause à avoir à l’avenir un comportement conforme aux exigences de la profession (ATF 108 Ia 230, JT 1984 I 21).
b)
En l'espèce, Me F._ a failli à son devoir de diligence tout au long de son mandat, soit sur une longue durée, en laissant l'instance se périmer, en n'informant pas sa cliente de ce fait, en ne répondant pas à ses requêtes, en égarant des pièces au dossier et en n'assumant pas les conséquences de son inaction par des démarches sérieuses auprès de son assureur responsabilité civile.
Me F._ a été affecté par l'accident de sa cliente et par ses propres problèmes de santé. Il a également admis avoir souffert d'épisodes dépressifs. Interpellé sur ces différents problèmes, Me F._ a déclaré qu'il allait se faire aider. On peut en effet attendre d'un avocat qu'il se soigne et prenne des précautions pour protéger les intérêts de ses clients. Me F._ est ainsi exhorté à prendre toutes mesures utiles pour se faire aider de manière à rester en état de pratiquer.
En l'état, au regard de l'ensemble des circonstances, il y a lieu d'infliger à Me F._ la peine du blâme.
IV.
Les frais de la cause, comprenant un émolument ainsi que les frais d'enquête, par 318 fr., sont arrêtés à 600 francs. Ils sont mis à la charge de l’avocat F._ (art. 61 al. 1 LPAv). | Public | Public Administration | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_005 | VD | Région lémanique |
294c68de-f368-47f0-9656-96a107d8d06d | En fait :
A.
Par jugement du 10 avril 2012, le Tribunal de police de l’arrondissement de l'Est vaudois a condamné C._ pour violation simple des règles de la circulation et opposition aux mesures visant à déterminer l'incapacité de conduire, à un travail d'intérêt général de 140 heures (I) et a mis les frais de la cause par 1'040 fr. à la charge du condamné (II).
B.
En temps utile, C._ a déposé une annonce, puis une déclaration d’appel. Il a conclu principalement à ce qu'il soit libéré du chef d'accusation d'opposition aux mesures visant à déterminer l'incapacité de conduire et exempté de toute peine pour ce qui concerne la violation simple des règles de la circulation routière, subsidiairement à ce qu'il soit exempté de toute peine et très subsidiairement à ce qu'il soit condamné à une peine plus clémente à dire de justice.
Dans le délai imparti, le Ministère public s'en est remis à justice s'agissant de la recevabilité de l'appel et a renoncé à déposer un appel joint. Il a conclu au rejet de l'appel formé par C._.
Par courrier du 29 mai 2012, C._ a demandé à être mis au bénéfice de l'assistance judiciaire. Par décision du 30 mai 2012, la Direction de la procédure a refusé de désigner un défenseur d'office à C._ dans la procédure d'appel.
Par courrier du 29 juin 2012, C._ a déposé une nouvelle pièce au dossier (P. 25).
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
C._ est né le 19 août 1955 à Monthey. Il est marié à Nathalie Zambeaux. Il exerce l'activité de brocanteur indépendant et bénéficie de l'aide sociale de la Commune de Saint-Maurice où il est domicilié.
D'après l'extrait de son casier judiciaire, C._ a déjà été condamné le 27 juin 2006 pour conducteur pris de boisson par l'Office régional du Juge d'instruction du Bas-Valais Saint-Maurice à une peine d'emprisonnement de 20 jours et une amende de 600 fr. et le 15 octobre 2008 pour conducteur se trouvant dans l'incapacité de conduire (taux d'alcoolémie qualifié) par l'Office régional du Juge d'instruction du Bas-Valais à une peine pécuniaire de 36 jours-amende à 35 francs. C._ a également fait l'objet de deux retraits de permis de conduire à la lecture de son extrait ADMAS du 12 octobre 2006 au 11 février 2007, retrait révoqué le 11 janvier 2007 et du 28 juillet 2008 au 27 octobre 2009, retrait révoqué le 27 juillet 2009. Le sort de son permis de conduire est en suspens en attente du jugement pénal.
2.
Le samedi 30 juillet 2011, aux alentours de 18h30, C._ conduisait un scooter confié sur la route reliant l'Arzillier à Morcles. Il regagnait son domicile après un petit arrêt dans un café régional où il avait consommé, de son propre aveu, deux mini bières et un ballon de vin blanc.
Au volant du scooter, C._ s'est déporté à droite et a perdu la maîtrise de son véhicule. Il a roulé sur 28 mètres 70 sur le champ longeant la route de façon rectiligne et en s'éloignant progressivement du bord de celle-ci. Il a fini par heurter un élément en granit se trouvant dans le champ à 2 mètres 10 de la chaussée. A la suite du choc, l'appelant a été désarçonné de son motocycle et a chuté sur l'herbe. Il a expliqué avoir roulé sur un obstacle. Toutefois, les observations de la police ont démontré que la route était vierge, qu'il n'y avait pas de trace de manœuvre d'évitement, ni de trace de freinage.
Après l'accident, C._ a quitté les lieux à pied en direction de son domicile et sans avertir la police. Une ambulance qui était déjà sur place, à l'arrivée de la police, a expliqué que l'appelant refusait de collaborer. La police a rattrapé l'appelant et l'a persuadé de retourner auprès de l'ambulance. "Comme il titubait fortement, qu'il sentait l'alcool et qu'il tenait des propos incohérents, ce qui démontre qu'il était manifestement sous l'emprise de l'alcool, nous [la police] avons aidé les ambulanciers à le coucher sur la civière" (P. 4). C._ a ensuite été conduit à l'Hôpital du Chablais pour effectuer des examens médicaux. La police a croisé l'appelant qui sortait de l'hôpital après avoir refusé les soins. C'est à ce moment-là qu'il a également refusé de souffler dans l'éthylomètre et de procéder à une prise de sang. Entendu le soir même par la police, il a expliqué qu'il n'avait pas voulu souffler dans l'éthylomètre parce qu'il n'avait pas d'alcool dans le sang et avoir refusé la prise de sang parce qu'il souffrait d'une hépatite C et ne voulait plus de piqûre.
Le médecin qui a examiné l'appelant à la suite de l'accident a notamment constaté qu'il était volubile, donnant l'impression de ne pas raconter la vérité.
Trois jours après les faits, C._ a été consulté son médecin traitant (P. 12). Il lui a déclaré qu'il ne se souvenait pas de l'accident et qu'il avait été emmené à l'hôpital en ambulance mais qu'il était reparti faute d'avoir été examiné. Le certificat médical mentionne notamment, à la rubrique status, des "céphalées avec examen neurologique normal" et à la rubrique diagnostic, une "commotion cérébrale (perte de connaissance sur les lieux de l'accident)". Le médecin, à nouveau consulté trois jours plus tard pour le suivi, a noté que l'évolution était favorable.
Devant le Procureur et aux débats, C._ a affirmé ne pas se souvenir de l'accident, ni de la suite des évènements. | En droit :
1.
1.1
Interjeté dans les forme et délais légaux (cf. art. 399 CPP) contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel est recevable.
1.2
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
2.
Le 29 juin 2012, C._ a déposé un nouveau certificat médical (P. 25).
La procédure de recours se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance (art. 389 al. 1 CPP). L'autorité de recours administre toutefois, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP).
En l'espèce, la production de cette nouvelle pièce est tardive et contraire aux règles de la bonne foi, dès lors que l'appelant aurait pu s'en prévaloir durant l'instruction ou aux débats de première instance. Quand bien même ce document aurait été recevable, il est totalement inexploitable dès lors qu'on ne sait pas de quels documents et de quelles informations le médecin qui l'a rédigé, qui, au demeurant, n'est pas le même que le médecin traitant que C._ avait consulté trois jours après l'accident, disposait pour rendre son avis médical.
3.
L'appelant conteste sa condamnation pour opposition aux mesures visant à déterminer l'incapacité de conduire.
Relevant que l'opposition est un délit intentionnel, l'appelant soutient que, souffrant d'une commotion cérébrale et choqué par l'accident, il ne possédait pas sa capacité de discernement au moment de sa prise en charge par les ambulanciers puis par les médecins de l'hôpital. Il affirme qu'il n'a pas compris les raisons pour lesquelles il devait se soumettre aux mesures ordonnées par la police.
3.1.
Selon l'art. 91a LCR (Loi fédérale du 19 décembre 1958 sur la circulation routière; RS 741.01), quiconque, en qualité de conducteur de véhicule automobile, se sera opposé ou dérobé intentionnellement à un prélèvement de sang, à un alcootest ou à un autre examen préliminaire réglementé par le Conseil fédéral, qui avait été ordonné ou dont il devait supposer qu'il le serait, ou quiconque se sera opposé ou dérobé intentionnellement à un examen médical complémentaire ou aura fait en sorte que des mesures de ce genre ne puissent atteindre leur but, sera puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
Cette disposition prévoit trois hypothèses alternatives, à savoir l'opposition, la dérobade et l'entrave à la constatation de l'alcoolémie.
L’opposition suppose que la mesure a été ordonnée. Il est nécessaire que les circonstances autorisaient à donner l’ordre et que la décision ait été prise par l’autorité compétente. L’acte délictueux consiste à refuser la mesure. Le refus peut être exprès ou résulter d’actes concluants. Par exemple, il y a refus si l’auteur, sans exprimer verbalement son opposition, résiste, n’ouvre pas sa porte ou s’enfuit (cf. Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. II, 3
ème
éd., Berne 2010, n. 15 ad art. 91a LCR).
L'infraction étant intentionnelle, il suffit que l'auteur soit conscient d'être l'objet d'un ordre de se soumettre à une mesure et que, ce nonobstant, il s'y oppose (Jeanneret, Les dispositions pénales de la Loi sur la circulation routière (LCR), Berne 2007, n. 42 ad art. 91a LCR, p. 138).
La dérobade est liée à la violation des devoirs en cas d'accident et constitue un autre cas de figure que l’opposition.
3.2
Aux termes de l'art. 19 al. 1 CP, l'auteur n'est pas punissable si, au moment d'agir, il ne possédait pas la faculté d'apprécier le caractère illicite de son acte ou de se déterminer d'après cette appréciation.
S'agissant des effets des troubles dont souffre l'auteur, il suffit que celui-ci, au moment où il agit, ne possède pas la faculté d'apprécier le caractère illicite de son acte ou de se déterminer d'après cette appréciation. Les effets ne sont pas cumulatifs : l'auteur doit être privé de l'une au moins des deux facultés nécessaires pour que soit reconnue sa responsabilité, à savoir la conscience et la volonté (Dupuis/Geller/Monnier/Moreillon/Piguet, Petit commentaire, Code pénal, Bâle 2012, n. 8 ad art. 19 CP, p. 142). On distingue ainsi la capacité cognitive, soit la capacité intellectuelle d'un individu de connaître ses devoirs, de se rendre compte de son insertion sociale et juridique et de comprendre les exigences de la société à son égard, de la capacité volitive, soit la capacité pour une personne consciente de ses devoirs d'agir selon ses propres motivations, conformément au droit; dans ce dernier cas, il s'agit du potentiel volontaire minimum qui permet à l'individu de se déterminer, dans le cas concret, par rapport aux normes admises par la communauté à laquelle il appartient. L'examen de la capacité cognitive précède celui de la capacité volitive. En outre, la faculté de se déterminer n'est étudiée que si l'auteur possède celle d'apprécier le caractère illicite de son acte. Dans le cas contraire, on se trouve déjà dans un cas d'irresponsabilité, tout comme lorsque l'auteur qui possède la capacité d'apprécier le caractère illicite de son acte est privé de la faculté d'autodétermination (Dufour, La culpabilité, in Kuhn/Moreillon/Viredaz/Bichovsky, La nouvelle partie générale du Code pénal suisse, Berne 2006, pp. 72 s.).
L'art. 19 al. 2 CP dispose que le juge atténue la peine si, au moment d'agir, l'auteur ne possédait que partiellement la faculté d'apprécier le caractère illicite de son acte ou de se déterminer d'après cette appréciation. La responsabilité restreinte est caractérisée par une défaillance de la connaissance et/ou de la volonté, avec la nuance que le défaut diminue, mais ne supprime pas toute faculté de se déterminer (Dupuis et alii, op. cit., n. 14 ad art. 19 CP, p. 143).
3.3
En l'espèce, la théorie de l'appelant ne peut pas être suivie. Sauf pour la commotion cérébrale mentionnée dans le certificat médical établi trois jours plus tard par le médecin traitant, il n'existe aucun élément attestant ou corroborant une incapacité de discernement temporaire. Au contraire, le refus de monter dans l'ambulance, puis le refus d'accepter les traitements offerts à l'hôpital, puis la constatation médicale d'un patient volubile cherchant à raconter des histoires, puis le refus motivé de souffler dans le ballon et d'accepter une prise de sang attestent d'une volonté de fuir tous les intervenants, en toute connaissance de cause et non pas en raison d'une incapacité de discernement passagère. En effet, l'opposition était manifeste: "J'ai pas voulu souffler, car je pense que je n'ai pas d'alcool dans le sang" et "je n'ai plus envie de piqûres". L'appelant s'est vu notifier des demandes claires, qu'il ne soutient pas ne pas avoir comprises. La teneur des réponses données atteste d'ailleurs qu'il a parfaitement compris de quoi il s'agissait. Le refus de monter initialement dans l'ambulance puis le départ de l'hôpital après le refus d'être traité contribuent d'ailleurs à corroborer l'hypothèse du refus de celui qui craint le contrôle de son état physique.
Peu importe le point de savoir si c'est pour des raisons tactiques que l'appelant a ultérieurement déclaré avoir tout oublié de l'accident. Il suffit de constater que, le jour de l'évènement, son refus des mesures de contrôle était motivé de façon parfaitement cohérente et que son récit de l'accident est cohérent et plausible au regard de la description des lieux. Cependant, s'il y a eu un obstacle, il s'agissait d'un bloc de granit dans le champ, après la perte de maîtrise du véhicule, et non d'un obstacle sur la route ayant causé dite perte de maîtrise.
Enfin, les ambulanciers et les médecins sont formés pour l'attitude adéquate à adopter en présence d'un accidenté de la route, et plus particulièrement d'un scootériste ayant chuté et souffrant d'innombrables confusions; jamais ils n'auraient laissé l'appelant repartir s'il existait des indices d'un problème cérébral. La constatation d'une commotion cérébrale opérée quelques jours plus tard par le médecin traitant doit être relativisée en raison du caractère extrêmement large de cette notion et du fait que le diagnostic a été posé sans examen approfondi, ni radio, ni scanner, ni examen neurologique.
En conséquence, la théorie d'une incapacité de discernement, totale ou partielle, due au choc, n'est pas plausible. C'est donc à juste titre que le premier juge a condamné C._ pour opposition aux mesures visant à déterminer l'incapacité de conduire.
4.
L'appelant soutient qu'il doit être mis au bénéfice d'une exemption de peine au sens de l'art. 52 CP, les conséquences de l'accident n'ayant eu des répercutions néfastes que pour lui-même.
4.1
D'après l'art. 52 CP, si la culpabilité de l’auteur et les conséquences de son acte sont peu importantes, l’autorité compétente renonce à le poursuivre, à le renvoyer devant le juge ou à lui infliger une peine.
Le Tribunal fédéral précise que l'exemption de peine suppose que l'infraction soit de peu d'importance, tant au regard de la culpabilité de l'auteur que du résultat de l'acte. L'importance de la culpabilité et celle du résultat dans le cas particulier doivent être évaluées par comparaison avec celle de la culpabilité et celle du résultat dans les cas typiques de faits punissables revêtant la même qualification. Pour apprécier la culpabilité, il faut tenir compte de tous les éléments pertinents pour la fixation de la peine, notamment des circonstances personnelles de l'auteur (ATF 135 IV 130, c. 5.3.2).
4.2
En l'espèce, l'argumentation de l'appelant fait fi du fait que ce n'est pas tant l'accident qui lui est reproché que l'opposition aux mesures destinées à déterminer l'incapacité de conduire : C._ a en effet été condamné tant pour opposition aux mesures destinées à déterminer l'incapacité de conduire que pour violation simple des règles de la circulation routière.
Le fait que l'appelant a été blessé lors de l'accident n'a pas de rapport avec le fait qu'il s'est opposé, après l'accident, à souffler dans le ballon et à la prise de sang.
Pour le reste, il n'est pas contesté que C._ a perdu la maîtrise de son véhicule alors que les conditions de conduite étaient bonnes. En effet, il faisait jour, la route était sèche, la visibilité était bonne et il n'y avait pas d'obstacle sur la route. La culpabilité de l'appelant est donc importante dans la survenance de l'accident. En outre, si les conséquences de la perte de maîtrise du véhicule n'ont pas été plus graves, ce n'est en aucun du fait que l'infraction était de peu d'importance, mais bien parce que l'appelant a eu de la chance.
L'art. 52 CP n'est dès lors pas applicable dans le cas d'espèce.
5.
L'appelant conteste la peine infligée. Il soutient que la peine est trop sévère et que l'appréciation de sa culpabilité est erronée dès lors qu'il était infondé de retenir que sa perte de mémoire était stratégique.
A l'audience, l'appelant a également déclaré à la Cour de céans que sa situation de santé ne lui permettait pas d'effectuer un travail d'intérêt général.
5.1
La fixation de la peine est régie par l'art. 47 CP, qui correspond à l'art. 63 aCP et à la jurisprudence y relative qui garde donc sa valeur. Selon l'art. 50 CP, le juge doit motiver sa décision de manière suffisante. Sa motivation doit permettre de vérifier s'il a été tenu compte de tous les éléments pertinents et comment ils ont été appréciés (cf. ATF 134 IV 1 c. 4.2.1).
L'art. 47 al. 1 CP prévoit que la peine doit être fixée d'après la culpabilité de l'auteur, en tenant compte des antécédents et de la situation personnelle de ce dernier ainsi que de l'effet de la peine sur son avenir. L'alinéa 2 de cette disposition énumère, de manière non limitative, une série de critères à prendre en considération pour déterminer la culpabilité de l'auteur. Ces critères correspondent à ceux établis par la jurisprudence relative à l'art. 63 aCP (TF 6B_38/2011 du 26 avril 2011 c. 3.2; ATF 134 IV 17 c. 2.1).
Pour fixer la peine, le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation. Il y a toutefois violation du droit fédéral lorsque le juge sort du cadre légal, lorsqu'il fonde sa décision sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, lorsqu'il omet de prendre en considération des éléments prévus par cette disposition ou lorsqu'il a abusé de son pouvoir d'appréciation en fixant une peine exagérément sévère ou excessivement clémente (TF 6B_327/2011 du 7 juillet 2011 c. 2.1; ATF 134 IV 17 c. 2.1).
5.2
A titre de sanctions, le nouveau droit fait de la peine pécuniaire (art. 34 CP) et du travail d'intérêt général (art. 37 CP) la règle dans le domaine de la petite criminalité, respectivement de la peine pécuniaire et de la peine privative de liberté la règle pour la criminalité moyenne. Dans la conception de la nouvelle partie générale du Code pénal, la peine pécuniaire constitue la sanction principale. Les peines privatives de liberté ne doivent être prononcées que lorsque l'Etat ne peut garantir d'une autre manière la sécurité publique. Quant au travail d'intérêt général, il suppose l'accord de l'auteur. Conformément au principe de la proportionnalité, lorsque plusieurs peines entrent en considération et apparaissent sanctionner de manière équivalente la faute commise, il y a en règle générale lieu de choisir celle qui restreint le moins sévèrement la liberté personnelle de l'intéressé, respectivement qui le touche le moins durement (TF 6B_128/2011 du 14 juin 2011 c. 3.1; ATF 134 IV 97 c. 4.2.2). La peine pécuniaire et le travail d'intérêt général représentent des atteintes moins importantes et constituent ainsi des peines plus clémentes. Cela résulte également de l'intention essentielle, qui était au cœur de la révision de la partie générale du Code pénal en matière de sanction, d'éviter les courtes peines de prison ou d'arrêt, qui font obstacle à la socialisation de l'auteur, et de leur substituer d'autres sanctions. Le principe de la proportionnalité n'oblige toutefois à donner la préférence à la peine pécuniaire ou au travail d'intérêt général que si cette dernière permet de sanctionner la culpabilité de l'auteur de manière équivalente. Dans le cas contraire, le juge peut prononcer une peine privative de liberté (TF 6B_210/2010 du 8 juin 2010; ATF 134 IV 82 c. 4.1).
Le choix du type de peine doit être opéré en tenant compte au premier chef de l'adéquation d'une sanction déterminée, de ses effets sur l'auteur et sur sa situation sociale ainsi que de son efficacité du point de vue de la prévention (TF 6B_128/2011 du 14 juin 2011 c. 3.1; ATF 134 IV 97 c. 4.2). Il faut également tenir compte des antécédents de l'appelant, de la gravité des infractions en cause et du risque de récidive. La situation économique de l'auteur ou le fait que son insolvabilité apparaît prévisible ne constituent en revanche pas des critères déterminants pour choisir la nature de la sanction.
En vertu de l'art. 50 CP, le choix de la sanction, comme la quotité et la durée de celle qui est prononcée, doit être motivé de manière suffisante. La motivation adoptée doit permettre de vérifier si les éléments pertinents ont été pris en compte et comment ils ont été appréciés (ATF 134 IV 1 c. 4.2.1).
5.3
En l'espèce, il convient tout d’abord d’examiner la question de la quotité de la peine.
Il convient d'admettre qu'il n'existe pas d'éléments au dossier dont il résulterait que la perte de mémoire soit stratégique. Ceci ne change toutefois rien au fait qu'il s'agit de la troisième condamnation de l'appelant pour des faits de même nature et que, caractérisée comme l'infraction l'est en l'espèce, la culpabilité de l'appelant est importante. Etant en parfaite connaissance de cause de ses antécédents avec la justice, l'appelant a tenté de se trouver des excuses pour échapper à ce qui lui apparaissait inéluctable. Se prévalant d'une perte de mémoire dont peu importe en réalité qu'elle soit avérée ou non, l'appelant campe sur sa position.
La quotité de la peine est adéquate au regard des infractions commises, de la culpabilité de l'appelant et de sa situation personnelle. Elle ne relève ni d'un abus, ni d'un excès du pouvoir d'appréciation dont jouit l'autorité de première instance, laquelle n'a ignoré aucun des critères déterminants de l'art. 47 CP.
5.4
Reste la question de la nature de la peine
Lors des débats de première instance, l'appelant a déclaré ne pas s'opposer à un travail d'intérêt général. Aucun élément au dossier n'atteste d'une éventuelle incapacité de travail de l'appelant depuis l'audience de jugement devant le Tribunal de première instance. Sa situation n'a en effet pas évolué. En outre, il n'a pas conclu formellement à la modification du type de peine.
Par conséquent, la condamnation de l'appelant à une peine de 140 heures de travail d'intérêt général doit donc être confirmée.
Enfin, c'est à juste titre que l'appelant ne remet pas en cause le refus du sursis, le pronostic étant tout à fait défavorable au vu du passé judiciaire et d'un déni constant.
6.
En définitive, l'appel, mal fondé, est rejeté et la décision du Tribunal de première instance intégralement confirmée.
Vu l'issue de la cause, les frais de la procédure d'appel, comprenant l'émolument du présent jugement, par 1'830 fr. (art. 21 al. 1 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]), doivent être mis à la charge de C._ (art. 428 al. 1 CPP).
La Cour d’appel pénale
vu les articles 37, 47 49 CP;
90 ch. 1, 91a al. 1 LCR;
398 ss CPP
prononce :
I.
L’appel est rejeté.
II.
Le jugement rendu le 10 avril 2012 par le Tribunal de police de l'arrondissement de l'Est vaudois est confirmé selon le dispositif suivant :
"
I. Condamne C._ pour violation simple des règles de la circulation routière et opposition aux mesures visant à déterminer l'incapacité de conduire, à un travail d'intérêt général de 140 heures;
II. Met les frais de la cause par 1'040 fr. à la charge du condamné."
III.
Les frais d'appel sont mis, par 1'830 fr. (mille huit cent trente francs), à la charge de C._.
IV.
Le présent jugement est exécutoire. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
29a0cf81-76b8-4e15-bf76-6d258c00bf37 | En fait :
A.
Par jugement du 17 juin 2014, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a libéré L._ des accusations d'abus de confiance et de gestion déloyale (I), mis les frais, par 8'786 fr., à la charge de celui-ci (II) et rejeté toute autre ou plus ample conclusion (III).
B. a)
Par déclaration d'appel du 14 juillet 2014, D._ et la société R._ Ltd ont formé appel contre ce jugement, concluant, avec suite de frais et dépens, à sa réforme en ce sens que L._ est condamné pour abus de confiance et gestion déloyale à une peine ne devant pas être inférieure à celle requise dans l'acte d'accusation, soit 300 jours-amende à 150 fr. le jour.
Ils ont en outre conclu à ce que le jugement entrepris soit réformé en ce sens que L._ est condamné à verser à D._ la somme de 21'000.14 € avec intérêts à 5 % l'an dès le 27 novembre 2013, ainsi que les sommes suivantes à la société R._ Ltd :
- 22'128 fr. 31, subsidiairement EUR 14'225.85, avec intérêts à 5 % l'an dès le 22 décembre 2003;
-11'742 fr. 25, subsidiairement EUR 7'248.30, avec intérêts à 5 % l'an dès le 9 janvier 2008;
- 29'403 fr. 75, subsidiairement EUR 18'139.25, avec intérêts à 5 % l'an dès le 10 janvier 2008;
- 18'804 fr., subsidiairement EUR 12'000.00, avec intérêts à 5 % l'an dès le 7 janvier 2005;
- 5'515 fr., subsidiairement EUR 3'588.00, avec intérêts à 5 % l'an dès le 16 février 2005;
- 2'342 fr. 35, subsidiairement EUR 1'522.50, avec intérêts à 5 % l'an dès le 24 septembre 2003;
- 534 fr. 45, subsidiairement EUR 453.60, avec intérêts à 5 % l'an dès le 13 septembre 2006;
- 6'922 fr. 45, subsidiairement EUR 4'406.40, avec intérêts à 5 % l'an dès le 10 octobre 2006;
- 742 fr. 20, subsidiairement EUR 605.08, avec intérêts à 5 % l'an dès le 24 septembre 2007;
- 9'766 fr. 16, subsidiairement EUR 5'877.92, avec intérêts à 5 % l'an dès le 30 octobre 2007.
Dans des conclusions subsidiaires, ils ont admis qu'un montant de 28'551 fr. 75 soit déduit des prétentions civiles qui précèdent.
Ils ont enfin conclu à ce que L._ soit condamné à leur payer un montant de 130'600 fr. à titre d'indemnité au sens de l'art. 433 CPP et à ce que tous les frais de justice soient mis à la charge de celui-ci.
b)
Par déterminations du 19 septembre 2014, le Ministère public a conclu au rejet de l'appel et à ce que les frais de la procédure d'appel soient mis à la charge des appelants.
Par déterminations du 10 novembre 2014, L._ a conclu, avec suite de frais et dépens, au rejet de l'appel, à ce que les frais d'appel soient mis à la charge des appelants et à ce qu'une indemnité au sens de l'art. 429 CPP, d'un montant à dire de justice, lui soit allouée.
Par déterminations sur déterminations du 13 novembre 2014, D._ et la société R._ Ltd ont conclu au rejet des conclusions que comportaient les déterminations de L._ du 10 novembre 2014 et ont confirmé les conclusions de l'appel, en concluant en outre à ce que L._ soit condamné à leur verser une juste indemnité d'appel au sens de
l'art. 433 CPP tenant compte des notes d'honoraires qui seraient produites en cours d'audience.
c)
A l'audience d'appel, les parties ont confirmé leurs conclusions. Les appelants ont précisé leurs conclusions tendant à l'allocation d'une indemnité au sens de l'art. 433 CPP pour la procédure d'appel en produisant une note d'honoraires pour un montant de 15'000 francs.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
1.1
Le prévenu L._, né en 1954, domicilié à [...], est actif dans le conseil d'entreprises et réalise à ce titre un revenu annuel moyen de l'ordre de 350'000 francs. Il est propriétaire de plusieurs biens immobiliers, d'une valeur nette d'environ 2 à 3'000'000 francs. Il dispose enfin d'actions de la société [...], dont il estime la valeur totale à plusieurs dizaines de millions d'euros.
1.2
Le casier judiciaire du prévenu comporte l'inscription suivante :
- 29.03.2010 : Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal, calomnie, 30 jours-amende à 500 fr. le jour avec sursis pendant deux ans.
2.
2.1
Par convention d'actionnaires probablement signée le 9 avril 2003, le prévenu, D._, X._ et P._ ont décidé de s'associer et de constituer à cette fin la société R._ Ltd, active dans le domaine de la prise de participations financières. Les parties à la convention ont convenu les modalités suivantes. Elles seraient actionnaires à parts égales de cette société; la composition de l'actionnariat devrait rester confidentielle; le prévenu serait désigné comme l'administrateur unique de la société; enfin, le capital-actions, d'un montant de 400'000 fr., devrait être entièrement libéré par un apport en nature; comme les parties souhaitaient maintenir une certaine confidentialité et que le droit suisse exigeait alors trois fondateurs, le prévenu devrait choisir deux personnes agissant à titre fiduciaire pour la constitution; enfin, immédiatement après la constitution, le prévenu serait chargé d'attribuer 1'000 actions par partie à la convention, soit un quart pour chacune d'elles.
2.2
En septembre 2002, dans la perspective de la création de la société R._ Ltd, D._ avait procédé à une opération d'achat et de vente de 20'300 actions de la société anonyme de droit français V._ SA. Cette transaction avait été exécutée par l'intermédiaire de la société N._ Ltd, dont le prévenu était l'administrateur; elle avait permis de réaliser un bénéfice de EUR 203'050.00.
Toujours en vue de constituer le capital-actions de la société R._ Ltd, D._ avait aussi fourni au prévenu, respectivement à la société N._ Ltd, 142'100 bons de souscription permettant d'acquérir 20'300 actions supplémentaires de la société V._ SA. C'est la société N._ Ltd précitée qui avait souscrit à ces nouvelles actions, pour un prix total de EUR 371'287.00. Cette acquisition avait été financée en partie par le réinvestissement de la quasi-totalité du bénéfice retiré de la première transaction, par EUR 201'650.00. Le solde, de EUR 169'637.00, avait été financé au moyen d'un crédit bancaire de EUR 175'000.00 obtenu par le prévenu à titre personnel.
En novembre 2003, avec l'accord des autres intéressés, le prévenu a vendu 5'300 actions de la société V._ SA, afin d'obtenir le remboursement de la somme qu'il avait avancée dans le cadre de l'acquisition des actions. Cette vente d'actions lui a permis d'encaisser EUR 190'637.14 euros. Le prévenu a alors remboursé le prêt qu’il avait obtenu auprès de la Banque [...].
Les plaignants reprochant notamment au prévenu d'avoir abusivement conservé la différence entre le produit de la vente des 5'300 actions et la somme qu'il avait avancée, d'un montant de EUR 21'000.14 (EUR 190'637.14 – EUR 169'637.00).
2.3
Le 12 décembre 2003, par contrat d'apports en nature signé par le prévenu et les deux co-fondateurs fiduciaires, les 15'000 actions de la société V._ SA qui n'avaient pas été vendues ont été apportées, afin de constituer le capital-actions de la société R._ Ltd. L'apport a été accepté pour une valeur totale de 837'000 francs. Il était en outre prévu dans ce contrat qu'une créance de 437'000 fr. en faveur de l'apporteur serait inscrite dans les livres de la société R._ Ltd.
La société R._ Ltd a ainsi été créée; elle a été inscrite au Registre du commerce le 17 décembre 2003, avec le prévenu pour administrateur unique.
2.4
Le 22 décembre 2003, le prévenu a prélevé un montant de EUR 14'225.85 sur un de ses comptes, lequel était dédié à l'activité de la société R._ Ltd. Il est reproché au prévenu de s'être approprié ce montant au préjudice de cette société.
2.5
Les 7 janvier et 18 février 2005, le prévenu s'est acquitté de deux factures adressées à son nom au moyen d'un versement provenant du compte dédié à l'activité de la société R._ Ltd. La première, émise par [...] pour un montant de EUR 12'000.00, comportait le libellé suivant : "
selon accord, honoraires forfaitaires pour divers travaux exigés par le mandataire de justice dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société C._ et des filiales ci-après : [...]
"; la seconde, émise par une étude d'avocats français pour un montant de EUR 3'588.00, comportait le libellé suivant : "
C._ / problèmes généraux
".
Il est reproché au prévenu d'avoir abusivement fait supporter à la société R._ Ltd ces factures, qui auraient été étrangères à l'activité de celle-ci.
2.6
Depuis 2004 environ, le prévenu était non seulement administrateur unique de la société R._ Ltd, mais également président du conseil d'administration de la société T._ SA; X._, l'un des actionnaires de la société R._ Ltd, était aussi membre de ce conseil d'administration. Quant à D._ et P._, ils détenaient des participations dans cette société T._ SA.
Par convention de prêt du 1
er
août 2006, D._ a prêté EUR 300'000.00 à la société T._ SA jusqu'au 20 décembre 2006.
Parallèlement, par convention fiduciaire du 2 août 2006, D._ a accepté de détenir en son nom, mais pour le compte de la société R._ Ltd, 15'000 actions de la société V._ SA jusqu'au 31 décembre 2006. Le prévenu a prolongé cette convention fiduciaire par courrier électronique du 19 septembre 2007. 13'600 des 15'000 actions de la société V._ SA qui avaient été confiées à titre fiduciaire à D._ ont été utilisées pour garantir le prêt de EUR 300'000.00 consenti à la société T._ SA. Cette dernière a semble-t-il fait faillite en 2009. Le sort de ces 13'600 actions, qui ne font pas directement l'objet de la présente procédure pénale, fait l’objet d’un contentieux entre les parties.
2.7
Les 4 et 7 janvier 2008, les 1'400 actions restantes de la société V._ SA ont été vendues par le prévenu en deux fois, respectivement pour des prix de 11'742 fr. 25 et 29'403 fr. 75.
Il est reproché au prévenu d'avoir procédé à cette vente sans droit et de s'être approprié abusivement le produit de celle-ci.
2.8
Les comptes bancaires du prévenu ont été crédités des dividendes des actions de la société V._ SA pour les années 2002, 2005 et 2006.
Le prévenu a encaissé à ce titre :
- 2'342 fr. 35 le 24 septembre 2003;
- 534 fr. 45 le 13 septembre 2006;
- EUR 4'406.40 le 11 octobre 2006;
- 742 fr. 20 le 24 septembre 2007;
- 9'766 fr. 16 le 31 octobre 2007.
Il est reproché au prévenu d'avoir indûment perçu à ce titre un total de 13'385 fr. 16 et de EUR 4'406.40.
2.9
Le 4 juin 2009,
D._ et la société R._ Ltd ont déposé plainte contre le prévenu pour les faits décrits aux ch. 2.2, 2.4, 2.5, 2.7 et 2.8 ci-dessus. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel des plaignants est recevable.
2.
2.1
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
2.2
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves (TF 6B_78/2012 du 27 août 2012). L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Eugster, in : Niggli/Heer/Wiprächtiger [éd.], Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, Jugendstrafprozessordnung, 2e éd., Bâle 2014, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l'appel (art. 389 al. 3 CPP).
3.
A l'appui du jugement d'acquittement rendu, le Tribunal de police a en bref considéré que la cause revêtait un caractère essentiellement civil. Après avoir constaté que la matérialité des faits reprochés au prévenu était admise par ce dernier, il a considéré que les parties se devaient réciproquement de l'argent à différents titres, mais qu'elles n'étaient jamais parvenues à solder leurs comptes. Le prévenu ne savait dès lors pas exactement quel montant il devait rembourser aux plaignants. Cet élément et le fait que la situation financière confortable du prévenu lui aurait permis de rembourser le montant dû en tout temps ont conduit en substance le Tribunal de police à exclure tout dessein d'enrichissement et, partant, tout abus de confiance (art. 138 CP) ou toute gestion déloyale avec dessein d'enrichissement
(art. 158 ch. 1 al. 3 CP). S'agissant de l'infraction de gestion déloyale simple, soit sans dessein d'enrichissement, le Tribunal de police a considéré que l'instruction n'avait pas mis en évidence un comportement caractérisé du prévenu ayant fait courir à la société des risques inconsidérés; en outre, l'existence d'un dommage n'était pas établie, en l'absence de décomptes définitifs. Il a en revanche retenu que le prévenu avait fait preuve d'un inquiétant manque de rectitude et de rigueur, ce qui était constitutif d'un comportement critiquable sur le plan civil et justifiait la mise à sa charge des frais de la procédure pénale.
4.
4.1
Les appelants soutiennent tout d'abord que le comportement du prévenu dans le cadre de la vente d'actions de la société V._ SA en novembre 2003 (ch. 2.2) serait constitutif d'abus de confiance.
4.2
Selon l'art. 138 ch. 1 al. 2 CP en sa teneur actuelle, se rend coupable d'abus de confiance notamment celui qui, sans droit, aura employé à son profit ou au profit d'un tiers des valeurs patrimoniales qui lui avaient été confiées. La définition de cette infraction était la même à l'époque des faits.
Sur le plan objectif, cette infraction suppose que l'on soit en présence d'une valeur confiée, ce qui signifie que l'auteur doit en avoir la possession en vertu d'un accord ou d'un autre rapport juridique qui implique qu'il n'en a pas la disposition et ne peut se l'approprier (Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. I, 3
e
éd., Berne 2010, n. 4 ad art. 138 CP; cf. TF 6B_1043/2013 du 4 juillet 2014 c. 3.1.1). L'abus de confiance implique que l'auteur ait utilisé, sans droit, à son profit ou au profit d'un tiers, les valeurs patrimoniales qui lui avaient été confiées. Il y a emploi illicite d'une valeur patrimoniale confiée lorsque l'auteur l'utilise contrairement aux instructions reçues, en s'écartant de la destination fixée. L'art. 138 ch. 1 al. 2 CP ne protège pas la propriété, mais le droit de celui qui a confié la valeur patrimoniale à ce que celle-ci soit utilisée dans le but qu'il a assigné et conformément aux instructions qu'il a données (ATF 129 IV 257 c. 2.2.1 et les références citées; TF 6B_1043/2013 précité c. 3.1.1).
Du point de vue subjectif, l'auteur doit avoir agi intentionnellement et, même si le texte légal ne le précise pas expressément, dans un dessein d'enrichissement illégitime. Le dessein d'enrichissement peut être réalisé par dol éventuel; tel est le cas lorsque l'auteur envisage l'enrichissement comme possible et agit néanmoins, même s'il ne le souhaite pas, parce qu'il s'en accommode pour le cas où il se produirait (ATF 118 IV 32 c. 2a; TF 6B_1043/2013 précité c. 3.1.1).
4.3
En l'espèce, il faut d'emblée souligner la complexité du montage financier, qui impliquait des opérations successives. A titre liminaire, on relèvera qu'un certain nombre de ces opérations ont formellement été accomplies par la société N._ Ltd, mais qu'il est toutefois constant que celle-ci était sous le contrôle du prévenu et que c'est matériellement ce dernier qui a agi. Dans un premier temps, D._ a remis 142'000 bons de souscription au prévenu, lesquels ont permis l'acquisition de 20'300 actions. Le financement de l'opération est intervenu en partie par le réinvestissement du bénéfice retiré d'une première transaction opérée par le prévenu pour le compte de D._ et en partie par un emprunt hypothécaire contracté par le prévenu, pour un montant de EUR 169'637.00. Enfin, 5'300 actions ont été revendues et le produit de la vente a pour l'essentiel été affecté, d'entente entre les parties, au remboursement de l'emprunt contracté par le prévenu. Est seul litigieux le sort du solde du produit de la revente après remboursement de l'emprunt, d'un montant de EUR 21'000.14, que le prévenu aurait indûment conservé selon les plaignants.
Pour que le comportement du prévenu soit constitutif d'abus de confiance, il faudrait établir que cette somme a été confiée et que le prévenu n'a pas respecté les instructions données. Or les circonstances de l'espèce sont à ce point opaques qu'elles rendent très difficile toute appréciation sûre de la situation et, partant, conduisent à confirmer l'acquittement du prévenu sur ce point, à tout le moins, au bénéfice du doute. On ignore en effet le contenu essentiel des instructions données au prévenu par D._ lorsqu'il lui a remis les bons de souscription; dans la plainte pénale, les plaignants semblent d'ailleurs eux-mêmes quelque peu empruntés au moment d'expliquer ce que le prévenu aurait dû faire du montant litigieux (cf. P. 4, ch. 18). Tout au plus est-il établi que D._ a remis des bons de souscription au prévenu et que ceux-ci devaient permettre l'acquisition d'actions de la société V._ SA.
Si, par hypothèse, on devait retenir que les bons de souscription ont bien été confiés au sens de la loi, ceux-ci ont été utilisés conformément au but fixé, puisque les actions en cause ont bien été acquises. Quant aux actions elles-mêmes, elles n'étaient pas confiées au prévenu, dès lors qu'elles ont été en partie acquises grâce à un apport financier important de ce dernier, issu de l'emprunt qu'il avait contracté à titre personnel. En bref, le litige porte en réalité sur la répartition du bénéfice d'une opération financière dans laquelle deux personnes ont investi de l'argent, ce qui met en évidence son caractère civil; il n'existe en tous les cas pas une connexité suffisante entre la somme conservée par le prévenu et ce qui a pu lui être confié, soit les bons de souscription, pour qu'une condamnation pour abus de confiance soit envisageable.
4.4
Au stade de la procédure d'appel, les plaignants ne soutiennent pas que ces faits seraient constitutifs d'une autre infraction, en particulier de gestion déloyale. La Cour de céans peut dès lors se borner à constater que les éléments objectifs de cette infraction (cf. c. 7.2 infra) ne sont pas réalisés, en l'absence de tout contexte juridique clair duquel on pourrait déduire l'existence d'une obligation de gestion incombant au prévenu.
5.
5.1
S'agissant ensuite du montant de EUR 14'225.85 prélevé par le prévenu sur un compte dédié à la société R._ Ltd le
22 décembre 2003 (ch. 2.4), les appelants soutiennent que ce comportement serait constitutif d'abus de confiance.
5.2
Il faut ici souligner deux particularités du cas d'espèce. En premier lieu, la société R._ Ltd n'a jamais été formellement titulaire d'un compte bancaire; les actifs étaient détenus par le biais d'une relation bancaire du prévenu, qui avait notamment ouvert un compte bancaire à son nom comportant une rubrique dédiée à l'activité de la société. En deuxième lieu, il ressort de l'instruction que le capital de la société a été entièrement constitué par un apport unique composé d'actions et d'une créance actionnaire. En d'autres termes, aucun élément au dossier n'explique comment, quelques jours après la création de la société, celle-ci aurait pu détenir des liquidités. Autrement dit, il paraît cohérent de partir de l’idée que les liquidités litigieuses ont été fournies par le prévenu. De façon générale, le contexte exact de l'opération n'a pas pu être établi par l'instruction et on ne peut se contenter de l'existence même de ce "prélèvement" pour condamner le prévenu, à plus forte raison lorsque, comme en l'espèce, il s'agit de l'administrateur unique d'une société qui a pour but d'effectuer des opérations financières. Le doute doit dès lors profiter au prévenu et l'acquittement de celui-ci pour ces faits doit également être confirmé.
6.
6.1
S'agissant ensuite des factures adressées au prévenu que ce dernier a acquittés au moyen de fonds appartenant économiquement à la société R._ Ltd en janvier et février 2005 (ch. 2.5), les appelants soutiennent que ces faits seraient constitutifs de gestion déloyale.
6.2
6.2.1
A l'époque des faits, l'infraction de gestion déloyale sans dessein d'enrichissement illégitime était punie par une peine d'emprisonnement de trois ans au plus (art. 36 et 158 ch. 1 al. 1 aCP). Dans une telle hypothèse, l'action pénale se prescrivait par sept ans (cf. art. 70 al. 1 let. c aCP), alors qu'elle se prescrivait par quinze ans en présence d'un dessein d'enrichissement illégitime (cf. art. 158 ch. 1 al. 3 et 70 al. 2 aCP). Comme en droit actuel (cf. art. 97 al. 3 et 98 CP), la prescription courait en principe du jour où l’auteur a exercé son activité coupable
(art. 71 let. a aCP), jusqu'à ce qu'un jugement de première instance ait été rendu
(art. 70 al. 3 aCP).
Dans la mesure où les dispositions de l'ancien droit sont plus favorables au prévenu que celles du droit actuellement en vigueur, qui prévoient un délai de prescription de dix ans pour l'infraction de gestion déloyale sans dessein d'enrichissement illégitime (cf. art. 158 ch. 1 ch. 1 et 97 al. 1 let. c CP), respectivement de quinze ans en présence d'un dessein d'enrichissement illégitime (cf. art. 158 ch. 1 al. 3 et 97 al. 1 let. b CP), ce sont les premières qui s'appliquent à la présente espèce (art. 389 al. 1 CP a contrario).
6.2.2
La notion de dessein d'enrichissement illégitime est commune à plusieurs infractions contre le patrimoine. Par enrichissement, il faut entendre tout avantage économique. La notion est large : tout avantage patrimonial suffit. Le dessein d'enrichissement étant une question subjective, une erreur sur les faits est concevable. L'auteur doit vouloir, même sous la forme du dol éventuel, son enrichissement ou celui d'un tiers, même s'il n'est pas sûr que cet enrichissement survienne (cf., avec des développements, Corboz, op. cit., n. 14 ad art. 138 CP). Il faut encore que l'enrichissement puisse être qualifié d'illégitime. L'enrichissement n'est pas illégitime si l'auteur y a droit ou croit qu'il y a droit en raison d'une erreur de fait (cf. Corboz, op. cit., n. 15 ad art. 138 CP et les références citées).
6.3
En l'espèce, il est constant que les factures en cause concernaient l'activité d'une société C._, non celle de la société R._ Ltd. Le prévenu soutient en substance qu'il s'était considéré légitimé à agir de la sorte car tous les actionnaires de la société R._ Ltd étaient impliqués, à des degrés divers, dans la société C._, ce qui est effectivement établi par l'instruction. Ce fait ne conduit pas, à lui seul, à exclure la commission de l'infraction de gestion déloyale, dans la mesure où il n'établit pas une connexité suffisante entre les deux sociétés pour justifier que l'une assume les factures de l'autre. En revanche, il met en évidence l'imbrication des différentes affaires des intéressés et donne une certaine crédibilité aux explications du prévenu; à tout le moins, il existe un doute dont celui-ci doit bénéficier. Or il faut déduire des explications données qu'en agissant, ce dernier n'avait pas de dessein d'enrichissement illégitime, pour lui-même ou un tiers. Partant, les faits sont prescrits, le jugement de première instance étant intervenu plus de sept ans après les faits.
7.
7.1
S'agissant ensuite des 1'400 actions de la société V._ SA qui faisaient partie de l'actif de la société R._ Ltd et qui ont été vendues par le prévenu en janvier 2008 en deux fois, respectivement pour des prix de
11'742 fr. 25 et 29'403 fr. 75 (cf. ch. 2.7), les appelants soutiennent que le comportement du prévenu, qui s'est approprié le produit des ventes, serait constitutif de gestion déloyale, subsidiairement d'abus de confiance.
7.2
7.2.1
L'art. 158 CP punit celui qui, en vertu de la loi, d'un mandat officiel ou d'un acte juridique, est tenu de gérer les intérêts pécuniaires d'autrui ou de veiller sur leur gestion et qui, en violation de ses devoirs, aura porté atteinte à ces intérêts ou aura permis qu'ils soient lésés (ch. 1 al. 1). Le cas de la gestion déloyale aggravée est réalisé lorsque l'auteur a agi dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime (ch. 1 al. 3).
Sur le plan objectif, il faut que l'auteur ait un devoir de gestion ou de sauvegarde, qu'il ait violé une obligation qui lui revient en cette qualité et qu'il en soit résulté un dommage. Sur le plan subjectif, il faut qu'il ait agi intentionnellement; le dol éventuel suffit, mais il doit être caractérisé (TF 6B_967/2013 du 21 février 2014 c. 3).
7.3
En l'espèce, il apparaît que les éléments constitutifs de la gestion déloyale simple, soit sans dessein d'enrichissement illégitime, sont réalisés.
7.3.1
L'infraction réprimée par l'art. 158 ch. 1 CP ne peut être commise que par une personne qui revêt la qualité de gérant. Selon la jurisprudence, il s'agit d'une personne à qui incombe, de fait ou formellement, la responsabilité d'administrer un complexe patrimonial non négligeable dans l'intérêt d'autrui (ATF 129 IV 124 c. 3.1). La qualité de gérant suppose un degré d'indépendance suffisant et un pouvoir de disposition autonome sur les biens administrés. Ce pouvoir peut aussi bien se manifester par la passation d'actes juridiques que par la défense, au plan interne, d'intérêts patrimoniaux, ou encore par des actes matériels, l'essentiel étant que le gérant se trouve au bénéfice d'un pouvoir de disposition autonome sur tout ou partie des intérêts pécuniaires d'autrui, sur les moyens de production ou le personnel d'une entreprise (ATF 123 IV 17 c. 3b).
En l'espèce, la position de gérant du prévenu résulte clairement de son statut d'administrateur unique de la société R._ Ltd, qui constitue un cas typique (cf. p. ex. Corboz, op. cit., n. 4 ad art. 158 CP; Dupuis et al., Code pénal, Petit commentaire du Code pénal, Bâle 2012, n. 11 ad art. 158 CP et les références citées). Les arguments du prévenu sur ce point, qui soutient avoir été entièrement "piloté" (cf. déterminations sur appel, ch. 7) par D._, et, partant, privé de toute indépendance (cf. déterminations sur appel, ch. 26 ss), ne convainquent pas. Outre le fait qu'il est douteux qu'un tel argument soit propre à écarter le devoir de gestion d'un membre de conseil d'administration, il apparaît qu'il ne correspond pas à la réalité. Sur le plan factuel, le prévenu se borne à soutenir que D._, avec qui il a à une époque partagé des locaux, aurait matériellement eu la possibilité d'exercer un contrôle plus serré (ch. 27), mais non pas qu'il l'aurait effectivement exercé. Ainsi que le prévenu l'admet lui-même (cf. déterminations sur appel, ch. 31), il ressort plutôt de l'examen du dossier dans son ensemble que les autres actionnaires ne se sont guère préoccupés de la gestion de la société, ce qui revient à dire que le prévenu a exercé librement ses fonctions d'administrateur unique.
7.3.2
Pour qu'il y ait gestion déloyale, il faut que le gérant ait violé une obligation liée à la gestion confiée (ATF 123 IV 17 c. 3c). Le comportement délictueux consiste à violer le devoir de gestion ou de sauvegarde. Pour dire s'il y a violation, il faut déterminer concrètement le contenu du devoir imposé au gérant. Cette question s'examine au regard des rapports juridiques qui lient le gérant aux titulaires des intérêts pécuniaires qu'il administre, compte tenu des dispositions légales ou contractuelles applicables (TF 6B_967/2013 du 21 février 2014 c. 3.2;
TF 6B_223/2010 du 13 janvier 2011 c. 3.3.2; TF 6B_446/2010 du 14 janvier 2010
c. 8.4.1) .
En l'espèce, il y a lieu de souligner le contexte particulier des opérations de vente. Celles-ci sont intervenues quelques jours avant la tenue d'une première assemblée générale, plusieurs années après la constitution de la société, dans un contexte où les relations entre D._ et le prévenu étaient déjà fortement dégradées, notamment en raison des difficultés rencontrées par la société T._ SA. Ainsi, si le déroulement exact de l'assemblée générale en cause est litigieux, les parties admettent que celle-ci a débouché sur un refus des comptes par D._, qui représentait également les actionnaires X._ et P._, ainsi que sur la révocation immédiate du mandat d'administrateur du prévenu. Le fait que ce dernier affirme que les opérations litigieuses étaient motivées par son souci d'obtenir le remboursement de frais de la société qu'il avait avancés à titre personnel n'est pas décisif. En effet, force est de constater le prévenu, en procédant à la vente des dernières actions V._ SA encore sous le contrôle de la société et en s'appropriant produit de cette vente, ne s'est nullement efforcé d'obtenir le montant exact qui lui était supposément dû, mais a agi dans l'unique but de se retrouver dans une position de force en vue du conflit sur le point d'éclore. Dès lors, indépendamment de l'existence de prétentions du prévenu contre la société R._ Ltd, il apparaît que le comportement reproché au prévenu était gravement incompatible avec la défense des intérêts économiques de celle-ci et, partant, était constitutif d'une violation de son devoir de gestion.
7.3.3
La notion de "dommage" au sens de l'art. 158 CP doit être comprise comme pour les autres infractions contre le patrimoine, en particulier l'escroquerie (ATF 122 IV 279 c. 2a; TF 6B_967/2013 du 21 février 2014 c. 3.3). Ainsi, le dommage est une lésion du patrimoine sous la forme d'une diminution de l'actif, d'une augmentation du passif, d'une non-augmentation de l'actif ou d'une non-diminution du passif, mais aussi d'une mise en danger de celui-ci telle qu'elle a pour effet d'en diminuer la valeur du point de vue économique (ATF 129 IV 124 c. 3.1; ATF 123 IV 17 c. 3d). Il n'est pas nécessaire que le dommage corresponde à l'enrichissement de l'auteur, ni qu'il soit chiffré; il suffit qu'il soit certain
(TF 6B_986/2008 du 20 avril 2009 c. 4.1).
En l'espèce, la violation par le prévenu de son devoir de gestion a clairement prétérité la société R._ Ltd, puisque celui-ci a conservé les sommes en question, dont le sort est toujours litigieux sur le plan civil, étant toutefois relevé que les plaignants semblent, au vu de leurs conclusions subsidiaires, admettre les prétentions du prévenu à concurrence d'un montant de 28'551 fr. 75. Il est certes possible que le prévenu ait des prétentions supérieures à l'encontre de la société; toutefois, au stade de la procédure d'appel, soit six ans après les faits, le prévenu refuse toujours matériellement de formuler et d'établir le montant qui lui serait dû, en se retranchant derrière le fait que les plaignants montreraient peu d'empressement à participer à l'établissement des décomptes nécessaires. A tout le moins au degré de la mise en danger, l'existence d'un dommage doit être reconnue.
7.3.4
Sur le plan subjectif, les actes reprochés au prévenu, qui revendique son expérience en affaires, revêtaient clairement un caractère intentionnel. En revanche, compte tenu de la situation à tout le moins confuse des rapports de comptes entre les parties, il faut mettre le prévenu au bénéfice du doute s'agissant d'un éventuel dessein d'enrichissement illégitime, ce qui conduit à retenir la commission de l'infraction de gestion déloyale simple au sens de l'art. 158 ch. 1
al. 1 CP.
8.
8.1
Doit enfin être examiné le cas des dividendes, d'un total de 13'385 fr. 16 et de EUR 4'406.40, que le prévenu a encaissés sur ses comptes et a conservés, alors qu'ils étaient le fruit d'actions appartenant à la société R._ Ltd (ch. 2.8).
Les appelants soutiennent que le comportement du prévenu serait constitutif de gestion déloyale, subsidiairement d'abus de confiance.
8.2
En l'espèce, les faits apparaissent constitutifs de gestion déloyale aggravée au sens de l'art. 158 ch. 1 al. 3 CP (cf. c. 7.2 supra).
8.2.1
Il n'y a pas lieu de revenir sur la position de gérant du prévenu, qui a déjà été examinée et reconnue (cf. c. 7.3.1 supra).
8.2.2
S'agissant de la violation d'un devoir de gestion et de l'existence d'un dommage en résultant, il faut tout d'abord relever que l'appropriation des montants litigieux résulte directement du fait que le prévenu a choisi de ne pas ouvrir de compte bancaire au nom de la société R._ Ltd. Si un tel choix apparaît d'emblée difficilement compréhensible, en particulier de la part d'un homme d'affaires expérimenté comme l'intéressé, il entraînait en tout cas le devoir, pour ce dernier, de se montrer extrêmement rigoureux dans la séparation de ses affaires propres et de celles de la société, ce qui n'a manifestement pas été le cas en l'espèce; au contraire, le prévenu a sciemment conservé le contrôle effectif de ces montants, ce qui lui a permis de les mettre hors de portée de la société lorsqu'il l'a jugé utile. Contrairement à ce que soutient le prévenu, rien ne donne à penser que les autres actionnaires, en particulier D._, ont su et accepté une telle organisation. Il en résulte qu'à ce jour, alors que la nature des montants en cause les rattache indéniablement au patrimoine de la société R._ Ltd, le prévenu a choisi de les conserver pour le seul motif que ses rapports de compte avec la société ne seraient pas soldés, étant rappelé qu'il s'est déjà octroyé un montant de 41'146 fr. pour ce motif en janvier 2008 (cf. c. 7 supra). En définitive, aussi bien la violation du devoir de gestion que le dommage en résultant doivent être reconnus.
8.2.3
Le caractère intentionnel des actes du prévenu est également établi; administrateur unique de la société, il a organisé celle-ci comme il l'entendait et a délibérément choisi de détenir en son nom propre les actifs de celle-ci sans prendre les mesures de précaution qu'un tel choix imposait, puis a exploité la situation à son avantage.
Il y a en outre lieu de retenir un dessein d'enrichissement illégitime, dans la mesure où il est cette fois établi que le prévenu savait d'emblée que les montants qu'il détenait revenaient à la société et où on ne saurait admettre qu'il a tout au long de son activité d'administrateur considéré que la perspective de prétentions qu'il formulerait à l'issue de son mandat justifiait qu'il s'approprie ces montants.
8.2.4
Le dessein d'enrichissement illégitime étant retenu, la question de la prescription n'a pas à être examinée de façon détaillée. En effet, même s'il fallait prendre en considération la date du premier versement de dividendes, qui remonte au mois de septembre 2003, cette infraction n'était, à l'époque du jugement de première instance, prescrite ni selon le droit en vigueur au moment des faits ni selon le droit actuel, un délai de quinze ans s'appliquant dans l'une et l'autre hypothèses (cf. c. 6.2.1 supra).
9.
Il reste à examiner la peine à infliger au prévenu.
9.1
9.1.1
Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale
(ATF 134 IV 17 c. 2.1; ATF 129 IV 6 c. 6.1).
9.1.2
Aux termes de l'art. 49 CP, si, en raison d’un ou de plusieurs actes, l’auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l’infraction la plus grave et l’augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine (al. 1). Si le juge doit prononcer une condamnation pour une infraction que l’auteur a commise avant d’avoir été condamné pour une autre infraction, il fixe la peine complémentaire de sorte que l’auteur ne soit pas puni plus sévèrement que si les diverses infractions avaient fait l’objet d’un seul jugement (al. 2).
Le cas – normal – de concours réel rétrospectif se présente lorsque l'accusé, qui a déjà été condamné pour une infraction, doit être jugé pour une autre infraction commise avant le premier jugement, mais que le tribunal ignorait.
L'art. 49 al. 2 CP enjoint au juge de prononcer une peine complémentaire ou additionnelle (
Zusatzstrafe
), de telle sorte que l'auteur ne soit pas puni plus sévèrement que si les diverses infractions avaient fait l'objet d'un seul jugement. Concrètement, le juge doit se demander comment il aurait fixé la peine en cas de concours simultané, puis déduire de cette peine d'ensemble hypothétique la peine de base, soit celle qui a déjà été prononcée (TF 6B_455/2013 du 29 juillet 2013 c. 2.4.1 et les références citées). Le prononcé d'une peine complémentaire suppose que les conditions d'une peine d'ensemble au sens de l'art. 49 al. 1 CP sont réunies. Une peine additionnelle ne peut ainsi être infligée que lorsque la nouvelle peine et celle qui a déjà été prononcée sont du même genre. Des peines d'un genre différent doivent en revanche être infligées cumulativement car le principe d'absorption n'est alors pas applicable (TF 6B_1082/2010 du 18 juillet 2011 c. 2.2 et les références citées).
9.2
En l'espèce, dans les deux cas pour lesquels le prévenu est en définitive reconnu coupable d'avoir commis une infraction (c. 7 et 8 supra), les sommes en jeu n’étaient pas négligeables. Il faut en outre souligner l'existence d'un concours réel et le fait que la gestion déloyale avec dessein d'enrichissement illégitime est un crime passible d'une peine privative de liberté de cinq ans (cf. art. 10 al. 2 et 158 ch. 1 al. 3 CP). Il y a cependant lieu de tenir compte du fait que les actes ont été commis dans un contexte plus large de rapports d'affaires complexes mêlant les intérêts de plusieurs personnes et sociétés, avec notamment pour résultat qu'il est difficile de déterminer le préjudice réel des lésés, de même que l'intensité de la volonté délictuelle du prévenu, qui doit dès lors bénéficier du doute sur ces points.
En application de l'art. 49 al. 2 CP, il convient de prononcer une peine complémentaire à celle prononcée le 29 mars 2010 par la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal, de 30 jours-amende à 500 fr. le jour avec sursis pendant deux ans. En effet, il s’agit en l’espèce de juger des infractions commises antérieurement à cette première condamnation. Dans le calcul de la peine globale, les infractions retenues dans la présente procédure pénale viennent par conséquent s'ajouter à celle de calomnie, objet de la première condamnation. Pour l’ensemble des infractions commises, la peine globale hypothétique doit être fixée à 150 jours-amende. La peine prononcée précédemment étant de 30 jours-amende, la peine complémentaire sera arrêtée à 120 jours-amende.
La situation financière du prévenu, établie sur la base de ses explications complémentaires à l'audience d'appel, doit être qualifiée de très confortable, puisque sa seule activité principale lui procure un revenu d'environ 350'000 fr. par année, soit 960 fr. par jour, étant rappelé qu'il est en outre propriétaire de plusieurs immeubles et qu'il allègue une fortune très importante sous forme de titres. Compte tenu des principes développés par la jurisprudence en relation avec l'art. 34 al. 2 CP (cf. ATF 134 IV 60 c. 6.1 et les références citées), auxquels il peut être renvoyé, le montant du jour-amende doit par conséquent être arrêté au montant de 500 fr. déjà retenu par la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal lors de la condamnation prononcée en mars 2010.
9.3
Une peine ferme ne paraissant pas nécessaire pour détourner l’auteur d’autres crimes ou délits, la peine prononcée sera assortie du sursis complet (art. 42 al. 1 CP) avec un délai d'épreuve de deux ans (cf. art. 44 al. 1 CP).
10.
S'agissant des conclusions civiles prises par les plaignants, compte tenu de la multiplicité des prétentions de ceux-ci, de la complexité de la cause – en particulier de son caractère très technique sur le plan financier – et de l'existence vraisemblable de prétentions du prévenu, la Cour de céans constate qu'elle n'est pas en mesure de statuer sur ce point. Les plaignants seront par conséquent renvoyés à agir contre le prévenu par la voie civile (cf. art. 126 CPP).
11.
11.1
En définitive, l'appel doit être partiellement admis
et le jugement entrepris réformé dans le sens des considérants qui précèdent.
11.2
Vu l’issue de la cause, les frais d’appel, constitués de l'émolument de jugement, par 3'120 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]), doivent être mis par moitié, soit 1'560 fr., à la charge des appelants, solidairement entre eux (cf. art. 418 al. 2 CPP), et par moitié, soit 1'560 fr., à la charge du prévenu intimé (art. 428 al. 1 CPP).
11.3
11.3.1
Les appelants ont conclu à l’allocation d’une indemnité pour partie plaignante au sens de l’art. 433 CPP. A l'appui de leurs prétentions, ils ont produit des notes d'honoraires d'avocat s'élevant respectivement à 130'600 fr. pour la procédure de première instance (P. 112/6) et à 15'000 fr. pour la procédure d'appel (P. 120).
11.3.2
Aux termes de l’art. 433 al. 1 CPP, la partie plaignante peut demander au prévenu une juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure lorsqu’elle obtient gain de cause (let. a) ou si le prévenu est astreint au paiement des frais conformément à l’art. 426 al. 2 (let. b). La partie plaignante adresse ses prétentions à l’autorité pénale et doit les chiffrer et les justifier (al. 2). Les prétentions en indemnités et en réparation du tort moral dans la procédure de recours sont régies par les art. 429 à 434 (art. 436 al. 1 CPP). Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, la partie plaignante a obtenu gain de cause au sens de cette norme lorsque le prévenu a été condamné et/ou si les prétentions civiles ont été admises. La juste indemnité, notion qui laisse un large pouvoir d’appréciation au juge, couvre les dépenses et les frais nécessaires pour faire valoir le point de vue de la partie plaignante, à l’exclusion de toutes démarches inutiles ou superflues
(TF 6B_965/2013 du 3 décembre 2013 c. 3.1.1 ; TF 6B_159/2012 du 22 juin 2012 c. 2.2 et les références citées). Il s'agit en premier lieu des frais d'avocat de la partie plaignante. En d’autres termes, les démarches doivent apparaître nécessaires et adéquates pour la défense du point de vue de la partie plaignante raisonnable (TF 6B_495/2014 du 6 octobre 2014 c. 2.1 et les références citées).
11.3.3
Sur le principe, les conditions de l'allocation d'une indemnité au sens de l'art. 433 al. 1 CPP sont réunies. Il y a cependant lieu de tenir compte du fait que seuls certains des faits dénoncés dans la plainte pénale ont finalement conduit à une condamnation et du fait que l'appel déposé n'a été que partiellement admis. En outre, s'agissant d'un litige à dominante civile, il faut souligner le fait que le volet civil de l'affaire n'est pas tranché (cf. c. 10 supra). En définitive, c'est en équité un montant global, soit pour la première et la deuxième instance, de 40'000 fr., qui sera alloué aux plaignants et mis à la charge du prévenu. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
29b41d4a-ed47-4401-983a-7478801d8881 | En fait :
A.
Le 16 août 2011, A.F._ a déposé plainte contre ses frères B.F._ et C.F._. Il leur a reproché de lui avoir asséné des coups, de l'avoir empêché de quitter leur appartement et de l'avoir menacé de mort en lui pointant un pistolet sur le ventre, cela parce qu'il refusait de leur donner de l'argent pour achever la construction de leur maison au Kosovo. A.F._ a retiré sa plainte par courrier du 24 août suivant (P. 12).
Par ordonnance du 9 avril 2013, définitive et exécutoire depuis le 3 mai 2013, le Ministère public de l'arrondissement de La Côte a ordonné le classement de la procédure pénale ouverte contre B.F._ et C.F._ pour lésions corporelles simples, voies de fait, menaces, contrainte et séquestration. Il a considéré que le retrait de la plainte mettait fin à l'action pénale pour les infractions se poursuivant sur plainte de lésions corporelles simples, voies de fait et menaces. En outre, l'instruction n'avait pas permis d'établir les éléments constitutifs des infractions de contrainte et de séquestration, les prévenus ayant nié les faits et les déclarations des parties étant divergentes.
B.
Par requête du 7 août 2015, A.F._ a sollicité une révision de l'ordonnance de classement précitée. En bref, il a allégué avoir retiré sa plainte sous la pression de ses frères, alors qu'il aurait dû la maintenir pour se protéger, ainsi que sa famille, parce qu'ils continueraient à le menacer. A l'appui de sa requête, A.F._ a déposé quatre pièces se rapportant aux faits de sa plainte du 16 août 2011, ainsi qu'une lettre adressée le 21 mars 2015 à la police municipale de Nyon par sa neurologue qui demande sa protection, dès lors qu'il serait toujours anxieux et en proie aux menaces de ses frères (cf. Bordereau classé sous P. 30/1). | En droit :
1.
1.1
Selon l’art. 410 al. 1 let. a CPP (Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007; RS 312.0), toute personne lésée par un jugement entré en force, une ordonnance pénale, une décision judiciaire ultérieure ou une décision rendue dans une procédure indépendante en matière de mesures, peut en demander la révision s’il existe des faits ou des moyens de preuve qui étaient inconnus de l’autorité inférieure et qui sont de nature à motiver la condamnation d'une personne acquittée.
Les faits ou moyens de preuve sont nouveaux lorsque le juge n’en a pas eu connaissance au moment où il s’est prononcé, c’est-à-dire lorsqu’ils ne lui ont pas été soumis sous quelque forme que ce soit. Ils sont sérieux lorsqu’ils
sont propres à ébranler les constatations de fait sur lesquelles se fonde la condamnation et que l’état de fait ainsi modifié rend possible un jugement sensiblement plus favorable au condamné (TF 6B_310/2011 du 20 juin 2011 c. 1.2; ATF 130 IV 72 c. 1).
La révision est ouverte contre un jugement définitif et exécutoire qui porte sur un état de fait déterminé et qui concerne une personne déterminée. Cette voie n'est en revanche pas ouverte contre une ordonnance de classement ou de non-entrée en matière rendue par le ministère public ou le tribunal. En effet, en pareils cas, en présence de faits nouveaux, la direction de la procédure peut, en tout temps, rouvrir l'instruction conformément aux art. 310 al. 2 CPP et 323 al. 2 CPP (Petit Commentaire CPP/Moreillon, Parein-Reymond, Ed. Helbing Lichtenhahn, Bâle 2013, n. 7 et 23 ad art. 410 CPP et la doctrine citée).
Compétente pour examiner une requête de révision (art. 21 al. 1 litt. b et 411 al. 1 CPP), la procédure écrite étant applicable (art. 412 al. 1 in fine CPP), la cour de céans n'entre pas en matière si la demande est manifestement irrecevable ou non motivée (al. 2 première phrase). La procédure de non-entrée en matière de l'art. 412 al. 2 CPP, réservée en principe à des vices de nature formelle, permet de prononcer une décision de non-entrée en matière lorsque les moyens de révision invoqués apparaissent d'emblée comme non vraisemblables ou mal fondés (CAPE du 5 mars 2014 c. 1. 2 et réf.).
Tel est le cas en l'espèce. La demande de révision vise une ordonnance de classement, laquelle n'est pas susceptible d'être revue puisqu'elle clôt une procédure préliminaire et ne constitue pas un jugement au fond en force au sens de l'art. 410 al. 1 let. a CPP. En outre, les conditions de la révision ne sont clairement pas remplies, dès lors que les faits évoqués (à savoir, ceux concernant la plainte du 16 août 2011et leurs suites) ne sont pas nouveaux (P. 1; P. 14).
1.2
Vu ce qui précède, il ne peut être entré en matière et la requête de révision présentée par A.F._ doit être déclarée irrecevable.
1.3
Vu les circonstances, le présent prononcé peut exceptionnellement être rendu sans frais. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
29c03a1b-721e-4e0e-b01c-0fcfdace5063 | En fait :
A.
Par jugement du 1
er
juin 2012, le Tribunal criminel de l’arrondissement de La Côte a libéré A.T._ du chef d'accusation de meurtre (I), ordonné la relaxation de A.T._ (II), donné acte de leurs réserves civiles à A.Z._, B.Z._, A.V._, B.V._, K._ (III), dit que la question des éventuelles indemnités à forme de l'art. 429 CPP sera traité ultérieurement (IV) et laissé les frais de la cause à la charge de l'Etat (V).
Statuant sur les appels déposés contre ce jugement par le Ministère public et les parties plaignantes, la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal vaudois a, par jugement du 29 novembre 2012, notamment reconnu A.T._ coupable de meurtre et l’a condamné à une peine privative de liberté de 16 ans, sous déduction de 875 jours de détention avant jugement (CAPE du 29 novembre 2012/267).
B.
Par arrêt du 26 septembre 2013, la Cour de droit pénal du Tribunal fédéral a partiellement admis le recours formé par A.T._ et annulé le jugement de la Cour d’appel pénale du 29 novembre 2012 en tant qu’il arrête la durée de la privation de liberté à 16 ans. La cause a été renvoyée à l’autorité cantonale pour nouvelle décision et le recours rejeté pour le surplus dans la mesure où il est recevable (TF 6B_200/2013).
En bref, le Tribunal fédéral a considéré que l’appréciation de la cour cantonale, fondée sur une culpabilité « très lourde », violait le droit fédéral à un double titre, en tant qu’elle reposait sur des éléments sans pertinence et qu’elle était insuffisamment motivée (consid. 12.5). Il a par ailleurs retenu que l’ensemble des éléments ne plaidait pas, au plan subjectif, en faveur d’une peine excédant 10 à 15 années de privation de liberté (consid. 12.4).
Par courrier du 4 novembre 2013, le Président de la Cour d’appel pénale a informé les parties qu’il envisageait une procédure écrite à laquelle elles ne se sont pas opposées.
Le 19 novembre 2013, Me Stefan Disch a été désigné comme défenseur d’office de A.T._ avec effet au 15 novembre 2013.
Le Ministère public a conclu à la réforme du jugement d’appel rendu le 29 novembre 2012 en ce sens que A.T._ est condamné à une peine privative de liberté de 14 ans, sous déduction de 875 jours de détention avant jugement.
Par prononcé du 9 janvier 2014, la Cour d’appel pénale a rejeté la demande de récusation des juges ayant siégé antérieurement à l’arrêt du Tribunal fédéral, présentée par A.T._ (CAPE 26/2014). Le Tribunal fédéral a confirmé ce prononcé par arrêt du 31 mars 2014 (TF 1B_67/2014).
A.T._ a déposé ses déterminations le 21 mars 2014 et son conseil a transmis sa liste d’opérations le 2 avril suivant.
C.
Hormis la question de la fixation de la peine, il convient de se référer aux considérants du jugement rendu par la Cour de céans le 29 novembre 2012. | En droit :
1.
L'autorité à laquelle la cause est renvoyée doit fonder sa décision sur les considérants en droit de l'arrêt du Tribunal fédéral (Corboz, in Corboz/Wurzburger/Ferrari/Frésard/Aubry Girardin, Commentaire de la LTF, Berne 2009, nn. 26 et 27 ad art. 107 LTF, p. 1078). Elle voit donc sa cognition limitée par les motifs de l’arrêt de renvoi, en ce sens qu’elle est liée par ce qui a déjà été jugé définitivement par le Tribunal fédéral et par les constatations de fait qui n’ont pas été attaquées devant lui. La juridiction cantonale n’est libre de sa décision que sur les points qui n’ont pas été tranchés par l’arrêt de renvoi ou dans la mesure où elle se fonde sur des faits complémentaires établis postérieurement à l’arrêt (ATF 133 III 201 c. 4.2 ; ATF 131 III 91 c. 5.2 et les arrêts cités).
2.
La seule question litigieuse est celle de la quotité de la peine à prononcer à l’encontre de A.T._.
2.1
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 c. 2.1; ATF 129 IV 6 c. 6.1; TF 6B_408/2012 du 1
er
novembre 2012 c. 1.1).
2.2
2.2.1
Sur le plan de la gravité objective d’abord, la Cour de céans a considéré que le condamné avait frappé sa victime à réitérées reprises de manière très brutale. Cette motivation jugée excessivement succincte par le Tribunal fédéral doit ainsi être précisée. La multiplicité des lésions infligées à B.T._, décrites en pages 28 et 29 du jugement cantonal, permet de retenir que l’auteur a fait preuve d’un acharnement particulier, au point d’infliger d’importantes souffrances à sa victime, bien au-delà de ce que la plupart des homicides jugés de gravité moyenne peuvent montrer, souvent parce qu’un organe vital est atteint ou qu’une blessure plus grave qu’une autre entraîne à brève échéance le décès. Ici, il n’en est rien : les lésions ont été infligées au visage, la calotte crânienne a été fracturée en raison d’au moins deux chocs violents et le thorax enfoncé provoquant plusieurs fractures des côtes. La victime est décédée de la multiplicité des lésions traumatiques. Pendant que l’auteur s’acharnait sur sa victime, cette dernière a abondamment saigné, comme en attestent les constats de police scientifique effectués au moyen du Bluestar Forensic. La victime a également résisté comme le démontrent les lésions de défense sur le visage du meurtrier A.T._. La volonté homicide qui doit être retenue est ainsi importante, non seulement par l’ampleur de la violence exercée, mais par les souffrances, durables et visibles pour l’agresseur, infligées de surcroît à une victime liée à l’auteur par des rapports d’affection. Ainsi l’addition des coups portés à la victime, qui, à chaque coup supplémentaire a montré une résistance de plus en plus faible et une souffrance grandissante, n’a pas infléchi la volonté criminelle de l’auteur de frapper jusqu’à l’issue fatale. La culpabilité de l’appelant apparaît ainsi importante s’agissant de la manière d’agir pour provoquer la mort. La violence et la multiplicité des actes homicides sont importantes.
2.2.2
Conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral, le comportement de l’auteur qui suit immédiatement l’acte homicide peut être pris en considération lors de la fixation de la peine, s’il a une relation directe avec cet acte et s’il est révélateur de la personnalité de l’auteur (ATF 127 IV 10 ; TF 6B_203/2010 du 27 mai 2010 c. 5.3.4).
Dans son jugement du 29 novembre 2012, la Cour d’appel pénale a relevé la froideur affective de l’auteur, constat qui s’appuyait sur une analyse d’ensemble du dossier, soit sur les circonstances de l’homicide, celles les suivant immédiatement et l’attitude du l’appelant durant l’enquête. Les considérants de l’arrêt fédéral ne traitent pas de cette motivation, la Haute cour indiquant « ne pas comprendre le raisonnement ayant conduit la cour cantonale à infliger une peine susceptible de sanctionner un meurtre confinant, par sa gravité, à un assassinat ». Pourtant, la froideur affective retenue dans l’arrêt cantonal est caractéristique de l’assassin (ATF 127 IV 10 c. 1a). Il convient donc de motiver plus complètement la froideur affective retenue.
A.T._ a manifestement montré une grande maîtrise émotionnelle au moment du meurtre, puisqu’il est passé en très peu de temps d’un déploiement de violence à une attitude calculée de dissimulation. Le nettoyage de la scène du crime, qualifié de minutieux, étant en relation directe avec l’acte homicide et permettant de révéler la personnalité de l’auteur, au demeurant confirmée par l’expertise psychiatrique, l’analyse fondée non seulement sur l’acte en lui-même, mais également sur les circonstances immédiatement postérieurs est donc conforme à la jurisprudence. L’expertise psychiatrique évoque de la même manière un contrôle des émotions et une personnalité plutôt froide (P. 263).
2.2.3
A.T._ a commis son acte homicide avec une grande violence physique, insensible à la souffrance d’une victime qui se manifestait par un saignement abondant et a maîtrisé ses émotions jusqu’à la dissimulation de son crime. Il apparaît ainsi comme un meurtrier dont la culpabilité est, objectivement et subjectivement très lourde. Lorsque la Cour de céans a précisé retenir à décharge l’éventualité selon laquelle l’appelant n’était pas à l’origine de la dispute, il s’agissait avant tout de mettre le condamné au bénéfice du doute concernant le déroulement des faits. Il n’y a toutefois pas lieu d’accorder, au moment de fixer la peine, une importance exagérée à cette question. Il est en particulier exclu de retenir l’éventualité évoquée dans l’arrêt du Tribunal fédéral, que la cause des lésions relèveraient « très vraisemblablement plus du hasard que d’une intention. » Si l’on peut imaginer que le passage d’une altercation verbale à une altercation physique dans des circonstances indéterminées atténue quelque peu, par hypothèse, la responsabilité établie du condamné, cet élément apparaît totalement secondaire au moment d’apprécier la culpabilité pour les coups mortels multiples infligés à une victime plus âgée, en infériorité physique, les lésions de défense n’ayant occasionnés que quelques griffures au visage du meurtrier. En d’autre termes, quel que soit le motif d’une éventuelle dispute (qui n’est pas établie), la culpabilité de A.T._ apparaît quoi qu’il en soit très lourde pour l’acharnement dont il a fait preuve jusqu’à la mort de sa victime. La cause des lésions ne provient donc en rien du hasard, comme semble l’envisager le Tribunal fédéral, mais bien au contraire d’une volonté homicide traduite par une répétition de coups si violents que le rapport avec les circonstances de la naissance de l’altercation ne joue qu’un rôle très faible dans la détermination de la culpabilité du meurtrier.
L’autre hypothèse formulée dans l’arrêt fédéral que le recourant n’était peut-être tout simplement pas à même, si ce n’est pas de concevoir sa responsabilité dans les conséquences extrêmement grave d’une dispute – la conception d’une telle responsabilité découlant déjà du nettoyage des lieux – du moins de faire l’aveu d’un acte résultant d’un comportement irrationnel », ne trouve aucun appui dans le dossier. En effet, l’expertise psychiatrique n’a mis en évidence ni trouble mental, ni un trouble de la personnalité de l’auteur, l’absence d’aveux pouvant correspondre « soit à un déni, soit à une position défensive narcissique et paranoïaque de surestimation et de défense acharnée de ses propres droits » (CAPE 267/2012, p. 35). L’appréciation de la Cour selon laquelle l’ensemble du dossier montre une froideur affective du prévenu doit ainsi être confirmée pour retenir une culpabilité très lourde.
2.2.4
A.T._
fait valoir que l’ignorance de l’arme du crime et du mobile devrait être pris en considération dans la fixation de la peine. Il fait en outre référence à sa bonne réputation et à l’impact qu’a eu sa mise en cause dans la mort de B.T._, reprise par les médias, sur sa vie privée et professionnelle.
On ne voit toutefois pas en quoi le moyen utilisé pour infliger les lésions pourrait avoir une influence, la violence déployée ayant par ailleurs été qualifiée d’importante. Quant à l’ignorance du mobile, il a déjà été précisé que l’origine d’une éventuelle dispute ne pouvait pas, au bénéfice du doute, être imputée à l’appelant.
Pour le reste, rien dans la réputation ou la situation personnelle du prévenu ne permet de relativiser sa culpabilité. Conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral, le fait qu’il n’a jamais été condamné n’a pas d’influence sur la fixation de la peine. Si la bonne réputation attestée par certains, dont la plupart des proches, ne saurait être niée, il faut aussi constater que le prévenu est un homme intelligent, bénéficiant d’une excellente formation, sans pathologie de personnalité, de sorte que sa situation personnelle ne le prédisposait aucunement à la commission d’un acte aussi grave. Sur le plan médiatique, le prévenu n’a pas eu à affronter un traitement partial de l’information et a toujours été présenté comme contestant toute responsabilité dans la commission du crime. Il n’y a donc rien dans les éléments avancés par la défense qui permettrait de modifier le constat que la culpabilité du prévenu est très lourde par la façon d’agir et par la froideur affective dont il a fait preuve. Il s’agit donc bien d’un meurtre, qui, par certains aspects, sur le plan subjectif, se rapproche d’un assassinat. Il faut toutefois se conformer aux considérants de l’arrêt du Tribunal fédéral qui a fixé la fourchette de peine entre dix et quinze ans, laissant en outre la possibilité à l’instance cantonale de compléter sa motivation.
Au vu de l’ensemble des éléments déterminant pour fixer la peine, A.T._ doit être condamné à une peine privative de liberté de quatorze ans. Cette quotité est adéquate au regard de l’infraction commise, de la culpabilité de l’appelant et de sa situation personnelle. La détention avant jugement, soit 875 jours, doit être déduite.
3.
En définitive, l’appel du Ministère public est admis et le jugement réformé en ce sens que A.T._ est condamné pour meurtre, à une peine privative de liberté de 14 ans.
Le jugement d’appel rendu le 29 novembre 2012 par la Cour d’appel pénale est confirmé pour le surplus.
4.
Le défenseur d’office du prévenu a fourni une liste d’opérations accomplies à la suite de l’arrêt sur recours du Tribunal fédéral. Au vu des opérations figurant sur cette liste, il convient d’allouer à Me Stefan Disch une indemnité pour la présente procédure d’appel de 2'160 fr., à laquelle il y a lieu d’ajouter 50 fr. de débours et 176 fr. 80 de TVA, soit un total de 2’386 fr. 80.
Le Tribunal fédéral ayant annulé partiellement le jugement rendu le
29 novembre 2012, les frais de la présente décision par 990 fr. (cf. art. 20 al. 1 TFJP – Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1),
auxquels il convient d’ajouter l’indemnité allouée à Me Stefan Disch pour la présente procédure d’appel,
sont laissés à la charge de l'Etat. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
29d4b155-e6da-4b79-a9ad-5728103c8549 | En fait :
A.
Par jugement du 13 mars 2014, le Tribunal de police de l’arrondissement de l’Est vaudois a constaté que J._ s’est rendu coupable d’infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants et d’infraction à la loi fédérale sur les étrangers (I), l’a condamné à une peine privative de liberté de 170 jours sous déduction de 51 jours de détention provisoire (II), a révoqué le sursis qui lui avait été accordé par le Ministère public de l’arrondissement de Lausanne le 27 mai 2011 (III), a statué sur les séquestres (IV, V, VI et VII) et sur les frais (VIII, IX et X).
B.
Le 14 mars 2014, J._ a annoncé faire appel contre ce jugement, qui lui a été notifié le 18 mars 2014. Il a posté une déclaration d’appel sommairement motivée le 7 avril 2014.
Son appel porte sur la peine, son genre, l’octroi d’un sursis et la révocation d’un sursis antérieur, l’appelant ayant conclu, en cascade, principalement à la modification du chiffre II en ce sens qu’il est condamné à une peine de travail d’intérêt général et à la suppression de la révocation du sursis prévue au chiffre III (II), subsidiairement à la modification du chiffre II en ce sens qu’il est condamné à une peine pécuniaire et à la suppression de la révocation du sursis prévue au chiffre III (III), plus subsidiairement à la modification du chiffre II en ce sens qu’il est condamné à une peine privative de liberté de trois mois et à la suppression de la révocation du sursis prévue au chiffre III (IV), encore plus subsidiairement à la modification du chiffre II en ce sens qu’il est condamné à une peine privative de liberté avec sursis et à la suppression de la révocation du sursis prévue au chiffre III (V), et, très subsidiairement à la modification des chiffres II et III en ce sens qu’une peine privative de liberté d’ensemble de 6 mois incluant la révocation du sursis du 27 mai 2011 est prononcée.
L’appelant a produit diverses copies de documents, dont celles relatives à sa requête commune en divorce, à sa promesse de mariage et à des promesses d’embauche par des employeurs potentiels. Comme mesures d’instruction, il a requis l’assignation et l’audition comme témoin de son oncle D._, la production par le Ministère public du dossier de la cause pénale ayant débouché sur sa condamnation du 27 mai 2011, de même que la possibilité de produire des pièces dans un délai à fixer par la direction de la procédure, en indiquant que ces preuves pourraient apporter des éléments décisifs pour trancher la question du sursis.
Par avis du 1
er
mai 2014, le Président de la Cour de céans a indiqué que la production de quelques pièces par les parties jusqu’à l’audience d’appel était tolérée, de sorte qu’il n’y avait pas lieu de fixer un délai à cette fin, a refusé l’assignation et l’audition comme témoin de D._, la pertinence et la nécessité de cette preuve n’étant pas établies, a ordonné la production, non pas du dossier de l’enquête pénale [...], mais de l’ordonnance de condamnation rendue le 27 mai 2011 par le Ministère public de l’arrondissement de Lausanne et a ordonné d’office la production par le Service de la population (SPOP) du dossier de police des étrangers de l’appelant.
Dans ses déterminations du 5 mai 2014, le Ministère public de l’arrondissement de l’Est vaudois a conclu au rejet de l’appel et au maintien du jugement attaqué.
Une copie de l’ordonnance pénale du 27 mai 2011, transmise le 6 mai 2014, a été incorporée au dossier pénal. Le dossier de police des étrangers du SPOP, reçu le 28 mai 2014, a été retranché du dossier pénal d’entente avec le défenseur de l’appelant lors de l’audience d’appel du 2 juin 2014, faute pour la défense d’avoir eu la possibilité de visionner la disquette contenant ledit dossier.
A l’audience, l’appelant a également produit plusieurs documents, notamment une autorisation d’inscription pour J._ au sein d’une fondation à Genève en vue d’une formation en comptabilité et une déclaration de D._ qui certifie se porter garant des frais de la formation professionnelle de son neveu.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Ressortissant de Guinée, J._, aussi connu sous le nom d’[...], est né le [...] 1984 à [...], en Guinée. Il ressort des papiers d’identité saisis au domicile de son épouse et sur lui que l’identité guinéenne serait la bonne.
En 2003, l’intéressé a déposé une demande d’asile sous le nom d’[...], laquelle a été refusée la même année.
En 2006, J._ s’est marié en Guinée avec N._, ressortissante suisse. Un fils, prénommé Q._, est né le [...] 2007 de cette union, à Lausanne.
En 2008, le prévenu a déposé une demande de permis de séjour, qui a été refusée et il a fait l’objet d’une procédure de renvoi, en 2010.
L’intéressé vit séparé de sa femme depuis octobre 2011. Le 12 mars 2014, lui et son épouse ont déposé une requête commune en divorce avec accord complet. Depuis le mois de juillet 2013 environ, il vit avec B._, ressortissante marocaine au bénéfice d’un permis C, habitant à Vevey, avec laquelle il s’est récemment fiancé. Le couple aurait l’intention de se marier prochainement. J._ a également déposé, en date du 12 mars 2014, une nouvelle demande de permis de séjour, en se prévalant d’un regroupement familial tant avec son fils Q._ qu’avec sa future femme, B._.
A l’audience d’appel, J._ a déclaré que sa situation personnelle n’a pas évolué depuis le jugement de première instance. Il est entretenu par son amie qui perçoit le revenu d’insertion (RI). Son oncle lui donne à l’occasion quelques centaines de francs. Il entend suivre une formation de comptable qui débutera au mois de septembre 2014 et finira en juin 2015. A ce titre, il a passé un test d’aptitudes pour que sa candidature soit retenue. Enfin, il voit régulièrement son enfant, le weekend selon ce que décide sa mère, ainsi que deux fois par mois pour l’amener au football.
Son casier judiciaire fait état des condamnations suivantes :
- 23 septembre 2004, Tribunal des mineurs de Lausanne, 12 jours de détention pour émeutes, contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants (LStup ; RS 812.121) et contravention à la loi fédérale sur le transport public (LTP ; RS 742.40) ;
- 18 février 2005, Juge d’instruction de Lausanne, 15 jours d’emprisonnement, avec sursis pendant deux ans, pour violation d’une mesure (mesures de contrainte en matière de droit des étrangers) ;
- 3 décembre 2007, Cour de cassation pénale, une peine privative de liberté de 30 mois, dont 15 mois avec sursis pendant 5 ans, pour crime et contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants ;
- 27 mai 2011, Ministère public de l’arrondissement de Lausanne, une peine pécuniaire de 30 jours-amende à 30 fr., avec sursis pendant 2 ans, et une amende de 300 fr. pour faux dans les certificats et conduite sans permis de conduire.
J._ a été placé en détention provisoire du 7 mai 2013 au 26 juin 2013 dans le cadre de l’enquête ouverte à son encontre, soit durant 51 jours.
2.
2.1
Dans la région [...] ainsi que dans les environs de [...], d’avril 2013 au 7 mai 2013, J._ a vendu une quinzaine de boulettes de cocaïne représentant un total estimé entre 6 et 13,5 grammes, ainsi qu’une quinzaine de sachets de marijuana représentant environ 15 grammes. Le bénéfice total de ce trafic est évalué à 630 fr. au moins.
De plus, lors de son arrestation le 7 mai 2013, le prévenu était en possession d’un « finger » de cocaïne d’un poids brut de 11,6 grammes.
2.2.
D’avril 2013 au 7 mai 2013, J._ n’était porteur d’aucun permis valable pour résider en Suisse. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de J._ est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L’appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d’appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier ; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L’appel tend à la répétition de l’examen des faits et au prononcé d’un nouveau jugement (Luzius Eugster, in : Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398 CPP). L’immédiateté des preuves ne s’impose toutefois pas en instance d’appel. Selon l’art. 389 al. 1 CPP, la procédure d’appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d’appel administre, d’office ou à la demande d’une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP ; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
3.
L’appelant conteste le genre de la peine infligée. Il estime que les conditions d’un travail d’intérêt général (art. 37 CP) et celles d’une peine pécuniaire (art. 34 CP), ainsi que celles du sursis (art. 42 CP) sont réunies, de sorte qu’il n’y a pas lieu de prononcer une courte peine privative de liberté.
3.1
3.1.1
Aux termes de l'art. 41 al. 1 CP, le juge peut prononcer une peine privative de liberté ferme de moins de six mois uniquement si les conditions du sursis à l'exécution de la peine (art. 42 CP) ne sont pas réunies et s'il y a lieu d'admettre que ni une peine pécuniaire, ni un travail d'intérêt général ne peuvent être exécutés.
A titre de sanctions, le nouveau droit fait de la peine pécuniaire (art. 34 CP) et du travail d'intérêt général (art. 37 CP) la règle dans le domaine de la petite criminalité, respectivement de la peine pécuniaire et de la peine privative de liberté la règle pour la criminalité moyenne. Dans la conception de la nouvelle partie générale du Code pénal, la peine pécuniaire constitue la sanction principale. Les peines privatives de liberté ne doivent être prononcées que lorsque l'Etat ne peut garantir d'une autre manière la sécurité publique. Quant au travail d'intérêt général, il suppose l'accord de l'auteur. En vertu du principe de la proportionnalité, il y a en règle générale lieu, lorsque plusieurs peines entrent en considération et apparaissent sanctionner de manière équivalente la faute, de choisir celle qui restreint le moins sévèrement la liberté personnelle de l'intéressé, respectivement qui le touche le moins durement. La peine pécuniaire et le travail d'intérêt général représentent des atteintes moins importantes et constituent ainsi des peines plus clémentes. Cela résulte également de l'intention essentielle, qui était au coeur de la révision de la partie générale du Code pénal en matière de sanction, d'éviter les courtes peines de prison ou d'arrêt, qui font obstacle à la socialisation de l'auteur, et de leur substituer d'autres sanctions. Pour choisir la nature de la peine, le juge doit prendre en considération l'opportunité de la sanction déterminée, ses effets sur l'auteur et son milieu social, ainsi que son efficacité préventive (ATF 134 IV 97 c. 4 ; TF 6B_546/2013 du 23 août 2013 c. 1.1).
3.1.2
En application de l’art. 37 al. 1 CP, à la place d’une peine privative de liberté de moins de six mois ou d’une peine pécuniaire de 180 jours-amende au plus, le juge peut ordonner, avec l’accord de l’auteur, un travail d’intérêt général de 720 heures au plus. Ainsi, toute personne dont la culpabilité justifierait une condamnation à six mois de privation de liberté ou à 180 jours-amende au plus peut en principe être condamnée, si elle accepte ce genre de peine et s’il n’est pas nécessaire de prononcer une peine privative de liberté ferme, à fournir un travail d’intérêt général (ATF 134 IV 97 c. 6.3.3.2). Cette peine tend à favoriser, à des fins de prévention spéciale, le maintien de l’auteur dans son milieu social, en le faisant compenser l’infraction par une prestation personnelle en faveur de la communauté plutôt que par une privation de liberté ou une peine pécuniaire (ibidem, c. 6.3.2). Dès lors, le prononcé d’un travail d’intérêt général n’est justifié qu’autant que l’on puisse au moins prévoir que l’intéressé pourra, cas échéant après l’exécution, poursuivre son évolution en Suisse. En effet, la réparation en faveur de la collectivité locale ainsi que le maintien du réseau social de l’intéressé sont l’essence même de la peine de travail d’intérêt général. Quand il est d’avance exclu que l’étranger demeure en Suisse, ce but ne peut être atteint. Aussi, lorsqu’au moment du jugement déjà, le condamné ne dispose d’aucun droit de demeurer en Suisse ou lorsqu’il est établi qu’une décision définitive a été rendue sur son statut en droit des étrangers et qu’il doit quitter la Suisse, le travail d’intérêt général ne constitue pas une sanction adéquate et est donc exclu (ATF 134 IV 97 c. 6.3.3.4 ; TF 6B_709/2013 du 27 janvier 2014 c. 2 ; TF 6B_262/2012 du 4 octobre 2012 c. 1.3.2 ; TF 6B_128/2011 du 14 juin 2011 c. 3.5.2).
3.1.3
S’agissant de la peine pécuniaire selon l’art. 34 CP, elle peut être exclue pour des motifs de prévention spéciale (TF 6B_196/2012 du 24 janvier 2013 c. 3.3 ; TF 6B_128/2011 du 14 juin 2011 c. 3.4) ou si elle n'est pas exécutable parce qu'elle prive le prévenu du nécessaire, voire de l'indispensable (ATF 134 IV 97 c. 5.2.3). La seule absence de revenus de l’auteur ne permet toutefois pas d’exclure ce genre de sanction ; bien plutôt, l’impécuniosité de l’auteur ne doit avoir d’effet que sur le montant du jour-amende, dont la jurisprudence fixe le minimum à dix francs (ATF 135 IV 180 c. 1.4.2 ; ATF 134 IV 60 c. 6.5.2). Quant aux perspectives de recouvrement de la peine pécuniaire, en principe dans les douze mois, tel que prévu à l’art. 35 CP, le fait que le condamné soit sous le coup d’un renvoi de Suisse et que son établissement dans un autre pays, au demeurant non déterminé, soit incertain, la faible probabilité d’encaisser le montant de la sanction ne suffit pas non plus en soi à l’exclure (Dupuis et al., Petit commentaire du Code pénal, Bâle 2012, n. 6 ad art. 35 CP), mais la situation sur le plan de la police des étrangers constitue un critère (ATF 134 IV 60 c. 8.3 ; Dupuis et al., op. cit., n. 5 ad art. 41 CP). Tout au plus, l’impossibilité vérifiée de recouvrer le montant dû aboutira à une conversion en peine privative de liberté (cf. art. 36 CP).
3.1.4
Le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire, d'un travail d'intérêt général ou d'une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits (art. 42 al. 1 CP). Sur le plan subjectif, le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. La question de savoir si le sursis serait de nature à détourner l'accusé de commettre de nouvelles infractions doit être tranchée sur la base d'une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Le pronostic doit être posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement. Il n'est pas admissible d'accorder un poids particulier à certains critères et d'en négliger d'autres qui sont pertinents. Le nouveau droit pose des exigences moins élevées quant au pronostic pour l'octroi du sursis. Auparavant, il fallait que le pronostic soit favorable. Le sursis est désormais la règle dont on ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable. Il prime en cas d'incertitude (ATF 135 IV 180 c. 2.1 ; ATF 134 IV 1 c. 4.2.2 ; TF 6B_348/2014 du 19 juin 2014 c. 2).
3.2
3.2.1
En l’espèce, le premier juge a infligé à l’appelant une courte peine privative de liberté de 170 jours, sous déduction de 51 jours de détention provisoire. A l’appui de sa décision, il a indiqué que
« compte tenu de ces éléments [à charge et à décharge] et de la situation personnelle et financière de J._, c’est bien évidemment une peine en nature de privation de liberté qui doit être prononcée. Le prévenu, sans titre de séjour et démuni financièrement, ne saurait être astreint à une peine pécuniaire ou à un travail d’intérêt général »
(cf. jgt., p. 10).
Le magistrat a en outre considéré que le pronostic quant au comportement futur du prévenu était défavorable, relevant pour l’essentiel que même si sa situation s’était légèrement améliorée depuis les faits, elle n’avait pas radicalement changé en ce sens qu’elle était toujours aussi instable tant au niveau administratif que financier, que le fait que J._ ait l’intention de se marier avec sa compagne qu’il connaissait depuis moins d’un an n’était pas en tant que tel un gage de stabilité, qu’il avait expliqué avoir recommencé à vendre des stupéfiants car il était sans activité pour vivre, qu’il n’avait cependant pas cherché de l’aide auprès des diverses associations de charité du canton, de sorte que le risque était grand que pour subvenir à ses besoins le prévenu réitère ses agissements.
Il convient dès lors d’examiner le bien-fondé de la peine prononcée.
3.2.2
Dans ses auditions, l’appelant a déclaré qu’il avait travaillé comme chauffeur de taxi clandestin (pv. aud. du 7 mai 2013, p. 2), serveur (pv. aud. du 8 mai 2013, p. 3), stagiaire dans une entreprise de peinture (pv. aud. du 25 juin 2013, p. 3) et qu’on lui avait refusé toutes prestations sociales. Un paysagiste a attesté le 27 décembre 2013 qu’il était disposé à lui donner du travail pour un salaire mensuel brut de 3'900 fr. (P. 27/1). A l’audience de jugement de première instance, J._ a indiqué qu’il était d’accord d’effectuer une peine sous la forme d’un travail d’intérêt général, préférant travailler plutôt qu’être désoeuvré (cf. jgt., p. 5). L’appelant est donc capable de travailler et la quotité de la peine, inférieure à 180 jours, n’exclut pas la peine de travail d’intérêt général.
A ce titre, l’appelant se prévaut de ses projets de mariage avec B._, ainsi que des démarches entreprises dans ce but, faisant valoir implicitement qu’il aura, à court terme, le droit de rester en Suisse. Toutefois, il ressort du dossier que l’appelant s’est vu définitivement refuser l’asile en 2003. Sous le coup d’un renvoi, il vit illicitement en Suisse. La demande de permis de séjour qu’il avait déposée en 2008 à la suite de son mariage avec N._ a été rejetée et ce rejet confirmé en recours. Il vient d’engager, le 12 mars 2014, une procédure en divorce et a signé une promesse de mariage avec B._, le 28 janvier 2014, tout en déposant une nouvelle demande de permis de séjour, à cette même date, en invoquant contradictoirement le regroupement familial avec son fils qui vit avec sa mère, future ex-épouse, et le regroupement familial avec sa nouvelle fiancée. En outre, il est exposé à faire l’objet d’une interdiction d’entrée (cf. pv. aud. sur les mesures de renvoi, P. 12). Il se prétend proche de son fils, mais il résulte de la procédure pénale que ses contacts avec lui avant son arrestation étaient rares, et s’ils sont aujourd’hui un peu plus réguliers, ils dépendent principalement des modalités choisies par la mère de l’enfant. Enfin, son passé délictueux risque d’être un obstacle à la délivrance d’une attestation provisoire en vue du mariage, qui est ainsi loin d’être acquise. On ne peut donc assurément prévoir que l’intéressé poursuivra son séjour en Suisse.
Eu égard à l’ensemble de ces circonstances, c’est à juste titre que le premier juge a estimé que le statut de l’appelant en Suisse exclut, à lui seul, le prononcé d’une sanction sous forme d’un travail d’intérêt général. Par ailleurs, comme on le verra ci-après, il remplit les conditions d’une courte peine privative de liberté.
3.2.3
L’appelant, qui n’est pas en droit de travailler en raison de son statut en droit des étrangers, n’a aucun revenu, dépend de l’aide de proches et soutient qu’on lui refuse toute prestation d’assistance. Or il a en réalité droit à l’aide d’urgence, en principe sous forme de prestations en nature. En effet, conformément à l’art. 12 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 ; RS 101) intitulé « Droit d’obtenir de l’aide dans des situations d’urgence », l’art. 4a LASV (loi vaudoise sur l’action sociale du 2 décembre 2003 ; RSV 850.051) nommé « Aide d’urgence » dispose que :
«
1
Toute personne résidant dans le canton a droit au minimum à l'aide d'urgence si elle n'est plus en mesure de subvenir à son entretien en raison d'une situation de détresse présente ou inéluctable.
2
L'aide d'urgence doit en principe être sollicitée par le bénéficiaire, à qui il peut être demandé de collaborer à l'établissement de ses besoins et de quérir les prestations accordées.
3
L'aide d'urgence est dans la mesure du possible allouée sous forme de prestations en nature. Elle comprend en principe :
a. le logement, en règle générale, dans un lieu d’hébergement collectif ;
b. la remise de denrées alimentaires et d’articles d’hygiène ;
c. les soins médicaux d’urgence dispensés en principe par la Policlinique Médicale Universitaire (PMU), en collaboration avec les Hospices cantonaux CHUV ;
d. l’octroi, en cas de besoin établi, d’autres prestations de première nécessité. »
Le Tribunal fédéral a fixé le minimum du jour-amende à 10 francs (cf. ATF 135 IV 180). En tant que telle, la précarité de l’appelant n’exclut donc pas la peine pécuniaire, de sorte que ni son dénuement ni l’illicéité de sa résidence en Suisse empêcheraient le prononcé d’une telle peine (Dupuis et al., op. cit., n. 12 ad art. 34 CP). Pour des motifs de prévention spéciale, le prononcé d’une peine pécuniaire est cependant exclu dans le cas d’espèce. En effet, une telle peine ne saurait être suffisamment dissuasive dès lors que l’appelant a récidivé après avoir été condamné dans le passé à des peines privatives de liberté et à une peine pécuniaire. Quoi qu’il en soit, comme on le verra ci-après, les conditions d’une courte peine privative de liberté sont réalisées.
3.2.4
Pour ce qui est du comportement futur de l’appelant, on relèvera que celui-ci a déjà été condamné pour des infractions, parfois de même nature, en 2004, 2005, 2007 et 2011. L’enchaînement des condamnations à des peines de jours-amende et privative de liberté, avec sursis, puis fermes, montrent une forme d’insensibilité à la sanction pénale. La facilité et le caractère fallacieux du prétexte avancé pour justifier de nouvelles infractions à la LStup, soit une prétendue nécessité vitale, alors que le prévenu pouvait opter pour un moindre mal en choisissant de travailler au noir, de mendier ou de se contenter de l’aide d’urgence ou encore respecter la loi et quitter la Suisse, sont également inquiétants. Si son excuse de misère personnelle peut être prise en compte sur le plan humain, il n’en demeure pas moins que l’appelant s’est tourné vers le trafic de drogue pour pallier à sa situation, et qu’il n’a pas cherché d’autres solutions qui étaient susceptibles de ne pas mettre en danger la santé de tiers. Ainsi, au regard de ces éléments déjà, seul un pronostic défavorable peut être posé. Le fait que l’appelant avance un récent projet de mariage dont il espère obtenir le droit de résider en Suisse et, le cas échéant d’y travailler, ne renverse pas ce pronostic défavorable. Non seulement son projet n’est guère avancé et il ne conduira pas forcément à l’octroi d’une autorisation de séjour, mais en plus, au vu des traits de caractère qu’il a montrés, rien ne garantit que l’appelant, supposé installé, ne recoure pas à nouveau au trafic pour se procurer plus d’argent que ce qu’un travail non qualifié lui procurerait après déduction des dépenses d’entretien incompressibles. En outre, contrairement à ce qu’il soutient, sa situation sur le plan du droit des étrangers fait obstacle à la prise d’un emploi et l’aide modeste qu’il reçoit de sa fiancée au bénéfice du RI ou de son oncle ne change pas significativement sa situation financière qui reste précaire.
Dès lors, le refus du premier juge d’accorder un sursis ne prête pas le flanc à la critique.
3.3
Au vu des considérants qui précèdent, il y a lieu de retenir que c’est à bon droit que le juge de première instance a exclu l’octroi d’un sursis à l’exécution de la peine et que des motifs de prévention spéciale l’ont conduit à prononcer une peine privative de liberté ferme de moins de six mois, en l’occurrence seule sanction propre à avoir un effet suffisamment dissuasif.
Mal fondés, les griefs quant au genre de peine doivent être rejetés.
4.
L’appelant critique la quotité de 170 jours de la peine privative de liberté arrêtée par le premier juge, en lui reprochant de n’avoir pas respecté l’art. 47 CP, notamment de n’avoir pas tenu compte du fait que les infractions commises découlaient d’un contexte particulier, à savoir qu’il n’avait à l’époque pas de situation professionnelle stable, qu’il s’était retrouvé à la rue après sa séparation d’avec son épouse, qu’il était dans la misère et qu’il voulait pourvoir à l’entretien de son fils, qui était son univers. Il met également en évidence sa collaboration durant l’enquête, ses regrets et sa prise de conscience, ainsi que sa bonne intégration sociale de par ses relations avec son enfant. Il revendique par conséquent une peine privative de liberté de trois mois au maximum.
4.1
L’art. 47 CP prévoit que le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité, est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale (ATF 136 IV 55 ; ATF 134 IV 17 c. 2.1 ; ATF 129 IV 6 c. 6.1).
4.2
Au moment de fixer la peine pour sanctionner J._, outre un séjour illicite, la vente entre avril 2013 et le 7 mai 2013 d’une quinzaine de boulettes de cocaïne (soit entre 6 et 13,5 grammes de cette drogue) et le fait de s’être procuré un finger de 11,6 grammes de cocaïne pour le vendre, de même que la vente de 15 grammes de marijuana conditionnée en sachets, le premier juge a invoqué le concours d’infractions, les antécédents pénaux dénotant une activité délictuelle bien établie, une culpabilité non légère, un contexte social et une situation personnelle difficiles, une relative bonne collaboration sous forme d’aveux, ainsi que l’expression de regrets.
Ces éléments sont adéquats. On relèvera cependant que la collaboration n’est pas allée jusqu’à livrer spontanément des éléments à charge utiles pour arrêter son fournisseur ou démanteler d’autres filières. Non seulement l’appelant a persisté à rester en Suisse malgré une décision de renvoi, mais en plus il s’est permis après avoir purgé 15 mois pour trafic de stupéfiants et avoir été au bénéfice d’un sursis de 15 mois supplémentaires, de trafiquer à nouveau, en s’autojustifiant avec complaisance. A ce titre, il convient de souligner qu’il savait qu’il pouvait se faire aider puisqu’il a déclaré s’être adressé à des institutions ou œuvres, selon lui sans résultat, ce dont on peut douter vu les principes en matière d’aide d’urgence exposés précédemment. Ainsi, il faut admettre que l’appelant disposait de moyens d’existence licites et qu’il n’a pas réellement chercher à en bénéficier. Partant, la peine privative de liberté de 170 jours prononcée par le premier juge n’est en tout cas pas trop élevée et il n’y a pas lieu de s’en écarter.
Mal fondé, le grief doit donc être rejeté.
5.
L'appelant conclut à ce que le sursis accordé le 27 mai 2011 par le Ministère public de l’arrondissement de Lausanne ne soit pas révoqué.
5.1.
En vertu de l'
art. 46 CP
, si, durant le délai d'épreuve, le condamné commet un crime ou un délit et qu'il y a dès lors lieu de prévoir qu'il commettra de nouvelles infractions, le juge révoque le sursis ou le sursis partiel (al. 1, 1
re
phr.). S'il n'y a pas lieu de prévoir que le condamné commettra de nouvelles infractions, le juge renonce à ordonner la révocation (al. 2, 1
re
phr.).
La commission d'un crime ou d'un délit durant le délai d'épreuve n'entraîne pas nécessairement une révocation du sursis. Seul un pronostic défavorable quant au comportement futur du condamné peut justifier la révocation. A défaut d'un pronostic défavorable, le juge doit renoncer à celle-ci. Autrement dit, la révocation ne peut être prononcée que si la nouvelle infraction laisse entrevoir une réduction sensible des perspectives de succès de la mise à l'épreuve (ATF 134 IV 140 c. 4.2 et 4.3 ; TF 6B_163/2011 du 24 novembre 2011 c. 3.2). Dans l'appréciation des perspectives d'amendement à laquelle il doit procéder pour décider de la révocation d'un sursis antérieur, le juge doit tenir compte des effets prévisibles de l'octroi ou non du sursis à la nouvelle peine. Il peut parvenir à la conclusion que l'exécution, le cas échéant, de la nouvelle peine aura un effet dissuasif suffisant, justifiant de renoncer à la révocation du sursis antérieur. L'inverse est également admissible : si le sursis précédent est révoqué, l'exécution de la peine qui en était assortie peut conduire à nier l'existence d'un pronostic défavorable pour la nouvelle peine et, partant, à assortir cette dernière du sursis (ATF 134 IV 140 c. 4.5 ; TF 6B_1165/2013 du 1
er
mai 2014 c. 2.1 et 2.2 ; TF 6B_458/2011 du 13 décembre 2011 c. 4.1).
5.2.
En se référant aux motifs de refus du sursis à la peine principale, le premier juge a révoqué le sursis du 27 mai 2011. En réalité, l’examen propre de la condition du sursis pour la révocation conduit également à établir que le pronostic quant au comportement futur de l’appelant est indubitablement défavorable. En effet, il n’hésite pas en enfreindre la loi pénale lorsque cela l’arrange. Le fait qu’il soit demeuré illicitement en Suisse durant le deuxième semestre 2013, alors qu’il n’a sollicité un permis qu’en janvier 2014, l’illustre. Force est également de constater que les précédentes condamnations n’ont pas eu l’effet escompté et la récidive durant le délai d’épreuve démontre que l’intéressé a trahi la confiance placée en lui par la justice. La révocation s’impose donc, l’appelant ayant bénéficié à plusieurs reprises par le passé du sursis sans que cela l’ait empêché de commettre de nouvelles infractions. Dans ces conditions, le juge de première instance n'a pas violé l'art. 46 CP en révoquant le sursis accordé le 27 mai 2011 par le Ministère public de l’arrondissement de Lausanne. La révocation de ce sursis doit par conséquent être confirmée.
Mal fondé, le grief doit être rejeté.
6.
L’appelant estime que, s’il y avait matière à révocation du sursis octroyé le 27 mai 2011, il faudrait à tout le moins fixer une peine d’ensemble.
6.1
Selon l’art. 46 al. 1, 2
e
phr. CP, en cas de révocation d’une peine antérieure, le juge peut modifier le genre de la peine révoquée pour fixer, avec la nouvelle peine, une peine d'ensemble conformément à l'art. 49 CP ; il ne peut toutefois prononcer une peine privative de liberté ferme que si la peine d'ensemble atteint une durée de six mois au moins ou si les conditions prévues à l'art. 41 sont remplies. Il s’agit d’une possibilité accordée au juge qui permet de tenir compte de la modification des nécessités de punir (ATF 134 IV 241 c. 4.4).
6.2
En l’espèce, la peine dont le sursis est révoqué et la nouvelle peine sont de genres différents. Convertir la peine de jours-amende en peine privative de liberté alourdirait la situation du condamné, ce qui violerait le droit fédéral (cf. ATF 137 IV 249 = JT 2012 IV p. 205 c. 3.4). Il ne se justifie donc pas de prononcer une peine d’ensemble, le juge n’y étant d’ailleurs pas tenu.
Mal fondé, le grief doit être rejeté.
7.
En définitive, l’appel de J._ est rejeté et le jugement rendu le 13 mars 2014 par le Tribunal de police de l'arrondissement de l’Est vaudois est confirmé.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel doivent être mis à la charge de J._ (art. 428 al. 1 CPP). Outre l'émolument, qui se monte à 2'570 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010, ; RSV 312.03.1]), ces frais comprennent l’indemnité allouée au défenseur d’office.
Au vu de la liste des opérations produite (cf. P. 44), il convient d'allouer à Me Stephen Gintzburger, défenseur d’office de l’appelant, une indemnité arrêtée à 1'512 fr., TVA et débours inclus.
J._ ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant de l'indemnité en faveur de son défenseur d’office que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). Sur ce point, le dispositif communiqué après l’audience d’appel, qui est entaché d’une erreur manifeste, doit être rectifié d’office en application de l’art. 83 CPP. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
2a1907ca-90c8-4b06-bf88-f7aa801e1040 | En fait :
A.
Par jugement du 16 février 2012, le Tribunal correctionnel de la Broye et du Nord vaudois a constaté que M._ s'est rendu coupable d’infraction grave et de contravention à la LStup, ainsi que d’infraction à la LEtr (I), l’a condamné à 36 mois de peine privative de liberté sous déduction de 379 jours de détention préventive (II), dit que cette peine est partiellement complémentaire à celle prononcée le 2 juin 2010 par le Juge d’instruction de Fribourg (III), dit que l’inscription du jugement prononcé le 7 janvier 2010 par le Juge d’instruction du Nord vaudois doit être radiée du casier judiciaire (IV), ordonné le maintien du condamné en détention pour des motifs de sécurité (V), ordonné la confiscation et la dévolution à l’Etat de 736 fr. 20 séquestrés sous fiche no 13354/11 (VI), ordonné la confiscation et la dévolution à l'Etat d'un Natel Nokia et d'un Natel Samsung, séquestrés sous fiche 13347/11 (VII), ordonné la confiscation et la destruction d'un sachet contenant 3 g brut de marijuana, d'un sachet contenant 68 boulettes de cocaïne pour un poids brut de 54, 8 g, d'un sachet contenant 26, 9 g de marijuana, d'une balance Proscale, d'un sachet contenant 4,78 g de marijuana, d'un sachet contenant 1,8 g brut de marijuana, séquestrés sous fiche no 13347/11(VIII), ordonné le maintien au dossier à titre de pièces à conviction de trois photos, d'un lot de documents au nom deV._, d'un abonnement demi-tarif au nom de V._, d'un abonnement de fitness au nom de V._, et un document "Orange" pour la carte SIM no 8941 0310 0422 9001 9415, séquestrés sous fiche no 13347/11 (IX), arrêté les frais à charge de M._à 22’969 fr. 20 et laissé le solde à la charge de l’Etat (X), dit que le remboursement à l’Etat de l’indemnité de 4’434 fr. 50 allouée au précédent défenseur du prévenu, Me Paul-Arthur Treyvaud, est subordonné à l'amélioration de la situation économique de M._(XI).
B.
Par lettre de son défenseur du 24 février 2012, M._ a annoncé faire appel. A sa requête, Me Michel Dupuis a été désigné comme défenseur d’office le 29 février 2012. Le jugement motivé lui a été notifié le 28 février 2012 et il a déposé une déclaration d’appel motivée le 16 mars 2012. A titre principal, il a conclu à la modification du jugement entrepris en ce sens que sa peine privative de liberté est très sensiblement réduite, subsidiairement à la modification du jugement en ce sens que sa peine privative de liberté est très sensiblement réduite et assortie d’un sursis complet ou partiel, plus subsidiairement encore à l’annulation du jugement.
A l'appui de son appel M._ a produit deux pièces (P. 142/3) et requis l’audition aux débats d’appel du témoin S._ (P. 142). A l’audience de jugement du tribunal correctionnel, ce témoin ne s’était pas présenté et la défense avait renoncé à son audition (jugement p. 7). Le 10 mai 2012, la direction de la procédure a refusé cette mesure d'instruction, ce témoin ayant déjà été entendu durant l’enquête en confrontation avec l’appelant (aud. 28), et l'appelant - ayant renoncé à cette réquisition lors de l'audience de jugement - ne soutenant pas que les déclarations recueillies auparavant seraient inexactes et n'indiquant pas en quoi la répétition de cette preuve serait nécessaire au traitement de l'appel (art. 389 al. 2 CPP, Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007; RS 312.0).
Le 5 avril 2012, le Ministère public a déposé un appel joint portant sur quotité de la peine (P.144).
Le 10 mai 2012, les parties ont été informées de la composition de la cour et citées à comparaître.
Une audience s'est tenue le 25 juin 2012 au cours de laquelle M._ a été entendu et a maintenu son appel. Le Ministère public a, pour sa part, maintenu son appel joint et a précisé sa conclusion en ce sens qu'une peine privative de liberté de 4 ans devrait être infligée à M._.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Né en Gambie le 8 septembre 1985, M._ a été élevé par ses parents. Il a été scolarisé pendant 12 ans dans son pays avant de suivre une école de musique pendant une année, puis d’émigrer en Espagne pour y rejoindre des membres de sa famille. Après un semestre en école de langue, il a travaillé pendant quelques années à Barcelone. En mai 2007, il est arrivé pour la première fois en Suisse, où il a demandé l’asile politique. Il a été attribué au canton de Soleure. Une décision de non-entrée en matière et de renvoi a été rendue le 28 juin 2007. Elle est exécutoire depuis le 10 juillet 2007. Dans cette procédure, le prévenu s’était légitimé sous l’identité d'emprunt de V._. Bien que dépourvu d'autorisation de séjour, il a séjourné en Suisse entre 2008 et 2009, vivant notamment à Orbe où il a été arrêté le 9 février 2011 pour être ensuite détenu jusqu'à ce jour.
Le 27 juillet 2011, le Service cantonal de la population (SPOP) a prononcé à son encontre une décision de renvoi avec effet à sa sortie de prison. Cette décision a été confirmée par arrêt de la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal (CDAP) du 24 novembre 2011.
2.
Sur le casier judiciaire de M._ figurent trois condamnations, soit :
- 14 août 2007, Autorité pénale de Bâle-Ville, peine pécuniaire de 20 jours-amende de 30 fr. avec sursis pendant deux ans et amende de 300 fr. pour contravention à la LStup (loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 novembre 1951; RS 212.121) et séjour illégal du 11 juillet au 12 août 2007;
- 7 janvier 2010, Juge d’instruction du Nord vaudois, peine privative de liberté de 60 jours pour séjour illégal du 14 août 2009 au 14 novembre 2009, cette ordonnance de condamnation ayant fait l’objet d’une requête de relief débouchant sur une seconde ordonnance de condamnation rendue le 12 novembre 2010 par le Juge d’instruction du Nord vaudois (P. 79), ne figurant cependant pas au casier judiciaire ensuite de l’opposition du prévenu;
- 2 juin 2010, Juge d’instruction de Fribourg, peine privative de liberté de 30 jours pour contravention à la LSEE, séjour illégal et activité lucrative sans autorisation. Ces deux dernières infractions couvrent les périodes du 1
er
janvier 2008 au 13 août 2009 ainsi que du 15 novembre 2009 au 21 décembre 2009. Il ressort par ailleurs de l’ordonnance pénale du 2 juin 2010 que le magistrat instructeur a révoqué le sursis accordé le 14 août 2007 par les autorités bâloises.
3.
L'intéressé a été renvoyé devant les premiers juges selon acte d'accusation du 2 novembre 2011 rendu par le Procureur de l'arrondissement du Nord vaudois et selon l'ordonnance de condamnation frappée d'opposition, rendue le 12 novembre 2010 par le Juge d'instruction de l'arrondissement du Nord vaudois.
3.1
Cette ordonnance de condamnation du 12 novembre 2010 M._ une infraction à l’art. 115 al. 1 litt. b LEtr (Loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers, RS 142.20) et une contravention à
l’art. 19a ch. 1 LStup. Elle retient qu’en suite de la décision de non-entrée en matière d'asile précitée, M._ est demeuré en Suisse du 12 août 2007, date retenue dans sa précédente condamnation pour ce même motif, au 14 novembre 2009, date de sa dernière interpellation. Le magistrat instructeur a également retenu, en violation d'une interdiction de quitter le canton d'attribution, plusieurs déplacements dans le canton de Vaud, notamment le 14 novembre 2009 à Lausanne et un séjour de plusieurs semaines à Chavornay dans le courant du printemps 2008. Enfin, le juge d’instruction a révoqué le sursis accordé par le juge pénal de Bâle-Ville le 14 août 2007.
3.2
La consommation de cannabis effective du 12 août 2007 au 14 novembre 2009 n’est pas contestée par M._ et il devra être reconnu coupable de contravention à l’art. 19a ch. 1 LStup pour sa consommation de cannabis du 17 février 2009 au 14 novembre 2009, la consommation antérieure étant prescrite.
3.3
M._ est accusé d’infraction grave à la loi fédérale sur les stupéfiants au sens de l’art. 19 ch. 2 litt. a à c LStup à raison des faits suivants :
M._ dans le Nord vaudois en particulier, se fait rapidement connaître comme pouvant fournir ′′de tout′′ dans le domaine des produits stupéfiants.
Connu sous divers surnoms, il est contacté par les acheteurs de produit sur deux numéros de téléphones portables. Successivement, il livre la marchandise commandée, cocaïne et marijuana, essentiellement à Orbe et à Yverdon-les-Bains.
Sur la base du contrôle téléphonique, treize clients ont pu être identifié et entendus qui ont acheté à M._ :
A._ de décembre 2010 à début février 2011, 15 à 20 boulettes de cocaïne, soit entre 10,5 et 18 g, pour 1'500 à 2'000 fr. et 30 à 42 g de marijuana pour 250 à 300 francs.
J._, de décembre 2010 à début février 2011, 28 g de marijuana pour 350 francs.
T._, de février 2010 à février 2011, 74 à 80 boulettes de cocaïne, soit entre 44,4 et 64 g, pour 7'400 à 8'000 francs. Sur la même période, le prévenu lui a offert 3 à 4 boulettes soit entre 1,8 et 3,2 de cocaïne.
H._, de mai 2010 et le 4 février, 36 à 41 parachutes de cocaïne, soit entre 36 et 41 g, pour 3'600 à 4'100 francs. Sur la même période, le prévenu lui a offert 1 g de cocaïne sous forme de 2 mini parachutes.
E._, de octobre 2010 au 6 février 2011, 44 parachutes de cocaïne, soit entre 28 et 32 g, pour 4'350 francs.
R._, de janvier 2009 à janvier 2011, 25 à 49 boulettes de cocaïne, soit entre 25 à 49 g, pour 2'500 à 4'900 francs.
W._, de début avril 2010 au 4 février 2011, 41 pacsons de marijuana, pour 2'050 francs.
L._, de l’été 2010 à décembre 2010, 8 boulettes de cocaïne pour 400 francs..
F._, de août 2010 à janvier 2011, 6 parachutes de cocaïne, soit entre 4.8 et 5.4 g., pour 600 francs.
Z._, de juin 2010 à janvier 2011, 32 pacsons de marijuana, pour 1'600 francs.
D._, de février 2009 à fin janvier 2011, 1'152 g de marijuana pour 14'400 francs. Ainsi que de janvier 2010 à mi-décembre 2010, 16 à 17 g. de cocaïne pour 1'475.- à 1'575 francs.
N._, de décembre 2010 à févier 2011, 7 cornets de cocaïne pour 700 francs.
Q._ a acheté, pour elle et son amie, d’avril 2009 au
week-end du 5-6 février 2011, 1’002 à 1'302 parachutes de cocaïne, soit entre 701,4 et 1'171,8 g, pour 98'200 fr. et 128'200 fr. dont plus de la moitié à M._
Ainsi M._, entre janvier 2009 et son interpellation le 9 février 2011, a vendu au moins 548 g. de cocaïne soit, au taux de pureté moyen de 31%, 170 g de cocaïne pure pour un chiffre d’affaire de 55'000 fr. au moins et détenait encore au moment de son interpellation 51 g de cocaïne, conditionnés pour la vente, représentant 15,8 g de cocaïne pure et qui aurait généré un chiffre d’affaire de 5’100 francs.
Durant la même période, les clients interpellés ont révélé avoir acheté à M._ au moins
1'726
g de marijuana pour un chiffre d’affaire de 18'650 francs.. A cela s’ajoute
443,8
g saisis à son domicile et qui devaient générer un chiffre d’affaire de 4'500 fr. environ.
3.4
Durant cette même période, soit du 12 août 2007 au 14 novembre 2009, l'intéressé a continué à fumer du cannabis.
4.
M._
a contesté avoir enfreint la LEtr dans la mesure retenue par le juge instructeur, de même que l'essentiel du trafic de cocaïne pour lequel il a été mis en cause. Il a en revanche admis être à l'origine du dépôt des 51 g de cocaïne retrouvés dans son studio à Orbe.
Les premiers juges ont écarté les dénégations de M._. Ils l'ont reconnu coupable d’infraction grave et de contravention à la LStup, ainsi que d’infraction à la LEtr et condamné (cf. A). | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 3 ad art. 399 CPP). La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
L'appel joint doit, quant à lui, être interjeté dans un délai de vingt jours dès la réception de la déclaration d'appel (art. 400 al. 3 CPP).
Interjeté dans les forme et délai légaux par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel de M._ , suffisamment motivé au sens de l’art. 399 al. 3 et 4 CPP, est recevable. Il convient donc d'entrer en matière sur le fond. Il en va de même de l'appel joint déposé par le Ministère public.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète des faits et pour inopportunité (al. 3).
I Appel de M._
3.
Infraction à la LEtr
3.1
La décision de non entrée en matière sur la requête d’asile de l’appelant usant du faux nom de V._ est exécutoire depuis le 10 juillet 2007.
Pour la période du 11 juillet au 12 août 2007, l’appelant a été condamné le 14 août 2007, pour séjour illégal notamment, par l’autorité pénale de Bâle-Ville à une peine de 20 jours-amende, à 30 fr. le jour, avec sursis pendant deux ans.
Pour les périodes du 1
er
janvier au 13 août 2008, ainsi que du 15 novembre au 21 décembre 2009, l’appelant a été condamné le 2 juin 2010 par le Juge d’instruction de Fribourg (P. 115), notamment pour séjour illégal, à une peine privative de liberté de 30 jours et de plus le sursis de 2007 a été révoqué.
Dans la présente cause, M._ était accusé, selon l'acte d’accusation du 2 novembre 2011 de séjour illégal au sens de
l’art. 115 al. 1 let b LEtr pour avoir résidé en Suisse sans autorisation depuis l’été 2007 et y être demeuré en dépit de condamnations et interpellations successives. Il était encore accusé selon l'ordonnance de condamnation du 12 novembre 2010 (P. 79) frappée d’opposition, de séjour illégal du 12 août 2007 au 14 novembre 2009.
Le jugement dont est appel retient à la charge de l'appelant un séjour illégal du 14 août au 14 novembre 2009, ainsi que du 22 décembre 2009 au 7 novembre 2010, sans exclure que ses séjours illicites en Suisse aient été entrecoupés par des déplacements en Espagne (jugement p. 11).
L'infraction à l'art. 115 al.1 let. b LEtr (séjour illégal) a, en revanche été écartée pour la période du 8 novembre 2010 à l'arrestation du 9 février 2011 notamment pour le motif que, disposant à l'époque d'une pièce de légitimation sous la forme d'un permis de résidence espagnol, il ne serait pas établi à satisfaction de droit que l'entrée en Suisse du prévenu ne remplissait pas les conditions légales.
3.2
Dans un premier moyen, M._ soutient que
"[...] La décision rendue par le juge d'instruction de Fribourg est devenue aujourd'hui définitive est exécutoire. Il ne peut plus exister une nouvelle poursuite légale du chef de 115 LEtr pour l'année 2009 en application du principe garanti par l'art. 11 CPP qui interdit la double poursuite. Les personnes acquittées ou condamnées en Suisse par un jugement passé en force, ne peuvent plus être poursuivies pour la même infraction. Le juge fribourgeois dans sa décision du 2 juin 2010 a exclu une condamnation pour les périodes qu'il a volontairement écartées, parce qu'il est peut-être parvenu à la conclusion
(sic)
que l'appelant n'était pas dans notre pays à ces moments précis, soit entre le 14 août 2009 et le 14 novembre 2009, de sorte que les juges vaudois ne pouvaient pas y parvenir, même s'ils estiment que leur jugement est partiellement complémentaire à la décision du 2 juin 2010 sauf à violer le principe de l'interdiction de la double poursuite. Le principe ne bis in idem s'imposait donc dès que la première décision était entrée en force et il convient d'en tenir compte dans le sanction prononcée aujourd'hui par le Tribunal correctionnel de la Broye et du Nord vaudois [...]"
(cf. mémoire d'appel pp. 4-5).
3.2.1
L'art. 11 CPP dispose qu'aucune personne condamnée ou acquittée en Suisse par un jugement entré en force ne peut être poursuivie une nouvelle fois pour la même infraction (al.1).
Le principe
ne bis in idem
, corollaire de l’autorité de chosé jugée, interdit qu’une personne soit pénalement poursuivie deux fois pour les mêmes faits. Le premier jugement exclut ainsi que la personne soit poursuivie une seconde fois par une juridiction pénale, même sous une qualification juridique différente. Il s’agit en effet d’adopter une approche fondée strictement sur l’identité des faits matériels et de ne pas retenir la qualification juridique de ces faits comme critère pertinent (arrêt CEDH Zolotoukhine du 10 février 2009, requête n° 14939/03, § 79 ss). Outre l’identité des faits, l’autorité de chose jugée et le principe
ne bis in idem
supposent également qu’il y ait identité de l’objet de la procédure et de la personne visée (cf. ATF 12511402 c. lb p. 404; 1201V 10 c. 2b p. 12 s.; 119 lb 311 c.3a p. 318; 1181V 269 c. 2 p. 271).
3.2.2
En l'espèce, le grief est sans portée.
Il suffit de se référer au contenu de l’ordonnance fribourgeoise du 2 juin 2010 (P. 115) qui précise qu’elle est complémentaire à l’ordonnance rendue le 7 janvier 2010 par le Juge d’instruction du Nord vaudois. Cette dernière décision, qui a été par la suite mise à néant en raison de l’admission d’un relief, punissait le séjour illégal du 14 août au 14 novembre 2010.
Toute violation de
ne bis in idem
doit donc être écartée puisqu’il ne s’agit pas des mêmes faits, soit de périodes distinctes de séjour illégal et qu'en cas de délit continu le principe ne s’oppose pas à une nouvelle condamnation pour des faits non couverts dans le premier jugement (ATF 135 IV 10; Hottelier, CR n° 7 ad art. 11 CPP, op. cit.) et qu'enfin la décision fribourgeoise ne comporte aucun acquittement, même implicite, sur ces faits.
Ce moyen est infondé et doit ainsi être rejeté.
3.3
L’appelant serait titulaire d’un permis espagnol de résider à Barcelone valable jusqu’au 29 août 2015 (P. 98/2 et 142/3) qui lui aurait été délivré le 8 novembre 2010. Il fait valoir que ce document l’autoriserait à résider sur tout le territoire Schengen, en particulier en Suisse, aussi longtemps qu’aucune décision d’interdiction d’entrée en Suisse ne serait prononcée à son encontre (P. 98/1 p. 2
in fine
).
3.3.1
Les premiers juges ont libéré le prévenu de l’accusation d’infraction à l’art. 115 al. 1 let. b LEtr pour la période du 8 novembre 2010 au 9 février 2011 pour le motif que
"[...] la démonstration d’une contravention aux dispositions sur l’entrée en Suisse au sens de l’art. 5 LEtr ne peut être apportée à suffisance de droit. M._ disposait d’une pièce de légitimation au sens de l’art. 5 al. 1 litt. a LEtr (permis de résidence). Il est impossible d’établir à satisfaction de droit qu’il ne disposait pas des moyens financiers à son séjour (art. 5 al. 1 litt. b LEtr). Il n’appartient pas à l’autorité de jugement d’apprécier si la condition de
l’art. 5 al. 1 litt. c LEtr est réalisée et enfin, la condition de l’art. 5 al. 1 litt. d LEtr n’est effective que depuis le 27 juillet 2011, date de la décision du SPOP. [...]"
(jugement p. 12).
L'art. 5 LEtr prévoit plusieurs conditions à l'entrée en Suisse : avoir une pièce de légitimation reconnue pour le passage de la frontière et être muni d’un visa si celui-ci est requis, disposer des moyens financiers nécessaires au séjour, ne pas représenter de menace pour la sécurité ou l’ordre public et ne faire l’objet d’aucune mesure d’éloignement. Selon les premiers juges, cette dernière condition ne serait effective que depuis le 27 juillet 2011, date à laquelle le Service de la population (SPOP) a rendu une décision de renvoi de Suisse dès la sortie de prison, décision confirmée par arrêt de la CDAP du 24 novembre 2011.
En réalité, le permis espagnol de résider a trait à l’art. 64 LEtr intitulé "décision de renvoi", dans sa version en vigueur depuis le 1
er
janvier 2011 et dont l’al. 2 dispose que "L’étranger qui séjourne illégalement en Suisse et qui dispose d’un titre de séjour valable délivré par un autre Etat lié par l’un des accords d’association à Schengen42 (Etat Schengen) est invité sans décision formelle à se rendre immédiatement dans cet Etat. S’il ne donne pas suite à cette invitation, une décision au sens de l’al. 1 est rendue. Si des motifs de sécurité et d’ordre publics, de sécurité intérieure ou extérieure justifient un départ immédiat, une décision est rendue sans invite préalable".
Il en résulte que l’autorisation de séjour espagnole peut certes avoir une incidence sur la procédure de renvoi en droit des étrangers, mais qu’il ne se justifie en aucun cas de l’assimiler à une autorisation de séjourner sur le territoire suisse et qu’elle n’a évidemment pas pour effet de rendre licite un séjour clandestin illégal. Au demeurant, dans son arrêt précité (P. 150) en page 5 sous chiffre 4 let. a, la CDAP expose qu’au jour de son interpellation (le 9 février 2011) l’appelant séjournait depuis plus de trois mois en Suisse, sans l’autorisation de séjour qu’il était pourtant tenu de requérir.
Par ailleurs le raisonnement des premiers juges sur la licéité de l’entrée en Suisse s’avère dépourvu de pertinence puisque l’infraction en cause est celle du séjour illégal (art. 115 al. 1 let b LEtr), distincte de celle d’entrée illégale
(art. 115 al. 1 let. a LEtr).
3.3.2
C’est donc à tort que les premiers juges ont partiellement libéré l’appelant de l’infraction de séjour illégal, mais comme le Ministère public n’a pas contesté ce point, cet acquittement partiel ne peut être remis en question. En revanche, l'argument de l’appelant consistant à vouloir étendre la prétendue non réalisation de l’infraction en raison de l’autorisation espagnole non pas délivrée, mais promise, à une période débutant en été (juin) 2010 n’a pas de substance et l’appel sur ce point doit être rejeté sans qu’il soit pertinent de rechercher si c’est à tort, soit en violation de la présomption d’innocence (art. 10 CPP), que le jugement (p. 12) reproche à l’appelant de n’avoir pas établi à satisfaction que son autorisation espagnole avait une portée rétroactive.
L’illicéité du séjour de l'appelant en Suisse ressort de la décision de 2007 refusant d’entrer en matière sur sa demande d’asile et ordonnant son renvoi de Suisse. La condamnation pour infraction à la LEtr en tant qu’elle concerne notamment le séjour du 15 novembre au 21 décembre 2009 doit donc être confirmée.
4.
Infractions à la LStup
4.1
L’appelant ne conteste pas sa condamnation pour contravention à
l’art. 19a al.1 LStup. Cette infraction n’est passible que d’amende que le jugement
n'inflige pas (cf. p. 10). Cela ne constitue pas une violation de l’art. 49 al. 1 CP, qui aurait consisté à sanctionner cette contravention par la peine privative de liberté infligée, mais une simple renonciation à punir, les premiers juges ayant estimé que l'importance de la peine privative de liberté rendrait vain le prononcé d'une amende (jugement p. 20).
4.2.
Quant à son activité de trafiquant, l’appelant invoque une constatation erronée des faits uniquement à l’égard de sa mise en cause par la toxicomane X._ que le jugement analyse en pages 16 à 18 pour retenir finalement qu’il lui a vendu ou donné 350,7 grammes de cocaïne brute (p. 18
in fine
).
4.2.1
La constatation des faits est incomplète lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, op. cit., n. 19 ad art. 398 CPP).
4.2.2
Entendue le 16 février 2011 comme personne appelée à donner des renseignements (aud. 12), X._ a déclaré avoir consommé de la cocaïne, en la fumant avec du bicarbonate de soude, avec son ex-amie S._. Elle a indiqué avoir acquis de la cocaïne auprès de l’appelant en deux périodes, soit entre avril et septembre 2009, puis au retour d’un voyage en Australie à partir de juin 2010. Elle a quantifié ces achats de cocaïne, conditionnée en parachutes, selon l’évaluation la plus basse, à 701,4 grammes de marchandise brute, dont 630 g pour les 5 mois d’avril à août 2009 précédant le voyage en Australie correspondant à une fréquence de 6 à 8 parachutes par jour. Quant au financement de ces achats totalisant 98'200 fr., elle a indiqué que bien que paraissant énormes en les voyant comme ça, elle assurait que c’était possible, son ex-amie gagnant 5'000 fr. par semaine.
Entendue à son tour le 26 mai 2011, en confrontation avec le prévenu (aud. 28), S._ a confirmé les dires de X._ quant aux périodes, au conditionnement, au prix à l’unité, au type de consommation et au fournisseur. Concernant la quantité achetée, elle a toutefois déclaré que :
"[...] X._ se trompe manifestement lorsqu'elle dit que nous avons consommé 6 à huit parachutes par jour. C'est impossible, c'était probablement 8 parachutes par semaines. De toutes façons nous n'aurions pas eu les moyens de nous payer autant de cocaïne[...]"
. Elle a également indiqué qu'à l’époque, elles vivaient chez leurs parents, qu'elle-même travaillait à la [...] pour un salaire mensuel de 2’000 à 2'500 fr. et consacrait 500 fr. par semaine à la cocaïne, alors que Q._ travaillait comme apprentie au Restaurant du [...] et achetait aussi de la cocaïne de son côté. En revanche, elle a prétendu avoir effectué ses achats de cocaïne non pas auprès du prévenu mais d'un tiers.
Entendue à nouveau le 12 juillet 2011 (aud. 29), en confrontation avec le prévenu, X._ a confirmé sa première déposition en précisant toutefois avoir effectué plus de 50 % de tous ses achats auprès du prévenu. Elle a qualifié la période allant d’avril 2009 à son départ en Australie de descente aux enfers. Son revenu d’apprentie était alors de 700 fr. à 2’100 fr., pourboires compris. A son retour, elle a travaillé comme chef de rang pour un revenu de 4’500 fr., pourboires compris. Son amie S._ disposait de beaucoup d'argent en 2009, alors qu’elle n’avait pas d’emploi fixe, mais des petits boulots, notamment 2 à 3 mois à la [...] probablement avant le départ en Australie. L’argent des achats de cocaïne vS._ qui avait son propre business : elle vendait de la marijuana.
Identifiée par exploitation de la mémoire d’un téléphone du prévenu, la mère d'S._ a été entendue le 21 février 2011 (aud. 19), elle a expliqué avoir rencontré le prévenu au printemps 2010 dans la chambre de sa fille. Elle a ajouté que, celle- ci étant
"[...] accro au crack [...]"
, elle avait acquis elle-même de la cocaïne auprès du prévenu lorsque sa fille était en manque, cela pour éviter qu’elle ne fasse pire. Elle a parlé de sept cornets de cocaïne qu’elle pensait avoir ainsi achetés en deux ou trois fois.
4.2.3
Les premiers juges se sont fondés sur les déclarations de X._ et ont retenu à la charge du prévenu des ventes à celle-ci de
350.7 grammes bruts dont 315 acquis en 2009 (jugement p 17). Leur conviction repose sur plusieurs éléments (jugement, pp. 15-17) X._ n'a pas de raison d'exagérer sa consommation dès lors que celle-ci l’incrimine également. La consommation (réduite ou mesurée) décrite par S._de 8 parachutes par semaine pour elle et pour X._ n’est pas crédible au regard du témoignage de la mère d'S._ qui a indiqué que sa fille était tellement
"accro au crack"
qu'elle allait elle-même lui en acheter pour tenter de limiter et de contrôler sa consommation (aud. 19, p. 2). Dans la même ligne, X._ a parlé de sa descente aux enfers (aud. 29, p. 2), ce qui renvoie à une consommation frénétique et dominatrice et non pas à une consommation plus ou moins gérée. Enfin, s’il paraît évident que l’ampleur de la consommation décrite par X._ -sans parler du voyage et séjour en Australie- n’a pu être financée uniquement par les revenus tirés des activités lucratives des toxicomanes prénommées, des revenus occultes
"[...]autres que les salaires des intéressés[...]"
ont été réalisés et affectés au financement des achats de cocaïne (jugement p. 18).
L’appelant revient sur cette appréciation des dépositions en soutenant que celle d'S._ serait conforme à la réalité alors que celle de X._ serait fausse. Il soutient d’une part que l’importance des achats prétendus est incompatible avec la modicité des salaires et, d’autre part, que le prétendu trafic de marijuana imputé à S._ n’est pas établi.
En réalité, la motivation des premiers juges doit être approuvée. Le caractère frénétique ou particulièrement compulsif de la consommation des deux jeunes femmes ressort des déclarations de X._ qui a parlé de sa descente aux enfers, mais également du témoignage de la mère d'S._, selon lequel cette dernière était
"accro au crack "
au point que sa mère en achetait parfois pour elle lorsqu’elle était en manque, pour éviter qu’elle ne sombre davantage. Ce témoignage est crédible, notamment si l'on considère l'importante dépendance, notoire, qu'entraîne le crack.
On ajoutera que X._ n’avait pas de raison de mentir et de charger faussement le prévenu et son ex-amie. En outre, la prénommée ne s’est pas trompée grossièrement en confondant jour et semaine pour situer la fréquence de consommation comme l’a dit S._ puisqu’elle a intégralement maintenu sa déposition lors de la confrontation. Enfin, S._ manifestement menti lorsqu'elle a déclaré queM._M._ n'avait pas été son fournisseur, lui-même admettant le contraire et la mère de la jeune femme les ayant surpris tous deux, alors que celle-ci consommait du crack.
Certes les salaires de X._ et d'S._ n’ont pas suffi à payer toute cette cocaïne. La provenance licite ou illicite de l'argent (vente de marijuana, revenus, emprunts, économies, etc.,) n'est cependant pas décisive dès lors que la déposition de X._ est crédible.
4.2.4
En définitive, la détermination du volume du trafic par le tribunal de procède pas d'une appréciation erronée des faits. Ce grief tombe à faux.
5.
Il faut encore examiner la peine infligée au prévenu. M._ demande, à titre principal, que sa peine soit très sensiblement réduite.
5.1.
L'art. 47 al. 1 CP prévoit que la peine doit être fixée d'après la culpabilité de l'auteur, en tenant compte des antécédents et de la situation personnelle de ce dernier ainsi que de l'effet de la peine sur son avenir. L'alinéa 2 de cette disposition énumère, de manière non limitative, une série de critères à prendre en considération pour déterminer la culpabilité de l'auteur. Ces critères correspondent à ceux établis par la jurisprudence relative à l'art. 63 aCP (TF 6B_38/2011 du 26 avril 2011 c. 3.2; ATF 134 IV 17 c. 2.1 ; ATF 129 IV 6 c. 6.1).
Pour fixer la peine, le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation. Il y a toutefois violation du droit fédéral lorsque le juge sort du cadre légal, lorsqu'il fonde sa décision sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, lorsqu'il omet de prendre en considération des éléments prévus par cette disposition ou lorsqu'il a abusé de son pouvoir d'appréciation en fixant une peine exagérément sévère ou excessivement clémente (TF 6B_327/2011 du 7 juillet 2011 c. 2.1; ATF 134 IV 17 c. 2.1).
En matière de trafic de stupéfiants, même si elle ne joue pas un rôle prépondérant, la quantité de drogue - à l’instar du degré de pureté de celle-ci - constitue un élément important pour la fixation de la peine, qui perd cependant de l’importance au fur et à mesure que s’éloigne la limite à partir de laquelle le cas est grave au sens de l’art. 19 ch. 2 lift. a LStup (ATF 122 IV 299 c. 2c) Le type et la nature du trafic en cause sont déterminants. Aussi l’appréciation sera-t-elle différente selon que l’auteur a agi de manière autonome ou comme membre d’une organisation. Dans ce dernier cas, tant la nature de sa participation que sa position au sein de l’organisation doivent être prises en compte. L’étendue géographique du trafic entre également en considération : l’importation en Suisse de drogue a des répercussions plus graves que le seul transport à l’intérieur des frontières. S’agissant d’apprécier les mobiles qui ont poussé l’auteur à agir, le juge doit distinguer le cas de celui qui est lui-même toxicomane et agit pour financer sa propre consommation de celui qui participe à un trafic uniquement poussé par l’appât du gain (TF 6B_265/2010 du 13 août 2010 c. 2.3). Le comportement du délinquant lors de la procédure peut aussi jouer un rôle. Le juge pourra atténuer la peine en raison de l’aveu ou de la bonne coopération de l’auteur de l’infraction avec les autorités policières ou judiciaires notamment si cette coopération a permis d’élucider des faits qui, à ce défaut, seraient restés obscurs ATF IV 202 c. 2d/aa; 118 IV 342 e. 2d).
5.2
La peine de 3 ans doit être confirmée. Les premiers juges l’ont longuement motivée en pages 19, 20 et 21 de leur jugement (art. 50 CP). La culpabilité de M._ a été qualifiée d'importante. A charge de l’intéressé, le tribunal a d’abord retenu ses antécédents judiciaires et le concours d’infractions, de même que les récidives en cours d’enquête s’agissant d’infraction à la LEtr. La quantité de cocaïne pure mise en circulation par M._ réalise dix fois le cas grave. Son trafic aura été de longue durée. Il était bien organisé et s’est constitué une clientèle régulière. Il est avant tout consommateur de cannabis et il ne saurait dès lors bénéficier de la mansuétude ou de l’atténuation prévalant en faveur de toxicomanes dépendants de drogues dites dures. Par ses ventes de cocaïne, il a trouvé un moyen facile de subvenir à ses besoins plutôt que de travailler. A décharge, le tribunal aM._ avait vraisemblablement opéré de façon indépendante, que son trafic n’était apparemment pas international et qu'il était demeuré un vendeur de petite envergure. La peine privative de liberté de 36 mois infligée tient en outre compte de son caractère très partiellement complémentaire à celle prononcée par le Juge d’instruction de Fribourg du 2 juin 2010. L'autorité de première instance a ainsi tenu compte des critères légaux (art. 47 CP). L’appelant ne critique d’ailleurs la quotité de la peine qu’en relation avec ses moyens tendant à réduire sa responsabilité, lesquels ont été écartés.
6.
M._ revendique, à titre subsidiaire, un sursis complet ou partiel. Il soutient que le motif de le lui refuser, soit un pronostic défavorable ressortant de son important déni (jugement p. 20), serait mal fondé dès lors qu’il doit pouvoir présenter sa propre version des faits.
6.1
L’octroi du sursis est subordonné à la condition subjective qu’une peine ferme ne paraisse pas nécessaire pour détourner l'auteur d’autres crimes ou délits (art. 42 al. 1 et 2 CP). Cette dernière condition suppose l’absence d’un pronostic défavorable quant au comportement futur du condamné. Pour déterminer ce qu’il en est, le juge doit procéder à une appréciation d’ensemble de tous les éléments pertinents, parmi lesquels les circonstances de l’acte, les antécédents et la réputation de l’auteur ainsi que les autres éléments permettant de tirer des conclusions quant au caractère, à l’état d’esprit et aux perspectives d’amendement du condamné, de même que la situation personnelle de ce dernier jusqu’au moment du jugement (ATF 134 lV60 c. 7.2 pp. 73 s.).
Lorsqu’il prononce une peine privative assortie d’un sursis partiel, le juge doit non seulement fixer au moment du jugement la quotité de la peine qui est exécutoire et celle qui est assortie du sursis, mais également mettre en proportion adéquate une partie à l’autre. Selon l’art. 43 CP, la partie à exécuter doit être au moins de six mois (al. 3), mais ne peut pas excéder la moitié de la peine (al. 2). S’il prononce une peine de trois ans de privation de liberté, le juge peut donc assortir du
sursis une partie de la peine allant de dix-huit à trente mois. Pour fixer dans ce cadre la durée de la partie ferme et avec sursis de la peine, le juge dispose d’un large pouvoir d’appréciation. A titre de critère de cette appréciation, il y a lieu de tenir compte de façon appropriée de la faute de l’auteur (art. 43 al. 1 CP). Le rapport entre ces deux parties de la peine doit être fixé de telle manière que, d’une part, la probabilité d’un comportement futur de l’auteur conforme à la loi, mais aussi sa culpabilité soient équitablement prises en compte. Ainsi, plus le pronostic est favorable et moins l’acte apparaît blâmable, plus la partie de la peine assortie du sursis doit être importante. Mais en même temps, la partie ferme de la peine doit demeurer proportionnée (TF 6B_ 664/2007 du 16janvier 2008, c. 3.2, spéc. 3.2.3).
6.2
En l'espèce, la quotité de la peine (trois ans) exclut le sursis de
l’art. 42 CP. Le sursis partiel n'entre pas davantage en considération pour les motifs exposés ci-après.
M._ a déjà été condamné en 2007 et en 2010 pour infraction à la LEtr. Il est donc en état de récidive spéciale. De plus, aucun élément ne permet de penser que le prévenu a pris conscience de ses fautes. Aux débats d'appel, il a parlé d'une culpabilité correspondant à 10 % de ce qu'on lui reproche. On ne saurait donc conclure qu'il a intégré ses fautes au point que la menace de purger un solde de peine en cas de révocation de sursis suffirait à le détourner de la délinquance. En effet, il a longtemps vécu en clandestin et en s’adonnant au trafic pour en vivre. Il n’a pas eu un mot de regret pour les toxicomanes qu’il a exploités et dont il a favorisé la déchéance, même lorsqu’il s’agissait de très jeunes gens et alors qu’il avait pu prendre la mesure de leur dépendance et de la détresse de la mère de l’une d’eux. Il n’a présenté aucun projet investi dont on pourrait raisonnablement déduire qu’il va changer durablement son mode de vie. Dans ces circonstances, le refus de tout sursis doit être confirmé.
II.
Appel joint du Ministère public
7.
Le Ministère public demande que la peine soit majorée d'une année pour le motif que le caractère indépendant du trafic à sanctionner ne constituerait pas un élément à décharge.
Pour un trafic de 179,69 g de cocaïne pure et de marijuana, ainsi que pour des infractions à la LEtr passibles d’une sanction plafonnée à un an et demi, la peine ferme de trois ans infligée par les premiers juges est appropriée (cf. supra c.5.2). Elle correspond à l’appréciation de la culpabilité, telle que correctement présentée en page 20 du jugement, notamment la longue durée, la bonne organisation du trafic, ainsi que la fidélisation d'une clientèle appartenant à la classe moyenne. Certes le fait que le prévenu ait eu la maîtrise de son commerce illicite ne constitue pas une circonstance atténuante, mais, dans la pesée de l'ensemble des éléments, ce point ne justifie pas de modifier la sanction.
L’appel joint du Ministère public doit donc également être rejeté.
8.
En définitive, le jugement entrepris doit être confirmé, ce qui entraîne le rejet de l'appel de M._ et de l'appel joint du Ministère public.
Vu le sort des appels, la moitié des frais d'appel et la moitié de l'indemnité allouée au défenseur d'office doivent être mis à la charge de M._, le solde devant être laissé à la charge de l'Etat. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
2a6d253e-00d6-491b-b9e1-8886d8aa39e3 | En fait :
A.
Par jugement du 11 octobre 2011, le Tribunal de police de l'arrondissement de l'Est vaudois a libéré par défaut K._ du grief de conduite en état d'incapacité (I), condamné par défaut K._, pour lésions corporelles simples, menaces, conduite en état d'ébriété qualifiée, défaut de port du permis de conduire, contravention à la Loi fédérale sur les stupéfiants, à la peine privative de liberté de 3 mois et à 1'000 fr. d'amende (II), dit qu'en cas de défaut fautif de paiement de l'amende, la peine privative de liberté de substitution sera de 10 jours (III), révoqué par défaut le sursis accordé le 26 novembre 2009 à K._ par le Tribunal de police de l'Est vaudois et ordonné l'exécution de la peine de 60 jours-amende à 100 fr. le jour (IV), dit que K._ est le débiteur de G._ de
4'400 fr. à titre d'indemnisation de perte de gain (V), et mis les frais de la cause, par 4'729 fr. 20 à la charge de K._ (VI).
B.
Le 27 octobre 2011, K._ a déposé une annonce d'appel contre le jugement précité. Par déclaration d'appel motivée du 24 novembre 2011, le prévenu a fait appel de ce jugement en concluant à sa libération du chef d'accusation de menaces (ch. 1), à la réduction de la peine infligée par le premier juge dans une mesure compatible avec l'octroi du sursis (ch. 2), au maintien du sursis accordé le 26 novembre 2009 par le Tribunal de police de l'arrondissement de l'Est vaudois (ch. 3), à l'octroi du sursis pour l'entier de l'exécution de la nouvelle peine infligée (ch. 4), au rejet des conclusions civiles de G._, ce dernier étant renvoyé à agir par la voie civile (ch. 5), et à une nouvelle répartition des frais et dépens de première instance compte tenu du sort de l'appel (ch. 6).
Le Ministère public a renoncé à déposer une demande de non entrée en matière ou à déclarer un appel joint, par lettre du 9 décembre 2011.
G._ a présenté une demande de non-entrée en matière le 5 décembre 2011 en invoquant la tardiveté de l'annonce d'appel. Cette requête a été rejetée par décision du 20 décembre 2011 constatant que les délais légaux avaient été respectés.
Le 20 décembre 2011, les parties ont été informées de la composition de la cour et citées à comparaître.
Par lettre du 28 décembre 2011, le Parquet a renoncé à comparaître et à déposer des conclusions écrites. Il s'en est remis à justice.
Une audience s'est tenue le 25 janvier 2012, au cours de laquelle l'appelant a été entendu. Par convention signée en cours d'audience, le plaignant G._ a retiré sa plainte contre K._ en contrepartie d'une somme de 6'000 fr., dont le prévenu s'est reconnu son débiteur, à verser pour solde de tous comptes concernant la présente affaire pénale, indemnisation de la perte de gain et dépens compris. Interpellé, K._ a confirmé les déclarations qu'il avait faites devant le Juge d'instruction le 31 mai 2010 et a déclaré accepter le principe d'un travail d'intérêt général (ci-après : TIG). Pour le surplus, il a fourni des indications sur sa situation personnelle et a exposé qu'il suivait, depuis le mois d'octobre 2010, un traitement pour combattre son addiction à l'alcool, qu'à ce jour sa consommation était modérée et qu'il allait commencer une nouvelle période d'abstinence. En considération de la convention signée à l'audience, le prévenu n'a maintenu que les chiffres 3 et 4 de ses conclusions, soit celles tendant à la non révocation du sursis accordé le 26 novembre 2009 et à l'octroi d'un sursis pour l'entier de l'exécution de la nouvelle peine.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
K._, né le 30 septembre 1961 à Orbe/VD, originaire du Locle, restaurateur, divorcé, est salarié d'une société anonyme dont il est propriétaire avec ses parents. Son salaire net se monte à environ 6'700 fr. par mois. Il ne reçoit pas de dividende et n'a pas de revenu annexe. Le prévenu verse une pension alimentaire mensuelle de 2'300 fr. en faveur de ses deux enfants mineurs et paie annuellement 12'000 fr. à 13'000 fr. pour ses impôts. Il loge avec ses parents et leur verse une contribution mensuelle de 1'000 fr. Son assurance-maladie s’élève à 500 fr. par mois. Il voyage en transports publics et paie une cinquantaine de francs par mois pour ses frais de transport, car il est sous retrait de permis et n'a pas de voiture. L'appelant fait l'objet de poursuites à hauteur de 20'000 fr. à 30'000 fr. environ.
2.
Il ressort ce qui suit du casier judiciaire suisse de K._ :
- Le 10 mai 2005, le Juge d'instruction de l'Est vaudois a infligé au prévenu une amende 200 fr. avec sursis pendant un an pour injure;
- le 29 novembre 2006, le Préfet de Vevey a sanctionné une ébriété qualifiée de 750 fr. d'amende avec sursis pendant un an;
- le 16 janvier 2008, le Juge d'instruction de l'Est vaudois a derechef condamné l'intéressé pour injure, à une peine pécuniaire de 10 jours-amende à
90 fr. le jour;
- le 26 novembre 2009, le Tribunal de police de l'Est vaudois a réprimé une infraction à l'art. 285 CP de 60 jours-amende à 100 fr. avec sursis pendant trois ans, ainsi que d'une amende de 500 fr.
L'extrait du fichier fédéral des mesures administratives en matière de circulation routière (ci-après : fichier ADMAS) du prévenu fait état de deux retraits de permis de conduire pour ébriété en 2007 et en 2010.
3.
Dans la soirée du 21 mars 2010, K._ a été intercepté par la police à la rue d'Entre-Deux-Villes, à Vevey, alors qu'il conduisait sans être porteur du permis de conduire, en étant pris de boisson (1,23‰ au moment des faits, selon expertise). Il avait en outre consommé de la cocaïne. K._ a été dénoncé au Juge d'instruction de l'Est vaudois. | En droit :
1.
1.1.
Interjeté
dans les formes et délais légaux contre le jugement d'un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP, Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007; RS 312.0), l'appel est recevable.
1.2
Aux termes de l'art. 398 CPP, la juridiction d'appel jouit d'un plein pouvoir d'examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L'appel peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète des faits et pour inopportunité.
2.
Il y a lieu de prendre acte pour valoir jugement de l'accord passé devant l'autorité de céans. De même, il convient de prendre acte du retrait de plainte intervenu devant la cour de céans alors que le jugement entrepris n'est pas encore exécutoire (art. 33 CP). Ce retrait entraîne, pour l'appelant, la fin de la poursuite pénale pour les infractions aux art. 123 ch. 1 CP (lésions corporelles simples) et 180 al. 1 CP (menaces) qui se poursuivent sur plainte. K._ doit donc être libéré de ces chefs d'accusation.
K._ doit être condamné pour conduite en état d'ébriété qualifiée, défaut du port du permis de conduire et contravention à la Loi fédérale sur les stupéfiants. La première infraction est passible d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire, les deux autres sont passibles d'une amende.
3.
3.1
Pour sanctionner les contraventions, il y a lieu de confirmer l'amende de 1'000 fr. infligée par le premier juge, convertible, en cas de défaut fautif de paiement, en une peine privative de liberté de substitution de 10 jours, le taux de conversion de cette amende étant, au demeurant, conforme aux normes en vigueur (art. 106 CP; CAPE 7 octobre 2011/61 c.3.1.3 et la jurisprudence citée).
3.2
Il faut par ailleurs fixer une nouvelle peine pour l'infraction de conduite en état d'ébriété qualifiée en tant compte des éléments nouveaux révélés en appel.
3.2.1
Aux termes de l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2). Ces critères correspondent à ceux développés par la jurisprudence relative à l'art. 63 aCP, à laquelle on peut se référer. Le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation dans la fixation de la peine (ATF 134 IV 17 c. 2.1 p. 19).
D'après l'art. 41 al. 1 CP, le juge peut prononcer une peine privative de liberté ferme de moins de six mois uniquement si les conditions du sursis à l'exécution de la peine (art. 42 CP) ne sont pas réunies et s'il y a lieu d'admettre que ni une peine pécuniaire, ni un travail d'intérêt général ne peuvent être exécutés.
3.2.2
En l'espèce, il convient préalablement de déterminer si les conditions du sursis sont réunies ou non, point déterminant au regard de l'art. 41 al. 1 CP. Cette question s'examine selon les critères posés par l'art. 42 CP, qui ont été rappelés dans l'arrêt publié aux ATF 135 IV 180 c. 2.1. Il y est renvoyé. Le sursis est désormais la règle dont on ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable. Il prime en cas d'incertitude (ATF 134 IV 1 c. 4.2.2).
Le premier juge n'a relevé que des éléments à charge chez ce prévenu déféré pour la cinquième fois devant l'autorité judiciaire et dont le défaut aux débats fixés l'avait contraint à disjoindre une sixième affaire à juger ultérieurement. Il a encore noté que l'ébriété au volant et la violence étaient "[...]les deux mamelles pénales[...]" de K._, qui, en persistant dans le défaut, faisait montre d'une indifférence manifeste à l'endroit des sanctions pénales. Le pronostic était donc nettement défavorable (cf. jugement, p. 9). Or, en audience d'appel le prévenu s'est engagé à dédommager le plaignant et à suivre consciencieusement le traitement entrepris pour lutter contre son alcoolisme. Il ressort en outre de ses propos tenus à l'audience précitée que sa situation personnelle et économique est stable : l'appelant vit avec ses parents et travaille dans la société anonyme dont il est propriétaire avec eux, pour un salaire mensuel net de 6'700 fr. environ.
Au vu des faits révélés en appel, le pronostic n'apparaît pas défavorable et un sursis peut être accordé, ce qui exclut en soi le prononcé d'une courte peine privative de liberté.
Il se justifie en conséquence de prononcer une peine sous la forme d'un travail d'intérêt général, auquel le prévenu a consenti sur le principe. Sous l'angle de la prévention spéciale et compte tenu des condamnations précédentes, une peine pécuniaire n'entre pas en considération. La quotité du travail d'intérêt général sera fixée à 180 heures.
3.3.1
L'art. 44 al. 1 CP prévoit que si le juge suspend partiellement ou totalement l'exécution d'une peine, il impartit au condamné un délai d'épreuve de deux à cinq ans. Il y a lieu de prendre en compte aussi bien les circonstances du cas que la personnalité du condamné. En outre, plus le risque de récidive est important, plus long doit être le délai d'épreuve et la pression qu'il exerce sur le condamné pour qu'il renonce à commettre de nouvelles infractions. La durée doit être déterminée de manière à offrir la plus grande probabilité que le condamné ne récidivera pas (TF 6B_16/2009 du 14 avril 2009 c.2).
Dans le cas présent, une rechute ne peut pas être complètement exclue. En effet, l'appelant reconnaît sa dépendance à l'alcool et en consomme encore modérément malgré le suivi mis en place pour traiter son addiction. Dans ces circonstances, un délai d’épreuve de 5 ans est nécessaire pour cadrer suffisamment le condamné.
3.3.2
Le juge qui suspend totalement ou partiellement l'exécution d'une peine peut imposer des règles de conduite pour la durée du délai d'épreuve (art. 44 al. 2 CP). L'art. 94 CP prévoit que les règles de conduite portent en particulier sur l'activité professionnelle du condamné, son lieu de séjour, la conduite de véhicules à moteur, la réparation du dommage ainsi que les soins médicaux et psychologiques. Selon la jurisprudence, la règle de conduite doit être adaptée au but du sursis, qui est l'amendement durable du condamné. Elle ne doit pas avoir un rôle exclusivement punitif et son but ne saurait être de lui porter préjudice. Elle doit être conçue en premier lieu dans l'intérêt du condamné et de manière à ce qu'il puisse la respecter; elle doit par ailleurs avoir un effet éducatif limitant le danger de récidive (ATF 130 IV 1 c. 2.1 in TF 6B_626/2008 du 11 novembre 2008 c 6.1). En application de l'art. 94 CP et dans un but éducatif, le sursis accordé à K._ sera subordonné au respect de deux règles de conduite, à savoir la poursuite de son traitement contre l'addiction à l'alcool, qui sera contrôlé, et l'exécution, dans les délais prévus, de l'engagement souscrit tendant à l'indemnisation de G._.
4.
Il faut encore se demander si la révocation du sursis accordé le 26 novembre 2009 se justifie.
4.1
Lorsque le juge est appelé à connaître d'un crime ou d'un délit que l'auteur a commis après une précédente condamnation à une peine assortie du sursis, il est également compétent pour statuer sur la révocation de ce dernier (cf. art. 46 al. 3 CP). Il doit donc examiner si les conditions d'une révocation sont réunies, laquelle postule que le crime ou le délit dont il est appelé à connaître ait été commis pendant le délai d'épreuve du sursis antérieur et qu'il y ait dès lors lieu de prévoir que l'auteur commettra de nouvelles infractions (cf. art. 46 al. 1 CP). Cette dernière condition implique l'existence d'un pronostic défavorable quant au comportement futur du condamné. Le juge doit motiver sa décision sur ce point, de manière à ce que l'intéressé puisse au besoin la contester utilement et l'autorité de recours exercer son contrôle (TF 6B_855/2010 du 7 avril 2011 c. 2.1 et 2.2 et la jurisprudence citée).
4.2
En l'espèce, le premier juge a révoqué le sursis antérieur sans plus ample motivation, ce qui viole l'art. 50 CP. Il convient de combler cette lacune. K._ est jugé dans la présente procédure pour des infractions commises pendant le délai d'épreuve accordé en novembre 2009. Or, pour révoquer le sursis accordé en 2009, il faut encore que le pronostic soit défavorable quant au comportement futur du condamné nonobstant les effets de la peine infligée dans la présente procédure. Ladite peine est assortie d'un long sursis, lui-même subordonné au respect de deux règles de conduite à but éducatif et de resocialisation. La première (le suivi sous contrôle d'une cure de sevrage) donne au prévenu une chance de s'affranchir durablement de son problème d'alcool induisant les infractions à la LCR et la violence. La seconde (dédommager la victime) l'aide à prendre conscience des conséquences de ses actes et à s'amender. En outre, en imposant de telles règles de conduite, l'autorité de céans montre au prévenu la confiance qu'elle a placée en lui, confiance qu'il semble en mesure de ne pas décevoir si l'on tient compte de son attitude en appel. Ainsi, le pronostic quant au comportement futur de l'appelant n'est pas défavorable et il convient de renoncer à révoquer le sursis accordé le 26 novembre 2009. Cependant, pour tenir compte de la fragilité du condamné et appuyer l'effet de la nouvelle peine, on prolongera ledit sursis d'un an et demi et on le subordonnera au respect des règles de conduite décrites ci-dessus.
5.
Il reste à examiner la question des frais de première instance mis à la charge du recourant.
5.1
S
eul un comportement fautif au regard du droit civil peut justifier la mi-
se des frais à la charge du prévenu contre lequel la plainte retirée avait été déposée.
Le comportement fautif du prévenu doit être à l'origine de l'ouverture de l'enquête
pénale ou alors, il doit s'agir d'une "faute procédurale", c'est-à-dire d'un comportement qui a compliqué ou prolongé la procédure, pour que les frais y relatifs puissent être mis à la charge de celui-ci. Selon le principe de la causalité des frais, le comportement du prévenu doit également être à l'origine des frais pour que ceux-ci puissent lui être imputés. Il faut que le prévenu ait clairement violé une norme de comportement écrite ou non écrite, résultant de l'ordre juridique suisse dans son ensemble, pour permettre une application analogique de l'art. 41 CO (CAPE 7 octobre 2011/61 c. 6.1, ainsi que la doctrine et la jurisprudence citées).
5.2
Dans le cas présent, il est établi
que le comportement de K._ est à l'origine de l'ouverture de l'action pénale, et ce n'est finalement qu'en raison du retrait de plainte de G._ à l'audience d'appel que le prévenu a été libéré des chefs d'accusation de menaces et de lésions corporelles simples. Le comportement de l'appelant, qui, au demeurant, a prolongé la procédure en faisant défaut en première instance (jugement, p. 9) et en contestant des éléments de fait pourtant dûment prouvés, se trouve à l'évidence en lien de causalité avec les frais de justice engagés dans la présente cause. Il se justifie donc de mettre à sa charge l'entier des frais de première instance
(art. 426 al. 1 CPP)
, dont le montant est pour le surplus conforme
au tarif des frais judiciaires pénaux.
6.
6.1
En définitive, l'appel doit être partiellement admis dans le sens des considérants.
6.2
Vu le sort de l'appel, les frais de seconde instance, qui comprennent l'indemnité due à son défenseur d'office, doivent être mis à la charge de K._, à raison d'une moitié, le solde doit être laissé à la charge de l'Etat. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
2a9c125b-d206-4b2a-a4c1-9a6abc2e903a | En fait :
A.
Par jugement du 5 juillet 2011, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a pris acte du retrait de l'opposition à l'ordonnance pénale rendue le 22 mars 2011 par le Procureur de l'arrondissement de Lausanne (I) et a mis les frais de justice, réduits à 400 fr. (quatre cents francs), à la charge de O._ (II).
B.
En temps utile, O._ a interjeté appel contre ce jugement. Par déclaration d'appel motivée du 11 août 2011, confirmée par l'écriture complémentaire du 22 août 2011, l'appelant attaque le jugement entrepris dans son ensemble, en ce sens qu'il conteste s'être rendu coupable des faits qui lui sont reprochés.
Par courrier du 2 septembre 2011, le président de la Cour de céans a indiqué à O._ que dans la mesure où un retrait d'opposition était en principe définitif, l'appel dirigé contre la condamnation et non pas contre le retrait d'opposition apparaissait irrecevable. Il l'a toutefois invité à se déterminer sur ce point. Dans le délai imparti à cet effet, l'appelant a indiqué que son appel était bel et bien dirigé contre le retrait d'opposition au motif que la Présidente du Tribunal de première instance s'était trompée et l'avait trompé.
Le 27 septembre 2011, la Cour de céans a informé l'appelant que son appel était susceptible d'être recevable s'agissant du moyen tiré des vices de la volonté.
Le 29 septembre 2011, le Ministère public a déclaré renoncer à déclarer un appel joint et s'en remettre à justice s'agissant de la recevabilité de l'appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
O._ est né le 15 septembre 1952 à Bucarest en Roumanie et il est originaire de Lausanne. Il est divorcé et a deux filles, nées respectivement en 1994 et 1997. Ingénieur civil et économiste de formation, il est au chômage depuis le mois de novembre 2008. Après la fin du délai cadre en novembre 2010, l'appelant a participé à un programme d'occupation organisé par le Seco. Selon ses dires, ses revenus mensuels sont environ de 2'000 à 2'500 fr. qui sont déductibles de l'aide sociale qu'il touche. Il paie une pension alimentaire pour ses filles d'un montant mensuel de 500 fr., le loyer de son appartement de 3 pièces s'élève à 499 fr. par mois, son assurance-maladie est entièrement subsidiée et il n'a pas de voiture. O._ fait l'objet d'actes de défaut de biens pour environ 50'000 à 60'000 francs et est en poursuite pour 200 fr. au titre de contributions AVS.
Le casier judiciaire de O._ est vierge de toute inscription.
2.
Dans le train entre Yverdon et Morges, le 3 mars 2010, O._ a présenté au contrôleur un faux abonnement général transitoire, établi sur la base d'un précédent abonnement général qui lui avait été délivré pour la période du 28 janvier au 11 février 2010.
Les Chemins de fer fédéraux suisses CFF ont déposé plainte pour obtention frauduleuse d'une prestation et ont chiffré leurs conclusions civiles à 347 fr. 40, somme que le prévenu a réglé en cours d'enquête. Les CFF ont retiré leur plainte avant les débats de première instance, de sorte qu'ils n'ont plus la qualité de plaignant.
Au regard de ces faits, le Procureur d'arrondissement a condamné O._ à une peine de 30 jours-amende à 30 fr. avec sursis pendant deux ans et à une amende de 300 francs.
3.
Après presque deux heures d'audience, O._ a décidé de retirer l'opposition qu'il avait formée contre l'ordonnance pénale rendue le 22 mars 2011.
D.
A l'audience d'appel, O._ a indiqué avoir retiré l'opposition pour des motifs d'économie de frais et s'est limité à contester le contenu de l'ordonnance pénale rendue par le Procureur. | En droit :
1.
En vertu de l'art. 398 al. 1 CPP, l'appel est recevable contre un jugement pénal au fond, qui met fin à l'instance en se prononçant sur la culpabilité et la peine (Kistler Vianin, in: Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 6 ad art. 398 CPP).
En l'espèce, l'appel est interjeté contre un jugement qui constate le retrait d'une opposition, ce qui ne constitue pas un jugement au fond. En tant que O._ conteste sa culpabilité, laquelle ne fait pas l'objet de la décision entreprise, l'appel est irrecevable.
2.
D'après l'art. 386 al. 3 CPP, applicable également en matière de retrait d'opposition, le retrait est définitif sauf si la partie a été induite à faire sa déclaration par une tromperie, une infraction ou une information inexacte des autorités (Gilliéron/Killias, in: Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, op. cit., n. 13 ad art. 356 CPP; Donatsch et consorts, Kommentar zur Schweizerischen Strafprozessordnung, n. 6 ad art. 386 CPP; Jeanneret, les procédures spéciales dans le code de procédure pénale suisse, in: La procédure pénale fédérale, p. 161).
3.
Aux débats d'appel, O._ s'est contenté de contester le contenu de l'ordonnance pénale rendue par le Procureur de l'arrondissement de Lausanne, soit à remettre en cause sa culpabilité, mais n'a pas invoqué de tromperie. S'il a soutenu à un endroit dans ses écritures d'appel avoir été induit en erreur par la Présidente du Tribunal de police, cela n'est pas plausible, ni établi. En effet, l'audience de première instance a été particulièrement longue et la Présidente a pris un temps considérable pour expliquer à l'appelant le déroulement de la procédure et l'avantage financier qu'il pourrait retirer d'un retrait d'opposition. Le retrait d'opposition est intervenu à 11h15, alors que l'audience avait débuté à 9h09. Si l'audience s'était poursuivie jusqu'à un jugement, le montant facturé aurait été de 700 fr. au moins. Les frais de première instance ayant été réduits à 400 fr., O._ n'a pas été trompé.
Par ailleurs, aux débats de première instance, l'appelant a déclaré : "Si vous voulez la vérité, je peux vous la dire. Je me trouvais en effet dans une situation précaire et j'ai accepté la proposition que l'employé CFF m'a faite après avoir entendu les difficultés dans lesquelles je me trouvais. Il m'a proposé le faux billet pour 125 fr. au lieu de 285 francs. J'ai cédé à la tentation de payer moins cher. Je ne sais pas pourquoi je l'ai fait." (jgt., p. 6). Les déclarations de l'appelant sont d'une telle portée qu'elles expliquent le retrait de l'opposition et excluent la théorie des vices du consentement.
4.
Au vu de ce qui précède, l'appel doit être rejeté dans la mesure où il est recevable.
5.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel (art. 428 al. 1 CPP) doivent être mis à la charge de O._. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
2aafab40-936f-4f20-9098-a620fafa70ab | En fait :
A.
Par jugement du 6 mars 2013, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a constaté que C._ s’est rendu coupable de tentative de meurtre, séjour illégal et contravention à la Loi fédérale sur les stupéfiants (I), l’a condamné à la peine privative de liberté de quatre ans, sous déduction de 581 jours de détention avant jugement (II), ordonné le maintien en détention de C._ pour des motifs de sûreté (III), dit que C._ est débiteur de D.Q._ et lui doit immédiat paiement de la somme de 8'000 fr., avec intérêts à 5% l’an dès le 4 août 2011, au titre d’indemnité pour le tort moral subi (IV), dit que C._ doit verser à D.Q._ un montant de 8’150 fr. au titre de dépens pénaux (V), ordonné la confiscation et la destruction du couteau séquestré sous fiche n° 53339 (VI), mis à la charge de C._ les frais de justice arrêtés à 41'439 fr. 70, y compris les indemnités de ses défenseurs d’office successifs et l’indemnité allouée au conseil d’office de D.Q._, Me Christian Jaccard, par 4'600 fr., TTC (VII), dit que le remboursement à I’Etat par C._ des indemnités allouées sous chiffre VII ci-dessus ne sera exigible que dans la mesure où sa situation financière le permet (VIII), dit que lorsque sa situation financière le permettra, C._ sera tenu de verser à Me Christian Jaccard le montant de 4'200 fr. correspondant à la différence entre son indemnité en tant que conseil d’office (4'600 fr.) et les honoraires qu’il aurait perçus comme conseil privé (8'800 fr.) (IX).
B.
Par annonce du 13 mars 2013, puis déclaration d’appel motivée du 23 avril 2013, C._ a recouru contre ce jugement. Il a conclu, sous suite de frais et dépens, à sa libération des chefs d’accusation de tentative de meurtre et contravention à la Loi fédérale sur les stupéfiants, à la réduction de sa peine, sous déduction d’une partie de la détention subie avant jugement, à sa libération immédiate, à sa libération de toute indemnité pour tort moral en faveur de D.Q._, à sa libération d’une partie des dépens et des frais de la cause, ainsi qu’à l’octroi d’une indemnité à dire de justice pour détention injustifiée.
A l’audience d’appel, C._ a confirmé ses déclarations. Il a conclu à une peine privative de liberté d’une année, sous déduction de la détention subie avant jugement, à sa libération immédiate et à l’octroi d’une indemnité fixée à dire de justice pour la détention injustifiée subie du 6 juin 2013 au 1
er
juillet 2013. Les intimés ont conclu au rejet de l’appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
1.1
C._ est né le [...] 1957 à [...] en Algérie, pays dont il est ressortissant. Il a deux alias, soit [...], né le 6 janvier 1957, et [...], né le 15 août 1951. Sa situation familiale est peu claire. Il a en effet déclaré que sa femme et ses enfants se seraient faits assassiner en Algérie, pour enfin indiquer qu’il serait sans nouvelles d’eux depuis 22 ans. Il est soudeur mixte. Depuis de nombreuses années, il est sans domicile fixe et se trouve en situation illégale en Suisse, ses demandes d’asile ayant toutes été rejetées.
Son extrait judiciaire, établi au nom de [...], fait état des condamnations suivantes :
- Le 16 janvier 2004 par le Juge d’instruction de Lausanne, pour lésions corporelles simples et mise en danger de la vie d’autrui, à quatre mois d’emprisonnement avec sursis et délai d’épreuve de deux ans, sursis révoqué le 14 mars 2005. Il lui était notamment reproché d’avoir placé un couteau sur la face latérale gauche de sa victime et de lui avoir asséné plusieurs coups de poing au visage.
- Le 16 juillet 2004 par le Juge d’instruction de la Côte Morges, pour lésions corporelles simples, à 10 jours d’emprisonnement avec sursis et délai d’épreuve de deux ans, sursis révoqué le 14 mars 2005. Il lui était reproché d’avoir blessé un tiers avec un couteau.
- Le 14 mars 2005 par le Tribunal d’arrondissement de Lausanne, pour délit et contravention à la Loi fédérale sur les stupéfiants, à deux mois d’emprisonnement et à cinq ans d’expulsion.
- Le 21 novembre 2005, par le Juge d’instruction de Lausanne, pour rupture de ban, délit et contravention à la Loi fédérale sur les stupéfiants, à trois mois d’emprisonnement.
- Le 6 juin 2006 par le Juge d’instruction de Lausanne, pour rupture de ban et contravention à la Loi fédérale sur les stupéfiants, à un mois d’emprisonnement.
- Le 7 mai 2009 par le Tribunal correctionnel de Lausanne, pour recel, délit et contraventions à la Loi fédérale sur les stupéfiants, séjour illégal, contravention à la Loi fédérale sur le séjour et l’établissement des étrangers et activité lucrative sans autorisation, à une peine privative de liberté de 12 mois, sous déduction de 306 jours de détention avant jugement, peine partiellement complémentaire aux jugements des 21 novembre 2005 et 6 juin 2006.
- Le 14 octobre 2009 par le Juge d’instruction de Lausanne, pour séjour illégal, à une peine privative de liberté de 20 jours.
- Le 29 octobre 2009 par le Juge d’instruction cantonal de Lausanne, pour délit contre la Loi fédérale sur les stupéfiants et séjour illégal, à une peine privative de liberté de 25 jours, sous déduction de 4 jours de détention avant jugement, peine partiellement complémentaire au jugement du 14 octobre 2009.
- Le 2 novembre 2010 par le Juge d’instruction de Lausanne, pour séjour illégal, à une peine privative de liberté de trois mois.
1.2
Pour le besoin de la cause, C._ est détenu depuis le 4 août 2011 à la Prison de la Croisée.
La direction de cet établissement a rendu trois décisions à l’encontre du prévenu :
- Le 13 janvier 2012, pour action collective, à deux jours d’arrêts avec sursis pendant trois mois, ensuite d’insultes échangées avec un codétenu et d’une empoignade (P. 71).
- Le 25 janvier 2013, pour atteinte à l’honneur et à la liberté, ainsi que pour refus d’obtempérer, à deux jours d’arrêts disciplinaires, avec sursis pendant 90 jours, pour avoir menacé et insulté un coursier (P. 129).
- Le 18 avril 2013, pour atteintes à l’honneur et refus d’obtempérer, à trois jours d’arrêts disciplinaires et révocation du sursis accordé le 25 janvier 2013 (P. 154).
1.3
Dans le cadre de la présente procédure, C._ a été soumis à une expertise psychiatrique.
Dans leur rapport du 28 février 2012, complété le 17 juillet 2012 (P. 75 et 98), les experts ont posé les diagnostics de trouble du développement psychologique et de syndrome de dépendance à l’alcool ainsi qu’aux benzodiazépines. Les résultats des tests d’efficience intellectuelle ont fait état d’un score global de 75, correspondant à la catégorie de ressources intellectuelles limites. Les médecins ont précisé que si les déficits constatés chez le prévenu n’influaient en rien sa capacité d’apprécier le caractère illicite de ses actes au moment des faits, qui restait dès lors intacte, sa capacité à se déterminer d’après cette appréciation était moyennement altérée, en raison de son trouble du développement (difficultés à gérer les situations inattendues ou complexes, sentiment de persécution, faibles ressources personnelles) et de sa dépendance à l’alcool ainsi qu’aux médicaments (altération du contrôle inhibiteur). Ils ont ainsi considéré que la responsabilité pénale du prévenu était moyennement diminuée.
Par ailleurs, les experts ont estimé que le risque de récidive d’actes de violence était modéré. Selon eux, si la présence du trouble mental et de la dépendance aux substances psycho actives se trouvait impliquée dans l’acte de violence commis à l’encontre de D.Q._, le lien entre les deux apparaissait toutefois régulé par d’autres facteurs. Concernant les infractions à la Loi fédérale sur les stupéfiants et à celle sur les étrangers, ils ont retenu que le risque de récidive était élevé. Ces praticiens ont également observé que le lien entre l’acte de violence et le trouble du développement psychologique était d’importance modeste. Selon eux, si certaines manifestations de ce trouble pouvaient être améliorées par un traitement psychiatrique, l’impact d’éventuelles améliorations sur le risque de récidive serait en revanche probablement modeste.
Enfin, les experts ont relevé que la consommation d’alcool et de benzodiazépines par l’appelant, au moment des faits, pouvait avoir, pour une part, contribué à l’acte violent qui lui était reproché en diminuant ses capacités d’inhibition. La consommation de ces substances aggravant les troubles dus à la pathologie psychiatrique du prévenu, une abstinence pouvait donc potentiellement diminuer le risque de récidive d’actes violents. Il était ainsi souhaitable que la prise en charge du problème de dépendance, soit intégrée au traitement du trouble du développement psychologique. L’intéressé n’a toutefois pas perçu à ce moment la pertinence d’un tel traitement.
En cours de détention, le prévenu n’a fait aucune demande spontanée de traitement ou de suivi psychiatrique.
2.
2.1
A Lausanne notamment, entre octobre 2009 et le 4 août 2011, C._ a consommé de l’héroïne à raison d’une fois tous les deux à dix jours.
L’expertise toxicologique du 19 septembre 2011 réalisée par le Centre universitaire romand de médecine légale (ci-après : CURML) a mis en évidence des benzodiazépines dans le sang et l’urine de l’intéressé (P. 33).
2.2
A Lausanne, entre le 2 novembre 2010, date de sa dernière condamnation pour séjour illégal, et le 4 août 2011, l’appelant a continué de séjourner en Suisse sans être titulaire ni d’un permis d’établissement ni d’un permis de séjour.
2.3
A Lausanne, sur la place de [...], le 4 août 2011, vers 01h36, l’appelant était assis sur un banc devant la Pharmacie [...]. A quelques mètres de lui, se trouvait un groupe composé notamment de W._, K._, B.Q._ et D.Q._. A un moment donné, le prévenu a volontairement jeté à terre la bière qui venait de lui être offerte par K._. La situation s’est alors tendue entre lui et le groupe précité. En particulier, C._ les a injuriés et B.Q._ est allé vers lui pour le réprimander pour son geste. Au retour de ce dernier vers le groupe, D.Q._, pour lui proposer une bière, s’est approché à son tour du prévenu, lequel avait entre-temps ouvert son couteau suisse qu’il tenait dans sa main droite le long du côté droit du banc. C._ l’a alors immédiatement agrippé par le col avec sa main gauche. D.Q._, qui n’avait pas vu le couteau, s’est un peu penché vers l’avant pour éviter que son collier ne se casse. Puis, sans mot dire, le prévenu lui a asséné un coup au niveau du côté gauche de son cou au moyen de son couteau, dont il tenait la lame côté pouce, en faisant un geste circulaire de droite à gauche à l’horizontale. D.Q._ s’est défendu en lui donnant deux coups de poing au visage. Suite à ces coups, le prévenu a perdu connaissance et est tombé au sol en heurtant un pot de fleurs avec sa tête. La police est intervenue alors que le prévenu était encore couché au sol, apparemment étourdi. Le couteau, qui se trouvait à ses côtés, a été saisi par la police puis séquestré.
D.Q._ a été hospitalisé du 4 au 5 août 2011 (P. 25/1).
Il ressort du rapport du Service d’oto-rhino-laryngologie de chirurgie cervico-faciale du CHUV du 23 août 2011 que la victime a souffert d’une plaie cervicale gauche profonde d’environ 2 cm en surface située dans la région spinale derrière le muscle sterno-cléido-mastodien et d’une hémorragie active (P. 25/1).
Le Service de radiodiagnostic et de radiologie interventionnelle du CHUV, qui a examiné le plaignant le 4 août 2011, a identifié le trajet du couteau qui se présentait sous la forme de bulles d’air s’étendant sur 6 cm de profondeur dans la musculature profonde gauche du cou, à 2,5 cm postérieurement au paquet jugulo-carotidien (P. 25/4).
Selon le rapport du CURML du 19 août 2011, l’appelant a souffert d’une tuméfaction de la joue droite et de la face latérale droite de la mandibule, discrètement ecchymotique, et de multiples dermabrasions de petite taille, dont certaines sur un fond ecchymotique, du visage ainsi que du coude, de la main, du genou, de la jambe et du pied gauches (P. 16).
Le 5 août 2011, D.Q._ a déposé plainte et s’est constitué partie plaignante. | En droit :
1.
Selon l'art. 399 al. 1 CPP (Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007, RS 312.0), l'appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d'appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
Interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant qualité pour le faire (art. 382 al. 1 CPP) et dirigé contre un jugement d'un tribunal ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel formé par C._ est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
3.
L’appelant conteste sa condamnation pour infraction à la Loi fédérale sur les stupéfiants. Il soutient qu’il subsiste un doute sur sa consommation d’héroïne au regard, d’une part, de ses déclarations lors de son audition du 11 avril 2012, dans le cadre de l’expertise et à l’audience de jugement et, d’autre part, des résultats de son expertise toxicologique.
3.1
Aux termes de l’art. 10 CPP, le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l’intime conviction qu’il retire de l’ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l’état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
L’appréciation des preuves est l’acte par lequel le juge du fond évalue la valeur de persuasion des moyens de preuve à disposition et pondère ces différents moyens de preuve afin de parvenir à une conclusion sur la réalisation ou non des éléments de fait pertinents pour l’application du droit pénal matériel. Il peut fonder une condamnation sur un faisceau d’indices; en cas de versions contradictoires, il doit déterminer laquelle est la plus crédible. En d’autres termes, ce n’est ni le genre ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (Verniory, in : Kuhn/Jeanneret (éd.), Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 34 ad art. 10 et les références jurisprudentielles citées).
3.2
Lors de ses deux premières auditions (PV aud. 1, p. 3; PV aud. 3, p. 3), l’appelant a admis qu’il lui arrivait de consommer de l’héroïne, qu’il la sniffait, qu’il en consommait peu car il n’avait pas souvent de l’argent pour en acheter, que c’était de temps en temps, qu’en fait cela pouvait être tous les deux jours ou tous les 10 jours et qu’il n’avait pas consommé le jour de l’agression. Lors de sa dernière audition devant le Ministère public (PV aud. 9, p. 4) et devant le Tribunal correctionnel (jgt, p. 3), l’appelant a affirmé ne jamais avoir consommé de stupéfiants, mais uniquement du Rivotril et des Dormicums qui lui étaient prescrits et qu’on pouvait lui faire tous les contrôles souhaités. L’expertise toxicologique du 19 septembre 2011 a montré, sur des échantillons de sang et d’urine prélevés le 4 août 2011, que l’appelant était positif aux benzodiazépines uniquement.
En l’espèce, il convient de retenir les premières déclarations de l’appelant selon lesquelles ce dernier a bel et bien consommé de l’héroïne, tous les deux ou 10 jours. En effet, les premières déclarations de l’intéressé sont les plus spontanées. De plus, elles concordent avec son casier judiciaire, qui révèle notamment plusieurs condamnations pour consommation de stupéfiants. Enfin, les résultats de l’expertise toxicologique ne viennent pas infirmer les premières déclarations de l’appelant. En effet, il est notoire que l’héroïne est détectable dans l’urine entre 2 à 3 jours et dans le sang environ 6 heures (cf. Test de dépistage de drogue, in : Wikipédia). Ainsi, compte tenu des consommations de l’appelant, qui pouvaient être espacées, il est normal que l’expertise n’ait pas relevé de traces d’héroïne.
4.
L’appelant conteste sa condamnation pour tentative de meurtre. Il nie toute intention homicide, expliquant notamment que sa responsabilité pénale était altérée au moment des faits, qu’il était seul, contrairement à l’intimé, et qu’il n’y a pas eu de mise en danger de la vie de celui-ci.
4.1
Selon la jurisprudence, il y a tentative lorsque l’auteur a réalisé tous les éléments subjectifs de l’infraction et manifesté sa décision de la commettre, alors que les éléments objectifs font, en tout ou en partie, défaut (ATF 137 IV 113 c. 1.4.2; 131 IV 100 c. 7.2.1).
La tentative suppose toujours un comportement intentionnel, le dol éventuel étant toutefois suffisant. Il y a dol éventuel lorsque l’auteur tient pour possible la réalisation de l’infraction et l’accepte au cas où celle-ci se produirait, même s’il ne le souhaite pas (art. 12 al. 2 CP; ATF 137 IV 1 c. 4.2.3; 135 IV 152 c. 2.3.2). lI faut donc qu’il existe un risque qu’un dommage puisse résulter de l’infraction, mais encore que l’auteur sache que ce danger existe (
Wissensmoment
) et qu’il s’accommode de ce résultat (
Willensmoment
), même s’il préfère l’éviter (cf. arrêt 6B_275/2011 du 7 juin 2011 c. 5.1; 6B_741/2010 du 9 novembre 2010 c. 2.1.1).
Parmi les éléments extérieurs permettant de conclure que l’auteur s’est accommodé du résultat dommageable pour le cas où il se produirait figurent notamment la probabilité (connue par l’auteur) de la réalisation du risque et l’importance de la violation du devoir de prudence. Plus celles-ci sont grandes, plus sera fondée la conclusion que l’auteur, malgré d’éventuelles dénégations, avait accepté l’éventualité de la réalisation du résultat dommageable (ATF 125 IV 242 c. 3c in fine). Peuvent également constituer des éléments extérieurs révélateurs, les mobiles de l’auteur et la manière dont il a agi (ATF 135 IV 12 c. 2.3.3; 125 IV 242 c. 3c in fine).
La nature de la lésion subie par la victime et sa qualification d’un point de vue objectif est sans pertinence pour juger si le recourant s’est rendu coupable de tentative de meurtre. En effet, celle-ci peut être réalisée alors, même que les éléments objectifs de l’infraction font défaut. Il n’était ainsi pas même nécessaire que l’intimé soit blessé pour qu’une tentative de meurtre soit retenue dans la mesure où la condition subjective de l’infraction était remplie (cf. arrêt 6B_741/2010 du 9 novembre 2010 c. 2.2.4).
4.2
En l’espèce, l’appelant a immédiatement saisi D.Q._ par le col, l’a attiré vers lui et l’a poignardé au niveau gauche du cou avec son couteau suisse. Selon le service de radiodiagnostic et de radiologie interventionnelle du CHUV, le trajet du couteau, qui se présentait sous la forme de bulles d’air, s’étendait sur 6 cm de profondeur dans la musculature profonde gauche du cou, à 2,5 cm postérieurement au paquet jugulo-carotidien. La nature, la taille et l’emplacement de cette plaie montre que l’appelant a choisi de porter son attaque dans une zone comportant un risque létal évident, chacun sachant qu’une atteinte à la carotide peut provoquer la mort. Il s’agit d’un comportement impliquant avec une probabilité importante une issue mortelle qui démontre que l’appelant s’est accommodé à tout le moins d’une telle issue.
Par ailleurs, la manière dont l’appelant a agi est également révélatrice de son intention. En effet, il n’a pas agi dans la précipitation sans pouvoir entrevoir les conséquences de son acte. Il a dissimulé son arme. Il a cherché son couteau dans sa poche, l’a ouvert et placé dans sa main droite. Lorsque l’intimé s’est approché de lui, il ne lui a pas non plus montré son couteau pour le tenir à distance. La victime ne pouvait au demeurant pas s’attendre à une telle attaque, dès lors qu’elle venait lui proposer une bière. Elle a remarqué la lame qu’au dernier moment, à savoir juste avant que celle-ci n’entre dans son cou. Enfin, l’appelant a agi gratuitement, sans mobile particulier. Il n’a été agressé par aucun protagoniste présent sur les lieux.
Pour le reste, contrairement à ce que semble penser l’appelant, la nature de la lésion subie par l’intimé et sa qualification d’un point de vue objectif est sans pertinence pour juger s’il s’est rendu coupable de tentative de meurtre. En effet, celle-ci peut être réalisée alors même que les éléments objectifs de l’infraction font défaut (cf. arrêt 6B_741/2010 du 9 novembre 2010 c. 2.2.4). L’appelant ne peut ainsi valablement contester la réalisation d’une tentative de meurtre au motif que la vie du plaignant n’aurait pas été mise en danger.
Enfin, selon le rapport d’expertise du 28 février 2012, C._ souffre de troubles du développement psychologique, de syndrome de dépendance à l’alcool ainsi qu’aux benzodiazépines, et a des ressources intellectuelles limites. Si les déficits constatés chez l’intéressé n’influent en rien sa capacité d’apprécier le caractère illicite de ses actes au moment des faits, qui reste dès lors intacte, sa capacité à se déterminer d’après cette appréciation était moyennement altérée, en raison de son trouble du développement (difficultés à gérer les situations inattendues ou complexes, sentiment de persécution, faibles ressources personnelles) et de sa dépendance à l’alcool et aux médicaments. Une irresponsabilité totale selon l’art. 19 al. 1 CP (Code pénal suisse du 21 décembre 1937, RS 311.0) est toutefois exclue, de sorte que l’appelant a bel et bien conservé, lors des faits, la capacité de comprendre à quoi pouvait servir un couteau et à l’utiliser de façon adéquate. En effet, nonobstant sa diminution de responsabilité, l’appelant ne pouvait ignorer qu’en agissant de la sorte et en visant une partie du corps abritant une artère vitale, il prenait le risque de blesser mortellement le plaignant. Il est néanmoins passé à l’acte, s’accommodant ainsi du résultat possible de son comportement, à savoir causer la mort.
Au vu de l’ensemble de ces éléments, la condamnation de C._, pour tentative de meurtre par dol éventuel, doit être confirmée.
5.
L’appelant conteste la peine infligée.
5.1
L’art. 47 CP prévoit que le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). L’alinéa 2 de cette disposition énumère une série de critères à prendre en considération pour déterminer la culpabilité de l’auteur (ATF 134 IV 17 c. 2.1 et les références citées). Pour fixer la peine, le juge dispose d’un large pouvoir d’appréciation. Il y a toutefois violation du droit fédéral lorsque le juge sort du cadre légal, se fonde sur des critères étrangers à la loi, omet de prendre en considération des éléments d’appréciation prévus par cette disposition ou, enfin, si la peine qu’il prononce est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d’appréciation (ATF 134 IV 17 c. 2.1; 129 IV 6 c. 6.1 et Ies références citées).
Selon l’art. 19 al. 2 CP, le juge atténue la peine si, au moment d’agir, l’auteur ne possédait que partiellement la faculté d’apprécier le caractère illicite de son acte ou de se déterminer d’après cette appréciation. Les principes qui président à la fixation de la peine en cas de diminution de la responsabilité sont exposés à I’ATF 136 IV 55. Selon cette jurisprudence, une diminution de la responsabilité au sens de l’art. 19 CP ne constitue qu’un critère parmi d’autres pour déterminer la faute liée à l’acte, et non plus un facteur qui interfère directement sur la peine. La réduction de la peine n’est que la conséquence de la faute plus légère. En bref, le juge doit procéder comme suit en cas de diminution de la responsabilité pénale : dans un premier temps, il doit décider, sur la base des constatations de fait de l’expertise, dans quelle mesure la responsabilité pénale de l’auteur doit être restreinte sur Ie plan juridique et comment cette diminution de la responsabilité se répercute sur l’appréciation de la faute. La faute globale doit être qualifiée et désignée expressément dans le jugement (art. 50 CP). Dans un second temps, il convient de déterminer la peine hypothétique, qui correspond à cette faute. La peine ainsi fixée peut enfin être modifiée en raison de facteurs liés à l’auteur (Täterkomponente) ainsi qu’en raison d’une éventuelle tentative selon l’art. 22 aI. 1 CP (TF 6B_356/2012 du 1
er
octobre 2012 c. 3.2; TF 6B_1092/2009 du 22 juin 2010 c. 2.2.2).
5.2
En l’espèce, l’appelant s’est rendu coupable de tentative de meurtre par dol éventuel, de séjour illégal et contravention à la Loi fédérale sur les stupéfiants. L’infraction de tentative de meurtre, en concours avec les autres infractions, est particulièrement grave. Le prévenu s’en est pris au bien juridique le plus important, à savoir la vie. Sans aucun mobile et gratuitement, il a intentionnellement poignardé sa victime au niveau du cou, soit une partie du corps présentant un organe vital. La lame s’est enfoncée de 6 cm et c’est par chance que la carotide n’a pas été touchée. Il s’agit d’une tentative achevée de meurtre. Le plaignant ne pouvait par ailleurs pas s’attendre à un tel geste, son agresseur ayant dissimulé son arme. La faute de ce dernier doit ainsi être considérée comme grave.
Sur la base de l’expertise psychiatrique, on retiendra que le prévenu présentait une diminution moyenne de sa responsabilité pénale en raison de son trouble du développement et de sa dépendance à l’alcool et aux médicaments. Cette diminution permet théoriquement d’admettre que sa faute, initialement qualifiée de grave, puisse en définitive être considérée comme moyenne à grave.
S’agissant des facteurs liés au prévenu, il convient de retenir, à charge, ses nombreux antécédents qui relèvent tous du même registre d’infractions, étant précisé qu’il a été condamné à deux reprises pour coups et blessures avec un couteau. Par ailleurs, son attitude en cours de procédure, consistant notamment à mentir, à faire preuve d’une mémoire sélective et à reporter la faute sur sa victime, dénote une absence totale de prise de conscience quant à la gravité de son geste. De surcroît, à l’audience de jugement, il n’a exprimé aucune excuse ni regret à endroit du plaignant. On notera également que son comportement en détention est loin d’être exemplaire, celui-ci s’étant montré agressif et virulent envers autrui à plusieurs reprises. A décharge, la cour de céans tiendra compte de son état de santé.
Sur le vu de ce qui précède, la peine prononcée par l'autorité précédente ne prête pas le flanc à la critique et doit être confirmée. L'appelant n'en demandait d'ailleurs la réduction qu'en relation avec une modification en sa faveur du verdict de culpabilité, situation non réalisée en l'espèce (cf. supra, c. 4.2).
6.
C._ requiert une indemnité pour la détention illégale subie du 6 juin 2013 au 1
er
juillet 2013. Il soutient que sa détention pour des motifs de sûreté aurait dû être prolongée à l'échéance d'un délai de trois mois courant dès le prononcé du jugement de première instance.
6.1
Aux termes de l’art. 231 al. 1 CPP, au moment du jugement, il appartient au tribunal de première instance de déterminer si le prévenu qui a été condamné doit être placé ou maintenu en détention pour des motifs de sûreté : pour garantir l’exécution de la peine ou de la mesure prononcée (let. a) ou en prévision de la procédure d’appel (let. b). La procédure relative à la détention pour des motifs de sûreté est régie par l'art. 229 CPP. Lorsqu'il y a eu détention provisoire préalable, l'art. 229 al. 3 let. b CPP renvoie à l'art. 227 CPP. Il découle de l'art. 227 al. 7 CPP que la détention pour des motifs de sûreté doit être fixée pour une durée maximale de trois mois (ou exceptionnellement de six mois), à chaque fois renouvelable. Ainsi, entre la période comprise entre le prononcé du jugement de première instance et la saisine de la juridiction d’appel, les premiers juges doivent examiner périodiquement l’adéquation aux principes de célérité et de proportionnalité de la détention pour des motifs de sûreté (TF 1B_755/2012 du 17 janvier 2013 c. 2.1;
ATF 137 IV 180
c. 3.5). Le principe du contrôle périodique de la détention pour des motifs de sûreté n’est toutefois pas transposable en deuxième instance, compte tenu de la spécificité de cette procédure. L’autorité d’appel n’est donc pas tenue de réexaminer d’office cette question (TF 1B_36/2013 du 6 mars 2013 c. 2.2.3).
6.2
Eu égard à ce qui précède, dans la mesure où les premiers juges ont ordonné le maintien en détention pour des motifs de sûreté de l’appelant, la cour de céans, à compter de sa saisine, ne doit plus procéder à un nouvel examen de cette question, si bien que la détention de l’appelant ne peut pas être considérée comme illégale. Cela exclut par conséquent toute indemnisation.
7.
En définitive, l’appel doit être rejeté et le jugement de première instance intégralement confirmé.
Vu l’issue de la cause, les frais d’appel, constitués de l’émolument d’arrêt, par 2’460 fr., et de l’indemnité allouée au défenseur d’office de l’appelant, par 1’868 fr. 40, TVA et débours compris, ainsi que de l’indemnité allouée au conseil d’office de D.Q._, par 1’786 fr. 30, TVA comprise, sont mis à la charge de C._.
S’agissant de l’indemnité réclamée part Me Laurent Moreillon, on précisera que celui-ci a produit une liste d’opérations faisant état de 13,95 heures, hors temps d’audience, qui ont été accomplies par son avocate-stagiaire (P. 156). Compte tenu de la nature de la cause et des opérations nécessaires pour la défense des intérêts de l’appelant, le temps consacré à la présente procédure paraît trop élevé. Tout bien considéré, c’est un montant de 1’868 fr. 40, TVA et 50 fr. de débours compris, correspondant à 12 heures d’activité, au tarif horaire de 110 fr., et à 2 heures d’audience, au tarif horaire de 180 fr., qui doit lui être alloué à titre d’indemnité d’office pour la procédure d’appel.
L'appelant ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant des indemnités en faveur de son défenseur d'office et du conseil d'office de l'intimé que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
2acf8666-9b9f-47a5-a62a-773ea261a543 | En fait :
A.
Par jugement du 30 mai 2013, le Tribunal de police de l’arrondissement de La Côte a constaté que Q._ s’est rendu coupable d’abus de confiance (I), l’a condamné à une peine pécuniaire de 90 jours-amende à 60 fr. le jour avec sursis pendant deux ans, ainsi qu’à une amende de 1'080 fr., la peine privative de liberté de substitution en cas de non paiement fautif de l’amende étant de 18 jours (II), a dit qu’il n’y a pas lieu à indemnité au sens de l’art. 429 CPP (III), a dit que Q._ doit payer à A.V._ et B.V._ la somme de 3'500 fr. à titre de dépens et a donné acte de leurs réserves civiles à l’encontre de Q._ pour le surplus (IV), et a mis les frais de la procédure, arrêtés à 1'150 fr., à la charge de Q._ (V).
B.
Par annonce du 31 mai 2013, puis déclaration non-motivée du 2 juillet suivant, Q._ a fait appel contre ce jugement. Il a conclu à sa libération de tout chef d’accusation, au rejet de toutes conclusions civiles et à l’octroi d’une indemnité au sens de l’art. 429 CPP par 5'400 fr. pour la première instance et non encore chiffrée pour la procédure d’appel.
A.V._ et B.V._ ont également déposé une annonce d’appel le 31 mai 2013, puis une déclaration d’appel motivée le 4 juillet suivant. Ils ont conclu à la modification du chiffre IV du dispositif du jugement du 30 mai 2013, en ce sens que Q._ doit payer à A.V._ et B.V._ la somme de 3'500 fr. à titre de dépens pénaux et dit qu’il est leur débiteur et leur doit immédiat paiement de la somme de 30'000 fr., avec intérêt à 5% l’an à compter du 29 février 2012.
Le Ministère public a conclu au rejet de l’appel de Q._ et à la confirmation de sa condamnation pour abus de confiance. Il s’en est remis à justice s’agissant de l’appel de A.V._ et B.V._.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Q._, né à Genève le [...] 1951, est originaire de Prilly dans le canton de Vaud. Il est divorcé de [...].
Il travaille comme indépendant dans le domaine de l’immobilier et du courtage. Il touche un revenu variable qu’il estime être en moyenne de 5'000 fr. à 6'000 fr. net par mois. Ses charges mensuelles se composent d’environ 1'150 fr. de loyer et de 350 fr. de prime d’assurance maladie. Il est astreint au versement d’une contribution d’entretien à son ex-épouse, dont il ne s’acquitte toutefois pas. Il ne paie pas d’impôts. Il n’a ni économie, ni fortune. Il a des actes de défaut de biens pour approximativement 150'000 francs.
L’extrait du casier judiciaire suisse le concernant mentionne une condamnation du 30 janvier 2012 par le Tribunal de police de l’arrondissement de La Côte, pour violation d’une obligation d’entretien du 1
er
septembre 2007 au 30 janvier 2012, à une peine pécuniaire de 90 jours-amende à 30 fr., sursis à l’exécution de la peine avec un délai d’épreuve de deux ans.
2.
Au mois de janvier 2012, un « contrat de réservation » a été signé, d’une part, par A._Sàrl – dont Q._ est l’associé gérant avec signature individuelle – pour le compte de R._, d’autre part, par les époux V._, concernant un immeuble sis à Gingins dont le prix était de 980'000 francs. Il était mentionné que les parties convenaient de se fixer rendez-vous le moment venu pour signer la vente chez le notaire S._. Sous la rubrique « acompte lors de réservation », il était prévu que l’acheteur verse dans les trois jours la somme de 30'000 fr. à titre de réservation, sur le compte de la société A._Sàrl. Il était précisé que cette somme ferait partie des fonds propres et serait déduite du prix d’achat de l’immeuble, que si le crédit ne devait pas être accordé, la totalité de l’acompte serait alors restitué et la restitution interviendrait à la reprise de l’objet par un nouvel acquéreur (P. 6/1 et 8/5).
Par lettre du 3 janvier 2012, Q._ a adressé au notaire S._, en vue d’un rendez-vous du 23 janvier 2012 avec R._, le contrat de réservation susmentionné. Il a précisé dans son courrier que les époux V._ avaient versé la somme de 30'000 fr. hors la vue du notaire et que cette somme devait être déduite du prix de vente de 980'000 fr. lors de la préparation de l’acte de vente (P. 6/3 et 8/8).
Par courriel du 25 février 2012, A.V._ a informé Q._ que son épouse et lui-même arrêtaient la procédure d’achat de la maison de R._, faute d’obtention du financement nécessaire (P. 8/13). Dans un courriel du 27 suivant, Q._ a rappelé à A.V._ que, selon le contrat de réservation, l’acompte de 30'000 fr. lui serait restitué lors de la reprise de l’objet par un nouvel acquéreur. Il a en outre précisé qu’il avait encore une vingtaine de demandes pour cet objet qu’il remettait en vente ce jour-même (P. 8/14). Par courriel du 29 février 2012, A.V._ a transmis à Q._ son numéro de compte bancaire pour la restitution des 30'000 fr. (P. 6/4).
Les 30'000 fr. n’ayant toujours pas été crédités sur le compte de A.V._, par courrier du 15 mai 2012, le conseil des époux V._, se référant à une correspondance de son client du 25 avril 2013 à laquelle Q._ n’avait pas donné de réponse, a informé ce dernier que s’il ne restituait pas d’ici au 22 mai 2012 la somme de 30'000 fr. qui lui avait été versée par ses mandants à tort, il entamerait des démarches judiciaires à son encontre et à l’encontre de R._ sans autre avertissement (P. 6/5).
Par courrier du 16 mai 2012, Q._ a en substance indiqué qu’il avait des clients intéressés et que si la vente se concrétisait, il rembourserait le montant de réservation aux époux V._, sous réserve d’une déduction pour « frais supplémentaires et préjudice » (P. 6/6).
Le 8 octobre 2012, le prévenu a établi une « Facturation des coûts supplémentaires et du préjudice subi » comportant les postes « Demandes de clients avec traitement des dossiers. 62 demandes traitées (envoi de dossiers, téléphone, renseignements complémentaires à raison de 15 minutes par client
soit 15h50
» et « 23 visites chez la famille R._ à raison de 1h45 par visite
soit 40 heures
Frais de déplacements semaines, samedi et dimanche, essence, etc... », à un tarif de 180 fr. de l’heure, il en résultait une total de 9'990 fr. (P. 10).
L’immeuble a finalement été vendu le 28 janvier 2013. Q._ n’a toutefois pas remboursé les 30'000 fr. à A.V._ et B.V._ comme convenu, ni même ce montant déduit des 9'990 fr. de frais prétextés.
Le 18 avril 2013, les époux V._ ont fait notifier à Q._ un commandement de payer les sommes de 30'000 fr. (restitution acompte versé en vue d’achat de la parcelle n° [...] de la Commune de Gingins) et 4'000 fr. (frais art. 106 CO) avec intérêts à 5% du 29 février 2012 (P. 21/2).
Jusqu’à ce jour, Q._ n’a pas remboursé les époux V._. Il a maintenu à l’audience d’appel ses déclarations telles qu’exprimées précédemment devant les premiers juges selon lesquelles il avait proposé aux époux V._ de leur verser 20'000 fr. mais que ces derniers restaient sur la base des 30'000 fr. plus les frais. Le prévenu ne leur a toutefois jamais versé les 20'000 fr. proposés. | En droit :
1.
Interjetés dans les formes et délais légaux par les parties ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), les appels de Q._, A.V._ et B.V._ sont recevables.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Eugster, in : Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, Bâle 2011, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'article 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
I. L’appel de Q._
3.
Q._ conteste sa condamnation pour abus de confiance. Il soutient qu’il appartenait aux époux V._ d’être vigilants et de verser le montant de la réservation sur le compte d’un notaire. Il leur reproche ainsi une négligence.
3.1
Aux termes de l’art 138 ch. 1 al. 2 CP, celui qui, sans droit, aura employé à son profit ou au profit d’un tiers des valeurs patrimoniales qui lui avaient été confiées, sera puni d’une peine privative de liberté de 5 ans au plus ou d’une peine pécuniaire.
Sur le plan objectif, cette disposition suppose que l’auteur ait utilisé, sans droit, à son profit ou au profit d’un tiers, des valeurs patrimoniales qui lui avaient été confiées. Il y a emploi illicite d’une valeur patrimoniale confiée lorsque l’auteur l’utilise contrairement aux instructions reçues, en s’écartant de la destination fixée (ATF 121 IV 23 c. 1c; ATF 119 IV 127 c. 2). L’alinéa 2 de l’art. 138 ch. 1 CP ne protège pas la propriété, mais le droit de celui qui a confié la valeur patrimoniale à ce que celle-ci soit utilisée dans le but qu’il a assigné et conformément aux instructions qu’il a données. Est ainsi caractéristique de l’abus de confiance au sens de cette disposition le comportement par lequel l’auteur démontre clairement sa volonté de ne pas respecter les droits de celui qui lui fait confiance (ATF 129 IV 257 c. 2.1).
Du point de vue subjectif, l’auteur doit avoir agi intentionnellement et dans un dessein d’enrichissement illégitime. Cette dernière condition est réalisée lorsque celui qui devait tenir en tout temps le bien confié à disposition de l’ayant droit l’a utilisé à son profit ou au profit d’un tiers sans avoir à tout moment la volonté et la possibilité de le restituer immédiatement (ATF 118 IV 27 c. 3a; ATF 118 IV 32 c. 2a). S’il devait le tenir à disposition de l’ayant droit à un moment déterminé ou à l’échéance d’un délai déterminé, il doit avoir eu la volonté et la possibilité de le restituer à ce moment ou à cette échéance (ATF 118 IV 27 c. 3a; ATF 118 IV 32 c. 2a). Le dessein d’enrichissement illégitime fait en revanche défaut si, au moment de l’emploi illicite de la valeur patrimoniale confiée, l’auteur en paie la contre-valeur (ATF 107 IV 166 c. 2a), s’il avait à tout moment ou, le cas échéant, à la date convenue à cet effet, la volonté et la possibilité de le faire (ATF 118 IV 32 c. 2a) ou encore s’il était en droit de compenser (ATF 105 IV 29 c. 3). Cette dernière hypothèse implique que l’auteur ait une créance d’un montant au moins égal à la valeur de la chose qu’il s’est approprié ou à la valeur patrimoniale qu’il a utilisée et qu’il ait vraiment agi en vue de se payer. L’absence ou le retard d’une déclaration de compensation, bien qu’il puisse constituer un indice important de l’absence d’une véritable, volonté de compenser, n’est en revanche pas déterminant (ATF 105 IV 29 c. 3a). Le dessein d’enrichissement peut être réalisé par dol éventuel (ATF 118 IV 32 c. 2a). Tel est le cas, lorsque l’auteur envisage l’enrichissement comme possible et agit néanmoins, même s’il ne le souhaite pas, parce qu’il s’en accommode pour le cas où il se produirait (ATF 123 IV 155 c. 1a; 121 IV 249 c. 3a et les arrêts cités).
3.2
En l’espèce, les plaignants ont remis au prévenu, mandaté par R._, sur la base du « contrat de réservation », la somme de 30’000 fr. pour la réservation d’un immeuble à Gingins. Ce montant devait être déduit du prix d’achat ou restitué si le crédit n’était pas accordé aux acheteurs. Ainsi, cet argent a bel et bien été confié à l’appelant. En outre, alors que ce dernier devait garder cet acompte et le déduire du prix d’achat ou le restituer, il l’a dépensé afin de subvenir à ses besoins (PV aud. 1; PV aud. d’appel). Il y a donc eu appropriation et utilisation illicites de l’argent confié, celui-ci ayant servi à d’autres fins que celles initialement prévues. Les éléments objectifs de l’infraction de l’abus de confiance sont ainsi réalisés.
En l’occurrence, l’appelant n’a restitué aucun montant aux plaignants, ce ni lorsque ceux-ci l’ont informé du fait qu’ils renonçaient à l’achat de l’immeuble faute d’avoir pu obtenir le financement nécessaire, ni une fois la vente intervenue avec un tiers le 28 janvier 2013, ni ultérieurement. Par ailleurs, l’appelant ne pouvait se croire en droit de conserver la somme de 30’000 francs. En effet, d’une part, il n’a chiffré ses prétentions à l’encontre des plaignants qu’à 9’990 fr., de sorte qu’il savait ne pas avoir de créance d’un montant au moins égal à la somme d’argent confiée. D’autre part, le contrat de courtage au sens de l’art. 412 CO (Code des obligations; RS 220) a été conclu entre Q._, courtier, et R._, mandant. Ainsi, il n’appartenait pas aux époux V._ de supporter les frais de courtage. Par conséquent, le prévenu n’était pas en droit d’exercer une quelconque compensation, dont les conditions ne sont à l’évidence pas réalisées.
Enfin, l’appelant n’a jamais eu la véritable volonté, ni la possibilité de rembourser l’acompte en question. Du reste, il est manifeste que l’intéressé, au regard de sa situation financière notamment (cf. jugement attaqué p. 6), n’était pas en mesure de représenter en tout temps l’équivalent de la somme qu’il s’est arrogée et qu’il n’a d’ailleurs jamais eu la volonté réelle de le faire. En effet, il a dépensé l’entier de l’argent qui lui a été remis pour ses propres besoins et expliqué qu’il lui aurait fallu un délai pour pouvoir verser l’argent sur le compte des époux V._. En outre, à l’audience de ce jour, il a expliqué devoir demander à des amis de lui avancer 20'000 fr. pour pouvoir rembourser cette somme réduite aux plaignants. Ainsi, les éléments subjectifs de l’infraction sont également réalisés.
Partant, la condamnation de Q._ pour abus de confiance ne viole pas l’art. 138 ch. 1 CP.
4.
L’appelant a été condamné à une peine pécuniaire de 90 jours-amende à 60 fr. le jour, avec sursis pendant deux ans, et à une amende de 1’080 fr., peine qu’il conteste.
4.1
Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur, Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 c. 2.1; ATF 129 IV 6 c. 6; TF 6B_759/2011 du 19 avril 2012 c. 1.1).
4.2
En l’espèce, la peine infligée par le premier juge ne porte pas le flanc à la critique. En effet, la culpabilité du prévenu n’est pas négligeable. A charge, il convient de retenir que le montant en cause est considérable, que les faits litigieux se sont produits à un moment où Q._ faisait l’objet d’une enquête pour violation d’une obligation d’entretien ayant abouti à un condamnation pénale le 30 janvier 2012. Toujours à charge, le prévenu n’a pas pris conscience de sa faute, rejetant la responsabilité sur les plaignants en soutenant qu’ils auraient fait preuve de négligence en lui versant directement le montant de la réservation plutôt que de bloquer les 30'000 fr. sur le compte d’un notaire. Ainsi, il ne fait preuve d’aucune remise en question.
Aucun élément ne peut être retenu à décharge.
Au vu des éléments qui précèdent, une peine pécuniaire de 90 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 60 fr. au regard de sa situation personnelle et économique, est adéquate. A titre de sanction immédiate, sa condamnation sera assortie d’une amende d’un montant 1'080 fr., la peine privative de liberté de substitution en cas de non paiement fautif étant de 18 jours.
4.3
En conclusion, l’appel du prévenu doit être intégralement rejeté.
II. Appel de A.V._ et B.V._
5.
L’appel de A.V._ et B.V._ porte uniquement sur les conclusions qu’ils ont prises à l’encontre du prévenu. Ils concluent, avec suite de dépens de première et deuxième instance, à ce que Q._ leur doit immédiat paiement de la somme de 30’000 fr., avec intérêt à 5 % l’an à compter du 29 février 2012.
5.1
Selon l’art. 123 CPP, la partie plaignante chiffre, dans la mesure du possible, ses conclusions civiles dans sa déclaration en vertu de l’art. 119 CPP et les motive par écrit; elle cite les moyens de preuves qu’elle entend invoquer (al. 1). Le calcul et la motivation des conclusions civiles doivent être présentés au plus tard durant les plaidoiries (al. 2).
En application de l’art. 126 CPP, le tribunal statue également sur les conclusions civiles présentées lorsqu’il rend un verdict de culpabilité à l’encontre du prévenu (al. 1 let. a). Il renvoie la partie plaignante à agir par la voie civile notamment lorsque la partie plaignante n’a pas chiffré ses conclusions de manière suffisamment précise ou ne les a pas suffisamment motivées (al. 2 let. b). Dans le cas où le jugement complet des conclusions civiles exigerait un travail disproportionné, le tribunal peut traiter celles-ci seulement dans leur principe et, pour le surplus, renvoyer la partie plaignante à agir par la voie civile (al. 3).
Cette disposition a la même teneur que le texte abrogé de l’art. 38 al. 1 à 3 LAVI (Loi fédérale sur l’aide aux victimes d’infractions; RS 312.5). Selon la jurisprudence relative à cette dernière disposition, le renvoi devant les tribunaux civils ne se justifie que dans les cas où la détermination du préjudice exige des recherches importantes et difficiles. Ce genre de complications justifie, dans l’intérêt de la victime, de n’adjuger l’action civile que dans son principe. Il ne faut toutefois pas recourir trop facilement à cette solution. Il ne suffirait notamment pas de dépenses supplémentaires susceptibles de modifier le montant du dommage. Il faut que le jugement exige un travail disproportionné par quoi il faut entendre des recherches compliquées propres à retarder considérablement le jugement. L’importante exception au principe que constitue le renvoi au juge civil impose en effet de n’en faire qu’une application restrictive. Lorsqu’il s’agit uniquement de fixer un montant et que, par exemple, un certificat médical ou une expertise fait défaut, il convient alors de ne statuer que sur la question pénale et de traiter ultérieurement les prétentions civiles, après l’obtention des pièces requises. Si malgré la production des pièces requises, le jugement des prétentions civiles, dans un second temps, exigerait un travail disproportionné, les premiers juges pourraient toujours se limiter à adjuger l’action civile dans son principe et renvoyer la victime pour le reste devant les tribunaux civils (cf. ATF 123 IV 78 c. 2). Cette jurisprudence s’applique également par analogie quant à l’interprétation du nouvel art. 126 CPP.
5.2
Le premier juge a considéré que si le principe d’une prétention des plaignants en remboursement était acquis, la détermination de sa quotité était plus délicate, qu’en effet se posait la question de la validité du contrat de réservation et, le cas échéant, des conséquences de la rétractation des acheteurs, spécifiquement des droits que le prévenu pourrait élever sur la base d’une
culpa in contrahendo
, notamment d’une indemnité pour ses dépenses et le temps consacré. Il a jugé que l’instruction de ces questions nécessiterait une administration des preuves telle qu’elle ne saurait être effectuée par le juge pénal et qu’il y avait par conséquent lieu de renvoyer les époux V._ à agir par la voie civile.
5.2.1
En l’espèce, Q._ a été mandaté par R._, en qualité de courtier, pour vendre un immeuble sis à Gingins. Les plaignants ont signé avec le premier nommé, en sa qualité de représentant de R._, un contrat de réservation par lequel il convenait de fixer, le moment venu, un rendez-vous pour signer la vente auprès du notaire. Dans ce cadre, ils ont prévu que l’acheteur verse dans les trois jours la somme de 30’000 fr. à titre de réservation, en précisant que ce montant fera partie des fonds propres et sera déduit du prix d’achat de l’immeuble et que si le crédit ne devait pas être accordé, la totalité de l’acompte sera restitué, dite restitution devant intervenir à la reprise de l’objet par un nouvel acheteur.
Ainsi, le contrat de courtage a été conclu entre Q._, courtier, et R._, mandant, mais non pas avec les plaignants. Aux termes de l’art. 412 al. 1 CO, le courtage est un contrat par lequel le courtier est chargé, moyennant un salaire, soit d’indiquer à l’autre partie (le mandant) l’occasion de conclure une convention, soit de lui servir d’intermédiaire pour la négociation d’un contrat. Selon l’al. 2, les règles du mandat sont, d’une manière générale, applicables au courtage. L’obligation de rémunération du courtier incombe donc au mandant, soit R._ en l’espèce et non aux acheteurs (Tercier/Favre/Pedrazzini, Les contrats spéciaux, 4
e
éd., 2009, nn. 5626 ss; Rayroux, in : Thévenoz/Werro (éd.), Commentaire romand, Code des obligations I, art. 1 à 529 CO, 2
e
éd., Bâle 2012, nn. 3 et 36 ad art. 412 CO).
Au demeurant, le contrat de réservation prévoyait expressément la restitution du montant de 30’000 fr. une fois que la propriété immobilière aurait été vendue, ce qui a été le cas en janvier 2013. Il n’existe aucune base contractuelle, ni délictuelle permettant au prévenu d’émettre une quelconque prétention envers les époux V._ et ce dernier doit donc leur rembourser la somme confiée par 30'000 francs.
5.2.2
On doit également écarter toute responsabilité résultant d’une
culpa in contrahendo
.
En effet, la responsabilité résultant d’une
culpa in contrahendo
repose sur l’idée que, pendant les pourparlers, les parties doivent agir selon les règles de la bonne foi. L’ouverture des pourparlers crée déjà une relation juridique entre interlocuteurs et leur impose des devoirs réciproques. Ainsi, chaque partie est tenue de négocier sérieusement, conformément à ses véritables intentions; il lui appartient en outre de renseigner l’autre, dans une certaine mesure, sur les circonstances propres à influencer sa décision de conclure le contrat, ou de le conclure à des conditions déterminées (ATF 121 III 350 c. 6c; ATF 116 II 695 c. 3). Le devoir de se comporter sérieusement suppose de ne pas engager, ni de poursuivre des négociations sans avoir l’intention de conclure le contrat (ATF 77 lI 135 c. 2a). Il implique également de ne pas mener des pourparlers de manière à faire croire que sa volonté de conclure est plus forte qu’en réalité; par exemple, il est contraire aux règles de la bonne foi de donner sans réserve son accord de principe à la conclusion d’un contrat formel et de refuser
in extremis
, sans raison, de le traduire dans la forme requise (Kramer, Berner Kommentar, Berne 1991, n. 16 ad art. 22 CO; Gonzenbach, Culpa in contrahendo im schweizerischen Vertragsrecht, thèse Berne 1987, p. 97 ss).
En principe, chaque partie a le droit de rompre les pourparlers sans être obligée d’en donner les raisons. Ce n’est que dans des situations exceptionnelles qu’une
culpa in contrahendo
sera retenue en cas de rupture des pourparlers (Gonzenbach, op. cit., p. 97; Anex, L’intérêt négatif, sa nature et son étendue, thèse Lausanne 1977, p. 58). Pour qu’une rupture des pourparlers apparaisse comme une
culpa in contrahendo
, il ne suffit pas que les négociations aient duré longtemps, ni que la partie à l’origine de la rupture ait été au courant des investissements effectués par l’autre (Schmidt, Der Abbruch von Vertragsverhandlungen im deutsch- schweizerischen Handels- und Wirtschaftsverkehr, thèse Constance 1994, p. 145; Gonzenbach, op. cit., p. 96); en principe, la partie qui engage des frais avant la conclusion du contrat, le fait à ses risques et périls (Kramer, op. cit., n. 13 ad art. 22 CO). Enfin, lorsque le contrat en vue est soumis à une forme légale, une
culpa in contrahendo
pour rupture des pourparlers sera admise d’autant moins facilement que les prescriptions de forme ont précisément pour but de préserver les parties d’un engagement irréfléchi (Schmidt, op. cit., p. 139); demeure réservée l’hypothèse déjà citée du refus injustifié de dernière minute.
En l’espèce, on ne voit pas en quoi les époux V._ auraient agi contrairement aux règles de la bonne foi en expliquant que leur banquier ne pouvait financer l’achat. Partant, leur responsabilité contractuelle n’est nullement engagée à l’égard du prévenu.
5.3
S’agissant du départ des intérêts moratoires, le contrat de réservation ne vaut pas promesse de vente dès lors qu’il n’a pas été établi en la forme authentique (cf. art. 216 al.2 CO). L’obligation de rémunération n’incombant pas aux plaignants, les 30'000 fr. auraient dû être restitués le 29 février 2012 déjà, date à laquelle A.V._ a transmis ses coordonnées bancaires au prévenu après l’avoir informé du refus de financement par son établissement bancaire.
En conclusion, l’appel des époux V._ doit être admis.
6.
En définitive, l’appel de Q._ est rejeté et l’appel de A.V._ et B.V._ est admis.
Vu l’issue de la cause, les frais de la procédure d'appel, comprenant l’émolument d’arrêt, par 2’240 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]), sont mis à la charge de Q._ (art. 428 al. 1 CPP).
Les plaignants A.V._ et B.V._, qui ont procédé avec l'assistance d'un conseil professionnel, ont droit, solidairement entre eux, à des dépens d'appel, conformément à l'art. 433 al. 1 let. a CPP. Vu l'ampleur et la complexité de la cause en appel, des dépens de 2’203 fr., doivent leur être alloués, à charge de Q._. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
2b632264-5b04-48dd-9a48-c7fcfbf4f256 | En fait :
A.
Par jugement du 22 mai 2012, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a constaté que K._ s’est rendu coupable de lésions corporelles simples (I), condamné K._ à une peine privative de liberté ferme de 6 mois (II), dit que la peine prononcée sous chiffre II est entièrement complémentaire à celle prononcée le 9 mars 2011 par le Tribunal correctionnel de Lausanne (III), constaté que Y._ s'est rendu coupable de lésions corporelles simples (IV), condamné Y._ à une peine pécuniaire de 180 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 40 fr. (V), ordonné la suspension de la peine prononcée sous chiffre V et fixé au condamné un délai d'épreuve de 2 ans (VI), dit que K._ et Y._ sont débiteurs solidaires de R._ lui doivent immédiat paiement des sommes de 2'098 fr. avec intérêt à 5 % l’an dès le
1
er
juin 2010, de 1'000 fr. avec intérêt à 5 % l’an dès le 1
er
mars 2010 et de 5’000 fr. à titre de dépens pénaux (VII), dit que K._ etY._ sont débiteurs solidaires de V._ et lui doivent immédiat paiement de la somme de 617 fr. 35 (VIII), mis les frais de la cause par 2'130 fr. à la charge de K._ (IX), mis les frais de la cause par 1'420 fr. à la charge de Y._ (X), arrêté l'indemnité de défenseur d'office de Me Benoît Morzier à 2'349 fr. 35 pour les opérations du 8 juin 2011 au 22 mai 2012 (XI), arrêté l'indemnité de défenseur d'office de Me Eric Reynaud à 680 fr. 40 pour les opérations du 22 mai 2012 (XII), arrêté l'indemnité de conseil d'office de Me Flore Primault à 1'500 fr. pour les opérations du 24 mai 2011 ou 22 mai 2012 (XIII), dit que le remboursement à l’Etat des indemnités en faveur de Me Benoît Morzier, par 2'349 fr. 35, selon chiffre XI ci-dessus, et par 1'871 fr. 70, selon décision du 20 juin 2011, ainsi qu’une part des indemnités en faveur Me Flore Primault, selon chiffre XIII ci-dessus et décision du 21 juin 2011, par 2'418 fr. 85, sera exigible de K._ dès que sa situation financière le permettra (XIV), dit que le remboursement à l’Etat de l’indemnité en faveur de Me Eric Reynaud par 680 fr. 40, selon chiffre XII ci-dessus, ainsi qu’une part des indemnités en faveur Me Flore Primault selon chiffre XIII ci-dessus et décision du 21 juin 2011, par 1'612 fr. 55, sera exigible de Y._ dès que sa situation financière le permettra (XV).
B.
Le 23 mai 2012, K._ a annoncé faire appel du jugement précité. Par déclaration d'appel motivée du 9 juillet 2012, complétée le 11 juillet 2012, il a conclu à sa libération du chef d'accusation de lésions corporelles simples et au versement d'une indemnité au sens de l'art. 429 CPP.
Y._ a fait de même le 10 juillet 2012.
Le 7 août 2012, le Ministère public a déposé un appel joint concluant, avec suite de frais, au rejet des appels de Y._ etK._, et à ce queY._ soit condamné à une peine pécuniaire ferme de 180 jours-amende à 40 fr. le jour.
Le 29 octobre 2012, Y._ a adressé à l'autorité de céans et en copie au Ministère public une déclaration de retrait d'appel.
Par fax du même jour, le Parquet a constaté la caducité de son appel joint qui portait uniquement sur la question du sursis accordé à Y._
Une audience a été tenue le 30 octobre 2012. L'appelant K._, dispensé, y était représenté par son avocat d'office, Me Benoît Morzier.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.1
K._ ressortissant portugais né le 19 octobre 1981 à Lausanne, a travaillé quelques années comme plâtrier, avant de se réorienter, à la fin de l’année 2008, dans une activité de courtier en assurances exercée parallèlement à celle d'agent de sécurité. Par la suite, l'intéressé a créé, avec son ami [...], la société de courtage en assurance [...] laquelle est tombée en faillite depuis sa détention. L'intéressé affirme qu'à sa sortie de prison, il sera employé comme technicien contremaître par la société [...]
Avant son incarcération et depuis février 2009, K._ vivait avec [...], qu'il souhaite épouser pour fonder une famille. Le prénommé payait 1'340 fr. par mois pour son loyer, et 350 fr. pour son assurance-maladie. Il faisait l'objet de poursuites et d'actes de défaut de biens pour environ 100'000 fr. Actuellement en exécution de peine au pénitencier de [...] le prévenu travaille comme peintre en bâtiment, au bénéfice d’un régime de fin de peine.
1.2
Le casier judiciaire suisse de K._ fait état des condamnations suivantes :
- 6 juin 2005, Cour de cassation pénale Lausanne, violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires, violation simple des règles de la circulation routière, conducteur pris de boisson, tentative d’opposition à une prise de sang, violation des devoirs en cas d’accident, contravention à la Loi fédérale sur les stupéfiants, 45 jours d’emprisonnement avec sursis pendant 2 ans, 500 fr. d’amende, sursis non révoqué les 26 octobre 2006 et 14 mars 2008, remplace le jugement du 22 décembre 2004 du Tribunal d’arrondissement de Lausanne;
- 26 octobre 2006, Juge d’instruction de Lausanne, lésions corporelles simples qualifiées (en défaveur d’une personne sans défense ou sur laquelle il avait le devoir de veiller), contravention à la Loi fédérale sur les stupéfiants, 20 jours d’emprisonnement avec sursis pendant 2 ans, 500 fr. d’amende, délai d’épreuve prolongé d’un an le 24 mars 2009, révoqué le 9 mars 2011;
- 3 janvier 2008, Juge d’instruction de Lausanne, vol d’usage, conduite sans permis de conduire ou malgré un retrait, contravention à la Loi fédérale sur les stupéfiants, 20 jours-amende à 60 fr. avec sursis pendant 2 ans et 300 fr. d’amende, sursis non révoqué les 24 mars 2009 mais délai d’épreuve prolongé d’un an, révoqué le 9 mars 2011;
- 24 mars 2009, Tribunal correctionnel Lausanne, lésions corporelles simples qualifiées, 14 mois de peine privative de liberté avec sursis pendant 4 ans et règle de conduite, révoqué le 9 mars 2011;
- 6 avril 2010, Tribunal de police de l’Est Vaudois à Vevey, infraction à la Loi fédérale sur les armes, 45 jours-amende à 10 fr. avec sursis pendant 4 ans, peine complémentaire à celle prononcée le 24 mars 2009, révoqué le 9 mars 2011;
- 9 mars 2011, Tribunal correctionnel de Lausanne, lésions corporelles graves, lésions corporelles simples, délit contre la Loi fédérale sur les armes, peine privative de liberté 2 ans et 6 mois, détention préventive 169 jours, peine partiellement complémentaire au jugement du 24 mars 2009, Tribunal correctionnel de Lausanne, peine partiellement complémentaire au jugement du 6 avril 2010, Tribunal de police de l’Est Vaudois, Vevey.
2.
A Lausanne, à la [...], à la hauteur de l’immeuble n° 3 devant l'établissement " [...]", le 28 février 2010 vers 00h30, Y._ et K._ notamment s'en sont violemment pris à V._ et à R._ qu'ils ont blessés. Les circonstances de cette agression sont rapportées ci-après :
2.1
Au lieu dit, R._ et V._ traversé la route pour regagner le [...] sans remarquer la voiture conduite par Y._ (une Kia 4x4 noire) qui descendait le long de la [...] (PV-plainte 4). Un des passagers, que l'enquête identifiera comme étant K._ (PV-aud. 7 p. 3) a ouvert la fenêtre du véhicule et a crié :
"Enfoirés !".
Ayant entendu l'insulte, R._ a dit à haute voix que ce n'était pas normal de traiter les gens de la sorte. Y._ est allé parquer son véhicule un peu plus loin. Peu après, alors qu'il se dirigeait vers le restaurant, R._ a vu trois individus s'approcher de son ami V._ (PV-plainte 4 et PV-aud.7).
C’est Y._ qui a amorcé la bagarre en interpellant V._ par un
"ho"
et en le saisissant par le cou (PV aud. 4 et PV aud. 7), ensuite de quoi, il s’est associé à K._ – et deux ou trois tiers dont l’identité n’a pas pu être déterminée – pour le rouer de coups, notamment à la face, puis le projeter contre une voiture stationnée à proximité (PV - plainte 4, PV-plainte 7).
Y._ et K._ et les tiers précités se sont ensuite dirigés vers R._ que l’un d’entre eux a saisi par la veste au niveau du cou. Comme R._ tentait de se défendre, l’un des agresseurs l’a maintenu (en lui passant son bras autour du cou; PV aud. 7 p. 2) pour permettre à ses acolytes de le frapper plus facilement. S’échangeant tour à tour les rôles, tant Y._ que K._ ont infligé plusieurs coups de poing à la victime, notamment à la face. A un moment donné, K._ lui a asséné un coup de pied sur le haut du corps, ce qui l'a fait chuter. Alors que la victime était au solK._ lui a encore donné au moins un coup de pied sur le corps (PV aud. 4, PV aud. 5, PV aud. 7 et PV aud. 10), Toujours au sol, R._ ne bougeait plus; la bagarre a cessé. K._ ajusté sa veste, puis s'est rendu à pied en direction du bar d'en face où il a salué des amis comme si rien ne s'était passé (PV-aud. 4). Y._ est allé reprendre sa voiture (PV aud. 4, p. 2). [...], et ses amis G._ et M._, qui se trouvaient à cinq ou dix mètres de distance devant l'établissement public
"Les Brasseurs"
(PV aud. 4), ont vu la scène. [...] a appelé la police. M._ a cherché à retenirY._ en lui disant que les gendarmes allaient venir. Ce dernier ne l'a pas écoutée; il est parti (PV aud. 4 p. 2).
2.2
L'homme aux cheveux clairs très courts –K._, selon l'enquête (PV aud. 5, PV aud. 7, PV. aud. 8, PV aud.10) – a été décrit comme étant le plus violent des agresseurs, sachant se battre et paraissant entraîné
(PV aud. 4, PV aud. 5 et PV aud. 8). L'intéressé a admis qu'il faisait de la boxe anglaise (PV aud. 7).
2.3
A la suite de l’intervention de la police, les deux victimes ont été acheminées au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) où les médecins ont constaté que V._ souffrait d’ecchymoses en plusieurs endroits du corps, ainsi que de tuméfactions au niveau de la région frontale gauche, de la partie droite du nez, de la lèvre supérieure gauche et du pavillon auriculaire droit (P. 9/4). La victime a déposé plainte le même jour, et a pris des conclusions civiles.
R._ souffrait, quant à lui, d’abrasions cutanées en plusieurs endroits du corps, d’un hématome et d’une contusion orbitaire droite, d’une fracture de la première molaire supérieure gauche occasionnée par le coup de pied reçu au visage, ainsi que d’une entorse ulno-carpienne stade Il du poignet, provoquée lors de sa chute au sol, laquelle a occasionné la pose d’une attelle plâtrée. Il a en outre subi une incapacité totale de travail du 28 février au 2 mars 2010 (P. 9/2). R._ a déposé plainte le 3 mars 2010 et a pris des conclusions civiles.
4.
Interpellés, les prévenus ont toujours contesté les faits. Le premier juge a écarté leurs dénégations, qui étaient divergentes et paraissaient donc peu crédibles. Il s'est fondé sur les déclarations constantes et concordantes des témoins M._ et G._ – corroborées par celles des victimes – pour établir la chronologie des faits, et pour constater l'implication des prévenus dans les événements incriminés (jugement pp. 17 et 18). Y._ et K._ ont été condamnés pour lésions corporelles simples au sens de l'art. 123 ch. 1 CP (cf. A). | En droit :
1.
A titre liminaire, il sied de prendre acte du retrait d'appel de Y._ intervenu le 29 octobre 2012, et, partant, de constater la caducité de l'appel joint du Ministère public ayant pour seul objet la contestation du sursis accordé à ce prévenu (art. 401 al. 3 CPP; Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007, RS 312.0).
Le jugement entrepris est donc devenu exécutoire pour Y._ et la cour de céans se bornera à examiner le bien fondé des griefs formulés par K._ dont l'appel, interjeté dans les formes et délais légaux contre un jugement d'un tribunal ayant clos la procédure, est recevable
(art. 382 al. 1, 398 al. 1, 399 al. 1 à 3 CPP).
2.
2.1
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
2.2
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier ; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in : Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon
l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
2.3
La présomption d’innocence, qui est garantie par les art. 14 par. 2 Pacte ONU Il (Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, RS 0.103.2), 6 par. 2 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, RS 0.101)
et 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, RS 101), ainsi que son corollaire, le principe
in dubio pro reo
, concernent tant le fardeau de la preuve que l’appréciation des preuves (cf. également, art.10 CPP al. 1 à 3).
En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d’innocence signifie que toute personne prévenue d’une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu’il appartient à l’accusation de prouver la culpabilité de celle-là (TF du 25 mars 2010 6B_831/2009 c. 2.2.1; ATF 127 I 38 c. 2a).
Comme règle de l'appréciation des preuves, le principe
in dubio pro reo
interdit au juge de se déclarer convaincu d'un état de fait défavorable à l'accusé, lorsqu'une appréciation objective des éléments de preuve recueillis laisse subsister un doute sérieux et insurmontable quant à l'existence de cet état de fait. (TF 6B_43/2012 du 27 août 2012, c. 2 et réf. cit.). Un jugement de culpabilité peut reposer, à défaut de témoignages oculaires ou de preuves matérielles irréfutables, sur des indices propres à fonder la conviction du tribunal (Piquerez/Macaluso, Procédure pénale suisse, 3ème éd., 2011, n. 579 et réf. cit.).
3.
3.1
K._ remet en cause le jugement dans son entier. Il conteste avoir pris part à la bagarre, arguant qu'il n'avait aucun mobile pour ce faire, qu'elle avait déjà commencé lorsqu'il est arrivé sur les lieux, voire qu'il avait tenté de convaincre Y._ de se retirer et de s'en aller. Il prétend en outre que ses propos étaient constants et auraient dû être tenus pour crédibles. Il reproche enfin au premier juge de l'avoir, arbitrairement et en violation du principe
in dubio pro reo,
reconnu coupable malgré la persistance de doutes sérieux sur des points essentiels tels que le rôle qu'il a joué dans l'altercation et la personne de l'auteur.
3.2.1
S'agissant des coups portés à R._ la conviction de l'autorité de céans repose sur les témoignages concordants de M._ et G._, idéalement placés à cinq à dix mètres de la scène, comme sur les dires de la victime prénommée, qui a reconnu formellement Y._ (PV aud. 2 p. 2). S'il est vrai que ni G._, ni M._ n'ont pu identifier clairement K._, cette dernière a fourni des indications importantes sur sa couleur de cheveux (PV aud. 10 pp. 2 et 3, blond foncé), qui constituent un élément incriminant : c'est bien K._ que ce témoin décrit. Cette description concorde d'ailleurs avec les indications fournies [...] (PV aud. 8) – qui affirme que K._ a les cheveux châtain clair – et par G._, qui parle d'un pseudo blond, ayant l'air entraîné (PV aud. 5 p. 2) et sachant se bagarrer (jugement p. 17 au milieu de la page). Au vu des indications fournies par les victimes et les témoins, il ne fait aucun doute que R._ a été passé à tabac par (au moins) les deux prévenus. Le jugement retient que les déclarations des intéressés ne sont pas décisives. Cela n'est pas contestable car elles sont divergentes : Y._ affirme d'abord qu'il était seul, avant d'admettre qu'il était accompagné de K._ lequel – contrairement à ce qu’ont soutenu son comparse et les victimes – conteste avoir, avant la bagarre, traité celles-ci d'"enfoirées".
3.2.2
Pour définir qui a frappé V._, la cour de céans dispose de moins d’éléments de preuve, puisqu'elle ne peut pas s'appuyer sur les témoignages de M._ et G._. Reste que le dossier contient les déclarations constantes et concordantes des victimes (PV-plainte P. 4 et P. 7), qui doivent être tenues pour crédibles, dès lors qu'elles n'ont pas pu se concerter et ne se sont pas contredites bien qu'interrogées séparément. On peut en effet admettre, vu l’heure à laquelle ces dépositions ont été prises et l’état des victimes, qu'elles n'ont pas eu le temps de mettre au point une cabale contre les prévenus. De leurs propos, il ressort que l’un des passagers du véhicule 4X4 piloté par Y._ les a traitées d’"enfoirées", que V._ a été le premier à se faire agresser et que les faits se sont passés à la hauteur du restaurant le " [...]", lequel se situe aux deux tiers de la [...], dans le sens de la descente. V._ a, en outre, formellement reconnu Y._ (PV aud. 1, p. 2) et précisé (PV-plainte 4) qu'après l’avoir frappé, ses agresseurs s’en sont pris à R._ . Ce dernier dit la même chose (PV-plainte 7). Or on sait, par les témoignages de M._ et G._, que K._ a aussi frappé R._. On peut donc tenir pour avéré que l'équipe n’a pas changé en ce sens que les deux prévenus composant le groupe de quatre s’en sont pris à V._, puis à R._
3.2.3
Vu ce qui précède, le premier juge pouvait acquérir la conviction que les victimes avaient notamment été agressées par l'appelant et son comparse Y._, soit que la scène s'était déroulée telle qu'elle a été décrite en pages 15 et 16 du jugement. Le principe
in dubio pro reo
n'a donc pas été violé. Sur cette base, le Tribunal a, à juste titre reconnu K._ et Y._ coupables de lésions corporelles simples au sens de l'art. 123 ch. 1 CP.
3.3
L'appel est mal donc fondé sur ces points.
4.
4.1.1
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2). La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale
(ATF 134 IV 17 c. 2.1 p. 19 s.; 129 IV 6 c. 6.1 p. 20; arrêt 6B_759/2011 du 19 avril 2012 c. 1.1). L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge. Par conséquent, celui-ci ne viole le droit fédéral en fixant la peine que s'il sort du cadre légal, s'il se fonde sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, s'il omet de prendre en considération des éléments d'appréciation prévus par cette disposition ou, enfin, si la peine qu'il prononce est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d'appréciation (ATF 136 IV 55 c. 5.6 p. 61; 134 IV 17 c. 2.1 p. 19 s.; 129 IV 6 c. 6.1, p. 21 et les références citées).
4.1.2
Lorsque la quotité de la peine est de six mois à une année, la loi prévoit une peine privative de liberté ou une peine pécuniaire (art. 34 al. 1 et 40 CP). En vertu du principe de la proportionnalité, il y a en général lieu, lorsque plusieurs peines entrent en considération et apparaissent sanctionner de manière équivalente la faute, de choisir celle qui restreint le moins sévèrement la liberté personnelle de l'intéressé, respectivement qui le touche le moins durement (ATF 134 IV 82 c. 4.1 p. 84 et les références). Pour choisir la nature de la peine, le juge doit prendre en considération l'opportunité de la sanction déterminée, ses effets sur l'auteur et son milieu social, ainsi que son efficacité préventive (TF du 10 avril 2008 6B_28/2008, c. 4.1 et la jurisprudence citée; ATF 134 IV 109 = JT 2009 I 554, c. 4). Une peine pécuniaire peut être exclue pour des motifs de prévention spéciale (TF du 14 juin 2011, 6B_128/2011, c. 3.4).
4.1.3
Le cas (normal) de concours réel rétrospectif se présente lorsque l'accusé, qui a déjà été condamné pour une infraction, doit être jugé pour une autre infraction commise avant le premier jugement, mais que le tribunal ignorait.
L'art. 49 al. 2 CP enjoint au juge de prononcer une peine complémentaire ou additionnelle (Zusatzstrafe), de telle sorte que l'auteur ne soit pas puni plus sévèrement que si les diverses infractions avaient fait l'objet d'un seul et même jugement. Concrètement, le juge doit se demander comment il aurait fixé la peine en cas de concours simultané, puis déduire de cette peine d'ensemble hypothétique la peine de base, soit celle qui a déjà été prononcée. Face à plusieurs condamnations antérieures, la démarche est la même. Il faut cependant rattacher chacune des infractions anciennes à la condamnation qui suit la commission de l'acte délictueux; en effet, un jugement pénal doit en principe sanctionner tous les actes répréhensibles commis avant son prononcé; cela est corroboré par l'institution de la peine additionnelle dont il résulte que le juge qui prononce la seconde condamnation doit toujours tenir compte de la première, si l'acte découvert précédait celle-ci. Le rattachement des actes anciens à la condamnation qui les suit permet de former des groupes d'infractions. Pour fixer la peine d'ensemble, on recherche l'infraction (ou le groupe d'infractions) la plus grave. On en détermine la peine qui servira de base; à celle-ci viennent s'ajouter les peines relatives aux autres groupes; pour celles qui concernent les groupes d'infractions anciennes, on les évalue comme des peines additionnelles. Les peines additionnelles ne sont ensuite pas cumulées, mais "absorbées" (TF 6B_28/2008 du 10 avril 2008, c 3.3.1 et réf.). La jurisprudence fédérale précise encore que le principe de l'absorption s'applique seulement aux peines du même genre. Il est par conséquent exclu de prononcer une peine privative de liberté à titre complémentaire à une peine pécuniaire ordonnée précédemment (ATF 137 IV 57 c. 4.3).
4.1.4
Selon l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire, d'un travail d'intérêt général ou d'une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits. Le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. En l'absence de pronostic défavorable, il doit accorder le sursis. Celui-ci est ainsi la règle, dont le juge ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable ou hautement incertain (ATF 134 IV 1 c. 4.2.2).
4.2.1
La faute de K._ est lourde; il a agi sans motif autre que celui de frapper les victimes, après les avoir provoquées à dessein. Le prévenu et son comparse Y._ ont fait preuve de lâcheté et d’une extrême violence ; ils ont immobilisé et frappé les plaignants à tour de rôle, à coups de poing et de pied sur tout le corps, en visant la tête. Frappant R._ alors qu’il se trouvait au sol (PV aud. 4, PV aud. 5, PV aud. 7 et PV aud. 10), l'appelant a été perçu par les témoins comme étant plus violent (PV aud. 10) et a choqué ceux-ci lorsqu'il a, après la bagarre, abandonné R._ inerte sur le sol, puis a ajusté sa veste, avant de se diriger vers ses amis qu'il a salués comme si rien ne s'était passé (PV-aud. 4). On relèvera en outre l'importance des lésions occasionnées, en particulier à R._ (P. 9/2 et 9/4), qui a dû porter une attelle plâtrée et s'est trouvé en incapacité de travail pendant plusieurs jours. Mis clairement en cause par les victimes ainsi que les témoins, l'appelant persiste à nier les faits sur la base de déclarations divergentes et lacunaires. Cette attitude révèle l'absence de prise de conscience et le peu de respect que ce prévenu a pour son entourage, à qui il cherche avant tout à montrer sa force. Au demeurant, K._ n'en est pas à son coup d'essai puisque ses antécédents judiciaires font état de six condamnations intervenues entre 2005 et 2012, en partie non négligeable et de même nature. Les différentes peines avec sursis et les prolongations des sursis n’ont eu aucun effet sur l'appelant, qui a agi dans les délais d’épreuve, et qui ne semble pas en mesure de régler ses différends autrement que par la violence. Il n'y a pas d'élément à décharge. Partant, c'est une peine privative de liberté que la cour de céans infligera à K._ cela pour garantir la sécurité publique (ATF 134 IV 82) et pour des motifs de prévention spéciale (TF du 14 juin 2011; 6B_128/2011, c. 3.4).
4.2.2
Pour fixer la quotité de la peine, il sied de considérer que les infractions présentement en cause sont antérieures aux jugements rendus par le Tribunal de police de l’Est Vaudois le 6 avril 2010 et le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de [...] le 9 mars 2011. La peine à prononcer contre ce prévenu est donc entièrement complémentaire à celle, privative de liberté, prononcée le 9 mars 2011, mais pas à celle, pécuniaire, infligée le 6 avril 2010 (ATF 137 IV 57). Vu la jurisprudence citée, il convient de fixer la peine de sorte queK._ Lemos ne soit pas puni plus sévèrement que si les diverses infractions avaient fait l’objet d’un seul et même jugement (art. 49 al. 2 CP). Dans ce cadre, une peine de six mois est adéquate pour sanctionner le comportement de l'appelant.
4.2.3
Cette peine sera ferme, les conditions du sursis n'étant manifestement pas réunies pour K._, les désirs de réinsertion dont il a fait état en se référant à l'emploi qu'il pourrait exercer à sa sortie de prison, ainsi qu'à ses projets de mariage et de famille.
4.2.4
En définitive, la peine infligée à K._ par le premier juge respecte en tous points les critères légaux et doit être confirmée.
5.
Le jugement attaqué n'est pas non plus critiquable sur les questions des frais et dépens de première instance et des montants alloués (à la charge des prévenus et solidairement entre eux) aux parties civiles. Ces points ne sont d'ailleurs pas expressément remis en cause (art. 404 CPP).
6.
En définitive, l'appel doit être rejeté.
Il reste à statuer sur les frais et indemnités de seconde instance.
6.1
Une indemnité de défenseur d'office pour la procédure d'appel d'un montant de 2'970 fr. débours et TVA compris, est allouée à Me Benoît Morzier, défenseur d'office de K._; cela représente 15 heures à 180 fr. plus 50 fr. de débours et 8 % de TVA.
Une indemnité de conseil d'office pour la procédure d'appel d'un montant de 1'415 fr. 20, débours, TVA est allouée à Me Flore Primault, conseil d'office de R._, cela représente le montant réclamé (1'296 fr. 40), auquel ont été ajoutés les frais d'audience, par 118 fr. 80, soit une heure au tarif de
l'avocat-stagiaire qui a comparu (110 fr.), plus la TVA.
6.2
Vu le sort de son appel, K._ supportera les frais de procédure d'appel, par 2'160 fr. (savoir, 16 pages à 110 fr. plus 400 fr. de frais d'audience; art. 21 TFJP), plus l'indemnité due à son défenseur d'office (2'970 fr.), et celle due au conseil d'office de R._ (1'415 fr. 20), soit un total de 4'385 fr. 20. Le solde des frais de la procédure d'appel, correspondant aux indemnités versées aux témoins (savoir, 266 fr. 40), est mis à la charge de l'Etat
(art. 428 al.1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
2b7cd9f2-d491-47b0-8168-62987e5c2cc2 | En fait :
A.
Par jugement du 31 août 2015, le Tribunal de police de l’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a constaté que M._ s’est rendu coupable de violation grave des règles de la circulation routière (I), l’a condamné à une peine pécuniaire de 40 jours-amende à 10 fr. le jour (II), a suspendu l’exécution de la peine et lui a fixé un délai d’épreuve de deux ans (III), l’a condamné à une amende de 500 fr. (IV), a dit qu’à défaut de paiement de l’amende, la peine privative de liberté de substitution sera de 5 jours (V) et a mis les frais de justice, par 900 fr., à sa charge (VI).
B.
Par courrier du 13 septembre 2015, puis du 8 octobre 2015, M._ a formé appel contre ce jugement.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
M._ est né le [...] 1964 au Portugal. Après avoir terminé sa scolarité obligatoire, il est venu seul en Suisse, à l’âge de dix-huit ans. Il a d’abord travaillé chez un agriculteur jusqu’à l’obtention du permis B, puis chez un carrossier, dont il a appris le métier sur le tas. A la suite de problèmes de santé, il a été contraint d’arrêter son activité. Il est divorcé depuis environ six ans et père de quatre enfants. Il verse une pension de 150 fr. par mois pour sa fille cadette. Il émarge aux services sociaux qui lui versent un montant mensuel de 2'477 fr. avec lequel il doit s’acquitter de son loyer, par 1'170 francs. Il bénéficie de subsides pour l’assurance-maladie obligatoire et a des dettes pour quelques dizaines de milliers de francs. Il n’a ni économie ni fortune.
Son casier judiciaire fait mention d’une condamnation prononcée le 23 juin 2008 par le Ministère public du canton de Neuchâtel, pour incitation à l’entrée, à la sortie ou au séjour illégal à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à 20 fr. le jour, avec sursis pendant deux ans.
Aucune inscription ne figure au Registre fédéral des mesures administratives.
2.
Le 15 juin 2014 vers 17h20, M._ a circulé, sur la semi-autoroute entre Orbe et les Clées, à une vitesse de 124 km/h (marge de sécurité déduite) sur un tronçon limité à 80 km/h, dépassant ainsi de 44 km/h la vitesse maximale autorisée.
Selon le protocole de relevé 1594 et le rapport de police, la vitesse a été enregistrée au moyen de l’appareil Bredar Sat-Speed metas n° 27144 qui équipait le véhicule de police qui a suivi le véhicule du prévenu sur une distance de 1'801,7 mètres. Le protocole de relevé précise que la date de calibrage est le 6 juin 2014 et que la vitesse maximale enregistrée était de 148 km/h, la vitesse moyenne enregistrée étant de 135 km/h, dont il a été déduit 8% de marge de tolérance, ce qui portait la vitesse totale à 124 km/h.
Selon le rapport de police du 16 juin 2014, le prévenu a été interpellé immédiatement et identifié. Ce rapport mentionne que le trafic était de moyenne densité et la chaussée sèche. Il est également précisé que le prévenu avait fait preuve d’une parfaite correction et qu’il avait pris connaissance de la bande d’enregistrement de vitesse, qu’il avait par ailleurs signée.
3.
Par ordonnance pénale du 25 septembre 2014, M._ a été condamné à huitante-quatre jours-amende à 30 fr. le jour, avec sursis pendant deux ans et à une amende de 630 fr., convertible en vingt et un jours de peine privative de liberté de substitution en cas de non-paiement fautif de l’amende.
Contestant les faits reprochés, le prévenu a formé opposition contre cette ordonnance en date du 13 octobre 2014. Le Ministère public a maintenu son ordonnance pénale et a transmis le dossier de la cause à l’autorité de première instance en vue des débats. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délai légaux (art. 399 CPP) par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier ; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in : Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP ; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 consid. 3.1).
3.
3.1
L’appelant invoque le fait qu’il existerait un deuxième ticket de relevé de vitesse, en bas duquel il serait fait mention de sa contestation des vitesses relevées. Ce document ne figurerait pas au dossier. Il prétend en outre qu’au vu de l’absence d’enregistrement vidéo, il n’existerait pas de preuves valables prouvant qu’il ait commis un excès de vitesse.
3.1.1
L'art. 10 CPP dispose que toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le Tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation (al. 3).
S'agissant plus précisément de l'appréciation des preuves et de l'établissement des faits, il s'agit de l'acte par lequel le juge du fond évalue librement la valeur de persuasion des moyens de preuve à disposition et pondère ces différents moyens de preuve afin de parvenir à une conclusion sur la réalisation ou non des éléments de fait pertinents pour l'application du droit pénal matériel. Le juge peut fonder une condamnation sur un faisceau d'indices ; en cas de versions contradictoires, il doit déterminer laquelle est la plus crédible. En d'autres termes, ce n'est ni le genre ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (Verniory, in : Kuhn/Jeanneret [éd.], Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 34 ad art. 10 CPP ; Kistler Vianin, in : Kuhn/Jeanneret [éd.], Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, nn. 19 ss ad art. 398 CPP).
Lorsque l'autorité a forgé sa conviction sur la base d'un ensemble d'éléments ou d'indices convergents, il ne suffit pas que l'un ou l'autre de ceux-ci ou même chacun d'eux pris isolément soit à lui seul insuffisant. L'appréciation des preuves doit être examinée dans son ensemble. Le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables au prévenu sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes ; on parle alors de doutes raisonnables (ATF 120 la 31 consid. 2c ; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 consid. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s'agir de doutes importants et irréductibles, qui s'imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38 consid. 2a ; cf. aussi, quant à la notion d'arbitraire, ATF 136 III 552 consid. 4.2).
3.1.2
En l’espèce, la version des faits de l’appelant selon laquelle il aurait refusé de signer le ticket de relevé de vitesse n’est intervenue qu’à l’audience de première instance. Cette version est en contradiction avec les faits constatés dans le rapport de police du 16 juin 2014, notamment avec le relevé de vitesse figurant au dossier (P. 4), qui est signé de la main de l’appelant. Au demeurant, la gendarme entendue en qualité de témoin lors des débats de première instance a précisé que si une personne contestait la vitesse relevée et refusait de signer le ticket, cela était mentionné sur le relevé et dans le rapport de police. Enfin, lors de son audition, l’appelant a admis avoir roulé trop vite. Ainsi, force est de constater qu’en l’espèce, l’allégation de l’appelant quant à son refus de signer ou à l’existence d’un deuxième relevé ne repose sur rien. A l’inverse, la signature du prévenu paraît établie dans la mesure où elle est clairement reconnaissable sur le relevé. L’argument de l’appelant, à supposer qu’il ait une incidence quelconque, doit dès lors être rejeté.
3.1.3
Concernant l’absence d’enregistrement, l’appelant prétend que de ce fait, l’excès de vitesse ne peut pas être prouvé. L’appointée entendue en première instance a toutefois confirmé que la voiture de l’appelant avait été suivie à une distance constante d’environ 100 mètres. Pour le surplus, elle a expliqué que si, lors de l’intervention de la police, la vitesse constatée était contestée, il lui arrivait de joindre l’enregistrement vidéo au rapport. Or, comme relevé ci-dessus, la vitesse n’a pas fait l’objet de contestation de la part de l’appelant lors de la signature du relevé, ni du procès-verbal d’audition. Il y a lieu en conséquence d’écarter la version du prévenu.
Partant, au vu de ces éléments, il sied de retenir que la mesure de la vitesse effectuée en l’espèce, l’a été conformément à l’ordonnance de l’OFROU concernant l’ordonnance sur le contrôle de la circulation routière (OOCCR-OFROU du 22 mai 2008 ; RS 714.013.1), notamment à ses art. 6 let. c ch. 2 et 8 let. g, par un véhicule munis d’un appareil Bredar Sat-Speed metas n° 27144, calibré en date du 6 juin 2014. L’appelant n’invoque aucun argument à l’appui de sa contestation, se limitant à affirmer qu’il n’a pas signé le relevé de vitesse, ce qui comme démontré plus haut, est faux. En outre, l’absence d’enregistrement vidéo n’est pas déterminante en l’espèce dans la mesure où l’excès de vitesse est suffisamment établi. Son argumentation doit par conséquent être rejetée sur ce point.
3.2
3.2.1
L’appelant se plaint également du fait que l’agent de police qui a relevé son excès de vitesse en le suivant au moyen d’une voiture banalisée se serait également rendu coupable de violation des règles de la circulation routière. Pour ce faire, il s’appuie sur une jurisprudence du Tribunal fédéral, soit l’arrêt du TF 6B_1006/2013 du 25 septembre 2014.
3.2.2
Aux termes de l’art. 14 CP (Code pénal suisse du 21 décembre 1937 ; RS 311.0), quiconque agit comme la loi l’ordonne ou l’autorise se comporte de manière licite, même si l’acte est punissable en vertu du présent code ou d’une autre loi.
Il était déjà acquis, aux termes de la jurisprudence et de la doctrine relatives à l’art. 32 aCP, que le devoir de fonction et le devoir de profession, tels qu’expressément prévus à l’art. 32 aCP, ne constituaient pas des justifications autonomes découlant directement de cette norme pénale, mais devaient également, conformément au principe de base, reposer sur une (autre) norme juridique écrite ou non écrite. L’art. 14 CP, à l’instar de l’art. 32 aCP, ne renferme en lui-même aucun motif justificatif et ne constitue qu’une norme de renvoi, par exemple au droit public cantonal, s’agissant de déterminer l’existence et l’étendue d’un devoir de fonction (Monnier, in : Roth/Moreillon [éd.], Commentaire romand, Code pénal I, art. 1-110 CP, Bâle 2009, n. 21 ad art. 14-18 CP, p. 174 et la référence citée ; CREP du 15 juin 2015/396 ; CREP du 26 mai 2015/358).
L’art. 6 let. c ch. 2 OOCCR-OFROU prévoit expressément la possibilité de réaliser des contrôles de vitesse au moyen d’un véhicule-suiveur, avec détermination de la vitesse par la comparaison entre la vitesse des deux véhicules.
3.2.3
En l’espèce, l’appelant invoque la jurisprudence précitée à l’appui de son argumentation. Or, force est de constater que les états de faits sont foncièrement différents. En effet, dans l’arrêt du TF 6B_1006/2013 du 25 septembre 2014, une policière a été condamnée pour avoir commis un excès de vitesse. Elle avait été contrôlée au moyen d’un radar à 117 km/h au lieu de 50 km/h alors qu’elle poursuivait un automobiliste qui avait commis un excès de vitesse dûment constaté. La Haute Cour a jugé que les conditions d’un dépassement de vitesse autorisé n’étaient pas réunies en l’espèce et que la commission d’un excès de vitesse n’était pas une raison suffisante pour prendre en chasse un automobiliste et ainsi commettre à son tour un excès de vitesse élevé.
Or, dans le cas présent, les agents de police, constatant que l’appelant circulait à une allure soutenue, ont décidé de suivre son véhicule pour constater sa vitesse. L’excès de vitesse a ensuite été constaté par l’appareil de mesure de la vitesse agréé, soit le Bredar Sat-Speed metas n° 27144, conformément aux art. 6 let. c ch. 2 et 8 al. 1 let. g OOCCR-OFROU. Les agents de police ont donc agi dans le cadre de leur fonction. En outre, le contrôle de la vitesse par un véhicule-suiveur implique nécessairement que ce véhicule circule à la même vitesse que le véhicule contrôlé, et donc, dans certains cas, qu’il commette également un excès de vitesse. Dès lors, comme l’a retenu le juge de première instance, il s’agit d’un cas d’application de l’art. 14 CP dans la mesure où la méthode employée par la police pour contrôler la vitesse du véhicule conduit par l’appelant est expressément prévue dans une ordonnance et partant, tout à fait licite.
4.
La peine de 40 jours-amende à 10 fr. prononcée par le tribunal de première instance afin de réprimer le comportement délictuel de M._ est adéquate et doit être confirmée, au vu de la situation personnelle de l’appelant et de la faute commise. Il en va de même en ce qui concerne la peine privative de liberté de substitution.
5.
En définitive, l'appel de M._ doit être rejeté et le jugement attaqué intégralement confirmé.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel, par 1'280 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010 ; RSV 312.03.1]), doivent être mis à la charge de M._, qui succombe (art. 428 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
2b8189c4-5db0-4274-a349-9a747bbd012d | En fait :
A.
Par jugement du 6 février 2015, le Tribunal de police de l'arrondissement de la Côte a, notamment, condamné V._ pour injure et violation simple des règles de la circulation, à 10 jours-amende à 50 fr., avec sursis pendant 3 ans et à 800 fr. d'amende convertible, en cas de non paiement fautif, à 16 jours de peine privative de liberté de substitution.
B.
Par annonce du 17 février 2015, puis par déclaration motivée du 12 mars 2015, V._ a fait appel de ce jugement, arguant que la violation simple des règles de la circulation serait un cas de peu de gravité commandant son acquittement. A titre principal, elle a conclu, avec suite de frais et dépens, à la réforme du jugement entrepris en ce sens qu'elle est libérée des chefs d'accusation de violation simple des règles de la circulation et de violation des devoirs en cas d'accident, une indemnité de l'art. 429 CPP (Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007, RS 312.0) devant lui être versée sur la base de la liste de frais déposée en première instance et les frais laissés à la charge de l'Etat. Subsidiairement, elle a requis la réforme dudit jugement en ce sens que l'amende est réduite à un maximum de 200 fr. et que la part des frais mise à sa charge n'excède pas 300 francs.
Par pli du 18 mars 2015, le Ministère public a renoncé à présenter une demande de non-entrée en matière ou à former un appel joint.
Par courrier du 23 mars 2015, le Président de l'autorité de céans a fait savoir aux parties qu'il statuerait en juge unique. Le même jour, il a cité l'appelante et le Ministère public à une audience fixée au 5 mai 2015, impartissant à cette dernière autorité un délai du 7 avril 2015 pour déposer ses conclusions écrites motivées au cas où elle renoncerait à comparaître.
Par détermination du 1
er
avril 2015, le Ministère public a conclu au rejet de l'appel avec suite de frais et à la confirmation du jugement entrepris. En bref, il a considéré que l'infraction à la LCR (Loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958, RS 741.01) ne relevait pas du cas de peu de gravité au vu de la sanction infligée par le premier juge, que la peine fixée pour sanctionner l'injure admise par l'appelante était adéquate, et qu'au vu de ces éléments, le droit à une indemnité de l'art. 429 CPP n'était pas ouvert.
Par communication du 9 avril 2015, le Président de l'autorité de céans a informé les parties qu'il était renoncé à l'audience appointée, compte tenu des déterminations complètes de l'appelante et de la position du Ministère public du 1
er
avril 2015, l'appel ne portant au surplus que sur une contravention.
Le 4 mai 2015, Me Astyanax Peca, défenseur de choix de V._ a produit une liste d'opérations faisant état d'un montant de 2'231 fr. 30 débours et TVA inclus.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
V._ est née le 23 août 1959 à Rolle. Séparée, elle habite à [...] dans un appartement dont elle est propriétaire. Elle travaille en qualité d'assistante sociale au service du [...], [...] qui lui verse un salaire net de l'ordre de 5'000 fr. par mois. Elle paie mensuellement 1'400 fr. pour son logement, 430 fr. pour son assurance-maladie, ainsi qu'environ 600 fr. par mois pour ses frais de déplacement professionnel et ses repas hors domicile.
2.
Le casier judiciaire de V._ fait état d'une condamnation par le Juge d’instruction de l’Est vaudois, le 13 mai 2009, pour violation grave des règles de la circulation routière à une peine pécuniaire 20 jours-amende à 40 fr. avec sursis pendant 3 ans, ainsi qu'à une amende de 400 francs.
3.
[...], le 8 octobre 2013 vers 15 h 25, V._ circulait au volant de sa voiture du centre de la[...] en direction de [...]. Inattentive, elle a heurté, avec le rétroviseur droit de son véhicule, le rétroviseur gauche de la voiture de B.L._, garé à cheval sur la bande herbeuse de la chaussée droite, en face d'un train routier léger immobilisé normalement sur sa voie de circulation.
V._ s'est immobilisée pour constater les dégâts. Interpellée par le père de la lésée, A.L._, V._ l'a traité de
"con"
ou de
"connard"
avant de remonter dans son véhicule et quitter les lieux sans laisser ses coordonnées.
A.L._ a déposé plainte et il s'est constitué partie civile le 8 octobre 2013. | En droit :
1.
S'agissant d'un appel portant sur une contravention, la procédure écrite est applicable (art. 406 al. 1 let. c CPP). Toutefois, l'art. 398 al. 4 CPP – qui prévoit l'appel restreint – n'est pas applicable car V._ a été renvoyée en jugement pour un délit. Le pouvoir de cognition du juge d'appel est donc celui de
l'art. 398 al. 3 CPP, qui prévoit que l'appel peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, le déni de justice et le retard injustifié (let. a), la constatation incomplète ou erronée des faits (let. b) et l'inopportunité (let. c). Enfin, l'art. 14 al. 3 LVCPP (
Loi d'introduction du Code de procédure pénale suisse du 19 mai 2009, RSV 312.01)
donne la compétence à un juge unique
de trancher l'appel.
2.
2.1
La question à résoudre est celle de savoir si, comme elle le demande, V._ peut être mise au bénéfice de l'art. 100 ch. 1 al. 2 LCR, dont l'application ne conduit pas à un acquittement, comme le voudrait l'appelante, mais à une exemption de peine avec constat de culpabilité (Jeanneret Y., Les dispositions pénales de la loi sur la circulation routière, Stämpfli, Berne, 2007, n. 23 ad art. 100 LCR). Ainsi, sous l'angle des frais de la cause, il est sans importance qu'un cas de peu de gravité soit retenu ou pas, dès lors que le constat de culpabilité emporte la condamnation aux frais (cf. sur ce point, la jurisprudence citée in Favre/Pellet/Stoudmann, Code pénal annoté, Lausanne 2007, n. 1.6 ad art. 54 CP).
2.2
La jurisprudence subordonne l'admission d'un cas de très peu de gravité à des exigences élevées (TF 6B_299/2011 et 6B 332/2011 du 1
er
septembre 2011). Toute négligence ne peut être considérée comme particulièrement légère (ATF 117 IV 302 c. 3b/cc). Cette disposition ne peut pas être appliquée de façon générale chaque fois que l'acte punissable ne revêt qu'une importance minime et ne provoque qu'une lésion peu importante de l'ordre juridique, sinon la plupart des contraventions aux prescriptions de stationnement, par exemple, échapperaient à toute sanction. Pour que l'art. 100 ch. 1 al. 2 LCR soit applicable, il faut, outre le fait que l'infraction ait causé une lésion de peu d'importance à l'ordre juridique,
que la faute de l'auteur soit si légère qu'une peine d'amende, même minime, apparaisse en soi d'une sévérité choquante (TF 6S.443/2006 du 19 décembre 2006, ATF 91 IV 149 c. 3; cf. aussi JT 1972 I 487 n. 92). En d'autres termes, il s'agit de cas bagatelle où même une amende très modérée apparaîtrait inappropriée
(TF 6S.219/2005 du 24 juin 2005). Savoir si le cas est de très peu de gravité dépend de l'ensemble des circonstances objectives et subjectives pertinentes pour l'appréciation de la faute (ATF 124 IV 184 c. 3a).
2.3
En l'espèce, le dossier (notamment, la photographie annexée en page 3 du procès-verbal d'audience du 14 février 2013 ; PV aud. 1) ne permet pas de dire que le passage pour un véhicule était malaisé. C'est d'ailleurs à ce même constat qu'aboutit le rapport de police du 12 octobre 2013 (P. 4) en relevant que le stationnement du véhicule de B.L._ (qui empiétait sur la chaussée de 60 cm) était autorisé, s'agissant d'une route secondaire à l'intérieur d'une localité, la présence de ce véhicule n'empêchant pas le croisement de deux véhicules (cf. p. 6). Certes, au moment des faits, un train routier léger stationnait en face du véhicule de B.L._ en sens inverse, mais même dans une telle configuration V._ pouvait aisément passer, sa voiture étant
de surcroît de dimension modeste (une [...] Dût-on admettre que le passage fût délicat, il appartenait de toute manière à l'appelante de s'arrêter pour demander aux conducteurs de déplacer leurs véhicules, ce qu'elle n'a pas fait. La violation des art. 31 al. 1 et 34 al. 4 LCR en relation avec l'art. 3 al. 1 OCR (ordonnance sur la circulation routière ; RS 741.21) est donc réalisée. On ne voit pas ici que la faute soit particulièrement légère ou que la conductrice avait des motifs de transgresser la loi. Lorsqu'elle a été interrogée par la police (PV. aud. 1), la prévenue n'a jamais évoqué le fait qu'un autre véhicule arrivant en sens inverse l'avait obligée de précipiter sa manœuvre pour prévenir un heurt. Cette explication est venue tardivement, par lettre du 15 février 2015 (P. 14). Il est certain que si un autre conducteur avait forcé la prévenue à commettre une contravention, elle l'aurait dit dès son premier interrogatoire puisqu'il s'agit selon elle d'un fait justifiant sa transgression aux règles de la circulation. On retiendra donc les premières déclarations de l'appelante qui sont plus spontanées et paraissent plus sincères. Au vu de ces éléments, le cas ne peut pas être considéré comme étant de peu de gravité, si bien que l'appel doit être rejeté sur ce point.
2.4
Dans un second moyen, l'appelante considère que même si le cas de peu de gravité ne pouvait pas être retenu, les frais de la cause mis à sa charge ne devraient pas excéder 300 francs. Pour autant, l'appelante ne conteste pas le montant des frais tel qu'il a été établi en procédure. Les frais de justice répondent au principe de couverture et non au principe de culpabilité (TF 6B_753/2013 du 17 février 2014 c. 3.1 et les références citées). On ne voit pas, dans ces conditions, pour quelles raisons la part des frais mise à la charge de V._ par le premier juge devrait être revue à la baisse. On précisera, au demeurant, que cette autorité avait déjà réduit les frais en tenant compte de la libération de la prévenue du chef de violation des devoirs en cas d'accident (jugement p. 12). Ce moyen est infondé.
2.5
L'appelante semble faire grief au premier juge de n'avoir pas alloué une indemnité au sens de l'art. 429 CPP en raison de sa libération du chef de violation des devoirs en cas d'accident. On peut d'emblée objecter que V._ n'a été que très partiellement suivie par le Tribunal de police. Si l'acquittement pour violation des devoirs en cas d'accident a été admis, tel n'a pas été le cas de la violation simple des règles de la circulation, de la quotité de la peine pour l'infraction non contestée d'injure et du montant de l'amende (cf. jugement p. 7, ainsi que pp. 12/13). Dans ces conditions, il était juste de considérer que l'appelante n'avait que très partiellement obtenu gain de cause (jugement p. 12). S'ajoute à cela le fait que par son comportement, V._ a donné lieu à l'ouverture de l'enquête pénale, ce qui ferme en l'espèce la porte à une indemnisation (TF 6B_300/2013 du 3 juin 2013). Enfin, il a été jugé (TF 6B_563/2012 du 30 mai 2013) que l'assistance d'un avocat n'était pas nécessaire dans le cadre d'une procédure d'opposition à rencontre d'une procédure pénale prononçant une amende pour contravention à la LCR. En conclusion, l'appel doit être rejeté sur ce point également.
2.6
En définitive, l'appel, en tous points mal fondé, doit être rejeté et le jugement attaqué confirmé.
3.
3.1
Vu le sort de l'appel, les frais de la présente procédure, par 630 fr. (art. 395 let. a CPP; art. 20 al. 1 TFIP; tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010; RSV 312. 03.1, soit 7 pages à 90 fr.), doivent être mis à la charge de V._, qui succombe (art. 428 al. 1 CPP).
3.2
Le rejet de l'appel entraînant la confirmation de la condamnation de V._, celle-ci n'a pas droit à l'indemnité qu'elle réclame pour ses dépens de seconde instance (art. 429 al. 1 let. a CPP
a contrario
et supra c. 2.5, par identité de motifs). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
2c0a6234-7728-43b7-8032-bc2a6f861559 | En fait :
A.
Par jugement du 31 octobre 2013, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a libéré S._, C._ et V._ du chef de prévention d’homicide par négligence (I), a renvoyé D.Y._, B.Y._, A.N._ et A._ à agir par la voie civile à l’encontre de S._, C._ et V._ (II), a alloué à S._ une indemnité de l’art. 429 CPP par 20'092 fr. 35, montant à la charge de l’Etat (III), a alloué à V._ une indemnité de l’art. 429 CPP par 19'966 fr. 70, montant à la charge de l’Etat (IV), a arrêté l’indemnité de Me Jean-Pierre Bloch, conseil d’office de A.N._ et A._, à 1'826 fr. 40 (V), a arrêté l’indemnité allouée à Me Alix De Courten, défenseur d’office de C._, à 13'471 fr. (VI), et a laissé l’entier des frais de la cause, y compris les indemnités allouées sous chiffres V et VI ci-dessus, à la charge de l’Etat (VII).
B.
Par annonce du 12 novembre 2013, puis déclaration motivée du 4 décembre 2013,
D.Y._ et B.Y._ ont formé appel contre ce jugement. Ils ont conclu, sous suite de frais et dépens, principalement à la réforme des chiffres I à VII du dispositif du jugement, en ce sens que S._, C._ et V._ sont condamnés, d’une part, pour homicide par négligence à une peine fixée à dire de justice et, d’autre part, au paiement, solidairement entre eux, des montants figurant dans leurs conclusions civiles ainsi que d’une juste indemnité au sens de l’art. 433 CPP. Subsidiairement, ils ont conclu à l’annulation du jugement et au renvoi de la cause à un nouveau tribunal pour nouveau jugement dans le sens des considérants.
Par courrier du 20 décembre 2013, S._ a déposé des observations. Le 30 décembre suivant, C._ a déclaré qu’il n’entendait pas déposer d’appel joint, ni de demande de non-entrée en matière. V._ et le Ministère public ne se sont pas déterminés dans le délai imparti à cet effet.
A l’audience d’appel, V._ et S._ ont conclu à leur acquittement ainsi qu’à l’octroi d’une indemnité de dépens, selon listes d’opérations produites. Pour sa part, C._ a conclu à ce que l’indemnité allouée à son défenseur d’office soit laissée à la charge de l’Etat.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
1.1
V._ est né le [...] 1963. Au terme de sa scolarité obligatoire, il a entrepris un apprentissage de vendeur qu’il n’a toutefois pas terminé. Après avoir obtenu son permis de conducteur poids-lourd, il a travaillé une dizaine d’années en tant que chauffeur. En 1989, il a créé sa propre société de transports, dont il est toujours salarié. Il réalise un revenu mensuel de 4'700 fr. et perçoit une participation au résultat annuel. Sa fortune consiste en sa société, 20'000 fr. de liquidités ainsi que sa villa, dont la valeur d’assurance incendie est d’environ 800'000 francs. La dette hypothécaire est de l’ordre de 700’000 fr., dont les intérêts mensuels varient entre 1’700 et 1’800 francs. Marié, le prévenu vit avec son épouse, la fille de cette dernière âgée de 16 ans et leur enfant commun de 2 ans. Il est également père de deux autres enfants de 18 et 20 ans issus d’une première union, à qui il verse une pension alimentaire de 1'500 fr. par mois. Sa prime d’assurance-maladie trimestrielle se monte à 1’050 fr. et sa charge fiscale à 14'000 fr. par an.
Le casier judiciaire de V._ fait état des inscriptions suivantes :
- 11 mars 2005, Juges d’instruction de Fribourg, emprisonnement de 20 jours avec sursis pendant quatre ans, amende de 2’500 fr., atteinte à l’état de sécurité d’un véhicule (par négligence), conduite sans permis de circulation ou plaques de contrôle, utilisation d’un véhicule à moteur sans assurance responsabilité civile, usage abusif de permis et/ou de plaques de contrôle;
- 27 octobre 2006, Juge d’instruction du Nord vaudois, amende de 1’500 fr., usage abusif de permis et de plaques;
- 29 avril 2009, Juges d’instruction de Fribourg, peine pécuniaire de 10 jours-amende à 40 fr. avec sursis pendant trois ans, amende de 1’400 fr., conduite en incapacité de conduire un véhicule automobile (taux d’alcoolémie qualifié);
- 13 octobre 2012, Ministère public du canton de Fribourg, peine pécuniaire de 20 jours-amende à 30 fr. avec sursis pendant quatre ans, amende de 1'000 fr., conduite en incapacité de conduire un véhicule automobile (taux d’alcoolémie qualifié).
1.2
C._ est né le [...] 1947. Au terme de sa scolarité obligatoire, il a suivi une formation dans le domaine de l’agriculture sans toutefois obtenir de diplôme. Au bénéfice d’un CFC d’aide mécanicien sur avion, il a travaillé à l’aérodrome de Payerne durant 5 à 6 ans. Il est titulaire d’un permis de conduire poids-lourd et a suivi des cours de conseiller en vente, avant d’obtenir son CFC. Par la suite, il a travaillé durant 15 ans pour une entreprise active dans la vente de matériel agricole. A la fermeture de cette société en 1992, il a été engagé par [...] SA, société tessinoise active dans la vente de machines agricoles, quadricycles à moteur (ci-après : quad) et motos-neige. En raison d’un litige avec la direction, il a quitté cette entreprise et est depuis lors indépendant dans la vente de quads, machines agricoles et viticoles. Retraité, il perçoit une rente AVS qui, complétée avec ses gains accessoires, totalise 3'000 francs. Marié, il vit avec son épouse et leurs trois enfants âgés de 5 et 8 ans. Cette dernière ne travaille pas. Le prévenu est propriétaire du logement familial, soit une ferme dont la valeur d’assurance incendie est de 790’000 francs. La dette hypothécaire est de 395’000 fr. et les charges relatives à ce logement se montent à 1’200 fr. par mois. La prime d’assurance-maladie du prévenu est de 346 fr. par mois, celle de ses enfants de 89 fr. et celle de son épouse de 260 francs. Sa charge fiscale annuelle s’élève à 3’000 francs.
Le casier judiciaire de C._ fait état des condamnations suivantes :
- 23 juin 2011, Ministère public de l’arrondissement du Nord vaudois, peine pécuniaire de 30 jours-amende à 70 fr. avec sursis pendant deux ans, recel;
- 16 février 2012, Ministère public de l’arrondissement de l’Est vaudois, peine pécuniaire de 20 jours-amende à 40 fr. le jour avec sursis pendant deux ans, escroquerie, abus de confiance, peine complémentaire au jugement du 23 juin 2011;
- 13 octobre 2012, Ministère public du canton de Fribourg, peine pécuniaire de 20 jours-amende à 30 fr. avec sursis pendant quatre ans, amende de 1’000 fr., conduite en incapacité de conduire un véhicule automobile (taux alcoolémie qualifié).
1.3
S._ est né le [...] 1963. Au terme de sa scolarité obligatoire, il a entrepris un apprentissage de mécanicien sur machines agricoles mais n’a pas obtenu son CFC. Par la suite, il a repris le garage familial de machines agricoles qu’il exploite toujours à ce jour en raison individuelle. Son revenu mensuel net est de l’ordre de 4’000 à 4’500 francs. Marié, il vit avec son épouse et leur enfant de 6 ans. Cette dernière ne travaille pas. Le prévenu est également propriétaire de l’immeuble dans lequel se trouvent l’habitation familiale et le garage, évalué à 900’000 francs. La dette hypothécaire est de 150'000 fr. et les charges trimestrielles sont de l’ordre de 300 francs. La prime de l’assurance-maladie du prévenu s’élève à 300 fr., celle de son épouse et de leur enfant à 549 francs. Sa charge fiscale est de 18'000 fr. par an.
Le casier judiciaire de S._ est vierge.
1.4
B.N._ est né le [...] 1981. Au moments des faits, il travaillait au sein de l’entrepris T._ Sàrl et vivait en couple à Neuchâtel avec D.Y._. De cette relation, est issu un enfant, B.Y._, né le 8 novembre 2007.
2.
Le 28 août 2008, à Avenches, sur un circuit aménagé dans une gravière, S._, assisté de C._ et V._, a organisé une séance d’essai de quads pour une quarantaine de collaborateurs de l’entreprise T._ Sàrl, dans le cadre de leur sortie annuelle. Cinq quads ont été mis à disposition des participants, lesquels les utilisaient successivement par groupes de cinq. Hormis le premier groupe, qui a pu procéder à une reconnaissance du parcours, les autres participants n’ont reçu des explications qu’au sujet de l’utilisation de la poignée des gaz et de la commande des freins. Le parcours ne comprenait aucune restriction et aucun balisage n’a été mis en place.
B.N._, lequel n’avait jamais piloté de quad auparavant, faisait partie du dernier groupe de collaborateurs à s’initier au quad. L’engin conduit par ce dernier n’était pas équipé de la butée nécessaire pour limiter sa puissance. A un moment donné, en voulant éviter l’une des aspérités du terrain, lequel était plane mais présentait plusieurs creux à la suite, B.N._ a perdu la maîtrise de son quad, a quitté la trajectoire initialement suivie et s’est dirigé contre une butte sise en bordure de piste. Le quad a gravi le monticule, avant de dévier sur la gauche et de se renverser dans le talus. Lors de cette embardée, B.N._ a été écrasé par son engin, retombé sur lui. Il est décédé sur les lieux des suites de ses graves blessures.
L’autopsie de la victime a mis en évidence un taux d’alcoolémie de 0,17g 0/00 et la présence de THC dans son sang à hauteur de 1,9 μ/I, la valeur limite fixée par l’Office fédérale des routes pour le THC dans le sang étant de 1,5 μ/I.
D.Y._ et B.Y._, ainsi que le père et l’oncle de la victime, A.N._ et A._, se sont constitués partie civile. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délai légaux (art. 399 CPP) contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de D.Y._ et B.Y._ est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
Les appelants, qui attaquent le jugement du Tribunal correctionnel dans son ensemble, se plaignent d’une constatation incomplète et erronée des faits, ainsi que d’une violation du droit, en particulier de l’art. 117 CP, infraction dont ils considèrent que les éléments constitutifs sont réalisés pour les trois prévenus. Ils invoquent également une violation de l’art. 11 CP. Ils font grief aux premiers juges de s’être référés essentiellement aux déclarations des prévenus, sans tenir compte, ou insuffisamment, des témoignages des personnes ayant participé à la manifestation faisant état de graves manquements d’ordre organisationnel, en particulier quant au choix inadéquat du terrain, à l’absence de balisage, ainsi qu’au manque d’instructions et de surveillance. Les prévenus, dans leur position de garant, auraient ainsi violé leur devoir de prudence.
3.1
La constatation des faits est incomplète lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, in
: Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 19 ad art. 398 CPP).
3.2
L’art. 117 CP réprime le comportement de celui qui, par négligence, aura causé la mort d’une personne. Il en résulte que la réalisation de cette infraction suppose la réunion de trois conditions : le décès d’une personne, une négligence et un lien de causalité entre la négligence et la mort (TF 6B_512/2010 du 26 octobre 2010 c. 2.1; ATF 1221V 145 c. 3).
3.2.1
Conformément à l’art. 12 al. 3 CP, agit par négligence quiconque, par une imprévoyance coupable, commet un crime ou un délit sans se rendre compte des conséquences de son acte ou sans en tenir compte. L’imprévoyance est coupable quand l’auteur de l’acte n’a pas usé des précautions commandées par les circonstances et par sa situation personnelle.
Pour qu’il y ait homicide par négligence, il faut tout d’abord que l’auteur ait, d’une part, violé les règles de prudence que les circonstances lui imposaient pour ne pas excéder les limites du risque admissible et que, d’autre part, il n’ait pas déployé l’attention et les efforts que l’on pouvait attendre de lui pour se conformer à son devoir. Pour déterminer plus précisément quels étaient les devoirs imposés par la prudence, on peut se référer à des normes édictées par l’ordre juridique pour assurer la sécurité et éviter des accidents; à défaut de dispositions légales ou réglementaires, on peut se référer à des règles analogues qui émanent d’associations privées ou semi-publiques lorsqu’elles sont généralement reconnues. La violation des devoirs de la prudence peut aussi être déduite des principes généraux, si aucune règle spéciale de sécurité n’a été violée (ATF 135 IV 56 c. 2.1). L’auteur viole les règles de la prudence s’il agit en dépassant les limites du risque admissible alors qu’il devrait, de par ses connaissances et aptitudes personnelles, se rendre compte du danger qu’il fait courir à autrui (ATF 134 IV 255 c. 4.2.3) ou s’il omet, alors qu’il occupe une position de garant (art. 11 al. 2 et 3 CP) et que le risque dont il doit empêcher la réalisation vient à dépasser la limite de l’admissible, d’accomplir une action dont il devrait se rendre compte, de par ses connaissances et aptitude personnelles, qu’elle est nécessaire pour éviter un dommage (ATF
136 IV 76 c. 2.3.1; ATF 135 IV IV 56 c. 2.1). C’est donc en fonction de la situation personnelle de l’auteur que l’on doit apprécier son devoir de diligence. Peu importe toutefois que l’auteur ait pu ou dû prévoir que les choses se passeraient exactement comme elles ont eu lieu. S’il y a eu violation des règles de la prudence, encore faut-il que celle-ci puisse être imputée à faute, c’est-à-dire que l’on puisse reprocher à l’auteur, compte tenu de ses circonstances personnelles, d’avoir fait preuve d’un manque d’effort blâmable (ATF 134 IV 255 c. 4.2.3; ATF 122 IV 145 c. 3b et les références citées).
Lorsque l’homicide par négligence résulte d’une omission (délit d’omission improprement dit), la réalisation de l’infraction suppose, en outre, que la personne à laquelle l’infraction est imputée se trouvait, au moment de son omission, dans une situation de garant. Il faut, autrement dit, que l’auteur fût à ce point juridiquement tenu d’accomplir un acte qui, selon le cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie, aurait évité la survenance du dommage, que son omission apparaît comparable au fait de provoquer le résultat par un comportement actif (TF 6B_15/2007 du 9 mai 2007 c. 5.2; ATF 117 IV 130 c. 2a). En vertu de l’art.
11 al. 2 let. b CP, un contrat peut être la source d’un obligation de garant. Le cocontractant chargé de protéger autrui ou de surveiller un danger assume une position de garant lorsque le contrat conclu porte essentiellement sur cette mission. Il s’agit par exemple du devoir de protection du médecin et du personnel soignant (Dupuis et al., Petit commentaire, Code pénal, Bâle 2012, n. 11 ad art. 11 CP).
3.2.2
La causalité ne se présente pas sous le même aspect selon que l’auteur a violé son devoir de prudence par action ou par omission.
Une action est l’une des causes naturelles d’un résultat dommageable si, dans l’enchaînement des événements tels qu’ils se sont produits, elle a été, au regard de règles d’expérience ou de lois scientifiques, une condition sine qua non de la survenance de ce résultat - soit si, en la retranchant intellectuellement des événements qui se sont produits en réalité, et sans rien ajouter à ceux-ci, on arrive à la conclusion, sur la base des règles d’expérience et des lois scientifiques reconnues, que le résultat dommageable ne se serait très vraisemblablement pas produit (TF 6B_301/2010 du 30 novembre 2010 c. 2.3.1; cf. ATF 1151V 199 c. 5b et les références citées). La série des événements à prendre en considération pour cette opération intellectuelle commence par l’action reprochée à l’auteur, finit par le dommage et ne comprend rien d’autre que les événements qui ont relié ces deux extrémités de la chaîne d’après les règles d’expérience et les lois scientifiques. La causalité naturelle ne cesse dès lors pas lorsque le dommage résulte effectivement de l’action reprochée à l’auteur, mais serait survenu quand même sans cette cause, à raison d’autres événements qui l’auraient entraîné si l’auteur ne l’avait pas lui- même causé (ATF 133 IV 158 c. 6.1 et les références citées). Par ailleurs, une action qui est l’une des causes naturelles d’un résultat dommageable en est aussi une cause adéquate si, d’une part, elle était propre, d’après le cours ordinaire des choses et l’expérience générale de la vie, à entraîner un résultat du genre de celui qui s’est produit (ATF 133 IV 158 c. 6.1 et les références citées) et si, d’autre part, elle a effectivement causé le résultat dommageable pour des raisons en rapport avec le but protecteur de la règle de prudence violée, et non pour des raisons fortuites (connexité du dommage et du risque; cf. ATF 133 IV 158 c. 6.1 et les références citées). Il s’agit là de questions de droit.
En cas de violation du devoir de prudence par omission, il faut procéder par hypothèses et se demander si l’accomplissement de l’acte omis aurait, selon le cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie, évité la survenance du résultat qui s’est produit, pour des raisons en rapport avec le but protecteur de la règle de prudence violée; pour l’analyse des conséquences de l’acte supposé, il faut appliquer les concepts généraux de la causalité naturelle et de la causalité adéquate (Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. I, 3
e
éd., Berne 2010, n. 51. ad art. 117 CP; ATF 134 IV 255 c. 4.4.1; ATF 133 IV 158 c. 6.1 et les références citées). L’appréciation de la causalité hypothétique porte en elle une marge d’incertitude indéniable. Pour réduire cette marge, le Tribunal fédéral applique la théorie de la probabilité. Le lien de causalité naturelle est ainsi admis lorsque l’acte que devait accomplir l’auteur aurait, avec un haut degré de probabilité, empêché le résultat. L’existence de cette causalité dite hypothétique suppose donc une très grande vraisemblance; autrement dit, elle n’est réalisée que lorsque l’acte attendu ne peut pas être inséré intellectuellement dans le raisonnement sans en exclure, très vraisemblablement, le résultat (TF 6S.57012006 du 6 mars 2007 c. 4.2; ATF
116 IV 182 c. 4a). La causalité adéquate est donc exclue lorsque l’acte attendu n’aurait vraisemblablement pas empêché la survenance du résultat ou lorsqu’il serait simplement possible qu’il l’eût empêché (ibid.).
Il y a rupture du lien de causalité adéquate, l’enchaînement des faits perdant sa portée juridique, si une autre cause concomitante – par exemple une force naturelle, le comportement de la victime ou celui d’un tiers – propre au cas d’espèce constitue une circonstance tout à fait exceptionnelle ou apparaît si extraordinaire que l’on ne pouvait pas s’y attendre. Cependant, cette imprévisibilité de l’acte concurrent ne suffit pas en soi à interrompre le rapport de causalité adéquate. Il faut encore que cet acte ait une importance telle qu’il s’impose comme la cause la plus probable et la plus immédiate de l’événement considéré, reléguant à l’arrière-plan tous les autres facteurs qui ont contribué à celui-ci, notamment le comportement de l’auteur (TF 6B_301/2010 du 30 novembre 2010 c. 2.3.1; ATF
133 IV 158 c. 6.1 et les références citées).
4.
Il convient d’examiner si les conditions de l’homicide par négligence sont remplies dans le cas d’espèce.
4.1
Le décès de la victime
En l’occurrence, il est établi que B.N._, ensuite de l’embardée faite avec le quad qu’il pilotait, a été écrasé par cette machine et que ce dernier est décédé sur les lieux des suites de ses graves blessures (cf. P. 11 et 19). La première condition de l’art. 117 CP est dès lors réalisée.
4.2
Rôle de garant
Les actes reprochés aux prévenus le sont pour l’essentiel par omission, dès lors qu’il leur est reproché de ne pas avoir donné suffisamment d’instructions aux participants, de n’avoir posé aucune restriction ni aucun balisage sur le parcours et de ne pas avoir équipé le quad conduit par la victime de la butée nécessaire à limiter sa puissance, pièce dont doit pourtant être équipé un quad lors de son homologation en Suisse. Il convient donc d’examiner si les prévenus avaient une position de garant envers les participants, étant précisé que les premiers juges, estimant
prima facie
qu’il y aurait lieu d’exclure cette position, ont laissé la question ouverte, au motif que les autres éléments constitutifs de l’infraction n’étaient pas réalisés.
S’agissant de S._, il résulte de l’instruction que la manifestation a été organisée par ce dernier. Il a en particulier rédigé et passé le contrat avec l’entreprise T._ Sàrl portant sur la location de quads et l’organisation de la manifestation (cf. P. 12). Il a ainsi trouvé le terrain, rassemblé l’équipement nécessaire (quads et casques) et délimité le parcours. Même si le contrat précité est très succinct, il mentionne que la manifestation devait avoir lieu «
dans une gravière à Avenches sans risque
» et qu’en cas d’accident, toute responsabilité était exclue, précision qui reste toutefois sans portée sur le plan pénal. Il résulte ainsi de ce document que S._ était l’organisateur de la manifestation et que l’activité qui y était déployée comportait des risques d’accident. Il en découle un devoir juridique d’agir, la personne en charge d’organiser une manifestation potentiellement dangereuse devant en effet prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité des participants. Dans ces circonstances, il convient d’admettre que S._ avait une position de garant.
Quant aux deux autres prévenus, la situation est différente. Ces derniers ne sont pas parties au contrat précité. Certes, V._ est le propriétaire de la gravière où la manifestation a eu lieu. Selon les déclarations de S._, ce dernier l’a mise gratuitement à sa disposition (PV aud. 1, R. 1). Pour sa part, V._ a déclaré que «
c’est la première fois qu’une telle manifestation était organisée. Toutefois, je précise que j’ai mis la gravière à disposition de M. S._. Ce dernier m’a demandé de lui louer la place 2 à 3 semaines avant. Je n’ai eu connaissance du contrat avec l’entreprise T._ SA qu’après l’accident
» (PV aud. 9, R. 9). Il n’est dès lors pas établi qu’il ait organisé la manifestation avec S._. Dans ces circonstances, V._ n’avait aucun devoir particulier découlant de la loi ou d’un acte juridique et le seul fait d’avoir mis un terrain à disposition ne suffit pas encore à fonder une position de garant. Par ailleurs, la remise de son quad, soit celui avec lequel l’accident a eu lieu, à l’organisateur de la manifestation ne crée pas en soi d’obligations vis-à-vis des utilisateurs de l’engin. Quant à C._, qui s’est limité à mettre deux quads à disposition de S._ et à l’aider durant la manifestation, il n’avait, pas plus que V._, de devoir vis-à-vis des participants, auxquels il n’est lié ni par une disposition légale ni par un acte juridique. En résumé, pour ces deux prévenus, à défaut d’assumer un rôle décisionnel dans l’organisation et le déroulement de la manifestation, leur responsabilité ne peut être recherchée.
Par conséquent, seul S._ se trouvant dans une position de garant, la libération de ses coprévenus du chef d’accusation d’homicide par négligence doit être confirmée.
4.3
Violation des devoirs de prudence
Sur la base des faits retenus dans l’acte d’accusation, complétés par les conclusions de l’autopsie du corps de la victime relatives au taux d’alcoolémie et de THC, les premiers juges ont estimé qu’aucune mesure concrète n’aurait pu être prise pour éviter l’accident qui semblait être dû à la fatalité. Ils ont ainsi considéré qu’il n’y avait pas eu de violation des règles de prudence, donc aucune négligence, de la part des prévenus.
4.3.1
Le premier reproche formulé par les appelants a trait au choix du terrain, qu’ils considèrent comme inadéquat, car trop difficile et non balisé.
S’agissant du choix proprement dit du terrain, il est relevé que, par nature, le quad, du moins quand il s’agit d’un usage sportif ou ludique comme en l’espèce, se pratique en principe hors route, en terrain meuble. Le contrat passé entre S._ et T._ Sàrl prévoyait d’ailleurs la mise à disposition d’une gravière. Selon le cahier photographique (P. 14), cette gravière, d’aspect classique, comporte des portions planes, de type « pistes » et des buttes de différentes grandeurs; il y a également certaines ornières le long de ces pistes (cf. photographies n° 6 et 7). Si le fait de rouler sur les portions planes ne devrait en principe pas poser de problème, tel n’est pas le cas lorsqu’un conducteur entreprend de gravir ou de descendre les buttes, ou s’il roule dans des ornières. Le choix proprement dit du terrain ne constitue donc pas en soi une violation du devoir de prudence, si certaines mesures de sécurité sont prises. S’agissant plus particulièrement du balisage des zones éventuellement prohibées, il résulte de l’instruction que le terrain emprunté n’était pas balisé, à l’exception du fond de la gravière pour éviter que les participants ne sortent de celle-ci (cf. PV aud. li. 67 à 72). Cela étant, la cour constate qu’à l’endroit de l’accident, le chemin emprunté par la victime comportait des obstacles naturels, de sorte qu’un balisage n’était pas nécessaire. Par ailleurs, il est établi que B.N._ a perdu la maîtrise de son quad sur une surface plane en voulant éviter une ornière ou une aspérité du terrain et que son engin a alors dévié de sa trajectoire pour se diriger vers une butte en bordure de piste. Dès lors, au regard du processus accidentel, le fait que le parcours eut été délimité n’aurait rien changé à la situation. Le défaut de balisage ne constitue donc pas une violation des règles de prudence dans le cas d’espèce.
4.3.2
Le deuxième reproche formulé par les appelants concerne le manque d’instructions. Ce grief comprend également l’absence ou l’insuffisance de reconnaissance sur le terrain.
Les premiers juges ont retenu que les trois prévenus, en particulier S._, avaient donné aux participants les instructions minimales nécessaires à la conduite de l’engin, à savoir qu’ils les avaient instruits sur les commandes de base des quads, soit le levier de gaz et la pédale de freins (jgt., p. 22). Tout en admettant que les instructions sur le maniement de ces engins avaient été sommaires, ils ont relevé qu’ils ne voyaient pas ce qui aurait pu être expliqué plus concrètement pour prévenir l’accident (jgt., p. 23).
Il résulte des déclarations de tous les participants que les instructions ont été très sommaires, voire inexistantes, et n’ont concerné que le maniement des gaz et des freins. En particulier, il ne résulte pas de ces témoignages que l’un ou l’autre des prévenus aurait donné des instructions précises sur le pilotage ainsi que sur la manière de conduire et de se tenir sur un quad pour éviter de se mettre en situation de déséquilibre. Or, les trois intéressés, qui s’y connaissent, sont unanimes pour dire que la conduite d’une telle machine est délicate, voire difficile (cf. PV aud. 10, li. 82 ss; PV aud. 11, li. 45 ss; PV aud. 12, li. 26-27). Par ailleurs, ce type de conduite diffère sensiblement de celle d’une voiture ou d’une moto. Il est donc manifeste que la maîtrise d’un quad nécessite un certain apprentissage. Or, dans le cas d’espèce, les participants n’ont reçu qu’une instruction sommaire portant uniquement sur l’utilisation des commandes de base. L’envoi de débutants sur une piste qui n’était pourtant pas plane créait dès lors un risque, qui s’est au demeurant concrétisée puisque plusieurs conducteurs ont perdu la maîtrise de leur engin et sont sortis de leur trajectoire.
S’agissant des tours de reconnaissance, les prévenus ont affirmé que S._ y avait procédé pour chaque groupe (PV aud. 1, R. 3; PV aud. 9, R. 6; PV aud. 11, li. 60-63). Cependant, il résulte des déclarations des participants que cela n’a pas été le cas, seul le premier groupe ayant eu droit à cette mesure en suivant l’organisateur (PV aud. 3, R. 6; PV aud. 4, R. 6; PV aud. 5, R. 6; PV aud. 6, R. 6; PV aud. 7, R. 6; PV aud 8, R. 6; PV aud. 13, li. 63-64). Face à l’unanimité de ces déclarations, la Cour de céans est convaincue que les prévenus tentent de minimiser leur responsabilité et qu’il n’y a pas eu, sauf pour le premier groupe, de reconnaissance sur le terrain, ni par conséquent d’indications quant aux difficultés et aux particularités du parcours. Cela constitue donc également une violation des devoirs de prudence.
4.3.3
Le troisième reproche formulé par les appelants concerne le manque de surveillance.
En l’occurrence, il résulte de l’instruction que la surveillance des conducteurs n’a pas été totalement absente : ainsi, S._ a déclaré avoir dû intervenir dans le troisième groupe car certains participants ne respectaient pas les consignes données et devaient être calmés (PV aud. 1, R. 3; PV aud. 10, li. 98 ss). C._ a pour sa part indiqué avoir remarqué, à un moment donné, que la future victime n’était pas à l’aise et qu’elle commettait des erreurs de positionnement sur le quad (PV aud. 11, li. 82 ss). On peut donc déduire de ces déclarations qu’une surveillance sommaire était bien en place. Il apparaît toutefois qu’elle était nettement insuffisante. La victime a notamment pu continuer à piloter son quad, alors que plusieurs témoins ont confirmé qu’elle n’était absolument pas à l’aise sur sa machine et qu’elle conduisait au ralenti, de façon hésitante et imprécise (PV aud. 3, R. 2; PV aud. 8, R. 2; PV aud. 13, li. 56-57). Il résulte également de certaines déclarations que des conducteurs ont pu se croiser (PV aud. 7, R. 8), alors que S._ a affirmé que les participants devaient rouler dans le même sens.
Dans ces circonstances, il convient d’admettre que, sur ce point également, S._ a violé ses devoirs de prudence et de diligence.
4.3.4
En résumé, la cour constate que si la victime avait été mieux instruite par l’organisateur après avoir bénéficié d’un tour de reconnaissance, l’accident aurait été vraisemblablement évité. En outre, montrant une conduite très hésitante, la victime avait pu être dissuadée de poursuivre son parcours, si une surveillance suffisante avait été mise en place par l’organisateur. En d’autres termes, pour une activité loin d’être anodine par le risque qu’elle représente, la manifestation aurait dû être organisée sur des bases de sécurité totalement différentes, comportant une instruction sérieuse du maniement du quad et une surveillance effective sur l’ensemble du parcours. S._ connaissait parfaitement les exigences de pilotage d’un quad et les risques en cas de perte de maîtrise, de sorte que son imprévoyance est fautive.
4.4
Lien de causalité entre les omissions fautives et le résultat survenu
En l’espèce, il est établi que la victime a pris le guidon sans que son groupe ait pu faire un tour de reconnaissance, ni avoir eu d’instructions particulières, sauf concernant le maniement des gaz et des freins. Il est aussi établi qu’elle n’était pas du tout à l’aise avec le pilotage d’un quad. Il est dès lors constant qu’elle ne savait pas manier son engin sur un terrain accidenté (pentes, buttes, trous et aspérités sur les portions planes). Or, l’accident a eu lieu en raison du fait que B.N._ a perdu la maîtrise du quad qu’il pilotait, à basse vitesse, sur une surface plane, en voulant éviter une ornière ou une aspérité du terrain. Son engin a ensuite dévié de sa trajectoire et gravi une butte en bordure de piste, avant de se retourner sur lui.
Dans ces circonstances, on doit admettre que si S._, qui avait seul une position de garant en tant qu’organisateur unique de la manifestation, n’avait pas violé ses devoirs de prudence tels que décrits ci-dessus, le résultat survenu, soit le décès de B.N._, aurait été évité selon le cours ordinaire des choses et de la vie. En effet, il est admis qu’un quad peut se renverser facilement et que peu de choses peuvent conduire à ce résultat, une simple « dépression ou ornière pouvant tirer le véhicule » (cf. PV d’audience du 29 novembre 2011, p. 16). L’organisateur n’a rien entrepris pour limiter les risques liés à l’utilisation d’un quad et éviter ainsi la survenance d’un accident, dont les conséquences pouvaient évidemment être fatales. Dans ces circonstances, le lien de causalité tant naturelle qu’adéquate est réalisé entre les manquements du prévenu S._ et le décès B.N._.
Reste à examiner si le comportement de la victime le jour des faits était de nature à rompre ce lien. En l’occurrence, il est établi que B.N._ avait bu de l’alcool et consommé du cannabis (cf. lettre C chiffre 2 supra). Son alcoolémie se situait en-dessous du seuil légal; son taux de THC était quant à lui légèrement supérieur à la limite admise par l’Office fédéral des routes. La victime aurait donc dû s’abstenir de conduire. Toutefois, au regard des faibles valeurs retenues, sa faute n’apparaît pas assez importante pour reléguer à l’arrière-plan la responsabilité du prévenu, étant rappelé au surplus qu’aucun participant n’a remarqué que le jeune homme était inapte à la conduite en raison de son état physique. Il n’y a donc aucune interruption du lien de causalité en raison du comportement de la victime.
4.5
En conclusion, S._ doit être reconnu coupable d’homicide par négligence au sens de l’art. 117 CP, toutes les conditions visées par cette disposition étant réalisées.
5.
Il convient d’examiner la peine à infliger à S._.
5.1.1
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (TF 6B_85/2013 du 4 mars 2013 c. 3.1; ATF 134 IV 17 c. 2.1; ATF 129 IV 6 c. 6.1).
5.1.2
Selon l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire, d'un travail d'intérêt général ou d'une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits. Le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. En l'absence de pronostic défavorable, il doit accorder le sursis. Celui-ci est ainsi la règle, dont le juge ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable ou hautement incertain (ATF 134 IV 1 c. 4.2.2).
5.2.1
En l’espèce, la culpabilité de S._ n’est pas symbolique. Les négligences se sont cumulées. Alors qu’il était un adepte du quad et qu’il connaissait les dangers liés à cette pratique, il n’a rien entrepris pour limiter les risques et éviter la survenance d’un accident, dont les conséquences pouvaient être dramatiques, se contentant d’une instruction et d’une surveillance sommaires. A décharge, la cour tiendra compte de la situation personnelle et familiale stable du prévenu, ainsi que des regrets exprimés, étant rappelé que l’absence d’antécédents
a, sauf circonstances exceptionnelles, un effet neutre sur la fixation de la peine (ATF
136 IV 1 c. 2.6.4).
Au vu de ces éléments, la Cour de céans estime qu’une peine pécuniaire de 60 jours-amende sanctionne adéquatement le comportement de S._. Compte tenu de sa situation financière, notamment d’un salaire moyen net de 4'250 fr. et de ses charges financières mensuelles (cf. lettre C chiffre 1.3 supra), le montant du jour-amende doit être arrêté à 50 francs.
5.2.2
Enfin, en l'absence de pronostic défavorable, le prévenu étant condamné pour la première fois, l’exécution de la peine prononcée doit être
suspendue et le délai d’épreuve fixé au minimum légal de deux ans.
6.
Conclusions civiles
6.1
Les appelants requièrent
une indemnité pour tort moral d’un montant de 30'000 fr. pour B.Y._ et de 50'000 fr. pour D.Y._.
6.1.1
Selon l'art. 47 CO, le juge peut, en tenant compte de circonstances particulières, allouer à la victime de lésions corporelles ou, en cas de mort d'homme, à la famille une indemnité équitable à titre de réparation morale.
L’indemnité pour tort moral a pour but de compenser le préjudice que représente une atteinte au bien-être moral. Le principe d’une indemnisation du tort moral et l’ampleur de la réparation dépendent d’une manière décisive de la nature et de la gravité de l’atteinte, de l’intensité et de la durée des effets sur la personne atteinte, de l’importance de la faute du responsable, d’une éventuelle faute concomitante du lésé ainsi que de la possibilité d’adoucir de façon sensible, par le versement d’une somme d’argent, la douleur physique ou morale qui en résulte (TF 6B_12/2011 du 20 décembre 2011 c. 9.1; ATF 132 II 117 c. 2.2.2; 123 III 306 c. 9b). Toute comparaison avec d’autres affaires doit intervenir avec prudence, puisque le tort moral touche aux sentiments d’une personne déterminée dans une situation donnée et que chacun réagit différemment face au malheur qui le frappe. Cela étant, une comparaison n’est pas dépourvue d’intérêt et peut, suivant les circonstances, être un élément utile d’orientation (TF 6S_295/2003 du 10 octobre 2003 c. 2.1; ATF 125 III 269 c. 2a).
La jurisprudence avait laissé ouverte la question de savoir si le concubin du défunt pouvait prétendre à une indemnité pour tort moral
(ATF 114 II 144 c. 3a). Toutefois, dans un récent arrêt (TF 6B_368/2011 du 2 février 2012), le Tribunal fédéral a retenu que le concubin devait pouvoir être considéré comme un « proche », soit comme une personne qui vivait dans l'entourage du défunt et qui entretenait avec lui des relations étroites, et ne devait donc pas être exclu du champ d’application de l’art. 47 CO au seul motif qu’il n’était pas de la « famille » (ibid. c. 2.3.2 et la doctrine citée). Les juges fédéraux ont toutefois précisé que seule la personne vivant dans une relation de concubinage stable devait pouvoir être considérée comme tel et se voir, par conséquent, reconnaître un droit à une indemnité pour tort moral au sens de l'art. 47 CO (ibid. c. 2.3.3). Le juge doit procéder dans chaque cas à une appréciation de l'ensemble des circonstances de la vie commune afin d'en déterminer la qualité et si celle-ci peut être qualifiée de relation de concubinage stable, constituant une relation suffisamment étroite pour légitimer une indemnité pour tort moral (ibid.).
Enfin, la jurisprudence a admis le principe de l'allocation d'une indemnité pour tort moral à des enfants en bas âge, dès lors que le tort moral futur méritait réparation au même titre que le tort moral actuel (ATF 117 II 50 c. 3/bb).
6.1.2
En l’espèce, B.N._ et D.Y._ avaient respectivement 15 et 17 ans au début de leur relation en 1998. Leur couple a perduré à l’âge adulte. A compter du mois d’avril 2006, ils ont fait ménage commun et ont eu un enfant, B.Y._, en 2007. Ils entretenaient ainsi une relation de couple stable et durable. Enfin, la victime est brutalement décédée lors d’une sortie récréative, laissant seule sa compagne, qui ne travaillait pas, et leur fils de dix mois. La vie de ces derniers a ainsi été profondément bouleversée par ce décès. Par ailleurs, à l’audience de première instance, l’appelante a déclaré qu’elle suivait une psychothérapie et que son fils allait également bénéficier d’un suivi, en raison de problèmes de comportement (jgt., p. 7).
Au vu de l’ensemble de ces circonstances, il se justifie d’allouer une indemnité de tort moral d’un montant de 21’000 fr. à B.Y._ et de 24'000 fr. à D.Y._. Toutefois, afin de tenir compte adéquatement de la faute du défunt, soit de la consommation de cannabis le jour des faits, ces montants doivent être réduits d’un tiers, ce qui correspond, en définitive, à une somme de 14'000 fr. pour B.Y._ et de 16'000 fr. pour D.Y._, avec intérêts à 5% l’an dès le 28 août 2008.
6.2
La concubine du défunt réclame également une indemnité pour perte de soutien d’un montant de 633'414 fr. 60.
Dans la mesure où il n’est pas possible de vérifier les calculs auxquels s’est livrée cette dernière sans envisager un travail disproportionné, il se justifie de faire application de l’art. 126 al. 3 CPP et de renvoyer D.Y._ à agir par la voie civile.
7.
Reste à examiner la question des frais et dépens de première instance.
Compte tenu de la condamnation de S._,
une part des frais de première instance,
arrêtée à 5'000 fr., doit être mise à la charge de ce dernier, le solde étant laissé à la charge de l’Etat (art. 426 al. 1 CPP). Ce montant correspond à un tiers environ des frais judiciaires totaux, soit 34’360 fr. 40, sous déduction des indemnités d’office allouées à Me De Courten, par 13’471 fr., et à Me Bloch, par 1'826 fr. 40. Par ailleurs, a
ucune indemnité au sens de l’art. 429 ne doit être allouée au condamné pour la procédure de première instance (art. 429 al. 1 CPP a contrario). Pour leur part, D.Y._ et B.Y._ ont droit à des dépens de l’art. 433 CPP. Leurs prétentions seront toutefois traitées ci-dessous (cf. c. 8.2 infra).
8.
En définitive, l’appel de D.Y._ et B.Y._ doit être partiellement admis et le jugement entrepris réformé dans le sens des considérants qui précèdent.
8.1
Vu l’issue de la cause,
l’indemnité d’office allouée à Me Alix De Courten pour la procédure d’appel d’un montant de 1'976 fr. 40
,
TVA et débours inclus,
est mise à la charge des appelants (ATF 139 IV 45 c. 1). L
es autres frais d’appel, à savoir l’émolument d’arrêt, par 3'120 fr.,
seront mis par un tiers à la charge de S._ et par deux tiers à la charge de D.Y._ et B.Y._.
8.2
Les appelants ont conclu à l’allocation d’une indemnité de l’art. 433 CPP d’un montant de 7'287 fr. 20 pour les opérations jusqu’au 7 décembre 2011 et de 11'984 fr. 75 pour les opérations jusqu’à l’audience d’appel, selon notes d’honoraires produites (P. 153). Ces derniers ayant obtenu gain de cause s’agissant du prévenu S._, il se justifie de leur allouer des dépens réduits à un montant de 6'500 fr., à charge du condamné, les opérations concernant les autres prévenus n’étant pas indemnisées.
Enfin, V._ a conclu à l’allocation d’une indemnité de l’art. 429 CPP d’un montant total de 25'000 fr., selon note d’honoraires produite (P. 156), montant comprenant les dépens alloués en première instance par 20'000 francs. L’indemnité de l’art. 429 CPP pour la procédure de première instance, d’un montant de 19'996 fr. 70, est confirmée et demeure à la charge de l’Etat. Au vu de la nature de la cause, de la connaissance du dossier obtenu en première instance et des opérations effectuées en appel, c’est une indemnité de 3'000 fr., à charge des appelants (ATF 139 IV 45 c. 1), correspondant à dix heures d’activité au tarif usuel de 300 fr., qui doit être allouée à V._ pour la procédure d’appel, TVA en sus.
9.
Il s’avère que le dispositif communiqué après l’audience d’appel est entaché d’une erreur manifeste à son chiffre VI en tant qu’il alloue au prévenu V._ une indemnité de l’art. 433 CPP, et non de l’art. 429 CPP. En application de l’art. 83 CPP, il sera rectifié d’office. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
2c0d23a9-aa9c-4bda-9ac1-8bf0c40a367b | En fait :
A.
Par jugement du 4 novembre 2014, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a constaté que E._ s’est rendu coupable de banqueroute frauduleuse et fraude dans la saisie (I), l’a condamné à une peine privative de liberté de 20 mois (II), a suspendu l’exécution de la peine privative de liberté et fixé un délai d’épreuve de 5 ans (III), a rejeté la demande d’indemnité fondée sur l’art. 429 CPP de E._ (IV) et a mis les frais de la cause arrêtés à 5'260 fr. à la charge de ce dernier (V).
B.
Par annonce du 14 novembre 2014, puis déclaration motivée du 8 décembre suivant, E._ a formé appel contre ce jugement, en concluant, avec suite de frais et dépens, principalement à sa réforme en ce sens qu’il est libéré du chef d’accusation de banqueroute frauduleuse et fraude dans la saisie, et subsidiairement à son annulation, la cause étant renvoyé au tribunal correctionnel pour nouveau jugement. Plus subsidiairement, il a conclu à ce qu’il soit condamné à une peine fixée à dire de justice mais n’excédant pas douze mois de privation de liberté avec sursis pendant deux ans.
A l’audience d’appel, le Ministère public a conclu au rejet de l’appel et à la confirmation du jugement entrepris.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Ressortissant suisse, E._ est né le [...] 1949 à [...] au Maroc. Il a effectué sa scolarité primaire et secondaire dans son pays natal. Ayant dû incorporer l’armée l’année de son baccalauréat, il n’a pas pu passer cet examen. Après avoir été libéré de ses obligations militaires en 1968, il a travaillé comme secrétaire pour une entreprise marocaine de travaux publics. Il est arrivé en Suisse dans les années 1970 en qualité de touriste, puis a décidé de s’y installer. Il n’a pas pu suivre une formation universitaire en droit comme il l’aurait souhaité car son immatriculation lui a été refusée. Il a alors occupé divers emplois, d’abord en qualité de représentant de commerce pour la société d’éditions [...], puis dans la vente. Il a ensuite travaillé dans l’immobilier en tant que stagiaire, puis comme collaborateur dans une petite agence. Après avoir entrepris un apprentissage, il a pu obtenir l’autorisation d’exercer comme courtier. Il a ainsi conclu de nombreuses affaires et fondé, en 1987, sa propre entreprise. A sa sortie de prison ensuite de sa condamnation en 2002, il a vendu la société [...] SA à un avocat parisien avec qui il a eu de nombreux litiges pendant plus de 10 ans. Il est désormais à la retraite et perçoit une rente AVS d’un montant de 1'612 fr. par mois. Il n’a pas d’autres sources de revenu; en particulier il ne perçoit ni rente LPP, ni troisième pilier. Marié depuis 40 ans, il vit avec son épouse à St-Sulpice dans une maison appartenant à ses trois enfants. Sa femme, qui travaille dans un magasin de fleurs, participe à son entretien. Le prévenu n’a pas de fortune, mais a des dettes pour plusieurs centaines de milliers de francs. Sa prime d’assurance maladie s’élève à environ 200 fr. par mois. Il ne paie pas de loyer et s’occupe régulièrement de sa mère. Selon ses dires, il serait dans l’attente d’une opération médicale qu’il retarde depuis deux ans faute de moyens financiers.
Son casier judiciaire fait état de la condamnation suivante :
- 20 avril 2005, Tribunal d’arrondissement de Lausanne, diffamation, amende 400 francs.
E._ a en outre été condamné le 11 octobre 2002 par le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne pour banqueroute frauduleuse à 12 mois d’emprisonnement, sous déduction de 314 jours de détention préventive, avec sursis pendant 2 ans, peine complémentaire à celle infligée le 21 avril 1992 par le Tribunal de police de Lausanne.
2.
2.1
Entre les mois de mai et juillet 2008, E._, alors qu’il faisait l’objet de procédures de poursuites, a omis d'annoncer à l'Office des poursuites compétent qu'il avait perçu de la part de la société J._ SA des commissions de courtage, respectivement des avances sur commissions de courtage, pour plusieurs centaines de milliers de francs, soit à tout le moins :
- 100'000 fr. de commissions;
- 130'000 fr., 175'000 euros et 210'00 euros d’avances sur commissions.
Dans le cadre de ces procédures de poursuites, des actes de défaut de biens ont été délivrés aux créanciers.
2.2
Entre le mois d’octobre 2008 et le mois de novembre 2010, dans les mêmes circonstances, E._ a omis de déclarer à l’Office des poursuites compétent qu’il percevait mensuellement de la société Q._ SA la somme de 1'455 fr. 85, par le truchement du paiement des traites de leasing d’un véhicule de marque AUDI modèle A6 mis à sa disposition exclusive par la société J._ SA, notamment en rétribution du travail qu’il effectuait pour le compte de la société Q._ SA, exploitée par sa fille. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux (art. 399 CPP) par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de E._ est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
S’agissant des commissions et des avances sur commissions, les premiers juges ont retenu que le prévenu, en ne déclarant pas à l’Office des poursuites les montants perçus, avait dissimulé des valeurs patrimoniales au préposé de l’Office qui l’interrogeait dans le cadre de la procédure de poursuites; cette omission de déclarer constituait une diminution fictive de l’actif, l’intéressé étant tenu d’annoncer ses revenus durant la procédure de poursuites afin d’en permettre la saisie le cas échéant (jgt., p. 9). Quant aux actes de défaut de biens, les premiers juges ont relevé qu’il s’agissait d’une condition objective de punissabilité, de sorte qu’un lien de causalité n’était pas nécessaire entre le comportement du prévenu et ces actes, leur délivrance durant la procédure étant suffisante, ce qui était attesté par lettre du 16 (
recte
26) avril 2011 de l’Office des poursuites. Ils ont retenu que les actes de défaut de biens avaient été délivrés après la réception des commissions et avances sur commissions (jgt., p. 10). Sur le plan subjectif, le tribunal correctionnel a considéré que le fait que le prévenu ait dépensé la somme en question en si peu de temps en omettant d’annoncer ses revenus à l’Office des poursuites démontrait sa volonté manifeste de nuire à ses créanciers (jgt., p. 11). Enfin, s’agissant des montants versés par Q._ SA à l’institut de leasing pour le véhicule AUDI laissé à la disposition du prévenu, les premiers juges les ont considérés comme un revenu caché, les traites de leasing profitant en effet exclusivement à l’intéressé; celui-ci aurait donc dû les déclarer à l’Office des poursuites (jgt., p. 11).
4.
Se prévalant d’une violation de la maxime d’accusation, respectivement du principe d’immutabilité de l’accusation, l’appelant soutient que les premiers juges ne pouvaient pas s’écarter de l’acte d’accusation du 14 mars 2014 en retenant des faits qui n’y étaient pas décrits et qui n’avaient de surcroît pas fait l’objet d’une instruction. Il soutient que cet acte d’accusation, contrairement au jugement entrepris, retient que des actes de défaut de biens ont été délivrés
avant
la réception des valeurs patrimoniales. Or selon lui, il ne peut y avoir de banqueroute frauduleuse et de fraude dans la saisie si la dissimulation des valeurs intervient avant la délivrance des actes de défaut de biens. De plus, l’acte d’accusation ne préciserait pas à quelle(s) date(s) il se serait rendu coupable des dissimulations qui lui sont reprochées.
4.1
4.1.1
L'art. 9 CPP consacre la maxime d'accusation. Selon cette disposition, une infraction ne peut faire l'objet d'un jugement que si le ministère public a déposé auprès du tribunal compétent un acte d'accusation dirigé contre une personne déterminée sur la base de faits précisément décrits.
Le prévenu doit ainsi connaître exactement les faits qui lui sont imputés et les peines et mesures auxquelles il est exposé, afin qu'il puisse s'expliquer et préparer efficacement sa défense (ATF 126 I 19 c. 2a; ATF 120 IV 348 c. 2b). Le tribunal est lié par l'état de fait décrit dans l'acte d'accusation, mais peut s'écarter de l'appréciation juridique qu'en fait le ministère public (art. 350 al. 1 CPP), à condition d'en informer les parties présentes et de les inviter à se prononcer (art. 344 CPP). Le principe de l'accusation découle également de l'art. 29 al. 2 Cst. (droit d'être entendu), de l'art. 32 al. 2 Cst. (droit d'être informé, dans les plus brefs délais et de manière détaillée, des accusations portées contre soi) et de l'art. 6 par. 3 let. a CEDH (droit d'être informé de la nature et de la cause de l'accusation). Les art. 324 ss CPP règlent la mise en accusation, en particulier le contenu strict de l'acte d'accusation. Selon l'art. 325 CPP, l'acte d'accusation désigne notamment les actes reprochés au prévenu, le lieu, la date et l'heure de leur commission ainsi que leurs conséquences et le mode de procéder de l'auteur (let. f) ; les infractions réalisées et les dispositions légales applicables de l'avis du ministère public (let. g). En d'autres termes, l'acte d'accusation doit contenir les faits qui, de l'avis du ministère public, correspondent à tous les éléments constitutifs de l'infraction reprochée à l'accusé (TF 6B_489/2013 du 9 juillet 2013 c. 1.1).
La saisine de la juridiction de jugement est ainsi limitée aux infractions énoncées dans l’acte d’accusation et cet acte ne peut plus être modifié, sous réserve des exceptions énoncées à l’art. 333 CPP. L’accusation ne peut donc, en principe, plus être modifiée dans le cadre de la procédure judiciaire, en vertu du principe de l’immutabilité, sous réserve des art. 329, 333 et 344 CPP (Moreillon/Parein-Reymond, Petit commentaire, Code de procédure pénale, Bâle 2013, n. 2).
4.1.2
L'art. 163 ch. 1 CP punit, s'il a été déclaré en faillite ou si un acte de défaut de biens a été dressé contre lui, d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire, le débiteur qui, de manière à causer un dommage à ses créanciers, aura diminué fictivement son actif, notamment en distrayant ou en dissimulant des valeurs patrimoniales, en invoquant des dettes supposées, en reconnaissant des créances fictives ou en incitant un tiers à les produire.
Les art. 163 à 167 CP posent tous comme condition une déclaration de faillite ou la délivrance d’un acte de défaut de biens. Il s’agit d’une condition objective de punissabilité (ATF 109 Ib 317, JdT 1985 IV 32), ce qui signifie notamment que l’élément subjectif de punissabilité ne doit pas porter sur cette condition; il n’est en outre pas nécessaire qu’il y ait un lien de causalité entre le comportement fautif et la survenance de la faillite ou la délivrance de l’acte de défaut de biens (Dupuis et alii, Petit commentaire, Code pénal, Bâle 2012, n. 7 et la doctrine citée).
4.2
En l’espèce, l’argumentation de l’appelant ne peut pas être suivie. Il est vrai que ce qui est déterminant pour l’application de l’art. 163 CP n’est pas le fait que le prévenu ait omis d’annoncer à l’Office des poursuites la réception de certaines valeurs patrimoniales «
lors même que des actes de défaut de biens avaient été dressés contre lui
» comme le retient l’acte d’accusation, mais bien le fait que des actes de défaut de biens aient été délivrés dans le cadre des procédures de poursuites ouvertes contre lui.
Cela étant, le comportement répréhensible du prévenu a bien été décrit dans l’acte d’accusation. Celui-ci savait de quelle infraction il était accusé et ce qui lui était reproché. Ses agissements pouvaient en outre aisément être situés dans le temps, de sorte que l’indication de dates précises à cet égard ne paraissait pas nécessaire. Au surplus, l’absence de mention claire quant à l’élément objectif de punissabilité, tel que la délivrance d’un acte de défaut de biens et le cas échéant la date à laquelle celle-ci est intervenue, n’est pas déterminante. On ne discerne dès lors aucune violation par les premiers juges de la maxime d’accusation, respectivement du principe d’immutabilité de l’accusation.
Le prévenu, qui faisait l’objet de poursuites depuis 2006, a été entendu à plusieurs reprises par l’Office des poursuites compétent; des procès-verbaux de ses auditions ont été dressés entre le 18 juin 2007 et le 11 décembre 2008 et, compte tenu de ses déclarations, l’office a délivré des actes de défaut de biens aux créanciers (cf. la lettre du 26 avril 2011 de l’Office des poursuites de Morges, P. 9/1; jgt., p. 10).
C’est donc à bon droit que les premiers juges ont reconnu coupable E._ de banqueroute frauduleuse et fraude dans la saisie, toutes les conditions de cette infraction étant réalisées. Sa condamnation pour ce chef d’accusation doit donc être confirmée.
5.
L’appelant conteste la quotité de la peine infligée qu’il considère comme excessivement sévère.
5.1
Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 c. 2.1 p. 19 s.; 129 IV 6 c. 6.1 p. 20).
5.2
En l’espèce, la culpabilité de E._ est importante. En quelques mois, le prévenu a détourné des montants conséquents, soit plus de 800'000 fr. au total, au détriment de ses créanciers, ce qui démontre une énergie délictuelle non négligeable. Ses agissements sont intervenus quelques années seulement après une condamnation de douze mois d‘emprisonnement pour la même infraction. Malgré une longue détention préventive, il n’a toujours pas pris conscience de la gravité de ses actes. Il n’a en outre exprimé aucun regret. A décharge, il sera tenu compte de son bon comportement depuis 2008 et de sa bonne collaboration durant l’enquête. Enfin, comme l’ont dit les premiers juges, le fait que l’appelant ait utilisé les fonds détournés en faveur de sa famille ne peut pas être considéré comme un élément à décharge, le détournement ayant été opéré au préjudice de ses créanciers.
Sur la base des éléments qui précède, la peine privative de liberté de vingt mois infligée par les premiers juges – représentant au demeurant un tiers de la peine maximale prévue par l’art. 163 CP – n’est pas excessive et doit en conséquence être confirmée. Cette peine sera assortie du sursis complet et le délai d’épreuve fixé à 5 ans.
6.
En définitive, l’appel de E._ doit être rejeté et le jugement entrepris intégralement confirmé.
7.
Vu l’issue de la cause, les frais de la présente procédure, constitués du seul émolument d’arrêt, par 1’390 fr., seront mis à la charge de l’appelant qui succombe (art. 428 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
2c10c202-92be-481f-9e03-05592b200d60 | En fait :
A.
Retenant qu'K._ avait amené son fils A.J._ à [...] sans en informer son ex-conjoint, A.J._ qui n'avait ainsi pas pu exercer ses droits parentaux sur l'enfant, le Juge d’instruction de l'arrondissement de Lausanne
a, par ordonnance du 30 juillet 2010, condamné K._ pour enlèvement de mineur à 80 jours-amende à 30 fr. le jour avec sursis pendant deux ans, lui a infligé une amende de 600 fr., convertible, en cas de non paiement fautif, en une peine privative de liberté de substitution de 20 jours, et a mis les frais de procédure, par 1'725 fr., à sa charge. Cette même ordonnance comportait un non-lieu sur les préventions d’instigation à dénonciation calomnieuse et à induction de la justice en erreur, ainsi que sur la prévention de violation du devoir d’assistance et d’éducation.
K._ a fait opposition à sa condamnation le 4 août 2010 (pièce 30). La cause n'a pas été acheminée au Tribunal d'accusation, mais a été directement transmise au Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne (pièce 31) qui a interpellé l’opposante sur le maintien de son opposition.
Le 7 décembre 2010, l'opposante a requis la prolongation au 10 janvier 2011 d’un délai de procédure en faisant valoir qu'elle serait à l'étranger. Elle a simultanément requis le renvoi de l’audience de jugement (pièce 37).
Par lettre du 8 décembre 2010, le Président du Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne a accordé la prolongation du délai de procédure, mais a refusé de renvoyer l’audience fixée au 20 janvier 2011 (pièce 38).
Par lettre du 10 décembre 2010, K._ a fait valoir qu’elle serait à [...] et à l’ [...] du 26 décembre 2010 au 17 janvier 2011 pour y négocier la vente de tonnes de fromage (pièce 39).
B.
Par jugement du 20 janvier 2011, rendu par défaut, le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne, appliquant l'ancien droit cantonal en référence à l'art. 455 CPP (Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007, RS 312.0; ci-après : CPP) comportant un renvoi à l’art. 453 CPP, a constaté par défaut qu'K._ s’était rendue coupable d’enlèvement de mineur (I), l’a condamnée par défaut à une peine pécuniaire de 80 jours-amende à 30 fr. le jour et à une amende de 600 fr. (II), a accordé un sursis de 3 ans à la peine de jours-amende (III), a fixé une peine privative de liberté de substitution de 6 jours à l’amende (IV) et a mis les frais, par CHF 2’425.-, à la charge de la condamnée (V).
K._ a contesté ce jugement par lettre du 4 février 2011 (pièce 41), acte que le tribunal a traité comme un appel. Une déclaration d’appel a été déposée le 11 mars 2011 (pièce 44), accompagnée notamment d’un billet d’avion pour l'Île Maurice indiquant :
"aller le 24 décembre 2010 et retour le 16 janvier 2011.".
Par lettre du 15 mars 2011, le Président de la Cour de céans a indiqué au Juge de première instance que, dès lors qu’il avait appliqué l'ancien Code de procédure pénale du 12 septembre 1967 (en vigueur jusqu'au 31 décembre 2010; RSV 312.01; ci-après : CPP-VD), la demande de nouveau jugement était un relief de l’ancienne procédure et non un appel de la nouvelle procédure fédérale, le dossier étant par conséquent retourné en première instance pour traiter la requête de relief (pièce 45).
Le 14 avril 2011, une citation à comparaître à l'audience du Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne du 30 juin 2011 a été adressée K._.
Par télécopie du 30 juin 2011, comportant en annexe un certificat médical du Dr X._, interniste à Genève, selon lequel la patiente présentait une incapacité de travail totale du 30 juin au 2 juillet 2011 pour cause de maladie, K._ a annoncé au juge saisi de la requête de relief qu’elle serait absente l’après-midi du même jour à 14 h 30 et qu’elle entendait consulter le dossier pour se défendre seule (pièce 47).
C.
Par jugement du 30 juin 2011, le Tribunal de police de l'arrondissement Lausanne, constatant le défaut de la requérante au relief, a confirmé le jugement par défaut du 20 janvier 2011 et mis les frais de reprise de cause, par 400 fr., à la charge de la condamnée.
Le dispositif de ce dernier jugement a été notifié à K._ le 8 juillet 2011. Le même jour, la prénommée a déposé une annonce d’appel comprenant une ébauche de motivation, soit qu'elle avait souffert d'une chute de tension qui l'avait empêchée de comparaître et qu'elle contestait l'infraction d'enlèvement de mineur retenue à son encontre. A l'appui de son appel, elle a produit le certificat médical établi par le Dr [...] le 30 juin 2011 dont il ressort que, K._ était totalement incapable de travailler du 30 juin au 1
er
juillet 2011 pour cause de maladie, le travail pouvant être repris à 100 % dès le 2 juillet 2011. Elle a également produit une ordonnance médicale du 5 juillet 2011 signée de la main dudit médecin prescrivant de l'Effortil, ainsi que le dispositif du jugement entrepris (pièces 49).
Le jugement motivé lui ayant été notifié le 27 juillet 2011, K._ a déposé une déclaration d’appel le 17 août 2011 en évoquant exclusivement les circonstances de son défaut à l’audience de relief. La prévenue a encore versé au dossier un extrait du jugement entrepris du 30 juin 2011, sa requête du 17 août 2011 tendant à ce que le Dr X._ atteste que, malade, elle n'avait pas pu se rendre à l'audience du 30 juin 2011, la copie du rendez-vous médical fixé au 30 juin à 9 h 45, ainsi que l'emballage du médicament Effortil (pièces 51/2, 51/3, 51/4 et 51/5).
Par mémoire complémentaire du 11 novembre 2011, K._ a derechef contesté le chef d'accusation retenu contre elle et requis que "
soient ajoutés aux dossiers
" les rapports concernant l'état de santé de son enfant, B.J._, qu'elle dit avoir voulu préserver car son ex-conjoint
"ne remplissait pas ses devoirs d'éducation". | En droit :
1.
Il convient d'examiner, sous l'angle du droit transitoire, si le défaut de la prévenue à la première audience de jugement, soit celle du 20 janvier 2011, devait déboucher sur un relief conformément à la procédure pénale vaudoise ou sur une procédure par défaut selon la procédure pénale fédérale.
1.1
Intitulé "
Opposition contre les ordonnances pénales
", l’art. 455 CPP prévoit que l’art. 453 CPP est applicable par analogie aux oppositions contre les ordonnances pénales. L’art. 453 al. 1 CPP dont le titre est
"Décisions rendues avant l’entrée en vigueur du présent code
", dispose que les recours formés contre les décisions rendues avant l’entrée en vigueur du présent code sont traitées selon l’ancien droit par les autorités compétentes sous l’empire de ce droit.
1.2
En l’espèce, l’opposition du 4 août 2010 a été formée contre une ordonnance de condamnation du 30 juillet 2010. Cette ordonnance est assimilable à un jugement de première instance, de sorte que c'est à juste titre que le Tribunal de police a appliqué la procédure pénale vaudoise (Pfister-Liechti, Commentaire Romand du code de procédure pénale suisse n. 1 ad art. 455 CPP, p. 1966). Le défaut de l’accusée à l’audience de jugement a donc entraîné sa condamnation par défaut (art. 398 CPP-VD). La procédure pénale vaudoise demeure applicable à la procédure permettant au défaillant d’être jugé en contradictoire, soit
in casu
à la procédure de relief (art. 403 al.1 CPP-VD) et aux conséquences du défaut à l’audience de relief, soit la confirmation du premier jugement (art. 408 CPP-VD). Le premier juge était donc fondé à ne pas fixer une nouvelle audience et à ne pas engager une procédure par défaut au sens des art. 366ss CPP.
2.
Le nouveau droit s’applique en revanche à une éventuelle procédure de recours, de sorte que l’appel est ouvert auprès de la Cour de céans contre le jugement de première instance du 30 juin 2011 (art. 454 al. 1 CPP) rendu à la suite d’une opposition à une ordonnance de condamnation (Pfister-Liechti, op. cit. n. 2 ad art. 455 CPP, p. 1966).
Déposé à temps et contenant des conclusions suffisantes, l'appel est recevable (art. 399 al. 1 et 3 CPP).
L'appel de K._ ne pose qu'une question de droit : soit celle de savoir si le premier juge pouvait appliquer l'art. 408 CPP-VD. Ainsi, en vertu de l'art. 406 al. 1 let. a CPP, la juridiction de céans est fondée à traiter l’appel en procédure écrite.
2.1
Le grief de violation du droit de l’art. 398 al. 3 let. a CPP incluant la violation de la procédure de première instance (Kistker Vianin, Commentaire Romand du code de procédure pénale suisse, n. 15 ad art. 398 CPP, p. 1774), invoquée dans le cas d’espèce, l’examen auquel la Cour d’appel doit procéder consiste à vérifier l’application correcte de la procédure pénale vaudoise (CAPE 29 mars 2011/12).
Comme le jugement du 30 juin 2011 le constate, l’appelante a été régulièrement citée à comparaître à l'audience du même jour. A 10 h 50, utilisant le fax du
"Garage des 4 anneaux"
à Genève (pièce 47), elle a envoyé au Tribunal une télécopie, dont le contenu est décrit ci-dessus, pour demander le renvoi de l’audience de jugement censée débuter l’après-midi du même jour à 14 h 30. Aux termes de l’art. 407 CPP-VD, ce renvoi ne devait être ordonné que si l’intéressée avait établi son empêchement de se présenter par force majeure. L’appelante invoque à cet égard des raisons de santé en se référant au certificat médical du 30 juin 2011 faisant état de son incapacité de travail à 100 % du 30 juin au 2 juillet 2011. Le premier juge a considéré que l'appelante avait pu se rendre chez son médecin ainsi que dans un garage, que les pièces médicales produites établissaient une incapacité de travail, non pas une incapacité de comparaître, et qu’en définitive, le contenu de ce document ne constituait pas un motif valable pour justifier le défaut.
Dans ses écritures en appel (pièces 49 et 51/1), K._ a précisé qu’elle souffrait, le jour de l’audience, d’une importante chute de tension associée à un vertige et qu’elle s’était rendue dans un garage proche de son lieu de travail après son rendez-vous chez son médecin à 9 h 45, qui lui a notamment prescrit le 5 juillet 2011 des gouttes d’Effortil (2 x 8 gouttes par jour), parce que la poste était trop éloignée pour s’y rendre en vue d’envoyer sa requête de renvoi au tribunal.
En faisant abstraction de ces explications qui n’ont pas force de preuve pour s’en tenir uniquement à la teneur du certificat médical comme telle, à son mode d’acheminement et à l’ordonnance d’Effortil, on constate qu’à dires de médecin l’appelante n’était pas hors d’état de comparaître, mais uniquement de travailler. K._ pouvait en revanche se déplacer par ses propres moyens, s’étant rendue au travail, chez son médecin et dans un garage avant de regagner son domicile. De plus, la prévenue était en mesure d’absorber immédiatement le médicament prescrit par son médecin et améliorer ainsi aussitôt son confort, ce qu'elle a d'ailleurs fait, selon ses dires, juste avant de faxer son certificat médical au Tribunal de police.
2.2
Ces circonstances ne révèlent donc pas un empêchement de comparaître de force majeure et c’est donc à bon droit que le jugement par défaut du 20 janvier 2011 a été confirmé et que les frais de reprise de cause ont été mis à la charge de l’appelante. L’appel doit donc être rejeté au frais de son auteur (art. 428 al. 1 CPP; art. 20 et 21 TFJP, tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010; RSV 312.03.01).
2.3
Pour le surplus, et vu ce qui précède, il convient de rejeter également la requête en production de preuves présentée en procédure d'appel le 11 novembre 2011 (pièce 59, soit des rapports relatifs à l'état de son fils, documents émanant de la famille de l'appelante), dès lors qu'elle est tardive et dénuée de pertinence (art. 399 al. 3 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
2c3c9450-94b1-4e60-8878-edd3cf44198d | En fait :
A.
Par jugement du 6 avril 2011, le Tribunal de police de l’arrondissement de l'Est vaudois a reconnu K._ non-coupable de lésions corporelles simples et l'a acquittée (I), a éconduit d'instance la Caisse Primaire d'assurance-maladie [...] (II), a donné acte à A.D._ de ses réserves civiles contre K._ et rejeté ses conclusions en dépens pénaux (III), a ordonné le maintien au dossier comme pièce à conviction du CD de vidéo-surveillance séquestré en cours d'enquête (pièce 9) (IV) et a laissé les frais de la cause fixés à 5'678 fr. 90 à la charge de l'Etat (V).
B.
Le 7 avril 2011, A.D._, partie plaignante, a formé appel contre ce jugement.
Par déclaration d'appel motivée du 2 mai 2011, A.D._ a contesté l'acquittement de la prévenue, soutenant avoir été agressée et poussée volontairement et violemment par celle-ci, occasionnant ainsi sa chute et la fracture de son poignet, toute défense légitime ou excusable étant exclue selon elle. Faisant valoir une constatation incomplète ou erronée des faits par le tribunal, elle a conclu à ce que K._ soit déclarée coupable de lésions corporelles simples au sens de l'art. 123 CP, subsidiairement de lésions corporelles simples par négligence au sens de l'art. 125 CP, à ce que cette dernière soit reconnue lui devoir un montant de 30'906 fr. 90 et à ce qu'elle soit condamnée à lui verser des dépens ainsi qu'à l'entier des frais de la cause. Comme mesure d'instruction, elle a requis que les images de la vidéo-surveillance constituant la pièce 9 du dossier soient visionnées lors de l'audience d'appel.
Le 11 avril 2011, K._, prévenue libérée, a également formé appel contre ce jugement.
Par déclaration d'appel motivée du 4 mai 2011, elle a conclu à la modification du jugement en ce sens que A.D._ ou l'Etat soit condamné à lui verser le montant de ses frais de défense par 5'000 fr., ainsi qu'une indemnité pour tort moral de 5'000 francs. Elle a fait valoir que les propos contraires à la vérité de la partie plaignante avaient entraîné la perduration de la procédure pénale et l'augmentation de ses frais de défense. Comme mesures d'instruction, elle a offert de produire des pièces et des justificatifs de ses frais de défense et du tort moral invoqué.
Aucune des appelantes ne s'est déterminée sur la procédure de l'autre au sens de l'art. 400 al. 3 CPP.
Dans le délai imparti, le Ministère public a renoncé à présenter une demande de non-entrée en matière et à déclarer un appel joint. Il a indiqué son intention de ne pas comparaître aux débats et a précisé s'en remettre à justice pour le surplus.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
K._, ressortissante brésilienne, est née en 1979. Mariée, sans enfant, elle est au bénéfice du revenu d'insertion et perçoit à ce titre 1'100 fr. net par mois.
Son casier judiciaire suisse comporte l'inscription d'une condamnation à 40 jours-amende à 20 fr. le jour, avec sursis pendant 2 ans, prononcée le 12 octobre 2007 par le Juge d'instruction de l'Est vaudois pour infraction à la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers.
2.
Le 3 octobre 2009, la prévenue K._ et la partie plaignante A.D._ ont eu une altercation au Casino de [...]. Au cours de celle-ci, la plaignante a fait une chute et s'est cassé le poignet. Elle a déposé plainte contre K._.
Plus précisément, la prévenue d'une part, et la plaignante, accompagnée de sa fille, d'autre part, installées devant les machines à sous y jouaient toutes deux, lorsque un joueur occupé à une troisième machine, non loin d'elles, s'en est allé. La prévenue et la fille de la plaignante se sont dirigées en même temps calmement vers cette troisième machine. La prévenue est arrivée la première devant l'engin, rejointe tout de suite par la fille de la plaignante, chacune revendiquant cet emplacement.. La plaignante est aussitôt intervenue pour empêcher la prévenue de jouer et lui faire quitter la place en la tirant pour que sa fille puisse utiliser la machine convoitée. C'est alors que la prévenue s'est écartée d'un ou deux pas de la machine, s'est retournée et par un geste vif, a poussé sur l'épaule gauche de la plaignante qui est tombée, déséquilibrée, en lâchant l'avant-bras gauche de la prévenue. | En droit :
1.
1.1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 3 ad art. 399 CPP). La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l’occurrence, interjetés dans les formes et délais légaux contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), les deux appels sont recevables. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
1.2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
2.
S'agissant de l'appel formé par A.D._, cette dernière conteste l'état de fait tel que retenu par le premier juge, soutenant que celui-ci ne correspond ni aux déclarations des témoins entendus lors de l'audience, ni aux images de la vidéo-surveillance visionnées par le tribunal, ni encore aux différentes pièces produites au dossier.
2.1.
Dans l'annexe à sa plainte (cf. procès-verbal d'audition par la police du 9 octobre 2009), l'appelante a indiqué qu'une femme "de type brésilien" avait insulté sa fille en disputant à celle-ci la machine à sous que toutes deux convoitaient, qu'elle s'était alors positionnée entre cette personne et sa fille pour protéger cette dernière et qu'à ce moment cette femme avait fait volte-face, l'avait attrapée par les épaules et projetée violemment à terre, ce qui avait provoqué une cassure de son poignet droit. A l'audience de première instance, elle a maintenu cette version, précisant n'avoir aucun souvenir et expliquant que la prévenue s'était disputée avec sa fille pour la machine et que, pour cette raison, elle s'était levée de sa propre machine, avait posé sa main sur l'avant-bras de la prévenue et, avant qu'elle ait eu le temps de terminer sa phrase, elle avait été projetée violemment.
De son côté, K._ a déclaré avoir voulu poser son sac sur un siège pour réserver la machine à sous qui venait de se libérer, qu'une femme lui avait signifié qu'elle voulait cette machine, puis qu'une autre dame plus âgée qui accompagnait la première l'avait saisie par le bras en tirant. Pour se dégager, elle avait fait un geste et avait poussé cette personne au niveau de la poitrine. Celle-ci déséquilibrée, avait chuté au sol en se faisant mal au poignet. Elle a ensuite confirmé sa version en disant qu'à son arrivée, la dame âgée lui avait saisi le bras avec ses deux mains et l'avait tirée pour l'éloigner de la machine et que, pour se dégager, elle l'avait à son tour poussée de la main droite au niveau de la poitrine, sans force. A l'audience, cette dernière a répété une nouvelle fois sa version, précisant avoir poussé la partie plaignante pour qu'elle lui libère le bras, sans pousser très fort et sans penser qu'elle pouvait tomber.
Le témoin N._ n’a pu confirmer que des injures avaient été proférées, ni si le comportement de la plaignante avait été agressif. Il a dit que la prévenue avait "jeté" ou "poussé loin" la plaignante.
Quant à la fille de la plaignante, B.D._, elle a déclaré que la prévenue avait été vulgaire à son égard au début du différend, l’invitant à partir, haussant la voix et usant du tutoiement, que sa mère s’était alors approchée et avait pris le bras de la dame en lui disant que l’autre joueuse était là avant elle, mais qu’elle n’avait pas eu le temps de finir sa phrase qu'elle avait été violemment poussée à terre par la prévenue qui, très énervée, persistait à tenir des propos vulgaires. Ce témoin a confirmé que sa mère s’était placée entre elle et la prévenue et qu’elle avait posé sa main sur le bras de celle-ci en voulant l’écarter. Elle a évalué la durée de toute la scène à trois à quatre minutes.
2.2.
Se fondant sur les images de la scène enregistrées par la caméra de vidéo-surveillance du casino, le premier juge a écarté la version de la plaignante au profit de celle de la prévenue pour les motifs suivant :
"
En outre, le Tribunal a pu constater en visionnant les images enregistrées par les caméras de surveillance du Casino de [...] (pièce 9) que la partie plaignante est intervenue rapidement, quelques secondes après le début de l’altercation et que, sans chercher à dialoguer, elle a aussitôt attrapé avec sa main droite l’avant-bras gauche de la prévenue et tiré l’avant-bras de cette dernière vers elle. Le Tribunal est dès lors convaincu que la partie plaignante n’est pas venue s’interposer pour défendre sa fille, mais pour empêcher la prévenue de jouer et lui faire quitter la place, pour que sa fille puisse utiliser la machine. Il est exact que la prévenue s’est écartée d’un ou deux pas de la machine et que, par un geste vif, elle a poussé sur l’épaule gauche de la partie plaignante. Pour tirer la prévenue, celle-ci avait laissé ses deux pieds en avant, au-delà de son centre de gravité. Elle a fini d’être déséquilibrée par cette poussée et est tombée lorsqu’elle a lâché l’avant-bras gauche de la prévenue. Rien n’établit que la prévenue ait eu le dessein ou le dol direct de provoquer la chute de la partie plaignante. Il apparaît qu’elle voulait lui faire lâcher prise."
2.2.1.
Dans sa déclaration d’appel, A.D._ conteste cette description des images sur deux points. Premièrement, elle soutient que son propre geste n’a consisté qu’à poser sa main sur l’avant-bras de la prévenue pour tenter de la calmer alors qu’elle injuriait sa fille et, deuxièmement, elle affirme que la poussée exercée par la prévenue à son encontre a été violente ou brutale au point d’entraîner inéluctablement sa chute et sa blessure. Elle entend également déduire de sa fracture attestée par divers certificats médicaux qu’elle résulte de sa projection au sol caractérisée par un usage disproportionné de la force ne relevant en aucun cas d’une légitime défense.
Ce dernier grief s’avère d’emblée dépourvu de pertinence. La gravité de la lésion ne résulte pas de la force de la poussée, mais d’une réception malencontreuse au sol sur le côté droit que la partie plaignante a tenté d’amortir de la main droite, ainsi que d’une apparente fragilité osseuse de ses poignets qui ont subi d’autres fractures à d’autres occasions.
Quant au geste de la plaignante, on constate sur les images qu'elle est effectivement intervenue avec énergie, vivacité et détermination, donnant l'impression de vouloir sinon en découdre, du moins d'intervenir physiquement. Ainsi, l’impression des enquêteurs selon laquelle les mouvements filmés de A.D._ montraient qu’elle était très énervée se confirme.
2.2.2.
La description de la scène par le premier juge s'avère exacte. La poussée exercée par la prévenue est puissante, mais il ne s’agit pas d’une projection, ce dans la mesure où les pieds de la plaignante n’ont pas décollé du sol. On constate plutôt que cette dernière, déséquilibrée, a effectué quelques pas en arrière avant de tomber sur le côté.
Le jugement doit donc être confirmé en tant qu'il écarte une intention de la prévenue d'infliger une lésion en faisant tomber la plaignante, cela même par dol éventuel dans la mesure où il s'est agi d'un geste réflexe de dégagement. En effet, il y a dol éventuel lorsque l'auteur envisage sérieusement le résultat dommageable mais agit néanmoins, même s'il ne le souhaite pas, parce qu'il s'en accommode pour le cas où il se produirait (ATF 131 IV 1, c. 2.2). Le dol éventuel doit être nettement et strictement caractérisé : pour l'admettre, il faut que la possibilité du résultat se soit imposée au délinquant d'une façon si pressante que son acte ou son omission implique raisonnablement un consentement (ATF 86 IV 12, JT 1960 IV 74). C'est dire que le dol éventuel ne peut pas être déduit du seul fait que le résultat dommageable constitue la conséquence adéquate du comportement imputé à l'auteur (ATF 119 IV 1, c. 5a ; 109 IV 147, c. 4). Lorsqu'il apparaît douteux au juge que l'auteur ait considéré le résultat dommageable comme possible, il ne doit pas retenir le dol éventuel, au bénéfice du principe
in dubio pro reo
(Favre/Pellet/ Stoudmann, Code pénal annoté, 3
e
éd., Lausanne 2007, n. 2.5 ad art. 12 CP).
Tout le déroulement de la scène n'a duré que quelques secondes. Le geste éclair effectué par la prévenue était instinctif et réactif à la traction qu'elle subissait, de sorte qu'il ne lui a pas laissé le temps d'envisager une éventuelle chute débouchant sur une éventuelle fracture, ni surtout de les accepter comme résultat voulu le cas échéant.
Par ailleurs, on n’a pas à s’attarder sur la réalisation d’une infraction de lésion corporelle par négligence (art. 125 CP) en se demandant si le fait de pousser une personne de cet âge dans ces circonstances enfreint une règle de prudence et est de nature à lui occasionner des lésions à l’issue d’une chute, cette appréciation juridique divergente (art. 344 CPP) n’ayant pas été introduite en première instance et ne pouvant l'être en deuxième instance, le pouvoir d'examen de la juridiction d'appel étant limité à l'objet du procès déjà jugé en première instance (Kistler Vianin, op. cit., n. 12 ad art. 398 CPP).
2.2.3.
La motivation subsidiaire de la légitime défense telle que présentée dans le jugement est également fondée. Empoignée au bras et tirée, donc faisant l’objet d’une contrainte physique, la prévenue était en droit de se libérer de cette prise et de cette traction qui tendaient à l’éloigner contre son gré de la machine. Si en repoussant, elle a exagéré la puissance de son geste, elle en est justifiée par le saisissement et l’excitation excusables provoqués par l’empoignade subie depuis derrière, excuse qui supprime toute culpabilité (art. 16 al. 3 CP). De plus, il n’est pas établi que la prévenue aurait au départ adressé des injures à la fille de la plaignante, donc que le caractère excusable ferait défaut parce que l’auteur aurait lui-même provoqué l’attaque (Roth / Moreillon [éd.], Commentaire romand, Code pénal I, note 7 ad art. 17 CP, p. 195). Le témoignage de la fille de la plaignante, à ce sujet, doit en effet être relativisé, d’une part, au vu de sa proximité avec sa mère et, d’autre part, compte tenu d’expressions identiques qui émaillent leurs deux dépositions, comme n’avoir pas eu le temps de finir sa phrase, et qui font suspecter une version concertée. Ce témoin n'a en outre pas été en mesure de détailler ces propos injurieux.
En définitive, l’appréciation des faits par le premier juge doit être confirmée, ce qui conduit au rejet de tous les points de l’appel de la plaignante.
2.2.4.
En ce qui concerne les conclusions civiles de l'appelante, si la confirmation de l'acquittement de la prévenue n'exclut en principe pas leur traitement (art. 126 al. 1 let. b CPP), l'état de fait n'est en revanche pas suffisamment établi et exigerait de surcroît un travail disproportionné (art. 126 al. 3 CPP). En effet, la question de savoir si le geste réactif de la prévenue constitue un acte civilement illicite n'est pas résolue et le calcul d'un éventuel dommage (tort moral, perte de gain et préjudice ménager) nécessiterait la mise en œuvre d'une expertise permettant notamment de faire la part entre les troubles préexistants et ceux résultants de la chute, comme facteur causal du préjudice.
3.
Dans son appel, la prévenue libérée, laquelle n'a pas pris de conclusions en indemnité ou/et en dépens en première instance, réclame un montant de 5'000 fr. à titre de tort moral et un montant de 5'000 fr. à titre de frais de défense pénale. Elle se prévaut d'une fausse application de l'art. 429 CPP.
3.1.
Aux termes de l'art. 429 al. 1 CPP, si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s'il bénéficie d'une ordonnance de classement, il a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (let. a), à une indemnité pour le dommage économique subi au titre de sa participation obligatoire à la procédure pénale (let. b) et à une réparation du tort moral subi en raison d'une atteinte particulièrement grave à sa personnalité, notamment en cas de privation de liberté (let. c).
Dès lors que le prévenu remplit les conditions posées à l'art. 429 al. 1
er
CPP et qu'aucun motif de réduction ou de refus au sens de l'art. 430 CPP ne peut lui être imputé, l'indemnité doit lui être accordée. Il s'agit d'une obligation et non d'une possibilité, ainsi que cela ressort du texte légal même.
L'autorité pénale examine d'office les prétentions du prévenu. Elle peut enjoindre à celui-ci de les chiffrer et de les justifier (art. 429 al. 2 CPP). Le prévenu doit ainsi être invité, au moment de l'abandon de la procédure pénale, à faire valoir ses prétentions (Kuhn / Jeanneret [éd.] Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, ad art. 429 CPP, note 56, p. 1880).
3.2.
De toute évidence, la procédure pénale n'a pas débouché sur une atteinte particulièrement grave à la personnalité de l'appelante, du type d'une privation de liberté, et ce poste de la réparation d'un prétendu tort moral ne peut être qu'écarté.
En revanche, les frais de défense doivent être indemnisés. Leur calcul doit se fonder sur le tarif horaire moyen du lieu où l’avocat pratique (Kuhn / Jeanneret [éd.] Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, ad art. 429
CPP, note 35, pp. 1873-1874) Dans le cas particulier, les 5'000 fr. réclamés correspondent à quatorze heures et trente minutes au tarif horaire de 350 fr. de l'heure, soit un nombre d’heures qui paraît important puisqu’il comprend onze heures et quinze minutes de conférences, de correspondance et de préparation d’audience si l'on déduit les trois heures d'audience et les 15 minutes de lecture du jugement. Cette affaire de simple police, certes aux enjeux civils importants, ne nécessitait pas autant d’heures d’avocat, l’essentiel de la défense consistant à se prévaloir des images enregistrées au casino. Une indemnité correspondant à dix heures au total, soit 3'500 fr., TVA incluse, paraît correcte et l’appel doit être admis dans cette mesure.
.
3.3.
Il convient encore de déterminer si cette indemnité doit être mise à la charge de la plaignante.
Aux termes de l'art. 432 al. 1 CPP, le prévenu qui obtient gain de cause peut demander à la partie plaignante une juste indemnité pour les dépenses occasionnées par les conclusions civiles. L'alinéa 2 prévoit que lorsque le prévenu obtient gain de cause sur la question de sa culpabilité et que l'infraction est poursuivie sur plainte, la partie plaignante ou le plaignant qui, ayant agi de manière téméraire ou par négligence grave, a entravé le bon déroulement de la procédure ou a rendu celle-ci plus difficile peut être tenu d'indemniser le prévenu pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure.
En l'occurrence, si la plaignante a cherché à s’avantager en procédure en occultant son propre geste et en présentant son intervention comme uniquement pacifique, la prévenue a cédé à la même tentation humaine en décrivant son propre geste de manière atténuée. Il est constant en outre que la plaignante a été très sérieusement blessée dans cette affaire, qu'elle en souffre durablement, que son existence en est bouleversée et que, subjectivement, elle n'a commis aucune faute. Au vu des ces éléments, on ne peut lui reprocher ni témérité, ni négligence grave, ni entrave à la procédure ou encore d'avoir rendu celle-ci plus difficile au sens de l'art. 432 al. 2 CPP. L’art. 432 al. 1 CPP ne s’applique pas davantage, les conclusions civiles n’ayant pas été traitées du tout et n’ayant donc pas entraîner de dépenses particulières, notamment d’avocat et d’expertise compte tenu des troubles de santé préexistants. L’indemnité doit donc demeurer à la charge exclusive de l’Etat.
4.
4.1.
En définitive, l’appelante A.D._ ayant succombé, les frais de la procédure de son appel sont mis à sa charge (art. 428 al. 1 CPP). Outre l'émolument, ces frais comprennent l’indemnité allouée à son défenseur d’office (cf. art. 138 et 422 al. 2 let. a CPP ; art. 2 al. 2 ch. 1 TFJP), arrêtée à 2'052 fr., TVA et débours compris. A.D._ ne sera tenue de rembourser à l’Etat le montant de l’indemnité en faveur de son conseil d’office que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP).
Les frais de la procédure d'appel de K._, qui a obtenu partiellement gain de cause, doivent quant à eux être mis à la charge de l’Etat (art. 428 al. 1 CPP).
Dans la mesure où les deux appels font l'objet d'un seul jugement, les frais de procédure d'appel, arrêtés à 4'072 fr., comprenant l'indemnité allouée au défenseur d'office de la plaignante par 2'052 fr., sont mis à la charge de A.D._, à raison de deux tiers, le solde étant laissé à la charge de l'Etat.
4.2.
Les frais de défense de K._ qui concernent son propre appel incombent à l’Etat, dans la mesure où l'appel vise une erreur du premier juge. Comme on l'a vu, ils sont arrêtés à 3'500 francs. Ceux concernant sa défense contre l'appel formé par A.D._ peuvent équitablement être fixés à 1'500 fr. et laissés à la charge de l'Etat dans la mesure où l'on exclut une faute de l'appelante A.D._ (consid. 3.3.3 in fine). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
2c501daf-5c8e-441c-bd98-30a9aac4a5d9 | En fait :
A.
Par jugement du 16 août 2011, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a pris acte du retrait de plainte, mis fin à l'action pénale (I) et a mis une partie des frais par 1'000 fr. (mille francs) à la charge d'A._, le solde par 450 fr. (quatre cent cinquante francs) étant laissé à la charge de l'Etat (II).
B.
En temps utile, A._ a interjeté appel contre le jugement précité, concluant à ce qu'aucun frais ne soit mis à sa charge.
Le 13 septembre 2011, le Ministère public a renoncé à faire une demande de non entrée en matière et n'a pas déposé d'appel joint.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
A._ est né le 1
er
novembre 1950 à Hyderabad en Inde et est originaire de Châtonnaye/FR. Il est consultant en projets industriels et il est divorcé de Y._. De son activité professionnelle, l'appelant affirme percevoir un montant mensuel d'environ 3'000 fr. et est propriétaire de la villa dans laquelle il habite.
Dans le cadre d'un recours adressé le 14 juillet 2010 au Tribunal d'accusation contre une ordonnance de non-lieu rendue le 2 juillet 2010, A._ a tenu des propos attentatoires à l'honneur de l'avocate D._. Cette dernière a déposé plainte le 13 août 2010.
Interrogé à l'occasion des débats de première instance, l'intimé a admis que ses propos étaient exagérément attentatoires à l'honneur dans le contexte du recours qu'il était en train d'écrire et a présenté ses excuses à D._. Au vu de ces déclarations, cette dernière a retiré sa plainte. | En droit :
1.
Selon l'art. 399 al. 1 CPP, l'appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit (Kistler Vianin, in: Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 3 ad art. 399 CPP). La déclaration d'appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l'occurrence, interjeté dans les formes et délais légaux, l'appel formé par A._, suffisamment motivé au sens de l'art. 399 al. 3 CPP, est recevable.
Pour le surplus, la contestation est limitée à la question du principe de l'imputation des frais à la charge de l'appelant (art. 399 al. 4 let. f CPP) et peut dès lors faire l'objet d'une procédure écrite (art. 406 al. 1 let. d CPP).
2.
En vertu de l'art. 426 al. 2 CPP, le prévenu acquitté ou mis au bénéfice d'une ordonnance de classement supporte tout ou partie des frais de la procédure s'il l'a provoquée de manière illicite et fautive. Il faut, pour cela, que le prévenu ait adopté un comportement fautif et reprochable, non sous l'angle pénal du terme, mais au regard du droit civil. Le comportement fautif du prévenu doit être à l'origine de l'ouverture de l'enquête pénale ou alors, il doit s'agir d'une "faute procédurale", c'est-à-dire d'un comportement qui a compliqué ou prolongé la procédure, pour que les frais y relatifs puissent être mis à la charge de celui-ci. Selon le principe de la causalité des frais, le comportement du prévenu doit également être à l'origine des frais pour que ceux-ci puissent lui être imputés. Il faut que le prévenu ait clairement violé une norme de comportement écrite ou non écrite, résultant de l'ordre juridique suisse dans son ensemble pour permettre une application analogique de l'art. 41 CO (Loi fédérale du 30 mars 1911 complétant le code civil suisse, RS 220) (Chapuis,
in: Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, op.cit., n. 2 ad art.
426 CPP).
En l'espèce, A._ a tenu des propos attentatoires à l'honneur de D._. De ce fait, il a adopté un comportement civilement répréhensible, sous la forme d'une atteinte à la personnalité de D._ au sens de l'art. 28 CC (Code civil suisse du 10 décembre 1907, RS 210). Selon le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, un tel comportement est de nature à provoquer l'ouverture d'une procédure pénale et les frais qu'elle entraîne.
3.
Selon l'art. 425 CPP, l'autorité pénale peut réduire ou remettre les frais compte tenu de la situation de la personne astreinte à les payer. En vertu de cette disposition, la personne indigente peut donc échapper à la condamnation des frais.
En l'espèce, la situation financière d'A._ est certes critique, mais elle ne l'est pas au point de justifier qu'un sursis ou une remise de frais lui soient accordés. Il a admis gagner 3'000 fr. par mois et est propriétaire de la villa dans laquelle il habite. De plus, le Tribunal de police lui a déjà accordé une remise de frais en ne le chargeant que d'une partie des frais alors qu'il aurait pu le condamner à la totalité.
4.
Au vu de ce qui précède, l'appel est manifestement infondé et doit être rejeté.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel sont mis à la charge d'A._ (art. 428 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,010 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
2ced90ce-2190-4959-a325-2d12a8b425d5 | En fait :
A.
Par jugement du 30 octobre 2012, le Tribunal de police de l’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a admis l’opposition formée par A._ à l’encontre de l’ordonnance pénale préfectorale (BRV/01/11/0001346/vcn) rendue le 26 janvier 2012 par le Préfet de la Broye-Vully et a libéré A._ du chef de prévention de violation simple des règles de la circulation routière (I), a laissé les frais de la cause à la charge de l’Etat (Il) et a rejeté la prétention d’A._ tendant à l’octroi d’une indemnité fondée sur l’art. 429 CPP (III).
B.
Par acte du 9 novembre 2012, A._ a annoncé faire appel de ce jugement. Dans sa déclaration motivée du 3 décembre 2012, il a conclu, avec suite de frais et dépens, à la modification du chiffre III du dispositif du jugement, en ce sens qu’une indemnité fondée sur l’art. 429 CPP correspondant à 6 heures 30 de travail au tarif avocat, TVA en sus, ainsi que 60 fr. de débours, lui sont octroyés, les chiffres I et Il du dispositif étant confirmés pour le surplus.
Par avis du 11 janvier 2013, la Présidente de la cour de céans a informé A._ que son appel serait traité en procédure écrite et que, s’agissant d’une contravention, la cause ressortirait de la compétence d’un juge unique.
Dans le délai imparti, l’appelant a renoncé à déposer un mémoire complémentaire.
Le Ministère public ne s’est pas déterminé dans le délai imparti à cet effet.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
A._ est né le [...] 1978 à [...] (Serbie et Monténégro). Il est père d’un enfant issu d’une précédente union qui vit avec sa mère en Espagne et qu’il voit trois fois par an. Il travaille à plein temps au sein de l’entreprise [...] à Lucens, activité pour laquelle il perçoit un salaire mensuel net d’environ 4'675 fr., 13 fois l’an, allocations familiales non comprises. Son loyer s’élève à 1'145 fr., logement qu’il partage avec sa compagne. Le couple n’a pas d’enfant en commun.
Son casier judiciaire fait mention d’une condamnation le 25 novembre 2005 par la Préfecture de Payerne, pour violation grave des règles de la circulation routière, à une amende de 530 fr. avec sursis et délai d’épreuve d’un an.
Le registre des mesures administratives en matière de circulation routière (ci-après : ADMAS) ne mentionne aucune inscription.
2.
Le 5 octobre 2011, A._ circulait dans la zone industrielle de Lucens en direction de Granges. Après avoir emprunté le pont traversant la Broye, alors qu’il souhaitait obliquer à gauche pour emprunter une autre route, un motocycliste, qui le suivait et avait entrepris de la dépasser, a heurté le flanc gauche de son véhicule et a chuté lourdement sur la chaussée.
Par ordonnance pénale du 30 novembre 2011, le Préfet de la Broye-Vully a constaté qu’A._ s’était rendu coupable de violation simple à la LCR (Loi fédérale du 19 décembre 1958 sur la circulation routière; RS 741.01) et lui a infligé une amende de 150 francs. Il lui était reproché d’avoir, faute d’attention suffisamment portée à la route et à la circulation, effectué un déplacement sur la gauche sans égards aux autres usagers qui suivaient, après avoir annoncé tardivement un changement de direction et sans s’être mis en ordre de présélection.
A._, qui s’est opposé le 8 février 2012 à cette ordonnance, a été renvoyé devant l’autorité de première instance. Il a fait appel à un avocat de choix qui a conclu à sa libération et à l’octroi d’une indemnité équitable pour ses frais de défense (jgt., p. 5). A l’appui de ses conclusions, il a produit une liste de ses opérations (P. 14).
Compte tenu du doute qui existait sur les circonstances exactes du déroulement de l’accident, le Tribunal de police de la Broye et du Nord vaudois a considéré qu’aucune violation des règles de la circulation routière ne pouvait être retenue à l’endroit de l’appelant et en particulier, aucune inattention ni aucune violation de ses devoirs avant d’entreprendre un dépassement (jgt., p. 9). | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 3 ad art. 399 CPP). La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l’occurrence, interjeté dans les formes et le délai légal contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
Conformément à l'art. 406 al. 1 let. d CPP, l'appel est traité en procédure écrite, seule la question de l’indemnité fondée sur l’art. 429 CPP étant litigieuse en l'espèce.
Par ailleurs, dans la mesure où seule une contravention a fait l’objet de la procédure de première instance, un membre de la Cour d'appel pénale statue comme juge unique, conformément à l'art. 14 al. 3 LVCPP (Loi d'introduction du Code de procédure pénale suisse du 19 mai 2009, RSV 312.01).
3.
L’appelant fait valoir que même s’il s’agissait d’une contravention et que la condamnation était modeste, la présente affaire présentait une certaine complexité nécessitant le recours à un avocat. A l’appui de son grief, il a indiqué que l’accident impliquait un blessé et que dans ces circonstances, il n’était pas simple de défendre seul sa cause, d’autant plus que la police estimait qu’une infraction avait été commise. Par ailleurs, d’origine étrangère et n’étant pas de langue maternelle française, il soutient qu’il n’était pas en mesure de plaider seul sa cause. Enfin, il invoque le fait que l’issue pénale de l’affaire était de nature à déployer des effets sur le plan administratif, par un retrait de son permis de conduire, et sur le plan civil, en risquant de devoir indemniser le motard blessé.
3.1
Aux termes de l’art. 429 al. 1 let. a CPP, si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s’il bénéficie d’une ordonnance de classement, il a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l’exercice raisonnable de ses droits de procédure. Cette indemnité concerne les dépenses du prévenu pour un avocat de choix (ATF 138 IV 205). L’autorité pénale examine d’office les prétentions du prévenu. Elle peut enjoindre à celui-ci de les chiffrer et de les justifier (al. 2).
La base légale fondant un droit à des dommages et intérêts et à une réparation du tort moral a été créée dans le sens d’une responsabilité causale. L’Etat doit réparer la totalité du dommage qui présente un lien de causalité avec la procédure pénale au sens du droit de la responsabilité civile (Message du Conseil fédéral relatif à l’unification du droit de la procédure pénale du 21 décembre 2005, FF 2006 pp. 1057 ss, spéc. p. 1313). Les dépenses à rembourser au sens de l’art. 429 al. 1 let. a CPP sont essentiellement les frais de défense. Cette disposition transpose la jurisprudence selon laquelle l’Etat ne prend en charge ces frais que si l’assistance était nécessaire compte tenu de la complexité de l’affaire en fait ou en droit et que le volume de travail et donc les honoraires de l’avocat étaient ainsi justifiés (ibidem).
Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, l’allocation d’une indemnité pour les frais de défense selon l’art. 429 al. 1 let. a CPP n’est pas limitée aux cas de défense obligatoire visés par l’art. 130 CPP. Elle peut être accordée dans les cas où le recours à un avocat apparaît tout simplement raisonnable. Il faut garder à l’esprit que le droit pénal matériel et le droit de procédure sont complexes et représentent, pour des personnes qui ne sont pas habituées à procéder, une source de difficultés. Celui qui se défend seul est susceptible d’être moins bien loti. Cela ne dépend pas forcément de la gravité de l’infraction en cause. On ne peut pas partir du principe qu’en matière de contravention, le prévenu doit supporter en général seul ses frais de défense. Autrement dit, dans le cadre de l’examen du caractère raisonnable du recours à un avocat, il doit être tenu compte, outre de la gravité de l’infraction et de la complexité de l’affaire en fait ou en droit, de la durée de la procédure et de son impact sur la vie personnelle et professionnelle du prévenu (cf. ATF 138 IV 197 c. 2.3.5). S’agissant d’une contravention à la LCR, dans le cadre d’une affaire qui ne présentait aucune difficulté ni en fait ni en droit et dont l’impact était limité dès lors que le recourant ne risquait plus un retrait de permis, le Tribunal fédéral a considéré que l’indemnisation d’un avocat au sens de l’art. 429 al. 1 let. a CPP ne se justifiait pas (TF 6B_563/2012 du 1
er
novembre 2012; voir dans le même sens CAPE
16 mai 2012/132).
3.2
En l’espèce, le grief d’A._ appelle les constatations suivantes :
S’il est exact que l’appelant n’est pas de langue maternelle française, il sied de constater que ce dernier s’est exprimé devant le Préfet et devant le Tribunal de police sans avoir recours à un interprète, de sorte qu’on ne saurait retenir qu’il n’était pas capable de comprendre et de participer seul à la procédure.
Par ailleurs, l’opposition n’a pas à être motivée, si bien que le recours à un mandataire professionnel ne se justifie pas. Seuls les faits étaient contestés et en particulier, la question de savoir si A._ avait suffisamment prêté attention au trafic. Les arguments qui ont abouti à l’acquittement étaient donc de pur fait, et même une personne non-juriste pouvait les maîtriser sans une assistance juridique. En outre, l’affaire ne présentait aucune difficulté en droit. Le conducteur du motocycle a certes été légèrement blessé. Néanmoins, l’appelant n’a pas été renvoyé pour lésions corporelles simples par négligence, mais uniquement pour contravention à la LCR, de sorte que l’enjeu pénal se limitait au prononcé d’une amende, modeste, de 150 francs.
Enfin, même si le Service des automobiles et de la navigation a suspendu sa procédure dans l’attente de l’issue pénale, rien n’indique, au vu de l’absence d’antécédents administratifs de l’intéressé, qu’il pouvait être l’objet d’un retrait du permis de conduire significatif, étant précisé que ce dernier ne fait valoir aucun besoin professionnel. Enfin, comme le relève le Tribunal fédéral (cf. 6B_563/2012 c. 1.4 précité), il est ordinaire qu’une personne soit confrontée au moins une fois dans sa vie à une procédure pénale pour un cas de peu de gravité en matière de LCR, comme en l’espèce.
Ainsi, l’assistance d’un avocat ne se justifiait pas dans la présente affaire.
4.
En définitive, l'appel doit être rejeté et le jugement du 30 octobre 2012 confirmé.
Vu l'issue de la cause, les frais de la procédure d'appel, comprenant l'émolument du présent jugement, par 720 fr. (art. 21 al. 1 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]), doivent être mis à la charge de l’appelant qui succombe (art. 428 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
2cf3b683-861b-4359-808f-cd577660b293 | En fait :
A.
Par jugement du 19 novembre 2014, le Tribunal de police de l’arrondissement de l’Est vaudois a reçu l’opposition formée par X._ contre l’ordonnance pénale rendue le 1
er
avril 2014 par le Ministère public de l’arrondissement de l’Est vaudois dans la cause AM14.000570 (I), a déclaré le prénommé coupable de violation grave des règles de la circulation routière et l’a condamné à 20 jours-amende à 230 fr. le jour, avec sursis pendant 5 ans, et à 4'000 fr. d’amende, convertible en 20 jours de privation de liberté en cas de non-paiement fautif (II), a révoqué le sursis accordé au prévenu par le Ministère public de l’arrondissement de La Côte le 8 mars 2012 et a ordonné l’exécution de la peine qui en était assortie (III), a mis les frais de la cause, par 900 fr., à la charge de X._ (IV) et a dit ne pas y avoir lieu à indemniser ce dernier au titre de l’art. 429 CPP (V).
B.
Le 20 novembre 2014, X._ a déposé une annonce d'appel contre ce jugement.
Par déclaration d’appel motivée du 18 décembre 2014, il a conclu principalement à son acquittement, subsidiairement à sa condamnation à une amende fixée à dire de justice pour violation simple des règles de la circulation au sens de l’art. 90 al. 1 LCR (Loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958, RS 741.01), le sursis assortissant la précédente peine n’étant pas révoqué, les frais étant entièrement, respectivement partiellement, laissés à la charge de l’Etat et une indemnité de l’art. 429 CPP lui étant allouée.
Par lettre du 5 janvier 2015, le Ministère public a annoncé qu'il s'en remettait à justice s'agissant de la recevabilité de l'appel et qu'il renonçait à déclarer un appel joint. Par courrier du 19 janvier 2015, il a annoncé ne pas déposer de conclusions écrites.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Né le 16 septembre 1964 à Sion (VS), X._, ressortissant suisse, domicilié à Saint-Légier-La Chiésaz, est marié et père de deux enfants nés le 14 avril 1997. Il est directeur de banque et perçoit un salaire mensuel net de l’ordre de 23'000 francs. Sa fortune mobilière s’élève à 1'500'000 fr. et sa fortune immobilière à 1'800'000 fr. (valeur fiscale), la dette hypothécaire s’élevant à 1'100'000 francs.
Son casier judiciaire fait état d’une condamnation, le 8 mars 2012, par le Ministère public de l’arrondissement de La Côte à une peine pécuniaire de 18 jours-amende à 500 fr. le jour, avec sursis pendant deux ans, et à une amende de 4’000 fr., pour violation grave des règles de la circulation routière. L’extrait du fichier ADMAS le concernant mentionne un retrait de permis de 3 mois, soit du 31 juillet au 30 octobre 2013, pour excès de vitesse, prononcé par décision du 3 avril 2013.
2.
2.1
Le mercredi 27 novembre 2013, vers 9h30, X._ circulait au volant d’un véhicule de marque BMW X5 immatriculé [...] (dont la détentrice est la société [...]) à Jongny, au lieu-dit Combettaz, sur la route de Châtel-Saint-Denis, en direction de cette localité, lorsqu’il a fait l’objet d’un contrôle de vitesse au moyen d’un radar qui a permis d’établir qu’il roulait à une vitesse de 75 km/h (marge de sécurité déduite), alors que la vitesse autorisée y est limitée à 50 km/h ; il faisait beau, il n’y avait pas de trafic – du moins en direction du village –, la chaussée était sèche et la visibilité bonne (pièce 4).
Il ressort de la photo-radar (pièce 4) et de la configuration des lieux présentée sur Google Maps (pièce 11), en particulier de l’agrandissement des images proposées par cet outil et visibles sur internet – permettant notamment de mettre en relief la zone et de se déplacer sur la route principale jusqu’à l’endroit où la vitesse a été mesurée – que X._ se trouvait, à ce moment-là, sur un segment rectiligne, juste après un passage pour piétons situé entre le débouché de deux chemins (à deux voies de circulation chacun) – l’un à droite et l’autre à gauche – dont l’entrée est marquée dans les deux cas par un signal indiquant une zone à 30 km/h. Juste après ces débouchés, toujours en direction de Châtel-Saint-Denis, soit dans le sens de marche du prévenu, la route est bordée à droite d’un pré et d’une haie d’arbres et à gauche d’un pré, entouré d’une barrière en bois au-delà de laquelle se trouvent quelques grands arbres ; les deux ou trois maisons situées en contre-haut, sur la gauche de la route, sont éloignées de celle-ci et dispersées. En revanche, immédiatement avant le passage pour piétons, se trouvent, de part et d’autre de la chaussée, deux arrêts de bus, ainsi que des maisons. A gauche, environ cinquante mètres avant le passage pour piétons, se trouve un escalier permettant l’accès à l’une au moins des habitations, alors qu’à droite, la maison disposant de l’accès routier (par le garage) le plus proche du passage pour piétons se situe à une septantaine de mètres de celui-ci. La chaussée n’est longée par un trottoir que sur son côté gauche qui se termine au passage pour piétons. Sur le même côté, entre 50 et 70 mètres plus loin, se trouve le panneau bleu de fin de localité, surmonté du signal circulaire gris de fin de la « limite générale 50 ».
2.2
Pour ces faits, objet du rapport de police (Service des automobiles) du 10 janvier 2014, le Procureur a, par ordonnance pénale du 1
er
avril 2014, reconnu X._ coupable de violation grave des règles de la circulation routière, l’a condamné à une peine pécuniaire de 25 jours-amende à 230 fr. le jour, a révoqué le sursis qui lui avait été accordé le 8 mars 2012 par le Ministère public de l’arrondissement de La Côte et a mis les frais, par 200 fr., à sa charge.
X._ a fait opposition. Par jugement du 19 novembre 2014, le Tribunal de police a confirmé l’infraction retenue par le Parquet à l’encontre du prévenu. | En droit :
1.
1.1
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
1.2
En l'occurrence, interjeté en temps utile et suffisamment motivé, l'appel est recevable (art. 399 al. 3 CPP).
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
3.
L’appelant soutient qu’à l’endroit où la vitesse a été mesurée, il ne se trouvait pas dans une « zone bâtie de façon compacte » au sens de l’art. 4a al. 2 OCR (Ordonnance sur les règles de la circulation routière du 13 novembre 1962, RS 741.11) et qu’on ne saurait lui opposer la présence, entre 50 et 70 mètres plus loin, du panneau de fin de localité et de fin de limitation générale de vitesse à 50 km/h.
3.1
Aux termes de l’art. 4a al. 1 OCR, la vitesse maximale générale des véhicules peut atteindre, lorsque les conditions de la route, de la circulation et de visibilité sont favorables :
- 50 km/h dans les localités (let. a);
- 80 km/h hors de localités, à l’exception des semi-autoroutes et des autoroutes (let. b);
- 100 km/h sur les semi-autoroutes (let. c);
- 120 km/h sur les autoroutes (let. d).
L’alinéa 2 précise que la limitation générale de vitesse à 50 km/h (al. 1, let. a) s'applique dans toute la zone bâtie de façon compacte à l'intérieur de la localité; cette limitation commence au signal «Vitesse maximale 50, Limite générale» (2.30.1) et se termine au signal «Fin de la vitesse maximale 50, Limite générale» (2.53.1). Pour les conducteurs qui entrent dans une localité par des routes secondaires peu importantes (telles que routes qui ne relient pas directement entre eux des localités ou des quartiers extérieurs, routes agricoles de desserte, chemins forestiers, etc.), la limitation est aussi valable en l'absence de signalisation, dès qu'il existe une zone bâtie de façon compacte.
Les alinéas 3, 3
bis
et 4 concernent les limitations de vitesse à 80, 100 et 120 km/h.
L’alinéa 5 prescrit que lorsque des signaux indiquent d'autres vitesses maximales, celles-ci sont applicables en lieu et place des limitations générales de vitesse (al. 1); il en va de même des vitesses inférieures imposées à certains genres de véhicules par l'art. 5 ou à certains véhicules par décision de l'autorité compétente.
Selon l’art. 1 al. 4 OSR (Ordonnance sur la signalisation routière du 5 septembre 1979; 741.21), l'expression «à l'intérieur des localités» ou «dans les localités» désigne une zone qui commence au signal «Début de localité sur route principale» (4.27) ou «Début de localité sur route secondaire» (4.29) et se termine au signal «Fin de localité sur route principale» (4.28) ou «Fin de localité sur route secondaire» (4.30). L'expression «à l'extérieur des localités» ou «hors des localités» désigne une zone qui commence au signal «Fin de localité sur route principale» ou «Fin de localité sur route secondaire» et se termine au signal «Début de localité sur route principale» ou «Début de localité sur route secondaire».
L'infraction réprimée par l'art. 90 al. 2 LCR est objectivement réalisée lorsque l'auteur viole grossièrement une règle fondamentale de la circulation et met ainsi sérieusement en danger la sécurité d'autrui; une mise en danger abstraite accrue est toutefois suffisante. Subjectivement, l'infraction suppose un comportement sans scrupule ou gravement contraire aux règles de la circulation. Cette condition est toujours réalisée si l'auteur est conscient du danger que représente sa manière de conduire. En cas d'acte commis par négligence, l'application de l'art. 90 al. 2 aLCR implique à tout le moins une négligence grossière. Dans le domaine des excès de vitesse, la jurisprudence, afin d'assurer l'égalité de traitement, a été amenée à fixer des règles précises. Ainsi, le cas est objectivement grave, c'est-à-dire sans égard aux circonstances concrètes, en cas de dépassement de la vitesse autorisée de 25 km/h ou plus à l'intérieur des localités, de 30 km/h ou plus hors des localités et sur les semi-autoroutes dont les chaussées, dans les deux directions, ne sont pas séparées et de 35 km/h ou plus sur les autoroutes. Le conducteur qui dépasse de manière aussi caractérisée la vitesse autorisée agit intentionnellement ou à tout le moins par négligence grossière. Il existe un lien étroit entre la violation objectivement grave et l'absence de scrupule sous l'angle subjectif, sous réserve d'indices contraires spécifiques (TF 6B_3/2014 du 28 avril 2014 c. 1.1 et les arrêts cités).
3.2
En l’espèce, l’appelant
ne conteste pas que l’excès de vitesse a été commis, alors qu’il avait franchi le panneau annonçant l’entrée dans le village et après une ou plusieurs signalisations annonçant la limitation de vitesse à 50 km/h (appel, ch. 10, p. 5). Or, comme on l’a relevé ci-avant, la limitation générale à 50 km/h commence au signal "vitesse maximale 50, limite générale" et se termine seulement au signal "fin de la vitesse maximale 50, limite générale" (art. 4a al. 2 OCR, 22 al. 3 OSR). C'est ce dernier signal qui est déterminant pour la fin de la limitation (cf. TF 6A.78/2004 du 21 février 2005 c. 2). En l’occurrence, il n’y a pas de panneau de fin de localité et de fin de limitation générale de vitesse à 50 km/h avant l’endroit où a eu lieu le contrôle, cette signalisation se situant entre 50 et 70 mètres plus loin – ce qui est admis (appel, ch. 10, p. 5) –, de sorte qu’à l’endroit où la vitesse a été mesurée, X._ se trouvait encore à l’intérieur de la localité au sens de l’art. 1 al. 4 OSR ; c’est donc en vain qu’il se fonde sur l’art. 4a al. 2 OCR pour contester la gravité objective de l’infraction. Pour le surplus, au vu de la configuration des lieux présentée sur Google Maps (pièce 11), en particulier de l’agrandissement des images visibles sur internet, il ne peut raisonnablement soutenir qu’il se trouvait hors « zone bâtie de façon compacte ». En effet, il a été contrôlé alors qu’il venait de franchir un passage pour piétons et qu’il se trouvait encore en plein carrefour, à la hauteur du débouché d’un chemin sur sa gauche limité à 30 km/h, après en avoir franchi un autre sur sa droite – également limité à 30 km/h –, ce qui n’est pas contesté (appel, ch. 7, p. 5
in initio
). Avec le premier juge, il y a ainsi lieu de retenir que le caractère de « localité » et, partant, la limitation générale de vitesse à 50 km/h s’appliquent à tout le moins jusqu’à et y compris ce carrefour, la route étant ensuite bordée de prés et d’arbres de part et d’autre (c. 2.1 pp. 8 et 9
supra
; pièce 11). Cette limitation s’imposait donc à X._. Ainsi, celui-ci se trouvait à l’intérieur d’une localité et a dépassé la vitesse maximale de 25 km/h, ce qui justifie, conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral rappelée ci-dessus, une condamnation pour violation grave des règles de la circulation.
4.
L’appelant plaide subsidiairement l’erreur sur les faits.
4.1
L’art. 13 al. 1 CP dispose que quiconque agit sous l’influence d’une appréciation erronée des faits est jugé d’après cette appréciation si elle lui est favorable.
L’erreur sur les faits peut porter non seulement sur les éléments descriptifs, mais également sur un élément constitutif objectif de l’infraction. Agit ainsi sous l'emprise d’une erreur sur les faits, celui qui n'a pas connaissance ou qui se base sur une appréciation erronée d'un élément constitutif d'une infraction pénale. L'intention délictuelle fait défaut. L'auteur doit être jugé selon son appréciation erronée, si celle-ci lui est favorable (art. 19 al. 1 aCP et 13 al. 1 CP). La punissabilité de la négligence entre éventuellement en considération lorsque l'erreur aurait pu être évitée en usant des précautions voulues et que la négligence est réprimée par la loi (art. 19 al. 2 aCP et 13 al. 2 CP).
4.2
En l’espèce, l’appelant affirme qu’en raison de la configuration des lieux, qui selon lui ne constitueraient pas une zone bâtie compacte, il pouvait se croire autorisé à circuler à 80 km/h. On ne saurait suivre cet argument. La présence, à l’entrée du village, du panneau annonçant le début de la localité et du signal de limitation de vitesse à 50 km/h, et, à la sortie du village, de la signalisation de fin de la limitation de vitesse, que l’intéressé admet avoir vus (appel, ch. 10, p. 5
in fine
; PV aud. 1, lignes 35 et 36), suffit à exclure toute erreur sur les faits. D’ailleurs, il a lui-même avoué avoir accéléré « par anticipation » à la vue du panneau de fin de limitation de vitesse (PV aud. 1, ligne 36). De plus, comme indiqué plus haut, jusqu’au carrefour compris, les lieux présentaient toutes les caractéristiques d’une localité. Dans ces circonstances, on ne voit pas ce qui aurait pu amener l’appelant à croire qu’il était hors localité, comme il le prétend, d’autant plus qu’il connaissait cet endroit puisqu’il a admis qu’à l’époque, il passait par là « de temps en temps » (jugt, p. 5).
Mal fondé, ce moyen doit donc également être rejeté.
4.3.
L’appelant fait encore valoir, à cet égard, que la signalisation de fin de limitation de vitesse serait illicite car apposée de manière irrégulière.
4.3.1
L'art. 27 al. 1 LCR impose aux usagers de la route de se conformer aux signes et aux marques. Ceux-ci ne sont obligatoires que s'ils sont clairs et que leur portée est aisément reconnaissable (
ATF 127 IV 229
c. 2c.aa p. 232 ; ATF 106 IV 138 c. 3 p. 140). Selon une jurisprudence constante, dans l'intérêt de la sécurité du trafic, ce devoir s'étend également aux signaux et aux marques qui n'ont pas été apposés de manière régulière, lorsque ceux-ci créent une apparence digne de protection pour d'autres usagers, un tel devoir découlant du principe de la confiance (art. 26 al. 1er LCR). Une éventuelle illicéité n'est pas reconnaissable pour la majorité d'entre eux. Aussi, un usager qui sait qu'un signal n'a pas été apposé régulièrement ne doit pas, par son non-respect, mettre en danger les autres usagers qui se fient à l'apparence ainsi créée (
ATF 128 IV 184
c. 4.2 p. 186). Il en va de la sorte des indications de la vitesse maximale autorisée qui créent une confiance des usagers qui doit être protégée dans de multiples circonstances: bifurcation, dépassement etc. Il ne peut en aller autrement que dans des cas très exceptionnels où de telles injonctions sont entachées de vices particulièrement manifestes qui les rendent nulles (TF 6B_112/2011 du 8 juin 2011 c. 3.3 et les arrêts cités).
4.3.2
Il est constant que la signalisation limitant la vitesse à 50 km/h et, partant, celle de fin de limitation de vitesse, placée exclusivement à gauche de la chaussée, contrevient à l'art. 103 de l'Ordonnance sur la signalisation routière (OSR; RS 741.21) de sorte qu'elle est irrégulière (TF 6B_112/2011 c. 3.3.1) comme le relève l’appelant (appel, ch. 11, p. 6). Toutefois, cette irrégularité n'affecte pas la visibilité du panneau de signalisation pour un conducteur normalement vigilant, ce que ne conteste pas le prévenu. Aussi, compte tenu de la confiance créée pour les autres usagers dans l'indication de la limitation de vitesse, au vu des principes développés par la jurisprudence, l'irrégularité de l'emplacement du signal ne constitue pas un vice si manifeste qu'il se justifierait d'en prononcer la nullité. En d’autres termes, même s'ils n'ont pas été apposés de manière régulière, les signaux ou les marques doivent être observés dans la mesure où ils créent pour les autres usagers de la route une apparence juridique digne d'être protégée (ATF 128 IV 184 c. 4). Cela étant, on peut s’abstenir d’examiner les autres irrégularités invoquées par l’appelant à cet égard, à savoir le fait que la signalisation en question serait placée « trop tard » ou qu’elle aurait dû être répétée (appel, ch. 11, p. 7), tant le moyen est dépourvu de toute pertinence.
5.
X._ ne conteste pas la peine en soi ; il se limite à conclure à son acquittement, subsidiairement au prononcé d’une contravention pour violation simple des règles de la circulation au sens de l’art. 90 al. 1 LCR, en partant de la prémisse que ses précédents moyens sont admis, ce qui n’est pas le cas.
La Cour de céans est d’avis qu’une peine pécuniaire de 20 jours-amende se justifie, compte tenu de l’antécédent en matière d’infraction à la LCR, du fait que l’on se trouve à la limite inférieure du cas grave et du fait que l’excès de vitesse a certes été commis peu avant la fin de la localité, mais à une intersection, entre un arrêt de bus et le débouché d’un chemin limité à 30 km/h, juste après un passage pour piétons.
Le montant du jour-amende, arrêté à 230 fr., est également adéquat, au vu de la situation économique de l’intéressé (c. 1 p. 8
supra
) ; il apparaît même modeste au regard de la fortune de celui-ci.
La révocation du précédent sursis n’est pas non plus critiquable. Il suffit de constater qu’à l’époque des faits, l’appelant avait déjà subi une condamnation pour violation grave des règles de la circulation routière à une peine pécuniaire de 18 jours-amende à 500 fr. le jour et à une amende de 4'000 fr., et qu’il venait de récupérer son permis, après trois mois de retrait pour excès de vitesse (
ibidem
).
Au vu de l’effet dissuasif que la révocation du précédent sursis de la précédente peine devrait provoquer, le premier juge a estimé à juste titre que la nouvelle peine pouvait être assortie d’un sursis, mais avec un long délai d’épreuve, afin de tenir compte du risque de récidive.
En revanche, la Cour de céans est d’avis que la quotité de l’amende, fixée à 4'000 fr. par le Tribunal de police, est excessive parce que proportionnellement trop importante par rapport à la peine pécuniaire et qu’il convient de la réduire à 900 fr., la peine privative de liberté de substitution étant fixée à 4 jours.
6.
En conclusion, l'appel est très partiellement admis en ce sens que le montant de l’amende infligée à X._ sera ramené à 900 fr. et la peine privative de liberté de substitution réduite à 4 jours. Il est rejeté pour le surplus.
Vu l’issue de la cause, les frais d’appel seront mis par trois quarts à la charge de l’appelant, le solde étant laissé à la charge de l’Etat. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
2d0a54c7-8b5c-4e4c-9dba-728d78f22ceb | En fait :
A.
Par jugement du 1
er
juillet 2014, le Tribunal de police de l’arrondissement de La Côte a constaté que R._ s’est rendue coupable de violation des règles sur la circulation routière (I), l’a condamnée à une amende de 450 fr., convertible en 5 jours de peine privative de liberté de substitution à défaut de paiement (II et III), a mis les frais de la cause, par 650 fr., y compris les frais du prononcé préfectoral, à sa charge (IV) et a dit qu’il n’y a pas lieu à une indemnité à forme de l’art. 429 al. 1 CPP (V).
B.
Le 11 juillet 2014, R._ a formé appel contre ce jugement. Par déclaration d’appel motivée du 14 août 2014, elle a conclu, avec suite de frais, à la réforme des chiffres II à V du dispositif précité en ce sens qu’elle est condamnée à une amende de 100 fr., convertible en un jour de peine privative de liberté en cas de non-paiement, que tous les frais de première instance sont laissés à la charge de l’Etat, et qu’une indemnité au sens de l’art. 429 al. 1 CPP d’un montant de 4'917 fr. 60 lui est allouée, selon la liste d’opérations de son défenseur qu’elle a produite.
Par avis du 5 septembre 2014, le Président de céans a informé les parties que l’appel était restreint et qu’il serait traité en procédure écrite par un juge unique.
Par courrier du 10 septembre 2014, le Ministère public a indiqué qu’il renonçait à se déterminer.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Ressortissante portugaise,
R._ est née le [...] 1962, à [...] (Portugal). Elle est domiciliée à [...]. Au bénéfice de l’assurance-invalidité à hauteur de 75%, elle perçoit une rente de 1'060 francs. Elle travaille quatre jours par semaine, à raison d’une heure par jour, dans une crèche pour un revenu de 28 fr. de l’heure. Elle est célibataire et n’a pas d’enfant à charge. Son loyer s’élève à 900 fr. par mois et ses primes d’assurance-maladie sont subsidiées.
Son casier judiciaire est vierge de toute inscription.
2.
Dans un rapport du 30 juin 2013 (P. 4/20), la Gendarmerie vaudoise a dénoncé R._ au Préfet du district de Morges pour avoir commis plusieurs contraventions aux règles sur la circulation routière, soit pour n’avoir pas respecté un signal d’interdiction de circuler dans les deux sens, avoir été inattentive à la route et à la circulation, avoir circulé à une vitesse inadaptée et avoir perdu la maîtrise de son véhicule.
Selon cette dénonciation, le 18 juin 2013, vers 9h15, au lieu-dit [...] situé sur la commune d’ [...],R._ a circulé sur un chemin destiné à l’exploitation agricole en dépit du signal « interdiction générale de circuler dans les deux sens », feux de croisement éteints. Parvenue à une intersection dont la visibilité était totalement masquée à gauche par un champ de colza d’une hauteur supérieure à 1,70 mètre, la prévenue a ralenti à une vitesse inadaptée à la configuration des lieux. Elle s’est ensuite engagée dans ce carrefour sans vouer toute l’attention commandée par les circonstances et n’a pas anticipé la présence de la voiture de livraison occupée par C._, conducteur, et O._, passager, qui arrivait sur sa gauche et qui, après s’être arrêtée, s’était engagée avec précaution dans le carrefour à faible allure dans le but d’obliquer à droite. R._ n’a pas été en mesure de l’éviter et l’a heurtée à l’avant, avec l’angle avant gauche de son véhicule.
3.
a)
Par ordonnance pénale du 13 août 2013, le Préfet du district de Morges a condamné R._ pour violation simple des règles de la circulation routière à une amende de 450 fr., convertible en 5 jours de peine privative de liberté à défaut de paiement, et a mis les frais de la cause, par 250 fr., à sa charge.
Par courrier du 21 août 2013, la prévenue a formé opposition à cette ordonnance.
b)
Appréciant les faits de la cause, le Tribunal de police a confirmé la condamnation de R._ pour violation simple des règles de la circulation routière. Retenant qu’elle avait la priorité de droite, il a relevé que la largeur des chemins ne dépassait pas deux mètres à cet endroit et imposait aux véhicules de se mettre sur le bas côté pour se croiser. Il a considéré que ce carrefour ne devait être traversé qu’au pas et avec toutes les précautions d’usage. Il a enfin estimé que, même à supposer que C._ eût commencé à engager son véhicule dans le carrefour au moment du choc et qu’il eût commis une faute de priorité, la prévenue n’avait pas adapté sa vitesse, même réduite, aux circonstances. | En droit :
1.
1.1
Interjeté dans les formes et délai légaux (art. 399 CPP) par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de R._ est recevable.
1.2
S'agissant d'un appel dirigé contre une contravention, la procédure écrite est applicable (art. 406 al. 1 let. c CPP) et la cause ressort de la compétence d'un juge unique (art. 14 al. 3 LVCPP [loi vaudoise d'introduction du Code de procédure pénale suisse du 19 mai 2009; RSV 312.01]).
1.3
Selon l’art. 398 al. 4 CPP, lorsque seules des contraventions ont fait l’objet de la procédure de première instance, l’appel ne peut être formé que pour le grief que le jugement est juridiquement erroné et que l’état de fait est établi de manière manifestement inexacte ou en violation du droit. Aucune nouvelle allégation ou preuve ne peut être produite. Cet appel restreint a été prévu pour les cas de peu d’importance, soit concernant des infractions mineures, le droit conventionnel international admettant en pareil cas des exceptions au droit à un double degré de juridiction (Kistler Vianin, in: Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 22 et 23 ad art. 398 CPP).
En l’espèce, seules des contraventions à la législation sur la circulation routière ont fait l’objet de la procédure de première instance, de sorte que l’appel est retreint. Pour ce motif, les pièces produites en deuxième instance sont en principe irrecevables. Toutefois, dans la mesure où le relevé d’opérations produit en appel ne concerne pas le fond de la cause, mais la question accessoire du fondement de la quotité d’une indemnité de l’art. 429 CPP et que le juge doit, le cas échéant, instruire d’office cette question (art. 429 al. 2 CPP), dite pièce est en définitive recevable.
2.
L’appelante invoque une constatation manifestement inexacte des faits.
2.1
Comme indiqué ci-dessus, en cas d’appel restreint, le pouvoir d’examen de l’autorité d’appel est limité dans l’appréciation des faits à ce qui a été établi de manière arbitraire, la formulation de l’art. 398 al. 4 CPP correspondant à celle de l’art. 97 al. 1 LTF (Loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005, RS 173.110) (TF 6B_1247/2013 du 13 mars 2014 c. 1.2 ; TF 6B_362/2012 du 29 octobre 2012 c. 5.2 et les références citées). En revanche, la juridiction d’appel peut revoir librement le droit (Kistler Vianin, op. cit., n. 25 ad art. 398 CPP).
2.2
2.2.1
L’appelante soutient en premier lieu que c’est à tort que le premier juge aurait retenu la version des faits présentée par C._ et O._, selon laquelle C._ se serait avancé avec précaution dans l’intersection, « quasi à l’arrêt » et qu’il aurait été à peine engagé dans le carrefour lorsque l’accident s’est produit. La photographie produite en première instance (P. 8/2) montrant une trace de la roue arrière gauche de son véhicule établirait que le point de choc se trouvait à environ deux mètres de l’endroit où s’est finalement arrêté le véhicule de C._, ce qui démontrerait que C._ était passablement engagé dans l’intersection. Le jugement serait ainsi contradictoire en retenant tantôt que le choc avait eu lieu au centre du carrefour tantôt que C._ était presque à l’arrêt avant de s’engager.
En l’occurrence, le premier juge n’a fait que rapporter la teneur du témoignage du passager O._. L’emplacement approximatif, soit sans relevé de mesures précises, du point de choc au centre du carrefour n’est pas contesté. Mis à part les dépositions enregistrées, le seul indice dont on dispose quant aux vitesses respectives des véhicules résulte du rapport de police qui constate que celui de l’appelante a poursuivi sa trajectoire vers l’avant, au-delà du point de choc, alors que celui de C._ a reculé sous l’impact. Cet élément tend plutôt à démontrer que la vitesse de ce dernier était moindre que celle du véhicule de l’appelante. On relèvera en outre que C._ a abordé l’intersection avec l’intention de tourner à droite et d’emprunter l’étroite voie perpendiculaire sur laquelle circulait l’appelante. La réussite de cette manoeuvre impliquait forcément une faible vitesse. Quoi qu’il en soit, l’état de fait du jugement attaqué ne recèle aucune contradiction, incohérence ou constatation arbitraire entre une avancée lente et précautionneuse du véhicule de C._, d’une part, et l’emplacement du point de choc au milieu de cet étroit carrefour, le milieu d’une croisée de deux voies larges de deux mètres se situant au demeurant à un mètre à l’intérieur de l’intersection.
2.2.2
L’appelante reproche ensuite au premier juge d’avoir implicitement considéré qu’elle n’avait pas tenu sa droite à l’approche du carrefour, en retenant que la largeur des chemins imposait aux véhicules de se mettre sur le bas côté pour croiser.
Ce grief doit être écarté. Il ne saurait y avoir contradiction entre un prétendu reproche implicite et le constat du premier juge déduit de l’étroitesse de la voie de circulation. Au demeurant, la remarque de ce dernier tendait uniquement à souligner que les circonstances imposaient de circuler à très faible allure et non à reprocher à l’appelante d’avoir circulé trop à gauche.
3.
L’appelante conteste avoir perdu la maîtrise de son véhicule, avoir circulé à une vitesse inadaptée aux circonstances et avoir été inattentive à la route et à la circulation en violation des devoirs que prescrivent respectivement les art. 31 al. 1 LCR, 32 al. 1 LCR et 3 al. 1 OCR. En soulignant que C._ était débiteur de la priorité, elle soutient qu’il appartenait à celui-ci d’aborder l’intersection en tâtonnant et de circuler à une vitesse adaptée, ce qu’il n’aurait pas fait.
3.1
Selon l’art. 32 al. 1 LCR, la vitesse doit toujours être adaptée aux circonstances, notamment aux particularités du véhicule et du chargement, ainsi qu'aux conditions de la route, de la circulation et de la visibilité. Aux endroits où son véhicule pourrait gêner la circulation, le conducteur est tenu de circuler lentement et, s'il le faut, de s'arrêter, notamment aux endroits où la visibilité n'est pas bonne, aux intersections qu'il ne peut embrasser du regard, ainsi qu'aux passages à niveau.
Selon l’art. 4 al. 1 OCR (Ordonnance sur les règles de la circulation routière du 13 novembre 1962, RS 741.11), le conducteur ne doit pas circuler à une vitesse qui l'empêcherait de s'arrêter sur la distance à laquelle porte sa visibilité; lorsque le croisement est malaisé, il doit pouvoir s'arrêter sur la moitié de cette distance.
L’art. 32 al. 1 LCR implique notamment qu’on ne peut circuler à la vitesse maximale autorisée que si les conditions de route, du trafic et de visibilité sont favorables (ATF 121 IV 286 c. 4b ; ATF 121 II 127 c. 4a p. 132). La violation de cette disposition n’est pas subordonnée à la condition de la perte de maîtrise du véhicule (TF 4B_76/2009 du 6 avril 2009 c. 3.2). L’examen de l’adaptation de la vitesse aux circonstances, dans leur ensemble, est en principe une question de droit que le Tribunal fédéral peut examiner librement. Mais, comme la réponse dépend pour beaucoup de l’appréciation des circonstances locales par l’autorité cantonale, à laquelle il faut laisser une certaine latitude, le Tribunal fédéral ne s’écarte de cette appréciation que lorsque des raisons impérieuses l’exigent (ATF 99 IV 227 c. 2 p. 229 ; ATF 91 IV 141 c. 1 p. 142 ; ATF 89 IV 98 c. 2 p. 102 ; TF 6B_432/2013 du 12 décembre 2013 c. 1.2 ; TF 6B_1247/2013 du 13 mars 2014 c. 3.1).
Selon la jurisprudence (Bussy & Rusconi, Code suisse de la circulation routière, Lausanne 1996, p. 307 n. 1.11 ad art. 32 LCR), seul le non prioritaire a la charge de l’obligation de s’arrêter aux intersections qu’il ne peut embrasser du regard.
3.2
En l’espèce, l’appelante circulait à 50 km/h, selon ses dires, sur un chemin étroit de deux mètres réservé aux exploitants agricoles qui ne permettait donc pas le croisement. L’intersection à angle droit qu’elle s’apprêtait à aborder était en outre dépourvue de toute visibilité sur la gauche en raison de la hauteur de plants de colza et dotée d’une visibilité très réduite à droite en raison d’un verger. Dans un tel contexte, R._ devait réduire très fortement sa vitesse et non seulement légèrement, de sorte à pouvoir anticiper la présence d’autres usagers fréquents sur de tels chemins et réagir en conséquence. En effet, l’axe perpendiculaire sur lequel elle s’engageait pouvait être emprunté non seulement par des véhicules non prioritaires venant de gauche, mais également pas des voitures prioritaires venant de droite, ainsi que par des véhicules agricoles effectuant des manœuvres au bord des champs, des cyclistes, des promeneurs ou encore des animaux.
Dans ces circonstances, c’est à juste titre que le premier juge a retenu que l’appelante circulait à une vitesse inadaptée qui ne permettait pas de se conformer aux règles de la prudence et que sa réaction tardive au danger découlant de son inattention l’a conduite à perdre la maîtrise de son véhicule. Contrairement à ce que l’appelante semble croire, l’éventuelle faute de circulation de C._ ne met pas à néant les siennes.
Au vu de ce qui précède, la condamnation de l’appelante pour violation simple des règles de la circulation routière doit être confirmée.
4.
Enfin, l’amende de 450 fr. et la peine privative de liberté de substitution doivent être confirmées, ces sanctions étant conformes aux principes prescrits par l’art. 106 CP.
5.
En définitive, l’appel doit être rejeté et le jugement du 1
er
juillet 2014 intégralement confirmé.
6.
Vu l’issue de la cause, les frais d’appel, constitués en l’espèce de l’émolument d’arrêt, par 810 fr., doivent être mis à la charge de R._, qui succombe (art. 428 al. 1 CPP).
Faute d’acquittement, il n’y a en outre pas lieu de lui allouer une indemnité fondée sur l’art. 429 CPP. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
2d1f27b5-d1da-4d67-8d40-ad4aac276181 | En fait :
A.
Par jugement du 2 octobre 2012, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a libéré B._ des chefs d'accusation de complicité d'escroquerie par métier et de blanchiment d'argent (I), rejeté les conclusions civiles formulées par F._, T._ et E._ (II), rejeté la requête en indemnité formulée par B._, au sens de l'art. 429 al. 1 CPP (III) et mis les frais par 2'575 fr. à la charge de B._ (IV).
B.
Par annonce du 8 octobre 2012, puis par déclaration motivée du 13 novembre 2012, B._ a fait appel contre ce jugement. B._ a conclu à la réforme des chiffres III et IV du dispositif du jugement attaqué en ce sens qu'une indemnité au sens de l'art. 429 CPP d'un montant de 12'696 fr. lui est allouée et que les frais de justice sont mis à la charge de l'Etat.
Dans le délai imparti, le Ministère public a indiqué qu'il s'en remettait à justice s'agissant de la recevabilité de l'appel et qu'il n'entendait pas déposer d'appel joint.
Par avis du Président de la cour de céans du 21 décembre 2012, l'appelant a été informé qu'en application de l'art. 406 al. 1 CPP son appel serait traité en procédure écrite et un délai lui a été imparti pour déposer un éventuel mémoire complémentaire.
Dans le délai imparti, l'appelant a déclaré renoncer à déposer une telle écriture, se référant à sa déclaration d'appel motivée.
Dans le délai imparti à cet effet, le Ministère public n'a pas déposé de déterminations écrites.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
B._ est né le 19 mai 1978 à Paris en France. De nationalité franco-israélienne, aujourd'hui marié, il vit à Ashdod, en Israël. Lors des faits de la cause, B._ vivait déjà dans ce pays où il était étudiant en informatique auprès de l'Académie de [...] pour des études comprises entre le mois d'octobre 2002 et le mois de mai 2004. Une attestation du 27 mars 2011 du Ministère de l'Intérieur de l'Etat d'Israël démontre que B._ a quitté ce pays dix fois entre le 27 mars 2004 et le 17 mars 2011, dont quatre fois entre le 27 mars 2004 et le 29 juin 2004. Pour le surplus, les pièces produites permettent d'attester que B._ est actuellement locataire d'un appartement à Ashdod dont le loyer mensuel est de 4'100 shekels (NIS), ce qui correspond à environ 800 € par mois.
Les casiers judiciaires suisse et israélien de B._ sont vierges. Toutefois, son casier judiciaire français comporte une inscription :
- 24.10.2008, Tribunal correctionnel de Paris, 10 mois d'emprisonnement avec sursis, par défaut, pour escroquerie et tentative d'escroquerie.
Le jugement français par défaut produit au dossier permet de comprendre que la condamnation est intervenue dans le même complexe de faits que ceux qui ont été jugés par le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne.
Dans le courant du mois de février 2004, B._, alors domicilié en Israël, s'est rendu à Paris pour des raisons familiales. Alors qu'il se trouvait dans un restaurant du 19
ème
arrondissement, B._ a été approché par Q._ qui lui a proposé un travail rémunéré à hauteur de 3'000 € par mois en qualité de gérant de paille. Q._ lui a précisé qu'il était lui-même interdit bancaire et qu'il avait besoin de quelqu'un pour ouvrir des comptes bancaires notamment. B._ s'est donc objectivement associé à l'activité délictueuse de Q._ tendant à la création de la sàrl française S._, (ci-après : X._).
Les intermédiaires de la société X._ officiellement active dans le domaine de la "vente en gros et demi-gros et de l'import-export de tous produits non réglementés destinés au grand public ou professionnel", n'ont pas assumé d'autres tâches que celle de leurrer leurs interlocuteurs avec force promesses et télécopies trompeuses pour les amener à verser des avances prétendument destinées à assurer la mise en œuvre de prestations qu'ils n'avaient en réalité nullement l'intention d'honorer.
C'est ainsi qu'entre le mois de mars et le mois de juin 2004, au prix de plusieurs voyages entre son domicile israélien et Paris et moyennant la rémunération mensuelle de 3'000 fr. mentionnée plus haut, B._ s'est employé à signer les divers documents relatifs à la constitution et au fonctionnement de la société incriminée soit :
- les actes permettant son inscription, dès le 14 mai 2004, au Registre du commerce de Paris, faisant par ailleurs état d'un domicile privé parisien fictif de B._;
- les baux à loyer de son siège social officiel sis rue du [...], ainsi que ses bureaux de façade sis [...], à Paris;
- les documents d'ouverture de relations bancaires auprès de [...] et de la [...] et surtout, dès le 3 juin 2004, de son compte courant n°[...] auprès de l'établissement [...], sur lequel allaient être réceptionnés les versements des dupes.
Une fois les relations bancaires ouvertes, B._ a entrepris les démarches nécessaires pour fournir à Q._ des cartes bleues mais aussi des carnets de chèques, papiers-valeurs massivement employés pour retirer de l'argent obtenu frauduleusement et le faire ainsi rapidement disparaître des circuits financiers, le soustrayant par la même occasion à toute possibilité de confiscation.
Trois victimes domiciliées dans le canton de Vaud ont déposé plainte dans le cadre de la présente procédure :
F._, s'est vu convaincre de conclure un partenariat portant sur la livraison de centaines de palettes d'insecticide professionnel et de verser 6'936.80 fr. prétendument destinée à couvrir "les frais techniques et logistiques". Aucune commande d'insecticide n'a jamais été adressée à F._ et celui-ci n'a jamais récupéré son investissement. Il a déposé plainte le 26 novembre 2013.
T._, s'est vu convaincre de conclure un partenariat portant sur la distribution de 1920 meules à fromage sur territoire français et de verser une somme totale de 81'585.58 € prétendument destinée à couvrir "les frais techniques et logistiques". Aucune meule à fromage de T._ n'a jamais été vendue sur le territoire français et celui-ci n'a jamais récupéré son argent. Il a déposé plainte le 9 septembre 2004.
E._ s'est vu convaincre de conclure un partenariat portant sur la couverture de deux cents chaises Louis XVI et de verser le montant de 4'843.80 € prétendument destiné à servir de "fonds de garantie". Aucune chaise sur laquelle effectuer des travaux ne lui est jamais parvenue et il n'a jamais récupéré son investissement. Il a déposé plainte le 9 septembre 2004.
Au bénéfice du doute, le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne a acquitté B._ dans la mesure où il n'a pas acquis la certitude que celui-ci avait conscience, ne serait-ce que par dol éventuel, de favoriser l'accomplissement d'escroqueries par millier par son activité d'homme de paille. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
Interjeté dans les formes et délai légaux contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
3.
Conformément à l'art. 406 al. 1 let. d CPP, l'appel est traité en procédure écrite étant donné que seuls les frais et les indemnités sont attaqués par l'appelant dans le cas d'espèce.
4.
4.1
L'appelant B._ se plaint de violation des art. 426 al. 2 CPP d'une part et des art. 429 et art. 430 al. 1 CPP d'autre part. Il considère qu'en raison de son acquittement, il n'aurait pas dû voir mis à sa charge les frais de justice et qu'il aurait dû obtenir une indemnité au sens de l'art. 429 CPP.
S'agissant des frais, B._ conteste que les conditions d'application de l'art. 426 al. 2 CPP soient en l'espèce réalisées. Il se défend d'avoir eu, comme le premier juge le lui a reproché, un comportement civilement hautement répréhensible. Il conteste aussi avoir compliqué ou rendu plus difficile la conduite de l'enquête.
S'agissant de l'indemnité de l'art. 429 CPP, il considère y avoir droit en raison du fait qu'il a été totalement acquitté et estime, par analogie avec les frais, qu'aucun des motifs prévus par l'art. 430 al. 1 CPP ne peut lui être appliqué. Il réclame par conséquent une indemnité d'un montant de 12'696 fr. détaillée comme suit :
- frais de transport pour se rendre en Suisse depuis Israël : 1'000.00 fr.
- frais d'avocat : 11'196.00 fr.
- indemnité pour tort moral : 500.00 fr.
4.2
Aux termes de l'art. 426 al. 2 CPP lorsque le prévenu est acquitté, tout ou partie des frais de procédure peuvent être mis à sa charge notamment s'il a, de manière illicite et fautive, provoqué l'ouverture de la procédure.
Selon l'art. 429 al. 1 let. a CPP, si le prévenu est acquitté totalement ou en partie, il a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure. L'autorité pénale peut toutefois réduire ou refuser l'indemnité si le prévenu a provoqué illicitement et fautivement l'ouverture de la procédure (art. 430 al. 1 let. a CPP).
Les principes qui régissent la condamnation aux frais d'un prévenu libéré (art. 426 al. 2 CPP) valent également, mutatis mutandis, pour le refus d'une indemnité au sens de l'art. 430 al. 1 let. a CPP (TF 1B.179/2011 du 17 juin 2011 c. 4.2; J. Pitteloud, Code de procédure pénale suisse, Commentaire à l'usage des praticiens, 2012, n. 1314). Ainsi, le sort réservé aux frais est en règle générale le même que pour les indemnités (ATF 137 IV 352 c. 2.4.2; J. Pitteloud, op.cit., n. 1335).
Selon l'arrêt du Tribunal fédéral du 22 octobre 2012 (TF 6B_331/2012), la condamnation d'un prévenu acquitté à supporter tout ou partie des frais doit respecter la présomption d'innocence, consacrée aux art. 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999; RS 101) et 6 par. 2 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950; RS 0.101). Celle-ci interdit de rendre une décision défavorable au prévenu libéré en laissant entendre que ce dernier serait néanmoins coupable des infractions qui lui étaient reprochées. Une condamnation aux frais n'est ainsi admissible que si le prévenu a provoqué l'ouverture de la procédure pénale dirigée contre lui ou s'il en a entravé le cours. A cet égard, seul un comportement fautif et contraire à une règle juridique, qui soit en relation de causalité avec les frais imputés, entre en ligne de compte (ATF 119 Ia 332 c. 1b; ATF 116 Ia 162 c. 2c). Ces considérations valent mutatis mutandis lorsque le tribunal refuse d'allouer une indemnité au prévenu en cas de procédure se soldant sans condamnation (ATF 115 Ia 309 c. 1a ; TF 6B_215/2007 du 2 mai 2008 c. 6).
Pour déterminer si le comportement en cause est propre à justifier l'imputation des frais ou le refus d'une indemnité, le juge peut prendre en considération toute norme de comportement écrite ou non écrite résultant de l'ordre juridique suisse pris dans son ensemble, dans le sens d'une application par analogie des principes découlant de l'art. 41 CO (ATF 119 Ia 332 c. 1b ; ATF 116 Ia 162 c. 2c). Le fait reproché doit constituer une violation claire de la norme de comportement (ATF 119 Ia 332 ibidem; ATF 116 Ia 162 c. 2d). L'acte répréhensible doit en outre se trouver dans une relation de causalité adéquate avec l'ouverture de l'enquête ou les obstacles mis à celle-ci. Tel est notamment le cas lorsque le comportement du prévenu, violant clairement des prescriptions écrites cantonales, était propre à faire naître, selon le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le soupçon d'un comportement punissable justifiant l'ouverture d'une enquête pénale (ATF 116 Ia 162 c. 2c). Enfin, une condamnation aux frais ne peut se justifier que si, en raison du comportement illicite du prévenu, l'autorité était légitimement en droit d'ouvrir une enquête. Elle est en tout cas exclue lorsque l'autorité est intervenue par excès de zèle, ensuite d'une mauvaise analyse de la situation ou par précipitation (TF 6B_331/2012 ibidem; ATF 116 Ia 162 c. 2c).
Sur la base des principes précités, la jurisprudence a régulièrement admis qu'un comportement contraire à une disposition légale peut, sans violation de la présomption d'innocence, être retenu pour justifier la mise à charge des frais, respectivement le refus d'indemnité, même si l'action pénale pour l'infraction correspondante n'a pas abouti à une condamnation (TF 6B_331/2012 ibidem; TF 6B_143/2010 du 22 juin 2010 c. 3.1; TF 1P.584/2006 du 22 décembre 2006 c. 9.3).
Il convient dès lors d'examiner si B._ a adopté un comportement fautif et contraire à une règle juridique et de ce fait, commis une faute civile.
4.3
En l'espèce, il résulte du dossier de première instance que l'appelant B._ a fonctionné comme "homme de paille", acceptant d'agir en tant que prête-nom pour créer la société X._. Si le seul fait d'accepter de représenter formellement une société en suivant, en réalité, les instructions d'un tiers ne représente pas – et on donne acte à l'appelant sur ce point – un comportement civilement répréhensible et ne constitue pas une violation d'une norme de comportement de l'ordre juridique suisse, il n'en va pas de même du comportement adopté en l'espèce par B._ en sa qualité d'homme de paille. Il faut relever qu'il a perçu une rémunération mensuelle de 3'000 €, en totale disproportion avec le travail effectivement accompli, ce qui n'est pas encore civilement répréhensible, mais pose le contexte louche de ce recrutement. Il faut surtout retenir que B._ a admis (PV. aud.1; jgt, p. 10) qu'il savait ou avait conscience d'agir en sous-main pour un tiers, Q._, qui lui avait expliqué avoir besoin de quelqu'un car il était lui-même frappé d'interdit bancaire et donc dans l'incapacité de procéder à des opérations liées à la création d'une entreprise et à l'ouverture de comptes bancaires. En procédant comme il l'a fait, B._ a donc participé activement au contournement des règles bancaires et administratives édictées pour assurer, voire garantir la plus grande transparence possible en la matière et assurer la sécurité des transactions bancaires. Il a agi avec conscience et volonté en apportant sa participation active à des manœuvres de fraude en matière bancaire et administrative.
4.4
Il faut relever que l'enquête de la présente cause a été dirigée contre B._ personnellement, en suite d'une plainte dirigée contre la société X._ (P. 4). Les agissements du prévenu ont donc été immédiatement au centre de l'enquête pénale et ont bien provoqué l'ouverture de cette procédure.
En conclusion, les fautes civiles commises par le prévenu sont manifestement en rapport de causalité avec l'ouverture de l'enquête à son encontre ainsi que son déroulement. Il se justifie par conséquent de lui faire supporter les frais de procédure et de lui refuser toute indemnisation pour ses frais de défense, en application des art. 426 al. 2 et 430 al. 1 let. a CPP.
5.
Au vu de ce qui précède, l'appel doit être rejeté, le jugement du 2 octobre 2012 étant confirmé.
6.
Vu l'issue de l'appel, les frais de la cause doivent être mis à la charge de l'appelant, qui succombe (art. 428 al. 1, 1ère phrase, CPP; art. 2 al. 2 ch. 1 TFJP). La partie ayant été représentée par un avocat de choix, les frais sont limités aux frais d'arrêt selon l'art. 424 CPP. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
2d30c343-c049-4e62-a6fb-82f78a4ec15a | En fait :
A.
Par jugement du 15 août 2014, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de la Broye et de l’Est vaudois a constaté que H._ s’est rendu coupable d’appropriation illégitime, vol en bande et par métier, dommage à la propriété, recel, infraction à la loi fédérale sur les étrangers et contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants (I), l’a condamné à quarante-quatre mois de peine privative de liberté, sous déduction de 371 jours de détention avant jugement (dont 128 d’exécution de peine anticipée) et à une amende de 300 fr. (II), a dit qu’à défaut fautif de paiement de l’amende, la peine privative de liberté de substitution sera de trois jours (III), a ordonné le maintien en détention de H._ pour des motifs de sûreté et pour garantir l’exécution de la peine (IV), a libéré Z._ du chef de prévention de menaces et de brigandage (V), a constaté qu’il s’est rendu coupable d’appropriation illégitime, vol en bande et par métier, recel et infraction à la loi fédérale sur les étrangers (VI), l’a condamné à vingt-huit mois de peine privative de liberté, sous déduction de 371 jours de détention avant jugement (dont 128 d’exécution de peine anticipée) (VII), a révoqué le sursis accordé le 3 juillet 2013 par le Ministère public du canton de Genève et ordonné l’exécution de la peine pécuniaire de 90 jours-amende à 30 fr. (VIII), a ordonné le maintien en détention de Z._ pour des motifs de sûreté et pour garantir l’exécution de la peine (IX), a constaté que N._ s’est rendu coupable d’appropriation illégitime, vol en bande et par métier, dommages à la propriété, recel, contravention à la loi sur les stupéfiants (X), l’a condamné à trente-deux mois de peine privative de liberté, sous déduction de 371 jours de détention avant jugement (dont 128 d’exécution de peine anticipée) et à une amende de 300 fr. (XI), a dit qu’à défaut fautif de paiement de l’amende, la peine privative de liberté de substitution sera de trois jours (XII), a révoqué les sursis accordés les 10 avril 2013 par le Ministère public du canton de Genève et le 31 octobre 2013 par la Staatsanwaltschaft des Kantons Wallis, Amt der Region Oberwallis, Visp, et ordonné l’exécution des peines pécuniaires de 60 jours-amende à 30 fr. et de 40 jours-amende à 30 fr. (XIII), a ordonné le maintien en détention de N._ pour des motifs de sûreté et pour garantir l’exécution de la peine (XIV), a statué sur les conclusions civiles des parties plaignantes (XV à XIX), sur la confiscation de divers objets (XX), sur le maintien au dossier de certains objets (XXI) et a fixé les frais et dépens (XXII à XXX).
B.
Le Ministère public a annoncé faire appel de ce jugement le 22 août 2014. Il a déposé une déclaration d’appel motivée le 9 septembre 2014. Il a conclu à la modification des chiffres II, VI, VII et XI du dispositif du jugement attaqué en ce sens que H._ est condamné à une peine privative de liberté de 66 mois, sous déduction de la détention subie avant jugement, et à une amende de 300 fr. (II), que Z._ est reconnu coupable d’appropriation illégitime, de vol en bande et par métier, de brigandage, de recel et d’infraction à la LEtr (VI), que Z._ est condamné à une peine privative de liberté de 42 mois, sous déduction de la détention subie avant jugement (VII), que N._ est condamné à une peine privative de liberté de 48 mois, sous déduction de la détention subie avant jugement, et à une amende de 300 fr. (XI)
.
L’appelant a confirmé ses conclusions à l’audience d’appel. Les intimés ont conclu au rejet de cet appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.1 Ressortissant algérien, né en 1973, le prévenu H._ a quitté son pays pour l’Europe à presque 17 ans. Il a occupé divers «petits jobs» et séjourné notamment en Espagne, en Belgique, en France, en Italie, au Portugal et en Autriche. Séparé, il est père de deux enfants, qui résident en Espagne. Au début de l’année 2013, il est entré en Suisse sans autorisation. En dépit du fait qu’il n’a jamais été au bénéfice d’une autorisation de séjour, il a en outre résidé dans notre pays, jusqu’au 9 août 2013, date de son interpellation. Il envisage de trouver un travail en Italie une fois sa peine purgée.
Le casier judiciaire suisse de ce prévenu, connu aussi en Europe sous de nombreux alias, est vierge. L’intéressé a été condamné à quatre reprises en Espagne pour des vols avec violence et pour des infractions routières, deux fois en Autriche pour des vols ainsi qu’une fois en Belgique pour une série de vols. Il a également admis avoir volé à quelques reprises au Portugal et en Italie (PV aud. 32).
Pour les besoins de la présente cause, ce prévenu a été détenu avant jugement depuis le 9 août 2013. Il est en exécution anticipée de peine depuis le 13 décembre 2013.
1.2 Ressortissant algérien, né en 1980, le prévenu Z._ serait titulaire d’un diplôme d’agent de sécurité obtenu dans son pays, qu’il a quitté à une date indéterminée pour se rendre en France. Il a travaillé à Marseille, puis à Paris. Il a séjourné sans autorisation en Suisse du 3 juillet 2013, date de sa dernière condamnation, au 9 août 2013, date de son interpellation.
Il souhaite, une fois libéré, retourner en France ou en Italie pour travailler.
Le casier judiciaire de ce prévenu mentionne une condamnation à une peine de 90 jours-amende à 30 fr. le jour-amende, avec sursis pendant trois ans, pour tentative de vol, vol, opposition aux actes de l’autorité, entrée illégale et séjour illégal, prononcée le 3 juillet 2013 par le Ministère public du canton de Genève.
Pour les besoins de la présente cause ce prévenu a été détenu avant jugement depuis le 9 août 2013. Il est en exécution anticipée de peine depuis le 13 décembre 2013.
1.3 Ressortissant algérien, né en 1988, le prévenu N._ a quitté son pays à une date indéterminée pour travailler illégalement en France. Par la suite, il a gagné la Belgique. Il y a été condamné pour des vols. Il a quitté la Belgique à sa sortie de prison pour regagner la France. Il veut retourner dans ce pays une fois sa peine purgée.
Le casier judiciaire suisse de ce prévenu mentionne deux condamnations, à savoir :
- une peine 60 jours-amende à 30 fr. le jour-amende, avec sursis pendant trois ans, pour entrée illégale et séjour illégal, prononcée le 10 avril 2013 par le Ministère public du canton de Genève;
- une peine de 40 jours-amende à 30 fr. le jour-amende, avec sursis pendant deux ans, et une peine de 400 fr. d’amende, pour vol et contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants, prononcées le 31 octobre 2013 par la Staatsanwaltschaft des Kantons Wallis, Amt der Region Oberwallis.
Pour les besoins de la présente cause, ce prévenu a été détenu avant jugement depuis le 9 août 2013. Il est en exécution anticipée de peine depuis le 13 décembre 2013.
2. Par souci de simplification et au regard du nombre d’infractions commises, la Cour de céans se bornera à faire état des seuls éléments utiles à l’examen de l’appel. Elle renvoie pour le surplus aux faits tels que décrits dans le jugement attaqué et les fait siens.
2.1 Du 4 avril 2013 à tout le moins au 9 août 2013, les trois prévenus ont commis de manière récurrente des vols «à l’astuce», principalement à Yverdon-les-Bains, sur la Côte et à Renens, le plus souvent au préjudice de personnes âgées ou de sexe féminin. Le mode opératoire des comparses visait essentiellement à distraire la victime, en lui demandant par exemple un renseignement, à charge pour un acolyte de détrousser la personne visée. Lors de la commission de leurs méfaits, les prévenus étaient en permanence en communication téléphonique, au moyen d’oreillettes qui leur assuraient à la fois efficacité et discrétion. La visite domiciliaire effectuée dans l’appartement nyonnais que les prévenus utilisaient régulièrement durant leur séjour en Suisse a notamment permis la découverte de 23 téléphones portables, de quatre ordinateurs et/ou Ipad, de près de 6'000 fr. et de 900 euros, ainsi que de matériel de plongée sous-marine.
2.2 Le 15 juillet 2013, en particulier, les trois prévenus et un quatrième acolyte, [...], ont dérobé le sac en bandoulière d’ [...]. Auparavant, l’un des auteurs a demandé à ce dernier, qui se trouvait alors au volant de sa voiture à l’arrêt, le chemin qu’il devait emprunter pour se rendre à Neuchâtel, respectivement à Lausanne. [...] s’est immédiatement rendu compte qu’il venait de se faire dépouiller, est sorti de son véhicule et a poursuivi les quatre auteurs pour finalement réussir à s’agripper au sac que portait Z._. Ce dernier s’est alors adressé à [...] en ces termes : «Lâche-moi ou je te casse la gueule ! Et je te tue aussi !». [...] a lâché prise et le prévenu s’est enfui muni du sac de la victime. | En droit :
1.
Interjeté dans les forme et délais légaux par une partie ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel est recevable.
2.
2.1
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour et (c) pour inopportunité (al. 3).
2.2
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
3.1
Le Ministère public reproche aux premiers juges de ne pas avoir retenu les menaces proférées par Z._ à l’encontre d’ [...] le 15 juillet 2013, alors même que la version des faits de ce prévenu a varié tout au long de la procédure. L’appelant soutient que, pour ce cas, les conditions de l’art. 140 ch. 1 al. 2 CP sont réalisées ou, à titre subsidiaire, celles de l’art. 180 CP.
3.2
Selon l’art. 140 ch. 1 CP, celui qui aura commis un vol en usant de la violence à l’égard d’une personne, en la menaçant d’un danger imminent pour la vie ou l’intégrité corporelle ou en la mettant hors d’état de résister sera puni d’une peine privative de liberté de dix ans au plus ou d’une peine pécuniaire de 180 jours-amende au moins (al. 1). Celui qui, pris en flagrant délit de vol, aura commis un des actes de contrainte mentionnés à l’al. 1 dans le but de garder la chose volée encourra la même peine (al. 2).
Ainsi, cette dernière disposition permet également de qualifier le vol comme brigandage lorsqu’un acte de contrainte qualifié est commis dans le dessein de garder la chose volée, soit postérieurement à la soustraction (Niggli/Riedo,
in
: Niggli/Wiprächtiger [éd.], Basler Kommentar, Strafrecht II, Art. 111-392 StGB, 3
e
éd., Bâle 2013, n. 14 ad art. 140 CP).
3.3
Le 15 juillet 2013, les trois prévenus et un quatrième acolyte, [...], ont dérobé le sac en bandoulière d’ [...]. Auparavant, l’un des auteurs a demandé à ce dernier, qui se trouvait alors au volant de sa voiture à l’arrêt, le chemin qu’il devait emprunter pour se rendre à Neuchâtel, respectivement à Lausanne. [...] s’est immédiatement rendu compte qu’il venait de se faire dépouiller, est sorti de son véhicule et a poursuivi les quatre auteurs pour finalement réussir à s’agripper au sac que portait Z._. Ce dernier s’est alors adressé à [...] en ces termes : «Lâche-moi ou je te casse la gueule ! Et je te tue aussi !». [...] a lâché prise et le prévenu s’est enfui muni du sac de la victime.
Les premiers juges ont retenu que les déclarations du prévenu et du plaignant divergeaient sur le prononcé de menaces, qu’ils n’ont finalement pas retenues au bénéfice d’un doute considéré comme infinitésimal.
Cette appréciation ne saurait être suivie. En effet, il n’existe aucun motif de douter des déclarations du plaignant, qui sont claires, constantes et crédibles. Au contraire, la version de Z._ a varié; ainsi, en cours d’enquête, il a d’abord nié avoir participé à ce vol et parlé avec le plaignant (PV aud. n 4 et 12); il a ensuite expliqué qu’au moment où le vol avait été commis, il était en train de discuter avec un autre conducteur, qui était placé juste derrière [...] et que, lorsque ce dernier était sorti de son véhicule, il avait quitté les lieux calmement (PV aud. 30); lors des débats de première instance, il a expliqué qu’ [...] était sorti de son véhicule, qu’il était venu vers lui, l’avait agrippé et lui avait demandé d’ouvrir son sac, ce qu’il avait fait et qu’il ne voyait pas pourquoi il l’aurait menacé alors qu’il n’avait rien fait, ni rien volé (jugement, p. 12). Enfin, à l’audience d’appel, il a relevé qu’il «(...) parle un peu le français», bien qu’il ait bénéficié de l‘assistance d’un interprète. Vu son parcours, à savoir qu’il a vécu et travaillé à Marseille et à Paris, il est évident qu’il sait suffisamment le français pour avoir tenu les brefs propos énoncés ci-dessus. Enfin, N._ a également indiqué que son comparse avait échangé quelques mots avec le plaignant.
Il s’ensuit que le prévenu n’est pas crédible au regard de ses variations et mensonges. Au regard de ces éléments, il convient de retenir la version du plaignant, de sorte que Z._ doit également être condamné pour brigandage en application de l’art. 140 ch. 1 al. 2 CP, au détriment de la qualification de vol en bande et par métier retenue dans le cas n° 39.
4.1
Le Ministère public considère que les peines prononcées à l’encontre des trois intimés sont exagérément clémentes.
4.2
L'art. 47 al. 1 CP prévoit que la peine doit être fixée d'après la culpabilité de l'auteur, en tenant compte des antécédents et de la situation personnelle de ce dernier ainsi que de l'effet de la peine sur son avenir. L'al. 2 de cette disposition énumère, de manière non limitative, une série de critères à prendre en considération pour déterminer la culpabilité de l'auteur. Ces critères correspondent à ceux qui devaient être pris en compte selon la jurisprudence relative à l'art. 63 aCP, à laquelle on peut se référer (ATF 136 IV 55 c. 5.4 p. 59; ATF 134 IV 17 c. 2.1).
Pour fixer la peine, le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation. Il y a toutefois violation du droit fédéral lorsque le juge sort du cadre légal, lorsqu'il fonde sa décision sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, lorsqu'il omet de prendre en considération des éléments prévus par cette disposition ou lorsqu'il abuse de son pouvoir d'appréciation en fixant une peine exagérément sévère ou excessivement clémente (ATF 134 IV 17 c. 2.1 pp. 19 s.).
En vertu de l'art. 50 CP, le choix de la sanction, comme la quotité et la durée de celle qui est prononcée, doivent être motivés de manière suffisante. La motivation adoptée doit permettre de vérifier si les éléments pertinents ont été pris en compte et comment ils ont été appréciés (cf. ATF 134 IV 17 c. 4.2.1).
4.3
S’agissant tout d’abord de l’appel dirigé contre H._, le Ministère public considère que ce prévenu est un délinquant chevronné, qu’il a joué un rôle bien plus important que celui de simple coordinateur des activités de ses comparses, que ses antécédents n’ont pas suffisamment été pris en compte et que, contrairement à ce qui a été retenu par les premiers juges, il n’existe aucun élément à décharge. L’appelant requiert par conséquent le prononcé d’une peine privative de liberté de 66 mois.
H._ s’est rendu coupable d’appropriation illégitime, de vol en bande et par métier, de dommages à la propriété, de recel, d’infraction à la LEtr et de contravention à la LStup. Sa culpabilité est très importante. Il s’agit d’un délinquant chevronné. En effet, il a commis 56 vols à l’astuce dans un laps de temps relativement bref. Il était le coordinateur de la bande. Il a d’ailleurs expliqué à plusieurs reprises qu’il avait l’habitude de commettre des vols selon un mode opératoire rodé et rapide dénotant le grand professionnaliste de ce prévenu, qui utilisait le téléphone mobile et les oreillettes pour gagner encore en efficacité. Le prévenu et ses comparses choisissaient leurs victimes parmi une population relativement âgée, ce qui réduisait la possibilité de réaction de celles-ci, ou féminine dont il est logique qu’elle offrait moins de résistance face à une bande d’hommes. Ce choix démontre l’évidente lâcheté des comparses.
H._ n’a pas été collaborant avec les autorités. Au contraire, il leur a rendu la tâche difficile. En effet, tout au long de l’instruction, il a montré des difficultés de mémoire qui l’ont amené, comme ses comparses, non pas à nier les faits, mais à contester la possibilité éventuelle d’avoir participé à tel ou tel acte. Sa prise de conscience ainsi que ses excuses ne paraissent que très théoriques. En effet, ce prévenu, qui a maintenant passé la quarantaine, a pratiquement toujours vécu de vols et s’est incrusté dans la délinquance. Il a déjà été condamné à quatre reprises en Espagne pour des vols avec violence et pour des infractions routières, deux fois en Autriche pour des vols ainsi qu’une fois en Belgique pour une série de vols. Il a également admis avoir volé à quelques reprises au Portugal et en Italie (PV aud. 32).
Contrairement à l’appréciation des premiers juges, on discerne difficilement des éléments à décharge. Le fait qu’il n’ait pas usé de violence permet uniquement d’exclure une qualification juridique plus grave des faits qui lui sont reprochés. Pour le reste, on ne voit pas ce qu’il y a de particulièrement méritoire à proposer un dédommagement très partiel au moyen de l’argent saisi et séquestré dont on ne connaît d’ailleurs pas la provenance. Le prévenu n’est du reste pas crédible lorsqu’il explique que ce montant de 3'000 fr. correspondrait à un salaire honnêtement gagné en Italie, alors qu’il a mentionne par ailleurs qu’il volait car il avait besoin d’argent et qu’il était toxicomane (cf. jugement, p. 9).
Au regard de l’ensemble de ces éléments, la peine infligée en première instance est relativement clémente. Toutefois, elle ne l’est pas au point de devoir être qualifiée d’abusive, donc de procéder d’une fausse application de l’art. 47 al. 1 CP, soit d’un excès ou d’un abus de leur pouvoir d’appréciation par les premiers juges.
4.4
S’agissant de Z._, le Ministère public relève que ce prévenu s’est également rendu coupable d’un brigandage, que son attitude dénote un total mépris pour l’ordre juridique, qu’il a joué un rôle prépondérant dans la commission des infractions et qu’il n’a absolument pas collaboré à la procédure. Il requiert par conséquent le prononcé d’une peine privative de liberté de 42 mois.
Z._ s’est rendu coupable de brigandage, d’appropriation illégitime, de vol en bande et par métier, de recel et d’infraction à la LEtr. Ces infractions entrent en concours. Sa culpabilité est moins importante que celle de H._. Vingt-neuf cas de vols ont notamment été retenus contre lui. Il a agi selon les mêmes procédés que ceux de son comparse plus âgé décrits ci-dessus. Contrairement à ses allégations, il ne s’est pas limité à un rôle accessoire au sein de la bande.
S’il n’a pas des antécédents judiciaires aussi chargés que H._, Z._ montre toutefois un total mépris pour l’ordre juridique. En effet, il a été détenu les 2 et 3 juillet 2013, avant d’être condamné par ordonnance du 3 juillet 2013 à 90 jours-amende pour tentative de vol, vol, opposition aux actes de l’autorité, entrée et séjour illégale. Cette condamnation ne l’a toutefois nullement dissuadé de récidiver immédiatement.
Z._ n’a que très peu collaboré lors de l’instruction, sa défense consistant à ne pas se souvenir des cas, à minimiser son rôle et sa responsabilité, quand ce n’était pas à mentir (cf. PV aud. 30). On ne discerne aucune prise de conscience quant à la gravité des actes commis et les premiers juges ont douté de la sincérité des excuses présentées. On ne voit pas quel élément à décharge pourrait être retenu en sa faveur.
L’abandon d’un cas de vol en bande et par métier en faveur de la qualification de brigandage (cf. c. 3.3 ci-dessus) n’ajoute pas un cas matériellement nouveau. Partant, le changement de qualification dans le cas n° 39 ne dicte en lui même pas une peine accrue.
Au regard de l’ensemble de ces éléments, la peine privative de liberté de 28 mois peut être confirmée. Dans ce cas également, le fait que la peine puisse être qualifiée de clémente n’implique pas pour autant qu’elle procède soit d’un excès ou d’un abus de leur pouvoir d’appréciation par les premiers juges dans l’application de l’art. 47 al. 1 CP.
4.5
S’agissant de N._, le Ministère public estime que les premiers juges n’ont pas suffisamment tenu compte du nombre d’infractions commises, de l’organisation et des procédés de la bande et de son manque de respect de l’ordre juridique. Il requiert par conséquent le prononcé d’une peine privative de liberté de 48 mois.
La culpabilité de ce prévenu est également importante. Il s’est rendu coupable d’appropriation illégitime, de vol en bande et par métier, de dommages à la propriété, de recel et de contravention à la LStup. Il a, entre autres, commis 41 vols, agissant ainsi en bande et par métier, selon le même procédé que ses comparses. Ici encore, on doit retenir le concours d’infractions.
Ce prévenu a fait la connaissance de H._ en Belgique, où il a subi une année de détention pour une série de vols. Il a décidé de s’associer avec ses compatriotes pour commettre les vols qui lui sont reprochés. Il a fait preuve d’une adaptabilité à la délinquance étonnamment rapide et a constitué un des maillons indispensables à la réussite de la plupart des vols dans lesquels il a été impliqué.
Alors même que ce prévenu avait à peine 25 ans lorsqu’il est venu en Suisse, son casier judiciaire mentionne déjà deux condamnations. Il n’a pas collaboré davantage à l’enquête. A l’instar de ses comparses, il a utilisé un système de défense qui n’a pas facilité le travail d’instruction. En effet, disant avoir une mémoire vacillante, il a à la fois nié ou évoqué la possibilité qu’il n’était peut-être pas étranger aux cas qui lui étaient reprochés (cf. PV aud. 31).
Au regard de l’ensemble de ces éléments, la peine privative de liberté de 32 mois, quoique relativement clémente, peut être confirmée pour les motifs et dans les limites déjà exposés en ce qui concerne les deux autres intimés.
5.
Les détentions subies depuis le jugement de première instance seront déduites (art. 51 CP). Le maintien en détention pour des motifs de sûreté des intimés sera ordonné (art. 220 al. 1 et 221 al. 1 let. a CPP).
6.
Vu le sort de l’appel, les frais de la présente procédure seront laissés à la charge de l’Etat (art. 428 al. 1 CPP).
Outre l'émolument, les frais d’appel comprennent l’indemnité allouée au défenseur d’office de chacun des prévenus, pour les opérations liées à la procédure d'appel (cf. les art. 135 al. 2 et 422 al. 2 let. a CPP; art. 2 al. 2 ch. 1 TFIP).
Au vu de la cause déférée en appel et des opérations utiles accomplies, Me Rouiller doit être indemnisé sur la base d’une activité de 14 h d’avocat stagiaire, avec trois vacations à 80 fr. (la dernière des quatre requises n’étant pas justifiée); pour leur part, Mes Burdet et Moinat seront indemnisés sur la base d’une activité de 5 h chacun, avec une vacation à 120 francs. Dès lors, l'indemnité allouée au défenseur d'office des prévenus H._, Z._ et N._ doit être fixée à 1’101 fr. 60, 1’922 fr. 40 et 1’101 fr. 60, respectivement, débours et TVA compris. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
2d3e6c61-9d72-4088-bcb4-2bd32fe22f44 | En fait :
A.
Par jugement du 18 janvier 2011, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a constaté que P._ s'était rendu coupable d'abus d'autorité (I), l'a condamné à une peine pécuniaire de 10 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 50 fr. (II), dit que la peine figurant sous chiffre II ci-dessus est suspendue pour une durée de deux ans (III), donné acte de ses réserves civiles à l'encontre de P._ à L._, qui a été renvoyé à agir par la voie civile (IV), ordonné le maintien au dossier des pièces à conviction enregistrées sous fiches nos 2269, 2292, TRIB 134 et TRIB 155 (V) et mis les frais de la cause par 3'278 fr. à la charge de P._ (VI).
B.
Le 20 janvier 2011, P._ a formé appel contre le jugement précité.
Par déclaration d'appel motivée du 28 mars 2011, l'appelant a indiqué que son appel était formé pour violation du droit, constatation incomplète ou erronée des faits et inopportunité. Il a requis l'administration de preuves, à savoir l'audition de cinq témoins ainsi que la projection des images des caméras de l'Hôtel de police lors de l'audience d'appel. L'intéressé s'est également réservé le droit de produire des pièces lors de cette audience. P._ a conclu à la modification du jugement attaqué en ce sens qu'il est libéré de l'infraction d'abus d'autorité et que les frais de la procédure de première instance sont laissés à la charge de l'Etat.
Le Ministère public n'a pas présenté une demande de non-entrée en matière, ni n’a déposé d'appel joint.
L._ a également renoncé à présenter une demande de non-entrée en matière et à déposer un appel joint.
Par courrier du 28 avril 2011, le Président de la Cour d'appel pénale a informé le prévenu que ladite Cour allait procéder au visionnement du DVD contenant les images de la fouille, puis de la mise en cellule de L._ pour l’instruction des débats d’appel. Pour le surplus, les réquisitions de preuves de l'appelant ont été rejetées, ne répondant pas aux conditions de l'art. 389 CPP et n'apparaissant pas pertinentes.
Lors de l’audience de la Cour d’appel pénale du Tribunal cantonal qui s’est tenue le 20 juin 2011, le conseil de l’appelant a confirmé les conclusions de sa déclaration d’appel du 28 mars 2011.
Le Ministère public a conclu au rejet de l'appel.
L._, représenté par son conseil d'office, a conclu au rejet de l'appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
P._ est né le [...]. Au terme de sa scolarité, il a entrepris un apprentissage, puis est entré au service du corps de police de la ville de Lausanne. Au moment des faits qui lui sont reprochés, l'intéressé était rattaché à la brigade [...] et se trouve actuellement à un poste de quartier.
Le casier judiciaire du prévenu est vierge.
2.
Le 18 mai 2009 vers 21h30, L._, en état d'ébriété avancé et sous l'influence de médicaments, a été interpellé par la police à la Place Chauderon à Lausanne. Il avait été agressé par des personnes auprès desquelles il avait mendié. Une bouteille de bière lui avait été cassée sur la tête, lui causant une plaie ainsi qu'un saignement. Etant donné que le plaignant était recherché en vue de la notification de décisions judiciaires, les agents décidèrent de le conduire à l'Hôtel de police où il fut placé dans un local de fouille. Tout se déroulait jusque-là sans incident, puis la situation évolua défavorablement lorsque le plaignant a été informé du fait qu'il allait être placé en cellule pour la nuit, en raison de son audition par un Juge d'instruction le lendemain matin, et soumis à une fouille à laquelle il s'opposa vigoureusement. Il a notamment injurié les policiers et leur a déclaré qu'il avait le sida et qu'il pourrait leur transmettre, les policiers ne sachant pas qu'il s'agissait en réalité d'un mensonge. Les agents ont cherché une solution pour mettre un terme à cette situation pendant de longues minutes, puis cinq d'entre eux, portant des lunettes, des masques et des gants chirurgicaux afin de se protéger du sida, ont procédé à la fouille de L._. Au terme de cette fouille, le plaignant, qui portait un slip pour tout vêtement, a été ceinturé par l'arrière par P._ et un de ses collègues, N._, afin d'être placé en cellule. Au moment de mettre le plaignant dans la cellule, le prévenu précéda L._, alors que N._ était en arrière. Dès que ce dernier vit que le plaignant était à l'intérieur de la cellule, toujours maintenu par P._ qui se trouvait alors aux côtés du plaignant, il lâcha sa propre prise. Le prévenu a alors repoussé violemment L._ au fond de la cellule, ce dernier fut ainsi déséquilibré et chuta lourdement sur le sol et heurta la paroi du fond de la cellule. P._ se retira ensuite de la cellule et la porte fut fermée.
Il ressort du rapport des Etablissements Hospitaliers du Nord Vaudois établi le 6 octobre 2009 que L._ s’est présenté aux urgences le 19 mai 2009, soit le lendemain des faits. Les médecins ont constaté que ce dernier présentait des dermabrasions et tuméfaction du coude gauche, faisant suspecter une entorse, ainsi que des dermabrasions du genou droit avec une fracture transverse de la rotule. Il découle, en outre, de ce rapport que la vie du plaignant n'avait pas été mise en danger. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 3 ad art. 399 CPP). La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l’occurrence, interjeté dans les formes et délais légaux contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
En l'espèce, l'appel a été formé pour violation du droit, constatation incomplète et erronée des faits et pour inopportunité.
3.
P._ allègue tout d’abord une violation du droit.
3.1.
Il soutient, premièrement, que le Tribunal de première instance a violé les règles de procédure en s'étant écarté de l'état de fait retenu dans l'ordonnance de renvoi sans avoir respecté la procédure prévue à l'art. 333 CPP. L'appelant expose, en effet, que l'ordonnance de renvoi décrivait son geste lors de la mise en cellule de L._, mais n'évoquait pas les lésions corporelles invoquées par ce dernier, ni que son geste en aurait été la cause, et n'a pas retenu cette infraction à sa charge. P._ fait valoir que le premier juge, en ayant indiqué dans le jugement entrepris "Pour le Tribunal, il n'est pas douteux que les lésions objectivées sont les suites de la chute de L._ dans la cellule", a complété l'acte d'accusation en fait sans avoir respecté la procédure prévue par l'art. 333 CPP et a ainsi violé ses droit de prévenu, en particulier en le privant de la possibilité de compléter sa défense sur ce point.
3.1.1.
L'art. 398 CPP ne précise pas, comme le faisait les art. 411 ss CPP-VD (Code de procédure pénale du canton de Vaud du 12 septembre 1967) et l'art. 97 al. 1 LTF (Loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005, RS 173.110), que la correction du vice doit être susceptible d'influer sur le sort de la cause. Malgré l'absence de cette précision, un grief qui concerne d'emblée un fait non pertinent ou un moyen de preuve impropre à prouver un fait pertinent est irrecevable (Kistler Vianin, op. cit., n. 21 ad art. 398 CPP). En effet, l'art. 382 al. 1 CPP exige que la partie appelante ait un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée. Or, un tel intérêt suppose que l'admission de l'appel entraîne la suppression effective du préjudice subi en raison du jugement attaqué (ibidem). En outre, l'intérêt pour recourir relève de la recevabilité et non du bien fondé du recours (Calame, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 3 ad art. 382 CPP). Il convient encore de préciser que l'intérêt pour recourir se détermine en fonction du dispositif du jugement exclusivement, puisqu'il est le seul susceptible d'atteindre le recourant dans ses droits. La motivation d'une décision n'est, pour elle-même pas susceptible d'être entreprise par un recours. Si elle peut parfois affecter directement les intérêts d'une partie, elle ne contient pas l'élément matériel caractéristique qu'est la conséquence juridique (Calame, op. cit., n. 4 ad art. 382 CPP).
3.1.2.
En l'espèce, l'appelant n'a pas été condamné pour lésions corporelles, infraction qui ne lui était d'ailleurs pas reprochée. Quant au plaignant, le premier juge s'est borné à lui donner acte de ses réserves civiles. L'appelant n'a pas un intérêt juridiquement protégé à se plaindre du fait que le tribunal de police a retenu qu'il avait sans doute provoqué les lésions présentées par le plaignant, dès lors que cette appréciation n'est pas qualifiée juridiquement dans les motifs du jugement, ni dans le dispositif et n'a aucune incidence sur les conclusions civiles. Partant, le grief soulevé par P._ est irrecevable.
3.2.
L'appelant allègue, deuxièmement, que le premier juge a appliqué de manière erronée l'art. 312 CP quant à la question de la proportionnalité de son geste, faisant valoir que le tribunal de police a omis d'évaluer la force employée au regard du risque concret que présentait le plaignant. Il soutient que le moyen qu'il a utilisé était proportionné par rapport au risque de contamination par le sida et l'hépatite C qu'il encourrait, le plaignant ayant dit à plusieurs reprises être atteint de ces deux maladies. L'intéressé affirme que ce risque de contamination imposait l'usage d'un geste d'une force supérieure afin d'éviter une morsure de L._, mais également pour s'assurer que, une fois éloigné, ce dernier n'aurait pas le temps de se relever pour s'en prendre aux policiers présents dans la cellule, avant qu'ils n'aient eu le temps de fermer la porte.
3.2.1.
En vertu de l'art. 312 CP, les membres d'une autorité et les fonctionnaires qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, ou dans le dessein de nuire à autrui, auront abuser des pouvoirs de leur charge, seront punis d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
Cette disposition punit l'abus d'autorité, soit l'emploi de pouvoirs officiels dans un but contraire à celui recherché. Elle protège, d'une part, l'intérêt de l'État à disposer de fonctionnaires loyaux qui utilisent les pouvoirs qui leur ont été conférés en ayant conscience de leur devoir et, d'autre part, l'intérêt des citoyens à ne pas être exposés à un déploiement de puissance étatique incontrôlé et arbitraire. L'incrimination pénale doit être interprétée restrictivement, compte tenu de la formule très générale qui définit l'acte litigieux (TF 6B_76/2011 du 31 mai 2011 c. 5.1; TF 6S.171/2005 du 30 mai 2005 c. 2.1). Cette disposition ne vise en effet pas n'importe quelle violation du devoir de fonction, ni même un abus de la fonction, mais bien un abus d'autorité, c'est-à-dire du pouvoir étatique (ATF 114 IV 41, JT 1989 IV 72; ATF 101 IV 407 c. 1a; ATF 99 IV 13 c. 1). L'auteur n'abuse ainsi de son autorité que lorsqu'il use de manière illicite des pouvoirs qu'il détient de sa charge, c'est-à-dire lorsqu'il décide ou contraint en vertu de sa charge officielle dans un cas où il ne lui était pas permis de le faire (TF 6B_76/2011 du 31 mai 2011 c. 5.1; TF 6S.171/2005 du 30 mai 2005 c. 2.1; ATF 127 IV 209 c. 1a/aa, JT 2003 IV 117). Il faut que le fonctionnaire ait accompli un acte ou pris une mesure entrant dans ceux que ses fonctions lui commandent d'accomplir (ATF 127 IV 209 c. 1a/aa). L'infraction peut aussi être réalisée lorsque l'auteur poursuit un but légitime, mais recourt pour l'atteindre à des moyens disproportionnés (TF 6B_76/2011 du 31 mai 2011 c. 5.1; TF 6S.171/2005 du 30 mai 2005 c. 2.1; ATF 127 IV 209 c. 1a/aa). Une violation insoutenable des pouvoirs confiés n'est en revanche pas nécessaire.
Du point de vue subjectif, l'infraction suppose un comportement intentionnel, au moins sous la forme du dol éventuel, ainsi qu'un dessein spécial, qui peut se présenter sous deux formes alternatives, soit le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, soit le dessein de nuire à autrui (TF 6B_76/2011 du 31 mai 2011 c. 5.1). L'auteur nuit à autrui dès qu'il utilise des moyens excessifs, même s'il poursuit un but légitime (Corboz, Les infractions en droit suisse, Vol. II, Berne 2010, pp. 700 s.)
3.2.2.
Dans le cas particulier, le jugement attaqué relate, dès la page 17, les images de la vidéo surveillance. La Cour de céans a procédé au visionnement du DVD contenant les images de la fouille, puis de la mise en cellule de L._. Cet enregistrement montre l'appelant poussant, voire jetant, soudainement le plaignant de façon très violente au fond de la cellule. Il ressort de ces images que le plaignant s'écrase littéralement sur le sol et contre la paroi du fond de la cellule. Il est tout à fait concevable que P._ craignait d'être contaminé par le virus du sida, le plaignant ayant dit qu'il était atteint de cette maladie. Son but était certes légitime, mais il a usé d'un moyen disproportionné pour l'atteindre. En effet, le risque en question pouvait aussi bien être évité avec moins de violence, notamment en lâchant le plaignant et en quittant rapidement la cellule, comme l'a fait son collègue N._. Au reste, immédiatement après son acte, P._ ne semblait pas apeuré, mais a, au contraire, tourné le dos à L._ et refermé calmement la cellule. En outre, comme le relève très justement le premier juge (jgt, p. 19 en bas), l'appelant ne donne pas l'impression d'avoir été surpris par la violente chute du plaignant, ce qui trahit aussi l'intention dolosive. Il convient finalement de relever que, même si l'appelant l'a ensuite contesté devant le tribunal de police (jgt, p. 4), il avait lui-même admis, lors de son audition du 26 novembre 2009 devant le magistrat instructeur, avoir donné trop de force à son mouvement (PV aud. 5, pp. 2-3, lignes 47-48, 61 et 69-70). Il avait expliqué avoir agi de la sorte afin d'éviter d'être contaminé par le virus du sida, mais « peut-être aussi quelque part parce que L._ » n'avait cessé de menacer et d'injurier ses collègues et lui-même auparavant (PV aud. 5, p. 2, lignes 52-63, spécif. Lignes 62-63).
L'appelant ayant usé de la force de façon disproportionnée aux circonstances, c'est à juste titre que le tribunal de police a retenu l'infraction d'abus d'autorité au sens de l'art. 312 CP à l'encontre de P._. Mal fondé, ce moyen doit être rejeté.
3.3.
L'appelant considère, troisièmement, que le premier juge aurait dû déclarer les conclusions civiles du plaignant irrecevables et non lui donner acte de ses réserves civiles, étant donné que l'art. 5 LRECA (Loi sur la responsabilité de l'Etat, des communes et de leurs agents du 16 mai 1961, RSV 170.11) exclu totalement qu'il puisse être tenu personnellement de réparer le dommage.
3.3.1.
L'art. 41 CO (Code des obligations du 30 mars 1911, RS 220) dispose que celui qui cause, d’une manière illicite, un dommage à autrui, soit intentionnellement, soit par négligence ou imprudence, est tenu de le réparer. L'art. 61 CO prévoit toutefois que la législation fédérale ou cantonale peut déroger à l'art. 41 CO, en ce qui concerne la responsabilité encourue par des fonctionnaires et employés publics pour le dommage ou le tort moral qu’ils causent dans l’exercice de leur charge (al. 1). Les lois cantonales ne peuvent néanmoins pas déroger à cette réglementation lorsqu’il s’agit d’actes se rattachant à l’exercice d’une industrie (al. 2).
Conformément à cette disposition, la LRECA a été édictée. Les art. 4 et 5 LRECA prévoient une responsabilité exclusive de l'Etat pour les actes illicites commis par ses agents dans l'exercice de leur fonction.
3.3.2.
En vertu de l'art. 126 al. 1 CPP, le tribunal statue également sur les conclusions civiles présentées lorsqu'il rend un verdict de culpabilité à l'encontre du prévenu (let. a) ou lorsqu'il acquitte le prévenu et que l'état de fait est suffisamment établi (let. b). L’art. 126 al. 2 let. b CPP prévoit que le tribunal renvoie la partie plaignante à agir par la voie civile notamment lorsque la partie plaignante n'a pas chiffré ses conclusions de manière suffisamment précise ou ne les a pas suffisamment motivées. Selon l'alinéa 3 de cette disposition, dans le cas où le jugement complet des conclusions civiles exigerait un travail disproportionné, le tribunal peut traiter celles-ci seulement dans leur principe et, pour le surplus renvoyer la partie plaignante à agir par la voie civile. Les prétentions de faible valeur sont, dans la mesure du possible, jugées par le tribunal lui-même.
Dans les cas énoncés à l'art. 126 al. 2 et 3 CPP, la partie plaignante est privée des avantages de l'action civile jointe et doit agir devant le juge civil si elle entend se voir octroyer ses conclusions. Cette démarche devient totalement indépendante de la procédure pénale, et doit s'opérer en application exclusive des règles de procédure civile (Jeandin/Matz in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 16 ad art. 126 CPP).
3.3.3.
En l'occurrence, le premier juge a donné acte de ses réserves civiles à l'encontre de P._ à L._, qui a été renvoyé à agir par la voie civile (chiffre IV du dispositif du jugement). Il ressort du jugement que L._ a demandé aux débats à ce qu'acte de ses réserves civiles lui soit donné contre le prévenu. Le premier juge a fait droit aux conclusions du plaignant en le renvoyant à agir par la voie civile en application de l'art. 126 CPP, considérant que même s'il apparaissait que le dommage éventuel qu'il pourrait faire valoir contre le prévenu, fonctionnaire de police municipal, devrait être cas échéant indemnisé en application de la LRECA, il n'était pas possible de totalement exclure prima facie une action directe contre P._ (jgt, pp. 20-21).
Il n'appartient pas au juge pénal de préjuger du sort de la l'action civile contre la collectivité publique et d'exclure une éventuelle responsabilité civile de P._, même si la responsabilité de la commune paraît certainement engagée dans le cas d'espèce, les conditions de l'art. 5 LRECA semblant remplies. Dès lors que les conclusions civiles de L._ n'ont pas été motivées, ce dernier ayant simplement demandé à ce qu'acte de ses réserves civiles lui soit donné contre le prévenu, et qu'elles ne sont absolument pas dénuées de tout fondement, l'on ne saurait remettre en cause le chiffre IV du dispositif du jugement, le tribunal de police ayant correctement appliqué l'art. 126 al. 2 let. b CPP.
Ce grief, mal fondé, doit être rejeté.
4.
P._ fait valoir ensuite que le tribunal de police a constaté les faits de manière incomplète et erronée. Il soutient que le premier juge a omis de prendre en compte des circonstances de faits et des moyens de preuves pertinents et qu'il a également apprécié de manière erronée le résultat de l'administration de différents moyens de preuve et a fondé sa décision sur des faits erronés.
4.1.
La constatation des faits est incomplète lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, op. cit., n. 19 ad art. 398 CPP).
4.2.
S’agissant de la constatation incomplète des faits, l'appelant soutient que le passage du jugement relatant l'arrivée en cellule du plaignant, plus particulièrement s'agissant de son geste poussant ce dernier à l'intérieur est incomplet. Il allègue que la description des faits données en pages 17 en bas et 18 en haut du jugement ne mentionne pas le fait que le plaignant est parti en avant, non seulement en raison de son intention de le pousser au fond de la cellule, mais également en raison du lâcher du bras de L._ par l'autre policier. Il affirme que cet élément a pourtant été établi lors de la reconstitution des faits à l'Hôtel de police.
En l'espèce, la vidéo des faits montre très clairement que P._ projette seul L._ à travers la cellule. La violence de la poussée tient à ce geste uniquement. Le fait que le jugement ne mentionne pas que le collègue de l'appelant avait lâché le bras du plaignant n'est dès lors pas un fait pertinent. Le moyen doit donc être rejeté.
4.3.
L'intéressé avance également que le jugement attaqué passe sous silence le fait que L._ aurait frappé un des policiers quelques minutes après avoir été poussé dans la cellule, au moment où les agents ont pénétré dans la cellule pour enlever le t-shirt que le plaignant avait mis autour du coup afin de s'étrangler (cf. jgt, p. 18).
En l'occurrence, cet épisode n'a aucune incidence sur l'infraction retenue à l'encontre de P._. En effet, le jugement indique que le plaignant s'est débattu et a été menaçant avant sa mise en cellule. Ce qui s'est passé après l'acte litigieux de l'appelant ne change rien au fait que le comportement de ce dernier est constitutif d'un abus d'autorité. Ce moyen, mal fondé, doit être rejeté.
4.4.
P._ soutient que le tribunal de première instance a constaté de façon erronée certains faits.
4.4.1.
Il allègue, premièrement, que le jugement indique de façon erronée qu'il a été déplacé dans un poste de quartier en raison de la procédure pénale ouverte à son encontre (cf. jgt, p. 14), laissant ainsi penser qu'il aurait fait l'objet d'une sanction interne. L'intéressé affirme avoir, au contraire, quitté de son plein gré son emploi à [...] pour rejoindre un poste de quartier le 30 juin 2009.
Cet argument est toutefois sans pertinence pour le jugement de la cause, puisqu'il ne change rien à la culpabilité de P._ et à sa condamnation pour abus d'autorité. Ce moyen doit être rejeté.
4.4.2.
L'intéressé invoque, deuxièmement, que le premier juge, en indiquant pour quel grief il était renvoyé en jugement, a mentionné de façon inexacte que son geste aurait provoqué des lésions au plaignant (cf. jgt, p. 15). Il relève que l'ordonnance de renvoi n'a pas mentionné la survenance de lésions éventuelles.
Ainsi que mentionné plus haut (cf. c. 3.1), cet argument n'est pas adéquat et est irrecevable. En effet, l'infraction de lésions corporelles n'a pas été retenue à la charge de l'appelant et cette appréciation n'a eu aucune incidence sur les conclusions civiles de la partie plaignante.
4.4.3.
P._ expose, troisièmement, que le jugement a retenu faussement qu'il aurait persisté dans son attitude de déni jusqu'aux débats, s'agissant du caractère pénal d'un comportement fortement banalisé par rapport aux déclarations du plaignant (cf. jgt, p. 15 en bas). Il soutient, au contraire, qu'il a admis avoir poussé le plaignant au fond de la cellule afin d'avoir le temps de quitter celle-ci avant que L._ ne s'en prenne à lui et aux autres policiers. L'intéressé se réfère aux déclarations du plaignant et allègue qu'elles sont concordantes avec les siennes sur la manière dont la mise en cellule a eu lieu.
Dans le cas présent, il ressort du dossier ainsi que du jugement de première instance que l'appelant a effectivement banalisé son comportement. Il ne déclare d'ailleurs pas le contraire en se référant, de manière tronquée, aux déclarations du plaignant qui ne concordent aucunement avec la description des faits qu’il a donnée. Cet argument doit être rejeté.
4.4.4.
L'appelant fait ensuite valoir que le premier juge a indiqué de façon inexacte que, le soir des faits, L._ était en congé du Foyer Bartimée où il suivait une cure destinée à éradiquer ses addictions (cf. jgt, p. 16). Il soutient qu'en réalité le plaignant avait été mis à la porte de ce foyer.
Ce grief est sans pertinence, puisqu'il n'influe aucunement sur le verdict retenu à l'encontre de l'appelant, et doit donc être rejeté.
4.4.5.
L'intéressé allègue que le passage suivant du jugement est erroné: "L._ fut déséquilibré; il chuta lourdement sur le sol, sa tête évitant de peu le châssis du lit en béton, aux angles acérés (...)" (cf., jgt, p. 18). Il expose que le châssis du lit n'a pas d'angles acérés, mais sont arrondis.
Dans le cas particulier, il est effectivement exact que la tête de L._ n'a pas évité de peu le châssis du lit aux angles acérés. Toutefois, cet argument n'est pas pertinent et est irrecevable pour le même motif qu'évoqué plus haut s'agissant des lésions corporelles (cf. c. 3.1), dès lors qu'une mise en danger de la vie n'a pas été reprochée à l'appelant. Au surplus, le fait que les angles soient arrondis plutôt qu'acérés et que la tête du plaignant n'a pas évité de peu le bord du lit n'ôte rien à la réalisation de l'infraction d'abus d'autorité.
4.4.6.
P._ soutient encore que le jugement entrepris retient de façon inexacte que le plaignant a affirmé que les lésions dont il avait souffert étaient dues à la chute consécutive à la poussée dans la cellule (cf. jgt, p. 18 en bas). Il allègue également que l'appréciation du tribunal de police selon laquelle "il n'est pas douteux que les lésions objectivées sont les suites de la chute de L._ dans la cellule" (cf. jgt, p. 19), est erronée.
En l'espèce, il convient à nouveau de constater que ces griefs ne sont pas pertinents et sont irrecevables, dès lors que cette appréciation n'est pas qualifiée juridiquement dans les motifs du jugement, ni dans le dispositif et n'a aucune incidence sur les conclusions civiles, le plaignant n’ayant dès lors aucun intérêt juridiquement protégé à les soulever (cf. c. 3.1).
4.4.7.
L'appelant soutient finalement que le tribunal de première instance s'est exclusivement fondé sur les images de la vidéo surveillance pour apprécier les faits qui lui sont reprochés, en ayant écarté la version des faits donnée par le plaignant. Toutefois, ce système de vidéo surveillance ne serait pas propre à apprécier son geste pour trois raisons. En premier lieu, la localisation de la caméra au plafond de la cellule fausserait l'impression générale de la scène, en accentuant les distances et en dramatisant le geste. Ensuite, la vitesse d'enregistrement des caméras de l'Hôtel de police serait particulière, les caméras ne saisissant que 6 images par seconde alors que la cadence ordinaire d'une caméra est de 25 images par seconde. Cela aurait pour effet d'accélérer le mouvement qui semblerait ainsi plus rapide qu'il ne l'a été en réalité. Finalement, les caméras de l'Hôtel de police n'enregistrant pas le son, ne permettraient pas au tribunal de connaître la violence verbale réelle du plaignant.
En l'occurrence, la Cour de céans a visionné notamment les images de la mise en cellule de L._. Il en ressort que l'appelant a poussé le plaignant au fond de la cellule d'une manière totalement disproportionnée, au point que ce dernier a été projeté contre le mur du fond. On ne saurait reprocher au premier juge d'avoir fondé son appréciation sur cette preuve qui est précise et incontournable. La volonté de nuire au sens de l'art. 312 CP ne fait aucun doute. Même si aucune lésion n'a été retenue, juridiquement parlant, il ne peut échapper à personne que de projeter quelqu'un contre un mur, de manière intentionnelle, est de nature à lui faire mal, soit à lui nuire. L'appelant voudrait maintenant que l'on expertise en quelque sorte la valeur probante de la preuve. Selon lui, la caméra de surveillance donnerait une image faussée de la réalité, dans un sens qui lui serait préjudiciable. Toutefois, c'est la première fois que l'appelant soulève ce grief. A l'audience de jugement en première instance, il a admis que cette preuve était fiable. En outre, il faut souligner que l'appelant n'a pas soulevé d'incident à ce sujet.
Il est contraire au principe de la bonne foi d'invoquer après coup des moyens que l'on avait renoncé à faire valoir en temps utile en cours de procédure, parce que la décision intervenue a finalement été défavorable (CCASS, 28 août 2006, n° 325 c. 2c; CCASS, 5 mai 1988).
Il n'y a donc pas de raison de s'écarter de la règle posée par l'art. 389 al. 1 CPP qui prévoit que la procédure de recours se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance.
A cet égard déjà, le moyen doit être rejeté.
Par surabondance, la Cour d'appel constate que les images de la caméra de surveillance sont en corrélation avec les déclarations du plaignant, contrairement à ce qu'allègue l’appelant. En outre, les images photographiques déposées par P._ à l'audience d'appel du 20 juin 2011 sont éloquentes. Elles ne modifient pas l'appréciation du visionnement des images de la caméra et ne font, au contraire, que renforcer la certitude de la Cour de céans que le geste de l'appelant était disproportionné.
5.
Finalement, P._ soutient que le jugement entrepris est inopportun, puisque la condamnation de l'appelant abouti à sanctionner un acte professionnel, jugé conforme aux exigences du métier par les professionnels de la branche.
5.1.
La juridiction d'appel revoit librement les questions d'appréciation. Ce faisant, elle vérifie si la décision prise par le tribunal est la meilleure qu'on pouvait prendre et non si celui-ci a violé une norme juridique. Elle doit toutefois s'imposer une certaine retenue afin de respecter la marge d'appréciation dont jouissent les juges de première instance. En particulier, elle ne devrait revoir la quotité de la peine qu'avec une grande réserve, la tâche de déterminer la sanction incombant d'abord au premier juge (Kistler Vianin, op. cit., n. 21 ad art. 398 CPP).
5.2.
En l'espèce, il convient de relever que la décision attaquée n'est clairement pas inopportune, la peine prononcée étant tout à fait adéquate au regard de l'infraction commise, de la culpabilité de l'appelant et de sa situation personnelle, ce que l'appelant ne remet d'ailleurs pas en question. Il n'a, en effet, jamais soutenu que la peine serait arbitrairement sévère. En outre, le jugement entrepris est conforme au droit. Le grief soulevé doit donc être rejeté.
6.
En définitive, l'appel doit être rejeté et le jugement attaqué confirmé dans son entier.
Vu l'issue de la cause, les frais de la procédure d'appel doivent être mis à la charge de P._, qui succombe (art. 428 al. 1 CPP). Outre l'émolument, qui se monte à 2'350 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1]), ces frais comprennent l'indemnité d'office allouée au conseil de l'intimé L._ (cf. art. 135 al. 2 et 422 al. 2 let. a CPP, art. 2 al. 2 ch. 1 TFJP). Le conseil d'office de L._ a indiqué qu'elle avait consacré 13,5 heures au dossier, temps en audience non compris, que ses débours s'élevaient à 30 francs et qu'elle n'était pas soumise à la TVA. Au vu de la complexité de la cause, des opérations mentionnées dans la note d'honoraires et de la procédure d'appel, il convient d'admettre que le conseil d'office du plaignant a dû consacrer 13 heures à l'exécution de son mandat et l'indemnité sera dès lors arrêtée à 2'370 fr., débours inclus (cf. art. 135 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
2dbb6018-844a-4144-9a37-481c24497d5d | En fait :
A.
Par jugement du 28 avril 2015, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de La Broye et du Nord vaudois a constaté qu’F._ s’était rendu coupable de violation grave qualifiée des règles de la circulation routière (I), l’a condamné à une peine privative de liberté de 13 mois (II), a suspendu l’exécution de la peine et a fixé à F._ un délai d’épreuve de 3 ans (III), a condamné en outre F._ à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à titre de sanction immédiate, le montant du jour-amende étant fixé à 50 fr. (IV), et a mis les frais de justice, par 3'264 fr. 90, à sa charge (V).
B.
Par annonce du 8 mai 2015, puis par déclaration motivée du 1
er
juin 2015, F._ a formé appel contre le jugement précité. Il a conclu avec suite de frais et dépens, à sa réforme en ce sens qu’il est uniquement condamné pour violation grave des règles de la circulation (art. 90 al. 2 LCR) à une peine réduite à dire de justice, une indemnité partielle lui étant au demeurant allouée en application de l’art. 429 CPP, sur la base de la liste des opérations produite en audience.
Le Ministère public a conclu au rejet de l’appel, aux frais de son auteur.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Né en 1986, F._ a toujours été domicilié en France, pays dont il est ressortissant. Il a une formation d’ingénieur, qu’il a acquise auprès de l’Ecole nationale des travaux publics de l’Etat, à Lyon. Il est ensuite venu travailler à Genève, chez P._, où il perçoit actuellement un salaire brut mensuel de 7'200 fr., ce qui représente un revenu net de 5000 fr., impôt à la source déduit. Célibataire, il n’a pas d’enfant à charge. Il paie un loyer et, comme il a acquis un appartement en cours de construction, il s’acquitte en outre d’un crédit de construction de 2'360 fr. par mois, auquel s’ajoutent les charges courantes d’électricité et d’eau pour un montant d’environ 200 euros mensuels. Sa cotisation Lamal est de 340 fr. par mois.
Le casier judiciaire français d’F._ fait mention d’une condamnation prononcée le 24 septembre 2008 par l’Amtsgericht von Limburg (Allemagne), pour conduite dangereuse et contrainte, à une peine de 70 jours-amende à 20 euros.
A ce jour, le prévenu n’a jamais fait l’objet d’une mesure administrative en matière de circulation routière en Suisse, ni d’une inscription au casier judiciaire de notre pays.
2.
Le 29 avril 2013, à 08h36, F._ a été contrôlé sur la semi-autoroute Orbe - Vallorbe A9b, chaussée sud (km 9.350), alors qu’il circulait à la vitesse de 146 km/h (marge de sécurité déduite) au volant de son véhicule de marque BMW Z4. Sur ce tronçon, la vitesse autorisée est limitée 80 km/h, de sorte qu’F._ a dépassé la vitesse prescrite de 66 km/h. Le prévenu se rendait du domicile de ses parents en France à son travail, dans la région lausannoise. | En droit :
1.
1.1.
Interjeté dans les formes et délai légaux (art. 399 CPP) par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel d’F._ est recevable.
1.2
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, JugendStrafprozessordnung, 2
e
éd. Bâle 2014, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l'appel (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
2.
2.1
L’appelant ne conteste pas avoir circulé à 146 km/h sur la semi-autoroute reliant Vallorbe à Orbe. Il soutient toutefois que, contrairement à ce qu’a retenu le tribunal de police, la vitesse n’était pas limitée à 80 km/h à l’endroit litigieux mais à 100 km/h, faute de la présence d’une limitation spécifique dérogeant à la règle générale posée par l’art. 4a al. 1 let. c OCR (ordonnance sur les règles de la circulation routière du 13 novembre 1962, RS 741.11). Il relève en particulier qu’entre le dernier écriteau limitant la vitesse à 80 km/h et l’endroit où il a été flashé, il y a une intersection au sens de l’art. 16 al. 2 OSR (ordonnance sur la signalisation routière du 5 septembre 1979; RS 741.21), de sorte qu’au-delà de celle-ci, la limitation était à nouveau de 100 km/h. L’appelant conteste ainsi s’être rendu coupable de délit de chauffard au sens de l’art. 90 al. 3 et 4 LCR (loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958, RS 741.01), dans leur teneur depuis le 1
er
janvier 2013.
2.2
Aux termes de l’art. 16 al. 2 OSR, sous réserve des dispositions dérogatoires concernant certains signaux de prescription, la prescription annoncée vaut à l’endroit ou à partir de l’endroit où le signal est placé, jusqu’à la fin de la prochaine intersection. Le signal sera répété si la validité doit s’étendre au-delà. En ce qui concerne les signaux « Vitesse maximale » notamment, ils doivent être observés jusqu’au signal correspondant indiquant la fin de la prescription mais au plus jusqu’à la fin de la prochaine intersection. Une intersection supprime ainsi l’effet de tous les signaux de prescription, même de ceux pour lesquels il a été prévu un signal de fin de limitation (Bussy/Rusconi, Code suisse de la circulation routière commenté 4
e
éd. Bâle 2015, n. 3.2 ad 16 OSR). Selon l’art. 1 al. 8 OCR, les intersections sont des croisées, des bifurcations ou des débouchés de chaussées. Ne sont pas des intersections les endroits où débouchent sur la chaussée des pistes cyclables, des chemins ruraux ou des sorties de garages, de places de stationnement, de fabriques, de cours, etc.
Selon le Tribunal fédéral, ni la LCR, ni les ordonnances d’application ne définissent ce qu’il faut entendre par intersection d’autoroutes. L’OSR établit une distinction entre les jonctions et les intersections pour les autoroutes et les semi-autoroutes. Sont réputées jonctions les endroits où les voies d’accès et de sortie rejoignent les voies d’une autoroute ou d’une semi-autoroute (art. 86 al. 1 OSR). Sur la base de cette définition et parce que l’art. 87 al.1 OSR ne définit pas l’intersection, il y a lieu d’admettre qu’il n’y a d’intersections d’autoroutes que si elles englobent la bifurcation et le débouché d’autoroutes, mais pas les voies d’accès et de sortie qui relient l’autoroute au reste du réseau routier (ATF 128 IV 30, JT 2002 I 622 c. 2).
2.3
Au vu de ce qui précède, il convient de retenir qu’il n’y a intersection que lorsqu’un changement de direction est possible. Ainsi, les jonctions d’autoroutes ne constituent pas une intersection au sens de l’art. 1 OCR et 16 al. 2 OSR. Dans ces circonstances, il n’était pas nécessaire, dans le cas particulier, que l’indication de la limitation de vitesse soit renouvelée au-delà de la jonction d’entrée [...], comme le prétend l’appelant. La vitesse était donc bien limitée à 80 km/h à l’endroit où le contrôle radar mettant en cause F._ a été effectué.
Mal fondé, le moyen doit être rejeté.
3.
3.1
L’appelant plaide encore l’erreur dès lors que, à supposer que la limitation à 80 km/h doive être considérée comme maintenue, la configuration des lieux serait en tous les cas trompeuse puisqu’à l’endroit du contrôle apparaît une deuxième voie de circulation, les deux voies étant séparées par une glissière des voies en sens contraire, ce qui n’était pas le cas précédemment.
Au vu des règles rappelées ci-dessus quant à la signalisation des limitations de vitesse, il n’y a pas place pour une erreur sur les faits s’agissant en particulier d’un conducteur qui connaissait la route qu’il empruntait et ne peut contester avoir commis un excès de vitesse qui, au surplus, demeurerait en tous les cas extrêmement important même si la vitesse avait été limitée à 100 km/h et non à 80 km/h à l’endroit où l’infraction a été constatée.
Mal fondé, le moyen doit être rejeté.
3.2
L’appelant fait également valoir que le texte même de l’art. 90 al. 3 LCR suppose une violation intentionnelle des règles de la circulation et qu'il était fondé à croire, au vu de la configuration des lieux, que la limitation spécifique qu’il avait vue quelque centaines de mètres auparavant tombait. Il soutient pouvoir aussi invoquer l’application de l’art. 13 CP pour ce motif.
Cette manière de voir fait fi du fait que la voie montante était à cet endroit unique, de sorte que l’appelant pouvait parfaitement se rendre compte qu’il se trouvait toujours sur la même semi-autoroute. Il ne prétend d’ailleurs pas qu’un signal aurait marqué la fin de celle-ci. Quoi qu’il en soit, l’art. 90 al. 4 nLCR précise que l’art. 90 al. 3 nLCR est toujours applicable lorsque certaines vitesses maximales sont, comme en l’espèce, dépassées dans une certaine ampleur. Dans un tel cas, peu importe de savoir si ce dépassement était intentionnel ou non, dès lors qu’en vertu de la présomption légale, on doit retenir que le dépassement a été commis intentionnellement et qu’il a créé un risque important d’accident grave de la circulation pouvant entraîner des lésions graves (TF 1C_397/2014 du 20 novembre 2014).
4.
L’appelant met en doute la validité de la signalisation mise en place, dès lors que celle-ci n’aurait pas été apposée dans le respect de la procédure prévue par l’art. 108 OSR.
L’art. 27 al. 1 LCR impose aux usagers de la route de se conformer aux signes et aux marques. Sont visées les signalisations routières régulières. Il est en effet contraire au but de cette réglementation d’obliger les usagers à respecter n’importe quel signal indépendamment du fait qu’il soit légal ou non. Toutefois, dans l’intérêt de la sécurité du trafic, la jurisprudence exige que les signaux et marques soient observés même s’ils n’ont pas été apposés de manière régulière. Ce devoir de respecter les signaux apposés de manière irrégulière découle du principe de la confiance en matière de circulation routière tiré de l’art. 26 al. 1 LCR. Un usager qui sait qu’un signal n’a pas été apposé régulièrement ne doit pas, par son non-respect, mettre en danger d’autres usagers de la route qui se fient à l’apparence créée par le signal. Tel est en particulier le cas de l’indication de la vitesse maximale autorisée. La nullité d'un signal ne peut être admise que dans des cas tout à fait exceptionnels (ATF 128 IV 184, JT 2002 I 612, c. 4).
En l’occurrence, il est notoire que le tronçon sur lequel l’infraction a été constatée a été le théâtre de nombreux accidents, à la suite desquels diverses mesures tendant à l’amélioration des conditions de la circulation routière ont été examinées (cf. P. 11, ch. 2). Les usagers de la route doivent pouvoir s’attendre à ce que tous les conducteurs respectent la vitesse maximale mise en place à l’endroit indiqué, la limitation mise en cause n’étant pas entachée d’un vice manifeste et reconnaissable pour tous. Les conditions d’une nullité de la signalisation litigieuse ne sont à l’évidence pas réunies.
Mal fondé, le moyen doit également être rejeté.
5.
L’appelant ne conteste la quotité de la peine prononcée à son encontre qu’en lien avec les moyens développés dans son mémoire et tendant à l’application de l’art. 90 al. 2 LCR en lieu et place de l’art. 90 al. 3 et 4 LCR. Or, ces moyens ont été rejetés et la qualification de l’infraction confirmée. Examinée d’office, la Cour d’appel considère au demeurant que la peine prononcée a été fixée en application des critères légaux à charge et à décharge et conformément à la culpabilité d’F._ et doit donc être confirmée.
6.
En définitive, l’appel d’F._ doit être rejeté et le jugement attaqué intégralement confirmé.
Vu l’issue de la cause, les frais d’appel, par 1’170 fr. (art. 21 al. 1 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]), seront supportés par l’appelant qui succombe.
La condamnation d’F._ étant confirmée, il n’y a pas lieu de statuer sur l’allocation d’une indemnité au sens de l’art. 429 CPP. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
2dc824fa-c89c-49e6-8037-9395998213b4 | En fait :
A.
Par jugement du 4 juin 2013, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a constaté que B._ s'est rendu coupable de vol, tentative d’escroquerie, escroquerie et faux dans les titres (I), l’a condamné à six mois de peine privative de liberté, avec sursis pendant 4 (quatre) ans (II), a révoqué le sursis octroyé le 22 février 2010 par le Juge d’instruction de Lausanne et ordonné l’exécution de la peine pécuniaire de nonante jours-amende à 20 fr. le jour (III), a renvoyé la Société Q._ à agir par la voie civile (IV), a dit que B._ est débiteur de la Société Q._ d’un montant de 3'500 fr. au titre de dépens pénaux (V), a ordonné la confiscation et le maintien au dossier pénal au titre de pièces à conviction des objets séquestrés sous fiche n° 51494 (VI), a mis à la charge de B._ les frais de procédure par 5'725 fr., y compris l’indemnité allouée à son conseil d’office, l’avocate Lorraine Ruf, par 3'000 fr. (VII) et a dit que l’indemnité allouée sous chiffre VII ci-dessus ne sera exigible que pour autant que la situation financière du prévenu le permette (VIII).
B.
Le 17 juin 2013, B._ a formé appel contre ce jugement.
Par déclaration d’appel motivée du 2 septembre 2013, il a conclu principalement à son acquittement, les frais de procédure étant laissés à la charge de l’Etat, et subsidiairement à la réforme du jugement en ce sens que le précédent sursis qui lui a été octroyé est prolongé d’une année au plus, et à son annulation et au renvoi de la cause au Tribunal de police pour nouveau jugement. Il a requis la mise en œuvre de "toutes les mesures d’instruction permettant de retrouver P._", notamment celles proposées par l’inspecteur [...] dans son rapport complémentaire du 9 mars 2012 (pièce 15/1, p. 2).
Le 6 septembre 2013, le Ministère public a annoncé qu'il renonçait à déposer une demande de non-entrée en matière ou à déclarer un appel joint.
La Société Q._ en a fait de même par courrier du 24 septembre 2013.
Par lettre du 25 novembre 2013, la Présidente de la cour de céans a rejeté les réquisitions de preuves de B._.
Par courrier du 28 novembre 2013, soit dans le délai imparti pour se déterminer sur l’appel, le Ministère public a déclaré qu'il renonçait à déposer des conclusions motivées, se limitant à conclure au rejet de l’appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Cadet d’une famille de trois enfants, B._ est né le 19 décembre 1974 à Lausanne. Après sa scolarité obligatoire, puis des études gymnasiales, il est entré à la faculté des Hautes Etudes Commerciales, à l’Université de Lausanne, en 1993. Après avoir obtenu sa licence en économie avec spécialisation en marketing-gestion d’entreprise, il a travaillé, de 1998 à 2004, comme responsable marketing auprès de [...], avant d’être engagé, en 2005, par le [...], à Lausanne, dans la gestion opérationnelle de la clientèle. Dès la fin de l’année 2010, vraisemblablement, il a travaillé pour une filiale du [...], à Genève, dans un centre de traitement back-office. Il est au chômage depuis le début de l’année 2013. Ses primes d’assurance-chômage se montent à 7'200 fr. par mois. Il est séparé de son épouse. Le couple a deux enfants, [...], né en 2001 et [...], née en 2003; [...] souffre d’autisme asperger. Les charges mensuelles essentielles de B._ se composent de 2'500 fr. de loyer, charges comprises, de 295 fr. de primes d’assurance-maladie, de 500 fr. de leasing et de 3'000 fr. de contribution d’entretien en faveur de sa famille. Il a des dettes envers ses parents à hauteur de 30'000 fr. environ.
A la suite de la séparation d’avec son épouse, des difficultés personnelles et professionnelles qu’il rencontrait et des faits qui lui ont valu une condamnation pénale en 2010, B._ a consulté un psychiatre. Le suivi a duré plusieurs mois. Il a déclaré, à l’audience de première instance, qu’il était à nouveau suivi par le même thérapeute, depuis quelques mois, en raison des problèmes qu’il rencontrait dans le cadre de son divorce (jugt, p. 12). Dans sa déclaration d’appel (p. 6
in fine
), il a précisé que sa situation s’était stabilisée et qu’il était serein.
Son casier judiciaire suisse comporte l'inscription suivante :
- 22.02.2010, Juge d’instruction de Lausanne, vol, peine pécuniaire 90 jours-amende à 20 fr., sursis à l'exécution de la peine, délai d'épreuve 2 ans.
2.
A Crissier et Romanel-sur-Lausanne, entre le 12 novembre et le 13 décembre 2011, B._ s’est présenté à six occasions aux caisses des magasins Q._ afin de restituer des logiciels informatiques; en échange, il a reçu, au total, lors de ses cinq premiers passages, six cartes cadeau sur chacune desquelles a été crédité le prix de la marchandise rendue.
Il lui est reproché d’avoir présenté, à trois reprises, de fausses quittances.
2.1
Ainsi, à Crissier, le samedi 10 décembre 2011, vers 17h30, il s’est fait rembourser, sur présentation d’un faux ticket de caisse, deux clés d’activation Microsoft et un logiciel Windows 7 Professionnel. Il a reçu en échange une carte cadeau d’une valeur de 1'117 francs.
2.2
A Romanel-sur-Lausanne, le lundi 12 décembre 2011, vers 18h30, il s’est fait rembourser, sur présentation de deux faux tickets de caisse, deux clés d’activation Microsoft, un logiciel Windows 7 Professionnel et un logiciel Windows 7 Professionnel Ultima, en échange desquels il a obtenu une carte cadeau d’une valeur de 1'616 francs.
2.3
A Crissier, le mardi 13 décembre 2011, vers 18h45, il a encore tenté de se faire rembourser, sur présentation d’un faux ticket de caisse, un logiciel Windows 7 Edition Intégrale. Il n’est toutefois pas parvenu à ses fins, le magasin ayant détecté la supercherie et fait appel à la police, qui a interpellé le prévenu, en possession, notamment, de deux faux tickets de caisse et de deux cartes cadeau, qui ont été saisis. Trois autres cartes cadeau ont été retrouvées et séquestrées à son domicile.
La société Q._, par [...], a déposé plainte le même jour et a pris des conclusions civiles. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l’occurrence, interjeté dans les forme et délai légaux contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
3.
Invoquant une mauvaise appréciation des preuves et une violation de la présomption d’innocence, l’appelant soutient que le premier juge aurait dû éprouver des doutes quant à sa culpabilité et que c’est à tort qu’il a conclu à l’inexistence de P._, qui serait le véritable auteur des infractions.
3.1
Selon l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
La présomption d'innocence, garantie par les art. 14 par. 2 Pacte ONU II (Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, RS 0.103.2), 6 par. 2 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, RS 0.101) et 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, RS 101), ainsi que son corollaire, le principe
in dubio pro reo
, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.
En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie que toute personne prévenue d'une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu'il appartient à l'accusation de prouver la culpabilité de celle-là (ATF 127 I 38 c. 2a; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1).
Comme règle d'appréciation des preuves, le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 Ia 31 c. 2c; TF 6B_831/2009, précité, c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38 c. 2a). Dans cette mesure, la présomption d'innocence se confond avec l'interdiction générale de l'arbitraire, prohibant une appréciation reposant sur des preuves inadéquates ou sans pertinence (TF 6B_216/2010 du 11 mai 2010 c. 1.1.1 et 1.1.2 et la jurisprudence citée).
3.2
3.2.1
En l’espèce, il y tout d’abord lieu de compléter d’office l’état de fait retenu par le premier juge, dans la mesure où il ressort du dossier (pièces 15/2, 15/3 et 35) qu’en sus des 10, 12 et 13 décembre 2011, B._
s’est présenté, depuis le 12 novembre 2011, en tout cas trois autres fois aux caisses des magasins
Q._ afin de restituer des logiciels informatiques (jugt, p. 5)
et qu’en échange, il a reçu, au total, six cartes cadeau sur chacune desquelles a été crédité le prix de la marchandise rendue.
3.2.2
S’agissant de la question de l’existence de P._, la cour de céans est d’avis qu’il y a un faisceau d’indices sérieux permettant de démontrer l’invraisemblance de l’existence de ce personnage.
Premièrement, il existe des imprécisions grossières et des contradictions dans la description que B._ a faites de ses rencontres avec le prétendu P._. Lors de sa première audition par la police, il a expliqué qu’il aurait rencontré son interlocuteur à trois reprises, la première fois en octobre ou novembre 2011 à Genève, dans un tea-room du centre commercial de Lancy, près de son lieu de travail, puis deux jours plus tard, soit au début novembre 2011, près du même centre commercial, et enfin, la semaine précédant son interpellation, au Mc Donald’s de Crissier, et que ce n’est que lors de ces deux dernières rencontres qu’ils auraient échangé leur marchandise (PV aud. 2, R. 5). Il ressort de cette audition et de celle du 6 mars 2012 (PV aud. 3) que si l’intéressé est resté très vague quant aux dates de leurs rencontres, il a en revanche su fournir des détails sur le nombre et le type de logiciels obtenus lors de chaque échange, ainsi que sur la couleur et l’immatriculation de la Peugeot avec laquelle son interlocuteur, accompagné d’un ami, se serait présenté au deuxième rendez-vous, décrivant même l’autocollant figurant sur le véhicule. A l’inverse, lors de son audition devant le tribunal de première instance, prétextant que sa mémoire lui faisait défaut, il n’a pas pu confirmer quelle partie de la marchandise lui aurait été remise à chaque fois, ni même s’il en aurait reçue lors de leur deuxième rencontre, tandis qu’il a été capable de dire qu’il se serait vu avec P._ non plus à trois, mais à quatre reprises (jugt, pp. 3 à 5), et de situer précisément la première rencontre au 27 octobre 2011 et la troisième au 6 décembre 2011, faisant ainsi correspondre ces dates avec celles figurant sur l’e-mail qu’il avait transmis à la police en cours d’enquête à propos des opérations en question (pièce 8/4
in fine
). A cela s’ajoutent les incohérences dans la description de la Peugeot; en effet, après avoir parlé, au terme de son e-mail à la police du 18 décembre 2011, d’une Peugeot "tunée" bleue, avec un autocollant du club de foot de l’Olympique Lyonnais, immatriculée en France, sans pouvoir dire où exactement (P. 8/4), il a décrit une Peugeot 306 verte, avec un autocollant de l’Olympique Marseille et immatriculée "dans le 69" (PV aud. 3, R. 10 p. 6). Même les explications données lors de sa première audition quant aux dates de ses deux premiers remboursements à la Q._, qu’il a situés au jeudi (ou mercredi) et au samedi précédant son interpellation (PV aud. 2, R. 5 pp. 3
in fine
et 4), ne correspondent pas aux faits, puisque ces remboursements ont, en réalité, eu lieu le samedi 10 et le lundi 12 décembre 2011. A cela s’ajoute que le prévenu a affirmé qu’il s’était rendu seul à la Q._ pour se faire rembourser la première fois (PV aud. 2, R. 5 p. 3
in fine
), avant d’admettre, seulement après que la question lui eut été posée par la police, qu’il était en réalité en compagnie de ses enfants (PV aud. 2, R. 6 p. 5
in initio
), comme cela a été attesté par les images de la caméra de surveillance sur lesquelles il apparaît avec sa fille (pièce 4/3). Toutes ces contradictions et imprécisions ne peuvent s’expliquer autrement que par la volonté de dissimuler des faits.
Deuxièmement, il est invraisemblable que le prétendu P._ ait été d’accord d’échanger du matériel informatique neuf, soit entre quinze et vingt logiciels (PV aud. 2, R. 5; jugt, p. 6
in initio
), dont la valeur varie entre 300 à 500 fr. la pièce, comme cela ressort des tickets séquestrés et de la pièce 35 (cf. ég. pièce 5, position n° 39; jugt, p. 5; PV aud. 1), avec du matériel photographique d’occasion d’une valeur ne dépassant pas 3'000 fr. (PV aud. 2, R. 5 p. 3
in initio
) et pour lequel il était initialement disposé à ne verser que 1'000 fr. (
ibidem
). Le troc consistant à échanger "des logiciels assortis de leurs tickets de caisse" avec un vieil ordinateur, des meubles ou une table de jardin (PV aud. 2, R. 5 p. 2
in fine
) paraît même grotesque. C’est donc à tort que l’appelant prétend que la valeur de son matériel, qu’il estime lui-même entre 2'000 et 3'000 fr. (PV aud. 2, R. 5 p. 3
in initio
), était supérieure à celle de la marchandise obtenue (p. 3
supra
); on ne comprend d’ailleurs pas pourquoi, dans ce cas, il aurait consenti à l’échange, tandis qu’il avait réussi, quelques semaines auparavant, à vendre un appareil photographique au prix de 469 fr. sur ricardo.ch (pièce 4/2). L’explication selon laquelle P._ n’a pas ramené lui-même la marchandise au magasin "car cela risquait de porter préjudice au vendeur qu’il connaissait et dont la prime risquait d’être diminuée" (p. 3
supra
) n’est pas crédible, puisque le matériel a quand même été rendu et que, dans ces circonstances, le vendeur a , comme l’appelant l’a lui-même reconnu (PV aud. 3, R. 5 p. 3; jugt p. 19), de toute manière perdu sa commission, si commission il y a; elle l’est encore moins si l’on considère que, selon l’appelant, P._ lui aurait "soufflé" de restituer lui-même la marchandise au magasin (jugt, p. 5, par. 1
in fine
). Il n’est pas non plus réaliste de supposer que le prévenu, alors qu’il admet avoir trouvé étranges les explications de son interlocuteur quant à la provenance de ces logiciels (PV aud. 3, R. 5; jugt, p . 3), ait tout de même accepté de procéder aux échanges litigieux et ait même attendu de recevoir tout le matériel avant d’aller le restituer à la Q._ (jugt, p. 4 par. 1
in fine
), sans vérifier s’il s’agissait de produits volés, ce qu’il aurait pu faire en se rendant auprès d’une succursale avec une partie de la marchandise reçue lors du premier échange; s’il ne l’a pas fait, c’est qu’il savait que cette marchandise était volée, ce qui rend encore moins vraisemblable l’existence de P._, puisque le prévenu n’aurait jamais accepté, ni même pris le risque d’échanger son matériel photographique contre des produits qu’il savait volés.
Troisièmement, le prévenu a affirmé qu’il ignorait si ces logiciels venaient réellement de la Q._
(PV aud. 4 lignes 79 et 80), mais que tel devait être le cas "selon sa perception" (p. 3
supra
). Outre le fait que cette explication, que l’appelant reprend dans son appel (p. 4
in initio
), est en contradiction avec ses précédentes déclarations (PV aud. 2, R. 5 p. 2
in fine
et PV aud. 3, R. 5 p. 3
in fine
), elle implique que l’intéressé est allé à six reprises restituer les produits en question à la Q._ pour se faire rembourser (jugt, p. 5) tout en ignorant leur réelle provenance, ce qui est absurde. Cette démarche ne s’explique pas autrement que par le fait que celui-ci n’avait aucun doute que ce matériel provenait bel et bien de la Q._, comme il l’a confirmé à l’audience (p. 3
supra
), ce qui exclut qu’il l’ait acquis d’une tierce personne, encore moins d’une personne contactée sur internet.
Quatrièmement, le fait que B._ ait copié certains e-mails entre lui
et le prétendu P._, alors qu’il n’aurait ni gardé ni retrouvé les originaux (PV aud. 2, R. 7 p. 5), est peu crédible. Comme le premier juge l’a à juste titre relevé (jugt, p. 18), il est également surprenant que le prévenu, qui a expliqué qu’il classait tout ce qui concernait ricardo.ch dans un dossier (PV aud. 3, R. 7 p. 5), ait éliminé tous les e-mails en relation avec la vente de son matériel photographique, tout comme l’est le fait que l’intéressé, qui est décrit comme un "geek" (jugt, p. 9) et comme quelqu’un de "compétent dans ce domaine" (jugt, p. 10), ait dû, selon ses affirmations (PV aud. 3, R. 7 p. 5; jugt, p. 11), faire recours à une connaissance pour retrouver ses mails, ce qui est d’ailleurs apparu peu crédible à l’un de ses amis (jugt, p. 10).
Cinquièmement, il ressort de la pièce 8/4 qu’il n’y aurait eu que deux séries d’échanges d’e-mails entre l’appelant et P._, la première en relation avec leur rencontre du 27 octobre 2011 et la seconde en rapport avec celle du 6 décembre 2011, tandis qu’ils se seraient vus deux autres fois (jugt, p. 3
in fine
). On s’étonne qu’entre leur première rencontre du 27 octobre 2011 et la deuxième, deux jours plus tard, au cours de laquelle a eu lieu le premier échange de matériel, il n’y ait aucune trace de sms, ni d’appel téléphonique entre eux, ni même aucun échange de courrier électronique, alors que, selon les déclarations du prévenu lui-même, ils se seraient contactés par e-mail (PV aud. 2, R. 5 p. 3
in fine
). Ensuite, si l’on croit l’e-mail du 29 novembre 2011, les deux prénommés se seraient donnés rendez-vous le 6 décembre 2011 au tea-room de Lancy Centre à 12h30 (pièce 8/4, p. 4); or, il ressort des déclarations du prévenu (PV aud. 2, R. 5 p. 3) que cette rencontre aurait eu lieu, certes à la date prévue, mais au Mc Donald’s de Crissier, vers 20h00, sans toutefois qu’aucun contact entre eux n’ait été répertorié, ce qui laisse songeur. En effet, rien n’explique – sinon que le prévenu a monté de toute pièce cette histoire – comment ce dernier, tandis qu’il avait pris la peine, dans son dernier courrier électronique du 29 novembre 2011, d’informer son interlocuteur qu’il aurait un peu de retard à cause de son travail (pièce 8/4, p. 4), a finalement pu se voir avec lui à Crissier sans le contacter au préalable par téléphone (PV aud. 3, R. 10 p. 6). Le lieu de cette rencontre, qui se situe à quelque cinquante kilomètres de Genève, est d’autant plus surprenant que tant l’un que l’autre avaient expressément précisé qu’ils préféraient se voir à Genève (pièce 8/4, pp. 2 et 4).
Sixièmement, on ne comprend pas comment un escroc habile, tel que l’aurait été P._, qui, dans le but de ne pas être repéré, contacte dès le début son interlocuteur non pas sur ricardo.ch, mais sur son adresse électronique privée (PV aud. 3, R. 7 p. 5
in initio
), qui plus est par l’intermédiaire d’un site internet permettant de rendre anonymes les envois (pièces 8/1 et 8/2), a pu ensuite prendre le risque de récolter du matériel d’occasion facilement retraçable, au lieu de chercher à obtenir de l’argent liquide par la vente de son matériel.
Enfin, les explications du prévenu selon lesquelles P._ lui aurait dit, lors de leur première rencontre en date du 27 octobre 2011, qu’il devait se séparer de tout son matériel informatique (jugt, p. 5
in initio
) ne concordent pas avec les dates figurant sur les tickets, des 25 novembre et 5 décembre 2011, ce qui signifierait qu’au moment des pourparlers en vue de leur rencontre du 6 décembre 2011, qui auraient eu lieu entre le 12 et le 28 novembre 2011
(pièce 8/4), P._ n’était pas encore en possession de tout son matériel. L’appelant a affirmé qu’il n’avait pas fait attention à ces incohérences et que même le vendeur de la Q._ n’avait pas remarqué que les tickets étaient faux (jugt, p. 5). Ce raisonnement ne tient pas la route. L’appelant dit avoir reçu les quittances avec la marchandise (jugt, p. 4), ce qui lui laissait donc tout loisir de vérifier les tickets avant de se rendre au magasin; il apparaît ainsi très peu vraisemblable, dans les circonstances qu’il décrit, qu’il ne l’ait pas fait, alors qu’il a lui-même admis que les explications fournies par son prétendu interlocuteur lui avaient semblé étranges (PV aud. 3, R. 5; jugt, p . 3). A cela s’ajoute qu’il est absurde qu’une personne, qui affirme être "plutôt sur Genève" (pièce 8/4, p. 2) et qui veut se débarrasser de son matériel informatique, achète deux logiciels à Etoy le 5 décembre 2011, comme cela résulte du ticket de caisse séquestré, pour les revendre le lendemain à Crissier (pièce 8/4).
Tous ces éléments constituent un faisceau d’indices suffisamment important et sérieux pour retenir l’inexistence de P._. Comme l’a relevé à juste titre le premier juge, ce personnage, ainsi que les soi-disant échanges d’e-mails avec lui, ont été créés par B._ pour tenter de se disculper.
Il s’ensuit que l’argumentation sur laquelle le prévenu fonde l’essentiel de sa défense (appel, pp. 3 à 7), consistant à dire qu’il aurait été victime des agissements de P._ et que ce dernier serait le véritable auteur des vols, de l’escroquerie et du faux dans les titres, tombe à faux.
4.
L’inexistence de P._ ayant ainsi été démontrée, il convient tout d’abord de déterminer si B._ peut être retenu coupable d’escroquerie.
4.1
L’art. 146 al. 1 CP dispose que celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou l’aura astucieusement confortée dans son erreur et aura de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d’un tiers sera puni d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire.
L'escroquerie suppose en particulier que l'auteur ait usé de tromperie et que celle-ci ait été astucieuse (ATF 128 IV 18 c. 3a; ATF 122 II 422 c. 3a; ATF 122 IV 246 c. 3a et les arrêts cités). L'astuce est réalisée lorsque l'auteur recourt à un édifice de mensonges, à des manœuvres frauduleuses ou à une mise en scène, mais aussi lorsqu'il donne simplement de fausses informations, si leur vérification n'est pas possible, ne l'est que difficilement ou ne peut raisonnablement être exigée, de même que si l'auteur dissuade la dupe de vérifier ou prévoit, en fonction des circonstances, qu'elle renoncera à le faire en raison d'un rapport de confiance particulier (
ibidem
). L'astuce n'est toutefois pas réalisée si la dupe pouvait se protéger avec un minimum d'attention ou éviter l'erreur avec le minimum de prudence que l'on pouvait attendre d'elle (ATF 128 IV 18 c. 3a; ATF 126 IV 165 c. 2a). Il n’est cependant pas nécessaire qu’elle ait fait preuve de la plus grande diligence ou qu’elle ait recouru à toutes les mesures possibles pour éviter d’être trompée. L’astuce n’est exclue que si elle n’a pas procédé aux vérifications élémentaires que l’on pouvait attendre d’elle au vu des circonstances. Une co-responsabilité de la dupe n’exclut toutefois l’astuce que dans des cas exceptionnels (TF 6B_314/2011 du 27 octobre 2011 c. 3.2.1 et les références citées).
Du point de vue subjectif, l’auteur doit avoir agi intentionnellement et dans un dessein d’enrichissement illégitime, ce qui suppose
de la part de la victime un acte de disposition préjudiciable à ses intérêts, situé dans un rapport de causalité avec les agissements de l'auteur. Le dessein d'enrichissement illégitime de l'auteur de l'escroquerie vise n'importe quelle amélioration de sa situation économique. Ce dessein ne doit pas nécessairement être le mobile exclusif de l'auteur, il suffit qu'il soit l'un des éléments qui l'ont amené à agir (Favre/Pellet/Stoudmann, Code pénal annoté, Lausanne 2007, n. 1.24 et 1.25 ad art. 146 CP et les références citées). Du côté de la victime, il importe peu que le dommage découlant de l'acte préjudiciable à ses intérêts pécuniaires soit temporaire, provisoire ou définitif (Dupuis et alii, Petit commentaire du Code pénal, Bâle 2012, n. 30 ad art. 146 CP) .
4.2
En l’espèce, le premier juge a estimé (jugt, p. 22) qu’en se présentant, parfois avec ses enfants, en fin de journée, dans différentes succursales de la Q._ avec des logiciels volés et des faux tickets afin de se faire rembourser le prix de la marchandise restituée, B._ avait agi avec astuce.
Cette analyse ne prête pas le flanc à la critique et ne peut qu’être suivie. En effet, la manœuvre consistant à rapporter des logiciels munis de faux tickets avait pour but d’induire en erreur le vendeur, ce qui a été le cas à deux reprises.
L’appelant ne saurait reprocher au vendeur, comme il tente de le faire, de ne pas avoir suffisamment contrôlé les quittances. [...], employée fiduciaire interne de Q._, a expliqué, sans que cela ne soit remis en cause, que si la provenance d’un produit de la Q._ restitué pouvait être déterminée avec certitude, sa traçabilité ne l’était pas (p. 4
supra
). Cela signifie que les produits volés n’étaient pas individualisés et signalés en tant que tels; d’ailleurs, ce n’est que lorsque la fausseté de la quittance présentée le 13 décembre 2011 a été découverte que l’origine délictueuse des produits l’a également été. L’argument du prévenu selon lequel il "n’a à aucun moment cherché à dissimuler son identité, puisqu’il n’a pas masqué sa signature sur les registres de remboursement de la Q._, [et qu’]il a en outre employé sa carte cumulus, carte qui porte son nom (...)" (appel, p. 5
in initio
), n’est pas pertinent. Cet argument se heurte d’ailleurs aux explications de [...] (jugt, p. 7), qui a précisé que le numéro cumulus, qui n’a pu être retrouvé en l’occurrence que par le biais des cartes cadeau rechargées, ne donne pas le nom d’une personne, mais un numéro de carte. A cela s’ajoute qu’à l’époque, on ne demandait pas de carte d’identité en cas de demande de remboursement, mais uniquement une signature, sans nom ni prénom, et qu’aucune copie n’était faite des tickets rendus au client (
ibidem
). Or, l’appelant connaissait ce système, dans la mesure où, avant le 10 décembre 2011, il s’était déjà rendu à trois reprises à la Q._ pour restituer du matériel informatique "du même type" que celui pour lequel il a ensuite été mis en cause, pour des montants d’ailleurs supérieurs, comme il l’a lui-même admis (jugt, p. 5). En se présentant les 10, 12 et 13 décembre 2011, il pouvait donc escompter que l’origine délictueuse de ces produits et la fausseté des quittances passeraient inaperçues. Le fait que deux des quatre quittances utilisées n’aient pas été retrouvées n’est pas pertinent, dès lors que le prévenu ne conteste pas qu’elles sont fausses, mais uniquement qu’il n’en est pas l’auteur (appel, ch. 5 p. 6). Certes, la quittance portant sur un montant de 698 fr., relative à la restitution du 12 décembre 2011 (et non du 13 décembre comme retenu à tort par le premier juge), comporte une erreur grossière, dans la mesure où elle indique que les logiciels ont été payés à raison de 999 fr. et que la monnaie rendue était de 1 franc; toutefois, en se présentant, à un moment de la journée où l’affluence dans les magasins est importante, avec ses deux enfants, âgés à l’époque de 8 et 10 ans, dont l’un d’eux, atteint d’autisme, se fait remarquer en public par des bruits et des gestes incontrôlés (PV aud. 3, R. 15; jugt, p. 10), le prévenu a pu facilement détourner l’attention du vendeur. De la manière générale, il n’appartient pas à un vendeur de s’attendre à ce qu’un consommateur vienne avec une fausse quittance échanger du matériel en fin de journée. D’ailleurs, ce n’est qu’à la suite des faits litigieux que la Q._ a fait circuler une note rendant attentif l’ensemble du personnel au procédé incriminé (PV aud. 1). Il y a donc bel et bien eu astuce.
La condition de l’enrichissement illégitime est également remplie, dès lors que le prévenu a reçu, les 10 et 12 décembre 2011, des cartes cadeau en échange du matériel rapporté au magasin, ce qui est suffisant. Peu importe à cet égard que les cartes aient ensuite été retrouvées chez lui et bloquées (appel, p. 5; PV aud. 4, lignes 70 ss), puisque, comme on l’a vu (c. 4.1
in fine
), le dommage peut être temporaire.
Concernant les faits du 13 décembre 2011, le résultat n’a pas été atteint uniquement parce qu’il a été découvert que la quittance présentée était fausse. Il ne fait aucun doute que dans le cas contraire, B._ se serait fait rembourser le prix des logiciels, soit un montant de plus de 900 fr., comme l’atteste la quittance retrouvée. En pareil cas, l’infraction d’escroquerie aurait été achevée.
En conséquence, B._ s’est bien rendu coupable d’escroquerie en relation avec les faits exposés sous chiffre 2.1 et 2.2 ci-avant (p. 10) et de tentative d’escroquerie pour ceux retenus sous chiffre 2.3 (
ibidem
).
5.
Le prévenu conteste sa condamnation pour faux dans les titres.
5.1
Se rend coupable de faux dans les titres au sens de l'art. 251 ch. 1 CP celui qui, dans le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d'autrui ou de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, aura créé un titre faux, falsifié un titre, abusé de la signature ou de la marque à la main réelles d'autrui pour fabriquer un titre supposé, constaté ou fait constater faussement, dans un titre, un fait ayant une portée juridique, ou, pour tromper autrui, fait usage d'un tel titre.
5.2
En l’espèce, l’appelant fait valoir que ce n’est pas lui qui a confectionné les fausses quittances, réitérant qu’il se serait fait piéger par P._. Or, dans la mesure où ces tickets sont des faux, ce que le prévenu ne conteste d’ailleurs pas, le fait qu’ils n’aient pu avoir été remis par une personne qui n’existe pas implique que seul l’appelant peut les avoir réalisés. On ne voit guère d’autre explication. Le fait qu’aucune caisse enregistreuse ni aucun autre matériel servant à la fabrication de fausses quittances n’ait été retrouvé au domicile du prévenu (appel, ch. 5 p. 6) importe peu, l’exercice consistant à confectionner de faux tickets de caisse – sans publicité au verso (jugt, p. 8) – n’étant en soi pas difficile, surtout pour une personne avec des connaissances informatiques du niveau de l’intéressé. Au demeurant, l’art. 251 ch. 1 CP réprime également l’usage de faux. Or, le prévenu ne pouvait que savoir que ces quittances étaient falsifiées, de sorte que cette infraction est quoiqu’il en soit réalisée.
La condamnation de B._ pour faux dans les titres doit donc également être confirmée.
6.
Il en va de même s’agissant de sa condamnation pour vol. Le prévenu lui-même a indiqué que les logiciels en question provenaient de la Q._ (PV aud. 2, R. 5 p. 2
in fine
; PV aud. 3, R. 5 p. 3
in fine
; jugt, p. 3; c. 3.2.2, p. 15
supra
), de telle sorte que, s’ils n’ont pas été remis par P._, il n’y pas d’autre possibilité que la soustraction à des fins d’enrichissement de la part de l’appelant. D’ailleurs, on ne voit pas pour quel motif celui-ci aurait fabriqué de fausses quittances pour des logiciels neufs, encore emballés et donc sous garantie, si ce n’est pour des produits volés. L’argumentation selon laquelle il n’a jamais été surpris en train de commettre ces vols (appel, p. 4
in initio
) n’est pas déterminante, dès lors qu’il s’agit, en l’occurrence, de logiciels et clés qui, de par leur petite dimension, peuvent être facilement dissimulés.
On relèvera encore, sur la base de l’état de fait tel qu’il a été complété ci-dessus (c. C.2 p. 10), que l’intéressé a expliqué que les produits informatiques restitués au magasin avant le 10 décembre 2011 – en échange desquels il a reçu des cartes cadeau d’une valeur totale de près de 5'000 fr. (2'500 fr. + 1'000 fr. + 1'400 fr. environ) – lui auraient été remis par P._ (jugt, p. 5). Cette explication doit être rejetée non pas parce que, comme l’a retenu le tribunal, "les demandes de remboursement (de B._) ont débuté avant sa prétendue première rencontre avec (P._)" (jugt, p. 20), ce qui est faux, mais en raison de l’inexistence de ce dernier (c. 3.2.2
supra
). Sur la base de cette constatation et même si le prévenu n’a pas été mis en cause pour avoir dérobé cette autre marchandise, la quantité d’objets rapportés au magasin en l’espace d’un seul mois, la proximité dans le temps entre ces demandes de remboursement et celles reprochées à l’appelant, ainsi que le fait que seuls son interpellation lors de la tentative de remboursement du 13 décembre 2011 et le blocage de ses cartes cadeau aient mis fin à cette pratique laissent songeur quant à la provenance de ce matériel.
7.
B._ conteste enfin la révocation du sursis accordé le 22 février 2010.
Le raisonnement tenu par le prénommé part de la prémisse que ses précédents moyens sont admis, en particulier du fait qu’il serait lui-même victime des agissements d’une tierce personne. Or, tel n'est pas le cas, comme on l’a vu, de sorte que ses arguments perdent pour l'essentiel de leur substance.
7.1
Au demeurant, on rappellera que selon l'art. 46 CP, si, durant le délai d'épreuve, le condamné commet un crime ou un délit et qu'il y a dès lors lieu de prévoir qu'il commettra de nouvelles infractions, le juge révoque le sursis ou le sursis partiel (al. 1). S'il n'y a pas lieu de prévoir que le condamné commettra de nouvelles infractions, le juge renonce à ordonner la révocation (al. 2).
La commission d'un crime ou d'un délit durant le délai d'épreuve n'entraîne pas nécessairement une révocation du sursis. Seul un pronostic défavorable peut justifier la révocation. A défaut d'un tel pronostic, le juge doit renoncer à celle-ci. Autrement dit, la révocation ne peut être prononcée que si la nouvelle infraction laisse entrevoir une réduction sensible des perspectives de succès de la mise à l'épreuve (
ATF 134 IV 140
c. 4.2 et 4.3 p. 142 s.). Le juge doit poser un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. Pour émettre ce pronostic, le juge doit se livrer à une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Il doit tenir compte de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement. Il ne peut accorder un poids particulier à certains critères et en négliger d'autres qui sont pertinents (
ATF 134 IV 1
c. 4.2.1 p. 5).
Lors de l'examen de l'éventuelle révocation du sursis pour une peine privative de liberté, il y a également lieu de tenir compte du fait que la nouvelle peine est prononcée avec ou sans sursis. Le juge peut notamment renoncer à révoquer le sursis si une peine ferme est prononcée et, à l'inverse, lorsque le sursis est révoqué, compte tenu de l'exécution de la peine, cela peut conduire à nier un pronostic défavorable. L'effet préventif de la peine à exécuter doit donc être pris en compte (
ATF 134 IV 140
c. 4.5 p. 144).
7.2
En l’espèce, l’appelant doit répondre de vol, de tentative d’escroquerie, d’escroquerie et de faux dans les titres. Or, il a déjà été condamné, le 22 février 2010, à une peine pécuniaire de nonante jours-amende, avec sursis pendant deux ans, pour avoir dérobé, au préjudice de la [...] de Lausanne, à deux reprises, du matériel informatique notamment (pièce 26), sans que cette condamnation le dissuade de récidiver, moins de deux ans plus tard. Dans le cadre de la présente affaire, il est allé jusqu’à inventer l’existence d’un personnage et confectionner de fausses preuves (pièce 8/4) afin de tenter de se disculper, ce qui démontre à satisfaction de droit une absence de prise de conscience. Le comportement de l’appelant est d’autant plus répréhensible que celui-ci bénéficiait, à l’époque des faits litigieux, d’une situation personnelle stabilisée (jugt, p. 9), ce qui ne l’a pas empêché de commettre à nouveaux des crimes d’une gravité d’ailleurs supérieure à celles des actes jugés en 2010.
C'est donc à bon droit que le tribunal a révoqué le sursis antérieur sur la base de l'art. 46 CP. P
artant, ce moyen est mal fondé et doit être rejeté.
8.
L’appelant ne discute pas la peine, dès lors qu'il conclut à son acquittement.
8.1
Au demeurant, vu les faits retenus, le concours d’infractions, l’antécédent pénal, la persistance de B._ dans le même domaine d’infraction, sa gradation dans la délinquance et son absence de prise de conscience, la peine privative de liberté de six mois qui lui a été infligée se justifie, étant précisé que le seul élément à décharge retenu par le tribunal de police, soit la période difficile que le prénommé rencontre en raison de son divorce (jugt, p. 23), doit être relativisé, dans la mesure où ce dernier affirme que sa situation personnelle est stabilisée et qu’il est désormais serein (appel, ch. 6 p. 6).
8.2
Enfin, compte tenu de l'absence de prise de conscience du prévenu, le délai d'épreuve de quatre ans retenu par le premier juge s’impose.
9.
En conclusion, l'appel doit être rejeté et le jugement attaqué intégralement confirmé.
9.1
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel doivent être mis à la charge de B._ (art. 428 al. 1 CPP). Outre l'émolument, ces frais comprennent l’indemnité allouée à son défenseur d’office, par 2’289 fr. 60, TVA et débours compris, selon la liste d’opérations produite (pièce 52).
Le prévenu ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant de l'indemnité en faveur de son défenseur d'office prévue ci-dessus que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a et 426 al. 4 CPP).
9.2
La plaignante Société Q._, qui a procédé avec l'assistance d'un conseil professionnel, a droit à des dépens d'appel, conformément à l'art. 433 al. 1 let. a CPP. Vu l'ampleur et la complexité de la cause, les dépens requis de 1’600 fr., TVA comprise, doivent être alloués et mis à la charge de l’appelant. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
2df15eba-8b69-468f-88cd-4db1dd0f7fcf | En fait :
1.
F._, né en [...], a obtenu le brevet d'avocat [...] en [...]. Il pratique le barreau depuis lors, actuellement en qualité d'associé d'une étude d'avocat à [...] et à [...]. Il est inscrit au registre [...] des avocats.
Dénonciation de Me J._, conseil des époux A.R._ et B.R._
2. a)
Dans le cadre de la faillite des diverses sociétés du groupe [...], qui développait jusqu'alors une intense activité dans le commerce des automobiles, divers biens immobiliers ont été mis en vente forcée par l'Office des faillites de l'arrondissement de Lausanne. C'est dans ce contexte que s'est retrouvé en vente un bâtiment sis au [...], à [...], comprenant une station-service avec un shop, un pub-restaurant à l'enseigne du " [...]" et une importante surface d'exposition et de vente.
Suite à la faillite, le bâtiment a été occupé par diverses sociétés ou autres entités juridiques. La société [...] a occupé la surface de vente et d'exposition dans l'idée d'y développer un commerce de voitures italiennes de luxe, importées directement de la Péninsule.
Il semble en outre que des baux de sous-location, voire de sous-sous-location, ont été passés, s'agissant en particulier de la station-service et du shop, ainsi que du pub-restaurant. X._SA a exploité la station-service et le shop depuis octobre 2003. Les époux A.R._ et B.R._, au bénéfice d'un contrat de sous-location, ont exploité le pub-restaurant dès le mois d'août 2003.
Le 13 décembre 2005, M._ a acquis aux enchères publiques les biens immobiliers susmentionnés. Le prénommé et son beau-frère, L._, sont les administrateurs et seuls actionnaires de la société Q._SA, spécialisée dans la vente et la maintenance de véhicules de sport haut de gamme. Comme cette entreprise se trouvait à l'étroit, l'acquisition de la parcelle en question permettait d'envisager de la louer à la société précitée. M._ et L._ entendaient agir vite, en prévoyant que l'inauguration d'un garage vendant des voitures de luxe devait avoir lieu au début du mois de mai 2006.
M._ a consulté l'avocat F._ en rapport avec ces faits. Me F._ était déjà l'avocat de Q._SA depuis juin 2005 et d'M._ depuis décembre 2005.
Après une étude approfondie et divers contacts avec l'avocat de la masse en faillite, celui de la créancière hypothécaire BCV ainsi qu'avec le préposé, F._ est arrivé à la conclusion que les baux des exploitants de la station-service et du pub-restaurant n'étaient pas opposables à M._, au vu des circonstances entourant l'achat de la parcelle. Il a invité ses clients M._ et Q._SA à discuter avec les occupants des lieux, l'idée étant de leur laisser un délai à bien plaire et sans contrepartie pour libérer les locaux en ayant le temps de se retourner. Il indiqua toutefois aux deux beaux-frères que si les occupants ne voulaient pas quitter les lieux, il conviendrait de les faire partir, suivant une procédure civile d'expulsion qui pouvait prendre du temps. Renoncer à une telle procédure était évidemment envisageable, mais était de nature à risquer le dépôt d'une plainte pénale.
M._ et L._ ont décidé d'une prise de possession extrajudiciaire des locaux. Ils ont d'abord écrit, par le biais de leur conseil, aux deux commerçants concernés, soit X._SA et les époux B.R._, une correspondance détaillée faisant état de leur intention de reprendre possession des locaux, à l'échéance d'un délai de grâce qu'ils accordaient au 15 février 2006 pour la première et au 7 avril 2006 pour les seconds, ceci sans contre-prestation. Ils ont par ailleurs établi qu'à l'échéance dudit délai, ils prendraient effectivement possession des locaux en faisant établir par un notaire mandaté à cet effet un inventaire destiné à faciliter l'opération et le règlement de comptes. Contactée par F._, la notaire S._ a accepté de procéder aux opérations prévues, en lui indiquant qu'elle souhaitait sa présence sur les lieux lorsqu'elle exercerait son ministère.
Le 16 février 2006, vers 06h00, l'employée de X._SA s'est fait ouvrir le commerce. Depuis quelques semaines, le personnel de X._SA ne disposait plus des clés permettant d'accéder au shop: elles étaient en mains d'un Securitas qui ouvrait et fermait les portes du commerce. Le but de cette intervention était d'empêcher les exploitants et les clients du magasin d'accéder au show room qui était contigu et n'était pas fermé à clé. L'employée a ensuite allumé les colonnes d'essence et mis en place les articles de boulangerie qui lui avaient été livrés. Elle n'avait pas été informée par son employeur, soit Y._, administrateur de X._SA, de l'échéance du délai imparti pour quitter les lieux qui tombait la veille au soir. A 06h45, L._ s'est présenté à l'employée et lui a indiqué qu'elle devait quitter les lieux. Celle-ci s'exécuta docilement. La porte du local a ensuite été fermée à clé, un garde de sécurité restant à proximité. Vers 08h30, F._ est arrivé sur les lieux. Il a été rejoint par la notaire et il a été procédé à l'inventaire à l'intérieur du commerce.
Dans la matinée, Y._ s'est présenté à l'entrée du commerce, demandant à pouvoir accéder au coffre-fort, ce qui ne lui a pas été refusé. Il a ensuite appelé la gendarmerie cantonale. Deux agents sont venus sur place et Me F._ leur a exposé la situation, en indiquant qu'à son point de vue, X._SA occupait illicitement, par défaut de bail, les locaux en cause. La notaire a confirmé cet avis et, considérant qu'on se trouvait en présence d'un litige civil, les gendarmes se sont retirés. X._SA n'a jamais repris possession des locaux qu'elle occupait, mais a pu récupérer la majeure partie de ses biens, dont en particulier le coffre-fort. Elle a renoncé finalement à saisir la justice civile ordinaire en vue d'une réintégration. En revanche, elle a déposé une plainte pénale en mai 2006, qu'elle n'a pas retirée.
Les époux A.R._ et B.R._ ont, quant à eux, contesté la mise en demeure qui leur avait été signifiée, invoquant le fait qu'ils étaient au bénéfice d'un sous-bail. Le 7 avril 2006 au soir, un "pot de départ" a toutefois été organisé, auquel étaient invités les habitués de l'établissement.
Au matin du 8 avril 2006, une opération comparable à celle du 16 février 2006 a été mise sur pied. M._ et L._ ont signifié à Mme A.R._ qu'il fallait qu'elle quitte les lieux. Cette dernière était désappointée, essentiellement du fait que la question du montant de la reprise n'avait pas été encore tranchée. Lorsque, en fin de matinée, F._ et la notaire S._ se sont présentés, la situation était toujours calme. Par la suite, les époux B.R._ ont fait appel à la gendarmerie. Comme lors de leur intervention du 16 février 2006, les agents ont reçu toutes explications utiles par Me F._, confirmées par la notaire S._. Ils se sont alors retirés, convaincus que l'on se trouvait en présence d'un conflit civil.
b)
Le 26 avril 2006, Me J._, conseil de A.R._ et B.R._, a dénoncé Me F._ au Président de la Chambre des avocats pour "actes d'usurpation de possession" et violation de domicile à raison des faits survenus le 8 avril 2006. Le même jour, il a également déposé plainte pénale contre l'avocat F._.
F._ s'est déterminé par courrier du 12 mai 2006.
Dans sa séance du 8 juin 2006, la Chambre des avocats a décidé d'ouvrir une enquête disciplinaire à l'encontre de F._. Elle en a informé l'intéressé par courrier du 22 juin suivant.
Le 27 septembre 2006, le juge d'instruction cantonal a informé la Chambre des avocats de l'ouverture d'une enquête pénale contre F._ pour contrainte et violation de domicile, subsidiairement complicité de ces infractions.
Le 2 octobre 2006, F._ a requis la suspension de la procédure disciplinaire jusqu'à droit connu sur l'enquête pénale menée par le juge d'instruction cantonal. La Chambre a décidé d'impartir un délai au requérant pour se déterminer sur les faits qui lui étaient reprochés avant de se prononcer sur l'opportunité d'une suspension. F._ s'est déterminé par courrier du 4 décembre 2006, accompagné de pièces.
Par courrier du 27 décembre 2006, la Chambre a informé l'intéressé de sa décision de suspendre la procédure disciplinaire jusqu'à droit connu sur l'enquête pénale.
Par ordonnance du 21 juin 2007, communiquée le 5 juillet suivant à la Cour de céans, le Juge d'instruction de l'arrondissement de Lausanne a renvoyé F._ devant le Tribunal correctionnel de Lausanne comme accusé de contrainte et violation de domicile, subsidiairement complicité de ces actes.
La Chambre des avocats a décidé, le 5 septembre 2007, de reprendre l'enquête disciplinaire. Elle a confirmé sa décision le 12 septembre 2007. Le président a confié l'instruction du dossier à Me Philippe-Edouard Journot.
F._ a recouru contre cette décision le 27 septembre 2007. Par arrêt du 21 novembre suivant, la Chambre des recours a rejeté le recours dans la mesure où il était recevable.
c)
Le membre instructeur a entendu F._ le 5 juin 2008. Ce dernier a précisé avoir été le conseil d'M._ et de Q._SA, mais pas de L._. Il a indiqué que les discussions préalables aux prises de possession avaient partiellement abouti avec X._SA, en ce sens que dès janvier 2006, les occupants avaient accepté qu'un Securitas mandaté par Q._SA ouvre et ferme le shop, démontrant ainsi la perte de maîtrise des locaux. Il a confirmé n'avoir pas assisté à la prise de possession des lieux le 16 février 2006 mais être arrivé plus tard avec la notaire, dans le but de dresser un inventaire en la forme authentique. Il a déclaré avoir expliqué, de même que la notaire, ce qu'il faisait là. Me F._ a également précisé que le clerc de Me S._ était également là. Quant au pub restaurant, il est entré dans les locaux après qu'ils furent évacués par les employés de Q._SA. Il a précisé que Mme A.R._ avait nettoyé les locaux et leur avait indiqué avoir offert la veille une verrée d'adieu à ses clients. Une connaissance ou un client du café l'a interpellé et lui a dit qu'il allait appeler la police. Lorsque celle-ci est arrivée, Me F._ a expliqué que le locataire Q._SA prenait possession de lieux et qu'il y avait un différend d'ordre civil derrière tout cela, ce qu'ils ont constaté notamment dans un procès-verbal.
Le membre instructeur a également procédé à l'audition de [...], employé de Q._SA, présent lors de la prise de possession des locaux le 8 avril 2006, et de L._ le 25 septembre 2008. Ce dernier a relaté le détail des prises de possession des 16 février et 8 avril 2006. Il a confirmé les propos de A.R._ selon lesquels elle avait offert une verrée d'adieu la veille. Il a admis que Me F._ les avait informés sur les procédures légales à suivre pour obtenir le départ des occupants et sur les risques à prendre possession par eux-mêmes des locaux. Il a également précisé qu'une personne dont il ignore l'identité, mais pas les époux B.R._, a appelé la police.
Enfin, Me Journot a entendu S._ le 4 novembre suivant. La notaire a confirmé qu'elle avait été contactée par Me F._ afin de dresser un inventaire authentique des biens sis dans les locaux. Elle-même avait demandé à Me F._ d'être présent sur les lieux lorsqu'elle procèderait à l'inventaire, ou à défaut le propriétaire. Elle avait en outre requis l'intéressé de lui amener les originaux de tous les documents dont elle avait besoin. Le 16 février 2006, elle est venue avec son clerc, alors qu'elle est venue seule le 8 avril suivant. Pour le surplus, elle a confirmé les faits tels que décrits ci-dessus alors qu'elle était présente.
d)
Le 12 juin 2008, les époux B.R._ ont retiré leur plainte pénale après avoir négocié une indemnité de 200'000 francs,
Par jugement du 25 septembre 2008, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a libéré F._ des accusations de contrainte, violation de domicile et complicité de ces délits. Il a également libéré M._ et L._ des accusations de contrainte et violation de domicile, tout en donnant acte à X._SA en liquidation de ses réserves civiles contre M._ et L._. Il ressort notamment ce qui suit de l'audition de la notaire S._ par le Tribunal correctionnel: "pour moi, la présence de Me F._ était nécessaire, voire essentielle dans le cadre de l'accomplissement de mon mandat, à savoir l'établissement d'un inventaire hors la présence du plaignant. Au moment de justifier nos présences respectives aux représentants des forces de l'ordre, chacun l'a fait avec des explications d'ordre juridique".
Sur recours du Ministère public, la Cour de cassation pénale a, par arrêt du 20 avril 2009, considéré que F._ s'était rendu coupable de contrainte et de violation de domicile, de même qu'M._ et L._. Elle a condamné F._ à une peine de 100 jours-amende, le jour-amende étant fixé à 100 fr., assortie du sursis avec délai d'épreuve pendant deux ans, et à une amende de 4'000 francs, la peine privative de liberté de substitution étant de 40 jours.
F._ a interjeté recours au Tribunal fédéral contre cet arrêt. En page 3 de ce recours, le recourant précise qu'il "n'entend pas critiquer les faits tels que relatés dans ledit jugement du Tribunal correctionnel".
e)
Entendu à l'audience de ce jour, Me F._ a indiqué qu'il était présent les 16 février et 8 avril 2006 uniquement pour assister la notaire et sur demande de celle-ci.
Dénonciation de V._, pour D._Sàrl
3.
a)
Me F._ a adressé des clients à D._Sàrl, par l'intermédiaire d'un ancien associé de V._, T._. Dans ce cadre, D._Sàrl a notamment effectué des travaux pour B._, en particulier des déclarations fiscales. Le 27 juillet 2006, D._Sàrl a adressé à Me F._ une note d'honoraires d'un montant de 1'476 francs 80 pour les prestations fournies dans le cadre de ce mandat. Ce montant n'ayant pas été acquitté et après plusieurs rappels, D._Sàrl a adressé le 7 janvier 2008 une nouvelle facture tenant compte des dernières prestations fournies. Me F._ a contesté cette facture.
Après diverses tractations entre les parties et en raison du non paiement du montant réclamé, un commandement de payer n° 1'260'036 a été notifié le 8 mai 2008 par l'Office des poursuites de Lausanne-Est à Me F._, à son adresse professionnelle, sur requête de D._Sàrl. Suite à la notification de cet acte de poursuite, Me F._ a lui-même fait notifier à D._Sàrl, le 27 juin 2008, un commandement de payer la somme de 100'000 fr. en invoquant le dommage subi pour atteinte au crédit économique et contrainte (poursuite n° 08 172718 K de l'Office des poursuites de Genève). Le commandement de payer mentionne l'adresse professionnelle de Me F._.
b)
Le 14 juillet 2008, D._Sàrl, par V._, a dénoncé Me F._ à la Chambre des avocats, lui reprochant de lui avoir fait notifier à titre de représailles et de manière purement chicanière un commandement de payer pour une créance fictive.
Le 30 septembre 2008, F._ a informé la Chambre du fait que le précédent associé de V._, T._, se chargeait du règlement de la facture objet du commandement de payer qui lui avait été notifié. Lui-même retirait sa poursuite selon courrier du même jour à l'office des poursuites.
Par décision du 16 octobre 2008, le Président de la Chambre des avocats a ouvert une enquête disciplinaire contre Me F._ et confié l'instruction préliminaire et la tentative de conciliation à Me Philippe-Edouard Journot.
Le 24 octobre suivant, les parties ont signé devant le Juge de paix du district de Lausanne une convention dont il ressort que Me F._ a acquitté le montant de 1'476 fr. 80 le 21 octobre 2008, qu'il a encore accepté de payer 36 fr. 30 pour solde de tout compte, D._Sàrl s'engageant pour sa part à faire radier la poursuite n° 1'260'036 et les frais et dépens étant mis à la charge de F._.
Me Journot a entendu les parties en séance de conciliation le 24 novembre 2008. Me F._ a admis avoir agi sous le coup d'un sentiment d'injustice et de colère et, par conséquent, trop rapidement, et en avoir tiré une leçon. Quant à V._, il a accepté les excuses présentées par Me F._ et déclaré retirer sa dénonciation. D._Sàrl a retiré la poursuite intentée à l'encontre de F._ le 25 novembre 2008.
Par décision du 8 janvier 2009, le Président de la Chambre a renvoyé Me F._ devant la Chambre des avocats en application de l'art. 54 al. 2 LPAv.
c)
Entendu à l'audience de ce jour, Me F._ a expliqué qu'il avait fait l'objet en 2005 d'une poursuite indue et qu'il avait dû ouvrir action en constatation de l'inexistence de la créance déduite en poursuite, ce qui lui avait coûté en temps et en argent.
4.
Conformément à l'art. 16 al. 2 LLCA, les autorités disciplinaire et de surveillance valaisannes ont été interpellées. La Chambre de surveillance des avocats valaisans et l'autorité cantonale de surveillance ont déclaré n'avoir aucune remarque à formuler, comme cela ressort de leurs courriers respectifs des 9 et 11 mars 2009. | En droit :
I.
a)
La procédure de surveillance des avocats relève de la loi fédérale du 23 juin 2000 sur la libre circulation des avocats (RS 935.61; ci-après: LLCA) et de la loi vaudoise du 24 septembre 2002 sur la profession d'avocat (RSV 177.11; ci-après: LPAv). A teneur de l'art. 10 LPAv, la Chambre des avocats se saisit d'office, sur plainte ou sur dénonciation, de toute question concernant l'activité professionnelle d'un avocat.
b)
La LLCA a harmonisé au plan fédéral les règles professionnelles les plus importantes figurant dans les législations cantonales. Les règles déontologiques conservent toutefois une portée juridique, dans la mesure où elles peuvent servir à interpréter et à préciser les règles professionnelles (Message du Conseil fédéral du 28 avril 1999 concernant la loi fédérale sur la libre circulation des avocats, in FF 1999 VI p. 5355, spéc. p. 5368). L'article 12 LLCA comporte ainsi un catalogue exhaustif de règles professionnelles auxquelles l'avocat doit se soumettre (ATF 129 II 297, c. 1.1; Message, pp. 5372 et 5373).
II.
Les deux affaires disciplinaires, dans l'affaire " B.R._" et dans l'affaire " D._Sàrl", ont été jointes, avec l'accord de Me F._.
A l'audience de ce jour, de même que dans son recours adressé au Tribunal fédéral le 16 septembre 2009, Me F._ admet les faits tels que retenus par le Tribunal correctionnel de Lausanne dans son jugement du 25 septembre 2008. Dans l'affaire " B.R._", les faits sont donc essentiellement ceux établis par le Tribunal correctionnel, complétés par des éléments de l'enquête disciplinaire, soit principalement les auditions auxquelles a procédé le membre instructeur.
III. a)
La clause générale de l'art. 12 let. a LLCA dispose que l'avocat "exerce sa profession avec soin et diligence". Elle permet d'exiger de l'avocat qu'il se comporte correctement dans l'exercice de sa profession afin de préserver la confiance du public (FF 1999 p. 5331, spéc. p. 5368). Il doit observer certaines règles non seulement dans ses rapports avec ses clients, mais aussi à l’égard des autorités, de ses confrères et du public en général (ATF 130 II 270 c. 3.2; TF 2C_177/2007 du 19 octobre 2007 c. 5.1; TF 2A.191/2003 du 22 janvier 2004, confirmé in TF 2A.448/2003 du 3 août 2004), voire avec la partie adverse (TF 2A.191/2003 précité; Bohnet/Martenet, Droit de la profession d'avocat, Berne 2009, n. 1161 p. 500).
Selon la jurisprudence, l’avocat est tenu, de manière toute générale, d’assurer et de maintenir la dignité de la profession, en s’abstenant notamment de tout ce qui pourrait porter atteinte à la considération et à la confiance dont il doit jouir pour remplir sa mission (TF 2A.151/2003 du 31 juillet 2003 dans la cause 2A.151/2003 ; ATF 108 Ia 316 c. 2b/bb, JT 1984 I 183 ; ATF 106 Ia 100 consid. 6b, JT 1982 I 579).
Si l'avocat doit régler son activité non pas en fonction de l'intérêt de l'état mais de celui de son client, il doit à cet effet user des moyens légaux à sa disposition. La confiance placée en la profession et en l'administration de la justice l'impose. L'avocat ne peut assurer la défense des intérêts de son client à n'importe quel prix et par n'importe quels moyens (Bohnet/Martenet, op. cit., n. 1234 p. 524).
A l'égard de la partie adverse, l'avocat doit éviter tout comportement susceptible d'être qualifié notamment de contrainte. En particulier, il y a contrainte lorsque le but visé ou le moyen utilisé est contraire à l'ordre juridique ou aux bonnes mœurs ou lorsqu'un moyen licite est utilisé pour atteindre un but qui n'est pas avec lui dans un rapport interne de connexité ou encore si un moyen de contrainte conforme au droit utilisé pour atteindre un but légitime constitue, au vu des circonstances, un moyen de pression abusif (Bohnet/Martenet, op. cit., n. 1289 p. 541).
Le Tribunal fédéral a ainsi relevé qu'un avocat pouvait introduire des poursuites contre la partie adverse sans avertissement préalable et qu'il ne violait pas son obligation de diligence dans un tel cas, à moins que la poursuite ne soit abusive et qu'elle vise à porter atteinte au crédit de la partie adverse (ATF 130 II 270 cité in Bohnet/Martenet, op. cit., n. 1293 p. 542).
b) Affaire B.R._
Le 16 février puis le 8 avril 2006, M._ et L._ ont pris possession des lieux, dont le premier était propriétaire, en marge de toute procédure légale. Ils ont ainsi contraint l'employée de la station-service et du shop et l'exploitante du pub-restaurant à renoncer à déployer leurs activités commerciales respectives.
F._ s'est présenté dans les locaux de la station service occupée par X._SA puis dans le pub-restaurant occupé par les époux B.R._ alors que L._ et M._ avaient déjà pris possession des lieux, afin d'assister la notaire S._ mandatée pour faire l'inventaire des biens.
L'avocat connaissait le caractère illicite de la prise de possession des lieux par ses clients, puisqu'il les avait informés du fait qu'ils risquaient des poursuites pénales s'ils agissaient de la sorte. Si la prise de possession des lieux n'a pas été le fait de F._ personnellement, elle n'était pas pour autant terminée lorsqu'il est arrivé, puisqu'il s'agissait en particulier d'établir un inventaire authentique. Le 16 février 2006, ses clients étaient toujours sur place à son arrivée. L'administrateur de X._SA Y._ est arrivé dans la matinée et a appelé la police. Le 8 avril 2006, ses clients, de même que A.R._, étaient également présents lorsqu'il est arrivé. L'exploitante du café-restaurant était résignée mais discutait de la suite des événements, notamment du fait que le montant de la reprise n'avait pas encore été tranché. La situation était donc encore conflictuelle à ce moment-là.
L'arrivée de l'avocat sur les lieux avec la notaire, afin d'établir un inventaire authentique, a pu donner l'impression à ses clients, aux parties adverses, aux agents de police et aux tiers qu'il cautionnait cette prise de possession. En effet, sa présence pouvait être perçue par les occupants des lieux comme un facteur supplémentaire de pression, même si les locaux étaient déjà formellement occupés par M._ et L._. Concernant l'intervention des gendarmes, Me F._ a fait valoir en audience qu'il avait juste répondu à leur question de savoir ce qu'il faisait là, en leur disant que lui et la notaire dressaient un inventaire suite à la prise de possession des locaux par Q._SA. Il résulte toutefois de l'état de fait, admis par Me F._, qu'il a exposé la situation aux agents, en indiquant qu'à son point de vue X._SA occupait illicitement, par défaut de bail, les locaux en cause. Des explications semblables leurs furent également données le 8 avril 2006. Il ressort également du procès-verbal d'audition de Me S._ qu'au moment de justifier leur présence respective aux représentants des forces de l'ordre, chacun d'eux l'a fait avec des explications d'ordre juridique. C'est sur la base des explications fournies par Me F._ et la notaire S._ que les policiers ont quitté les lieux, y voyant des litiges purement civils. Il apparaît donc que c'est l'avis de l'homme de loi qui a convaincu les agents de s'en aller.
Me F._ fait valoir que dans les deux cas, il s'est rendu sur les lieux sur requête de la notaire S._, afin de l'assister. La notaire a toutefois été mandatée par l'intermédiaire de Me F._, qui connaissait la situation juridique et savait que la prise de possession se faisait hors de tout cadre judiciaire. Le fait qu'elle ait requis qu'il soit présent et lui transmette les originaux des documents dont elle avait besoin ne saurait légitimer la présence de Me F._ lors de la prise de possession. L'avocat, auxiliaire de la justice, ne saurait dans l'esprit du public conseiller ou assister ses clients dans des démarches dont il a lui-même admis qu'elles étaient de nature à risquer le dépôt d'une plainte pénale. S'il paraît admis que Me F._ n'a pas usé de force ou de pression sur les occupants des lieux, sa seule présence et ses explications juridiques sur le fond du problème pouvaient apparaître contraignants, d'autant que la personne présente dans la station-service et A.R._ n'étaient pas assistées, et que cette dernière discutait encore du prix de la reprise de commerce. Le comportement de Me F._ était donc de nature à tromper la confiance que le public a dans la profession d'avocat et doit pouvoir continuer d'avoir.
c) Affaire D._Sàrl
Dans le cadre des faits qui ont donné lieu à la dénonciation de V._, pour D._Sàrl, F._ a également eu un comportement répréhensible. Après avoir adressé des clients à D._Sàrl, Me F._ s'est vu notifier un commandement de payer pour le client pour lequel des travaux avaient été effectués. Ce montant n'ayant pas été acquitté, D._Sàrl a fait notifier un commandement de payer à Me F._, lequel a lui-même fait notifier un commandement de payer la somme de 100'000 fr. à D._Sàrl en invoquant le dommage subi pour atteinte au crédit économique et contrainte.
Me F._ a admis avoir agi sous le coup d'un sentiment d'injustice et de colère et donc trop rapidement. Il a présenté ses excuses à V._, lequel les a acceptées. Les parties ont retiré leurs poursuites et signé devant le juge de paix un procès-verbal de conciliation. En audience, Me F._ a également expliqué avoir fait l'objet il y a deux ans d'une poursuite indue et avoir dû ouvrir une action en constatation de l'inexistence de la créance déduite en poursuite, ce qui lui a coûté temps et argent. V._, quant à lui, ne paraissait pas savoir que lorsqu'un avocat envoie des clients à une fiduciaire, l'avocat n'est pas débiteur des honoraires des clients. Il n'en demeure pas moins que le fait d'avoir rétorqué par la notification d'un commandement de payer la somme de 100'000 fr. n'est pas digne d'un avocat.
Si Me F._ a vraisemblablement été poursuivi à tort, il ne pouvait toutefois agir par une mesure aussi disproportionnée. Introduire une poursuite manifestement abusive en réponse à un commandement de payer dont on n'admet pas la légitimité ne constitue pas de la part d'un avocat un comportement digne de sa profession.
Me F._ a fait valoir qu'il avait été poursuivi personnellement, la fiduciaire ayant nié par sa poursuite sa qualité d'avocat. Il aurait ainsi également réagi personnellement et son comportement sortirait du cadre du mandat professionnel. Un tel raisonnement ne peut toutefois être suivi. Si V._ n'avait pas connaissance du fait que les honoraires du client envoyé par l'avocat ne devaient pas être facturés à l'avocat lui-même, il n'en reste pas moins qu'il a poursuivi l'avocat, à son adresse professionnelle. Me F._ a d'ailleurs réagi par l'envoi d'une poursuite en mentionnant également son adresse professionnelle. Il est donc erroné de soutenir qu'il n'a pas agi dans le cadre de son activité professionnelle.
d)
Compte tenu de ce qui précède, il est établi que Me F._ a, dans chacune des deux affaires, violé son obligation d'exercer sa profession avec soin et diligence découlant de l’art. 12 let. a LLCA. Ses manquements doivent être sanctionnés sur le plan disciplinaire.
IV.
a)
L'article 17 LLCA permet de prononcer, en cas de violation de la loi, l'avertissement, le blâme, une amende de 20'000 fr. au plus, l'interdiction de pratiquer pour une durée maximale de deux ans ou l'interdiction définitive de pratiquer.
Le droit disciplinaire est soumis au principe de proportionnalité (ATF 108 Ia 230, JT 1984 I 21 ; Bohnet/Martenet, op. cit., n. 2178 p. 888 et les références citées; Montani/Barde, La jurisprudence du Tribunal administratif relative au droit disciplinaire, in RDAF 1996 p. 345, spéc. p. 347, pp. 363 ss ; Grisel, Traité de droit administratif, vol. I, p. 354 ; Muller, Le principe de la proportionnalité, in RDS 1978 II 197, spéc. p. 229) et à celui de l’opportunité (Montani/Barde, ibid.). La mesure prononcée doit tenir compte, de manière appropriée, de la nature et de la gravité1 de la violation des règles professionnelles. Elle doit se limiter à ce qui est nécessaire pour garantir la protection des justiciables et empêcher les atteintes au bon fonctionnement de l'administration de la justice. Il y a lieu de déterminer le but que la sanction disciplinaire doit atteindre dans le cas particulier et de choisir la mesure qui est apte, nécessaire et proportionnée à cette fin (Bohnet/Martenet, op. cit., nn. 2183-2184 p. 890).
La règle de la proportionnalité met ainsi en balance la gravité des effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public. L'autorité tiendra compte d'éléments objectifs, soit de l'atteinte portée à l'intérêt public, et de facteurs subjectifs, comme par exemple des motifs qui ont conduit l'intéressé à violer ses obligations (Montani/Barde, op. cit., pp. 349-350). La sanction disciplinaire vise d’abord à amener l’avocat en cause à avoir à l’avenir un comportement conforme aux exigences de la profession (ATF 108 Ia 230, JT 1984 I 21).
A cet égard, le Tribunal fédéral a jugé que les peines légères, comme l’avertissement, la censure et l’amende sont prévues pour des cas bénins ou qui ne portent pas atteinte à la crédibilité de l’avocat. L'amende remplit une fonction de prévention – spéciale surtout – tandis que l'interdiction de pratiquer tend avant tout à protéger le public. Toute mesure disciplinaire tend, du reste, à maintenir l'ordre à l'intérieur du groupe de personnes auquel le droit disciplinaire s'applique ainsi que, s'agissant des professions libérales, à assurer l'exercice correct de la profession et à préserver la confiance du public à l'égard des personnes qui l'exercent (TF 2A.448/2003 du 3 août 2004; ATF 108 Ia 230 c. 2b; Bohnet/Martenet, op. cit., n. 2160 p. 881). La suspension temporaire est prévue pour des situations plus graves qui entament la crédibilité de l’avocat (ATF 106 Ia 100). Elle poursuit encore un but de prévention spéciale, soit dissuader l'auteur de violer à nouveau les règles professionnelles. Quant à l'interdiction définitive de pratiquer, elle est la mesure disciplinaire la plus lourde et tend à protéger le public et les justiciables. L'interdiction - temporaire ou définitive – de pratiquer n'est en principe admissible qu'en cas de récidive, lorsqu'il apparaît que des mesures moins incisives ne sont pas aptes à amener la personne concernée à respecter les règles professionnelles (TF 2P.318/2006 du 27 juillet 2007 c. 12.1).
b)
En l'occurrence, la poursuite intentée suite à la réception d'un commandement de payer constitue une violation des règles professionnelles qui aurait pu être sanctionnée par un avertissement ou un blâme, compte tenu du fait que l'avocat a admis avoir agi trop vite sous le coup d'un sentiment d'injustice et de colère, qu'il s'est excusé auprès de V._ et qu'une conciliation entre les parties a abouti.
Ce manquement n'est toutefois pas le seul qui est reproché à Me F._ et les faits dénoncés par Me J._ et par le juge d'instruction pénale revêtent une certaine gravité. Comme on l'a vu, ils étaient de nature à troubler la confiance que le public doit pouvoir avoir dans la profession d'avocat, à porter atteinte à la crédibilité de l'avocat. Une suspension temporaire n'entre pas en considération, ne serait-ce qu'au vu du temps écoulé depuis les faits qui sont reprochés au dénoncé. Une telle mesure est au demeurant très grave et n'entre en considération que lors de violations importantes et répétées aux devoirs professionnels, ce qui n'est pas le cas ici.
Les circonstances du cas particulier conduisent dès lors l'autorité de céans à préférer le prononcé d'une amende pour sanctionner le comportement fautif de l'avocat F._ et atteindre le but poursuivi, à savoir conscientiser le prénommé quant à ses obligations professionnelles et assurer ainsi la protection du public. Cette amende peut être arrêtée à 3'000 fr. afin de sanctionner de façon adéquate et proportionnée les violations des règles professionnelles commises par le dénoncé.
V.
Les frais de la cause, comprenant un émolument ainsi que les frais d'enquête, par 2'120 fr., sont arrêtés à 3'500 francs. Ils sont mis à la charge de l’avocat F._ (art. 61 al. 1
er
LPAv). | Public | Public Administration | fr | 2,009 | VD_TC | VD_TC_005 | VD | Région lémanique |
2eba143e-1f7b-4954-8886-602b36af1c75 | En fait :
A.
Par jugement du 11 avril 2014, le Tribunal de police de l’arrondissement de l’Est vaudois a condamné K._ pour violation simple des règles de la circulation routière à une amende de 150 fr. et dit que la peine privative de liberté de substitution est fixée à deux jours (I), a renoncé à révoquer le sursis accordé à K._ le 21 février 2012 par le Ministère public / Parquet régional de Neuchâtel (II) et a mis les frais de justice, par 750 fr., à la charge d’K._ (III).
B.
K._ a annoncé faire appel de ce jugement le 15 avril 2014. Il a déposé une déclaration d’appel motivée le 9 mai 2014, concluant, avec suite de frais et d’indemnité selon l’art. 429 CPP, à la modification du jugement en ce sens qu’il est acquitté. Il a requis l’audition, par l’autorité de céans, de [...] et de [...] en qualité de témoins.
Le Ministère public s’en est remis à justice s’agissant de la recevabilité de l’appel et a renoncé à déposer un appel joint.
Invité à déposer un éventuel mémoire ampliatif après avoir été informé par la direction de la procédure que l’appel sera d’office traité en procédure écrite, l’appelant a, par procédé du 26 mai 2014, maintenu sa réquisition portant sur des mesures d’instruction. Le 28 mai 2014, le Président de la Cour d’appel pénale a confirmé qu’aucun témoin ne sera entendu dans le cadre de la procédure d’appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1. Le prévenu K._, né en 1990, célibataire, mécanicien, réalise un salaire mensuel net de 3'200 fr., versé douze fois l’an. Il vit chez sa sœur, à laquelle il verse un loyer mensuel de 750 francs. Il paie 34 fr. 45 de primes d’assurance-maladie et n’a ni dettes, ni économies.
Son casier judiciaire mentionne une condamnation à une peine pécuniaire de 10 jours-amende à 80 fr. le jour, avec sursis durant deux ans, et à une amende de 500 fr., prononcée le 21 février 2012 par le Ministère public / Parquet régional de Neuchâtel pour violation grave des règles de la circulation routière. En raison des actes réprimés par cette condamnation, il a en outre fait l’objet d’un retrait de permis de conduire pour la période du 23 avril au 22 mai 2012, avec prolongation de la période probatoire.
2. Le 31 juillet 2013, le prévenu circulait sur l’autoroute A9, direction Simplon, entre Saint-Triphon et Saint-Maurice, au volant de sa voiture
Citroën C2
. Il transportait deux passagers, [...], née en 1991, assise sur le siège avant, et [...], né en 1989, installé sur la banquette arrière. A 19 h 40, le conducteur a été interpellé par une patrouille en raison des faits décrits ci-après.
L’interpellation a fait l’objet d’un procès-verbal, établi le jour même par le gendarme [...] et le caporal [...], dénonciateurs (P. 5). Ce rapport mentionne que le prévenu a dépassé les gendarmes alors qu’ils roulaient à 90 km/h; que, par la suite, le prévenu a rattrapé une voiture
Ford Kuga
qui dépassait normalement sur la voie de gauche et a suivi ce véhicule à une distance de 10 mètres sur quelque 400 mètres, à une allure de 100 km/heure. Cet intervalle, insuffisant pour circuler en file, ne lui aurait pas permis de s’immobiliser en cas de freinage inattendu de l’autre usager. En raison de travaux, la vitesse était limitée à 100 km/h sur le tronçon en question; le ciel était alors dégagé, la chaussée sèche et la densité du trafic moyenne. Le rapport de police comporte enfin la mention suivante « La présente contravention a été notifiée sur-le-champ à M. K._, qui a reconnu les faits reprochés » (ibid.).
Le prévenu a contesté les faits incriminés durant son audition par le préfet, puis devant le juge. Il a nié avoir circulé à une vitesse inadaptée et avoir omis d’observer une distance suffisante avec le véhicule qui le suivait; il a considéré qu’il roulait alors, à une vitesse de 100 km/h, à une distance de sécurité qu’il tenait pour « correcte », même s’il ne l’a pas estimée. Il a ajouté que, lors de son interpellation, les gendarmes lui avaient fait grief d’avoir circulé à 160 km/h (jgt, p. 4).
Entendus comme témoins à l’audience du tribunal de police, les policiers ont fait savoir que le prévenu les avait dépassés alors qu’ils roulaient eux-mêmes à 90 km/h sur la voie de droite. Le prévenu a ensuite rattrapé une
Ford Kuga
qui circulait sur la voie de gauche et a suivi ce véhicule à une distance de dix à quinze mètres, voire même de cinq mètres seulement selon le caporal [...], sur un tronçon de quelque 400 mètres, à une allure estimée à 100 km/heure. Une fois interpellé et son véhicule à l’arrêt, le prévenu a reconnu qu’il circulait à une telle allure. Immédiatement après l’interpellation, le caporal [...] a demandé au prévenu d’estimer lui-même l’écart qui le séparait de la voiture le précédant, qu’il a évalué à dix mètres, respectivement à dix à quinze mètres. L’agent [...] a entendu ces propos, même s’il n’a pas pris part à l’entretien, dès lors qu’il se tenait de l’autre côté du véhicule. Comme cette distance estimée correspondait à leurs constatations, c’est ce dernier intervalle que les agents ont retenu dans le procès-verbal, considérant ainsi que les faits étaient admis.
La distance séparant le véhicule du prévenu de celui qui le précédait n’a ainsi pas été mesurée, mais seulement estimée avec, comme référence, les balises. Les dénonciateurs s’accordent à estimer que l’écart séparant le véhicule du prévenu de celui qui le précédait équivalait à la longueur d’une à deux voitures.
Entendus comme témoins à l’audience de première instance, les passagers du véhicule ont considéré que ce dernier ne roulait pas à 160 km/h, pas plus qu’il n’avait talonné l’automobile qui le précédait. Aucun des témoins n’a été en mesure d’estimer l’écart séparant le véhicule du prévenu de la voiture qui le précédait. Le témoin [...], qui a relevé être une amie du prévenu, a été incapable de déterminer quelle devait être la distance de sécurité nécessaire entre les deux véhicules, pas plus qu’il ne connaissait la façon de la calculer; pour sa part, le témoin [...] a affirmé n’avoir pas eu l’impression que le prévenu circulait à une distance insuffisante du véhicule qui le précédait.
3. Appréciant les faits de la cause, le tribunal de police de police a écarté les témoignages des passagers du prévenu au profit des dépositions des dénonciateurs, tenues pour claires et constantes.
Sur la base des faits ainsi retenus, le tribunal de police a estimé que le prévenu avait enfreint son obligation d’observer un intervalle suffisant par rapport au véhicule qu’il suivant, violant ainsi les art. 34 al. 4 LCR et 12 al. 1 OCR. En effet, selon le premier juge, un écart de quinze mètres par rapport au véhicule qui le précédait ne permettait pas au conducteur de freiner en temps utile à une allure de 100 km/h, soit dans un temps d’arrêt de 1,8 seconde; compte tenu de la vitesse à laquelle il circulait, le prévenu aurait bien plutôt dû observer un intervalle d’environ 55 mètres.
Quant à la fixation de la peine, le premier juge a notamment considéré qu’il n’y avait pas de motif d’exemption de sanction déduit de l’art. 52 CP, s’agissant d’une infraction simple à la LCR qui n’était pas loin de constituer une violation grave au sens de la loi. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel est recevable. Comme déjà indiqué à l’appelant par la direction de la procédure, l’appel relève de la procédure écrite, dès lors qu’il ne porte que sur une contravention (art. 406 al. 1 let. c CPP). Par identité de motif, il ressortit à la compétence du juge unique (art. 14 al. 3 LVCPP).
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). Toutefois, lorsque seules des contraventions ont fait l'objet de la procédure de première instance, l'appel ne peut être formé que pour le grief que le jugement est juridiquement erroné ou que l'état de fait a été établi de manière manifestement inexacte ou en violation du droit; aucune nouvelle allégation ou preuve ne peut être produite (art. 398 al. 4 CPP).
3.
3.1
Faisant grief au premier juge d’une constatation incomplète ou erronée des faits, l’appelant se prévaut de la violation de la présomption d’innocence, soit du principe
in dubio pro reo
. Il considère que c’est à tort que le tribunal de police a écarté les déclarations des deux témoins dont il a demandé l’audition au profit de celles des dénonciateurs également entendus comme témoins aux débats. Il fait valoir en outre que l’un des deux gendarmes s’était trompé au sujet de la distance de sécurité entre les véhicules et que le témoin [...], bien qu’assis sur la banquette arrière, n’en disposait pas moins d’une bonne visibilité sur le trafic, contrairement à ce qu’a retenu le premier juge, et que ce témoin aurait été d’autant plus attentif à la sécurité du trafic qu’il avait perdu un proche dans un accident de la route, la retranscription de sa déposition étant à cet égard lacunaire.
3.2
L’art. 10 CPP dispose que toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le Tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Le tribunal se fonde sur l’état de fait le plus favorable au prévenu lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation (al. 3).
S'agissant plus précisément de l'appréciation des preuves et de l'établissement des faits, il s’agit de l’acte par lequel le juge du fond évalue librement la valeur de persuasion des moyens de preuve à disposition et pondère ces différents moyens de preuve afin de parvenir à une conclusion sur la réalisation ou non des éléments de fait pertinents pour l’application du droit pénal matériel. Le juge peut fonder une condamnation sur un faisceau d’indices; en cas de versions contradictoires, il doit déterminer laquelle est la plus crédible. En d’autres termes, ce n’est ni le genre ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (Verniory,
in
: Kuhn/Jeanneret [éd.], Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 34 ad art. 10 CPP; Kistler Vianin, op. cit., nn. 19 ss ad art. 398 CPP, et les références jurisprudentielles citées).
Lorsque l'autorité a forgé sa conviction sur la base d'un ensemble d'éléments ou d'indices convergents, il ne suffit pas que l'un ou l'autre de ceux-ci ou même chacun d'eux pris isolément soit à lui seul insuffisant. L'appréciation des preuves doit être examinée dans son ensemble. Le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables au prévenu sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (ATF 120 Ia 31 c. 2c; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38 c. 2a; cf. aussi, quant à la notion d’arbitraire, ATF 136 III 552 c. 4.2).
3.3
En l’espèce, le prévenu perd de vue qu’il lui appartenait de démontrer, conformément à l’art. 398 al. 4 CPP, que les faits retenus ont été établis de manière manifestement inexacte, c’est-à-dire arbitraire, dans le cadre de l’appel restreint ouvert par cette disposition.
Or, il est au contraire manifeste que le premier juge a apprécié les preuves de manière circonstanciée, en prenant en compte l’ensemble des éléments révélés par l’instruction. Il a ainsi motivé son choix de privilégier les constats des gendarmes au détriment des déclarations de témoins invoquées par l’appelant. En outre, il est évident que les dépositions d’agents assermentés qui n’ont aucun intérêt à l’issue de la procédure peuvent, sans verser dans l’arbitraire, être préférées aux déclarations de témoins, passager du véhicule de l’appelant au moment de l’interpellation, et dont l’un d’entre eux au moins est un ami. L’incertitude portant sur l’écart séparant les véhicules, compris entre cinq et quinze mètres, est inévitable au vu de l’ensemble des circonstances et n’affecte pas la constatation des faits, étant relevé que cet intervalle a pu varier quelque peu sur le tronçon d’environ 400 mètres emprunté durant la manœuvre de l’appelant. Pour le reste, les dépositions des dénonciateurs ne comportent ni incertitude, ni contradiction et établissent les faits litigieux même à défaut de l’usage de tout moyen technique de mesure. On ne distingue ainsi non seulement aucune appréciation arbitraire des preuves, mais également aucune violation de la présomption d’innocence par le tribunal de police.
Au surplus, la qualification des faits incriminés n’est pas contestée. La condamnation de l’appelant pour violation simple des règles de la circulation routière doit ainsi être confirmée. Il s’ensuit que la demande d’indemnisation du prévenu fondée sur l’art. 429 CPP est sans objet.
4.
L’appel doit dès lors être rejeté.
Vu l'issue de l’appel, les frais de la procédure d'appel doivent être mis à la charge du prévenu, qui succombe entièrement (art. 428 al. 1, 1
re
phrase, CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
2f071f30-bb77-48e2-9f8b-893979817810 | En fait :
A.
Par jugement du 13 septembre 2013, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a constaté que C._ s’était rendu coupable de lésions corporelles simples, recel, tentative de violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires, contrainte et actes d’ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance (I), l’a condamné à une peine privative de liberté de quatre ans et demi sous déduction de 268 jours de détention avant jugement (II), a révoqué le sursis qui lui avait été accordé le 27 mai 2012 par le Staatsanwaltschaft Zürich-Sihl de Zürich et a ordonné l’exécution de la peine de dix jours-amende (III), a pris acte de la convention passée entre C._ et R._ à l’audience du 13 septembre 2013 pour valoir jugement civil définitif et exécutoire (IV), a ordonné la confiscation et la destruction des objets séquestrés sous fiche no 54667 et le maintien au dossier des pièces à conviction inventoriées sous fiches no 54179 et 54666 (V), a fixé l’indemnité de Me Marie-Pomme Moinat, conseil d’office de R._, à 2'548 fr. 80, TVA comprise, à la charge de l’Etat (VI), a mis les frais de la cause, par 17'987 fr. 50 à la charge de C._, dont l’indemnité fixée à 5'400 fr., TVA comprise, allouée à son défenseur d’office Me Pierre Charpié, le remboursement à l’Etat de cette indemnité n’étant exigible que si la situation financière de C._ le lui permet (VII).
B.
Le 29 septembre 2013, C._ a formé appel contre ce jugement. Par déclaration d'appel du 1
er
octobre 2013, il a conclu à ce que la Cour d’appel pénale reconsidère la qualification de certains actes, l’en libère et prononce une peine privative de liberté maximale de 2 ans et demi.
A sa demande, la plaignante n’a pas été mise en présence du prévenu lors des débats d’appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
a) Le prévenu C._ est né le 7 juillet 1993 à Palatu State au Nigéria, pays dont il est ressortissant. Célibataire, sans profession, requérant d’asile en Suisse, il est actuellement détenu à la prison du Bois-Mermet, à Lausanne et s’y comporte correctement (P. 57). Il a le projet, à sa sortie de prison, de rejoindre un ami en Italie.
Le casier judiciaire suisse de C._ comporte les inscriptions suivantes :
-
27 mai 2012; Staatsanwaltschaft Zürich-Sihl, délit selon l’art. 19 al. 1 de la Loi fédérale sur les stupéfiants; contravention selon l’art. 19a de la loi sur les stupéfiants (commis à réitérées reprises); peine pécuniaire 10 jours-amende à 30 fr., sursis à l’exécution de la peine, délai d’épreuve 2 ans; amende 100 fr.; détention préventive 1 jour ;
-
9 janvier 2013; Ministère public/Parquet régional Neûchatel; lésions corporelles simples; peine pécuniaire 20 jours-amende à 10 francs.
b) A Lausanne, au début du mois de septembre 2012, C._ a acheté au prix de 40 fr., auprès d’un inconnu disant avoir besoin d’argent, un téléphone portable IPhone 3G, qui provenait d’un vol commis le 12 décembre 2009 au détriment de [...]. L’intéressé a été interpellé le 5 septembre 2012 en possession dudit natel. Le lésé avait déposé plainte le 17 décembre 2009 en expliquant que ce téléphone, qui valait 999 fr., lui avait été dérobé à la tire dans un grand magasin alors qu’il l’avait mis dans la poche de sa veste.
c) Dans le train Lausanne-Bâle, à la hauteur d’Yverdon-les-Bains, le 5 septembre 2012, vers 21h00, [...], contrôleur CFF, a voulu procéder au contrôle du titre de transport du prévenu. Ce dernier a présenté une carte « VOIE 7 » en pièces détachées dont la date de validité manquait. Le contrôleur a demandé au prévenu de lui remettre son titre de transport, ce qu’il a refusé. Le plaignant lui a demandé de déposer toutes les parties de son abonnement sur une tablette afin de contrôler la validité, ce que le prévenu a refusé. Le contrôleur a alors utilisé une partie dudit abonnement posée sur la tablette pour établir un formulaire pour voyage sans titre de transport. Le prévenu s’est levé, a mis une main dans une poche du pantalon du plaignant et a tenté de lui mordre une main. Le contrôleur a pu retirer son bras et reprendre l’abonnement. Le prévenu a été interpellé peu après. [...] a déposé plainte le 16 novembre 2012.
d) A Lausanne, à l’avenue du Léman, le 20 octobre 2012, vers 02h00, le prévenu a suivi R._ qui rentrait à pieds chez elle. Il l’a rejointe et s’est adressé à elle pour lui demander ce qu’elle faisait et où elle allait. Cette dernière ne lui a pas répondu et a poursuivi sa route. Arrivée à la hauteur du Parc des Faverges, la plaignante a demandé au prévenu de la laisser tranquille. Le prévenu l’a alors saisie par le bras et l’a entraînée en bas des escaliers menant au parc. La plaignante a crié et s’est débattue. Le prévenu l’a projetée à terre si bien qu’elle est tombée dans les buissons et a perdu connaissance. C._ en a profité pour lui baisser son pantalon et sa culotte, puis a abusé d’elle en la pénétrant analement. La plaignante a repris connaissance et a hurlé. Le prévenu a pris la fuite.
R._ a souffert d’une abrasion cutanée à la partie postérieure du tiers supérieur de l’avant-bras, d’une abrasion cutanée au niveau de la région lombaire paramédiane gauche, d’une abrasion cutanée dans les régions lombo-sacrées médiane et paramédiane droite, d’une discoloration cutanée d’aspect ecchymotique à la partie antéro-interne de la jambe droite, d’une ecchymose à la partie antéro-interne du tiers inférieur de la jambe droite, d’une zone rose à la partie postérieure du tiers inférieur de la jambe droite, d’une ecchymose à la partie externe du tiers supérieur de la jambe gauche, d’une discrète tuméfaction ecchymotique à la partie antérieure du tiers supérieur de la jambe gauche, d’une zone ecchymotique à la partie postérieure du tiers moyen de la jambe gauche, d’une discrète tuméfaction ecchymotique à la partie antérieure du tiers inférieur de la jambe gauche (P. 15). Des spermatozoïdes correspondant au profil ADN du prévenu ont été retrouvés dans le prélèvement anal réalisé sur la plaignante, frottis anal réalisé par l’introduction d’un Q-tipps sur 1 à 1.5 cm, et dans les prélèvements réalisés sur la culotte de la plaignante (P. 6 et 7). R._ a déposé plainte le 20 octobre 2012. Un rapport du département de psychiatrie du CHUV du 11 septembre 2013 indique encore, en substance que la plaignante a développé des cauchemars et des angoisses, qu’elle a dû se soumettre à une trithérapie dont les effets secondaires ont été accrus par des antécédents d’anorexie, qu’elle a été en arrêt de travail de la date de l’agression au 5 novembre 2012, avec des taux complets puis dégressifs jusqu’au 31 janvier 2013 et qu’elle a pu reprendre son activité depuis (P. 58). Actuellement, son traitement psychologique, débuté avant les faits du 20 octobre 2012, se poursuit. Elle est encore passablement angoissée par cette affaire et ne supporte pas de se trouver dans le même espace que le prévenu. | En droit :
1.
Interjeté dans les forme et délais légaux contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (cf. art. 398 al. 1 CPP), l’appel est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
a)
L’appelant conteste sa condamnation pour recel. Il fait valoir qu’en payant 40 fr. un téléphone portable, il ne savait pas, ni devait se douter que cet objet avait été volé. Il met en doute le vol préalable nécessaire au recel et conteste avoir réalisé le dessein spécial d’avoir acquis une chose de provenance douteuse.
b) Aux termes de l'art. 160 CP, celui qui aura acquis, reçu en don ou en gage, dissimulé ou aidé à négocier une chose dont il savait ou devait présumer qu'un tiers l'avait obtenue au moyen d'une infraction contre le patrimoine sera puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
Le point de savoir si l’auteur du délit préalable a été poursuivi ou puni est sans pertinence. Il suffit que l’acte initial réalise les conditions objectives d’un comportement pénalement répréhensible (ATF 101 IV 402 c. 2, p. 405 et les références citées). Comme en matière de blanchiment d’argent (art. 305 bis CP), la preuve stricte de l’acte préalable n’est pas exigée (ATF 120 IV 323 c. 3d, p. 328 ; TF 6B_141/2007 du 24 septembre 2007 c. 3.3.3). Il suffit que la valeur patrimoniale soit issue avec certitude d’un délit contre le patrimoine. Le recel peut se concevoir même lorsque l’auteur de l’acte préalable est inconnu, si la preuve peut être rapportée par le possesseur actuel d’une chose ne peut l’avoir acquise que d’un voleur inconnu (TF 6B_115/2007, du 24 septembre 2007 et la réf. à Hans Walder, Die Hehlerei gemäss StrGB Art. 144 - Kasuistik und Lehren, RPS 103/1986, p. 253). Enfin, le recel est une infraction intentionnelle, mais il suffit que l’auteur sache ou doive présumer, respectivement qu’il accepte l’éventualité que la chose provienne d’une infraction contre le patrimoine (dol éventuel; Bernard Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. I, 3
e
éd. 2010, art. 160 CP, n. 48). Il en va de même ainsi lorsque les circonstances suggèrent le soupçon de la provenance délictueuse (ATF 129 IV 230 c. 5.3.2, p. 236 s. et les références à l’ATF 119 IV 242 c. 2b, p. 247 et l’ATF 101 IV 402 c. 2, p. 405).
c) En l’espèce, pour ce qui concerne l’existence de l’infraction préalable, rien ne permet de mettre en doute l’existence du vol tel que relaté par le propriétaire du téléphone portable et donc de suspecter qu’il aurait inventé ce détroussement, voire tenté de commettre une escroquerie au détriment de son assurance tout en prenant le risque d’aliéner cet objet. Au contraire, les circonstances de l’achat de rue telle que décrites par le prévenu consolident la vraisemblance du vol préalable, suivi le cas échéant de recels successifs.
Quant à la présomption qu’il s’agissait d’un téléphone volé ou recelé, au vu du contexte de son achat à vil prix, soit le cinquantième de sa valeur, à la suite de l’interpellation d’un passant dans la rue par un vendeur inconnu disant avoir besoin d’argent, l’appelant devait à tout le moins accepter l’idée d’une provenance délictueuse.
C’est donc à bon droit que l’appelant a été condamné pour recel.
4.
L’appelant ne conteste pas les faits qui se sont déroulés dans le train le 5 septembre 2012, ni la qualification pénale de tentative de violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires.
5.
a) C._ conteste les faits retenus sous lettre C.d, ci-dessus. Il soutient que les premiers juges auraient systématiquement interprété les faits personnels le concernant de manière négative ou les aurais mis en doute sans autre base qu’une volonté d’alourdir sa culpabilité alors qu’il aurait admis les faits principaux dès le début de l’instruction, mais varié sur le déroulement de l’action tant pour des raisons de mémoire que pour des raisons de culture. Aux débats d’appel, il a reconnu l’entière véracité de la version de la victime, admis qu’il l’avait mise à terre dans une intention sexuelle, qu’elle ne voulait pas de contacts sexuels et qu’il l’avait laissée. Il a contesté toute pénétration anale.
b) Selon l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence est violée si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (ATF 120 Ia 31 c. 2c; TF 6B_831/2009 précité c. 2.2.2). Des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective
(ATF 127 I 38 c. 2a). Une solution n'est pas arbitraire du seul fait qu'une autre solution eût été possible.
c) En l’espèce, après avoir dans un premier temps tout nié, C._ a indiqué que le couple qu’il formait avec la plaignante s’était uniquement embrassé sur le chemin sans se déshabiller, ni totalement ni partiellement (PV aud. 1, p. 5, R13). Il a ensuite admis qu’il y aurait eu des ébats dans l’abri de bus (situé au débouché de l’avenue de Rumine sur celle du Léman, abri ouvert, muni d’un blanc, et « regardant » l’avenue de Rumine et le lac), qu’ils se seraient caressés, qu’elle lui aurait touché le pénis et qu’il aurait descendu un peu le jeans de la plaignante (PV aud. 7, p. 3, R5 et R6). Il a ensuite reconnu avoir éjaculé, mais nié avoir entretenu un rapport sexuel avec la plaignante dans cet abri et ne s’explique pas comment son sperme a été retrouvé sur le sous-vêtement et dans l’anus de R._. Pendant toute l’enquête, le prévenu a vigoureusement contesté être allé dans le parc; il a toutefois indiqué, lors des débats de première instance, qu’il pensait que quelque chose s’était passé dans le parc, mais qu’il ne se souvenait pas vraiment quoi (jugement attaqué, p. 11). A l’audience d’appel, il a finalement admis que la version de la plaignante était totalement exacte, donc qu’il l’avait bien agressée sexuellement, mais sans cependant admettre la pénétration anale. Le prévenu tient donc un discours aussi variable que mensonger, comportant des incohérences comme le prétendu épisode sexuel sans déshabillage dans l’abri de bus, non seulement incompatible avec l’agression sexuelle du parc, mais de plus invraisemblable eu égard aux emplacements du sperme retrouvé impliquant le complet dénudement du bassin de la victime.
Quant aux déclarations de R._, elles sont, pour l’essentiel, constantes. Elles sont en outre appuyées par les traces de violences photographiées et relevées dans le constat de l’Unité de médecine des violences (P. 15/2), par des analyses ADN, par les constatations des enquêteurs sur le lieu de l’agression (P. 38) ainsi que par les répercussions notamment psychiques de l’attaque qui ont contraint la victime à se faire soigner (P. 58). Enfin, l’agression a causé un traumatisme psychique durable puisqu’aux débats R._ a exprimé l’angoisse et la peur que lui inspire encore son agresseur.
Comme les premiers juges, la Cour de céans n’a aucune hésitation à retenir la version de R._, soit que le prévenu, dans une intention sexuelle, a passé outre un refus clairement manifesté par cette femme en l’empoignant et en l’entraînant de force du trottoir jusqu’à l’intérieur du parc, en la projetant à terre, en lui dévêtant le bas du corps alors qu’elle avait perdu connaissance, en dénudant son propre sexe, en la pénétrant analement et en éjaculant à son contact. L’usage de la force est ainsi avéré.
Au vu des traces de sperme retrouvées dans l’anus et sur la culotte de la plaignante, l’acte d’ordre sexuel est établi. Selon le procès-verbal des opérations du 11 juin 2013, le frottis anal a été réalisé par l’introduction d’un Q-tipps dans l’anus sur une longueur de 1 cm à 1.5 cm (PV des opérations du 11 juin 2013, p. 8 en haut). Il ressort du dossier que la plaignante a subi plusieurs lésions aux jambes (P. 15/2, P. 15/3). Ces faits, plus particulièrement la présence de sperme à l’intérieur de cette cavité du corps, démontrent la réalité d’une pénétration.
Concernant les faits, l’appel est mal fondé.
6.
a)
L’appelant conteste la qualification juridique des faits retenus à son encontre. Il soutient que les premiers juges auraient dû retenir la contrainte sexuelle et non, en concours, la contrainte, les actes d’ordre sexuels commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance et les lésions corporelles simples.
b) Aux termes de l'art. 181 CP, celui qui, en usant de violence envers une personne ou en la menaçant d’un dommage sérieux, ou en l’entravant de quelque autre manière dans sa liberté d’action, l’aura obligée à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte sera puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire.
En matière de contrainte sexuelle, l'art. 189 al. 1 CP réprime le comportement de celui qui, notamment en usant de menace ou de violence envers une personne, en exerçant sur elle des pressions d’ordre psychique ou en la mettant hors d’état de résister l’a contrainte à subir un acte analogue à l’acte sexuel ou un autre acte d’ordre sexuel (Dupuis et al., Petit commentaire, Code pénal, Bâle 2012, n. 1 ad art. 189 CP et les références citées). Cet article énumère de façon non exhaustive plusieurs moyens de contrainte (ATF 128 IV 97 c. 2b/aa = JdT 2004 IV 123. La volonté du législateur est de saisir tous les moyens de contrainte présentant une certaine intensité. L’art. 189 al. 1 CP ne fait que mentionner divers exemples de moyens employés pour contraindre la victime et l’amener à céder, soit notamment la violence, c’est-à-dire l’emploi délibéré de la force physique sur la victime (Favre/Pellet/Stoudmann, Code pénal annoté, 3
ème
éd. 2007, n. 1.3 ad art. 189 CP). Pour déterminer si l’on se trouve en présence de contrainte sexuelle, il faut procéder à une appréciation globale des circonstances concrètes (Dupuis et al., op. cit., n. 12 ad art. 189 CP).
S’agissant de l’art. 191 CP, cette disposition punit les personnes qui, en connaissance de l’état d’incapacité de discernement et de résistance de la victime, entendent en profiter pour commettre un acte d’ordre sexuel. A la différence de la contrainte sexuelle ou du viol, la victime est incapable de discernement ou de résistance, non en raison d’une contrainte exercée par l’auteur, mais pour d’autres causes (Dupuis et al., Petit commentaire du Code pénal, Bâle 2012, n. 2 ad art. 191 CP et les références citées). Est incapable de résistance la personne qui n’est pas apte à s’opposer à des contacts sexuels non désirés. L’incapacité de résistance peut être la conséquence d’une sévère intoxication due à l’alcool ou à la drogue. Cette incapacité doit être totale. Si l’inaptitude n’est que partielle, par exemple en raison d’un simple état d’ivresse, et non d’une intoxication grave, la victime n’est pas incapable de résistance (Dupuis et al., op. cit., n. 10 ad art. 191 CP et les références citées). L’accomplissement de ce crime sexuel nécessite que l’auteur mette à profit une incapacité préexistante. L’auteur ne doit pas avoir provoqué l’incapacité de la victime ou avoir participé à celle-ci (Dupuis et al., op. cit., n. 12 ad art. 191 CP).
c) En l’espèce, l’appelant s’en est pris physiquement à R._ pour l’entraîner à l’écart, briser sa résistance et lui imposer un acte d’ordre sexuel. Au cours de cette attaque, il l’a faite chuter sur sol au point qu’elle a perdu connaissance, tombant ainsi à la merci de son agresseur. Durant cette perte de conscience, C._ a pu lui dénuder le bassin et éjaculer en elle. C’est par conséquent à tort que les premiers juges ont fractionné ces faits, qui ont constitué une unité d’action à fin d’assouvissement sexuel par la force. Il s’agit manifestement d’une contrainte sexuelle, infraction qui comprend déjà la contrainte et qui absorbe les lésions corporelles (Favre/Pellet/Stoudmann, Code pénal annoté, 3
ème
éd. 2007, n. 1.7 ad art. 123 CP; Dupuis et al., op. cit., n. 43 ad art. 181 CP).
Il résulte de ce qui précède qu’il faut condamner l’appelant pour contrainte sexuelle, celle-ci étant pleinement réalisée. Il faut en revanche le libérer des infractions de contrainte, d’acte d’ordre sexuels commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance et de lésions corporelles simples.
7.
a) L’appelant conteste également la quotité de la peine qui lui a été infligée, soit 4 ans et demi, en faisant valoir que sa culpabilité aurait été trop sévèrement appréciée.
b) Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 c. 2.1 p. 19 s.; 129 IV 6 c. 6.1 p. 20).
c) La culpabilité de C._ est particulièrement lourde. Il répond d’une prédation sexuelle extrêmement brutale et traumatisante. La nuit, profitant des rues désertes, il a sauvagement attaqué une femme inconnue. L’alcool absorbé n’est pas un élément à décharge et aucune incitation ou encouragement ne peut être attribué à la victime. Le comportement de C._ en procédure n’est pas très reluisant. Il dit regretter, mais n’admet pas l’acte sexuel, pourtant établi; il s’agit donc de regrets de façade, non investis. A cela s’ajoute que l’appelant n’a pas éprouvé de véritable prise de conscience et la reconnaissance de dette qu’il a souscrite l’a été avec la perspective qu’elle ne serait pas honorée. La Cour constate que le prévenu n’est préoccupé que par son propre sort. De plus, il présente des antécédents judiciaires pénaux défavorables, notamment celui de lésions corporelles simples. Il répond enfin d’un concours d’infractions. A décharge, la Cour retiendra le jeune âge de l’appelant au moment des faits.
Si les termes du jugement de première instance à l’égard du prévenu sont colorés, ils ne résultent toutefois pas d’une fausse appréciation de sa personnalité et de ses actes.
Pour tenir compte du fait que les infractions de contrainte et de lésions corporelles tombent, entraînant ainsi la réduction partielle de l’aggravante du concours, il convient de réduire légèrement la peine. Celle-ci sera fixée à 4 ans.
8.
En définitive, l’appel de C._ doit être partiellement admis.
Me Charpié a produit une liste détaillée de ses opérations d’appel faisant notamment état de quatre visites en prison ainsi que de 6h30 d’étude du dossier. Au vu de la complexité toute relative de la cause, plus particulièrement au stade de l’appel qui implique la reprise de questions déjà analysées, toutes ces opérations ne paraissent pas justifiées, ce d’autant plus que Me Charpié a été le défenseur de C._ depuis le début de la procédure. Pour tenir compte de ce qui précède, la Cour de céans arrêtera à 2'160 fr l’indemnité allouée à Me Pierre Charpié, plus la TVA, par 172 fr. 80, soit au total 2'332 fr. 80.
Au vu de la nature de la cause et de la liste des opérations produites, une indemnité de conseil d’office pour la procédure d’appel d’un montant de 858 fr. 90, plus la TVA, par 68 fr. 70, soit au total 927 fr. 60 sera allouée à Me Marie-Pomme Moinat.
9.
Vu l'issue de la cause, les frais de la procédure d’appel, par 2’240 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1]), ainsi que l’indemnité allouée à son défenseur d’office Me Pierre Charpié, par 2'332 fr. 80 et l’indemnité allouée à Me Marie-Pomme Moinat, par 927 fr. 60, soit au total 5’500 fr. 40, sont mis par quatre cinquième, soit 4'400 fr. 30, à la charge de C._, le solde, par 1'100 fr. 10 étant laissé à la charge de l’Etat. C._ ne sera tenu de rembourser à l'Etat les quatre cinquièmes du montant des indemnités en faveur des conseils d’office que lorsque sa situation financière le permettra. (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
2f0f5b61-07df-45ee-bf67-e52c6ff4e9f9 | En fait :
A.
Par jugement du 2 juin 2014, le Tribunal criminel de l’arrondissement de Lausanne a notamment constaté que K._ s’est rendu coupable d’infraction grave à la Loi fédérale sur les stupéfiants et d’infraction à la Loi fédérale sur les étrangers (IV), l’a condamné à 6 ans de peine privative de liberté, sous déduction de 700 jours de détention avant jugement (V), a ordonné son maintien en détention pour des motifs de sûreté (VI), a statué sur le sort des séquestres
(X à XII), a arrêté l’indemnité due au défenseur d’office de K._, Me Raphaël Dessemontet, à 14'169 fr. 60, TVA et débours compris (XIV), a mis une part des frais de la cause, y compris l’indemnité allouée à son défenseur d’office, arrêtée à 72'989 fr. 85, à la charge de K._ (XVI) et a dit que ce dernier sera tenu de rembourser à l’Etat l’indemnité allouée à son défenseur d’office dès que sa situation financière le permettra (XVII).
B.
Par annonce du 5 juin 2014, puis déclaration motivée du 27 juin 2014, K._ a formé appel contre ce jugement, en concluant, avec suite de frais et dépens, principalement à sa réforme en ce sens qu’il est condamné à une peine privative de liberté sensiblement inférieure à 4 ans et, subsidiairement, à son annulation et au renvoi de la cause au Tribunal de première instance pour nouvelle instruction et nouveau jugement.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
K._ est né le [...] 1986 à [...] au Nigeria, pays dont il est ressortissant. Après avoir suivi les écoles primaire et secondaire jusqu’en 2001, il a voulu poursuivre ses études en vue de fréquenter l’université. Il en a toutefois été empêché après avoir été attaqué à l’école, ensuite d’un conflit l’opposant à sa communauté, par des personnes qui voulaient le tuer et qui ont mis le feu à l’immeuble dans lequel il se trouvait. Ensuite de cet événement, il a quitté le Nigeria en 2003 pour se rendre en Autriche où il a eu le statut de requérant d’asile. Il a séjourné quelque temps dans ce pays et s’y est marié traditionnellement avec une compatriote, qui est décédée au mois d’août 2014. Le couple a eu trois enfants, qui vivent toujours en Autriche, au bénéfice de l’aide sociale. Ne trouvant pas d’emploi dans ce pays faute de permis de travail, le prévenu a tenté sa chance en Norvège, mais en vain. Il est alors retourné en Autriche, puis est venu en 2011 en Suisse, où il a demandé l’asile. Malgré le rejet de sa demande le 13 août 2011, il est resté dans notre pays. Courant 2012, il a loué durant plusieurs mois une chambre chez une dame pour un loyer mensuel de 850 fr., qui a ensuite été augmenté à 1'000 fr. en raison de son usage intensif d’Internet.
Le casier judiciaire suisse de K._ est vierge, de même que son casier judiciaire espagnol. Son casier judiciaire autrichien fait état d’une condamnation, le 17 mars 2011, pour usage de faux papiers, à trois semaines de prison avec sursis pendant trois ans.
Arrêté le 3 juillet 2012, K._ est resté en détention à la Prison du Bois-Mermet jusqu’au 23 octobre 2013, avant d’être transféré à la Prison de la Tuilière. Depuis le 11 décembre 2012, il exécute sa peine de manière anticipée.
Selon un rapport de la Fondation vaudoise de probation du 2 mai 2014, le prévenu a toujours eu une attitude adéquate durant les entretiens avec l’agent de probation, qu’il n’a sollicité qu’à de très rares occasions. Selon le rapport de la direction de la Prison du Bois-Mermet du 19 mai 2014, il a fait preuve d’un bon comportement envers le personnel de surveillance et a respecté le cadre et les règlements de l’établissement, sous réserve de sa participation à une mutinerie, le 28 septembre 2012. Occupé en cuisine depuis fin 2012, il a donné satisfaction, notamment en entretenant des relations cordiales avec ses codétenus. Il ressort du rapport établi le 9 mai 2014 par la direction de la Prison de la Tuilière qu’il a adopté un comportement exemplaire, en établissant une relation franche et non conflictuelle avec le personnel d’encadrement, en allant spontanément vers les autres et en participant régulièrement aux activités.
2.
2.1
K._, en collaboration avec A._, importateur et grossiste, ainsi que la mule W._, a participé à un important trafic de stupéfiants qui a porté au total sur 1'420,23 g de cocaïne pure. Son activité délictueuse peut être résumée de la manière suivante :
- A Pully, le 15 mai 2012, l’appelant a réceptionné 70 fingers de cocaïne de 15 g chacun, livrés par [...], soit 430,5 g de cocaïne pure, compte tenu du taux de pureté moyen de 41% pour l’année 2012 en Suisse.
- A Pully, le 3 juillet 2012, K._ a réceptionné 84 fingers de cocaïne, livrés par [...], soit une masse nette de 1'432,2 g, ce qui correspond à 922,7 g de cocaïne pure selon un taux de pureté moyen de 64,2 %.
- A Lausanne, à tout le moins entre le 29 mars et le 7 juin 2012, l’appelant a effectué des transactions portant sur 160 g de cocaïne brute, soit une quantité nette de 65,6 g en tenant compte du taux de pureté moyen de 41% pour l’année 2012 en Suisse.
- A Lausanne, entre le 13 août 2011 et le 3 juillet 2012, l’appelant a conditionné 6 boulettes de cocaïne d’un poids total net de 1,43 g.
2.2
Entre le 13 août 2011, date du rejet de sa demande d’asile, et le 3 juillet 2012, jour de son interpellation, le prévenu a séjourné illégalement en Suisse. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux (art. 399 CPP) par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de K._ est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
L’appelant conteste uniquement la quotité de la peine qu’il estime excessivement sévère. En procédant à une comparaison avec d’autres affaires en matière de stupéfiants, il invoque une violation de l’art. 47 CP ainsi que du principe de l’égalité de traitement.
3.1
3.1.1
Les règles générales régissant la fixation de la peine ont été rappelées dans les arrêts publiés aux ATF 136 IV 55 et 134 IV 17 (c. 2.1 et les références citées), auxquels il peut être renvoyé.
Dans le domaine spécifique des infractions à la LStup, le Tribunal fédéral a, en outre, dégagé les principes suivants. Même si la quantité de la drogue ne joue pas un rôle prépondérant, elle constitue sans conteste un élément essentiel, qui perd cependant de l'importance au fur et à mesure que s'éloigne la limite à partir de laquelle le cas est grave au sens de l'art. 19 ch. 2 let. a LStup. Le type et la nature du trafic en cause sont déterminants. Aussi l'appréciation sera différente selon que l'auteur a agi de manière autonome ou comme membre d'une organisation. Dans ce dernier cas, la nature de sa participation et sa position au sein de l'organisation doivent être prises en compte. L'étendue géographique du trafic entre également en considération: l'importation en Suisse de drogue a des répercussions plus graves que le seul transport à l'intérieur des frontières. S'agissant d'apprécier les mobiles qui ont poussé l'auteur à agir, le juge doit distinguer le cas de celui qui est lui-même toxicomane et agit pour financer sa propre consommation de celui qui participe à un trafic uniquement poussé par l'appât du gain. Le comportement du délinquant lors de la procédure peut aussi jouer un rôle. Le juge pourra atténuer la peine en raison de l'aveu ou de la bonne coopération de l'auteur de l'infraction avec les autorités policières ou judiciaires notamment si cette coopération a permis d'élucider des faits qui, à ce défaut, seraient restés obscurs (TF 6B_85/2013 du 4 mars 2013 c. 3.1 et les références citées; TF 6B_380/2008 du 4 août 2008 c. 6.1.1).
3.1.2
Selon la jurisprudence, compte tenu des nombreux paramètres qui interviennent dans la fixation de la peine, une comparaison avec des affaires concernant d'autres accusés et des faits différents est d'emblée délicate. Les disparités en cette matière s'expliquent normalement par le principe de l'individualisation des peines, voulu par le législateur (TF 6B_73/2012 du 29 mai 2012 c. 2.3.2 et les références citées). Il n’est dès lors possible de procéder qu’avec prudence à des comparaisons avec d’autres affaires jugées en Suisse ces dernières années.
3.1.3
Compte tenu de son plein pouvoir d’examen quant à la quotité de la peine, la Cour d’appel pénale n’est pas limitée aux cas qui relèvent d’un abus du pouvoir d’appréciation.
3.2
En l’espèce, la culpabilité de K._ est lourde. La quantité de drogue en cause, soit 1'420 g de cocaïne pure, est très importante. En quelques mois, le prénommé s’est adonné à un trafic de grande ampleur relevant du commerce de gros à caractère international. L’énergie délictuelle déployée est également importante, l’intéressé ayant consacré la majorité de son temps à son trafic. Il était au demeurant impliqué à un haut niveau, dès lors qu’il réceptionnait directement la drogue en provenance de l’étranger et avait la maîtrise du stock ainsi que des ventes. Même si le cas grave a déjà été retenu en raison de la quantité de drogue trafiquée, il faut admettre que l’appelant a agi par métier et en bande. Par ailleurs, le degré de pureté de la cocaïne était élevé. Au demeurant, ne finançant pas sa propre consommation, son activité n’a été motivée que par l’appât du gain. Rien dans son comportement en cours de procédure ne justifie une atténuation de la peine. Enfin, les infractions sont en concours. Comme éléments à décharge, il faut tenir compte des regrets exprimés par le prévenu, de son bon comportement en prison et du fait qu’il est un délinquant primaire, à l’exception de quelques difficultés relevant de la police des étrangers. Toutefois, ces éléments ne sont pas de nature à contrebalancer le poids considérable de sa culpabilité.
Sur la base de l’ensemble de ces circonstances, une peine privative de liberté de 6 ans sanctionne adéquatement les agissements de l’appelant.
Au surplus, aucune disproportion flagrante avec les peines prononcées dans des affaires similaires ne peut être constatée en l’espèce. La Cour d’appel pénale a récemment confirmé une peine de 5 ans de privation de liberté pour un trafic ayant porté sur 230 g de cocaïne pure (CAPE 18 juin 2014/146) ainsi qu’une peine de 4 ans pour un commerce de 245 g de cocaïne pure (CAPE 28 mai 2014/126). Enfin, le Tribunal fédéral a également confirmé une peine de 5 ans pour importation unique de 589 g de cocaïne pure (TF 6B_490/2013 du 14 octobre 2013) et une autre peine de 3 ans pour un trafic d’environ 170 g (TF 6B_398/2013 du 11 juillet 2013).
7.
Sur le vu de ce qui précède, l'appel de K._ doit être rejeté et le jugement attaqué intégralement confirmé.
8.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel, constitués de l’émolument d’arrêt, par 1’280 fr., et de l’indemnité allouée au défenseur d’office, par 2’287 fr. 45, TVA et débours compris, doivent être mis à la charge de l’appelant.
Ce dernier ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant de l'indemnité en faveur de son défenseur d'office que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
2f3ca4fd-7e31-48da-a42e-a019f38f4a27 | En fait :
A.
Par jugement du 7 novembre 2013, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a notamment constaté que X._ s’est rendu coupable de vol en bande et par métier, de dommages à la propriété et de violation de domicile (I), a condamné X._ à une peine privative de liberté de quatre ans, sous déduction de 262 jours de détention avant jugement au 6 novembre 2013 (II), a ordonné à toutes fins utiles le maintien en détention pour des motifs de sûreté de X._, ce dernier étant en exécution anticipée de peine (III), a constaté que A.V._ s’est rendu coupable de vol en bande et par métier, de dommages à la propriété et de violation de domicile (XI), a condamné A.V._ à une peine privative de liberté de trois ans, sous déduction de 262 jours de détention avant jugement au 6 novembre 2013 (XII), a ordonné le maintien en détention de A.V._ pour des motifs de sûreté (XIII), a donné acte de leurs réserves civiles à l’encontre de X._ : Bijouterie T._ et E._ ; à l’encontre de X._, M._, B.V._ et A.V._: P._ (XIV), a ordonné la confiscation et la destruction, une fois le jugement définitif et exécutoire, de l’ensemble des objets séquestrés sous fiches n° 14256/13 et 14261/13 (XV), a ordonné le maintien au dossier à titre de pièces à conviction de l’ensemble des supports de données et objets qui y figurent déjà sous fiches n° 14013/13, 14116/13, 14234/13, 14255/13, 14257/13, 14260/13 et 14269/13 (XVI), a mis une partie des frais de la cause à la charge des condamnés par 19'914 fr. 70 pour X._, y compris l’indemnité allouée à son défenseur d’office Me Jean-Philippe Dumoulin par 7’874 fr. 85 ; par 15’405 fr. 15 pour M._, y compris l’indemnité allouée à son défenseur d’office Me Elisabeth Chappuis par 10'236 fr. 25, dont à déduire 4'700 fr. déjà versés ; par 17’497 fr. 70 pour B.V._, y compris l’indemnité allouée à son défenseur d’office Me Aline Bonard par 8'268 fr. 50, dont à déduire 3'900 fr. déjà versés; par 15’423 fr. 30 pour A.V._, y compris l’indemnité allouée à son défenseur d’office Me Anne-Rebecca Bula par 9'832 fr. 30 ; le solde étant laissé à la charge de l’Etat (XVII) et a dit que le remboursement à l’Etat des indemnités allouées sous chiffre XVII ci-dessus aux défenseurs d’office ne pourra être exigé de X._, M._, B.V._ et A.V._ que dans la mesure où leur situation financière se sera améliorée et le permettra (XVIII).
B. a)
Le 18 novembre 2013, X._ a formé appel contre ce jugement. Par déclaration d’appel du 10 décembre 2013, il a conclu, avec suite de frais et dépens, à la réforme des chiffres I, II et XVII du dispositif du jugement attaqué en ce sens qu’il est libéré de l’aggravante de la bande pour les cas 2.1.1 et 2.1.5, que sa culpabilité est allégée d’autant, que sa peine privative de liberté est fixée à trois ans, avec sursis partiel, et que sa condamnation aux frais est réduite.
Le 20 décembre 2013, le Ministère public de l’arrondissement du Nord vaudois a déposé une déclaration d’appel joint, concluant au rejet de l’appel de X._ et à la modification du chiffre II du dispositif du jugement entrepris en ce sens que X._ est condamné à une peine privative de liberté de cinq ans, sous déduction de la détention subie avant jugement.
b)
Le 20 novembre 2013, A.V._ a formé appel contre ce jugement. Par déclaration d’appel du 12 décembre 2013, il a conclu, avec suite de frais et dépens, principalement à la réforme des chiffres XI, XII, XIII et XVII du dispositif du jugement attaqué en ce sens qu’il est libéré des chefs d’accusation de vol en bande et par métier, de dommages à la propriété et de violation de domicile pour les cas 2.1.2, 2.1.4 et 2.1.6 et que sa peine, de même que les frais de justice, sont réduits en conséquence. Subsidiairement, il a conclu à l’annulation du jugement et au renvoi de la cause au Tribunal d’arrondissement pour nouvelle instruction et nouveau jugement. A.V._ a en outre requis les mesures d’instructions suivantes : une expertise complémentaire du rapport ADN établi le 8 mars 2013 par la police judiciaire jurassienne, la vérification auprès d’un poste de police roumain qu’une citation à comparaître lui a été remise en date du 29 janvier 2013 et qu’il s’est présenté dans le même poste le 31 janvier 2013, ainsi que l’audition du condamné B.V._ au sujet de l’acquisition d’un téléphone portable de marque Nokia, respectivement de sa carte IMEI.
Le 20 décembre 2013, le Ministère public a déposé une déclaration d’appel joint, concluant au rejet de l’appel de A.V._ et à la modification du chiffre XII du dispositif du jugement entrepris en ce sens que A.V._ est condamné à une peine privative de liberté de quatre ans, sous déduction de la détention subie avant jugement.
Le 5 février 2014, le Président de la Cour d’appel pénale a rejeté les mesures d’instruction sollicitées par A.V._.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
1.1
X._ est né le 26 février 1989 en Roumanie, pays dont il est originaire. Il y a suivi sa scolarité obligatoire. Par la suite, il a étudié deux ans afin d’obtenir son baccalauréat, diplôme qu’il n’a finalement pas acquis. En revanche, il a achevé une formation de garde forestier, profession qu’il n’a pas pratiquée en Roumanie. Il a œuvré sur des chantiers. En 2009 ou 2010, il s’est rendu en Espagne où il a travaillé dans l’entretien des espaces verts. Par la suite, il est retourné en Roumanie et a nouveau travaillé dans le domaine de la construction. Il a alors effectué plusieurs voyages dans différents pays d’Europe comme par exemple la Belgique et l’Italie où il a exercé différentes activités (électricien et scieur de bois). En raison de problèmes de santé de sa mère, aujourd'hui décédée, et des difficultés financières que cela avait entraînées, il prétend ne pas avoir eu d’autres solutions que de tenter de gagner assez facilement de l’argent. Il a fait état de dettes pour un montant de 8'000 euros. X._ est célibataire et n’a pas d’enfant. A sa sortie de prison, il a le projet de se rendre en Espagne, où vivent ses tantes et ses sœurs, pour travailler à nouveau dans l’entretien des espaces verts.
Son casier judiciaire suisse est vierge. L’instruction n’a pas permis de mettre en lumière d’éventuels antécédents à l’étranger.
Pour les besoins de la cause, X._ est détenu depuis le 18 février 2013. Il est en exécution anticipée de peine à compter du 26 août 2013.
1.2
A.V._ est né le 22 août 1969 en Roumanie, pays dont il est originaire. Il y a suivi sa scolarité obligatoire puis une école professionnelle dans le domaine de la confiserie et de la boulangerie, au terme de laquelle il a obtenu un diplôme. Il a alors œuvré pendant plusieurs années dans ce secteur en Roumanie. En 2008, il a quitté son pays pour l’Italie où il est resté jusqu’en 2010. Il serait alors rentré dans son pays d’origine avant de décider de repartir pour l’Italie en bus en transitant par la France. C’est dans ce cadre qu’il aurait rencontré ses comparses et qu’il se serait laissé convaincre de commettre un cambriolage. Il a un enfant de quatorze ans issu d’une relation de concubinage. Il s’est séparé de la mère de son enfant il y a quatre ou cinq ans et ce dernier vivrait avec la mère du prévenu. Il a admis avoir été condamné en Italie où il a subi une peine privative de liberté d’une année et huit mois entre 2008 et 2010. Il a également concédé avoir rencontré des problèmes avec la justice dans son pays d’origine, d’après lui pour avoir vendu des objets de provenance douteuse.
Son casier judiciaire suisse est vierge et il ressort de l’instruction qu’il a été condamné à deux ans d’emprisonnement pour vol en Roumanie en 1997 et qu’il a également été condamné pour vol en Italie le 11 juillet 2008.
Il est également détenu depuis le 18 février 2013.
2.
Depuis l’automne 2012, une série de cambriolages visant principalement les bijouteries des magasins P._ ont été commis par des ressortissants roumains agissant toujours à plusieurs et suivant le même mode opératoire. L’un ou plusieurs membres de la bande effectuaient des repérages dans les jours précédant les cambriolages, puis les auteurs pénétraient de force dans les magasins en brisant les portes vitrées avec des outils. Ils ciblaient ensuite uniquement le rayon bijouterie et repartaient avec leur butin moins de deux minutes plus tard.
Cette bande a ainsi écumé la Suisse et obtenu du butin pour plusieurs centaines de milliers de francs.
2.1
Entre le 11 juillet 2011 à 18h45 et le 12 juillet 2011 à 08h10, à [...], [...], X._, en compagnie d’un complice non identifié à ce jour, a frappé la vitrine de la Bijouterie T._ à l’aide d’un marteau, perçant ainsi un trou de 8 cm de diamètre. Le prévenu a pu introduire son bras et s’emparer des bijoux disposés sur le présentoir, pour une valeur de 5'959 francs.
2.2
Le 8 novembre 2012 entre 03h30 et 03h40, à [...], rue [...], X._, B.V._, A.V._ et probablement d’autres comparses, ont cassé la porte d’entrée vitrée du Centre commercial P._ à l’aide d’un outil indéterminé et ont emporté les bijoux exposés, le montant du préjudice s’élevant à environ 60'000 francs.
2.3
Le 21 novembre 2012 entre 03h41 et 03h43, à [...], rue [...], X._ et B.V._ en compagnie d’autres comparses ont cassé la porte d’entrée vitrée du Centre commercial P._ à l’aide d’un outil indéterminé et ont emporté de nombreux bijoux exposés, le montant du préjudice s’élevant à 146'220 francs.
2.4
Le 13 décembre 2012, entre 03:52:30 et 03:54:08, soit en l’espace d’une minute et 38 secondes, à [...], [...], B.V._, A.V._ et X._, ainsi que d’autres complices probables, ont cassé la porte d’entrée vitrée du Centre commercial P._ à l’aide d’un marteau et ont emporté des centaines de bijoux exposés, le montant du préjudice s’élevant à 285'000 fr. et les dommages à 70'000 francs.
2.5
Le 21 janvier 2013, entre 00:24:55 et 00:25:40, soit en l’espace de 45 secondes, à [...], [...], X._, en compagnie d’au moins deux comparses, a cassé deux portes d’entrée vitrées du Centre commercial P._ à l’aide d’un outil indéterminé, probablement un marteau, et ont emporté des centaines de bijoux exposés, le montant du préjudice d’élevant à 65'000 fr. et les dommages à 70'000 francs.
2.6
Le 29 janvier 2013, entre 05:04:20 et 05:06:02, soit en l’espace d’une minute et 42 secondes, à [...], [...], B.V._, X._ et A.V._, en compagnie d’autres comparses, ont cassé deux portes d’entrée vitrées du Centre commercial P._, à l’aide d’un outil indéterminé, probablement un marteau, et ont emporté des centaines de bijoux exposés, le montant du préjudice s’élevant à 150'000 fr. et les dommages à 25'000 francs.
2.7
Le 31 janvier 2013, entre 02:29:50 et 03:30:55, soit en l’espace d’une minute et 5 secondes, à [...], rue [...], X._ et M._ en compagnie d’autres comparses, ont cassé deux portes d’entrée vitrées du Centre commercial P._, à l’aide d’un outil indéterminé, probablement un marteau, et ont emporté des centaines de bijoux exposés, le montant du butin s’élevant à 30'000 francs.
2.8
Le 18 février 2013 entre 03:22:30 et 03:23:57, soit en l’espace d’une minute et 27 secondes, à [...], rue [...], X._, M._, B.V._, A.V._ et J._ (condamné séparément) ont cassé la porte d’entrée vitrée, à l’aide d’un outil indéterminé, probablement un marteau, du Centre commercial P._ et ont emporté des centaines de bijoux exposés, le montant du préjudice s’élevant à 100'000 francs. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit (al. 1). La déclaration d’appel doit être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (al. 3). L'appel joint doit, quant à lui, être interjeté dans un délai de vingt jours dès la réception de la déclaration d'appel (art. 400 al. 3 CPP).
Interjetés dans les formes et délais légaux par des parties ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), les appels de X._ et A.V._ sont recevables. Il en va de même des appels joints du Ministère public.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
La constatation des faits est incomplète lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, in: Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 19 ad art. 398 CPP).
3.
X._ conteste la circonstance aggravante de la bande retenue à sa charge notamment pour les cas 2.1 et 2.5 ci-dessus.
3.1
L’affiliation à une bande (art. 139 ch. 3 al. 2 CP) est envisagée comme une circonstance aggravante en raison de la dangerosité particulière résultant de la commission en commun de l’infraction, élément qui est réputé renforcer les auteurs dans leur activité criminelle et favoriser ainsi la commission de nouvelles infractions.
Selon la jurisprudence, l'affiliation à une bande est réalisée lorsque deux ou plusieurs auteurs manifestent expressément ou par acte concluant la volonté de s'associer en vue de commettre ensemble plusieurs infractions indépendantes, même s'ils n'ont pas de plan et que les infractions futures ne sont pas encore déterminées. L'association a pour caractéristique de renforcer physiquement et psychiquement chacun des membres, de sorte qu'elle les rend particulièrement dangereux et laisse prévoir la commission d'autres infractions de ce type (ATF 138 IV 158 c. 2; ATF 124 IV 286 c. 2a; ATF 124 IV 86 c. 2b). Il faut, pour parler de bande, constater un certain degré d’organisation et une certaine intensité dans la collaboration, en sorte que l’on puisse parler d’une équipe relativement soudée et stable, même si cette dernière n’a pas nécessairement pour vocation de s’inscrire dans la durée (ATF 132 IV 132 c. 5.2, JT 2007 IV 134; TF 6B_890/2008 du 6 avril 2009). Du point de vue subjectif, il suffit que l'auteur connaisse et veuille les circonstances de fait qui correspondent à la définition de la bande (ATF 124 IV 286 c. 2a; ATF 124 IV 86 c. 2b). Est membre d’une bande, celui qui partage avec les autres membres du groupe la volonté de commettre des délits et qui l’accepte (Niggli/Wiprächtiger, Basler Kommentar, Strafrecht II, Bâle 2013, n. 131 ad art. 139 CP).
La bande se conçoit comme une circonstance personnelle au sens de l’art. 27 CP qui ne concerne que le participant réalisant cette circonstance aggravante (Dupuis et alii, Petit commentaire du Code pénal, Bâle 2012, n. 28 ad art. 139 CP).
3.2
En l’espèce, les premiers juges ont considéré que le fait que la composition de la « fine équipe » ait pu varier ne changeait rien au fait que les prévenus agissaient toujours au minimum à deux selon un mode opératoire similaire et que cette participation à plusieurs renforçait assurément la volonté délictueuse de tout le groupe (jgt., pp. 12 s.).
Or, bien qu’il est certain que X._ ait voulu commettre des vols à plusieurs, soit en s’associant, le dessein de voler à plusieurs à réitérées reprises ne peut se confondre avec le dessein de voler à chaque occasion favorable avec les mêmes complices, soit en formant avec eux une bande. Plus précisément, si le complice n’apparaît qu’une fois, et en l’absence d’autres éléments à charge, il serait problématique de retenir une intention de commettre d’autres vols dans le même compagnonnage. Ainsi, la volonté de s’associer pour commettre à l’avenir plusieurs délits de concert ne peut se vérifier qu’à l’égard de personnes déterminées ou à tout le moins déterminables. Ce serait par exemple le cas de n’importe quel membre d’un groupe défini ou prédéfini. En revanche, lorsqu’on ignore l’identité du ou des comparses et qu’on ne peut exclure qu’il s’agissait d’un complice occasionnel, recruté uniquement pour la réalisation d’une infraction, l’aggravante de la bande ne saurait être retenue.
En l’occurrence, lors des deux cambriolages commis dans la nuit du 11 ou 12 juillet 2011 et du 21 janvier 2013 (cas 2.1 et 2.3 ci-dessus), les complices de l’appelant X._ n’ont pas pu être identifiés. Ainsi, au vu de ce qui précède, il ne peut être retenu à la charge de l’appelant l’aggravante de la bande pour les deux cas susmentionnés.
Le moyen soulevé par l’appelant doit donc être admis. Toutefois, il sera d’emblée précisé que l’admission de l’appel sur ce point n’aura guère d’incidence sur la quotité de la peine, l’appelant demeurant coupable de vol par métier dans ces deux cas et de vol en bande et par métier dans quatre autres cas (cf. jgt., cas 2.1.2, 2.1.3, 2.1.7 et 2.1.8).
4.
A.V._ conteste avoir participé aux deux cambriolages du magasin P._ à [...] commis les 13 décembre 2012 et 21 janvier 2013.
4.1
Selon l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
La présomption d'innocence, garantie par les art. 14 par. 2 Pacte ONU II (Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966; RS 0.103.2), 6 par. 2 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950; RS 0.101) et 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999; RS 101), ainsi que son corollaire, le principe
in dubio pro reo
, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.
En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie que toute personne prévenue d'une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu'il appartient à l'accusation de prouver la culpabilité de celle-là (ATF 127 I 38 c. 2a; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1).
Comme règle d'appréciation des preuves, le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 Ia 31 c. 2c; TF 6B_831/2009, précité, c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38 c. 2a). Dans cette mesure, la présomption d'innocence se confond avec l'interdiction générale de l'arbitraire, prohibant une appréciation reposant sur des preuves inadéquates ou sans pertinence (TF 6B_216/2010 du 11 mai 2010 c. 1.1.1 et 1.1.2 et la jurisprudence citée).
4.2
En l’espèce, il ressort des déclarations du 27 mars 2013 de B.V._ que celui-ci a avoué avoir participé à trois cambriolages commis dans des centres commerciaux P._ entre le 13 décembre 2012 et le 18 février 2013 avec A.V._ et X._ (PV aud. 13, p. 4). Il a également précisé avoir séjourné dans plusieurs hôtels en compagnie de A.V._ (PV aud. 13, p. 6). Le 5 juin 2013, B.V._ a confirmé avoir commis un cambriolage au magasin P._ de [...] avec A.V._ et X._ et avoir travaillé avec ceux-ci en décembre 2012 (PV aud. 22, pp. 3 et 5). Lors des débats, le prévenu B.V._ s’est rétracté et a expliqué qu'il était épuisé et perturbé lors de son audition du 5 juin 2013 (cf. jgt., p. VI). Il a finalement admis avoir uniquement commis le cambriolage du centre commercial P._ de [...] du 29 janvier 2013 en compagnie de A.V._ et X._ (jgt., p. VII).
4.2.1
S’agissant du premier cambriolage du magasin P._ à [...], il convient, avec les premiers juges, de ne pas tenir compte des rétractations de B.V._ lors de l’audience de première instance, justifiées par un prétexte qui ne convainc par la Cour et visant à mettre hors de cause partiellement l’appelant A.V._ auquel le témoin était confronté. En revanche, la mise en cause de A.V._ à deux reprises pour plusieurs vols commis durant la même période et alors que les comparses partageaient les mêmes hôtels emporte la conviction. Les images de vidéosurveillance du 13 décembre 2012 confirment par ailleurs les déclarations de B.V._ selon lesquelles le premier vol du magasin P._ à [...] a été commis par trois personnes (P. 82, p. 2).
En outre, dans un rapport du 8 mars 2013, l’Identité judiciaire jurassienne a indiqué que le CURML n’avait pas exclu le profil ADN de A.V._ du profil mineur de la trace retrouvée sur le manche du marteau utilisé lors du vol du 13 décembre 2012, alors que les profils ADN des autres prévenus avaient pu être exclus. Aucune statistique n’avait cependant pu être établie par le CURML (P. 82). Il s’agit en l’espèce d’un indice, non d’une preuve absolue, qui renforce la conviction que l’appelant A.V._ était présent lors du cambriolage du magasin P._ du 13 décembre 2012. L’expert s’étant déjà prononcé sans pouvoir aller au-delà de la non exclusion de l'appelant, il n'y a pas lieu d'ordonner un complément d'expertise.
4.2.2
S’agissant du second cambriolage, A.V._ a été mis en cause par son comparse B.V._ (jgt, p. VII et consid. 4.2.1 supra). De plus, le téléphone portable de l'appelant, qu'il a admis posséder depuis environ un mois avant son interpellation (cf. PV aud. 11), a été localisé au moment du vol dans la région de [...]. Aux débats de première instance, A.V._ a finalement soutenu que ce téléphone lui avait été donné par B.V._ le soir de son arrestation, ce que ce dernier a confirmé. Cependant, aucun d'eux n'a pu donner des explications sur cette nouvelle version manifestement mensongère et ne visant qu'à favoriser l'appelant. Une nouvelle audition de B.V._ s'agissant de l'acquisition de ce téléphone portable n'apporterait en l’espèce aucun élément supplémentaire.
Par ailleurs, le prétendu alibi de A.V._, soit une citation à comparaître comme témoin dans une procédure roumaine qui lui aurait été remise le 29 janvier 2013 par le chef de poste de son village, ne peut être retenu. En effet, lors de son audition du 22 avril 2013, l'appelant avait déclaré qu'il allait réfléchir à la manière de prouver sa présence en Roumanie le 29 janvier 2013 (PV aud. 17, p. 4). Ce n’est que le 6 juin 2013 qu’il a expliqué qu’il se trouvait en Roumanie à la date du cambriolage (PV aud. 24, p. 5). Il n’est pas plausible que l’appelant ne se soit pas souvenu plus tôt de ce prétendu alibi dans la mesure où son arrestation date du 18 février 2013. De plus, l’appelant s’est contredit au sujet de sa comparution du 29 janvier 2013. Aux débats de première instance, il a déclaré avoir fait des déclarations orales, alors que dans sa déclaration d’appel il a expliqué s’être présenté en retard par rapport à l’heure de convocation, raison pour laquelle ses déclarations n’avaient pu être protocolées (P. 172/1). Il a également indiqué que la citation lui avait d’abord été remise par le chef de la police (PV aud. 24, p. 5), puis par un agent de police (P. 172/1), avant d’affirmer que c’était par l’inspecteur N._ (P. 172/2 ch. 6). S’il est certain que cette citation, dont A.V._ était porteur lors de son arrestation, est entrée en sa possession, rien n’établit en revanche qu’une remise en mains propres ait eu lieu prouvant sa présence en Roumaine le jour du cambriolage. A cet égard, les réquisitions de preuves sollicitées par l’appelant ne pourraient en aucune manière changer cette appréciation. Interpeller directement le poste de police de la localité de [...] au sujet de la remise de cette convocation en mains de l’appelant le matin du 29 janvier 2013 et de sa comparution dans le même poste le 31 janvier 2013 n’offrirait aucune sécurité quant à l’authenticité des réponses qui seraient obtenues. En outre, cette réquisition ne se soucie pas des règles de l’entraide et ne pourrait pas être exécutée sous cette forme. Enfin, l’appelant a lui-même fait les démarches auprès des autorités roumaines sans obtenir la moindre réponse (P. 172/2 ch. 6 et 196).
Au regard de l’ensemble de ces éléments, il sied de constater, comme l'ont retenu les premiers juges, que la localisation du téléphone portable dans la région de [...] est suffisante pour asseoir la conviction de la Cour et reconnaître que A.V._ a participé aux deux cambriolages du magasin P._ à [...] les 13 décembre 2012 et 29 janvier 2013.
Les qualifications juridiques retenues n’étant au surplus pas contestées, la condamnation justifiée du prévenu pour vol en bande et par métier, dommages à la propriété et violation de domicile doit être confirmée
5.
X._ demande une réduction de sa peine.
Dans son appel joint, le Ministère public conteste la quotité de la peine infligée à X._ et requiert une peine privative de liberté de cinq ans.
5.1
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (TF 6B_85/2013 du 4 mars 2013 c. 3.1; ATF 134 IV 17 c. 2.1; ATF 129 IV 6 c. 6.1).
5.2
En l’espèce, la culpabilité de X._ est très lourde. Il s’est rendu coupable de vol en bande et par métier, de dommages à la propriété et de violation de domicile. A charge, on retiendra qu’il a uniquement agi par appât du gain, dans la mesure où il est venu en Suisse dans le seul but d’y commettre des infractions contre le patrimoine. Son rôle a été prépondérant ; il était l’instigateur du cas qui a débouché sur l’interpellation de la bande et il occupait un niveau hiérarchique supérieur à celui de ses comparses. Sur une période d’une année et demie, il a commis pas moins de six vols, le butin obtenu s’est élevé à plus de 400'000 francs et les dommages occasionnés ont été importants, ce qui dénote un grand professionnalisme. L’activité délictuelle du prévenu aurait pu prendre une plus grande ampleur si elle n’avait pas été interrompue par son arrestation. Par son comportement, il a endossé les caractéristiques du délinquant dangereux et endurci. Il convient enfin de tenir compte du concours d’infractions et de l’absence de prise de conscience et de regrets.
A décharge, la collaboration du prévenu s’avère toute relative dans la mesure où elle n’a de loin pas été déterminante et s’est révélée être essentiellement tactique. X._ n’a en effet pas aidé à identifier les autres cambrioleurs – qui courent toujours – pas plus qu’il n’a donné d’explications sur l’organisation du réseau. Les indications fournies par le prévenu se sont d’ailleurs limitées aux cas qu’il ne pouvait contester.
Au vu des éléments qui précèdent, la peine prononcée par les premiers juges est trop clémente. En définitive, une peine privative de liberté de cinq ans, telle que requise par le Ministère public, réprime adéquatement le comportement de X._.
6.
A.V._ demande une réduction de sa peine, tandis que le Ministère public considère qu’une peine privative de liberté de quatre ans serait adéquate.
6.1
Les éléments à prendre en compte pour la fixation de la peine ont déjà été rappelés ci-dessus (cf. consid. 5.1).
6.2
En l’espèce, la culpabilité de A.V._ est lourde. A charge, il y a lieu de retenir que le prévenu est venu en Suisse par appât du gain, dans l’unique but d’y commettre des crimes et délits, alors qu’il pouvait gagner honnêtement sa vie en Roumanie. Il a trois cas de cambriolages à son actif et le butin réalisé est de plusieurs centaines de milliers de francs. Il a agi comme un délinquant organisé et efficace. Il convient également de prendre en considération son défaut de collaboration, ainsi que son absence de prise de conscience et de regrets, le prévenu n’ayant cessé de mentir tout au long de l’enquête et durant les débats. Il apparaît également comme un délinquant dangereux en matière patrimoniale et endurci. Il sera tenu compte du concours d’infractions et des antécédents du prévenu, l’instruction ayant révélé deux condamnations en Roumanie et en Italie pour des infractions contre le même bien juridique.
A l’instar des premiers juges, on ne discerne pas d’éléments à décharge.
Au vu de la culpabilité du prévenu, de ses antécédents et de sa situation personnelle, la peine prononcée par le Tribunal correctionnel est insuffisante. En définitive, une peine privative de liberté de quatre ans réprime adéquatement les agissements de A.V._.
7.
Les appels de X._ et A.V._ sont donc rejetés et les appels joints du Ministère public admis. Le jugement du Tribunal correctionnel de la Broye et du Nord vaudois du 7 novembre 2013 est modifié dans le sens des considérants.
Une indemnité de défenseur d'office pour la procédure d'appel d'un montant de 3’001 fr. 20, TVA et débours inclus, est allouée à Me Jean-Philippe Dumoulin et de 2’666 fr. 70, TVA et débours inclus, à Me Anne-Rebecca Bula.
La moitié des frais de la procédure d'appel, par 4’341 fr. 20, comprenant l'indemnité allouée à Me Jean-Philippe Dumoulin, est mise à la charge de X._, l’autre moitié des frais de la procédure d'appel, par 4’006 fr. 70, comprenant l'indemnité allouée à Me Anne-Rebecca Bula, est mise à la charge de A.V._.
X._ et A.V._ ne seront tenus de
rembourser à l’Etat le montant de l’indemnité allouée à leurs défenseurs d’office que lorsque leur situation financière le permettra
. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
2f515fe3-d972-456e-a635-9af2371a5be3 | En fait :
A.
Par jugement du 13 décembre 2013, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a constaté que B._ s’est rendue coupable de lésions corporelles graves par négligence (I), l’a condamnée à une peine pécuniaire de 120 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 80 fr. (II), a suspendu l’exécution de la peine et fixé à B._ un délai d’épreuve de 2 ans (III), a condamné B._ à une amende de 2'000 fr. et dit qu’en cas de non paiement fautif de l’amende, la peine privative de liberté de substitution sera de 20 jours (IV), a dit que B._ est la débitrice d’A.S._, de B.S._ et d’V._, solidairement entre eux, d’un montant de 5'238 fr., avec intérêts à 5% l’an dès le 11 octobre 2011, à titre de dommages et intérêts (V), a dit que B._ est la débitrice d’A.S._ et lui doit immédiat paiement d’un montant de 35'000 fr., avec intérêts à 5% l’an dès le 11 octobre 2011, à titre de tort moral (VI) a dit que B._ est la débitrice de B.S._ et V._ et leur doit immédiat paiement d’un montant de 5'000 fr. chacun, avec intérêts à 5% l’an dès le 11 octobre 2011, à titre de tort moral (VII et VIII), a dit que B._ est la débitrice d’A.S._, B.S._ et V._, solidairement entre eux, de la somme de 15'000 fr., valeur échue, à titre de dépens pénaux (IX), a ordonné le maintien au dossier à titre de pièces à conviction des trois DVD séquestrés sous fiche n° 53749 (X) et a mis les frais de la cause, par 3'663 fr., à la charge de la condamnée (XI).
B.
Par annonce du 20 décembre 2013, puis déclaration motivée du 6 janvier 2014, B._ a formé appel contre ce jugement. Elle a conclu, avec suite de dépens, principalement à ce qu’une expertise neutre pluridisciplinaire d’A.S._ soit ordonnée ainsi qu’à la réforme du jugement précité en ce sens qu’elle est acquittée du chef de prévention de lésions corporelles graves par négligence, les chiffres II à XI étant supprimés. Subsidiairement, elle a conclu à l’annulation du jugement entrepris et au renvoi de la cause au tribunal de police pour nouveau jugement.
Par annonce du 23 décembre 2013, puis déclaration motivée du 27 janvier 2014, A.S._, B.S._ et V._ ont déposé un appel joint contre le jugement précité. Ils ont conclu, avec suite de frais et dépens, à sa réforme en ce sens que le montant des dommages-intérêts alloués en première instance est augmenté à 8'291 fr. 40, qu’un éventuel dommage supplémentaire dont la cause serait l’accident est réservé et que le montant des dépens alloués en première instance est arrêté à 30'000 francs.
Par décision du 13 mars 2014, le Président de la cour de céans a refusé d’ordonner une expertise médicale pluridisciplinaire.
Par avis du 21 mars 2014, le Ministère public a déclaré qu’il renonçait à intervenir à l’audience d’appel et à déposer des conclusions.
A l’audience d’appel, les parties plaignantes ont modifié leurs conclusions en ce sens que la prévenue est leur débitrice, solidairement entre eux, d’un montant de 14'291 fr. 40 à titre de dommages-intérêts et de 39'000 fr. à titre d’indemnité fondée sur l’art. 433 CPP.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
De nationalité suisse, B._ est née le [...] 1933. Elle a travaillé dans l’horlogerie en qualité de spécialiste régleuse jusqu’à l’âge de 36 ans avant de se consacrer à sa famille. Retraitée depuis 1995, elle perçoit une rente AVS de 2'300 fr. par mois. Elle possède en outre une fortune en obligations estimée à 600'000 francs. Veuve, elle vit seule dans un appartement dont le loyer s’élève à 2'500 fr. par mois. Sa prime d’assurance-maladie mensuelle se monte à 666 fr. et sa charge fiscale à 570 fr. par mois.
Le casier judiciaire suisse de B._ est vierge de toute inscription. Son fichier ADMAS ne fait état d’aucune sanction administrative.
Selon le rapport sur la conduite personnelle de la prévenue établi le 4 juillet 2012 par le TCS (P. 21/2), aucun aspect examiné n’était insuffisant. L’adaptation de la vitesse, l’observation et l’anticipation ont obtenu la mention suffisant. A titre de remarques, l’examinateur a indiqué «
soyez curieuse – recherchez l’information – filtre visuel – vitesse d’approche
».
2.
2.1
A Lausanne, avenue [...], au droit de l’immeuble n° 4, le 11 octobre 2011, vers 11h30, B._, alors qu’elle remontait la route au volant de son véhicule pour regagner son domicile, a obliqué à droite sans avoir pris le soin de regarder à gauche, a franchi le trottoir pour rejoindre son immeuble et a heurté A.S._, alors âgé de 12 ans, qui descendait le trottoir depuis la gauche au guidon de sa trottinette. Suite au choc, le garçon a glissé sur le capot de la voiture, puis a chuté au sol devant la roue avant droite du véhicule. La prévenue a encore roulé sur une distance de 4,9 mètres en traînant le garçon qui s’est finalement retrouvé immobilisé contre une barrière métallique, derrière la roue avant droite.
A.S._ a été transporté au Service des urgences du CHUV où il a immédiatement subi des opérations à la jambe et au bras droits, ainsi qu’à la mâchoire.
2.2
Selon le rapport établi le 30 mai 2012 par le médecin chef du département médico-chirurgical de pédiatrie, consultation de chirurgie orthopédique et traumatologie du CHUV (P. 14), A.S._ a subi des lésions cervicales hautes disco-ligamentaires de C0 à C3 avec dislocation occipito-atlantale post-traumatique, une fracture de la mandibule gauche, une fracture du rocher à droite, une fracture ouverte de l’humérus droit ostéosynthésée par un clou, une fracture radio-ulnaire droit ostésynthésée par deux clous, une fracture du fémur droit ostéosynthésée par une plaque, une fracture des côtes et une atteinte du nerf radial traumatique à droite. La lésion cervicale avait nécessité une arthrodèse limitant fortement les mouvements de rotation de la tête et dans une moindre mesure l’inclinaison. Ce médecin a également indiqué que la fracture de l’humérus droit associée à la lésion du nerf radial allait limiter la mobilité de la main et du poignet en fonction de la récupération du nerf. Il a enfin observé de nombreuses lésions cicatricielles, notamment pour les abords chirurgicaux des nombreuses fractures osseuses périphériques.
Dans un rapport du 13 juin 2012 (P. 19/2), la Dresse [...] du département précité a relevé, à titre de complication possible à long terme, un trouble de croissance sur lésion des cartilages articulaires, hypercroissance fémorale post-traumatique avec inégalité de longueur des membres inférieurs consécutive. Du point de vue orthopédique, elle a relevé qu’il était trop tôt pour donner de manière définitive les conséquences éventuelles, un suivi étant nécessaire jusqu’à la fin de la croissance. Enfin, elle a relevé que la séquelle de la fracture humérale constituait en une atteinte du nerf radial qui était suivie par les plasticiens du CHUV.
Selon un bilan d’ergothérapie du 7 mai 2012 (P. 19/5), A.S._ a été suivi en ergothérapie ambulatoire au CHUV à raison de deux séances hebdomadaires du 28 novembre 2011 au 6 février 2012, puis à raison d’une séance par semaine. Il a également bénéficié d’une physio- et psychothérapie. Sur le plan ergothérapeutique, il a été suivi dans le cadre de l’atteinte de son nerf radial droit et d’un traitement des cicatrices. Une orthèse fonctionnelle d’immobilisation du poignet a été réalisée début janvier 2012 afin de maintenir le poignet aligné durant certaines activités. Selon l’ergothérapeute, les courses tendineuses en flexion et extension avaient nettement augmenté depuis le début de la prise en charge, bien que celles-ci fussent encore légèrement limitées. La mobilisation passive en flexion était douloureuse, la force de préhension récupérée. S’agissant de la motricité fine, si certaines activités bimanuelles (couper les aliments, tirer un trait à la règle) étaient difficiles jusqu’à peu, certains mouvements précis demandaient encore une grande concentration. En revanche, le garçon n’avait pas rencontré de problèmes majeurs dans ses activités et dans sa grapho-motricité. Au final, A.S._ semblait avoir fait beaucoup de progrès durant les derniers mois. Les amplitudes articulaires étaient presque complètes et la force de préhension dans la moyenne. En revanche, les cicatrices étaient encore dures et adhérées et les préhensions manquaient parfois de fluidité et de précision.
Selon un rapport du département médico-chirurgical de pédiatrie du CHUV, A.S._ a été hospitalisé du 14 au 19 octobre 2012 pour une ablation de la plaque du fémur droit, des ECMES de l’humérus, du radius et du cubitus droit, une correction des cicatrices alopéciques par excision et couverture double lambeau d’avancement et, pour les maxillo-faciaux, un AMO mandibule.
Par courrier du 27 juin 2013 (P. 47/2), le Dr [...] du service de neurochirurgie - Policlinique du CHUV a relevé qu’il avait opéré l’enfant suite à son accident en raison d’une luxation cranio-cervicale très importante ayant mis sa vie en danger. A l’audience de première instance, ce médecin a expliqué que la dernière fois qu’il avait vu A.S._ en septembre 2013, celui-ci allait bien, hormis des douleurs cervicales et une limitation dans la rotation de la tête ensuite de l’opération, limitation qui allait perdurer toute sa vie. L’enfant avait également perdu une partie de sensibilité dans la zone occipitale ensuite de l’opération, qui ne reviendrait pas complètement. Selon ce médecin, les sports de combat et ceux où il y aurait un risque d’impact à haute vitesse étaient déconseillés. S’agissant du football, il y aurait plus une problématique de douleur que de risque vital. Par ailleurs, l’instabilité entre la base du crâne de l’enfant et ses vertèbres cervicales allait entraîner des risques de mouvements anormaux avec risques de lésions potentiellement mortelles, notamment de la moelle épinière. Le garçon souffrait d’importantes déchirures dans les ligaments, probablement provoquées par un étirement très fort. Ce médecin a encore ajouté qu’il était difficile de dire si des risques plus importants d’atteinte cervicale ou d’arthrose précoce allaient perdurer. Il était en revanche probable que le garçon allait souffrir de douleurs après une journée physique importante.
Dans un rapport du 6 novembre 2013 (P. 58/I), le chef de clinique du service de chirurgie plastique et reconstructive du CHUV a relevé que les lésions subies par A.S._ ensuite de l’accident correspondaient à une neuropathie radiale droite post-traumatique et des cicatrices multiples (cuir chevelu, membres supérieur et inférieur droits). Le traitement avait essentiellement consisté en une rééducation à l’aide de séances hebdomadaires de physiothérapie et d’ergothérapie. Le patient présentait de multiples cicatrices dont une occipitale revêtant un caractère alopéciant qui avait bénéficié d’une correction chirurgicale le 15 octobre 2012 en même temps qu’une ablation de matériel d’ostéosynthèse. Les lésions subies n’étaient pas totalement guéries. La lésion du nerf radial avait évolué de façon très satisfaisante avec un retour de la fonction motrice et sensitive. A.S._ présentait toutefois une asymétrie de la force en défaveur du côté droit et de discrets troubles de la sensibilité de la face torso-radial de la main. Vraisemblablement, une asymétrie de force allait persister définitivement. Pour ce qui était de la récupération sensitive, la situation n’allait plus évoluer. S’agissant de la cicatrice occipitale, une zone glabre allait persister laquelle ne pouvait être corrigée sans une nouvelle chirurgie. Selon ce médecin, il était probable que le patient allait parvenir à s’adapter à son handicap (asymétrie de force) et à effectuer la plupart des activités, même s’il avait dû renoncer à l’aviron. Il existait en outre un dommage esthétique dû aux multiples cicatrices. Ce dommage permanent n’allait vraisemblablement avoir que peu d’incidence sur la vie personnelle et professionnelle du patient. Le garçon n’avait aucune interdiction quant à la pratique des activités de loisirs même si certaines pouvaient être mal adaptées à son handicap. Enfin, ce médecin a relevé que le déficit moteur résiduel du garçon était trop faible pour donner droit à une rente AI.
Selon un certificat établi le 26 novembre 2013 par la psychologue et psychothérapeute [...] (P. 58/II), A.S._ traversait une phase de dépression modérée, avec forte anxiété, perte de l’estime de soi et humeur triste. Il s’agissait d’un long processus de deuil entamé suite à son accident. Dans une première phase, il avait été très déprimé et agité avec des manifestations typiques de l’état de stress post-traumatique. Il avait tenté de tourner la page mais la réalité le rattrapait souvent, notamment quand il voyait une Audi, roulait en voiture ou entendait une ambulance. Face aux difficultés, il devait intégrer que même s’il avait survécu, sa vie avait basculé. Ayant réalisé cela, le garçon était à nouveau devenu déprimé et le traumatisme était revenu à la surface. De plus, l’accident avait causé des angoisses de mort très importantes. A.S._ avait traversé une phase extrêmement difficile avec moments de grand désespoir. Il avait vu ses résultats scolaires baisser et sa capacité à mémoriser altérée. Les séquelles psychologiques du traumatisme étaient encore présentes. Il était, dans certaines situations, dans un état d’hyper vigilance. L’expérience de mort était la source de son stress post-traumatique. Son aspect physique lui posait également problème. Par ailleurs, le sport était nécessaire à son équilibre; il se projetait dans l’avenir à travers cela, avec l’espoir de devenir joueur de foot professionnel notamment. Après l’accident, le garçon avait souffert de difficultés de concentration et de fatigue, ce qui avait entamé ses capacités mnésiques. Malgré une baisse de ses résultats scolaires, il n’avait pas redoublé. Lors de son audition, cette thérapeute a encore expliqué que les parents d’A.S._ lui avaient fait part des menaces de suicide de leur fils et du fait que ce dernier faisait de très fortes crises. Elle a également indiqué qu’à une époque, le garçon avait dû prendre un stabilisateur d’humeur sous la forme de neuroleptiques, qu’il avait eu des comportements agressifs, surtout verbalement, envers ses parents et sa petite sœur, et une période difficile avec les autres. Enfin, elle a précisé qu’avant l’accident, A.S._ était suivi pour un trouble de l’attention avec hyperactivité.
2.3
Les parents de la victime, B.S._ et V._ ont déposé plainte le 11 janvier 2012, respectivement le 27 juillet 2012. | En droit :
1.
1.1
Interjetés dans les formes et délai légaux (art. 399 CPP) contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de B._ et celui formé par A.S._, B.S._ et V._ sont recevables.
1.2
Les nouvelles conclusions civiles prises à l’audience d’appel par les parties plaignantes sont irrecevables. Il appartient en effet aux parties de prendre leurs conclusions au plus tard dans le délai pour former appel, voire un appel joint. Au demeurant, elles sont également irrecevables au regard de l’art. 317 et 227 CPC, les conditions d’application de ces dispositions n’étant pas remplies.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
3.1
L’appelante invoque une constatation erronée des faits, notamment le défaut de pertinence de la reconstitution en rapport avec la vitesse de la victime sur sa trottinette et la modification des lieux depuis l’accident, ainsi que l’absence d’une expertise cinétique. Elle fait aussi valoir une appréciation irrégulière des preuves.
3.1.1
La constatation des faits est incomplète lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011,
n. 19 ad art. 398 CPP).
3.1.2
S’agissant de la vitesse à laquelle roulait la victime avec sa trottinette, la première juge a retenu une vitesse « rapide » mais pas « excessive » (jgt., p. 22). Un témoin a parlé d’une course « tranquille », deux autres de « vive allure » et de « grande vitesse ». La victime, entendue trois mois après l’accident en présence de son avocat, a admis rouler « assez rapidement », comme tous les enfants de son âge, même si « prudemment », à une vitesse « un peu plus rapide que l’allure de la course ». Les déclarations de la victime contredisent donc celles du premier témoin. Pour le reste, on observe une quasi-unanimité en faveur d’une vitesse « rapide ». Il convient dès lors de retenir une vitesse « rapide », plus élevée que celle de la personne qui a joué le rôle de la victime pendant la reconstitution, mais dont la victime soutient, sans qu’il y ait lieu de mettre cet élément en doute, qu’elle lui avait toujours permis de freiner et d’éviter des piétons lorsque ceux-ci surgissaient soudainement devant lui. Cette affirmation de « vitesse rapide » doit néanmoins être relativisée au regard du fait que, à hauteur de l’arbre (cf. P. 4/2), le passage pour la trottinette n’était large que de 1,15 mètre et que le trottoir était à cet endroit passablement bosselé (cf. P. 31). Pour le surplus, rien ne permet de dire, comme le soutient l’appelante, que la victime n’aurait pas été prête à freiner au motif qu’elle avait les deux pieds sur la trottinette. Au vu de la configuration de cet engin, c’est bien en ayant les deux pieds sur le « châssis » qu’on peut placer son talon sur le frein.
3.1.3
L’appelante remet en cause la pertinence de la reconstitution en raison de modifications dans la configuration des lieux survenues entre l’accident et dite reconstitution. Cette affirmation doit toutefois être relativisée, notamment en rapprochant le résumé des déclarations faites lors de la reconstitution (P. 31) avec la vidéo de cette reconstitution, le plan des lieux lors de l’accident (P. 4/2) et le cahier photographique (P. 9). On constate ainsi qu’un mât d’éclairage a en effet été déplacé de 2,5 mètres et qu’il se trouve aujourd’hui plus proche des lieux de l’accident qu’il ne l’était le jour des faits. Cela est toutefois sans pertinence, dans la mesure où un mât d’éclairage ne gêne guère la visibilité et encore moins à l’endroit où il se trouvait à l’époque de l’accident. Par ailleurs, le container n’a pas été déplacé (cf. notamment la comparaison de la photo 6 de la P. 9 avec la minute 2’34” de la vidéo de reconstitution). Enfin, s’agissant du fait que les véhicules, notamment la voiture « T », étaient moins hauts le jour de l’accident que le jour de la reconstitution, il devrait précisément favoriser la vision de la prévenue le jour des faits et ne constitue donc nullement un motif pour disqualifier la reconstitution.
3.1.4
L’appelante remet aussi en cause l’appréciation des témoignages et des autres preuves par le premier juge. S’agissant des différentes déclarations relatives à la vitesse de la victime, la cour de céans se réfère à ce qui a été exposé ci-dessus (cf. c. 3.2.1 supra). Pour le reste, le tribunal de première instance n’a méconnu aucun des éléments déterminants. Avec l’appelante, on peut admettre qu’elle n’avait pas encore achevé de tourner au moment du choc, comme cela résulte de la pièce 4/2 et du trajet suivi par le véhicule lors de la reconstitution. La prévenue soutient également qu’elle n’était pas très avancée sur le trottoir lors du choc. Cela n’est toutefois pas plausible, ne serait-ce qu’au regard de la position de l’arbre mentionné plus haut et dont il résulte que la victime ne pouvait que rouler sur la moitié du trottoir la plus éloignée de l’artère principale et la plus proche de l’immeuble.
3.2
L’appelante soutient enfin qu’il n’est pas possible d’établir avec certitude le déroulement de l’accident et qu’elle doit être mise au bénéfice de la version qui lui est la plus favorable, à savoir que l’accident était inévitable en raison – uniquement – de la vitesse trop élevée de la victime.
3.2.1
A teneur de l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
La présomption d'innocence, garantie par les art. 14 par. 2 Pacte ONU II (Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, RS 0.103.2), 6 par. 2 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, RS 0.101) et 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, RS 101), ainsi que son corollaire, le principe
in dubio pro reo
, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves. En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie que toute personne prévenue d'une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu'il appartient à l'accusation de prouver la culpabilité de celle-là (ATF 127 I 38 c. 2a; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1). Comme règle d'appréciation des preuves, le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 Ia 31 c. 2c; TF 6B_831/2009, précité, c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38 c. 2a).
3.2.2
En l’espèce, la cour de céans dispose de suffisamment d’éléments pour déterminer, sans qu’il ne subsiste des doutes concrets, la configuration des lieux et le déroulement de l’accident. En particulier, le point de choc atteste que la prévenue a renversé avec l’avant de sa voiture l’enfant qui roulait sur le trottoir. Il n’existe pas de doutes sérieux qui justifieraient que l’on parvienne à une autre conclusion que celle retenue plus haut.
4.
4.1
L’appelante conteste sa condamnation pour lésions corporelles par négligence. Sans nier la gravité des lésions subies par A.S._, elle conteste en premier lieu avoir violé les règles de la prudence.
4.1.1
Selon l'art. 125 CP, celui qui, par négligence, aura fait subir à une personne une atteinte à l'intégrité corporelle ou à la santé sera, sur plainte, puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire (al. 1). Si la lésion est grave, le délinquant sera poursuivi d'office (al. 2).
Pour qu'il y ait lésions corporelles par négligence, il faut tout d'abord que l'auteur ait violé les règles de la prudence que les circonstances lui imposaient pour ne pas excéder les limites du risque admissible (ATF 129 IV 119 c. 2.1; ATF 122 IV 145 c. 3b/aa). S'agissant d'un accident de la route, il convient de se référer aux règles de la circulation pour déterminer quels étaient les devoirs de la prudence (ATF 122 IV 133 c. 2a).
Selon l’art. 3 OCR (Ordonnance sur les règles de la circulation routière, RS 741.11), le conducteur vouera son attention à la route et à la circulation. Le degré de cette attention doit être apprécié au regard de toutes les circonstances, telles que la densité du trafic, la configuration des lieux, l’heure, la visibilité, etc (ATF
122 IV 222 c. 2b). Aux termes de l’art. 41 al. 2 OCR, le conducteur qui doit emprunter le trottoir avec son véhicule doit observer une prudence accrue à l'égard des piétons et des utilisateurs d'engins assimilés à des véhicules, et il leur accordera la priorité.
4.1.2
En l’espèce, la violation par la prévenue de la priorité dont bénéficiait la victime est avérée puisque, à défaut de dite violation, le choc n’aurait pas eu lieu, reproche étant en outre fait à cette dernière de ne pas avoir fait preuve de la prudence accrue exigée par l’art. 41 al. 2 OCR.
L’appelante, qui n’a vu la victime qu’à l’instant du choc, soutient qu’elle ne pouvait pas la voir avant et qu’elle n’a donc commis aucune faute en ne la remarquant pas. Cette argumentation ne saurait être suivie. En effet, la personne au guidon de la trottinette lors de la reconstitution a été choisie au regard de sa taille, semblable à celle de la victime. Or, on constate que, sauf pour un véhicule de hauteur tel que celui qui se trouvait sur place lors de la reconstitution, mais pas lors de l’accident, tête et épaules dépassent nettement le toit des véhicules parqués le long de l’avenue.
La prévenue conteste encore ne pas avoir regardé sur sa gauche. Toutefois, il ressort de la vidéo de la reconstitution que malgré trois passages, l’intéressée n’a jamais tourné la tête vers la gauche. Elle n’est d’ailleurs pas loin d’admettre ne pas avoir regardé dans cette direction puisque, interpellée lors de la reconstitution, elle a déclaré
« je fais quoi, s’il arrive à toute vitesse, quand je regarde à gauche »
. Au demeurant, la prévenue admet n’avoir vu la victime que lorsqu’il était trop tard, soit au moment où elle l’a heurtée avec l’avant de sa voiture.
Enfin, lorsque la visibilité du véhicule qui doit céder la priorité est mauvaise, son conducteur doit prendre les précautions nécessaires (et non pas faire comme les autres habitants de l’immeuble, comme l’explique la prévenue lors de la reconstitution) et exigées par l’art. 41 al. 2 OCR. Dans la situation de l’espèce, cela signifie notamment marquer un temps d’arrêt une fois l’avant de la voiture engagée. Sur le début du trottoir, un tel temps d’arrêt permet d’observer à gauche et à droite et de voir si un piéton ou un utilisateur d’engin circule sur le trottoir. Il n’est pas inutile de rappeler qu’en raison de la présence d’un arbre, seule la moitié du trottoir – soit la moitié la plus éloignée de la chaussée – est utilisable à cet endroit et qu’un véhicule se dirigeant vers le n° 4 peut donc sans danger empiéter de quelques dizaines de centimètres sur le trottoir pour, en marquant un temps d’arrêt, observer avant de poursuivre. Autrement dit, si la visibilité était aussi mauvaise que le soutient l’appelante, il lui appartenait de s’arrêter à mi-trottoir. Sans marquer un tel arrêt, elle n’aurait donc également pas pu voir un piéton avec une poussette ou un coureur à pied. Son raisonnement sous-entend qu’un usager du trottoir allant moins vite que la victime de l’accident aurait, lui, pu s’arrêter à temps en apercevant le véhicule, mais ce n’est pas cela que l’art. 41 al. 2 OCR préconise.
En conclusion, la prévenue a bien violé ses devoirs de prudence.
4.2
L’appelante, qui conteste l’existence d’un lien de causalité entre les lésions subies par le plaignant et son comportement, se prévaut d’une violation du principe de la confiance. Elle soutient qu’elle n’avait aucun indice concret lui permettant de déduire qu’un autre usager de la «
route
» (sic) allait se comporter de manière si inattendue et déraisonnable.
4.2.1
Le principe de la confiance, déduit de l'art. 26 al. 1 LCR, permet à l'usager qui se comporte réglementairement d'attendre des autres usagers, aussi longtemps que des circonstances particulières ne doivent pas l'en dissuader, qu'ils se comportent également de manière conforme aux règles de la circulation, c'est-à-dire ne le gênent pas ni ne le mettent en danger (ATF 118 IV 277 c. 4a; ATF 104 IV 28 c. 3; ATF 99 IV 173). Seul celui qui s'est comporté réglementairement peut invoquer le principe de la confiance. Celui qui viole des règles de la circulation et crée ainsi une situation confuse ou dangereuse ne peut pas attendre des autres qu'ils parent à ce danger par une attention accrue. Cette dernière limitation n'est cependant plus applicable lorsque la question de savoir si l'usager a violé une règle de la circulation dépend précisément de savoir si et dans quelle mesure il pouvait se fonder sur le comportement de l'autre usager (ATF 120 IV 252 c. 2d/aa; ATF 100 IV 186 c. 3).
Lorsque la causalité naturelle est établie, il faut encore rechercher si le comportement incriminé est la cause adéquate du résultat. Tel est le cas lorsque, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le comportement était propre à entraîner un résultat du genre de celui qui s'est produit (ATF 133 IV 158
c. 6.1; ATF 131 IV 145 c. 5.1). La causalité adéquate peut cependant être exclue si une autre cause concomitante, par exemple une force naturelle, le comportement de la victime ou d'un tiers, constitue une circonstance tout à fait exceptionnelle ou apparaît si extraordinaire que l'on ne pouvait s'y attendre. L'imprévisibilité d'un acte concurrent ne suffit pas en soi à interrompre le rapport de causalité adéquate. Il faut encore que cet acte ait une importance telle qu'il s'impose comme la cause la plus probable et la plus immédiate de l'événement considéré, reléguant à l'arrière-plan tous les autres facteurs qui ont contribué à l'amener et notamment le comportement de l'auteur (ATF 133 IV 158 c. 6.1; ATF 131 IV 145 c. 5.2). Le comportement du piéton est interruptif de la causalité lorsqu’il est établi que celui-ci est entré dans le champs de vision de l’automobiliste au moment où ce dernier n’était plus en mesure de réagir efficacement même en roulant à une vitesse adaptée
(CAPE 17 avril 2012/84 c. 3.2.2).
4.2.2
En l’espèce, l’appelante ne peut invoquer le principe de la confiance pour se disculper alors qu’elle connaît l’endroit et qu’il résulte du dossier que le passage d’enfants à trottinette était fréquent dans la rue où a eu lieu l’accident. Elle peut d’autant moins se justifier qu’elle n’a vu la victime qu’au moment où le choc allait survenir et, faute de l’avoir vu avant, que la vitesse de la victime n’a joué aucun rôle dans l’accident. Au surplus, il est rappelé que le choc n’est pas intervenu sur le côté du véhicule mais à l’avant de celui-ci.
L’appelante se prévaut encore de l’art. 50a aI. 2 OCR et reproche à la victime de ne pas avoir adapté aux circonstances sa vitesse et sa manière de circuler. Selon cette disposition, les utilisateurs d’engins doivent en tout temps adapter leur vitesse et leur manière de circuler aux circonstances et aux particularités de leur engin; ils doivent notamment avoir égard aux piétons et leur laisser la priorité; ils rouleront à l’allure du pas pour traverser la chaussée. Toutefois, il est rappelé que l’enquête dirigée contre A.S._ pour violation de cette disposition a été classée et que de toute manière, même si la victime avait commis une faute, ce qui n’est pas avéré, il n’y a pas de compensation des fautes en droit pénal.
4.3
Les éléments constitutifs de l’infraction de lésions corporelles par négligence étant réalisés, la condamnation de l’appelante pour ce chef d’accusation doit être confirmée.
5.
L’appelante ne conteste pas la peine en tant que telle. Ce point doit toutefois être examiné d'office, dès lors qu’elle a conclu à son acquittement.
5.1
Les règles générales régissant la fixation de la peine ont été rappelées dans les arrêts publiés aux ATF 136 IV 55 et 134 IV 17 (c. 2.1 et les références citées), auxquels il peut être renvoyé.
5.2
En l’occurrence, il n'y a pas lieu de revenir sur l'appréciation du premier juge qui est adéquate. Au regard des éléments à charge et à décharge retenus en première instance, la peine infligée correspond à la culpabilité de B._, qui est importante si l’on considère, outre la faute de circulation, que cette dernière n’a pas vu la victime et qu’elle rejette la responsabilité de l’accident sur celle-ci.
Par conséquent, la peine pécuniaire de 120 jours-amende à 80 fr. infligée par le premier juge doit être confirmée. En l’absence d’un pronostic défavorable, cette peine sera assortie du sursis pendant deux ans. Il se justifie toutefois de prononcer une amende de 2'000 fr. à titre de sanction immédiate.
6.
Il convient d’examiner la question des conclusions civiles.
6.1
6.1.1
Selon le principe du nouveau droit de procédure, il appartient en règle générale au juge pénal de statuer sur les conclusions civiles (art. 126 al. 1 CPP). Celui-ci peut traiter les conclusions civiles seulement dans leur principe et renvoyer pour le surplus la partie plaignante à agir par la voie civile dans les cas où leur jugement complet exigerait un travail disproportionné (art. 126 al. 3 CPP). Toutefois, même dans ce cas, il peut trancher directement les prétentions simples et renvoyer la partie plaignante pour le reste devant le juge civil (cf. Moreillon/Parein, Petit Commentaire, Code de procédure pénale, Bâle 2013, n. 16 ad art. 126 CPP et la référence citée).
6.1.2
En l’espèce, au regard de prétentions encore non invoquées qui seront élevées sur la base de l’art. 46 CO, lesquelles relèvent d’une problématique complexe et impliqueront qu’une expertise soit entreprise, le travail permettant de rendre un jugement complet est à l’évidence disproportionné. D’ailleurs, les plaignants, qui n’ont pris que quelques conclusions ciblées, l’admettent au moins implicitement. Reste dès lors à trancher la question du principe de la responsabilité de la prévenue que celle-ci conteste, puis à trancher du bien-fondé des montants alloués aux plaignants en première instance et du montant supplémentaire réclamé par ces derniers en appel.
6.2
6.2.1
S’agissant du principe de la responsabilité de la prévenue, le tribunal de première instance n’a pas tranché cette question pour elle-même. S’il résulte en effet des décisions prises qu’il a admis le principe de la pleine responsabilité de la prévenue et qu’il a retenu, dans ses considérants, qu’une faute concomitante de la victime ne pouvait pas être mise en évidence, il a refusé de réserver un dommage pour l’heure inexistant. Cette manière de faire n’est cependant pas conforme au système légal. En effet, la partie plaignante qui demande qu’acte lui soit donné de ses réserves civiles ne saurait être traitée plus sévèrement que celle qui prend des conclusions chiffrées. Dans un cas comme dans l’autre, le tribunal doit statuer sur le principe de la responsabilité si cela lui est demandé. A tout le moins lorsque, comme en l’espèce, des conclusions civiles chiffrées ont été prises sur l’un ou l’autre point, ce qui implique une prise de position sur le principe de la responsabilité, et que ce n’est que pour le surplus qu’il est demandé acte des réserves civiles.
6.2.2
En l’espèce, la responsabilité civile de principe de la conductrice résulte en premier lieu de l’art. 58 al. 1 LCR, disposition qui prévoit que le détenteur est civilement responsable du dommage causé ensuite de l’emploi d’un véhicule automobile.
L’appelante reproche au premier juge de ne pas avoir tenu compte de l’art. 59 LCR et d’écarter sans justification toute faute du lésé, en appliquant au surplus à tort l’art. 44 CO.
Selon l’art. 59 al. 1 LCR, le détenteur est libéré de la responsabilité civile s’il prouve que l’accident a été causé par la force majeure ou par la faute grave sans faute de sa part. Cette disposition n’est toutefois pas applicable dans le cas d’espèce compte tenu de la faute avérée de B._. Selon l’art. 59 al. 2 LCR, le juge fixera l’indemnité en tenant compte de toutes les circonstances si le détenteur prouve qu’une faute du lésé a contribué à l’accident.
Selon l’appelante, la victime circulait à une vitesse excessive car supérieure à celle du pas et se considérait prioritaire en toutes circonstances sur le trottoir. Toutefois, comme indiqué ci-dessus (cf. c. 3.2.1 supra), la vitesse excessive n’est pas établie. Par ailleurs, la remarque sur la priorité en relation avec l’art. 50a al. 2 2
e
phrase OCR n’a pas d’objet, dès lors que la collision de l’enfant n’est pas intervenue avec un piéton, qui aurait été prioritaire par rapport à la trottinette, mais avec un véhicule automobile, qui devait la priorité à celle-ci. Reste le fait, avéré, que la trottinette avait une vitesse supérieure à l’allure du pas préconisée à l’art. 50a al. 2 3
e
phrase OCR. Cela n’est toutefois pas pertinent dès lors que cette allure seulement est exigée du piéton pour traverser la chaussée et que le trottoir franchi par la prévenue pour accéder à son immeuble ne peut pas être assimilé à une chaussée.
L’appelante soutient encore que la victime ne faisait pas preuve de l’attention commandée par les circonstances et se prévaut du principe selon lequel la vraisemblance prépondérante de la faute ou de la négligence grave suffit. On ne discerne toutefois pas quelle faute ou négligence pourrait, en l’espèce, être imputée à la victime, dont on rappelle qu’elle était prioritaire.
En conclusion, il n’y a aucune faute concurrente de la victime au sens de l’art. 59 al. 2 LCR et, par conséquent, aucune réduction des montants dont l’allocation se justifie au civil. L’application éventuelle de l’art. 44 CO pour l’une ou l’autre prestation en raison des difficultés psychologiques de la victime antérieures à l’accident est toutefois réservée.
6.3
Les plaignants contestent le montant des conclusions civiles et de l’indemnité pour leurs frais d’avocat alloués en première instance. Ils demandent l’allocation d’une somme de 3’053 fr. 40 à titre de frais d’écolage payés inutilement et de 30'000 fr. à titre de dépens pénaux. Pour sa part, la prévenue conteste le montant de 4'400 fr. alloué à titre de frais de déplacement des parents.
6.3.1
Sans compter les indemnités pour tort moral et tout en réservant le dommage supplémentaire, les plaignants ont conclu en première instance, avec suite de frais et dépens, au paiement de 55’137 fr. à titre de dommages-intérêts (P. 58).
Cette somme se décompose comme il suit :
1) 500 fr. pour les frais médicaux non pris en charge par l’assurance maladie,
2) 4’400 fr. pour l’indemnisation des frais de déplacement des parents;
3) 3’750 fr. pour l’écolage en école privée payé inutilement;
4) 1'029 fr. 40 idem;
5) 228 fr. pour des frais de rattrapage scolaire;
6) 230 fr. pour la trottinette et les habits endommagés;
7) 10’000 fr. pour le soutien de l’enfant par le père;
8) 35’000 fr. pour les frais d’avocat.
Le premier juge a alloué en entier les postes 1, 2, 6 et 108 fr. sur le poste 5 (jgt., pp. 32-33). II a en outre octroyé une somme de 15’000 fr. à titre de dépens au sens de l’art. 433 CPP, séparément de l’allocation des conclusions civiles (jgt., p. 36).
6.3.2
En l’occurrence, il se justifie d’allouer aux plaignants un montant total de 338 fr., correspondant à 230 fr. pour les frais liés à la trottinette et aux habits détruits (poste 6) et 108 fr. pour les frais de rattrapage (poste 5), l’indemnisation des postes 1 à 4 et 7 devant être refusée. En effet, s’agissant de la franchise d’assurance (poste 1), on ne dispose pas de preuves suffisantes et, contrairement à ce qui a été retenu en première instance, il est inexact d’affirmer, s’agissant d’un enfant, que la franchise minimale serait de 350 fr. (jgt., p. 32). On ne dispose pas d’éléments suffisants également s’agissant des frais forfaitaires de déplacement des parents : on ne s’explique pas le nombre élevé de déplacements; l’art. 42 al. 2 CO n’est pas applicable et rien ne justifie un forfait; enfin, s’il est notoire que le parking du CHUV n’est pas bon marché, on note que les plaignants habitent le long du trajet du métro et qu’une partie au moins des déplacements qu’ils invoquent aurait certainement dû être accomplie pour d’autres motifs si l’enfant n’avait pas eu d’accident. Enfin, l’écolage ne constitue pas un dommage, d’autant que l’enfant a réussi son année dans l’établissement concerné.
6.3.3
S’agissant des honoraires réclamés (poste 8), les plaignants confondent la question des dommages-intérêts et celle des dépens. Toutefois, dans la mesure où l’on comprend que leurs prétentions se rapportent en réalité à des dépens pénaux et qu’elles sont chiffrées, il convient de les traiter, à l’instar du premier juge, sous l’angle de l’art. 433 CPP.
En l’occurrence, les honoraires réclamés par le conseil des plaignants sont excessifs, par rapport à une affaire pénale certes douloureuse en raison des blessures subies par l’enfant mais qui n’a en définitive impliqué qu’un nombre restreint d’opérations, à savoir l’audition des parties et celle de quelques témoins, une reconstitution des faits et une audience de première instance. Par ailleurs, les opérations effectuées dans le cadre de la défense devant le tribunal des mineurs ne peuvent être pris en charge par la prévenue. Celles des opérations qui concernent le litige avec l’assureur RC n’ont pas à être prises en compte. Enfin, la plus grande partie du travail a été effectué par un avocat stagiaire, lequel a notamment assisté les plaignants lors de l’audience de première instance. Tout bien considéré, le montant de 15'000 fr. alloué par le premier juge, qui correspond à environ 40 heures de travail au tarif horaire de 350 fr., plus la TVA, est adéquat et doit être confirmé.
6.4
Il reste à examiner les indemnités pour tort moral allouées à la victime et à ses parents.
6.4.1
Selon l'art. 47 CO, le juge peut, en tenant compte de circonstances particulières, allouer à la victime de lésions corporelles une indemnité équitable à titre de réparation morale.
Cette indemnité a pour but exclusif de compenser le préjudice que représente une atteinte au bien-être moral. L'art. 47 CO prescrit au juge de tenir compte de « circonstances particulières » pour allouer une somme pour tort moral. Ces circonstances particulières doivent consister dans l'importance de l'atteinte à la personnalité du lésé, l'art. 47 CO étant un cas d'application de l'art. 49 CO. Les lésions corporelles, qui englobent tant les atteintes physiques que psychiques, doivent donc en principe impliquer une importante douleur physique ou morale ou avoir causé une atteinte durable à la santé (TF 6B_188/2010 op. cit. c. 5.1.1). En raison de sa nature, l'indemnité pour tort moral, qui est destinée à réparer un dommage qui ne peut que difficilement être réduit à une simple somme d'argent, échappe à toute fixation selon des critères mathématiques, de sorte que son évaluation en chiffres ne saurait excéder certaines limites. L'indemnité allouée doit toutefois être équitable (ATF 130 III 699 c. 5.1; ATF 129 IV 22 c. 7.2).
La détermination de l'indemnité pour tort moral relève du pouvoir d'appréciation du juge. Conformément à la jurisprudence, l'indemnité due à titre de réparation du tort moral est fixée selon une méthode s'articulant en deux phases. La première consiste à déterminer une indemnité de base, de nature abstraite, la seconde implique une adaptation de cette somme aux circonstances du cas d'espèce (ATF 132 II 117 c. 2.2.3; Guyaz, Le tort moral en cas d’accident : une mise à jour, SJ 2013 I 215, spéc. p. 242).
Toute comparaison avec d’autres affaires doit intervenir avec prudence, dès lors que le tort moral touche aux sentiments d’une personne déterminée dans une situation donnée et que chacun réagit différemment face au malheur qui le frappe. Une comparaison avec d’autres cas similaires peut cependant, suivant les circonstances, constituer un élément d’orientation utile. Il convient ainsi de se référer à la pratique judiciaire répertoriée en matière de lésions corporelles (Hütte/Landolt, Genugtuungsrecht, Band 2, Genugtuung bei Körperverletzung, 2013, Tabelle I et II, p. 774 ss). En matière d’accident de la circulation, en 2006, une lésée, qui a subi un traumatisme cranio-cérébral et des fractures de la cheville et de la clavicule gauches nécessitant trois interventions chirurgicales et dont l’handicap au pied gauche a subsisté, a perçu une indemnité de 30'000 fr. (op. cit., p. 398, n° 576; TF 4C.83/2006 du 26 juin 2006). Une réparation morale de 25'000 fr. a en outre été octroyée à une piétonne grièvement blessée et qui est restée invalide (op. cit., p. 403, n° 152; ATF
116 II 733). En 2004, dans un cas où le lésé a subi de multiples fractures qui ont nécessité plusieurs mois d'hospitalisation, près d'un an et demi d'incapacité totale de travail, de nombreuses interventions chirurgicales et des séquelles physiques et psychiques, les commentateurs ont estimé que l’indemnité se serait élevée à 50'000 fr. en l’absence de toute réduction imputable au lésé (op. cit., p. 386, n° 175; TF 6B_546/2011 du 12 décembre 2011 c. 2.4).
6.4.2
En l’espèce, le tribunal de première instance a arrêté l’indemnité de tort moral en tenant compte de l’intensité de la souffrance ressentie par la victime ensuite de l’accident, de la dépression modérée actuelle, des multiples blessures physiques, des souffrances psychologiques et de la renonciation à une éventuelle carrière dans le football (sic) (cf. jgt., pp. 34-35).
S’agissant des conséquences que l’accident a eues pour A.S._, elles sont établies par plusieurs certificats médicaux détaillés auxquels il convient de se référer (cf. lettre C chiffre 2.2 supra). La prévenue soutient qu’il existerait de sérieux doutes sur la neutralité des médecins du CHUV ayant rédigé ces rapports, au motif que la mère de la victime travaille comme médecin dans cet établissement hospitalier. Toutefois, ne serait-ce qu’au vu de la taille du CHUV, il n’y a aucune raison de mettre en doute la valeur probante de ces certificats, la mère de la victime exerçant dans un domaine qui n’a aucun rapport avec la pédiatrie ou la traumatologie.
Les hospitalisations subies par le garçon (une première de six semaines et une seconde de 5 jours) ainsi que les traitements suivis sont également établis.
Selon le rapport du 6 novembre 2013 du Dr [...] (P. 58/I), les lésions ne sont pas totalement guéries et il subsiste une asymétrie de force du côté droit quand bien même il est probable que le patient parvienne à s’adapter à son handicap et à effectuer la plupart des activités. Il y a en outre un dommage esthétique, soit de nombreuses cicatrices, mais aucun autre risque de dommages permanents ni de rechutes et les dommages précités n’auront vraisemblablement que peu d’incidence sur la vie professionnelle et personnelle du patient.
Le rapport établi par la psychologue d’A.S._ donne des indications précises quant aux conséquences de l’accident sur le psychisme de son patient (P. 58/II). On sait également que, hyperactif et traité pour ce motif, l’enfant était suivi par une psychologue avant l’accident.
Contrairement au premier juge, l’espoir déçu de devenir footballeur ne saurait être pris en considération. En effet, le fait qu’un enfant de douze ans soit en contact avec un club de renom ne signifie pas encore qu’il aurait fait carrière dans ce domaine. Au demeurant, on ignore s’il était inscrit dans un club autour de son domicile, s’il s’entraînait régulièrement et s’il jouait des matchs. Toutefois, il faut retenir qu’A.S._ était et est toujours un enfant sportif qui a dû, ensuite de l’accident, renoncer à de nombreuses activités physiques, notamment le football, la capoeira et l’aviron, sans que l’on ne puisse affirmer que ces renonciations soient définitives (cf. notamment le certificat du Dr [...], P. 58/I).
Le conseil de la victime fait valoir qu’A.S._, ensuite de son accident, aurait eu d’importantes crises, des gestes violents et agressifs envers sa famille notamment et des idées suicidaires. On ne saurait toutefois se baser sur ces allégations, qui ne sont établies par aucun élément, étant rappelé que la charge de la preuve incombe au demandeur (art. 8 CC).
Il résulte de ce qui précède que la cour de céans dispose de tous les éléments pour statuer sur la question du tort moral. Au regard de la gravité de l’accident, des blessures subies, des nombreuses opérations, hospitalisations et traitements, ainsi que de la souffrance ressentie par l’enfant, pas allégée par l’attitude de déni hautain de la prévenue, une réparation morale d’un montant de 30’000 fr. est adéquate.
6.4.3
La prévenue soutient que les parents de la victime ne peuvent prétendre à aucune indemnité pour tort moral, dès lors qu’ils ne sont touchés qu’indirectement et que leur souffrance n’est pas plus grande qu’en cas de décès.
Selon la jurisprudence relative à l'art. 49 CO, les proches d'une personne victime de lésions corporelles peuvent obtenir réparation du tort moral qu'ils subissent de ce chef si leurs souffrances revêtent un caractère exceptionnel, c'est-à-dire s'ils sont touchés de la même manière ou plus fortement qu'en cas de décès (ATF 125 III 412 c. 2a; ATF 117 II 50 c. 3a). Ainsi, une indemnité aux proches pour tort moral ne saurait être envisagée que dans des cas particulièrement graves ayant entraîné pour eux des souffrances aussi importantes que lors d'un décès (TF 6B_646/2008 du 23 avril 2009 c. 7.1).
En l’espèce, les parents de la victime n’ont pas été touchés directement par l’accident. Comme indiqué ci-dessus, une atteinte indirecte ne donne droit à une indemnité que dans des cas exceptionnels. Or, malgré le parcours très difficile des parents en raison notamment des circonstances de l’accident, des photographies auxquelles ils ont dû être confrontés, de l’incertitude quant aux séquelles immédiates, de la longueur du traitement et des souffrances de leur fils, ce caractère doit être nié sur le plan juridique.
7.
En définitive, l’appel interjeté par la prévenue et celui formé par les parties plaignantes doivent être partiellement admis et le jugement entrepris réformé dans le sens des considérants qui précèdent.
8.
Vu l’issue de la cause, les frais d’appel, constitués de l’émolument d’arrêt par 3’340 fr., sont mis par moitié à la charge de B._ et par moitié à la charge d’A.S._, de B.S._ et d’V._, solidairement entre eux. Il n’y a pas matière à allouer des dépens. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
2f7339db-c086-4136-a627-3ab6bbced3ee | En fait :
A.
Par jugement du 26 septembre 2012, le Tribunal de police de l’arrondissement de La Côte a constaté que N._ s'est rendu coupable d'opposition aux mesures visant à déterminer l'incapacité de conduire et de conduite en se trouvant dans l'incapacité de conduire (I), l'a condamné à 50 (cinquante) jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 50 fr. (II), a dit que cette peine est complémentaire à celles prononcées le 29 mai 2012 par le Ministère public de l'arrondissement de Lausanne (III), a révoqué le sursis accordé le 26 juillet 2010 par le Juge d'instruction de La Côte Morges et ordonné l'exécution de la peine y relative (IV) et a mis les frais de la cause, par 1'335 fr. 75, à la charge de N._.
B.
Le 5 octobre 2012, N._ a formé appel contre ce jugement. Par déclaration d'appel du 30 octobre 2012, il a conclu, avec suite de frais et dépens, à la réforme du jugement en ce sens qu'il est libéré de tout chef d'accusation.
Le 19 novembre 2012, le Ministère public a conclu au rejet de l'appel formé par N._ et a déposé un appel joint tendant à ce que la peine soit portée à 100 jours-amende à 50 francs.
Aux débats d'appel, N._ a conclu au paiement d'une indemnité de 10'000 fr. au titre de l'art. 429 al. 1 let. a CPP.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
N._ est né le 28 mai 1986 à Nyon. Célibataire, il est ressortissant du Portugal. Après avoir obtenu sa maturité fédérale, il a travaillé dans le domaine de l'horlogerie en qualité d'assistant de direction chez [...] à Genève. Depuis le 1
er
janvier 2013, il travaille chez [...] Sàrl en qualité de « sales manager » et perçoit un salaire mensuel brut de 7'500 fr. pour cette activité. Il vit chez ses parents et leur verse 700 fr. par mois pour le loyer. Ses primes d'assurance maladie s'élèvent à 400 fr. par mois. Il n'a pas d'autres charges et n'a pas de dettes.
Le casier judiciaire suisse de l'appelant comporte les inscriptions suivantes:
- 26.07.2010, Juge d'instruction de La Côte Morges, violation grave des règles de la circulation routière, peine pécuniaire 20 jours-amende à 20 fr., sursis à l'exécution de la peine, délai d'épreuve deux ans, amende 300 fr.;
-29.05.2012, Ministère public de l'arrondissement de Lausanne, violation grave des règles de la circulation routière, peine pécuniaire 50 jours-amende à 40 francs.
2.
Le dimanche 14 août 2011, N._ a, sous l'influence de l'alcool, circulé au volant de la voiture de tourisme immatriculée VD [...]. En provenance de Genève, sur la route cantonale en direction de Lausanne, il a été interpellé à 5h40 à un contrôle de la circulation au giratoire de la [...] à [...]. Il a été soumis à deux tests à l'éthylomètre, lesquels ont révélé des taux de 1,10 g ‰ à 5h43, respectivement 1,12 g ‰ à 5h45. Il a refusé de se soumettre à une prise de sang. | En droit :
1.
Selon l'art. 399 al. 1 CPP, l'appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la notification du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit.
La déclaration d’appel doit être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l’occurrence, interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant qualité pour le faire (art. 382 al. 1 CPP) et contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel interjeté par N._ est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier ; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
3.
N._ conteste les faits, soit que l'alcootest a été effectué 20 minutes après sa dernière consommation. Il soutient que l'absence de doute du premier juge qui a retenu que l'éthylomètre a été effectué 20 minutes après la dernière gorgée ne repose que sur des hypothèses.
3.1
3.1.1
La constatation des faits est incomplète lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011,
n. 19 ad art. 398 CPP).
3.1.2
Selon l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
3.1.3
Le premier juge a exposé aux pages 14 à 17 du jugement entrepris les différentes versions des faits. Aux pages 18 à 20, il a exposé pourquoi il n'avait aucun doute quant au fait que le test ait été effectué plus de 20 minutes après la dernière consommation.
L'appelant a déclaré à la police le 14 août 2011, à 7h10, avoir consommé de l'alcool entre 22h30 et 5h00 (PV audition 1, p. 2, R 3). L'ordre d'effectuer un examen médical mentionne également que la consommation d'alcool a eu lieu entre 22h30 et 5h00 (P. 4, annexe 1). Toutefois, lors de sa deuxième audition devant le Ministère public en date du 2 février 2012, l'intéressé a déclaré que lors de son interpellation, il s'était écoulé environ dix minutes après qu'il a bu sa dernière coupe de champagne (PV audition 2, p. 1). C'est également lors de cette audition qu'il s'est prévalu pour la première fois de la règle des 20 minutes et a mentionné l'art. 11 OCCR (ordonnance du 28 mars 2007 sur le contrôle de la circulation routière; RS 741.013). Aux débats de première instance, il a expliqué avoir quitté l'établissement genevois où il avait passé la soirée à 5h30 et avoir bu son dernier verre à ce moment-là (jgt, p. 5). Le témoin M._ a indiqué aux débats de première instance qu'ils avaient bu leur dernier verre à 5h30 (jgt, p. 9) alors que, dans une attestation remise au Procureur, il a indiqué avoir quitté l'établissement avec l'appelant aux alentours de "5h15-5h30" (P. 12).
Avec le premier juge, la Cour est convaincue qu'il s'est passé plus de 20 minutes entre le dernier verre d'alcool ingéré par l'appelant et la réalisation du premier test à l'éthylomètre. En effet, l'appelant a spontanément indiqué aux policiers avoir consommé son dernier verre à 5h00, ce qu'il n'a pas rectifié dans sa première audition quant bien même il avait pris la peine de la rectifier sur un autre point (PV audition 1, p. 2). Ce n'est qu'après son opposition, soit lors de son audition du 2 février 2012, et dans un but manifeste de défense qu'il a indiqué pour la première fois que seules 10 minutes s'étaient écoulées entre sa dernière boisson alcoolisée et le test. Le témoignage de M._ corrobore la version de l'appelant, mais doit être relativisé. D'abord, l'heure qu'il a indiquée de façon catégorique aux débats de première instance ne correspond pas à celle mentionnée dans son attestation produite en février 2012 (P. 12). De plus, il a déclaré avoir dû payer les dernières boissons avant de quitter l'établissement, alors que l'appelant a précisé que les boissons n'avaient plus été payées et encaissées après l'heure de fermeture, soit après 5h00. Ensuite, le témoin s'est vanté d'avoir largement expliqué aux policiers la règle des 20 minutes et que, selon lui, l'appelant avait compris le principe. De ce fait, il est incompréhensible que le prévenu n'ait pas rectifié sa première audition sur cette question (PV audition 1). Enfin, comme l'a démontré de façon convaincante le premier juge (jgt, p. 18), il est temporellement invraisemblable que moins de 20 minutes se soient écoulées entre le départ de la discothèque et le premier test, tenant compte des quelques minutes écoulées entre la sortie de la discothèque et le départ en voiture, la distance à parcourir jusqu'à l'endroit du contrôle de police (10 km environ), les quelques minutes écoulées entre l'arrêt du véhicule au contrôle de police, la vérification des papiers d'identité et du véhicule et la réalisation du test.
3.2
3.2.1
Aux termes de l'art. 91 al. 1 LCR, quiconque a conduit un véhicule automobile en état d’ébriété, est puni de l’amende. La peine sera une peine privative de liberté de trois ans au plus ou une peine pécuniaire lorsque le taux d’alcool est qualifié (art. 55, al. 6).
Selon l'art. 1 de l'ordonnance du 21 mars 2003 de l'Assemblée fédérale concernant les taux d'alcoolémie limites admis en matière de circulation routière (RS 741.13), un conducteur est réputé incapable de conduire lorsqu'il présente un taux de 0,5 ‰ ou plus ou que son organisme contient une quantité d'alcool entraînant un tel taux d'alcoolémie (état d'ébriété). Dans une telle hypothèse, l'incapacité de conduire est admise indépendamment de toute autre preuve et du degré de tolérance individuelle à l'alcool (art. 55 al. 6 LCR, [loi fédérale du 19 décembre 1958 sur la circulation routière; RS 741.01]). Il s'agit d'une présomption légale irréfragable (Philippe Weissenberger, Kommentar zum Strassenverkehrgesetz, Zürich/St. Gallen 2011, n. 7 ad art. 55 LCR, n. 19 ad art. 91 LCR; Yvan Jeanneret, Les dispositions pénales de la loi sur la circulation routière, Berne 2007, n. 19 ad art. 91 LCR).
Selon l'art. 55 al. 1 LCR, les conducteurs de véhicule peuvent être soumis à un alcootest. Cette disposition confère ainsi à la police le droit d'effectuer des contrôles systématiques de l'air expiré, à savoir même en l'absence d'indice d'ébriété (Message du Conseil fédéral du 31 mars 1999 concernant la modification de la LCR, FF 1999 p. 4139). Le contrôle effectué au moyen de l'éthylomètre peut avoir lieu au plus tôt 20 minutes après la dernière consommation d'alcool (art. 11 al. 1 let. a OCCR). Deux mesures sont effectuées (art. 4 al. 1 OCCR) et le résultat inférieur des deux mesures est retenu. A défaut de reconnaissance du résultat, une prise de sang, plus fiable, est ordonnée. Aux termes de l'art. 11 al. 2 OCCR, les contrôles doivent être effectués au moyen d'éthylomètres qui permettent des mesures dans une fourchette correspondant à un taux d'alcool dans le sang de 0,10 à 3,00 pour mille (let. b) et qui convertissent le taux d'alcool mesuré dans l'haleine (mg/l) avec un facteur de 2000 en taux d'alcool mesuré dans le sang (g/kg) (let. c). Enfin, l'art. 11 al. 4 OCCR dispose qu'il y a lieu d'effectuer deux mesures. Si elles divergent de plus de 0.10 pour mille, il convient de procéder à deux nouvelles mesures.
L'Office fédéral des routes (OFROU), en exécution de l'art. 9 al. 2 OCCR, a édicté une ordonnance du 22 mai 2008 concernant l'ordonnance sur le contrôle de la circulation routière (ci-après: OOCCR-OFROU; RS 741.013.1) qui contient des dispositions d'exécution de l'OCCR (art. 1 OOCCR-OFROU). L'art. 20 de cette ordonnance dispose qu'aucune déduction ne sera faite aux valeurs mesurées à l'aide de l'éthylomètre.
3.3
En l'espèce, les deux alcootests effectués ont relevé un taux d'alcoolémie important de 1,10 et 1,12 ‰. Ces deux mesures ne divergent pas, et il n'y avait pas lieu d'en effectuer une troisième. Le prévenu n'a pas reconnu sa consommation et il a ensuite refusé de se soumettre à une prise de sang. Aucun élément du dossier ne permet de dire que l'éthylomètre comportait une marge d'erreur et qu'il n'était pas fiable. Même en tenant compte du taux d'alcoolémie le plus bas et d'une marge d'erreur de 20 %, le taux est supérieur à 0.8 ‰. Ces deux tests établissent déjà à eux seuls l'ébriété qualifiée.
En outre, la consommation excessive d'alcool de l'appelant est également établie par d'autres éléments au dossier. Les gendarmes ont évoqués des yeux vitreux et une haleine sentant l'alcool, ainsi qu'une attitude oppositionnelle avec la mention que durant toute l'intervention, l'intéressé s'est montré procédurier. La Dresse S._ a indiqué une odeur d'alcool et des conjonctives brillantes, étant précisé que l'appelant sentait toujours l'alcool une heure après son interpellation et malgré qu'il ait mâché du chewing gum. La doctoresse a jugé que l'incapacité était moyenne. Aux débats de première instance, elle a indiqué que le prévenu s'était montré oppositionnel et qu'il était évident qu'il avait bu de l'alcool. Tous ces éléments viennent confirmer les deux mesures de l'éthylomètre, de sorte que l'infraction de conduite en état d'ébriété qualifiée est établie.
Enfin, même si on suivait le raisonnement de l'appelant selon lequel le test a été établi avant l'expiration des 20 minutes, son ébriété qualifiée serait néanmoins établie. En effet, on voit mal comment un taux d'alcoolémie de 1,1 ‰ pourrait baisser en quelques minutes. Par ailleurs, la règle des 20 minutes n'est pas d'attendre que le taux d'alcoolémie baisse, mais de tenir compte que la période de résorption dure entre 20 et 120 minutes depuis la consommation et que donc le taux d'alcool augmente après 20 minutes avec des effets sur la conduite sans que l'alcool ne soit passé dans le sang (cf. Jeanneret, op. cit., n. 20 ad art. 91 LCR).
Mal fondé, le premier moyen de l'appelant doit être rejeté.
4.
N._ conteste que l'infraction d'opposition aux mesures visant à déterminer l'incapacité de conduire puisse être retenue à son encontre. Il reproche au premier juge d'avoir retenu que les agents C._ et H._ l'ont informé que le refus de prise de sang pouvait avoir des conséquences pénales alors que tel n'a pas été le cas. Il aurait été induit en erreur dès lors qu'ils lui ont dit qu'il avait le droit de refuser.
4.1
Selon l'art. 91a al. 1 LCR, quiconque, en qualité de conducteur de véhicule automobile, se sera opposé ou dérobé à un prélèvement de sang, à un alcootest ou à un autre examen préliminaire réglementé par le Conseil fédéral, qui avait été ordonné ou dont il devait supposer qu'il le serait, ou quiconque se sera opposé ou dérobé intentionnellement à un examen médical complémentaire ou aura fait en sorte que des mesures de ce genre ne puissent atteindre leur but, sera puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
Cette disposition prévoit trois hypothèses alternatives, à savoir l'opposition, la dérobade et l'entrave à la constatation de l'alcoolémie. L'opposition suppose que la mesure a été ordonnée. Il est nécessaire que les circonstances autorisaient à donner l'ordre et que la décision ait été prise par l'autorité compétente. L'acte délictueux consiste à refuser la mesure. Le refus peut être exprès ou résulter d'actes concluants. Par exemple, il y a refus si l'auteur, sans exprimer verbalement son opposition, résiste, n'ouvre pas sa porte ou s'enfuit (Corboz, Les infractions en droit suisse, volume II, 3
e
édition, Berne 2010, n. 5 ad art. 91a LCR). L'infraction étant intentionnelle, il suffit que l'auteur soit conscient d'être l'objet d'un ordre de se soumettre à une mesure et que, ce nonobstant, il s'y oppose (Jeanneret, op. cit., n. 42 ad art. 91a LCR).
L'art. 13 al. 2 OCCR prévoit que si la personne concernée refuse de se soumettre notamment à une prise de sang, elle sera informée des conséquences de son refus (art. 16c al. 1 let. d, en relation avec l'al. 2 et l'art. 91a al. 1 LCR). L'exigence d'information prévue à l'art. 13 OCCR n'est toutefois pas une condition de punissabilité (Jeanneret, op. cit., n. 18 ad art. 91a LCR).
4.2
Entendu aux débats de première instance, l'agent H._ a expliqué que: « en général, lorsque les gens refusent, nous les informons qu'ils aggravent leur cas s'ils refusent. Souvent, nous demandons aux infirmières et aux médecins de tenter de les convaincre. On ne peut pas les forcer. Pour vous répondre, il n'y a pas de formule prédéfinie. Nous ne lisons pas la disposition 91a LCR. L'idée en général est de les convaincre. On ne suit pas ensuite les condamnations. On dit en général qu'ils s'exposent à une condamnation soit la même, soit plus » (jgt, p. 7). Le gendarme C._ a déclaré en cours d'instruction que: « au vu du résultat des tests à l'éthylomètre, le prévenu a été informé qu'il serait soumis à une prise de sang conformément à la procédure. Nous lui avons également dit qu'il avait le droit de refuser la prise de sang. Nous lui avons indiqué les conséquences que pourraient avoir un tel refus, à savoir une condamnation pénale équivalente, voire supérieure » (PV audition 3, p. 2). De son côté, le prévenu ne conteste pas que les gendarmes ont attiré son attention sur le fait que refuser la prise de sang n'était pas à son avantage (jgt, p. 6).
Il n'existe en l'occurrence aucune raison de mettre en doute les explications données par les deux gendarmes, lesquelles sont d'ailleurs confirmées par l'appelant. Ce dernier a été à juste titre informé de son droit de refuser la prise de sang et son attention a été attirée sur le fait qu'en cas de refus, cela aurait des conséquences qui peuvent être une peine plus importante. Il n'était pas nécessaire que les gendarmes mentionnent l'art. 91a LCR et les conséquences pénales et administratives exactes d'un refus. Dans ces circonstances, l'appelant savait qu'une prise de sang était ordonnée et a choisi en connaissance de cause de la refuser. Il ne peut dès lors pas se prévaloir d'avoir été induit en erreur.
Enfin, dans la mesure où l'exigence d'information prévue à l'art. 13 OCCR n'est de toute façon pas une condition de punissabilité, l'infraction d'entrave aux mesures de constatation de l’incapacité de conduire est réalisée.
Mal fondé le second moyen de l'appelant doit être rejeté.
5.
Le Ministère public a conclu à la condamnation de N._ à une peine plus sévère.
5.1
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 c. 2.1; ATF 129 IV 6 c. 6.1; TF 6B_408/2012 du 1
er
novembre 2012 c. 1.1).
L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge. Par conséquent, celui-ci ne viole le droit fédéral en fixant la peine que s'il sort du cadre légal, s'il se fonde sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, s'il omet de prendre en considération des éléments d'appréciation prévus par cette disposition ou, enfin, si la peine qu'il prononce est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d'appréciation (ATF 136 IV 55 c. 5.6; ATF 134 IV 17 c. 2.1).
5.2
Aux termes de l'art. 46 CP, si, durant le délai d'épreuve, le condamné commet un crime ou un délit et qu'il y a dès lors lieu de prévoir qu'il commettra de nouvelles infractions, le juge révoque le sursis ou le sursis partiel. Il peut modifier le genre de la peine révoquée pour fixer, avec la nouvelle peine, une peine d'ensemble conformément à l'art. 49 CP. S'il n'y a pas lieu de prévoir que le condamné commettra de nouvelles infractions, le juge renonce à ordonner la révocation. Il peut adresser au condamné un avertissement et prolonger le délai d'épreuve de la moitié au plus de la durée fixée dans le jugement.
5.3
Concernant la quotité du jour-amende, l'art. 34 CP prévoit que le juge fixe le nombre de jours-amende en fonction de la culpabilité de l'auteur (al. 1) et leur montant selon la situation personnelle et économique de l'auteur au moment du jugement, notamment en tenant compte de son revenu et de sa fortune, de son mode de vie, de ses obligations d'assistance, en particulier familiales, et du minimum vital (al. 2).
Selon la jurisprudence (ATF 134 IV 60 c. 6), le montant du jour-amende doit être fixé en partant du revenu que l'auteur réalise en moyenne quotidiennement, quelle que soit la source, car c'est la capacité économique réelle de fournir une prestation qui est déterminante. Constituent des revenus, outre ceux d'une activité lucrative dépendante ou indépendante, notamment les revenus d'une exploitation industrielle, agricole ou forestière, ainsi que les revenus de la fortune (loyers et fermages, intérêt du capital, dividendes, etc.), les contributions d'entretien de droit public ou privé, les prestations d'aide sociale ainsi que les revenus en nature. Ce qui est dû en vertu de la loi ou ce dont l'auteur ne jouit pas économiquement doit en être soustrait. Il en va ainsi des impôts courants, des cotisations à l'assurance-maladie et accidents obligatoire, ou encore des frais nécessaires d'acquisition du revenu, respectivement pour les indépendants, des frais justifiés par l'usage de la branche. Le principe du revenu net exige que seul le disponible excédant les frais d'acquisition du revenu soit pris en considération, dans les limites de l'abus de droit.
La loi se réfère, enfin, au minimum vital, dont la portée dans la fixation de la quotité du jour-amende demeure peu claire. On peut cependant conclure des travaux préparatoires que ce minimum vital ne correspond pas à celui du droit des poursuites et que la part insaisissable des revenus (art. 93 LP [Loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite du 11 avril 1889; RS 281.1]) ne constitue pas une limite absolue. S'il fallait, dans chaque cas, établir le minimum vital du droit des poursuites et que seul soit disponible l'excédent, un cercle étendu de la population (personnes en formation, étudiants, conjoints s'occupant du ménage, chômeurs, bénéficiaires de l'assistance sociale, requérants d'asile, marginaux, etc.) serait exclu de la peine pécuniaire. Cela n'était précisément pas la volonté du législateur (TF 6B_845/2009 du 11 janvier 2010, c. 1.1.5).
5.4
5.4.1
N._ s'est rendu coupable d'opposition aux mesures visant à déterminer l'incapacité de conduire, en concours avec l'infraction de conduite en se trouvant dans l'incapacité de conduire. Il n'existe aucun élément à décharge. A charge, outre le concours d'infractions, on peut relever que l'appelant a récidivé pendant le délai d'épreuve qui lui avait été accordé en 2010.
Compte tenu de la culpabilité du prévenu, la peine de 50 jours-amende prononcée par le premier juge est adéquate et doit être confirmée. Cette peine est complémentaire à celle prononcée le 29 mai 2012 par le Ministère public de l'arrondissement de Lausanne. Contrairement à ce qui est soutenu par l'appelant par voie de jonction, c'est la peine de 40 jours-amende infligée le 29 mai 2012 qui est clémente, non pas celle de 50 jours-amende infligée pour les faits objet de la présente cause. L'intéressé persiste à nier avoir commis une faute et n'a fait preuve d'aucune prise de conscience. Le pronostic quant à son comportement futur est dès lors défavorable. La peine doit être ferme.
En outre, l'exécution de la peine prononcée n'est pas suffisante pour détourner le prévenu de la commission de nouvelles infractions, tant la prise de conscience de la gravité des risques qu'il prend au volant est inexistante. Il convient en conséquence de révoquer le sursis octroyé en 2010.
5.4.2
S'agissant de la quotité du jour-amende, celle-ci doit être fixée d'après la nouvelle situation économique du prévenu (art. 391 al. 2 CPP), étant relevé que celle fixée en première instance était trop faible.
L'intéressé a indiqué aux débats d'appel percevoir depuis le 1
er
janvier 2013 un revenu mensuel brut de 7'500 francs. Il faut déduire de ce montant son minimum vital, par 1'200 fr., ses primes d'assurance-maladie, par 400 fr., et ses impôts, par 2'000 francs. Partant, il lui reste un disponible mensuel de 3'900 fr., soit 130 fr. par jour.
Compte tenu de la situation personnelle et économique de l'appelant, le montant du jour-amende doit être arrêté à 80 francs.
5.5
Au final, c'est une peine pécuniaire ferme de 50 jours-amende à 80 fr. qu'il convient d'infliger au prévenu, étant précisé que cette peine est complémentaire à celle prononcée le 29 mai 2012 par le Ministère public de l'arrondissement de Lausanne.
6.
En définitive, l’appel formé par N._ et l'appel joint formé par le Ministère public doivent être rejetés, le dispositif étant rectifié d'office à son chiffre II.
Vu l'issue de la cause, les frais de la procédure d'appel doivent être mis pour deux tiers à la charge de N._, le solde étant laissé à la charge de l'Etat (art. 428 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
2fcefe33-ab02-49a9-8ebd-6b10b170ab60 | En fait :
A.
Par jugement du 7 novembre 2011, le Tribunal de police de l’arrondissement de l’Est vaudois a libéré Z._ de l’accusation d’infraction par négligence à la loi fédérale sur l’acquisition d’immeubles par des personnes à l’étranger.
Statuant sur appels du Ministère public et du Département de l'économie, la Présidente de la Cour d’appel pénale a, par arrêt du 13 avril 2012, admis les appels (I), annulé le jugement du Tribunal de police de l’arrondissement de l’Est vaudois (II) et renvoyé la cause à cette instance pour nouveau jugement (III), en considérant que le Département de l'économie n’avait pas été partie à la procédure de première instance en violation de l’art. 7 de la loi d’application de la loi fédérale du 16 décembre 1983 sur l’acquisition d’immeubles par des personnes à l’étranger (LVLFAIE; RSV 211.51) (CAPE 111/2012).
Par jugement du 26 novembre 2012, le Tribunal de police de l’arrondissement de l’Est vaudois a libéré Z._ des fins de la poursuite pénale (I), lui a alloué une indemnité fondée sur l’article 429 al. 1 let. a et b CPP de 3'000 fr. (II) et a dit que les frais étaient laissés à la charge de l’Etat (III).
B.
Séance tenante, soit à l’issue de la communication orale du jugement du 26 novembre 2012, le Département de l'économie a formé appel de ce jugement. Par déclaration d’appel du 17 décembre 2012, il a conclu à la réforme du dispositif du jugement entrepris en ce sens que Z._ est condamné pour violation de l’art. 29 al. 2 LFAIE (loi fédérale du 16 décembre 1983 sur l’acquisition d’immeubles par des personnes à l’étranger; RS 211.412.41), qu’aucune indemnité ne lui est allouée et que les frais de justice sont mis à sa charge.
Le 6 décembre 2012, le Ministère public a annoncé faire appel de ce jugement. Par déclaration d’appel motivée du 21 décembre 2012, il a conclu à sa réforme en ce sens qu’il est constaté que Z._ s’est rendu coupable de violation de la LFAIE par négligence (art. 29 al. 2 LFAIE) (I), qu’il est condamné à une amende de 6'000 fr., convertible en soixante jours de peine privative de liberté de substitution en cas de non-paiement (II), et qu’il est condamné au paiement des frais de justice (III).
Par acte du 25 janvier 2013, Z._ a conclu au rejet des appels déposés par le Département de l'économie et le Ministère public. Il a déposé un appel joint, concluant, sous suite de frais et dépens, à ce que le chiffre II du dispositif du jugement attaqué est réformé en ce sens qu’une indemnité fondée sur l’art. 429 al. 1 let. a et b CPP d’un montant de 20'000 fr. lui est allouée. Il a produit une pièce.
Dans ses déterminations du 25 mars 2013, le Département de l'économie a confirmé son appel et conclu au rejet de l’appel joint formé par Z._.
Dans ses déterminations du 25 mars 2013, Z._ a conclu au rejet des appels principaux et a confirmé les conclusions prises dans son appel joint du 25 janvier 2013.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1. a)
Z._ est né le 3 juin 1957 à Bruxelles. Il a été élevé par ses parents en Suisse. Il a un frère cadet et a fait ses études de droit, à [...]. Il est marié et père de quatre enfants qui sont encore tous scolarisés. Il pratique le notariat à [...] et réalise un revenu annuel de l’ordre de 200'000 francs.
Son casier judiciaire est vierge.
b)
Z._ a fait l’objet de deux poursuites disciplinaires. Toutes deux se sont soldées par un classement. La première procédure a été ouverte suite au rapport établi le 17 juillet 2000 par le notaire D._, relatant son inspection ordinaire du 24 mai 2000. La décision d’ouverture d’enquête retenait à la charge du notaire des imprécisions et un manque de rigueur dans la rédaction de ses actes pouvant conduire à une possible infraction à la loi sur le notariat du 10 décembre 1956. Par décision du 26 mars 2002, la Chambre des notaires a classé l’enquête, sans suite et sans frais, les enquêteurs ayant conclu qu’il existait un manquement qui n’était toutefois pas suffisamment caractérisé pour être sanctionné (P. 50/1a et b). Cependant, l’attention de l’intéressé a été attirée sur les risques que les imprécisions relevées dans les actes instrumentés par lui faisaient courir le cas échéant aux clients et au notaire, l’officier public étant exhorté à plus de rigueur à l’avenir (P. 50/1a). Quant à la seconde procédure disciplinaire, elle a été initiée par la Commission foncière, section II (ci-après: CFII), par dénonciation du 24 août 2009. Elle reprochait à Z._ d’avoir ouvert un «
compte de construction
» dont les ayants droit économiques n’étaient pas clairement définis, ce qui était contraire à l’art. 44 al. 2 LNo (Loi sur le notariat du 29 juin 2004; RSV 178.11). Par décision du 4 août 2010, la Chambre des notaires a classé cette enquête sans suite. Elle a constaté des manquements à l’art. 44 LNo, mais a considéré, vu l’absence de conséquences et le peu de gravité des irrégularités commises, qu’il convenait de s’abstenir de prononcer une sanction disciplinaire, le notaire étant invité à se conformer scrupuleusement à l’art. 44 LNo (P. 50/2).
2.
2.1
En 2008, la société W._SA, dont le siège est à [...], active dans le domaine de la construction d’immeubles, était propriétaire de sept parts de copropriété par étages (PPE) sur l’immeuble «
[...]
», sis à [...].
A [...], le 11 janvier 2008, le notaire Z._ a instrumenté un acte constitutif de cédules hypothécaires grevant les parts de PPE, propriété de la société W._SA. Cet acte mentionne notamment ceci:
“(...) Par devant Z._, notaire à [...] au Pays d’Enhaut,
se présente:
au nom de
W._SA, société anonyme dont le siège est à [...],
L._, domiciliée à [...],
laquelle engage valablement dite société par sa signature individuelle.
W._SA, par l’organe de sa représentante, expose tout d’abord que la société G._B.V., lui a octroyé un prêt dont les conditions font l’objet d’une convention séparée, conditionné à la remise par la propriétaire de gages immobiliers pour un montant total de dix millions de francs.
En conséquence, W._SA déclare créer trois fois deux cédules hypothécaires
AU PORTEUR
du capital respectif de
UN MILLION QUATRE CENT QUARANTE MILLE FRANCS
UN MILLION SEPT CENT QUARANTE MILLE FRANCS
UN MILLION HUIT CENT VINGT MILLE FRANCS
dont elle se reconnaît débitrice (...)".
Le notaire Z._ a ensuite adressé une réquisition d’inscription de cet acte constitutif de cédules hypothécaires au Conservateur du Registre foncier du Pays-d’Enhaut.
A réception de cet acte, le Conservateur du Registre foncier du Pays d’Enhaut a relevé qu’il y avait «
incertitude sur l’assujettissement au régime de l’autorisation
». Il a donc invité le notaire Z._ à saisir la Commission foncière, section II, autorité compétente en matière de LFAIE.
Par lettre du 10 mars 2008, la CFII a écrit à Z._ ce qui suit :
“(...) Maître,
La commission foncière section II (CFII) a pris connaissance, au cours de sa séance du 7 mars 2008, de votre correspondance du 21 février 2008.
Elle fait suite à une mise en suspens de la Conservatrice du Pays d’Enhaut qui avait des doutes sur l’assujettissement au régime de l’autorisation de ces constitutions de gages immobiliers.
Vos explications ne permettent pas d’exclure l’application de l’art. 4 al. 1 litt. g LFAIE. Un financement important et insolite à l’étranger, garanti par des immeubles en Suisse, semble a priori nécessiter l’octroi d’une autorisation. Par conséquent, la CFll vous prie de lui faire parvenir une requête lui permettant de comprendre le sens de l’opération (pièces à l’appui) et de prendre une décision formelle (...)”.
Le 27 novembre 2008, W._SA a retiré sa réquisition d’inscription de l’acte constitutif de cédules hypothécaires du 11 janvier 2008.
2.2
Entendu le 15 septembre 2009 par le Juge d’instruction, Z._ a notamment déclaré : «
A la fin de l’année 2007, j’ai été contacté par T._ et M._. J’ai été informé que les intéressés étaient en affaires; il s’agissait d’un projet hôtelier dans les Antilles néerlandaises. M._ voulait garantir un prêt de six millions d’euros consenti à T._. Ce dernier souhaitait constituer des cédules hypothécaires grevant les lots invendus de la « [...]». Personnellement, j’ai déconseillé à T._ de constituer des cédules hypothécaires en lui expliquant que cette opération était trop onéreuse pour le but à atteindre. T._ et M._ sont finalement tombés d’accord et m’ont demandé de concrétiser leur projet en établissant un acte constitutif de cédules hypothécaires. Je tiens à souligner que jusque là, selon les informations dont je disposais, il s’agissait d’un prêt entre M._ et T._. Au dernier moment, M._ m’a demandé de mentionner le nom de la société G._B.V. comme créancier. Je me suis alors assuré du fait que cette société appartenait à 100% à M._. Sur le moment, je n’ai pas vu de problème dans la mesure où M._ était domicilié en Suisse et que la société G._B.V. lui appartenait. Avec le recul, il me semble que j’ai commis une erreur. En acceptant d’inscrire la société étrangère G._B.V. comme créancière, j’ai négligé le fait que cette société devenait détentrice de droits économiques sur un immeuble sis en Suisse. J’aurais clairement dû refuser de permettre à une société étrangère de se faire remettre les cédules éventuellement constituées. J’insiste sur le fait que je n’ai rien voulu cacher dans la mesure où le nom de la société G._B.V. figure clairement dans l’acte
» (PV aud. 3 p. 4 lignes 123 ss).
Entendu à nouveau le 22 septembre 2010, il a encore déclaré : «
Cette opération ne tombait pas sous le coup de la LFAIE dans la mesure où l’immeuble constitué en PPE était déjà construit et que son financement était déjà assuré. J’insiste encore sur le fait que la détention par G._B.V. d’un droit de gage sur ces lots de PPE ne lui permettait pas d’en devenir propriétaire. G._B.V. aurait tout au plus pu requérir la vente des lots de PPE frappés de gage. Elle n’aurait pas pu devenir propriétaire de ces lots sans demander les autorisations nécessaires prévues par la LFAIE
» (PV aud 7 p. 2 lignes 61 à 68). Il a donné les mêmes explications dans la lettre qu’il a adressée le 21 février 2008 à la CFII (P. 20/5.1). | En droit :
1.
Selon l’art. 399 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit (al. 1). La déclaration d’appel doit être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (al. 3). L'appel joint doit, quant à lui, être interjeté dans un délai de vingt jours dès la réception de la déclaration d'appel (art. 400 al. 3 CPP).
Interjetés dans les forme et délais légaux contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (cf. art. 398 al. 1 CPP), les appels du Département de l'économie et du Ministère public sont recevables. Il en va de même de l’appel joint de Z._.
Les appels et l’appel joint concernant une contravention, la présente cause est de la compétence d'un membre de la cour d'appel statuant comme juge unique (art. 14 al. 3 LVCPP; Loi d'introduction du Code de procédure pénale suisse du 19 mai 2009, RSV 312.01).
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète des faits et pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance.
L’art. 398 al. 4 CPP dispose que, lorsque seules les contraventions ont fait l’objet de la procédure de première instance, l’appel ne peut être formé que pour le grief que le jugement est juridiquement erroné ou que l’état de fait a été établi de manière manifestement inexacte ou en violation du droit. Aucune nouvelle allégation ou preuve ne peut être produite.
Cet appel restreint a été prévu pour les cas de peu d’importance, soit ceux qui concernent des infractions mineures, le droit conventionnel international admettant en pareil cas des exceptions au droit à un double degré de juridiction (Kistler Vianin, in: Kuhn/Jeanneret [éd.], Code de procédure pénale suisse, Commentaire romand, Bâle 2011, n. 22 et 23 ad art. 398 CPP).
En l’espèce, il n’est pas contesté que seule une contravention à la législation sur l’acquisition d’immeubles par des personnes à l’étranger a fait l’objet de l’accusation et du jugement de première instance. Il en découle que l’appel est restreint par l’art. 398 al. 4 CPP. La liste d’opérations de son avocat produite par Z._ à l’appui de son appel joint du 25 janvier 2013 s’avère toutefois recevable, cette pièce étant déposée pour répondre aux exigences de l’art. 429 al. 2 CPP qui impose une instruction d’office.
3.
Les appelants principaux reprochent au tribunal de première instance d’avoir fait une mauvaise application du droit en considérant que le comportement de Z._ ne relevait pas d’une violation de la LFAIE ou de la LNo. Ils soutiennent que la contravention est bien réalisée, l’intimé ayant fourni par négligence des informations incomplètes concernant une opération susceptible de tomber sous le coup de la LFAIE.
3.1
Aux termes de l’art. 29 LFAIE, quiconque, intentionnellement, fournit à l’autorité compétente, au conservateur du registre foncier ou au préposé au registre du commerce des indications inexactes ou incomplètes sur des faits dont pourrait dépendre l’assujettissement au régime de l’autorisation ou l’octroi de celle-ci, ou exploite astucieusement une erreur de l’autorité, est puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire (al. 1). Quiconque, par négligence, fournit des indications inexactes ou incomplètes, est puni de l’amende jusqu’à 50’000 francs (al. 2).
En l’espèce, comme on l’a vu seule la contravention de l’art. 29 al. 2 LFAIE entre en ligne de compte.
3.2
En premier, il s’impose d’examiner la question de la prescription.
3.2.1
L’art. 32 LFAIE dispose que l’action pénale se prescrit par deux ans pour le refus de fournir des renseignements ou de produire des documents (let. a), par cinq ans pour les autres contraventions (let. b), par dix ans pour les délits (let. c) (al. 1). La peine infligée pour une contravention se prescrit par cinq ans (al. 2).
L’art. 333 CP qui régit l’application de la partie générale du Code pénal aux autres lois fédérales, à moins que celles-ci ne contiennent des dispositions en la matière, énonce à son alinéa 6 lettre d que la prescription de l’action pénale ne court plus si, avant son échéance, un jugement de première instance a été rendu. La LFAIE a toutefois été adaptée au nouveau droit pénal général et désormais l’interruption de prescription par jugement est régie par l’art. 97 al. 3 CP en vertu du renvoi de l’art. 333 al. 1 CP. La notion de jugement de première instance, à partir duquel la prescription ne court plus (art. 97 al. 3 CP), visait les prononcés de condamnation et non les prononcés d'acquittement (ATF 134 IV 328 c. 2.1; cf. ég. TF 6B_242/2011 du 15 mars 2012, SJ 2012 I 314; Kistler Vianin, op. cit., n. 7 ad art. 402 CPP), de sorte qu'en l'espèce, selon cette ancienne jurisprudence, la prescription n’aurait pas été interrompue par le jugement d’acquittement du 26 novembre 2012.
3.2.2
Cinq ans s’étant écoulés le 11 janvier 2013 à compter de l’instrumentation de l’acte notarié du 11 janvier 2008 [ou du 21 janvier 2008, soit la date de la réquisition (cf. P. 20/4.2)] au 21 janvier 2013, la prescription pénale serait aujourd’hui acquise, si bien que l’action pénale serait éteinte, ce qui constituerait un empêchement de procéder (Kistler Vianin, op. cit., n. 10 ad art. 403 CPP). Il en résulterait que le jugement d’acquittement ne pourrait qu’être confirmé en ce qui concerne la non culpabilité du prévenu et que les appels du Département de l'économie et du Ministère public devraient être rejetés sur ce point.
Toutefois, dans un arrêt du 11 décembre 2012, la Cour pénale du Tribunal fédéral, siégeant à cinq juges, a modifié sa jurisprudence en retenant que l’interprétation, notamment littérale, de l’art. 97 al. 3 CP avait pour conséquence que les jugements libératoires de première instance étaient également interruptifs de prescription, celle-ci ne courant plus (arrêt TF 6B_771/2012). Les revirements de jurisprudence ne sont pas assimilés à des modifications de la loi pénale et le principe de la lex mitior ne s’applique pas dans de telles circonstances. Pour corriger le manque d’équité susceptible d’en découler, certains auteurs proposent de recourir à l’erreur sur l’illicéité au sens de l’art. 21 CP (Dupuis et alli, Petit commentaire du Code pénal, Bâle 2012, n. 23 ad art. 2 CP). Quoi qu’il en soit, il résulte de ce récent changement de jurisprudence que la contravention reprochée au prévenu n’est en définitive pas prescrite.
3.3
Il convient donc d’examiner si Z._ s’est rendu coupable de la contravention de l’art. 29 al. 2 LFAIE.
3.3.1
Comme l’a vu le premier juge, la loi vaudoise sur le notariat impose certes au notaire de vérifier l’identité des intervenants dans l’instrumentation (art. 39 al. 2 LNo) et, lorsqu’il dresse un acte authentique, d’y faire figurer notamment le nom et le siège des personnes morales parties (art. 56 al. 1 ch. 3 LNo). Cependant, dans le cas d’espèce, la société hollandaise G._B.V. n’était précisément pas partie à l’acte et elle n’y était citée que comme tierce personne créancière de W._SA, propriétaire du bien-fonds sur lequel les cédules étaient constituées, à laquelle elle avait octroyé un prêt. On ne saurait donc retenir, sur la base de cette loi, la violation d’un devoir de prudence.
3.3.2
Dans la LFAIE, la notion d’acquisition d’immeubles comprend notamment l’acquisition de droits qui confèrent à leur titulaire une position analogue à celle du propriétaire d’un immeuble (art. 4 al. 1 let. g LFAIE). Ainsi, selon l’art. 1 al. 1 let. a OAIE (Ordonnance du 1
er
octobre 1984 sur l’acquisition d’immeubles par des personnes à l’étranger; RS 211.412.411), il y a acquisition d’immeubles en cas de participation à la constitution ou, si par ceci l’acquéreur renforce sa position, à l’augmentation du capital de personnes morales dont le but réel est l’acquisition d’immeubles (art. 4 al. 1 let. e LFAIE) qui n’est pas soustraite au régime de l’autorisation au sens de l’art. 2 al. 2 let a LFAIE (immeuble servant d’établissement stable pour exercer une activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale). En application de ces règles, il y a donc acquisition d’immeubles au sens de la LFAIE, condition objective de l’assujettissement, en cas de constitution d’un droit de gage immobilier (par exemple une cédule hypothécaire) pour couvrir des prêts, si le montant des crédits octroyés placent le débiteur, le propriétaire, l’acquéreur ou le maître de l’ouvrage, vu sa situation financière, dans un rapport de dépendance particulière à l’égard du créancier (P. 86.4, n. 77). L’art. 6 al. 2 let. d LFAIE pose à cet égard la présomption que la personne qui a mis à la disposition de la personne morale des fonds remboursables dont la somme excède la moitié de la différence entre l’ensemble des actifs de la personne morale et l’ensemble des dettes contractées par celle-ci auprès de personnes non assujetties au régime de l’autorisation est dominante d’une société.
Par personnes à l’étranger, l’art. 5 al. 1 let. b LFAIE entend notamment les personnes morales ayant leur siège statutaire ou réel à l’étranger.
Si l’acquéreur comme tel doit requérir une décision en constatation de l’autorité de première instance lorsque l’assujettissement au régime de l’autorisation n’est pas d’emblée exclu (art. 15 al. 1 OAIE), la désignation des personnes tenues de cette obligation légale est formulée de manière beaucoup plus large. En effet, toute personne dont l’assujettissement au régime de l’autorisation n’est pas d’emblée exclu doit, sitôt après la conclusion de l’acte juridique, ou, à défaut d’un tel acte, sitôt après l’acquisition, requérir l’autorisation d’acquérir l’immeuble ou faire constater qu’elle n’est pas assujettie (art. 17 al. 1 LFAIE). Ce devoir de signalement, en cas de doute sur l’exclusion de l’assujettissement, peut concerner un notaire (Mooser, Le droit notarial en Suisse, Berne 2005, n. 371) qui doit fournir au Registre foncier, destinataire d’un acte notarié, des indications exactes sur le financement étranger d’un achat d’immeuble (ATF 121 IV 184).
3.3.3
Dans le cas d’espèce, W._SA a bénéficié d’un prêt de 6'000'000 d’euros accordé par la société hollandaise à responsabilité limitée G._B.V., établie à [...] (contrat de prêt; P. 28/1 et 1bis). Des cédules au porteur à concurrence de 10'000'000 fr., grevant en deuxième rang un immeuble suisse déjà grevé de gages immobiliers remis à une banque suisse à concurrence de 4'200'000 fr., ont été constituées pour garantir ce prêt. L’établissement de cet acte imposait dès lors de ne pas exclure un assujettissement et donc de requérir l’autorisation visée à l’art. 17 al. 1 LFAIE. Une autre option aurait consisté à faire constater le non assujettissement si des arguments pertinents permettaient de le contester. Tant le Conservateur du registre foncier que la Commission foncière ont en effet d’emblée considéré que l’opération pouvait tomber sous le régime de l’assujettissement.
L’intimé a adopté un comportement intermédiaire en transmettant la réquisition d’inscription au Registre foncier sans évoquer le moindre doute sur le non assujettissement implicite qui en découlait.
Au vu de l’importance économique des gages par rapport à la valeur de l’immeuble, ainsi que de la nationalité et du siège étranger de la créancière gagiste, le prévenu aurait dû se douter que la constitution des cédules en vue de leur remise à la société étrangère postulait un assujettissement à la LFAIE ou en tout cas ne permettait pas de l’exclure. A cet égard, il a d’ailleurs admis avoir commis une erreur en acceptant d’inscrire la société étrangère G._B.V. comme créancière tout en négligeant le fait que cette société devenait détentrice de droits économiques sur un immeuble sis en Suisse. Il a ajouté qu’il aurait clairement dû refuser de permettre à une société étrangère de se faire remettre les cédules éventuellement constituées (PV aud. 3 p. 4 ligne 138). Il a également soutenu, lors de sa deuxième audition, avoir pensé que l’importance des cédules pouvait éventuellement faire naître un soupçon d’assujettissement à la LFAIE (PV aud. 7 lignes 56 et 57).
Dès lors, le prévenu devait fournir au conservateur du Registre foncier des informations complètes pour analyser cette question, soit, en particulier indiquer la nationalité étrangère ou le siège à l’étranger de la société créancière, pas forcément dans l’acte, mais, par exemple, dans une lettre de transmission. L’abréviation B.V. (beslosten vennootschap) désigne certes en droit commercial hollandais les sociétés à responsabilité limitée «
privées
» (type Sàrl), mais cette indication, qui n’est pas notoire, était en tant que telle insuffisante pour souligner la problématique de l’assujettissement. Avant de mettre l’acte en suspens, le conservateur du Registre foncier a ainsi dû procéder à des recherches pour vérifier qu’il ne s’agissait pas d’une entité inscrite au Registre du commerce en Suisse. De même, dès lors qu’il s’agissait d’une position dominante d’une personne morale ayant son siège à l’étranger, le notaire ne pouvait pas raisonnablement exclure l’assujettissement en escomptant, sur la base d’assurances orales non vérifiées, qu’ultérieurement les cédules seraient transmises à une personne physique détentrice d’un permis de séjour en Suisse. En se persuadant, par le recours à une sorte d’hypothétique «
Durchgriff
», que l’acte pouvait être instrumenté sans autre, Z._ s’est comporté avec légèreté.
En définitive, l’intimé a bien contrevenu à son devoir de prudence tel qu’il résulte des art. 17 et 29 LFAIE. Subjectivement, on peut lui reprocher un manque blâmable d’effort dès lors qu’il disposait de tous les éléments pour renseigner correctement les autorités compétentes ou qu’il pouvait facilement les obtenir. Il doit donc être déclaré coupable de la contravention de l’art. 29 al. 2 LFAIE.
3.4
Dans son appel, le Ministère public a conclu à ce que l’amende soit fixée à 6'000 francs.
3.4.1
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
Aux termes de l’art. 106 al. 1 CP, sauf disposition contraire de la loi, le montant maximum de l’amende est de 10'000 francs. Toutefois, la contravention de l’art. 29 al. 2 LFAIE est passible d’une amende jusqu’à 50 000 francs.
En vertu de l'art. 106 al. 3 CP, le juge fixe l'amende ainsi que
la peine privative de liberté de substitution en tenant compte de la situation de l'auteur afin que la peine corresponde à la faute commise. Selon la jurisprudence relative à l’art.
48 al. 2 aCP, applicable à l’art. 106 al. 3 CP, le juge doit tenir compte du revenu de l’auteur et de sa fortune, de son état civil et de ses charges de famille, de sa profession et de son gain professionnel, de son âge et de son état de santé, ainsi que de l’économie réalisée par la commission de l’infraction (ATF 129 IV 6 c. 6, JdT 2005 IV 215; Dupuis et alli, op. cit., n. 7 ad art. 106 CP).
3.4.2
Au regard de sa formation de notaire et de son statut d’officier public, de sa pratique de la LFAIE dans une région touristique, la faute de l’intimé revêt une certaine importance en tant qu’elle manifeste un manque marqué de vigilance dans l’application de ce texte. De même, certaines justifications qu’il avance inquiètent par la tendance à la légèreté, voire à la crédulité, qu’elles révèlent, alors que de tels traits de caractère sont insolites dans sa profession. Le manque de rigueur ressort des procédures disciplinaires qui ont été dirigées à son encontre et qui ont donné lieu à des mises en garde.
A décharge, il y a toutefois lieu de prendre en considération le fait que la réquisition litigieuse a en définitive été rapidement retirée et que les autorités compétentes avaient immédiatement perçu une possible acquisition étrangère, circonstances qui ont exclu tout risque concret d’acquisition illicite. De plus, la réalisation de la circonstance atténuante de l’écoulement du temps associée à un bon comportement (art. 48 let. e CP), au point que ce n’est que par un retournement de jurisprudence que la contravention n’est pas prescrite (cf. supra 3.2), contribuent à alléger la sanction.
En définitive, une amende de 1'000 fr. est adéquate. A défaut de paiement de l’amende, la peine privative de liberté de substitution sera de 10 jours.
4.
Tant le Département de l'économie que le Ministère public ont conclu à la condamnation du prévenu aux frais de première instance.
4.1
L’art. 426 al. 1 CPP prévoit que le prévenu supporte les frais de procédure s’il est condamné.
4.2
En l’espèce, le premier juge a mis l’entier des frais à la charge de l’Etat en raison de l’acquittement du prévenu et a d’office alloué à celui-ci une indemnité de 3'000 fr. pour ses frais de défense pénale depuis juillet 2010. Au vu de la condamnation de Z._ à la contravention de l’art. 29 al. 2 LFAIE, il sied de répartir les frais de procédure conformément à l’art. 426 al. 1 CPP.
Dans son ordonnance pénale et de classement du 16 mars 2011, sur un total de 4'680 fr. 35, le Ministère public avait mis 2'000 fr. de frais à la charge du prévenu et laissé le solde à la charge de l’Etat en raison du classement du reste de la procédure. Cette répartition, non contestée en tant que telle, peut être confirmée. En revanche, l’entier de l’émolument d’audience du Tribunal de police, soit 700 fr. (art. 19 al. 1 TFJP), doit être supporté par l’intimé puisque à cette étape de la procédure seule la contravention LFAIE en relation avec les cédules était encore en cause.
5.
Le Département de l'économie a conclu à ce qu’aucune indemnité ne soit allouée à Z._. De son côté, le Ministère public a conclu implicitement à la suppression de toute indemnité de l’art. 429 CPP.
L’appelant par voie de jonction a, quant à lui, conclu à ce que son indemnité pour ses frais de défense en première instance soit augmentée de 3'000 fr. à 20'000 francs.
5.1
Selon l'art. 429 al. 1 let. a CPP, si le prévenu est acquitté totalement ou en partie, il a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure. L'autorité pénale peut toutefois réduire ou refuser l'indemnité si le prévenu a provoqué illicitement et fautivement l'ouverture de la procédure (art. 430 al. 1 let. a CPP).
Les principes qui régissent la condamnation aux frais d'un prévenu libéré (art. 426 al. 2 CPP) valent également, mutatis mutandis, pour le refus d'une indemnité au sens de l'art. 430 al. 1 let. a CPP (TF 1B_179/2011 du 17 juin 2011 c. 4.2; J. Pitteloud, Code de procédure pénale suisse, Commentaire à l'usage des praticiens, Zurich/St-Gall 2012, n. 1314). Ainsi, le sort réservé aux frais est en règle générale le même que pour les indemnités (ATF 137 IV 352 c. 2.4.2; J. Pitteloud, op.cit., n. 1335).
5.2
Il résulte des déterminations adressées le 20 janvier 2011 par l’intimé au Ministère public (P. 52) que le classement des autres points instruits était acquis à ce stade de la procédure, la défense se concentrant sur la contravention relative aux cédules. Aucune prétention en indemnité n’a alors été présentée au Procureur.
Comme Z._ a été libéré de la charge de plus de la moitié des frais, il se justifie de lui allouer une indemnité de l’art. 429 CPP pour les opérations de son défenseur correspondant à l’instruction des faits ayant donné lieu au classement partiel. Le recours à un défenseur était justifié. En effet, même s’il s’agissait uniquement d’une contravention, celle-ci présentait un enjeu important non pas en raison de la quotité de l’amende encourue, mais en raison des conséquences d’une éventuelle condamnation pénale sur une procédure disciplinaire.
Selon la liste produite par Z._, les opérations de son défenseur, du 7 juillet 2010 au 17 mars 2011, ont consisté en une douzaine de lettres ou messages, en quatre séances, conférence et entretien avec le client et le Procureur, en la rédaction d’un mémoire de dix pages denses nécessitant des recherches et un complément de six pages, en la participation à une audience du Juge d’instruction cantonal, en divers examens du dossier et de pièces, ainsi qu’en vacations. Ces activités correspondent à une quinzaine d’heures de travail, soit au tarif horaire de 270 fr. pratiqué pour les indemnisations, un montant total de 4'050 francs. Au taux de 57%, proportion retenue pour la charge des frais laissés à l’Etat, cela représente 2'310 fr. en chiffres arrondis à la dizaine. C’est à ce montant qu’il y a lieu de fixer l’indemnité de défense afférente au classement.
6.
En définitive, les appels du Département de l'économie et du Ministère public sont partiellement admis dans le sens des considérants qui précèdent.
L'appel joint de Z._ est rejeté.
Les frais de la procédure de première instance, d'un montant de total de 5'380 fr. 35, doivent être mis à la charge de Z._, par 2'700 fr., le solde étant laissé à la charge de l’Etat.
Les frais d'appel, par 1'530 fr. (soit 17 pages à 90 fr.; art. 21 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]), doivent être mis à la charge de Z._, qui succombe dans ses conclusions libératoires et d’appel joint (art. 428 al. 1 CPP). Pour le même motif, il n’y a pas lieu de lui allouer une indemnité de l’art. 429 CPP pour la procédure d’appel.
La compensation partielle entre l’indemnité de 2'310 fr. et les frais de première et de deuxième instance (art. 442 al. 4 CPP) doit être constatée. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
2ff6a0c4-9c28-4cc3-a463-2ee34df00cce | En fait :
A.
Par jugement du 3 juin 2015, le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne a, notamment, condamné C._ pour lésions corporelles simples (III) à une peine privative de liberté de 3 mois, peine entièrement complémentaire à celle prononcée le 6 mai 2013 par le Ministère public de l'arrondissement de Lausanne (IV), dit qu'C._ est débiteur à l'égard du plaignant T._ et lui doit immédiat paiement d'un montant de 5'000 fr. à titre de tort moral, avec intérêt à 5% l'an dès le 10 mars 2013, et de 2'634 fr. 55, à titre de dommages et intérêts, valeur échue (V), a renvoyé T._ à
agir devant le juge civil pour le surplus (VI) et mis une part des frais arrêtée à
11'536 fr. 20 à la charge d'C._ (XI).
B.
Par annonce du 8 juin 2015, puis déclaration motivée du 29 juillet 2015, C._ a fait appel de ce jugement. A titre principal, il a conclu à sa libération du chef d'accusation de lésions corporelles simples, à ce qu'il ne soit pas condamné à payer au plaignant 5'000 fr. pour son tort moral et 2'634 fr. 65 pour son dommage, à ce que les frais de première instance, y compris son indemnité de
5'718 fr. 80, soient laissés à la charge de l'Etat et à ce qu'une indemnité d'un montant à préciser en cours d'instance lui soit allouée pour la procédure d'appel. A titre subsidiaire, il a requis l'annulation du jugement entrepris et le renvoi de la cause devant l'autorité de première instance pour qu'elle statue à nouveau.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
C._, né le 23 mai 1976, ressortissant de Bosnie-Herzégovine, a suivi sa scolarité obligatoire dans ce pays où il a obtenu un diplôme de technicien en mécanique. Venu en Suisse en août 1994, il a offert ses services en qualité de plongeur, d’aide de cuisine et de pizzaiolo, puis de 1999 à 2004, dans une entreprise de faux-plafonds. Dès 1996, il a commencé à travailler dans le domaine de la sécurité, d'abord essentiellement durant les week-ends, puis à 60% dans différents établissements. A ce jour titulaire d'un permis C, et après avoir suivi la formation obligatoire d'agent de sécurité en été 2013, c'est à ce taux de 60 % et en cette qualité qu'il œuvre pour la société [...], étant par ailleurs rentier[...] à 23,5%. Le prévenu perçoit un revenu mensuel net de 3’532 fr., allocations familiales comprises. Il est marié et vit dans un appartement avec ses deux enfants et son épouse qui ne travaille pas. Son loyer s’élève à 1’150 fr. par mois, charges comprises. L'assurance-maladie de la famille est subsidiée. L'intéressé a des dettes dont il ignore le montant et n'a pas de fortune.
2.
Le casier judiciaire suisse d'C._ comporte les inscriptions suivantes :
- 3 juin 1999, Tribunal correctionnel de Lausanne, lésions corporelles simples, lésions corporelles simples (avec du poison, une arme ou un objet dangereux), agression, dommages à la propriété, violation de domicile, violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires, emprisonnement de 15 mois ;
- 4 novembre 2008, Office régional du Juge d’instruction du Bas-Valais, lésions corporelles graves, agression, peine privative de liberté de 14 mois, sursis à l’exécution de la peine, délai d’épreuve de 2 ans ;
- 14 juin 2012, Ministère public de l’arrondissement de Lausanne, délit contre la LF sur les armes, peine pécuniaire de 10 jours-amende à 30 francs ;
- 6 mai 2013, Ministère public de l'arrondissement de Lausanne, injure, peine pécuniaire de 10 jours-amende à 20 francs.
3.
Le 10 mars 2013 vers 3h45 à Lausanne, devant le W._,C._, agent de sécurité de l'établissement, a été insulté par T._, alors aviné, qui l'a notamment traité de
"fils de pute de merde"
. Affecté par cette insulte, dès lors que sa mère était à l'hôpital dans un état grave et qu'un autre fêtard venait de le traiter de
"fils de pute",
le prévenu a réagi en giflant T._ au visage. Le prévenu n'a pas participé à la suite de la bagarre.
Après ces faits, se trouvant au sol, T._ a encore été frappé par deux autres agents de sécurité.
T._ a souffert de nombreuses ecchymoses, abrasions et plaies sur le corps et sur le visage, d'une fracture du nez fermée et déplacée, d'une contusion cervicale. Il a également souffert d'un traumatisme crânien, sans que sa vie ne n'ait été mise en danger (P. 4/4 et P. 4/5 et P. 19).
Il a déposé plainte le 5 juin 2013. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux (art. 399 CPP) par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel est recevable.
2.
2.1
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour et (c) pour inopportunité (al. 3).
2.2
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier ; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP ; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
C._ conteste la version des faits retenue par l'autorité de première instance.
Il reproche au tribunal de l'avoir incriminé sur la base des témoignages emprunts de partialité de [...] (ex-employeur avec lequel il est en différend) et d'[...] (compagne de la victime), cela en ignorant qu'il n'avait pas participé à la suite de la bagarre et que la victime aurait pu chuter en raison de son ivresse. Il lui reproche en outre d'avoir écarté les témoignages, à son dire sérieux et concordants, de [...] [...] et [...]i (ce dernier ayant observé toute la scène), selon lesquels T._ était encore debout après avoir été giflé par le prévenu.
Le premier juge aurait ainsi arbitrairement retenu que la gifle assénée par le prévenu avait entraîné la chute du plaignant et ses lésions, ce qu'il ne pouvait pas faire dès lors qu'il existerait à ce sujet un doute important qui aurait dû profiter à l'accusé.
3.1
La constatation des faits est incomplète lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 19 ad art. 398 CPP).
L’art. 10 CPP dispose que toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le Tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Le tribunal se fonde sur l’état de fait le plus favorable au prévenu lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation (al. 3).
Lorsque l'autorité a forgé sa conviction sur la base d'un ensemble d'éléments ou d'indices convergents, il ne suffit pas que l'un ou l'autre de ceux-ci ou même chacun d'eux pris isolément soit à lui seul insuffisant. L'appréciation des preuves doit être examinée dans son ensemble. Le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables au prévenu sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables. Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (CAPE 6 mars 2015/35 c. 3.2.2 et réf.).
3.2
En l'espèce, le tribunal a dû apprécier des témoignages divergents. Il a retenu que le prévenu avait donné à tout le moins une violente gifle à T._. En se fondant sur le témoignage de [...] et les déclarations du coprévenu [...], il s'est déclaré convaincu que le plaignant avait chuté à la suite d'un coup donné par C._, mais qu'il avait pu se relever avec de l'aide et qu'il y avait eu ensuite une deuxième phase de la bagarre, lors de laquelle il avait été frappé alors qu'il était à terre, l'intéressé n'ayant cependant pas participé à cette seconde phase.
Il est constant que l'appelant a donné un coup au plaignant en réaction à une injure. Les versions divergent ensuite pour savoir si le coup a entraîné la chute deT._ de manière à lui causer des lésions.
Confronté à des versions contradictoires, le premier juge a choisi de suivre les déclarations de [...] (PV aud. 1), dont on sait qu'il est en litige avec C._ (jugement, p. 6 :
"J'ai eu un très grand différend avec C._ c'est pourquoi je l'ai licencié
" et p. 22). Sa conviction repose également sur les témoignages du coprévenu, L._, selon lequel le plaignant serait tombé après le coup (PV aud. 9, ligne 44) et se serait relevé avec de l'aide. Il [...], compagne de T._, qui tient le même discours que son conjoint et ajoute que le prévenu se serait ensuite
"mis à cheval"
sur son ami, ce que personne ne confirme.
Or d'autres témoins disent le contraire. [...] indique (PV aud. 8, ligne 64) qu'après la gifle, T._
" n'est pas tombé"
. [...]PV aud. 10, lignes 49s) dit :
"Je ne me souviens pas s'il est tombé, mais il ne me semble pas"
. Quant à [...], qui connaît de vue les prévenus, mais un peu mieux la personne qui a déposé plainte et sa famille (PV aud. 12, lignes 22-33), il explique :
"Après la gifle, T._ était toujours debout. Cette gifle était selon moi un avertissement. Je précise qu'à mon sens, si C._ l'avait frappé de toutes ses forces, cela aurait été plus grave. J'ai dit à C._ de laisser tomber et il s'est retourné pour partir. Là, j'ai vu [...] agripper par derrière T._, ils sont tombés ensemble par terre"
(PV aud. 12, lignes 51-55). Cette version rejoint les déclarations faites durant l'enquête par [...] (PV aud. 5, lignes 60-65) et celles constantes de l'appelant.
L'ensemble des témoignages confirmant la version de l'appelant est de nature à susciter de sérieux doutes sur l'état de fait qui lui est reproché. En particulier celui de [...] plus proche du plaignant que de l'appelant, doit bénéficier d'une certaine force probante, dans la mesure où il n'a pas vraiment de parti pris avec les uns ou les autres. Pourtant, ces éléments n'ont pas été pris en considération.
Par ailleurs, si l'autorité de première instance retient le témoignage de [...] selon lequel le coup donné par le prévenu aurait entraîné la chute de la victime, elle s'en écarte sur d'autres points. En effet, ce témoin déclare que [...] est tombé inconscient (PV aud. 1 ligne 58) et le jugement retient qu'il a pu se relever. Le témoin affirme aussi qu'C._ aurait frappé le plaignant au sol conjointement à H._ (PV aud. p. 5), ce que le jugement exclut précisément. Or, le premier juge n'explique ni les raisons de cette adhésion partielle aux déclarations de ce témoin, ni pour quels motifs il écarte les témoignages favorables à la défense.
3.3
En définitive, il subsiste un doute raisonnable sur le point de savoir si la gifle donnée par le prévenu a fait chuter le plaignant et a entraîné ses lésions et c'est de manière erronée que l'autorité de première instance a tenu ces faits pour établis.
3.4
Les griefs tirés de l'arbitraire et de la violation du principe
in dubio pro reo
sont donc bien fondés.
4.
L'appelant invoque une violation de l'art. 123 CP.
4.1
La jurisprudence fédérale précise que l'art. 123 CP concerne les lésions du corps humain ou de la santé qui ne peuvent être qualifiées de graves au sens de l'art. 122 CP. Il protège l'intégrité corporelle et la santé tant physique que psychique. Sous l'effet d'un choc ou au moyen d'un objet, l'auteur dégrade le corps humain d'autrui, que la lésion soit interne ou externe ; il provoque une fracture, une foulure, une coupure ou toute autre altération constatable du corps humain.
Les voies de fait, réprimées par l'art. 126 CP, se définissent comme des atteintes physiques qui excèdent ce qui est socialement toléré et qui ne causent ni lésion corporelle, ni dommage à la santé. Une telle atteinte peut exister même si elle n'a causé aucune douleur physique.
A titre d'exemples de voies de fait, on peut citer la gifle, le coup de poing ou de pied, les fortes bourrades avec les mains ou les coudes. La distinction entre lésions corporelles simples et voies de fait peut s'avérer délicate, notamment lorsque l'atteinte s'est limitée à des meurtrissures, des écorchures, des griffures ou des contusions. Dans ces cas limites, il faut tenir compte de l'importance de la douleur provoquée. Sur ce point, une certaine marge d'appréciation est laissée au juge du fait, et seul l'abus de ce pouvoir d'appréciation peut conduire à l'annulation de la décision (cf. sur tous ces points, TF 6B_187/2015 du 28 avril 2015 consid. 2.1 et les références citées).
4.2
Le premier juge a retenu que même s'il n'était pas possible de déterminer si le coup donné par le prévenu avait cassé le nez de T._, ou si cette lésion résultait des coups portés par des tiers alors que la victime était à terre, il fallait considérer que le coup avait
"provoqué à n'en pas douter"
une blessure au visage (jugement p. 23), ce qui constituait déjà des lésions corporelles simples et non de simples voies de fait.
Or en l'état, tout ce qui peut être tenu pour établi, c'est que le prévenu a giflé T._, qu'il n'a pas participé à la suite de la bagarre, et qu'une fois au sol, le plaignant été roué de coups par d'autres protagonistes (cf. supra consid. 3). Sur une telle base, on ne peut retenir, comme l'a fait le premier juge, que le geste du prévenu a dû blesser la victime au visage et que la chute qui s'en est suivie a
"très certainement provoqué des blessures et très certainement le traumatisme crânien"
(jugement, p. 24).
4.3
C._ ne doit ainsi être reconnu coupable que de voies de fait au sens de l'art. 126 CP, sur la base de la version des faits qui lui est la plus favorable.
4.4
Le grief de violation de l'art. 123 CP est donc également bien fondé.
5.
L'appelant conclut à sa libération des montants dus pour tort moral et dommage matériel.
5.1
Le premier juge a considéré que le prévenu devait être tenu pour solidairement responsable pour tout ce qui était arrivé au plaignant le soir des faits. Or, C._ n'a pas agi de concert avec d'autres protagonistes dans un projet délictueux commun dont il aurait à répondre de l'ensemble des conséquences. Il ne doit répondre que de sa gifle. Or, on ignore si cette gifle a causé des lésions. Dans ces circonstances seul un tort moral très modique pourrait être envisagé, à supposer qu'il n'y ait pas de faute concurrente du lésé, ce qui est cependant le cas au vu des injures proférées à l'encontre du prévenu.
5.2
L'instruction pénale n'ayant pas permis d'établir un lien entre le comportement du prévenu et les dommages allégués par le plaignant, il convient de donner à ce dernier acte de ses réserves civiles à l'encontre du prévenu.
6.
L'appelant soutient qu'il aurait dû être exempté de toute peine en application de l'art. 177 al. 3 CP.
6.1
A teneur de l'article 177 al. 3 CP, si l'injurié a riposté immédiatement par une injure ou par des voies de fait, le juge pourra exempter de toute peine les deux délinquants ou l'un d'eux. D'après la jurisprudence, l'art. 177 al. 3 CP est un motif facultatif d'exemption de peine. Cette disposition ne garantit donc pas automatiquement une exemption de peine à celui qui répond par une gifle à des insultes, mais confère un large pouvoir d'appréciation au juge (TF 6B_517/2008 du 27 août 2008, consid. 4.2 et la jurisprudence citée).
6.2
En l'espèce, C._ devait réaliser qu'il avait en face de lui un trublion parfaitement éméché. Son métier, pour lequel il a reçu une formation (PV aud. 7) lui imposait une certaine retenue (PV aud. 1 p. 2) et une faculté d'analyse de la situation. Sa gifle ne trouve donc pas de justification, même s'il a conçu que l'injure visait sa mère, qui se trouvait hospitalisée. Sa réaction a été démesurée et ne peut se justifier.
6.3
L'argument tiré de l'art. 177 al. 3 CP ne peut pas être suivi, et il convient d'infliger une peine au prévenu.
7.
L'appelant conteste la peine fixée en première instance qu'il trouve trop sévère. Il se prévaut d'une violation des art. 41 et 47 CP.
7.1
Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 c. 2.1 p. 19 s.; 129 IV 6 c. 6.1 p. 20).
Selon l'art. 41 CP, le juge peut prononcer une peine privative de liberté ferme de moins de six mois uniquement si les conditions du sursis à l'exécution de la peine (art. 42 CP) ne sont pas réunies et s'il y a lieu d'admettre que ni une peine pécuniaire ni un travail d'intérêt général ne peuvent être exécutés. L'art. 41 al. 1 CP prévoit ainsi deux conditions cumulatives. Il faut d'abord que les conditions du sursis à l'exécution de la peine ne soient pas réunies. La seconde condition reflète la subsidiarité de la peine privative de liberté. Le juge ne peut prononcer une peine privative de liberté de moins de six mois que s'il y a lieu d'admettre que ni une peine pécuniaire ni un travail d'intérêt général ne peuvent être exécutés (art. 41 al. 1 CP). Dans un arrêt 6B_599/2011 du 16 mars 2012, le Tribunal fédéral pose que le juge doit motiver le choix de la courte peine privative de liberté ferme de manière circonstanciée. Il ne lui suffit pas d'expliquer pourquoi une peine privative de liberté ferme semble adéquate, mais il devra également mentionner clairement en quoi les conditions du sursis ne sont pas réunies, en quoi il y a lieu d'admettre que la peine pécuniaire ne paraît pas exécutable et en quoi un travail d'intérêt général ne semble pas non plus exécutable (consid. 3.1 in fine et les réf. citées). Une peine pécuniaire peut être exclue pour des motifs de prévention spéciale (TF 6B_128/2011 du 14 juin 2011, consid. 3.4) ou parce qu'elle prive le prévenu du nécessaire, voire de l'indispensable (ATF 134 IV 97 consid. 5.2.3).
7.2
Au vu des faits retenus, la peine doit être réduite.
A la charge dC._ on retient que sa gifle ne trouve pas de justification. A sa décharge, on considèrera qu'il été provoqué par le comportement injurieux du plaignant. Une amende de 1'000 fr. (art. 106 CP) est dès lors adéquate pour sanctionner cette contravention. Elle tient lieu également de sanction immédiate (art. 42 al. 4 CP).
7.3
L'amende infligée au prévenu étant d'un genre différent à celle de
jours-amende prononcée le 6 juin 2013, elle ne lui est pas complémentaire (art. 49 al. 1 CP et TF 6B_1082 du 18 juillet 2011 consid. 2.2 et les références citées).
7.4
Au vu des éléments qui précèdent, l'art. 41 CP n'était pas applicable.
La motivation du jugement attaqué est d'ailleurs insuffisante sur ce point (cf. jugement p. 25; art. l'art. 50 CP).
8.
Il reste à statuer sur les frais et les indemnités.
8.1.1
Le jugement attaqué met à charge dC._ la moitié des frais de la cause (y compris la moitié de l'indemnité d'office servie au conseil du plaignant) et la totalité de ses propres frais (dont notamment l'indemnité due à son défenseur d'office). Au vu de l'état de fait retenu, l'implication du prévenu dans les faits objets de la présente cause est marginale. Il se voit reconnu coupable d'une simple contravention. Il convient donc de ne mettre à sa charge qu'une part des frais de première instance arrêtée à 2'000 fr. pour toutes choses, le solde ─ [comprenant l'indemnité allouée à son défenseur d'office selon le chiffre IX du dispositif de première instance]─, étant laissé à la charge de l'Etat (art. 423 et 428 al. 1 CPP).
8.1.2
En appel, le prévenu obtient très largement gain de cause, même s'il n'obtient pas l'exemption de peine qu'il demandait. Il gagne sur la qualification juridique, la peine, les conclusions civiles et les frais. Cela justifie que les frais d'appel soient également laissés à la charge de l'Etat quand bien même les conclusions civiles du plaignant ont été renvoyées au for civil (427 al. 1 let. c CPP
a contrario
).
8.2
D'après la jurisprudence, le tarif horaire de l'avocat d'office est de
180 fr. pour l'avocat breveté et de 110 fr. pour l'avocat-stagiaire, plus les débours et la TVA à 8 % (TF 6B_810/2010 du 25 mai 2011 consid. 2.4, et les références citées). Lorsque le juge statue sur la base d'une liste de frais dont il entend s'écarter, il doit au moins brièvement indiquer les raisons pour lesquelles il tient certaines prétentions pour injustifiées, afin que son destinataire puisse attaquer la décision en connaissance de cause (CAPE 12 août 2013/192 et réf.).
8.2.1
Il convient d'allouer à Me Pascal de Preux, défenseur d'office
C._ un montant de 2'462 fr. 40 pour la procédure de seconde instance. Ce montant tient compte de la nature de l'affaire et de la connaissance du dossier déjà acquise en première instance. Il comprend 12 heures de travail au tarif de l'avocat breveté (180 fr.), une vacation d'avocat breveté à 120 fr. et 8 % de TVA.
8.2.2
Il convient d'allouer à Me Jean-Philippe Heim, conseil d'office de T._ un montant de 1'512 fr. pour la procédure de seconde instance. Ce montant tient compte de la nature de l'affaire et de la connaissance du dossier acquise en première instance. Il tient également compte du fait que, pour l'essentiel, le mandat d'office a été assuré par une avocate-stagiaire qui a d'ailleurs plaidé devant l'autorité de céans. Le montant susmentionné comprend donc 12 heures de travail au tarif de l'avocat-stagiaire (110 fr.), une vacation d'avocat-stagiaire à 80 fr. et 8 % de TVA.
9.
Vu le sort de l'appel, les frais d'appel, y compris les indemnités d'office pour la procédure d'appel prévues ci-dessus, par 5'914 fr. 40, sont mis par 300 fr. à la charge d’C._ et par 300 fr. à la charge de T._, le solde, par 5'314 fr. 40 étant laissé à la charge de l’Etat. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
2ff79c11-0c31-42d6-b2d2-ea1ad4bf31a3 | En fait :
A.
Par jugement du 26 mai 2014, rectifié à son chiffre VI le 5 juin 2014, le Tribunal de police de l’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a constaté que B._ s’est rendu coupable de lésions corporelles simples, voies de fait, injure et menaces (I), l’a condamné à une peine pécuniaire de 100 jours-amende et à une amende de 600 fr. (II), a fixé le montant du jour-amende à 30 fr. (III), a dit qu’à défaut du paiement de l’amende, la peine privative de liberté de substitution sera de 20 jours (IV), a dit que B._ est le débiteur de T._ et lui doit immédiatement paiement de la somme de 500 fr. à titre de tort moral avec intérêt à 5% dès le 20 janvier 2013 (V), a alloué à T._ une indemnité de l’art. 429 CPP, par 2'500 fr., montant à la charge de l’Etat (VI), a libéré T._ de tout chef d’accusation (VII), a mis les frais de justice à charge de B._ par 4'250 fr. (VIII), et a renvoyé E._ à agir devant la justice civile pour faire valoir ses prétentions (IX).
B.
Le 6 juin 2014, B._ a formé appel. Par déclaration d’appel du 3 juillet 2014, il a conclu à la réforme des chiffres I et II du jugement en ce sens qu’il est reconnu coupable de lésions corporelles simples et qu’une peine très réduite, qui n’est pas supérieure à 20 jours-amende, soit prononcée avec sursis, à la suppression des chiffres III à IX, à ce qu’il soit constaté que T._ s’est rendue coupable de lésions corporelles, subsidiairement de voies de fait et d’injures, une peine étant fixée selon dire de justice, et à la compensation des dépens. Comme mesures d’instruction, l’appelant a requis l’audition de trois témoins s’agissant des événements du 7 août 2011 à la gare d’ [...].
Par avis du 31 juillet 2014, la Présidente de la Cour de céans a rejeté les réquisitions de preuve de l’appelant tendant à l’audition des témoins au motif que les conditions de l’art. 389 CPP n’étaient pas remplies et que ces mesures n’apparaissaient pas utiles dès lors que l’altercation du 7 août 2011 avait été filmée, que des témoins avaient déjà été entendus et que deux témoignages écrits favorables à l’appelant figuraient déjà au dossier.
Le 14 août 2014, le Ministère public de l’arrondissement du Nord vaudois a conclu au rejet de l’appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
1.1
B._, né le [...] 1972 à [...] au Maroc, pays dont il est ressortissant, est divorcé d’[...]. Il a été patron d’un bar jusqu’en 2009. Il a travaillé ensuite comme gérant chez un ami, puis a touché les prestations de l’assurance-chômage. Sans activité lucrative, il perçoit le revenu d’insertion (ci-après : RI) depuis un an et demi. Il a des dettes qu’il évalue entre 40'000 et 80'000 francs. B._ vit seul. Il a une fille de 6 ans, Y._, issue de sa relation avec T._ dont il est séparé. Il exerce son droit de visite sur son enfant à raison d’un week-end sur deux ; la dernière fois qu’il a vu Y._ remonte au 22 août 2014. Il a déclaré avoir l’intention de quitter définitivement la Suisse durant le mois de septembre 2014 et de demander que sa fille vienne avec lui, ayant à cet effet résilié le bail de son appartement pour fin octobre 2014 et adressé au Service de la population (ci-après : SPOP) une demande en vue d’annuler le regroupement familial.
Le casier judiciaire de B._ fait état de deux condamnations :
- le 20 mars 2007, par le Tribunal de police de la Broye et du Nord vaudois, à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à 100 fr. le jour, avec sursis pendant 2 ans, ainsi qu’à une amende de 500 fr. pour lésions corporelles simples, injures et menaces ;
- le 20 mai 2008, par le Tribunal de police de la Broye et du Nord vaudois, à une amende de 500 fr. pour voies de fait, violation des règles de la circulation routière et injures, peine partiellement complémentaire à celle du jugement du 20 mars 2007.
1.2
T._, née le [...] 1973 à [...] au Maroc, pays dont elle est ressortissante, est divorcée de [...]. Elle est serveuse et travaille dans un restaurant à [...], à plein temps. Elle va toutefois réduire son taux d’activité à 80% à partir d’octobre 2014. Jusqu’en juillet 2014, elle gagnait pour son activité à 100% un salaire net de 4'046 fr., allocations familiales et part au 13
e
salaire comprises. Depuis, elle ne perçoit plus les allocations familiales, par 280 fr., pour sa fille aînée. Elle n’a pas de dettes, mais a actuellement environ 700 fr. de factures impayées. T._ vit avec ses trois enfants, âgés respectivement de 22, 21 et 6 ans. Sa fille cadette Y._ est issue de sa relation avec B._ dont elle est séparée. Quant à sa fille de 22 ans, [...], celle-ci vient de terminer ses études d’architecture ; elle ne participe pas à son propre entretien et est à sa charge. Son fils de 21 ans, E._, est au RI ; il lui verse 300 fr. par mois. Le loyer s’élève à 1'187 francs. Les assurances-maladie sont subsidiées partiellement et les primes de toute la famille se montent à 390 fr. par mois. Les frais de garde d’Y._ se chiffrent mensuellement à environ 300-400 francs.
Le casier judiciaire de T._ est vierge de toute inscription.
2.
2.1
Le dimanche 7 août 2011, à la gare d’[...], alors que B._ ramenait sa fille Y._ à sa mère T._, cette dernière a refusé de prendre le sac que B._ lui avait remis et qui contenait des affaires destinées à l’enfant. B._ et T._ se sont alors réciproquement injuriés, B._ ayant notamment traité T._ de « pute », alors que T._ a traité B._ de « fils de pute ». Les deux intéressés ont également échangé des coups. B._ a notamment saisi T._ à la gorge et l’a poussée jusqu’à la faire chuter au sol. Quant à T._, elle a giflé B._ et l’a griffé sur les avant-bras et le torse.
T._ a déposé plainte le 8 août 2011 et B._ a déposé plainte le 15 août 2011.
T._ a produit une attestation médicale datée du 7 août 2011, laquelle mentionne notamment au niveau du cou un érythème linéaire d’environ 3 cm, une dermabrasion de 1 cm sur 1 cm au niveau de la mandibule et une dermabrasion linéaire au niveau du cou (P. 7). B._ a produit un constat médical daté du 7 septembre 2011 mentionnant qu’à l’examen clinique, on ne constatait pas de blessures, mais la trace de deux petites éraflures sur le bras gauche et une discrète petite éraflure sur le ventre (P. 15).
2.2
Le 13 février 2012, B._ a attendu E._, fils de T._, en bas de l’immeuble de ce dernier, sis à [...]. Alors qu’E._ quittait son domicile pour se rendre à la gare, B._ l’a d’abord poussé au niveau du torse, puis a menacé de le tuer, l’effrayant de ce fait.
E._ a déposé plainte le 13 février 2012.
2.3
Le 20 janvier 2013, au Point Rencontre sis à [...], B._ a donné trois coups de poing à T._ au niveau de son visage, alors que cette dernière était assise et tenait leur fille Y._ sur ses genoux.
T._ déposé plainte le 21 janvier 2013.
Selon le rapport médical du 22 janvier 2013, il a été constaté la présence au niveau de la tête d’un hématome en monocle droit, diverses ecchymoses et, au niveau du bras, la présence d’une autre ecchymose (P. 41/2). | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de B._ est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L’appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d’appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier ; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L’appel tend à la répétition de l’examen des faits et au prononcé d’un nouveau jugement. L’immédiateté des preuves ne s’impose toutefois pas en instance d’appel. Selon l’art. 389 al. 1 CPP, la procédure d’appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d’appel administre, d’office ou à la demande d’une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP ; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
3. Evénements du 7 août 2011 (cf. supra, C 2.1)
Invoquant le principe
in dubio pro reo
, l’appelant conteste sa condamnation pour voies de fait et injures. Estimant avoir été provoqué et agressé, il soutient qu’il n’a pas eu de comportement agressif et injurieux envers l’intimée, précisant que si cette dernière a certes pu être déséquilibrée, il ne l’a pas fait exprès. Selon lui, on ne pourrait en tous les cas pas déduire des images de la vidéosurveillance qu’il s’agissait d’un comportement volontaire de sa part ; les déclarations des témoins ne sauraient être davantage retenues au motif qu’elles seraient en contradiction avec les images et qu’il ne ressortirait pas de celles-ci que B._ avait injurié son ex-compagne.
3.1
3.1.1
A teneur de l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
La présomption d'innocence, garantie par les art. 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 ; RS 101), ainsi que son corollaire, le principe
in dubio pro reo
, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves. En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie que toute personne prévenue d'une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu'il appartient à l'accusation de prouver la culpabilité de celle-là (ATF 127 I 38 c. 2a ; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1). Comme règle d'appréciation des preuves, le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes ; on parle alors de doutes raisonnables (ATF 120 Ia 31 c. 2c ; TF 6B_831/2009 précité c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (TF 6B_18/2011 du 6 septembre 2011 c. 2.1).
3.1.2
Se rend coupable de voies de fait au sens de l’art. 126 al. 1 CP celui qui se sera livré sur une personne à des voies de fait qui n’auront causé ni lésion corporelle ni atteinte à la santé.
Les voies de fait se définissent comme des atteintes physiques qui excèdent ce qui est socialement toléré et qui ne causent ni lésions corporelles, ni dommage à la santé. Une telle atteinte peut exister même si elle n'a causé aucune douleur physique (ATF 134 IV 189 c. 1.2 ; ATF 119 IV 25 c. 2a ; ATF 117 IV 14 c. 2a). La gifle, les coups de poing ou de pied, les fortes bourrades avec les mains ou les coudes, les projections d’objets durs et d’un certain poids, l’arrosage de la victime au moyen d’un liquide et le fait d’ébouriffer une coiffure soigneusement élaborée constituent des exemples types de voies de fait (Dupuis et al., Petit commentaire du Code pénal, Bâle 2012, n. 5 ad art. 126 CP). L’importance de la douleur ressentie représente le critère censé permettre de délimiter les voies de fait des lésions corporelles simples dans les cas limites ; la question de savoir si l’atteinte dépasse ce qui est socialement toléré, et parvient en ce sens au seuil des voies de fait, s’apprécie au regard des circonstances propres à chaque cas d’espèce (ATF 117 IV 14 c. 2a ; Dupuis et al., op. cit., n. 6 ad art. 126 CP).
Enfin, l’infraction est de nature intentionnelle, le dol éventuel étant toutefois suffisant (Dupuis et al., op. cit., n. 8 ad art. 126 CP).
3.1.3
Se rend coupable d’injure au sens de l’art. 177 al. 1 CP celui qui, de toute autre manière, aura, par la parole, l'écriture, l'image, le geste ou par des voies de fait, attaqué autrui dans son honneur.
L'honneur que protège l'art. 177 CP est le sentiment et la réputation d'être une personne honnête et respectable, c'est-à-dire le droit de ne pas être méprisé en tant qu'être humain ou entité juridique (ATF 128 IV 260 c. 3.1 ; TF 6B_602/2009 du 29 septembre 2009 c. 2.2).
3.1.4
En vertu de l’art. 15 CP, quiconque, de manière contraire au droit, est attaqué ou menacé d’une attaque imminente a le droit de repousser l’attaque par des moyens proportionnés aux circonstances. Selon l’art. 16 CP, si l’auteur, en repoussant une attaque, a excédé les limites de la légitime défense au sens de l’art. 15 CP, le juge atténue la peine (al. 1). Si cet excès provient d’un état excusable d’excitation ou de saisissement causé par l’attaque, l’auteur n’agit pas de manière coupable (al. 2).
La légitime défense suppose une attaque, c’est-à-dire un comportement visant à porter atteinte à un bien juridiquement protégé, ou la menace d’une attaque, soit le risque que l’atteinte se réalise. Il doit s’agir d’une attaque actuelle ou à tout le moins imminente, ce qui implique que l’atteinte soit effective ou qu’elle menace de se produire incessamment (ATF 106 IV 12 c. 2a ; ATF 104 IV 232 c. c). Cette condition n’est pas réalisée lorsque l’attaque a cessé ou qu’il n’y a pas encore lieu de s’y attendre (ATF 93 IV 81 c. a). Une attaque n’est cependant pas achevée aussi longtemps que le risque d’une nouvelle atteinte ou d’une aggravation de celle-ci par l’assaillant reste imminent (ATF 102 IV 1 c. 2b). S’agissant en particulier de la menace d’une attaque imminente contre la vie ou l’intégrité corporelle, celui qui est visé n’a évidemment pas à attendre jusqu’à ce qu’il soit trop tard pour se défendre ; il faut toutefois que des signes concrets annonçant un danger incitent à la défense. Tel est notamment le cas lorsque l’agresseur adopte un comportement menaçant, se prépare au combat ou effectue des gestes qui donnent à le penser (ATF 93 IV 81 c. a). Par ailleurs, l’acte de celui qui est attaqué ou menacé de l’être doit tendre à la défense ; un comportement visant à se venger ou à punir ne relève pas de la légitime défense ; il en va de même du comportement qui tend à prévenir une attaque certes possible mais encore incertaine, c’est-à-dire à neutraliser l’adversaire selon le principe que la meilleure défense est l’attaque (TF 6B_926/2009 du 15 décembre 2009 c. 3.2 et la jurisprudence citée).
La défense doit apparaître proportionnée au regard de l'ensemble des circonstances. A cet égard, on doit notamment examiner la gravité de l'attaque, les biens juridiques menacés par celle-ci et par les moyens de défense, la nature de ces derniers ainsi que l'usage concret qui en a été fait. La proportionnalité des moyens de défense se détermine d'après la situation de celui qui voulait repousser l'attaque au moment où il a agi. Les autorités judiciaires ne doivent pas se livrer à des raisonnements a posteriori trop subtils pour déterminer si l'auteur des mesures de défense n'aurait pas pu ou dû se contenter d'avoir recours à des moyens différents, moins dommageables. Il est aussi indispensable de mettre en balance les biens juridiquement protégés qui sont menacés de part et d'autre. Encore faut-il que le résultat de cette pesée des dangers en présence soit reconnaissable sans peine par celui qui veut repousser l'attaque, l'expérience enseignant qu'il doit réagir rapidement (ATF 136 IV 49 c. 3.2 ; TF 6B_926/2009 du 15 décembre 2009 c. 3.2 et la jurisprudence citée).
Ce qui précède s'applique
mutatis mutandis
à la défense excusable au sens de l'art. 16 CP. L'état de nécessité au sens légal est défini par l'art. 17 CP, qui prévoit que quiconque commet un acte punissable pour préserver d’un danger imminent et impossible à détourner autrement un bien juridique lui appartenant ou appartenant à un tiers agit de manière licite s’il sauvegarde ainsi des intérêts prépondérants.
3.2
3.2.1
En l’espèce, le premier juge a considéré que B._ s’était rendu coupable de voies de fait et d’injures à l’encontre de T._. Il a retenu, sur la base des images des caméras de surveillance situées sur la place de la gare, qu’on pouvait clairement constater que le prévenu avait porté un coup au visage de T._, l’avait tenue au cou et l’avait poussée à plusieurs reprises ; celle-ci était tombée, un genou à terre, et avait encore été frappée. Malgré l’intervention de nombreux passants, les parties avaient continué à se disputer verbalement. B._ s’était éloigné à plusieurs reprises pour venir à chaque fois vers son ex-compagne et l’avait encore poussée (jgt, pp. 16-17).
Par ailleurs, le magistrat a libéré T._ de tout chef d’accusation, estimant qu’il ne pouvait pas être établi, au vu des déclarations des témoins, des affirmations contradictoires de B._ ainsi que des rapports figurant au dossier, qu’elle avait injurié le père de sa fille. Il a également retenu qu’elle ne lui avait porté qu’un seul coup dans le but manifeste de se défendre (
ibidem
).
3.2.2
A cet égard, il y a lieu de relever que le rapport de police établi le 28 août 2011 retient que
« l’endroit étant éloigné et partiellement masqué par une scène couverte, il n’a pas été possible de voir l’entier des faits ; toutefois, il apparaît clairement que les deux protagonistes ont une attitude agressive l’un envers l’autre, sans que l’on puisse établir lequel des deux est le plus virulent »
(P. 10 p. 4).
En outre, du fait que les images des vidéosurveillances sont de mauvaise qualité et que les protagonistes sont en partie cachés, il est difficile de déterminer avec précision qui agresse et qui se défend. Tout au plus est-on contraint d’interpréter les images, plus que de les décrire. On discerne ainsi que l’appelant pose un sac à côté de la poussette où se trouve l’enfant et s’éloigne. L’intimée ne veut pas prendre le sac, le lui rapporte et commence à partir en direction des quais de la gare. L’appelant revient vers la poussette avec le sac pour que l’intimée le prenne, ce qu’elle refuse. La situation s’envenime et les coups commencent. Si l’on voit que les parties s’invectivent et sont très énervées, on ne peut en revanche distinguer qui empoigne l’autre en premier. On discerne surtout que les parties se bousculent et échangent des coups. Durant les empoignades, on peut encore observer que l’appelant avance vers l’intimée qui le repousse ; à un moment, il la pousse et elle tombe au sol. L’intimée se relève et se dirige vers l’appelant pour l’éloigner de la poussette. Les intéressés s’empoignent à nouveau et se repoussent. Peu après, l’intimée fait des gestes d’énervement, s’éloigne et va s’asseoir un moment, avant de revenir vers l’appelant qui a remis le sac sur la poussette. Les parties s’accroupissent alors toutes deux devant la poussette, puis s’empoignent et se repoussent encore. Avec l’intervention des passants, les protagonistes se calment et attendent l’arrivée de la police.
Il apparaît en réalité que tant l’appelant que l’intimée se sont empoignés et repoussés autour de la poussette, chacun ayant voulu éloigner l’autre de ladite poussette pour remettre, respectivement enlever, le sac. Contrairement au jugement de première instance qui donne l’impression que T._ a été assez passive et que ce n’était qu’une attaque unilatérale, on doit constater que l’intimée a eu une attitude assez active, notamment en se projetant sur l’appelant pour l’empêcher d’accéder à la poussette.
Cela étant, les images des vidéosurveillances sont insuffisamment claires pour déterminer précisément les agissements imputables à chacun des protagonistes. Les témoins ne sont pas non plus décisifs dans la mesure où ils font pour l’essentiel état d’une « bagarre du couple » et que certains ont déclaré ne se souvenir que vaguement du déroulement de l’altercation ; ils ne rapportent en outre rien des injures (cf. PV aud. 2 et PV aud. 4). Si des voies de fait commises par l’appelant à l’encontre de l’intimée peuvent être établies sur la base du certificat médical du 7 août 2011 (cf. P. 7), force est cependant de constater, à tout le moins au bénéfice du doute, qu’elles sont intervenues dans un contexte d’injures et de voies de fait réciproques résultant d’apparentes attaques de chacune des parties, au vu en particulier de l’excitation palpable qui ressort des images et des relations extrêmement tendues entre les protagonistes. Il en va de même des injures, dont chacune des parties fait état dans ses déclarations ; sur ce point, rien ne permet en particulier de privilégier la version des faits de l’un plus que l’autre.
En définitive, il y a lieu de considérer que les faits ne sont pas clairs et que les causes et l’enchaînement de l’altercation ne peuvent pas être reconstitués. Rien ne permet dès lors d’exclure que l’appelant ait agi, compte tenu des circonstances de l’espèce, en état de légitime défense. On ne saurait pas davantage exclure qu’il puisse valablement invoquer la défense excusable ou l’état de nécessité.
3.2.3
En conséquence, au vu de ce qui vient d’être exposé, il y a lieu d’acquitter B._ des infractions de voies de fait (art. 126 al. 1 CP) et d’injure (art. 177 al. 1 CP).
3.3
L’appelant fait également valoir que le comportement de l’intimée a été à l’origine des événements qui ont suivi et qu’elle s’est comportée de manière violente en le frappant, ce qui ne constituerait pas un cas de légitime défense comme l’a retenu le premier juge. Partant, il estime que l’intimée devrait être condamnée pour lésions corporelles simples, subsidiairement voies de fait.
En raison du flou des images des caméras de vidéosurveillance, il n’est pas possible d’affirmer avec certitude si l’intimée a frappé ou non l’appelant, plusieurs gestes vifs pouvant être interprétés à la rigueur comme des coups, voire une attaque. En outre, il est difficile de déterminer quand, lors de l’altercation, l’appelant a été légèrement blessé, les griffures pouvant avoir été faites involontairement lorsque l’intimée l’avait repoussé lors de leurs empoignades, lorsqu’elle avait tenté de se dégager ou même lorsqu’elle s’était dirigée contre lui pour le repousser et l’éloigner de la poussette.
Quoi qu’il en soit, il n’en demeure pas moins que des empoignades ont eu lieu entre les protagonistes et que selon le certificat médical du 7 septembre 2011 (cf. P. 15), B._ présentait la trace de deux petites éraflures sur le bras gauche et une discrète petite éraflure sur le ventre.
Comme relevé précédemment, l’intimée a elle aussi été au contact physique et a fait plus que de s’interposer entre lui et la poussette. Les empoignades et poussées qu’elle a commises constituent objectivement des voies de fait, mais, eu égard aux circonstances de l’espèce, on ne saurait exclure que l’intimée puisse valablement invoquer la légitime défense, la défense excusable ou l’état de nécessité. Par conséquent, il n’y a pas lieu de retenir la commission de l’infraction de voies de fait (art. 126 al. 1 CP), de même que l’infraction d’injure (art. 177 al. 1 CP) pour T._, de sorte que son acquittement doit être confirmé.
4. Evénements du 13 février 2012 (cf. supra, C 2.2)
L’appelant conteste sa condamnation pour voies de fait et menaces, faisant valoir que le premier juge ne devait pas retenir la version des faits d’E._ sans disposer de la moindre preuve. Il réfute avoir été sur place et le fait de ne pas connaître l’adresse ne serait pas un indice de culpabilité.
4.1
4.1.1
La constatation des faits est incomplète au sens de l’art. 398 al. 3 let. b CPP lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n’ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 19 ad art. 398 CPP).
4.1.2
Aux termes de l’art. 180 al. 1 CP, celui qui, par une menace grave, aura alarmé ou effrayé une personne sera, sur plainte, puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire.
La punissabilité de l’auteur dépend de la réalisation de deux conditions : il faut, d’une part, que l’auteur ait émis une menace grave et, d’autre part, que la victime ait été alarmée ou effrayée. Une menace est qualifiée de grave si elle est objectivement de nature à alarmer ou à effrayer la victime. Il faut donc se demander si une personne raisonnable, dotée d’une résistance psychologique plus ou moins normale, aurait ressenti la menace comme grave (TF 6B_234/2010 du 4 janvier 2011 c. 3.1; ATF 99 IV 212 c. 1a).
L’infraction de menaces est intentionnelle. L’auteur doit avoir eu l’intention non seulement de proférer des menaces graves, mais aussi d’alarmer ou d’effrayer le destinataire. Le dol éventuel suffit (Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. I, 3
e
éd., Berne 2010, n. 16 ad art. 180 CP).
4.2
En l’espèce, le premier juge, en s’appuyant sur la version des faits avancée par le plaignant, a retenu que B._ avait menacé de tuer la famille d’E._ et avait poussé celui-ci au niveau du torse.
Cette appréciation est pertinente. Il y a effectivement lieu de privilégier les déclarations du plaignant, qui a toujours été constant et mesuré. Selon ses explications, quelques jours avant les faits, B._ avait envoyé un SMS à la mère du plaignant pour que celui-ci arrête de faire des becs à sa demi-sœur et qu’il la contamine. L’appelant a confirmé qu’il avait effectivement envoyé ce SMS pour ce motif (cf. PV aud. 5), de sorte que cet épisode s’intègre dans le conflit entre les parents d’Y._. A ce titre, la théorie du complot avancée par l’appelant n’est pas vraisemblable. Il ergote quand il prétend qu’il connaît l’adresse du plaignant, mais ne sait pas où cela se trouve. On ne croit pas un instant qu’un père ignore où sa fille habite, et encore moins un père en conflit avec la mère sur les modalités de la garde.
Enfin, on relèvera que le plaignant, né en 1993, était authentiquement effrayé et qu’il l’était encore lors de l’audience de première instance. Rien dans son attitude au cours de la procédure ne jette un discrédit sur ses déclarations et il apparaît en définitive que ce sont les dénégations de l’appelant qui ne sont pas crédibles. Au final, c'est sans violer le principe de présomption d'innocence que le premier juge a retenu la version du plaignant et a écarté les déclarations du prévenu.
La condamnation de B._ pour menaces (art. 180 al. 1 CP) et voies de fait (art. 126 al. 1 CP) – dont les conditions tant objectives que subjectives sont réalisées – doit dès lors être confirmée.
5.
Evénements du le 20 janvier 2013 (cf. supra, C 2.3)
Admettant avoir frappé l’intimée, l’appelant conteste que les lésions corporelles soient qualifiées d’« importantes », s’agissant selon lui en réalité de lésions relativement mineures. Il fait valoir que le tribunal de police n’aurait pas dû allouer à la victime une indemnité en réparation du tort moral d’un montant de 500 fr., dans la mesure où l’intimée n’avait pas prouvé les suites de l’atteinte.
5.1
Aux termes de l’art. 126 al. 1 CPP, il appartient en règle générale au juge pénal de statuer sur les conclusions civiles. Toutefois, le juge pénal renvoie la partie plaignante à agir par la voie civile lorsqu’elle n’a pas suffisamment motivé ses conclusions (art. 126 al. 2 let. b CPP).
En vertu de l’art. 47 CO, le juge peut, en tenant compte de circonstances particulières, allouer à la victime de lésions corporelles une indemnité équitable à titre de réparation morale. Les circonstances particulières à prendre en compte se rapportent à l’importance de l’atteinte à la personnalité du lésé. Les lésions corporelles, qui englobent tant les atteintes physiques que psychiques, doivent donc en principe impliquer une importante douleur physique ou morale ou avoir causé une atteinte durable à la santé (TF 6B_188/2010 c. 5.1.1). Parmi les circonstances qui peuvent, selon les cas, justifier l’application de l’art. 47 CO, figurent une longue période de souffrance et d’incapacité de travail, de même que les préjudices psychiques importants (ATF 132 II 117 c. 2.2.2 ; TF 6B_970/2010 du 23 mai 2011 c. 1.1.2 ; TF 4A_3738/2007 du 8 janvier 2008 c. 3.2).
En raison de sa nature, l’indemnité pour tort moral, qui est destinée à réparer un dommage qui ne peut que difficilement être réduit à une simple somme d’argent, échappe à toute fixation selon des critères mathématiques, de sorte que son évaluation en chiffres ne saurait excéder certaines limites. L’indemnité allouée doit toutefois être équitable (ATF 130 III 699 c. 5.1 et les arrêts cités). Statuant selon les règles du droit et de l’équité (art. 4 CC [Code civil suisse du 10 décembre 1907 ; RS 210]), le juge dispose d’un large pouvoir d’appréciation. Conformément à la jurisprudence, l'indemnité due à titre de réparation du tort moral est fixée selon une méthode s'articulant en deux phases. La première consiste à déterminer une indemnité de base, de nature abstraite, la seconde implique une adaptation de cette somme aux circonstances du cas d'espèce (ATF 132 II 117 c. 2.2.3 ; cf. Guyaz, Le tort moral en cas d’accident : une mise à jour, SJ 2013 I 215, spéc. pp. 241 ss).
5.2
En l’espèce, le premier juge a constaté que l’atteinte physique et psychique subie par T._ était objectivement grave et que les lésions endurées justifiait l’octroi d’une indemnité pour tort moral qu’il a chiffrée à 500 francs. Lors de la fixation du montant de l’indemnité, il s’est référé au certificat médical du 22 janvier 2013 de l’unité de médecine des violences de l’hôpital [...] (cf. P. 41/2), au rapport médical déposé par le psychiatre de la prénommée du 16 mai 2014 (P. 61), ainsi qu’aux déclarations de deux témoins (cf. jgt, p. 4 et 6).
S’agissant des moyens de preuve fondant l’allocation de l’indemnité, on soulignera que le premier juge s’est basé sur des pièces suffisantes, qui permettaient effectivement d’établir les conséquences des coups de poings qu’a reçus l’intimée. S’il est vrai qu’il s’agit de deux yeux au beurre noir et d’une ecchymose, il faut cependant relever que les coups donnés par l’appelant ont provoqué une incapacité de travail totale de l’intimée jusqu’au 15 février 2013, de même qu’un stress post-traumatique. Cette agression est particulièrement choquante et prouve que rien n’arrête l’appelant : ni la présence de sa fille, ni celle de tiers, ni le fait que le Point Rencontre est un lieu sécurisant qui privilégie le respect et les relations entre enfant et parent.
Dans ces conditions, les coups et les circonstances dans lesquels ils ont été donnés sont à l’évidence de nature à engendrer une atteinte physique et psychique. Le montant de 500 fr. alloué à T._ au titre de réparation du tort moral n’a du reste rien d’excessif, compte tenu notamment des blessures subies et de la souffrance ressentie. L’appréciation du premier juge ne prête pas le flanc à la critique et doit par conséquent être confirmée.
6.
L’appelant conteste la quotité de la peine pécuniaire – qui serait disproportionnée – et requiert le prononcé d’une peine pécuniaire de 20 jours-amende au plus, avec sursis.
6.1
6.1.1
L’art. 47 CP prévoit que le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité, est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale (ATF 136 IV 55 ; ATF 134 IV 17 c. 2.1 ; ATF 129 IV 6 c. 6.1).
6.1.2
Selon l’art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l’exécution d’une peine pécuniaire, d’un travail d’intérêt général ou d’une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu’une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l’auteur d’autres crimes ou délits.
Sur le plan subjectif, le juge doit poser un pronostic quant au comportement futur de l’auteur. Il suffit qu’il n’y ait pas de pronostic défavorable. Le sursis est la règle dont on ne peut s’écarter qu’en présence d’un pronostic défavorable. Pour émettre ce pronostic, le juge doit se livrer à une appréciation d’ensemble, tenant compte des circonstances de l’infraction, des antécédents de l’auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l’état d’esprit qu’il manifeste. Il doit tenir compte de tous les éléments propres à éclairer l’ensemble du caractère de l’accusé et ses chances d’amendement. Il ne peut accorder un poids particulier à certains critères et en négliger d’autres qui sont pertinents (ATF 134 IV 1 c. 4.2.1 et 4.2.2).
6.2
En l’espèce, le premier juge a condamné B._ à une peine pécuniaire de 100 jours-amende à 30 fr. ainsi qu’à une amende de 600 francs. Il a considéré que la culpabilité du prévenu était lourde et que les faits reprochés démontraient qu’il avait une tendance à la violence exacerbée, retenant en outre le concours d’infractions et les antécédents pénaux. Le magistrat a également jugé que le prévenu n’avait pas pris la conscience de la gravité de ses actes et tentait soit de minimiser les faits, soit de se faire passer pour une victime ; en raison de l’absence de pronostic favorable, seule une peine ferme pouvait dès lors être prononcée.
A cet égard, la Cour de céans considère que, compte tenu des infractions retenues en première instance et des éléments à charge, la peine prononcée par le premier juge n’aurait rien d’excessif. Toutefois, vu l’acquittement de l’appelant quant aux chefs d’accusation d’injure et de voies de fait s’agissant des événements du 7 août 2011, il convient de revoir la quotité de la peine.
Pour fixer cette quotité, on retiendra que l’appelant a non seulement menacé et poussé au niveau du torse E._, mais a aussi donné trois coups de poing au visage de T._, coups d’une grande violence. Ainsi, ses agissements sont graves : s’en prendre à l’intégrité corporelle d’autrui, par pure réaction d’énervement et pour des motifs futiles, voire infondés, constitue, au vu de la méchanceté gratuite du geste, une faute importante dénotant sur le plan subjectif un comportement dénué de tout scrupule pour l'intégrité corporelle. Par ailleurs, force est de constater que la propension de l’appelant à s’en prendre aux autres lorsqu’il est énervé est inquiétante. Son manque certain de calme à l’audience d’appel constitue un indice supplémentaire quant au fait que B._ ne se maîtrise pas et qu’il est vite enclin à réagir avec violence.
A cela s’ajoutent encore, à charge, les mauvais antécédents, le concours d’infractions, ainsi que la totale absence de prise de conscience. On relèvera sur ce dernier point que l’appelant a continuellement cherché à expliquer – de manière risible et avec mauvaise foi – ses agissements par le fait qu’il aurait été l’objet de provocations de la part de ses victimes, en particulier de son ex-compagne. Il a même été jusqu’à déclarer devant le tribunal de police que T._ avait volontairement aggravé ses blessures.
Il n’y a aucun élément à décharge.
Au regard de l’ensemble de ces éléments, une peine pécuniaire de 80 jours-amende, ainsi qu’une amende de 100 fr., répriment adéquatement les agissements de l’appelant.
Compte tenu de la situation financière actuelle de celui-ci, qui est à l’aide sociale, le montant du jour-amende doit être fixé à 10 francs.
Enfin, cette peine doit être ferme. Le sursis est exclu, le pronostic étant défavorable. L’appelant a en effet deux antécédents pour des infractions similaires. De plus, il ne présente pas le moindre début d’amendement et de prise de conscience quant à l’illicéité et à la gravité de ses actes. En définitive, l’appelant est apparu rigide, inflexible et centré sur lui-même. Mis face au fait qu’il ne sait pas gérer son tempérament, l’appelant a continué à se victimiser de manière indécente. Le fait que les dernières infractions commises remontent à 2013 n’est à ce titre pas pertinent et le risque de récidive est concret.
7.
S’agissant du grief de l’appelant selon lequel l’indemnité au sens de l’art. 429 CPP allouée à l’intimée en première instance serait trop élevée par rapport à l’importance de la cause, celui-ci est irrecevable dans la mesure où ladite indemnité a été laissée à la charge de l’Etat (cf. art. 382 al. 1 CPP).
8.
Eu égard aux modifications mineures apportées au jugement du 30 janvier 2014 concernant la peine, il n’y a pas matière à revoir le sort des frais de première instance.
9.
En définitive, l’appel doit être partiellement admis
et le jugement entrepris réformé dans le sens des considérants qui précèdent.
Vu l’issue de la cause, les frais de la procédure d’appel, par 7'263 fr. 20 (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010 ; RSV 312.03.1]) doivent être mis deux tiers, soit par 4'842 fr. 10, à la charge de l’appelant (art. 428 al. 1 CPP), le solde étant laissé à la charge de l’Etat.
Outre l'émolument, qui se monte à 2'900 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010 ; RSV 312.03.1]), ces frais comprennent l’indemnité allouée au défenseur d’office de B._ ainsi que celle allouée au conseil d’office de T._.
Sur la base de la liste des opérations produite (cf. P. 81), une indemnité de défenseur d'office pour la procédure d'appel d'un montant de 2'937 fr. 60, TVA et débours compris, est allouée à Me Renaud Lattion.
Une indemnité de conseil d'office pour la procédure d'appel d'un montant de 1'425 fr. 60, TVA et débours inclus, est allouée à Me Anne-Louise Gillièron sur la base de la liste des opérations produite (cf. P. 82).
Enfin, B._ ne sera tenu de rembourser deux tiers du montant des indemnités
en faveur de son défenseur d’office, ainsi que du conseil d’office de l’intimée, que lorsque sa situation financière le permettra
. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
301756d8-1be8-4184-9c9b-264ddbbc086e | En fait :
A.
Par prononcé du 3 juillet 2013, le Tribunal de police de l’arrondissement de La Côte a pris acte des retraits de plainte et ordonné la cessation des poursuites pénales dirigées contre J._ et H._ (I) et a mis une participation aux frais de la cause par 1'500 fr. à la charge de H._ et par 1'700 fr. à la charge de J._ et laissé le solde à la charge de l’Etat (II).
J._ a formé appel contre ce prononcé, concluant à sa modification en ce sens qu’aucune participation aux frais de la cause ne soit mise à sa charge. Elle a requis l’assistance judiciaire qui lui a été refusée.
Par jugement du 13 août 2013, la Cour d'appel pénale a rejeté l'appel formé par J._ et a mis les frais de la procédure d'appel à sa charge.
Par arrêt du 27 mars 2014, la Cour de droit pénal du Tribunal fédéral a partiellement admis le recours de J._, annulé le jugement précité et renvoyé la cause à l’autorité cantonale pour nouvelle décision. Le recours a été rejeté pour le surplus dans la mesure où il était recevable.
Invitée à se déterminer, J._, par acte du 25 avril 2014, a conclu à la remise des frais de justice mis à sa charge conformément à l’art. 425 CPP et à l’allocation d’une indemnité réduite pour la procédure d’appel de 1'200 francs.
B.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
J._ est au bénéfice de l’aide sociale (revenu d’insertion [ci-après : RI]) depuis le mois de mai 2013, son droit aux indemnités de chômage s’étant éteint. Elle perçoit 1'975 fr. par mois. Elle n’a pas de fortune mais des poursuites pour 3'000 fr. pour des factures impayées.
2.
2.1
J._, à l’époque serveuse au restaurant « [...]», à [...], était accusée d’avoir, entre l’automne 2009 à tout le moins, et le 15 février 2010, dérobé des sommes d’argent dans la caisse enregistreuse pour un montant global estimé à 50 fr. et de la nourriture, en particulier, un jambon de Parme. Durant cette même période, J._ n’aurait pas facturé certaines consommations de clients et encaissé l’argent pour elle-même, sans établir de quittance.
2.2
Le 15 février 2010, à [...], à la fin de son service, J._ a été licenciée et est montée au domicile de son ex-employeur H._ situé à l’étage du restaurant « [...]», pour régler la fin de leur rapport de travail. Une altercation a éclaté. J._ aurait injurié et menacé H._ qui de son côté aurait commis des voies de fait. Tous deux ont déposé plainte.
A l’audience du Tribunal de police du 3 juillet 2013, J._ et H._ ont signé une convention et retiré réciproquement les plaintes déposées, mettant ainsi fin aux poursuites pénales. | En droit :
1.
Lorsque le Tribunal fédéral admet un recours, il statue lui-même sur le fond ou renvoie l'affaire à l'autorité précédente pour qu'elle prenne une nouvelle décision. Il peut également renvoyer l'affaire à l'autorité qui a statué en première instance (art. 107 al. 2 LTF [loi fédérale du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral; RS 173.110]). L'autorité à laquelle l'affaire est renvoyée doit fonder sa nouvelle décision sur les considérants de droit contenus dans l'arrêt de renvoi. Elle ne peut en aucun cas s'écarter de l'argumentation juridique du Tribunal fédéral, aussi bien en ce qui concerne les points sur lesquels il a approuvé la motivation précédente que ceux sur lesquels il l'a désapprouvée. Il n'est pas possible de remettre en cause ce qui a été admis – même implicitement – par le Tribunal fédéral (Corboz, in: Commentaire de la LTF, Berne 2009, ch. 27 ad art. 107 LTF).
2.
Dans son arrêt du 27 mars 2014, le Tribunal fédéral a considéré que la Cour d’appel pénale n’avait pas violé le droit fédéral en retenant que la condamnation aux frais de première instance était justifiée. En revanche, il a constaté qu’elle avait omis de statuer sur la question de l’application de l’art. 425 CPP.
3.
Il convient d’examiner cette question en tenant compte de toutes les circonstances et de la situation, notamment financière, de l’appelante.
3.1
L’art. 425 CPP dispose que l’autorité pénale peut accorder un sursis pour le paiement des frais de procédure. Elle peut réduire ou remettre les frais compte tenu de la situation de la personne astreinte à les payer.
S’il appartient à l’autorité d’exécution de fixer les modalités de paiement des frais sur demande de la personne astreinte à s’en acquitter (par exemple en fixant des acomptes mensuels en fonction des revenus du débiteur), la décision de réduire ou remettre les frais compte tenu de la situation de la partie concernée appartient en premier lieu à l’autorité de jugement en vertu de l’art. 425 CPP (Chapuis, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 1 ad art. 425 CPP; Domeisen, in : Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, Jugendstrafprozessordnung, n. 2 ad art. 425 CPP). Le CPP impose au juge de se poser la question de l’incidence de la mise à la charge du condamné des frais sur sa réinsertion sociale et également du rôle des frais par rapport à la peine, ceux-ci ne devant pas être perçus comme une peine déguisée (Domeisen, op. cit., n. 3 ad art. 425 CPP; Schmid, Handbuch des Schweizerischen Strafprozessrechts, Zurich 2009, n. 1781 p. 815). Lorsque les frais liés à une affaire sont élevés ou paraissent disproportionnés, l’autorité de jugement a un large pouvoir d’appréciation pour juger en équité s’il convient d’appliquer l’art. 425 CPP (Chapuis, op. cit., n. 1 ad art. 425 CPP). Pour fixer le montant des émoluments ainsi que des débours, l’autorité peut prendre en compte la situation financière de la personne astreinte à les payer (Message du Conseil fédéral relatif à l’unification du droit de la procédure pénale du 21 décembre 2005, FF 2006 Il 1057 ss, spéc. 1310). Cette disposition ne limite toutefois pas les possibilités de réduction ou de remise astreinte au paiement. C’est la situation de la personne en général (personnelle, familiale, comme procédurale) qui peut être à l’origine d’une telle décision de l’autorité de jugement (Chapuis, op. cit., n. 3 ad art. 425 CPP). Ce n’est notamment pas aux proches de subir les conséquences de la condamnation.
3.2
En l’occurrence, la prévenue, née en 1970, célibataire, bénéficie du RI depuis un an après avoir épuisé son droit au chômage. Elle est donc a priori apte à travailler. Son dernier emploi était celui de serveuse. Le travail ne manque pas dans la restauration.
Il ressort en outre du dossier que, dans le cadre de la présente cause, en août 2010, la prévenue avait sollicité l’assistance judiciaire pour la première instance, ce qui lui avait été refusé, la cause ne justifiant pas l’assistance d’un avocat. Cette décision a été confirmée par le Tribunal d’accusation puis par le Tribunal fédéral. La prévenue a néanmoins choisi de se faire assister d’un avocat de choix. Il en va de même pour la procédure d’appel. La prévenue a une nouvelle fois requis l’assistance judiciaire, ce qui lui a été refusé derechef. Elle a tout de même choisi de garder son avocat. Il résulte de ce qui précède que la prévenue s’estime apte à trouver les ressources suffisantes pour faire face à une telle dépense.
Dans un arrêt du 30 mai 2012, la Cour d’appel pénale a refusé d’appliquer l’art. 425 CPP à un prévenu qui bénéficiait de l’aide d’urgence mais qui avait toutefois réussi à mobiliser assez d’argent pour s’acheter une voiture (CAPE 30 mai 2012/146).
Au vu de ce qui précède, une réduction des frais ne s’imposerait pas, les frais mis à la charge de la prévenue n’étant pas très élevés et l’autorité d’encaissement pouvant accorder des facilités de paiement. On peut également attendre de l’intéressée qu’elle retrouve bientôt du travail. Néanmoins, une réduction de la part des frais mise à la charge de la prévenue peut être opérée au regard de sa situation financière en ce moment précaire. Les frais de procédure de première instance seront ainsi réduits à 1'000 francs.
4.
En définitive, l'appel doit être très partiellement admis et le prononcé attaqué modifié à son chiffre II en ce sens que les frais de la cause doivent être mis à la charge de l’appelante à hauteur de 1'000 fr., en lieu et place des 1’700 fr. retenus par le premier juge.
4.1
Vu l’issue de la cause, les frais de la procédure d’appel avant le recours au Tribunal fédéral, par 660 fr., doivent être mis par trois quarts à la charge de J._, le solde étant laissé à la charge de l’Etat. Pour tenir compte de la situation financière de l’appelante et en application de l’art. 425 CPP, la part mise à la charge de l’appelante avant le recours au Tribunal fédéral sera en outre réduite à 250 francs.
Les frais de la procédure d’appel qui s’est tenue après l’arrêt du Tribunal fédéral, par 770 fr. (art. 21 al. 1 TFJP), doivent être mis par trois quarts à la charge de l’appelante, le solde étant laissé à la charge de l’Etat. De même, la part mise à la charge de l’appelante après l’arrêt du Tribunal fédéral sera réduite à 350 francs.
4.2
Il reste à examiner la question des dépens d’appel, l’appelante prétendant à une indemnité réduite de 1’200 francs.
4.2.1
Dans les cas où les frais judiciaires sont mis à la charge de la partie qui succombe, il ne lui est, en règle générale, pas accordé de dépens; à l’inverse, lorsque les frais sont supportés par l’Etat, le prévenu a droit à des dépens (ATF 137 IV 352 c. 2.4.2).
L’indemnisation des frais de défense est régie par l’art. 429 al. 1 let. a CPP, qui prévoit que le prévenu a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l’exercice raisonnable de ses droits de procédure s’il est acquitté totalement ou en partie. Selon le Message du Conseil fédéral, l’Etat ne prend en charge les frais de défense que si l’assistance d’un avocat était nécessaire compte tenu de la complexité de l’affaire en fait ou en droit et que le volume de travail et donc les honoraires étaient ainsi justifiés. La base légale fondant un droit à des dommages et intérêts et à une réparation du tort moral a été créée dans le sens d’une responsabilité causale. L’Etat doit réparer la totalité du dommage qui présente un lien de causalité avec la procédure pénale au sens du droit de la responsabilité civile (FF 2006 II 1313; TF 6B_392/2013 du 4 novembre 2013).
Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, l’allocation d’une indemnité pour frais de défense selon l’art. 429 al. 1 let. a CPP n’est pas limitée aux cas de défense obligatoire visés à l’art. 130 CPP. Elle peut être accordée dans les cas où le recours à un avocat apparaît tout simplement raisonnable. Cela ne dépend pas forcément de la gravité de l’infraction en cause. On ne peut pas partir du principe qu’en matière de contravention, le prévenu doit supporter en général seul ses frais de défense. Autrement dit, dans le cadre de l’examen du caractère raisonnable du recours à un avocat, il doit être tenu compte, outre de la gravité de l’infraction et de la complexité de l’affaire en fait ou en droit, de la durée de la procédure et de son impact sur la vie personnelle professionnelle du prévenu (ATF 138 IV 197 c. 2.3.5).
4.2.2
En l’espèce, il a été jugé que le recours à un avocat n’était pas nécessaire dans la présente affaire, pas seulement en première instance, mais aussi pour la procédure d’appel, l’appelante ayant requis l’assistance judiciaire en vain. Il n’était en effet pas raisonnable de faire appel à un mandataire professionnel pour demander une remise des frais pour cause d’impécuniosité, ce qui ne présentait aucune difficulté en fait ou en droit ni un enjeu important pour la prévenue. Aucune indemnité au sens de l’art. 429 CPP ne sera dès lors allouée à l’appelante pour ses frais d’avocat, même réduite. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
30287b93-6cd2-4b7b-a5d6-e3baa3d2c5d2 | En fait :
A.
Par jugement du 9 mai 2011, le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne a constaté que J._ s'était rendu coupable d'infraction à la Loi fédérale sur les étrangers (I), l'a condamné à une peine pécuniaire de 30 (trente) jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 70 fr. (II), a révoqué le sursis qui lui avait été accordé le 21 juillet 2009 par le Juge d'instruction de l'arrondissement de Lausanne et ordonné l'exécution de la peine de 40 jours-amende à 60 fr. (III) et a mis les frais de la cause, par 1'230 fr., à la charge du prévenu (IV).
B.
Le 18 mai 2011, J._ a fait appel de ce jugement. Par déclaration d'appel du 29 juin 2011, il a conclu principalement à sa réforme en ce sens qu'il n'est pas reconnu coupable d'infraction à l'art. 117 al. 1 LEtr et qu'il est libéré de ce chef d'accusation, la peine pécuniaire étant en conséquence annulée et le sursis accordé le 21 juillet 2009 maintenu (conclusions I à IV). Subsidiairement, soit, en cas de maintien de sa condamnation, il a contesté la révocation du sursis du 21 juillet 2009 et la quotité du jour-amende (conclusion V).
L’appelant a produit diverses pièces nouvelles, sous nos 4 à 12, qui doivent être versées au dossier sur la base de l’art. 389 al. 3 CPP. Il a aussi sollicité l’audition d’un témoin, mesure d’instruction qui a été refusée par décision incidente rendue le 8 juillet 2011 par la direction de la procédure.
Le Ministère public de l'arrondissement de Lausanne a renoncé à procéder sur l'appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1. Le prévenu J._, né en 1965, marié, divorcé à deux reprises, père de cinq enfants dont deux majeurs, a travaillé au service d'une entreprise de construction avant d'exploiter une boîte de nuit à [...]. Après la faillite de l'établissement, l'exploitation a été reprise par une société au service de laquelle travaillait l'intéressé lors des faits ici en cause, décrits ci-après.
La situation financière du prévenu est obérée, l'intéressé ayant connu une faillite personnelle. Ses dettes atteindraient 20'000 francs. Avant son licenciement, qui lui a été signifié le 29 juin 2011 pour le 31 août suivant, le prévenu percevait un salaire mensuel net de 6'856 fr. 10. Ses contributions d'entretien s'élèvent à 2'250 fr. par mois et sa charge d'impôt serait de 300 fr. ou de 400 francs. Il ne paie pas ses primes d'assurance-maladie. Son loyer de 2'390 fr. était prélevé par son employeur jusqu'au 31 août 2011; à titre de remerciement pour les services rendus, le travailleur licencié a toutefois bénéficié d'une remise de loyer pour la période de septembre à décembre 2011. Il vit avec la femme qu'il a épousée le 17 juin 2011. L'épouse exercera une activité lucrative lorsqu'elle aura reçu son permis B. Pour sa part, l'époux n'a, pour l'heure, pas retrouvé d'emploi.
Son casier judiciaire comporte deux inscriptions, à savoir : une condamnation à sept jours d'emprisonnement avec sursis pendant deux ans, prononcée le 20 septembre 2005 par le Juge d'instruction de l'arrondissement de Lausanne pour recel (sursis non révoqué le 21 juillet 2009); une condamnation à 40 jours-amende à 60 fr. avec sursis pendant deux ans, d'une part, et à 480 fr. d'amende, d'autre part, prononcée le 21 juillet 2009 par le Juge d'instruction de l'arrondissement de Lausanne pour séjour illégal (art. 23 al. 1 LSEE) et incitation à l'entrée, à la sortie ou au séjour illégal (art. 116 al. 1 let. a LEtr).
La dernière condamnation mentionnée ci-dessus réprime d'abord la mise à disposition, par le prévenu, d'un appartement à des prostituées en situation irrégulière, ce alors qu'il était intendant de l'établissement [...], dont il sera fait état ci-dessous. Elle réprime ensuite l'hébergement, toujours par l'intéressé, de son amie intime, ressortissante brésilienne, alors même que la personne en question ne bénéficiait d'aucune autorisation de séjour.
2. Selon l'ordonnance de condamnation rendue le 23 novembre 2010 par le Juge d'instruction de l'arrondissement de Lausanne, le prévenu a, à [...], ch. [...], entre le 26 février et la mi-mars 2010, employé, pour le compte du [...], [...], ressortissant marocain en situation irrégulière et ne bénéficiant pas d'une autorisation de travail. Cette ordonnance a été frappée d'opposition.
L'étranger en question avait été présenté au prévenu par un tiers, qui savait que celui-ci était à la recherche d'un videur pour la boîte de nuit dans laquelle il travaillait. Le prévenu n'a pas contesté avoir reçu [...], lequel lui avait fourni divers documents, notamment un permis de conduire et une carte de résident espagnol; [...] a affirmé qu'il avait expliqué sa situation au prévenu et qu'il lui avait transmis notamment une photocopie de son passeport marocain. Durant l'enquête, le prévenu a reconnu avoir décidé lui-même d'engager à l'essai l'étranger en question, sans s'être assuré auprès des autorités cantonales de son statut en Suisse. De même, il est constant que [...] a travaillé au service de la boîte de nuit en question, ce avant qu'un permis de travail n'ait été délivré en sa faveur par les autorités compétentes, et même avant qu'une quelconque démarche tendant à l'octroi d'un tel permis n'ait été entreprise.
3. Appréciant les faits de la cause, le tribunal de police a d'abord considéré qu'il découlait de la condamnation du 21 juillet 2009 que le prévenu était au courant des obligations et des exigences en matière de permis de séjour et de travail. Il a ensuite retenu que l'intéressé devait être considéré comme un gérant de fait du [...], et qu'il avait procédé concrètement à l'engagement de l'étranger en question. Le premier juge a ainsi considéré qu'il ne faisait aucun doute que le prévenu avait pertinemment que l'étranger en question ne disposait d'aucune autorisation de travailler en Suisse, à tout le moins qu'il avait clairement pris le risque d'engager une personne sans statut légal. En d'autres termes, le prévenu s'était, toujours de l'avis du tribunal de police, accommodé du risque d'enfreindre la loi, de sorte qu'il avait agi de manière intentionnelle, contrevenant à l'art. 117 al. 1 LEtr.
4. Appréciant la culpabilité du prévenu, le tribunal de police a retenu, à charge, qu'il avait déjà été condamné en 2009, soit un peu plus de six mois avant les faits ici incriminés, pour des faits considérés comme similaires, à telle enseigne qu'il y avait récidive spéciale. Qui plus est, le prévenu, travaillant dans une branche de l'économie qui est continuellement confrontée à l'engagement de personnel étranger, devait, encore selon le premier juge, être réputé bien plus au courant que tout un chacun des exigences en matière d'autorisation de séjour et de travail, ce qui ne l'avait pas empêché de faire fi de sa précédente condamnation. Aucune circonstance n'a été prise en compte à décharge, même si les faits incriminés n'ont pas été tenus pour d'une gravité particulièrement importante, au contraire. En définitive, la culpabilité a été estimée moyenne.
Pour ce qui est du sursis à l'exécution de la peine prononcée, le pronostic a été tenu pour entièrement défavorable. Les infractions ici en cause ayant été commises durant le délai d'épreuve de la précédente condamnation, le sursis a été révoqué pour le motif qu'il était, selon le tribunal de police, à prévoir que le prévenu commettrait de nouvelles infractions vu son manque de résipiscence; en effet, l'intéressé n'avait pas présenté d’excuses, ni formulé de regrets aux débats, ne donnant pas l’impression d’avoir pris conscience des intérêts juridiques protégés.
D.
A l'audience d'appel de ce jour, le prévenu a confirmé ses conclusions. Il a produit deux pièces. | En droit :
1.
Suffisamment motivé, l'appel est recevable (art. 399 al. 1 et 3 CPP). La contestation est limitée aux différents points de fait et de droit qui seront mentionnés successivement aux considérants ci-dessous (art. 399 al. 4 CPP). Il y a lieu d'examiner en premier lieu les moyens de fait (art. 398 al. 3 let. b CPP).
2.
L'appelant conteste d'abord avoir exploité une boîte de nuit qui avait fait faillite. Il reconnaît certes la déconfiture de l'établissement, mais soutient n’avoir été qu’un employé et avoir d’ailleurs été en conflit avec son employeur « jusqu’en mai 2010 ».
Le jugement retient que le prévenu « (avait) exploité une boîte de nuit à [...], laquelle (avait) fait faillite. L’établissement (avait) été repris par la société où travaille actuellement le prévenu » (p. 4).
Le premier juge n’a pas indiqué sur quel élément de preuve il se fondait pour retenir le fait contesté en appel. Statuant sur une opposition à une ordonnance de condamnation, il a en conséquence appliqué l’ancienne procédure pénale vaudoise (art. 453 al. 1 et 455 CPP). Il n’a donc pas protocolé les déclarations du prévenu, ni celles du témoin entendu. L'autorité de céans ne peut dès lors pas contrôler ce qui a été dit à l’audience.
Cela étant, les indices suivants apparaissent dans le dossier :
- l’ordonnance de condamnation du 21 juillet 2009, à laquelle l’appelant admet n’avoir pas fait opposition, indique que de 2006 à 2008, le prévenu était « intendant au [...] sis à [...] ».
- de l’appel lui-même et de la pièce 6 produite, il ressort que le prévenu avait fait une faillite personnelle (ce que le jugement mentionne), des actes de défaut de biens à hauteur de presque 2 millions de francs ayant été délivré en faveur de la BCV en 2003 (cf. aussi c. 3.1 ci-dessous);
- en première instance, le prévenu a produit un extrait du Registre du commerce portant sur la société [...], succursale de [...], en expliquant travailler pour cette société, laquelle exploitait le Club [...];
- en appel, le prévenu a produit (pce 4) un jugement du Président du Tribunal civil de l’arrondissement de Lausanne rendu dans le cadre d’un conflit du travail qui l’opposait à [...], à [...], employeur. Ce jugement retient que cette société exploitait le Club [...] et avait licencié le travailleur en 2009 parce que l’établissement fermait ses portes.
On peut déduire de l'ensemble de ces faits qu’avant 2003, le prévenu a dû être indépendant, peut-être personnellement exploiter un établissement. Plus tard, il a été salarié de [...], qui exploitait ce même club de [...]. On ne sait pas quelle société aurait fait faillite. On constate néanmoins qu’au moment des faits de la présente cause et malgré son licenciement en 2009, le prévenu travaillait encore, ou à nouveau, dans le club de [...]. On ignore quels sont les propriétaires économiques de ces sociétés. A l’audience d'appel comme en première instance, le prévenu n'a fourni aucun élément complémentaire à ce sujet.
Plus encore, il entretient la confusion, comme cela ressort des faits suivants :
- entendu par le juge d’instruction le 11 août 2010 (p.-v. 3), il s’est présenté comme le gérant d’un établissement à [...];
- entendu par la police sur sa situation personnelle, le 13 avril 2010 (pièce 4), il a indiqué, comme profession « gérant », et comme employeur « lui-même »;
- le 3 juin 2010, il a écrit au Service de l’emploi au nom du « [...], J._ » (pièce 9/1), lettre dans laquelle il a utilisé la première personne du pluriel.
Quoi qu’il en soit, la question de savoir s’il a exploité l'établissement nocturne de [...] est sans incidence sur le sort de la cause. Le tribunal de police n’a en effet tiré aucune conclusion de cet élément. Il a seulement tenu compte, à charge, du fait que le prévenu disposait d'une « expérience en matière de gérant de boîtes de nuit » (p. 6) et, partant, en matière d'embauche de personnel dans la branche. Or, vu ce qui précède, la qualité de gérant apparaît suffisamment établie.
3.1
L'appelant fait ensuite grief au premier juge d'avoir omis, au moment d’examiner sa situation personnelle, les deux actes de défaut de biens délivrés à la BCV pour près de deux millions de francs (soit 5'400 fr. 45 pour l'un et 1'963'158 fr. 45 pour l'autre) et le fait qu’il versait un loyer mensuel de 2'350 fr., directement déduit de son salaire par son employeur jusqu'à son licenciement.
3.2
Le jugement retient que la situation du prévenu est obérée, celui-ci ayant connu une faillite personnelle. Le fait que des actes de défaut de biens aient été délivrés pour près de deux millions de francs est attesté par la pièce nouvelle produite en appel, mais paraît sans importance pour le jugement de la cause. En effet, il n’apporte rien de plus pour ce qui est de la situation du prévenu.
Pour le reste, le jugement détaille les quelques charges du prévenu, à déduire d’un salaire mensuel net de 6'500 fr., à savoir la base mensuelle de minimum vital, les impôts et les pensions alimentaires. Il précise que « le prévenu n’a pas indiqué d’autres charges » (p. 4). La pièce 7, produite avec l’appel, qui comprend deux fiches de salaire, mentionne une rétribution brute de 8'000 fr., dont à déduire 1'143 fr. 90 de charges sociales et un loyer de 2'390 francs. L’état de fait doit être complété dans cette mesure.
4.
L’appelant conteste ensuite avoir « employé » [...]. Il soutient l’avoir seulement pris à l’essai quelques heures à trois reprises. Il fait valoir qu’aucun contrat n’avait été signé et qu’il avait toujours été question qu’un éventuel engagement ultérieur ne soit effectué qu’avec l’aval des autorités.
L’appelant joue avec les mots. En effet, le travail à l’essai (cf. l'art. 335b CO) n’en est pas moins du travail au sens du droit privé. Une telle embauche peut, partant, constituer l'emploi d'un étranger qui n’est pas autorisé à exercer une activité lucrative en Suisse selon l'art. 117 al. 1 LEtr, ce à l'instar d'activités fondées sur d'autres rapports de droit privé (mandat ou contrat d'entreprise, p. ex.). D’ailleurs, entendu par la police (p.-v. 2), le prévenu avait bien admis que [...] avait « travaillé environ 3 à 4 week ends, soit 6 à 8 jours »; réentendu par le juge d’instruction (p.-v. 3), il a confirmé que l’intéressé avait « travaillé trois week ends ». Enfin, dans son appel, il répète qu’il a pris [...] « à l’essai quelques heures à trois reprises ». Il importe peu que l’engagement soit oral, attendu que le contrat de travail n’est pas soumis à la forme écrite. Enfin, la réserve d’une autorisation des autorités d'application de la LEtr, à supposer qu’elle soit avérée, peut être considérée comme une condition résolutoire et non suspensive, puisque le travailleur avait commencé son travail sans attendre une quelconque décision administrative.
5.
L'appelant fait enfin valoir que le jugement omet de signaler que [...] avait affirmé au prévenu vivre à Lausanne et disposer d’un numéro de téléphone en Suisse, tout comme le candidat à l'embauche lui avait laissé entendre qu’il disposait d’un permis B.
Il ressort du jugement que l'étranger en question avait fourni au prévenu divers documents, tels qu’un permis de conduire et une carte de résident espagnol (p. 5). Toujours selon le jugement, celui-ci avait déclaré à la police « avoir expliqué sa situation et fourni des documents, dont une photocopie de son passeport marocain » (p. 6).
En fait, l'intéressé a relevé ce qui suit : « j’ai dû lui fournir une photocopie de mon passeport (...) » (p.-v. 1). Pour sa part, le prévenu a indiqué qu’il « savait qu’il était ressortissant européen » (ce qui est faux, puisque l’intéressé est Marocain), parce qu’il avait « photocopié sa carte de résident espagnol » (p.-v. 2). Au juge d’instruction il a ajouté que le tiers qui lui avait présenté le candidat videur, lui avait affirmé que ce dernier « travaillait depuis quelques temps dans des discothèques ou cabarets de la place » (p.-v. 3).
Les faits allégués en appel ne procèdent que des affirmations du prévenu et de sa lettre au Service de l’emploi (pièces 8 et 9). Quoi qu’il en soit, à supposer qu'ils soient véridiques, ce qui n’est pas invraisemblable et le doute doit profiter au prévenu, il n'en reste pas moins qu'ils ne sauraient être déterminants pour le sort de la cause.
En effet, ce que le premier juge a reproché au prévenu, ce n’est pas d'avoir omis de poser toute question au candidat à l'embauche, mais, bien plutôt, de ne pas avoir vérifié ses dires, d'une part, et de l’avoir fait travailler à l’essai avant d’avoir obtenu l'autorisation des autorités compétentes et avant même d'avoir requis toute permission de cette nature, d'autre part. Or, à cet égard, les faits sont admis. Ce dernier moyen portant sur les faits de la cause doit donc également être rejeté.
6.1
Cela étant, il doit être entré en matière sur les moyens de droit de l'appel (art. 398 al. 3 let. a CPP).
L’appelant conteste d'abord avoir été un gérant de fait de l'établissement nocturne, soit de la société anonyme l'exploitant. Ses tâches auraient, selon lui, seulement impliqué « d’examiner les capacités d’un employé qui pourrait être engagé, par la suite, par la société ».
6.2
En droit de la société anonyme (art. 754 aCO), la responsabilité des organes ne s'étend pas uniquement aux membres du conseil d'administration, mais aussi à toute personne chargée de la gestion des affaires de la société. Par personne chargée de l'administration ou de la gestion au sens de la disposition précitée, il faut entendre non seulement les organes disposant d'une compétence décisionnelle, qui ont été expressément désignés comme tels, mais aussi les personnes qui prennent en fait des décisions réservées aux organes ou se chargent de la gestion proprement dite des affaires et qui participent ainsi de manière décisive à la formation de la volonté de la société (ATF 128 III 29, c. 3a et les réf. citées, JT 2003 I 18). Ces principes, d'ordre général et procédant d'une jurisprudence ancienne et solidement établie, restent pertinents sous l'angle du nouveau droit de la société anonyme. En effet, le nouvel art. 754 al. 1 CO, entré en vigueur le 1
er
juillet 1992, est à cet égard d'une teneur quasiment identique à la norme abrogée. Ces principes sont dès lors applicables par analogie à la qualité d'auteur de l'infraction réprimée par l'art. 117 al. 1 LEtr lorsque l'employeur est, comme en l'espèce, une société anonyme.
6.3
Comme déjà relevé, et l'existence d'un contrat de travail liant le prévenu à la société [...] devant être tenue pour établie, le prévenu s'est lui-même présenté comme un gérant durant l'enquête, à savoir devant le juge d’instruction le 11 août 2010 (p.-v. 3) et auprès de la police le 13 avril 2010 (pièce 4); à cet égard, renvoi soit au c. 2 ci-dessus. Qui plus est, comme déjà mentionné également, le 3 juin 2010, le prévenu a écrit au Service de l’emploi pour le compte du « [...], J._ » (pièce 9/1), une lettre dans laquelle il utilisait la première personne du pluriel (c. 2, ibid.).
Si, comme cela est constant, le candidat à l'embauche a pu travailler à plusieurs reprises au service de l'établissement, cela est dû à son embauche par l'appelant et lui seul, lequel a dès lors, dans cette mesure, agi comme un organe de fait de la société, comme le premier juge l'a retenu à juste titre. Peu importe dès lors qu'il existait aussi, comme il l'a fait plaider à l'audience d'appel, un organe social qui prenait les décisions relevant de la stratégie commerciale. Aussi bien, il est de fait que l'appelant ne conteste pas avoir pris la décision, à lui seul, de faire travailler le videur à l’essai. Il ne prétend pas avoir dû en référer au supérieur déjà mentionné pour quérir son autorisation. Du reste, une telle répartition des tâches par délégation est courante dans les entreprises moyennes, d'où, précisément, la notion d'organe de fait.
7.1
L’appelant conteste ensuite avoir agi intentionnellement (12 al. 2 CP). Il se serait tout au plus rendu coupable d’une négligence (art. 12 al. 3 CP). Sa confiance aurait été « astucieusement endormie » par le candidat à l'embauche. Il soutient qu’il ignorait la différence de statut entre résident européen et national européen. Il relève que la précédente condamnation concernait des faits complètement différents et qu’on ne peut donc en déduire, comme l’a fait le premier juge, qu’il connaissait les exigences de la LEtr. Il conteste au surplus le bien-fondé de ce précédent.
7.2
L'art. 117 al. 1 LEtr ne réprime que l'acte commis intentionnellement. La question topique est celle de la distinction entre le dol éventuel (art. 12 al. 2, seconde phrase, CP) et la négligence consciente (art. 12 al. 3 CP). Il y a dol éventuel lorsque l’auteur envisage le résultat dommageable, mais agit néanmoins, même s’il ne le souhaite pas, parce qu’il s’en accommode pour le cas où il se produirait. L’auteur agissant par dol éventuel est conscient que le résultat peut se produire. L’auteur agissant par négligence consciente connaît aussi ce risque. Par conséquent, le dol éventuel et la négligence consciente concordent en ce qui concerne la connaissance du danger. La différence réside dans le fait que l’auteur s’accommode ou non de ce résultat. L’auteur agissant par négligence consciente escompte, faisant preuve d’une imprévoyance coupable, que le résultat envisagé comme possible ne se produira pas, que le risque que le résultat dommageable ne se réalisera pas. L’auteur agissant par dol éventuel accepte par contre le résultat envisagé comme possible, s’en accommode. Celui qui accepte le résultat pour le cas où il se produirait veut ce résultat au sens du Code pénal. Il n’est pas nécessaire que l’auteur approuve ce résultat. Ce que l’auteur savait, voulait et acceptait fait partie du contenu de la pensée. En l’absence d’aveux de l’auteur, on se base sur des circonstances extérieures pour déterminer le contenu de la pensée. Parmi les éléments extérieurs permettant de décider si l’auteur a agi par dol éventuel ou par négligence consciente figurent notamment la probabilité, connue de l’auteur, de la réalisation du risque et l’importance de la violation du devoir de prudence. Plus celles-ci sont grandes, plus sera fondée la conclusion que l’auteur avait accepté l’éventualité de la réalisation du résultat dommageable et que, contrairement à ce qu’il prétend, il n’escomptait pas, faisant preuve d’une imprévoyance coupable, que le risque ne se réaliserait pas et que le résultat dommageable ne se produirait pas. Peuvent aussi constituer des éléments extérieurs révélateurs les mobiles de l’auteur et la façon dont il a agi (ATF 125 IV 242, JT 2002 IV 38; TF 6B_184/2009 du 20 mai 2009, qui concernait les dispositions pénales de l'ancienne LSEE, abrogée par la LEtr).
7.3
Dans le cas particulier, le jugement retient que, vu la condamnation du 21 juillet 2009, « le prévenu était au courant des obligations et des exigences en matière de permis de séjour et de travail » (p. 5). Plus loin, il énonce encore que, « étant donné son expérience en matière de gérant de boîtes de nuit, et par conséquent d’engagement de personnel étranger, il ne fait aucun doute (...) que J._ savait pertinemment que [...] ne disposait d’aucune autorisation de travailler en Suisse. A tout le moins, (...) le prévenu a clairement pris le risque d’engager une personne sans statut légal » (p. 6).
Les faits réprimés par l’ordonnance de condamnation du 21 juillet 2009 sont les suivants : le prévenu avait, d'une part, mis un appartement à la disposition de prostituées en situation irrégulière alors qu’il était intendant du « [...]»; il avait, d’autre part, hébergé son amie brésilienne alors sans autorisation de séjour. Il est exact que les faits constituant l'objet de la présente cause sont différents. Néanmoins, cette précédente condamnation a, respectivement aurait, quand même dû attirer l’attention du prévenu sur ces questions et le rendre prudent; du reste celui-ci ne conteste l'ordonnance que pour ce qui est du séjour illicite de son amie brésilienne, à l'exclusion de la mise à disposition d'un logement aux prostituées.
Quoi qu’il en soit, l’appelant ne va pas au bout de son raisonnement. En effet, il ne soutient pas qu’il ignorait qu’il fallait un permis de travail pour engager le videur, mais prétend au contraire que l’engagement était conditionné au respect de cette exigence. Cette réserve dénote qu'il comprenait que le candidat à l'embauche n'était, en l'état, pas autorisé à travailler au vu notamment de son statut de résident ressortissant d'un Etat tiers ne bénéficiant pas des Accords bilatéraux conclus avec l'UE et ses Etats membres. Dans cette mesure, son argumentation déduite de sa prétendue ignorance de la loi est vaine.
Le prévenu ne pouvait, vu son activité professionnelle et sa précédente condamnation, de bonne foi présumer que le candidat à l'embauche était autorisé à travailler en se fiant aux seules déclarations d'un étranger à la recherche d'un emploi. Or, il ne prétend pas avoir demandé, ni, a fortiori, obtenu, une autorisation de travail avant que son videur ne commence son temps d’essai, ce qui serait le minimum à attendre d'un employeur potentiel respectueux de la loi. Il admet d’ailleurs qu’il aurait peut-être été « plus opportun de commencer par remplir les documents avant que de prendre M. [...] à l’essai » (déclaration d’appel, p. 8). Le dol éventuel, qui relève de l'intention, est ainsi avéré. La punissabilité de l'acte incriminé en application de l'art. 117 al. 1 LEtr en découle.
8.1
Subsidiairement, l’appelant conteste la révocation, par le premier juge, du sursis accordé par l'ordonnance de condamnation du 21 juillet 2009. Il soutient qu’il n’y a pas de récidive spéciale, pour le motif que les faits faisant l'objet de l'une et de l'autre des procédures sont complètement différents. S’il persistait à critiquer cette première condamnation, ce n’était, selon lui, pas par absence de prise de conscience, mais parce que le séjour irrégulier de son amie à l’origine de ce jugement avait finalement été toléré, puis autorisé par l'administration. De plus, il fait valoir qu’au vu des circonstances, son employeur n’avait reçu qu’un avertissement de l’autorité administrative. Le premier juge aurait ainsi, selon lui, excédé son pouvoir d’appréciation en révoquant le sursis.
8.2.1
L'art. 46 al. 1, première phrase, CP prévoit que, si, durant le délai d’épreuve, le condamné commet un crime ou un délit et qu’il y a dès lors lieu de prévoir qu’il commettra de nouvelles infractions, le juge révoque le sursis ou le sursis partiel.
L'art. 46 al. 2, première phrase, CP dispose que, s’il n’y a pas lieu de prévoir que le condamné commettra de nouvelles infractions, le juge renonce à ordonner la révocation. Le juge appelé à connaître du nouveau crime ou du nouveau délit est également compétent pour statuer sur la révocation (art. 46 al. 3 CP).
8.2.2
La révocation du sursis dépend des infractions commises pendant le délai d'épreuve, lesquelles permettront d'établir un pronostic favorable ou défavorable (ATF 134 IV 140, c. 4.2). Seul un pronostic défavorable peut justifier la révocation; à défaut, le juge doit renoncer à celle-ci (ATF 134 IV 140, c. 4.3). Le pronostic doit être posé sur la base d'une appréciation d'ensemble, qui tienne compte des circonstances de l'infraction, des antécédents du condamné, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste, soit de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble de son caractère et ses chances d'amendement. Lorsqu'il s'agit de fixer le pronostic, le juge doit également tenir compte de l'effet dissuasif que peut exercer la nouvelle peine, si elle doit être exécutée; il en va de même s'agissant de l'effet de l'exécution d'une peine, à la suite de la révocation d'un sursis accordé précédemment (ATF 134 IV 140, c. 4.5).
Un autre critère déterminant pour juger du risque de réitération et, partant, pour poser le pronostic prévu par la loi est celui de l'effet de choc et d'avertissement (
Warnungswirkung
) issu de la condamnation précédente, y compris en ce qui concerne l'aménagement ultérieur de la vie de l'intéressé; s'il est avéré, un tel effet constitue un facteur favorable – même s'il n'est pas déterminant à lui seul - dans l'examen du pronostic (cf. l'arrêt précité, c. 5.3).
8.2.3
Le premier juge a considéré que le prévenu avait récidivé, d’une part, et qu'il n’avait « pas présenté d’excuses, ni formulé de regrets aux débats, ne donnant pas l’impression d’avoir pris conscience des intérêts juridiques protégés » par la LEtr, d’autre part. Le tribunal de police en a déduit qu’il était à prévoir que le prévenu commettrait de nouvelles infractions à l’avenir. On comprend que la constatation relative au comportement de l'appelant à l'audience a trait aux faits de la présente procédure, et non à ceux à l'origine de la condamnation du 21 juillet 2009.
Les infractions ici en cause ont été commises durant le délai d'épreuve de la précédente condamnation. Comme déjà relevé, le prévenu ne conteste qu’un volet de cette condamnation. Il ne remet pas en cause l'ordonnance du 21 juillet 2009 dans la mesure où elle réprime la mise à disposition d’un appartement à des prostituées sans autorisation de séjour. Il y a donc bien une récidive en matière de LEtr, quels que soient par ailleurs les mérites éventuels de l'argumentation de l'appelant portant sur l’autre volet de sa précédente condamnation, qu'il n'y a dès lors pas lieu à examiner. Quoi qu'il en soit, la récidive n’a pas besoin d’être à ce point spéciale que les faits doivent être identiques ou similaires pour que le sursis puisse être révoqué en vertu de l'art. 46 al. 1 CP.
Cela étant, sous l'angle de l'art. 46 al. 2 CP, le critère déterminant pour la révocation est celui du pronostic à poser en fonction de l'exécution de la nouvelle peine, en d'autres termes s’il y a lieu de prévoir que le condamné commettra de nouvelles infractions nonobstant la condamnation prononcée dans la présente cause (cf. c. 8.2.2 ci-dessus). Un pronostic incertain doit exclure la révocation, laquelle ne peut, a contrario, être prononcée qu'en présence d'un pronostic assurément défavorable (ibid.).
L’attitude du prévenu, qui rechigne à admettre purement et simplement qu’il aurait dû procéder autrement en présence du candidat à l'embauche, n'est pas de bon pronostic. Pour autant, et comme le relève du reste le premier juge, les faits de la présente cause ne sont pas d'une gravité intrinsèque considérable. Vu la quotité des peines prononcées dans l'une et dans l'autre des procédures, ils sont même moins lourds que ceux réprimés par l'ordonnance du 21 juillet 2009, ce d'autant que la récidive spéciale est retenue à charge. Pour le surplus, vu son licenciement au 31 août 2011, l'appelant pourrait ne plus être amené à travailler comme gérant de ce type d'établissement dès le 1
er
septembre suivant.
Au vu de l'ensemble des faits, l’exécution de la peine pécuniaire ferme doit ainsi être tenue pour suffisamment dissuasive pour que l’on puisse renoncer à révoquer le précédent sursis. Pour autant, vu la récidive spéciale, le délai d'épreuve assortissant le précédent sursis doit être prolongé en application de l'art. 46 al. 2, 2
e
phrase, CP, ce pour une durée de deux ans à compter du prononcé du présent jugement (art. 46 al. 2, 4
e
phrase, CP).
L'appel doit ainsi être admis dans cette mesure et le jugement entrepris modifié au ch. III de son dispositif conformément à ce qui précède.
9.1.
Enfin, l’appelant, contestant la quotité du jour-amende, fait grief au premier juge d'avoir omis de tenir compte de son loyer.
L'art. 34 al. 2 CP prévoit que le jour-amende est de 3'000 fr. au plus; le juge en fixe le montant selon la situation personnelle et économique de l’auteur au moment du jugement, notamment en tenant compte de son revenu et de sa fortune, de son mode de vie, de ses obligations d’assistance, en particulier familiales, et du minimum vital.
9.2
Pour déterminer le revenu, le juge doit prendre en considération l'ensemble des revenus en tout genre (revenus de l'activité lucrative, de rentes ou de pensions, de placements de capitaux, de la fortune immobilière, prestations en nature, etc.). Il doit ensuite déduire les contributions sociales, les impôts, les primes d'assurance-maladie et accidents, les frais professionnels et les frais indispensables à l'exercice de la profession. Il est également prescrit de tenir compte des obligations d'assistance – en particulier familiales – du condamné (Maire, Les peines pécuniaires, dans : Kuhn, Moreillon, Viredaz et Bichovsky, La nouvelle partie générale du Code pénal suisse, Berne 2006, p. 165).
Le montant du jour-amende doit être fixé en partant du revenu net que l'auteur réalise en moyenne quotidiennement, quelle qu'en soit la source, car c'est la capacité économique réelle de fournir une prestation qui est déterminante (cf. ATF 116 IV 4, c. 3a p. 8). Ce qui est dû en vertu de la loi ou ce dont l'auteur ne jouit pas économiquement doit en être soustrait. Il en va ainsi des impôts courants, des cotisations à l'assurance-maladie et accidents obligatoire, ou encore des frais nécessaires d'acquisition du revenu (TF 6B_541/2007 du 13 mai 2008, c. 6.4.1, confirmé par ATF 135 IV 180). La loi mentionne encore spécialement d'éventuelles obligations d'assistance, familiales en particulier. La raison en est que les membres de la famille ne doivent, autant que possible, pas être affectés par la restriction apportée au train de vie. Le revenu net doit être amputé des montants dus à titre d'entretien ou d'assistance, pour autant que le condamné s'en acquitte effectivement (arrêt non publié précité, c. 6.4.4).
En règle générale, les intérêts hypothécaires et les frais de logement ne peuvent pas être déduits. On ne tient compte des autres charges que dans la « situation personnelle », parce que le contraire avantagerait les prévenus qui mènent un train de vie élevé (ibid.). Contrairement aux dettes fiscales, le loyer du condamné n'est pas une charge (ATF 134 IV 60).
9.3
Dans le cas particulier, c’est donc en vain que l’appelant réclame qu’il soit tenu compte de son loyer dans le calcul du jour-amende. Ainsi, à l'aune de l'art. 34 al. 2 CP, il n'apparaît pas que la situation financière actuelle de l'appelant, soit au moment du jugement au sens de la norme topique en droit matériel, s'écarte de celle retenue par le premier juge dans une mesure telle qu'elle justifierait un nouveau calcul de la quotité du jour-amende. Les faits nouveaux établis quant à la situation économique de l'intéressé ne conduisent en effet pas à considérer que sa situation personnelle se soit modifiée dans une mesure notable. Bien plutôt, rien ne permet d'exclure, loin s'en faut, que l'appelant ne puisse prétendre à des indemnités de l'assurance-chômage et il est constant qu'il disposera du privilège d'occuper son logement sans devoir verser de loyer jusqu'au 31 décembre 2011.
10.
Vu la mesure limitée dans laquelle l'appelant obtient gain de cause, les frais de la procédure d'appel selon l'art. 424 CPP doivent être mis pour trois quarts à sa charge, le solde étant laissé à celle de l’Etat (art. 428 al. 1, 1
ère
phrase, CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
303fb1f1-06c6-4c7c-8405-ef4f92049ad9 | En fait :
A.
Par jugement du 14 juin 2011, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de l'Est vaudois a notamment libéré P._ des infractions de voies de fait, vol et vol d'importance mineure, diffamation, violation de domicile et faux dans les titres (I), l'a condamné pour lésions corporelles simples, appropriation illégitime, dommages à la propriété, détérioration de données, calomnie, menaces, violation grave des règles de la circulation, circulation malgré un retrait du permis de conduire à une peine privative de liberté de 22 (vingt-deux) mois, dont 12 (douze) mois assortis d'un sursis durant cinq ans (II), l'a condamné pour injure à une peine pécuniaire de 60 jours-amende, le jour-amende étant arrêté à fr. 10.- (III), l'a condamné pour utilisation abusive d'une installation de télécommunication, conduite d'un véhicule défectueux, infraction à la loi fédérale sur la circulation routière et contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants, à une amende de fr. 300.-, la peine privative de liberté de substitution étant de 30 jours en cas de non paiement fautif (IV), a donné acte à L._SA de ses conclusions civiles (V), a dit que P._ est le débiteur de J._ de fr. 10'000.-, avec intérêts à 5 % l'an dès le 15 août 2008, à titre de tort moral, et a donné acte à cette dernière de ses conclusions civiles pour le surplus (VI), a mis les frais de la cause, par fr. 23'043.80, à la charge de P._, incluant l'indemnité de son conseil d'office, par 7'697.20 et laissé le solde à la charge de l'Etat (IX), et a dit que le remboursement à l'Etat de l'indemnité du conseil d'office de P._ ne sera exigé que si la situation financière de P._ s'améliore notablement (X).
B.
Le 24 juin 2011, P._ a formé appel contre ce jugement.
Par déclaration d'appel motivée du 18 juillet 2011, l'appelant a conclu à sa libération des infractions de lésions corporelles simples, voies de fait, appropriation illégitime, vol et vol d'importance mineure, dommages à la propriété, détérioration de données, diffamation, violation de domicile et faux dans les titres. Quant au genre et à la quotité de la sanction, il a conclu à une condamnation pour les infractions de calomnie, menaces, violation grave des règles de la circulation et circulation malgré un retrait de permis de conduire à une peine, assortie du sursis, comprise entre six mois et une année sous forme de jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 10 francs. Enfin, il a demandé à ce que les frais de la cause soient répartis à dires de justice en tenant compte des différentes infractions dont il serait acquitté. Subsidiairement, l'appelant a conclu à l'annulation du jugement et au renvoi de la cause en première instance dans le sens des considérants. Ne demandant pas l'administration de preuves et proposant de ne pas comparaître en audience, l'appelant a implicitement requis une procédure écrite et son conseil a d'ores et déjà produit sa liste d'opérations (12 h et 15 fr. de débours).
Dans le délai imparti, le Ministère public a indiqué, par courrier du 8 août 2011, s'en remettre à justice quant à la déclaration d'appel du condamné. Par lettre du 15 août 2011, la partie plaignante a déclaré ne pas présenter de demande de non entrée en matière et a renoncé à déposer un appel joint.
Au vu des points à examiner dans l'appel, une audience s'est tenue le 7 novembre 2011, la procédure écrite étant exclue (art. 406 al. 1 CPP).
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
P._ est né le 31 mai 1973 à Sion. Il est célibataire et père d'un garçon né en 2001, avec lequel il entretient des contacts réguliers. Professionnellement, il est indépendant et oeuvre comme organisateur et créateur d'ambiance pour des manifestations sportives et culturelles. Il est notamment employé en sous-traitance par la [...]. Il ne réalise actuellement aucun revenu, ne paie ni loyer, ni assurance maladie. Il ne contribue pas à l'entretien de son fils et a dit avoir des dettes auprès de l'office des poursuites.
Son casier judiciaire suisse comporte les inscriptions suivantes :
- 15.06.2006, Tribunal militaire 2 Berne, insoumission et absence injustifiée, inobservation de prescriptions de service, emprisonnement 20 jours, avec sursis pendant deux ans, sursis révoqué le 12.09.2008 ;
- 21.08.2006, Juge d'instruction Lausanne, violation grave des règles de la circulation routière, amende 700 fr. avec sursis pendant deux ans, échec de la mise à l'épreuve ;
- 11.04.2007, Juge d'instruction Lausanne, violation des règles en matière de circulation routière, conduite sans permis, contravention à l'Ordonnance sur les règles de la circulation routière, peine pécuniaire de 25 jours, à 80 fr. le jour ;
- 05.11.2007, Office régional du Juge d'instruction du Valais central, Sion, circulation sans permis de circulation ou plaques de contrôle, circulation sans assurance responsabilité civile, TIG 40 heures ;
- 12.09.2008, Tribunal militaire 2 Berne, insoumission et absence injustifiée, inobservation de prescriptions de service, peine pécuniaire de 35 jours à 60 fr. le jour, avec sursis pendant deux ans, amende de 500 francs.
Le registre ADMAS (registre automatisé des mesures administratives) comporte sept inscriptions entre le 2 novembre 2004 et le 4 novembre 2009, dont six pour excès de vitesse.
2.
2.1.
Le 9 février 2008, à son domicile à Vevey, P._ a insulté J._ par téléphone, au motif que celle-ci n'était pas rentrée immédiatement auprès de lui après son travail. A son arrivée chez lui, l'appelant l'a soumise à un interrogatoire et sans explication, l'a sortie du lit et l'a traînée par les cheveux dans le corridor de l'immeuble, puis dans les escaliers menant à l'appartement, alors qu'elle était nue.
P._ conteste ses faits, admettant tout au plus avoir pu causer des marques sur les avant-bras de son amie, en la maîtrisant.
Il ressort d'un rapport médical (cf. constat médical pour coups et blessure du 12 février 2008, pièce 5) que la plaignante a souffert de dermabrasions et d'hématomes sur tout le corps, ainsi que de douleurs à la nuque.
2.2.
Le 11 février 2008, l'appelant s'est rendu au domicile de J._ et a endommagé divers objets appartenant à cette dernière, dont une commode en bois, un miroir, ainsi que des objets de décoration.
2.3.
Le 23 février 2008, à son domicile, l'appelant a insulté J._. Après le départ de cette dernière, il a saccagé toutes les affaires (vêtements, chaussures, porte-clé, sèche-cheveux, vanity case, tapis) qu'elle avait laissées à son domicile, en les aspergeant d'eau de javel, de sauce pimentée, d'huile ou en les découpant. Il a également placé une partie ces affaires dans les containers à ordures.
2.4.
Entre le 23 et le 25 février 2008, l'appelant a adressé douze SMS à J._, dont deux à 02h00 du matin. Dans un SMS du 23 février 2008 à 20h08, il a écrit à son amie en écrivant :
"pauvre conne qui est perturbé dans sa tete".
2.5.
A Vevey, le 27 février 2008, l'appelant a adressé à J._ plusieurs SMS contenant des injures et des menaces, comme par exemple : - à 19h27 :
"Suis intouchable....sale toxico",
- à 19h32 :
"juste une amende de circulation de fribourg 140.- a paver, hihi. Par contre ils vont t'internée : comportement dangereux et menaces de morte SALE PUTE",
- à 20h28 :
"Je vais aller voir ta patrone et lui rapporter tout ce que t'as volée et sortie de son magazin dans ton sac, j'ai tout les articles, SALE VOLEUSE. LES RAPPORTS VONT CHANGER TON JOB AUSSI. BYE BYE CHOMAGE. JE VAIS LA VOIR VENDREDI, VU QUE TU TRAVAILLES PAS OU BIENTOT PLUS, VOLEUSE".
A la suite de ces nombreux sms, le natel et la carte SIM du numéro de l'appelant ont été saisis et séquestrés.
Lors d'une visite domiciliaire effectuée le 27 février 2010 chez l'appelant, un linge de bain orange, un passeport suisse ainsi qu'un permis de conduire appartenant à la plaignante ont été retrouvés ; le prévenu ne s'était pas résolu à restituer ces affaires à cette dernière. Ces objets ont été rendus à J._ en cours d'enquête.
2.6.
A Vevey, le 28 février 2008, l'appelant a remis à la gérante du magasin L._SA Vevey, un courrier adressé à la boutique L._SA, avec copie à L._SA Genève et Paris, dans lequel il accusait faussement J._ de voler de la marchandise au préjudice de son employeur.
2.7.
A une date indéterminée, l'appelant a également rencontré la directrice des boutiques L._SA et lui a remis divers objets soi-disant dérobés par J._. Il a également raconté à cette dernière que J._ était dangereuse et qu'elle menaçait de tuer son enfant. Il lui a aussi montré des traces de morsures sur son bras en déclarant qu'elles avaient été faites par J._ alors qu'il s'était mordu lui-même.
Suite aux courriers adressés à l'employeur de J._ (cf. c. 2.6), cette dernière a été licenciée le 30 mai 2008 et une plainte pour vol a été déposée à son encontre. Cette procédure a abouti à un non-lieu le 12 août 2009, définitif et exécutoire.
Dans le cadre d'une procédure introduite devant le Tribunal de Prud'homme de céans, la plaignante a, conventionnellement, obtenu une indemnité s'élevant à 8'000 fr. pour licenciement immédiat injustifié.
2.8.
A Morges, le 27 avril 2008, l'appelant a asséné un coup de poing au visage de J._.
2.9.
A Vevey, le 19 mai 2008, l'appelant a adressé le SMS suivant à J._ :
"ma mission sur terre est de casser la gueule à toutes les pétasses, Dieu m'a dit que tu en faisais partie. Toi, tu dépouilles tous les gens que tu croises dont moi ! Moi j'ai juste accompli ma mission."
2.10.
A Chelin/VS, le 24 mai 2008, l'appelant s'est emporté contre J._, lui a cassé son porte-clés, l'a insultée et lui a asséné une gifle avant de s'en aller. Il est ensuite revenu durant la nuit et l'a à nouveau injuriée et menacée en déclarant qu'il avait une arme.
La plaignante ne conteste pas avoir mordu son agresseur pour se défendre et avoir jeté un caillou sur son véhicule dans le même but.
2.11.
A Vevey, entre le 24 et le 28 mai 2008, l'appelant a adressé divers SMS à J._, ayant par exemple la teneur suivante : - le 24 mai 2008 à 22h45 :
"Mais intérêts sont à la banque GROSSE petasse, mariana vient d'être avertit, hi hi hi",
le 24 mai 2008 à 23h36 :
"Je monte sale pute, ton chalet va vibrer",
- le 25 mai 2008 à 10h36 :
"réponds quand tes parents vont appeler ! Voleuse, avec la boss d'L._SA, j'ai au mains pour CHF 1'500.-, jpense qu'elle va prévenir les flics avec en plus des Vols à la clientèle ! Tu ris jaune sale pute et j compte vraiment pas me calmer !....après ça je t'attends! TOUTES tes affaires de Vevey sont dans une benne en VS, car tu m'as toute pas 2'500.- pour le parebrise de MA BMW, t'as plus qu'à retourner a vestiaide, s'habiller à 2.- quelle honte ! Tu ne récupereras rien et je vais te peter ta sale gueule maintenant, cogner sans fin",
- le 26 mai 2008 à 10h35 :
"Désolée la machine est en route, je n'arrive plus à contrôler, je vais aller pour TOUT jusqu'au bout, je peux plus rien arrêter, JE VAIS TE BRISER, comme une grosse merde!!!!",
le 28 mai 2008 à 20h55 :
"Explique ça à [...] maintenant, elle est au courant que tu prodigue des menaces de mort aux enfants,...pour une PUTEecurienne!!!!".
2.12.
Entre le 22 décembre 2008 et le 3 janvier 2009, l'appelant a rédigé trois lettres similaires, dactylographiées et non signées, au nom de la directrice des boutiques L._SA, concernant J._, qu'il a adressées à la boutique [...] de Vevey, nouvel employeur de cette dernière. L'appelant y a tenu des propos faux et calomnieux, tels que :
"je [...]) suis encore actuellement en procédure pénale contre elle (J._) pour vols aggravés et répétés pour plusieurs milliers de francs sur la marchandise et envers la clientèle et abus de confiance." ; "...et elle n’a jamais répondue à mes appels téléphoniques pour d’éventuelles explications, en proférant de plus des menaces à mon égard envers ses collègues de travai" ; "Après enquête de mon avocat j’ai pu constater que Mlle J._ à de plus falsifiée des documents de son curriculum vitae avec ses références, n’ayant jamais travaillée dans une boutique avant mon engagement. Suite à son départ, étant enceinte elle a de même avortée de son propre enfant pour tenter d’échapper à la justice, j’ai réussi à l’apprendre après enquête de ma part, d’autant qu’il lui est si facile de produire de faux documents." ; "M’étant totalement laissait trompée et abusée par Mlle J._ malgré son habile façon de manipuler les gens qu’elle fréquente en donnant son apparence de personne si attachante. En tant qu’employeur, il est de mon devoir donc de prendre les devants en vous écrivant cette lettre avec toutes les conséquences qu’elle peut entraîner, car il y a lieu de croire qu’avec tous ces antécédents Mlle J._ va de nouveau récidiver. Je m’en devait donc de vous avertir mes références ne figurant nulle part je pense".
L'appelant a persisté à contester être l'auteur de ces courriers, malgré les éléments matériels qui le mettaient en cause. Des traces digitales lui appartenant ont en effet été retrouvées sur deux des courriers et leur enveloppe respective.
La société L._SA a déposé plainte pénale pour ces faits et a pris des conclusions civiles à hauteur de 16'800 fr., avec intérêts à 5 % l'an dès le 8 mars 2011. Elle a également conclu à l'allocation de dépens pénaux.
2.13.
A Vevey, le 18 mars 2009, l'appelant a insulté par téléphone J._ et l'a accusée d'avoir volé son ordinateur. Suite à ces faits, entre le 18 et le 20 mars, il lui a adressé un SMS le 18 mars à 13h39, six SMS le 20 mars entre 11h52 et 13h23, dans lesquels il la traitait notamment de vieille, vieille grosse pute, de pétasse, de connasse. Il lui a adressé encore quatre autres SMS en la menaçant et en déclarant :
"Alors en attendant de régler ton compte j'arrête les sms".
2.14.
A Vevey, à une date indéterminée, l'appelant a effacé le répertoire des contacts, les photos et les messages SMS de J._ contenus dans le natel de cette dernière.
3.
A Rennaz, dans un centre commercial, le 24 août 2008, l'appelant a quitté la station service [...] sans payer son plein d'essence d'une valeur de 93 fr. 55. Il ne s'est pas présenté ultérieurement quand bien même il avait laissé le permis de circulation de son véhicule comme promesse de son retour.
La station service a porté plainte pénale pour ces faits, mais l'a retirée en date du 25 janvier 2011.
4.
4.1.
A Vevey, le 31 décembre 2008, l'appelant a circulé au volant d'une voiture dont les pneus ne présentaient pas un profil suffisant et dont il n'était pas en possession du permis de circulation, alors qu'il faisait l'objet d'un retrait de permis.
4.2.
A Leytron/VS, le 23 juin 2009, l'appelant a circulé au volant de sa voiture à une vitesse de 85 km/h (marge de sécurité déduite) en lieu et place des 50 km/h prescrits à cet endroit, commettant ainsi un excès de vitesse de 35 km/h.
5.
Entre le mois de janvier 2008 et le 22 août 2008, à tout le moins, l'appelant a consommé une à deux cigarettes de marijuana par semaine. Le 28 février 2008, il a été trouvé à son domicile 15.5 g de cette drogue.
6.
Durant l'enquête, l'appelant a été soumis à une expertise psychiatrique. Dans leur rapport du 26 mai 2010, les experts ont posé le diagnostic de troubles mentaux et du comportement liés à l'utilisation du cannabis, syndrome de dépendance, utilisation épisodique et de trouble de la personnalité émotionnellement labile, type impulsif. Ils ont en outre estimé que la diminution de la responsabilité était légère et que, compte tenu du bas seuil de tolérance, de nouveaux passages à l'acte illégaux étaient possibles dans les domaines concernés par la présente affaire. Ils ont qualifié le risque de récidive d'important en matière de LStup et de LCR, et de moyen en matière d'atteinte à l'intégrité corporelle de tiers. | En droit :
1.
L’appel doit être annoncé dans les 10 jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l'occurrence, interjeté dans les formes et délais légaux contre un jugement d'un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l'art. 398 CPP, la juridiction jouit d'un plein pouvoir d'examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L'appel peut être formé pour violation de droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
3.
L'appelant conteste avoir infligé des lésions corporelles à J._ le 9 février 2008 en la traînant par les cheveux, de son lit au corridor de l'appartement, puis dans les escaliers, alors qu'elle était nue (jgt, p. 39). Il considère qu'il s'agit tout au plus de voies de fait prescrites.
3.1.
Selon la jurisprudence (6B_733/2007 du 19 juin 2008), l'art. 123 CP réprime les lésions du corps humain ou de la santé qui ne peuvent être qualifiées de graves au sens de l'art. 122 CP. Cette disposition protège l'intégrité corporelle et la santé tant physique que psychique. Elle implique une atteinte importante aux biens juridiques ainsi protégés. A titre d'exemples, la jurisprudence cite l'administration d'injections, la tonsure totale et tout acte qui provoque un état maladif, l'aggrave ou en retarde la guérison, comme les blessures, les meurtrissures, les écorchures ou les griffures, sauf si ces lésions n'ont pas d'autres conséquences qu'un trouble passager et sans importance du sentiment de bien-être (ATF 119 IV 25 c. 2a ; 107 IV 40 consid. 5c ; 103 IV 65 c. 2c).
Les voies de fait, réprimées par l'art. 126 CP, se définissent comme des atteintes physiques qui excèdent ce qui est socialement toléré et qui ne causent ni lésions corporelles, ni dommage à la santé. Une telle atteinte peut exister même si elle n'a causé aucune douleur physique (ATF 119 IV 25 c. 2a ; 117 IV 14 c. 2a).
La distinction entre lésions corporelles et voies de fait peut s'avérer délicate, notamment lorsque l'atteinte s'est limitée à des meurtrissures, des écorchures, des griffures ou des contusions. Ainsi, une éraflure au nez avec contusion a été considérée comme une voie de fait; de même une meurtrissure au bras et une douleur à la mâchoire sans contusion. En revanche, un coup de poing au visage donné avec une violence brutale propre à provoquer d'importantes meurtrissures, voire une fracture de la mâchoire, des dents ou de l'os nasal, a été qualifié de lésion corporelle ; de même de nombreux coups de poing et de pied provoquant chez l'une des victimes des marques dans la région de l'oeil et une meurtrissure de la lèvre inférieure et chez l'autre une meurtrissure de la mâchoire inférieure, une contusion des côtes, des écorchures de l'avant-bras et de la main (ATF 119 IV 25 c. 2a). La question peut parfois être résolue de manière satisfaisante par l'application de l'art. 123 ch. 1 al. 2 CP, qui permet une atténuation libre de la peine dans les cas de peu de gravité (cf. ATF 119 IV 25 c. 2a). Dans les cas limites, il faut tenir compte de l'importance de la douleur provoquée, afin de déterminer s'il s'agit de lésions corporelles simples ou de voies de fait. Comme les notions de voies de fait et d'atteinte à l'intégrité corporelle, qui sont décisives pour l'application des art. 123 et 126 CP, sont des notions juridiques indéterminées, la jurisprudence reconnaît, dans ces cas, une certaine marge d'appréciation au juge du fait car l'établissement des faits et l'interprétation de la notion juridique indéterminée sont étroitement liés.
3.2.
Dans le cas d’espèce, il est manifeste que les hématomes et les dermabrasions sur le corps de J._ doivent être qualifiés de lésions corporelles. En effet, ils ont été constatés médicalement (cf. pièce 5, constat médical pour coups et blessure du 12 février 2008) et photographiés par la colocataire de J._ d'une part (cf. pièce 11/2), laquelle expose un tableau de femme battue en indiquant notamment avoir retrouvé la plaignante
"la gueule en sang, la lèvre ouverte, un œil explosé, (...)"
ou encore
"dans un état pitoyable"
(cf. procès-verbal d'audition du 1
er
octobre 2008, aud. 11 ; jgt, p. 11)
,
et à l'hôpital d'autre part (cf. pièce 11 /1). Un témoin l'a encore décrite comme couverte de bleus (cf. procès-verbal d'audition du 6 août 2008, aud. 8). En outre, il est établi que la partie plaignante a présenté des douleurs diffuses au visage et au membre supérieur droit, ainsi que des douleurs nucales et des céphalées, nécessitant un examen radiologique de la colonne cervicale (cf. pièce 5, constat médical pour coups et blessure du 12 février 2008). Les documents médicaux produites à l'audience d'appel (cf. pièce 114) établissent que la plaignante souffre actuellement encore d'une gêne articulaire douloureuse à la mâchoire. Par ailleurs, la multiplicité des traces parsemant le corps, les ruptures de vaisseaux sanguins laissant des marques apparentes et sensibles durant plusieurs jours, les douleurs infligées et la violence de la scène (corps nu halé sur le sol et ripé sur des marches d’escaliers) excluent à l’évidence une qualification de voies de fait ou de lésions corporelles simples de peu de gravité.
3.3.
La version des faits que l’appelant entend opposer à la partie plaignante selon laquelle il se serait borné à la maintenir en la serrant aux avant-bras est battue en brèche par le constat des lésions parsemant tout le corps, les photos produites et les témoignages recueillis corroborant la version de la partie plaignante. De plus, comme l’ont indiqué les premiers juges pour étayer leur conviction (jgt, pp. 38 et 39), d’autres éléments (SMS, témoignages) démontrent la violence verbale et physique de l’appelant à l’encontre de son ex-amie, ainsi que sa propension à dénigrer celle-ci, voire à l’accuser faussement.
En outre, le fait que peu après l’agression, l’appelant ait été invité chez J._ (jgt, pp. 39 in fine et 40) n’est pas déterminant quant à la réalité des lésions infligées auparavant, le comportement affectif de cette dernière étant tributaire tant de la crainte ressentie que d’une forme d’élan amoureux, donc d’ambivalence. De même, le fait de traîner une femme par les cheveux ne doit pas forcément aboutir à arracher à celle-ci des touffes de cheveux ou à la scalper. Il convient à ce titre de relever que cette prise et cette traction se sont traduites notamment par des douleurs cervicales.
Cela étant, force est donc de constater que l’autorité judiciaire de première instance a procédé sur ce point à une constatation complète et pertinente des faits et que la condamnation pour lésions corporelles simples relève d’une application correcte du droit.
4.
L'appelant conteste aussi avoir endommagé divers objets appartenant à la partie plaignante dont notamment une commode en bois, un miroir et des objets de décoration. Il oppose ses dénégations à la version des faits donnée par la partie plaignante et considère que la version de celle-ci n'est pas crédible parce qu'elle se trouvait le même jour en mains de médecins pour faire constater ses lésions et que le doute doit lui profiter.
En l'occurrence, dès lors qu’il n’est pas établi que ces deux faits se soient produits à la même heure et le même jour, il convient de relativiser la coïncidence temporelle du constat et des dommages. De plus, le fait de tolérer la présence de l’appelant à son domicile, le cas échéant peu après avoir fait constater les lésions infligées par cet homme, relève, comme déjà dit, de l’attitude ambivalente de la plaignante qui, du moins au début, avait tendance à croire aveuglément aux promesses de changement que P._ formulait.
Quant à la matérialité des faits, tout en situant cet épisode avant les violences évoquées ci-dessus, la colocataire a fait état de ce que l’appelant avait tout détruit dans le salon de l’appartement et la chambre de la plaignante (cf. procès-verbal d'audition du 1
er
octobre 2008, aud. 11) et de ce qu’en plus des nettoyages effectués par la plaignante, il lui avait fallu une semaine pour réparer des cadres, miroirs, table, etc. De son côté, l’appelant a admis un épisode, en janvier 2008, où il aurait endommagé des objets et du mobilier chez la plaignante (table renversée, posters déchirés et statue de Bouddha très légèrement rayée après être tombée sur le sol (cf. rapport violence domestique, pièce 13 p. 5). Il a également reconnu une autre destruction et détérioration volontaire d’effets personnels de la plaignante dans le cadre d’une scène le 23 février 2008, donc une propension à se venger d’elle en détruisant ses biens. Enfin, comme les premiers juges l’ont indiqué, J._, digne et mesurée dans ses propos, est apparue crédible à l’inverse de l’appelant qui n’a pas hésité à mentir pour tenter de l’accabler faussement (jgt, p. 39). Au vu de ces éléments, les premiers juges n’ont donc pas constaté les faits de manière erronée.
5.
5.1.
L’appelant nie ensuite s’être illégitimement approprié le linge de bain orange, le passeport et le permis de conduire de J._, retrouvés chez lui à l’occasion d’une perquisition le 27 février 2008 (cf. rapport de violence domestique, pièce 13 p. 2 in fine) et non en février 2010 comme indiqué par erreur dans le jugement. Il soutient qu'elle avait laissé ces objets chez lui lors d’une période de cohabitation en novembre 2007 et qu’il n’a jamais eu l’intention de se les approprier puisqu’il en ignorait la présence à son domicile, l’absence de conscience excluant selon lui la réalisation de l’élément subjectif (cf. jgt, p. 20). Durant l’enquête, il a indiqué en outre qu’il aurait détruit ces papiers s’il avait su qu’ils étaient encore en sa possession (cf. procès-verbal d'audition du 28 février 2008, aud. 3).
Dans sa déposition du 27 février 2008, J._ a expliqué que P._ avait détruit et endommagé ses effets personnels après qu’elle lui avait annoncé le 23 février 2008 son intention de le quitter. Le 24 février 2008, elle a ainsi constaté la destruction et l’endommagement de ses habits et elle a demandé à P._ qu’il lui rende son passeport, son permis de conduire, son contrat de travail, etc, et ce dernier a alors prétendu les avoir déchirés. Elle n’en a toutefois trouvé aucune trace dans les morceaux de certains papiers qu'il avait détruits (cf. rapport de violence domestique, pièce 13 p. 4).
Entendu par la gendarmerie le 27 février 2008 également, P._ a déclaré que, s'agissant des papiers de J._, il ne pensait pas les avoir détruits, que son amie devait les avoir repris et qu’il n’avait plus rien lui appartenant chez lui (cf. rapport de violence domestique, pièce 13 p. 6). Entendu à nouveau, il a protesté de sa bonne foi en disant ignorer la présence de ces objets à son domicile (cf. procès-verbal d'audition du 27 février 2008, aud. 1 p. 1).
5.2.
Le logement de P._ ne comportait qu’une chambre (cf. procès-verbal de visite domiciliaire du 27 février 2008, pièce 17). Il n’est pas vraisemblable que le passeport, le permis de conduire et le linge lui aient échappé lorsqu'il a recherché les biens personnels de J._. L'appelant a menti à cette dernière sur la question du sort de ces documents. En effet, au lieu de dire qu’il ignorait où ils se trouvaient, selon sa version dans l’affaire pénale, il a faussement soutenu les avoir détruits. Ensuite, il a donné à la gendarmerie une explication diamétralement opposée selon laquelle il n’avait pas détruit ces papiers, mais que la plaignante les avait repris. Enfin, il s’est opposé à la visite de son logement par les forces de l’ordre – il est vrai qu’il y détenait du cannabis – et il a fallu passer par un mandat de perquisition pour les découvrir (cf. rapport de police du 3 mars 2008, pièce 21 p. 2).
La prétendue bonne foi de l’appelant doit donc être écartée. Ses mensonges successifs ne peuvent se comprendre que comme l’expression de sa volonté de dissimuler la possession de ces objets pour éviter de devoir les restituer, donc pour se les approprier. Les griefs de constatation erronée des faits et de violation du droit doivent être rejetés.
6.
L’appelant nie encore avoir cassé le porte-clés de la plaignante lors d’une scène le 24 mai 2008 (jgt, p. 43). J._ a toutefois relaté ce geste de manière précise dans sa plainte du 11 juin 2008 (cf. son courrier, pièce 24/1 pp. 6-7) :
« Le 24 mai 2008, allons à Chelin dans le chalet de mes parents. Sur le chemin, nous nous arrêtons à Sion voir ses parents, sa maman demande que P._ me donne son numéro de téléphone, mais dès que je le lui demande dans la voiture, il s’énerve de façon disproportionnée, me prend le trousseau de clés des mains, le casse et récupère ses clés. Il se met dans une colère noire (...) ».
Les premiers juges ont retenu la version de la partie plaignante au vu de leur appréciation générale de sa crédibilité. En l'espèce, le fait punissable se situe dans un contexte de confrontation et d’affrontement admis par l’appelant et s’avère conforme à son impulsivité et à ses éclats de colère. Ainsi, la constatation des faits par les premiers juges n’apparaît pas arbitraire et doit ainsi être approuvée.
7.
L’appelant conteste s’être rendu coupable de détérioration de données en niant avoir effacé, à une date indéterminée, le répertoire des contacts, photos et messages SMS contenus dans le natel de J._(jgt, p. 47). Aux débats, il a déclaré tout ignorer de ces faits, alors que J._ a indiqué qu’il avait l’habitude de régulièrement vider les données de son natel (jgt, pp. 26 et 27). L’appelant soutient qu’une plainte fait défaut, qu’il n’y a pas eu inculpation de ce chef d’accusation, que le respect du délai de plainte de trois mois (art. 31 CP) n’est pas établi et que, le doute devant lui profiter, aucun motif suffisant ne permet de préférer la version de la partie plaignante à ses dénégations.
Dans sa lettre du 11 juin 2008 au Juge d’instruction, valant complément de plainte selon son premier paragraphe (cf. pièce 24/1 pp. 1 et 6), J._ a notamment écrit :
« Nous nous revoyons environ 2 semaines après (sic: 9 mai). Un matin je me réveille et m’aperçois que mon natel est déchargé alors que je l’ai rechargé la veille et demande à P._ des explications, il s’énerve en me disant qu’il a effacé tous les SMS, les photos et les amis de mon répertoire ».
La partie plaignante a dénoncé les faits qu’elle estimait répréhensibles, dont ceux relatifs à l’effacement de son répertoire électronique, laissant le soin au juge de les qualifier pénalement. Elle a donc bien exprimé son intention de s’en plaindre auprès d’un juge instructeur. De même, le délai pour le dépôt de plainte de trois mois est respecté puisque les faits se sont produits entre le 9 mai et le 11 juin 2008. Enfin, non seulement l'inculpation ressort du procès-verbal d'audition du 22 août 2008 (cf. aud. 10 pp. 1 et 3 in fine), mais l’ordonnance de renvoi qui inclut cette accusation n’a pas été attaquée pour omission ou défaut d’inculpation régulière dans un recours au Tribunal d’accusation au sens de l’art. 295 CPP-VD.
Quant à la réalité du fait lui-même, la partie plaignante est crédible pour les raisons déjà évoquées. L’effacement de données concernant des tiers s’avère conforme de plus à la possessivité de l’appelant et à son besoin d’isoler la plaignante de ses proches et amis.
Ce grief doit également être rejeté.
8.
L'appelant soutient que la peine infligée est excessive et insuffisamment motivée.
8.1.
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 c. 2.1 ; ATF 129 IV 6 c. 6.1).
L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge. Par conséquent, celui-ci ne viole le droit fédéral en fixant la peine que s'il sort du cadre légal, s'il se fonde sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, s'il omet de prendre en considération des éléments d'appréciation prévus par cette disposition ou, enfin, si la peine qu'il prononce est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d'appréciation (TF 6B_1029/2010 du 18 avril 2011 c. 2.1 et les arrêts cités).
8.2.
En l'espèce, les premiers juges ont exclu tout autre genre de peine que la privation de liberté, retenant à charge de P._, l’importance de sa culpabilité, en particulier à l’égard de J._, en raison des attaques répétées dirigées contre elle, qui ont atteint leur paroxysme en visant à la disqualifier vis-à-vis de son employeur et futur employeur. Le tribunal a aussi mis en avant l’absence de prise de conscience effective, doublée d’une absence d’excuses réelles, celles formulées en fin d’audience étant qualifiées de pure complaisance, ainsi que l’acharnement à nuire à cette femme en dépit des ouvertures successives d’enquêtes pénales et des mises en garde constituées par les auditions menées par le juge d’instruction. Le concours d’infractions et la récidive en matière de circulation routière ont également été pris en compte comme facteurs aggravants (jgt, pp. 48 et 49). A décharge, les premiers juges ont mentionné la situation personnelle de P._, le contexte particulier de sa relation avec J._ et la diminution légère de sa responsabilité pénale.
8.3.
L'argumentation de l'appelant tendant à la réduction de la sanction en raison de l'abandon de divers chefs de condamnation est infondée dès lors que la commission des infractions en question a été confirmée ci-dessus (cf. c. 3 à 7). De même, on ne saurait reprocher aux premiers juges, contrairement à ce que soutient l'appelant, de n'avoir pas eu à l'esprit qu'il s'occupe de son fils et le garde pendant que la mère de l'enfant travaille, ce contre de l'argent de poche (jgt, p. 15). En effet, cet élément a été retenu à sa décharge dans la mesure où les premiers juges ont tenu compte de sa situation personnelle. En outre, le tribunal a correctement tenu compte de ses antécédents, puisqu'il a limité la portée de ceux-ci au domaine de la circulation routière, ne relevant pas les antécédents de la justice militaire. Enfin, le tribunal a adéquatement pris en considération, à décharge, le fait que les principales infractions ont été commises dans le cadre d’une relation amoureuse chaotique marquée de ruptures et de reprises.
L’escalade, la variété et la détermination caractérisant les infractions commises à l’encontre de J._ révèlent un inquiétant besoin d’emprise et de domination relevant de la mise en oeuvre d’une entreprise de persécution au long cours, empreinte d’ingéniosité et de perversité, pour asservir cette femme. Sans le moindre scrupule, l'appelant a causé à sa victime d’importantes souffrances et a contribué de manière décisive à la détérioration de sa santé, que ce soit sur le plan psychique (jgt, p. 33), en ourdissant et en faisant aboutir sa machination laquelle a débouché sur le licenciement de cette dernière, comme divers documents médicaux en attestent (cf. pièce 97 / 10 et 11) ou sur le plan physique (cf. par ex. pièce 114, rapport du Dr [...] du 1
er
septembre 2011).
Au regard de l’ensemble de ces éléments et en tenant compte de la diminution légère de sa responsabilité pénale, la peine infligée par les premiers juges est adéquate et doit être confirmée.
9.
L'appelant revendique finalement un sursis complet au lieu d'un sursis partiel lui imposant de purger dix mois sur vingt-deux. Les premiers juges ont indiqué à cet égard que le pronostic était mitigé en raison du risque de récidive relevé par les experts et de l'absence de prise de conscience de la gravité des actes.
9.1.
Selon la jurisprudence (voir not. TF 6B_353/2008 du 30 mai 2008), l'art. 43 CP prévoit que le juge peut suspendre partiellement l'exécution d'une peine pécuniaire, d'un travail d'intérêt général ou d'un peine privative de liberté d'un an au moins et de trois ans au plus afin de tenir compte de façon appropriée de la faute de l'auteur (al. 1). La partie à exécuter ne peut excéder la moitié de la peine (al. 2). En cas de sursis partiel à l'exécution d'une peine privative de liberté, la partie suspendue, de même que la partie à exécuter, doivent être de six mois au moins. Les règles d'octroi de la libération conditionnelle ne lui sont pas applicables (al. 3).
Les conditions subjectives permettant l'octroi du sursis (art. 42 CP), à savoir les perspectives d'amendement, valent également pour le sursis prévu à l'art. 43 CP dès lors que la référence au pronostic ressort implicitement du but et du sens de cette dernière disposition. Ainsi, lorsque le pronostic quant au comportement futur de l'auteur n'est pas défavorable, la loi exige que l'exécution de la peine soit au moins partiellement suspendue. Mais un pronostic défavorable exclut également le sursis. En effet, s'il n'existe aucune perspective que l'auteur puisse être influencé de quelque manière par un sursis complet ou partiel, la peine doit être entièrement exécutée (ATF 134 IV I c. 5.3.1).
En revanche, les conditions objectives des art. 42 et 43 CP ne correspondent pas : les peines privatives de liberté jusqu'à une année ne peuvent être assorties du sursis partiel ; une peine de 12 à 24 mois peut être assortie du sursis ou du sursis partiel ; le sursis complet à l'exécution d'une peine privative de liberté est exclu, dès que celle-ci dépasse 24 mois alors que jusqu'à 36 mois, le sursis partiel peut être octroyé (ATF 134 IV I c. 5.3.2).
Lorsque la peine privative de liberté est d'une durée telle qu'elle permette le choix entre le sursis complet (art. 42 CP) et le sursis partiel (art. 43 CP), soit entre un et deux ans au plus, l'octroi du sursis au sens de l'art. 42 est la règle et le sursis partiel l'exception. Cette dernière ne doit être admise que si, sous l'angle de la prévention spéciale, l'octroi du sursis pour une partie de la peine ne peut se concevoir que moyennant exécution de l'autre partie. La situation est comparable à celle où il s'agit d'évaluer les perspectives d'amendement en cas de révocation du sursis (ATF 116 IV 97). Lorsqu'il existe - notamment en raison de condamnations antérieures - de sérieux doutes sur les perspectives d'amendement de l'auteur, qui ne permettent cependant pas encore, à l'issue de l'appréciation de l'ensemble des circonstances, de motiver un pronostic concrètement défavorable, le tribunal peut accorder un sursis partiel au lieu du sursis total. On évite de la sorte, dans les cas de pronostics très incertains le dilemme du « tout ou rien ». L'art. 43 CP permet alors que l'effet d'avertissement du sursis partiel autorise, compte tenu de l'exécution partielle ordonnée simultanément, un pronostic largement plus favorable pour l'avenir. Encore faut-il que l'exécution partielle de la peine apparaisse incontournable pour améliorer les perspectives d'amendement. Tel n'est pas le cas, lorsque la combinaison d'une amende au sens de l'art. 42 al. 4 CP avec le sursis apparaît suffisante sous l'angle de la prévention spéciale. Le tribunal doit examiner préalablement cette possibilité (ATF 134 IV I c. 5.5.2).
9.2.
En l’espèce, les experts ont répondu affirmativement à la question du risque de récidive et l’ont qualifié d’élevé pour les infractions à la circulation routière et à la LStup, et de moyen pour les infractions à l’intégrité physique de tiers, notamment si l’intéressé est à nouveau confronté à une relation affective passionnelle. Ce risque était toujours présent à la date de l’audience (jgt, p. 32). L’absence de prise de conscience résulte des déclarations de l’appelant tant en cours d’instruction qu’à l’audience, plus particulièrement de ses dénégations mensongères et de son attitude agressive envers sa victime alors même que leur relation a pris fin depuis de nombreux mois.
Le pronostic est effectivement mitigé, soit incertain et essentiellement négatif, la tendance à la récidive étant susceptible de s’élever fortement si l’appelant noue une nouvelle relation sentimentale intense. Une sanction immédiate de nature pécuniaire au sens de l’art. 42 al. 4 CP ne serait à l’évidence pas de nature à améliorer ce pronostic. Non seulement son importance économique serait dérisoire au vu de l’indigence de l’appelant, le montant des jours-amende infligés ne dépassant pas 10 fr. et des sanctions de CHF 600 fr. et de CHF 300.- étant déjà infligées pour les injures et la circulation routière, mais surtout son attitude lors de ses auditions par le juge instruction qu’il s’amusait à narguer, par exemple en lui disant qu’il avait agi de la sorte de manière à la revoir parce qu’il la trouvait charmante (cf. procès-verbal d'audition n° 3 p. 1), montre qu’il est rétif à toute sanction qui ne le confronte pas dans sa personne aux conséquences de ses actes. L’appelant se percevant comme tout puissant et intouchable (cf rapport d'expertise du 26 mai 2010, pièce n° 60 et les SMS où il se décrit comme tel) et cette perception biaisée de lui-même et des autres conditionnant étroitement le risque de récidive, la sanction doit l’atteindre directement et effectivement. Seule une privation de liberté effective est ainsi de nature à améliorer le pronostic et impose donc un sursis partiel.
10.
La condamnation à l'entier des frais de première instance doit être confirmée dès lors que les cinq infractions dont l'appelant a été acquitté, d'importance secondaire, n'ont pas véritablement alourdi les coûts d'instruction et de jugement.
En outre, l'entier des frais d'appel doit être supporté par l'appelant qui succombe (art. 428 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
30855435-688d-43b1-a64e-1894f353c83f | En fait :
A.
Par jugement du 23 août 2011, le Tribunal de police de l’arrondissement de l'Est vaudois a libéré K._ des chefs d'accusation d'escroquerie et de gestion déloyale (I), a constaté qu'il s'était rendu coupable d'obtention frauduleuse d'une constatation fausse (II), l'a condamné à une peine pécuniaire de trois jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 50 fr. (III), a suspendu la peine précitée et a fixé à K._ un délai d'épreuve de deux ans (IV), a levé le séquestre sur les documents saisis sous fiche no 1446 et en a ordonné la restitution à K._ (V) et a mis une partie des frais de la cause, par 1'063 fr. 75, à sa charge et a laissé le solde à celle de l'Etat (VI).
B.
Les faits retenus sont les suivants :
1.1 Le prévenu K._, né en 1955, ressortissant italien, est divorcé et père de deux enfants majeurs. Il exerce la profession de représentant indépendant. Son casier judiciaire est vierge.
1.2 En juillet 2003, le prévenu a apporté son assistance à son beau-frère, qui souhaitait acquérir un bien immobilier d'un particulier. Les parties au contrat de vente avaient alors déjà manifesté leurs volontés concordantes d'aliéner, respectivement d'acquérir l'immeuble en question, sis dans le canton de Vaud. Le prix de vente avait déjà été fixé, ce à hauteur de 725'000 fr. Agissant à titre gracieux, le prévenu a élaboré et concrétisé la demande de financement présentée par le candidat acheteur au créancier hypothécaire, à savoir une banque. Au préalable, il était convenu avec les parties d'ajouter au prix de vente une commission de courtage fictive en sa faveur d'un montant de 25'000 fr. Après la conclusion de la vente, le notaire ayant instrumentalisé l'acte lui a versé cette somme le 18 décembre 2003. Le prévenu l'a rétrocédée à son beau-frère en prenant à sa charge divers travaux de maçonnerie effectués dans le bâtiment.
En majorant le prix de vente exigé par le vendeur du montant d'une commission de courtage fictive, le prévenu a obtenu de son créancier gagiste, sans apport complémentaire de fonds propres, les liquidités indispensables qui lui manquaient pour transformer le bien immobilier.
1.3 A l'appui de ses moyens libératoires, le prévenu a fait valoir que sa commission avait bien été payée, de sorte que le notaire n'avait pas été trompé. Il a en outre soutenu que la créancière gagiste n'avait pas davantage été induite en erreur, en excipant du fait que ce n'était qu'après avoir estimé l'immeuble que la banque avait prêté à l'acheteur le montant du prix de vente total, soit 750'000 fr.
1.4 En cours d'enquête, le conseiller pour la clientèle qui avait établi le prêt pour la banque créancière a confirmé que l'établissement s'était fondé uniquement sur la valeur du bien selon le prix du marché, l'apport de fonds propres et le coût des travaux à exécuter n'entrant pas en ligne de compte dans son appréciation. La banque, qui perçoit régulièrement les intérêts hypothécaires sur le montant du prêt, n'a rien perdu dans cette affaire.
Quant à l'Etat, il a perçu des droits de mutation plus élevés, le prix de vente étant majoré de 25'000 fr., ce qui excluait tout préjudice fiscal. | 2. En droit, le tribunal de police a considéré que le prévenu s'était rendu coupable d'obtention frauduleuse d'une constatation fausse. Il a écarté les moyens libératoires déduits du fait que ni la banque créancière ni le fisc n'avait subi de dommage et que le notaire avait bien versé au prévenu le montant convenu dans l'acte pour la commission. Les éléments déterminants retenus en droit ont bien plutôt été que le prévenu n'avait pas droit à une commission. En effet, d'une part, il n'était pour rien dans la transaction entre le vendeur et l'acheteur, dès lors qu'il était intervenu alors que les parties au contrat avaient déjà échangé leur accord sur tous les éléments essentiels de la vente. D'autre part, il avait agi à titre gracieux. En d'autres termes, les 25'000 fr. perçus ne constituaient pas une commission.
Pour le reste, les éléments objectifs de l'infraction réprimée à l'art. 253 CP ont été tenus pour réalisés. Les faits concernaient un titre authentique au sens de l'art. 110 ch. 5 al. 2 CP. Ensuite, le titre en question avait été dressé par un officier public agissant en cette qualité, ce qui est le cas des notaires dans le canton de Vaud. En outre, la constatation fausse avait pour objet un fait ayant une portée juridique, soit le prix de vente de l'immeuble aliéné. Enfin, l'agent public avait été induit en erreur et, utilisé comme instrument, avait établi une constatation fausse alors qu'il croyait qu'elle était véridique; le prévenu agissait dans le dessein de tromper autrui, soit dans l'intention d'obtenir, sans fonds propres supplémentaires, des liquidités pour financer les travaux de rénovation de l'immeuble. En d'autres termes, le comportement réprimé a consisté dans cette mesure, pour le prévenu, à avoir convenu avec les parties au contrat d'ajouter au prix de vente déjà stipulé une commission de courtage fictive en sa faveur.
En revanche, les éléments constitutifs de l'escroquerie et de la gestion déloyale n'ont pas été tenus pour réalisés.
C.
Le 30 août 2001, K._ a annoncé faire appel de ce jugement. Le 21 septembre 2011, il a déposé une déclaration d'appel, concluant, avec suite de frais des deux instances et de dépens de deuxième instance, à la modification du jugement en ce sens qu'il est libéré du chef d'accusation d'obtention frauduleuse d'une constatation fausse.
L'appel a été d'office traité en la forme écrite (art. 406 al. 1 CPP). Dans son mémoire du 19 octobre suivant, l'appelant a développé ses moyens et confirmé ses conclusions. Le Ministère public s'en est remis à justice.
En droit :
1.1
Interjeté dans les formes et délais légaux (cf. art. 399 CPP) contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel est recevable.
1.2
Aux termes de l’art. 398 al. 2 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). Selon l’art. 398 al. 3 CPP, l’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié (let. a), pour constatation incomplète ou erronée des faits (let. b) et pour inopportunité (let. c).
2.
Dans la mesure où il conteste la qualification retenue sous l'angle de l'art. 253 CPP, l'appelant excipe d'une fausse application du droit matériel par le tribunal de police. Ce moyen relève de l'art. 398 al. 3 let. a CPP. Ni la quotité de la peine, ni le montant du jour-amende ne sont contestés séparément.
3.1
Sous la note marginale
Obtention frauduleuse d’une constatation fausse
, l'art. 253 CP prévoit que celui qui, en induisant en erreur un fonctionnaire ou un officier public, l’aura amené à constater faussement dans un titre authentique un fait ayant une portée juridique, notamment à certifier faussement l’authenticité d’une signature ou l’exactitude d’une copie, ou qui aura fait usage d’un titre ainsi obtenu pour tromper autrui sur le fait qui y est constaté, sera puni d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire.
3.2
Les éléments constitutifs objectifs de l'infraction sont les suivants : un titre authentique; un fonctionnaire ou un officier public; une constatation fausse sur un fait ayant une portée juridique; une tromperie motivante. Le comportement punissable consiste soit dans l'obtention de la constatation fausse obtenue par la tromperie du fonctionnaire ou l'officier public, soit dans l'usage de la constatation ainsi obtenue (cf. Corboz, Les infractions en droit suisse, Vol. I, 3
e
éd, Berne 2010, ch. 1 à 16, ad art. 253 CP, pp. 282 ss). L'élément subjectif est constitué par l'intention; le dol éventuel suffit; aucun dessein spécial n'est requis (op. cit., ch. 17 et 18, p. 284).
Il ne s'agit pas d'un délit propre. L'infraction, soit le crime, peut être commis par quiconque, notamment par un auteur qui n'est pas partie au contrat revêtu de la forme authentique constituant l'objet de la déclaration fausse (TF 6S.163/2000 du 10 mai 2000).
4.
En l'espèce, il y a bien eu une tromperie portant sur un titre authentique. Le contrat portait sur un droit réel immobilier, lequel requiert la forme qualifiée en question pour être valide (cf. l'art 657 al. 1 CC). Dans le canton de Vaud, l'officier public instrumentant un tel acte est le notaire (art. 1 al. 1 et art. 48, 1
er
tiret, de la loi sur le notariat du 29 juin 2004 [LNo, RSV
178.11]
), étant précisé que le notaire habilité à exercer son activité ministérielle peut instrumenter sur l'ensemble du territoire cantonal (art.14 LNo). Ces éléments sont du reste incontestés.
5.
Ensuite, la constatation fausse sur un fait ayant une portée juridique est également avérée. En effet, la constatation porte sur un fait d'une telle portée, à savoir le prix de vente de l'immeuble. Le prix mentionné par l'acte de vente notarié, soit 750'000 fr., n'était pas celui convenu entre le vendeur et l'acheteur, soit 725'000 fr. C'est cette différence de 25'000 fr. qui a permis au prévenu de faire effectuer des travaux dans l'immeuble. Aucune commission, soit salaire de courtier au sens des art. 412 ss CO, ne lui a donc été versée. En d'autres termes, le prix indiqué ne correspondait pas à la réalité. Les multiples jeux d'écritures effectués par l'appelant (versement du dessous-de-table par la banque de l'acheteur au notaire, puis par celui-ci au prévenu, lequel l'a finalement restitué à l'acheteur par le paiement des factures relatives aux travaux sur l'immeuble) n'y changent rien. En effet, c'est le résultat économique qui est déterminant, et non les artifices comptables. En d'autres termes encore, la commission de courtage était fictive parce qu'elle ne correspondait pas à la volonté des parties au contrat et qu'elle était donc simulée (cf. l'art. 18 CO).
Dans la cause ayant fait l'objet de l'arrêt fédéral précité (6S.163/2000), l'accusé recourant avait soulevé l'argument selon lequel le dessous-de-table versé par un tiers sur le prix de vente d'un immeuble ne changeait rien au fait que le prix versé par l'acheteur au vendeur correspondait à celui figurant dans l'acte authentique. Réfutant ce moyen, la juridiction fédérale a statué que c'était la somme effectivement réclamée et obtenue par le vendeur qui était déterminante, d'une part sous la forme du montant figurant dans l'acte et d'autre part sous la forme du dessous-de-table. En d'autres termes, c'est la réalité économique qui a été prise en compte plutôt que l'apparence comptable.
Ce critère économique est même une constante de la jurisprudence fédérale (cf. notamment TF 6S.438/1999 du 24 février 2000). Dans cette dernière espèce, les parties à l'acte avaient, à côté de la vente proprement dite, qui avait été exécutée, signé une convention selon laquelle le vendeur continuait à prendre en charge tous les frais relatifs à l'immeuble. Statuant que la vente immobilière était fictive, le Tribunal fédéral a considéré qu'"au demeurant, même si les parties avaient voulu réellement conclure la vente, elles auraient trompé le notaire sur le prix de vente; en effet, à cause de prestations supplémentaires que le recourant s'était engagé à fournir dans la convention sous seing privé, le prix déclaré au notaire ne correspondait pas à la réalité" (arrêt cité, c. 20c). Le Tribunal ajoutait que c'était partant à bon droit que la juridiction inférieure avait fait application de l'art. 253 CP.
Le critère de la réalité économique s'applique, à l'identique, aux deux parties au contrat de vente. La solution contraire reviendrait à nier le caractère synallagmatique de l'accord. Peu importe dès lors que, du point de vue du
vendeur
, la somme de 750'000 fr. diminuée de la commission de 25'000 fr. équivale au prix effectif de 725'000 fr. réclamé et encaissé. En effet, l'opération ayant été menée pour l'
acheteur
, le prix figurant dans l'acte ne correspond pas au montant réellement déboursé par cette partie au contrat, soit 725'000 fr. C'est là que réside la constatation fausse selon l'art. 253 CP, la fausseté au sens de la norme topique découlant précisément de la discordance entre la réalité économique et la teneur de l'acte.
Il s'ensuit que le raisonnement de l'appelant selon lequel il importe peu de savoir comment il avait finalement disposé des 25'000 fr. n'est pas déterminant. Les moyens de l'appelant sont infirmés par la réalité économique de l'opération.
6.
Quant à la tromperie de l'officier public, elle est manifeste : elle réside dans la transmission délibérée au notaire d'éléments économiques dissimulés et invérifiables, destinés à figurer dans l'acte authentique. La malversation est en rapport causal avec la constatation fausse énoncée dans l'acte.
7.
Enfin, le comportement punissable est aussi donné. Il consiste en effet dans l'obtention intentionnelle de la constatation fausse obtenue par la tromperie, décrite ci-dessus, de l'officier public. Même si l'appelant n'a pas obtenu un avantage économique de la majoration fictive du prix de vente, il convient de préciser que le dommage patrimonial n'est pas au nombre des éléments constitutifs de l'art. 253 CP. Peu importe également que personne ne s'estime lésé.
8.
Il s'ensuit que les éléments, subjectifs et objectifs, de l'infraction réprimée à l'art. 253 CP sont réalisés en l'espèce. La condamnation de l'appelant à raison de ce chef d'accusation procède donc d'une correcte application du droit pénal fédéral.
9.
L'appelant succombant entièrement sur ses conclusions, les frais de la procédure d'appel selon l'art. 424 CPP doivent être mis à sa charge (art. 428 al. 1, 1ère phrase, CPP). L'appelant étant représenté par un conseil de choix, ces frais sont limités à l'émolument (cf. les art. 422 al. 1 CPP et 2 al. 2 ch. 1 TFJP [RSV
312.03.1
]). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
3087df8e-0b13-4f0c-ac91-7c987458264e | En fait :
A.
Par jugement du 29 novembre 2007, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a notamment libéré par défaut N._ des accusations de faux dans les certificats et instigation à induction de la justice en erreur (I), constaté par défaut que N._ s'est rendu coupable de lésions corporelles simples qualifiées, lésions corporelles graves par négligence, vol, escroquerie, instigation à escroquerie, complicité d'escroquerie, recel, injure, menaces, faux dans les titres, violation grave et simple des règles de la circulation, violation des devoirs en cas d'accident, conduite d'un véhicule non couvert par une assurance RC et usage abusif de permis ou de plaques (II), condamné par défaut N._ à une peine privative de liberté de 3 (trois) ans, sous imputation de 39 jours de détention avant jugement (III), ordonné par défaut que N._ soit soumis à un traitement psychiatrique ambulatoire (IV), condamné par défaut N._ à une amende de 500 fr. (cinq cents francs) (V), dit par défaut qu'à défaut de paiement de cette amende, la peine privative de liberté de substitution sera de
10 (dix) jours (VI), dit que N._ est le débiteur de W._ et doit lui payer la somme de 683 fr. 60 (six cent huitante trois francs et soixante centimes) (XVII) et mis une partie des frais de la cause, par 31'625 fr. 60, à la charge de N._ (XIX).
Arrêté le 27 octobre 2011 à Crissier, N._ a déposé le
28 octobre 2011 une demande écrite de relief du jugement du 29 novembre 2007 dont un exemplaire lui avait été remis le même jour.
Le Président du Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne a identifié N._ lors d'une audience tenue le 31 octobre 2011 et a ordonné sa détention pour des motifs de sûreté. Incarcéré dans un premier temps à la prison de La Croisée, N._ a été transféré le 5 janvier 2012, pour raisons médicales, à la prison de La Tuilière.
A l'audience de relief du 9 janvier 2012, N._ a déclaré être parti de Suisse en juillet ou septembre 2005 pour se rendre en Tunisie, où il aurait donné son adresse au Consulat suisse dudit pays. Il a soutenu ne pas avoir reçu de citation pour l'audience de jugement du 29 novembre 2007 et ne pas avoir su qu'il avait été jugé. Il a en outre affirmé ne jamais être revenu en Suisse avant octobre 2011 et avoir été arrêté à Crissier le deuxième jour suivant son arrivée en Suisse. Il a enfin contesté avoir téléphoné au greffe du Tribunal d'arrondissement de Lausanne en octobre 2005 (PV des opérations, p. 15) pour indiquer qu'il vivait en Algérie. Les premiers juges ont déclaré irrecevable la demande de nouveau jugement présentée par N._ (I), ordonné autant que de besoin son maintien en détention pour des motifs de sûreté (II) et mis les frais de ce jugement préjudiciel par 1'500 fr. à la charge de N._ (III).
B.
N._ a déposé une annonce d'appel contre ce jugement par pli posté le 14 janvier 2012. Le 19 janvier 2012, son défenseur, Me Marc-Antoine Aubert, a confirmé cette annonce d'appel et a simultanément déposé un recours à la Chambre des recours pénale du canton de Vaud.
Dans sa déclaration d'appel motivée du 15 février 2012, il a conclu à l'admission de sa demande de nouveau jugement et au renvoi de la cause pour jugement en première instance. Il a requis l'audition comme témoin de son fils à Lausanne, ainsi que la production de pièces auprès de diverses assurances et administrations, dont le Consulat suisse à Tunis, pour établir qu'il leur avait annoncé en 2005 son départ pour la Tunisie.
Le 12 mars 2012, le Ministère public s'en est remis à justice s'agissant de la recevabilité de l'appel et a renoncé à déposer un appel joint.
Les parties plaignantes n'ont déposé ni demande de non-entrée en matière, ni appel joint.
Le 27 mars 2012, le Président a informé les parties que l'appel allait être traité d'office en procédure écrite (art. 406 al. 1 let. c CPP). Il a en outre considéré que les preuves complémentaires requises par N._ dans sa déclaration d'appel n'apparaissaient pas nécessaires au traitement de l'appel et il a rejeté ces réquisitions (art. 389 al. 3 CPP).
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
N._ a été condamné par défaut le 29 novembre 2007 par le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne. Au jour de l'audience, il était sans domicile connu.
Le 28 octobre 2011, il a été interpellé à Lausanne et a signé une demande de relief de ce jugement, au moyen d'une formule-type qui lui a été soumise par les policiers.
A l'audience particulière du 31 octobre 2011, N._ a déclaré maintenir sa demande de nouveau jugement. Le président du Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne a ordonné sa détention pour motifs de sûreté, décision qui a été confirmée par un prononcé du 21 novembre 2011 et par un arrêt de la Chambre de recours pénale du 9 décembre 2011 (CREP n° 540).
A l'audience du 9 janvier 2012, N._ a confirmé sa demande de nouveau jugement. Le Ministère public a conclu principalement à l'irrecevabilité de la demande, subsidiairement à son rejet. Les premiers juges ont retenu qu'il convenait d'appliquer l'ancien droit de procédure (CPP-VD) à la question préjudicielle de savoir si cette demande de nouveau jugement était recevable. Ils ont considéré que N._ n'avait pas motivé sa demande de nouveau jugement de sorte qu'elle devait être déclarée irrecevable au sens de l'art. 406 al. 1 CPP-VD. Par surabondance, les premiers juges ont relevé que la demande de nouveau jugement présentée par N._ aurait de toute manière été rejetée au motif que c'est de la faute exclusive de l'intéressé s'il a été jugé par défaut en 2007, alors qu'il savait qu'une enquête était ouverte contre lui. | En droit :
1.1
La décision attaquée consiste en un refus de nouveau jugement. Les premiers juges ont indiqué que "le Président communique les voies de droit"
(jgt., p. 11) sans toutefois que ce passage ne précise quelles sont ces voies.
Aux termes de l'art. 371 al. 2 CPP, tant que court le délai d’appel, le condamné peut faire une déclaration d’appel contre un jugement rendu par défaut parallèlement à sa demande de nouveau jugement ou au lieu de celle-ci. Il doit en être informé conformément à l’art. 368 al. 1 CPP.
Dans la nouvelle procédure pénale fédérale, on peut déduire a contrario de l'art. 371 al. 2 CPP que la voie de l'appel est ouverte contre le rejet de la demande de nouveau jugement. La doctrine confirme que le rejet de nouveau jugement est en effet un nouveau jugement susceptible d'appel (Thalmann, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, nn. 2 et 3 ad art. 371 CPP).
Il ressort de l'art. 453 al 1 CPP que les recours formés contre les décisions rendues avant l’entrée en vigueur du présent code sont traités selon l’ancien droit par les autorités compétentes sous l’empire de ce droit.
1.2
En l'occurrence, outre un appel auprès de la Cour de céans, N._ a également déposé un recours, au sens de l'ancienne procédure pénale vaudoise, l'adressant cependant à la Chambre des recours pénale et non à la
Cour de cassation. La décision litigieuse a été rendue le 9 janvier 2012 de
sorte qu'elle est soumise – selon le droit transitoire – au nouveau droit de recours (art. 453 al. 1 CPP), donc à l'appel.
2.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
Interjeté dans les formes et délais légaux contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel de N._ est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
3.
L'appel relève de la procédure écrite, seul un point de droit devant être tranché (art. 406 al. 1 let. a CPP), à savoir la question de l'admission de la demande de nouveau jugement.
4.
4.1
Aux termes de l'art. 452 al. 2 CPP, les demandes de nouveau jugement présentées après l'entrée en vigueur du présent code par les personnes qui ont été jugées dans le cadre d'une procédure par défaut selon l'ancien droit sont appréciées à la lumière du droit qui leur est le plus favorable.
Le jugement par défaut a été prononcé le 29 novembre 2007. La demande de nouveau jugement, déposée le 20 octobre 2011, est postérieure à l'entrée en vigueur du CPP. Il faut donc comparer concrètement les conditions prévues par les art. 403 et suivants CPP-VD par rapport à celles fixées dans le nouveau droit de procédure pénale fédérale aux art. 368 ss CPP pour déterminer le régime qui accorde le plus facilement le droit d'obtenir un nouveau jugement, étant précisé qu'à facilités égales, le CPP-VD prime.
4.1.1
Conformément à l'art. 368 al. 2 CPP, le condamné expose brièvement dans sa demande les raisons qui l’ont empêché de participer aux débats.
Selon le message du Conseil fédéral, si la motivation a été omise, le tribunal impartit au condamné un délai supplémentaire (FF 2005 p. 1285). La doctrine conteste toutefois cet octroi automatique d'un délai de sauvegarde et estime que le condamné dont la demande n'est pas motivée peut uniquement requérir la restitution du délai de 10 jours de l'art. 368 CPP aux conditions de l'art. 94 CPP, soit en la formant dans les 30 jours dès la fin de l'empêchement et en justifiant l'absence de faute (Thalmann, op. cit., n. 10 ad art. 368 CPP). De plus, le droit au nouveau jugement n'est ouvert que si le défaut du condamné reposait sur une excuse valable (Thalmann, op. cit., n. 13 ad art. 368 CPP). L'absence du prévenu qui se trouve à l'étranger alors qu'il sait qu'il fait l'objet d'une enquête pénale, qu'il a été détenu préventivement dans ce cadre et qu'il sera prochainement convoqué à une audience de jugement est d'ailleurs considérée comme fautive dans la jurisprudence (Thalmann, op. cit., n. 20 ad art. 368 CPP et les références citées).
4.1.2
En procédure pénale vaudoise, l'art. 405 al. 2 CPP-VD disposait que la demande de relief est motivée et accompagnée, le cas échéant, des pièces à l'appui. Toutefois, selon la jurisprudence, cette exigence n'était justifiée que dans le cas d'une deuxième demande de relief au sens de l'art. 407 CPP-VD (JT 1999 III 77, JT 1988 IV 115, JT 1989 III 81; Cass Weiersmüller 12.3.1979; Bovay et alii, Procédure pénale vaudoise, 3
ième
éd., Bâle 2008, n. 1 ad art. 405 CPP-VD). La possibilité d'obtenir un premier relief, sans avoir à fournir de justification, satisfait aux exigences de l'art. 6 CEDH (JT 1989 III 83 c. 3).
4.2
En l’occurrence, l'appelant a été convoqué à l'audience du
29 novembre 2007 par avis inséré dans la Feuille des avis officiels (FAO) (cf. Pièces de forme du 11 septembre 2007). Le jugement par défaut du 29 novembre 2007 a fait l'objet d'une communication par publication dans la FAO (PV des opérations p. 20) et la notification en mains propres de l'appelant du jugement est intervenue le
28 octobre 2011. Il s'agit donc du cas de demande de relief visé spécifiquement à l'art. 404 al. 3 CPP-VD. Ce cas de notification entre également dans la notion de notification personnelle visée à l'art. 368 al. 1 CPP, ouvrant le droit à la demande de nouveau jugement, une communication par publication dans un journal officiel n'étant pas une notification personnelle (Thalmann, op. cit., nn. 3 et 4 ad art. 368 CPP).
Si les premiers juges ont qualifié le choix à faire, entre l'ancien droit et le nouveau droit de procédure, de difficile, ils ont constaté que le motif de refus tiré du défaut de motivation apparaissait dans les deux codes et il ont appliqué le CPP-VD (jgt., p. 9).
La comparaison concrète, s'agissant d'une première demande de relief non motivée, permet effectivement de conclure que la procédure pénale vaudoise est plus favorable au requérant que l'actuel Code de procédure pénale fédérale. En effet, depuis son arrestation en octobre 2011, l'appelant n'a jamais demandé de restitution de délai au sens de l'art. 368 CPP, alors qu'il ne peut manifestement pas se prévaloir d'un quelconque empêchement. Sa demande, qui ne comporte aucun motif, apparaît ainsi prima facie irrecevable en application du nouveau droit de procédure pénale. Le choix de la loi applicable opéré par les premiers juges doit ainsi être confirmé.
5.
5.1
Comme indiqué ci-dessus, l'absence de motivation dans la première demande de relief ne constitue pas un motif d'irrecevabilité en procédure pénale vaudoise (consid. 4.1.2). Peu importe que la formule complétée par l'appelant (P. 68) comporte une rubrique réservée aux motifs qu'il a laissée vierge. Il en résulte que la demande de nouveau jugement n'aurait pas dû être déclarée irrecevable pour ce motif. L'appel doit donc être admis et la décision annulée sur ce point.
La décision dont est appel affirme en outre que la demande doit être rejetée au fond parce que l'intéressé ne s'est pas comporté avec bonne foi ou parce que son absence était fautive dans la mesure où il a fui à l'étranger sans communiquer son adresse alors qu'il savait pertinemment qu'il serait jugé à Lausanne (jgt., p. 10). Cet examen ne peut toutefois se pratiquer que dans les procédures cantonales qui soumettent l'admission de la requête à une excuse valable (Thalmann, op. cit., nn. 18 à 29 ad art. 368 CPP et la jurisprudence citée). Dans la mesure où, en procédure pénale vaudoise, la première requête de relief non motivée est recevable, il ne saurait y avoir de refus de l'octroi du relief pour absence de motifs suffisants. Le droit au premier relief dépend donc uniquement du dépôt à temps d'une demande de nouveau jugement, condition ici réalisée.
5.2
Au vu de ce qui précède, la requête de relief non motivée est recevable en procédure pénale vaudoise. C'est donc à tort que les premiers juges ont refusé l'octroi du relief pour absence de motifs suffisants.
6.
En définitive, l'appel doit être admis et la cause renvoyée au Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne pour nouveau jugement au fond.
Les frais de première instance seront traités avec le jugement au fond.
Une indemnité de défenseur d'office d'un montant de 2'828 fr. 80 fr., TVA et débours inclus, est allouée à Me Aubert.
Vu l'issue de la cause, les frais de la procédure d'appel, par 880 fr.
(art. 21 al. 1 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1]), doivent être laissés à la charge de l'Etat (art. 428 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
309dc8f1-6d55-46cd-be36-b8530cc41755 | En fait :
A.
Par jugement du 30 juillet 2013, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a constaté que R._ s’est rendu coupable d’infraction grave et de contravention à la Loi fédérale sur les stupéfiants et d’infraction à la Loi fédérale sur les étrangers (I), a condamné ce dernier à une peine privative de liberté de 18 mois, sous déduction de 357 jours de détention avant jugement, peine partiellement complémentaire à celle ordonnée par le Ministère public du canton de Genève le 7 juillet 2012 et entièrement complémentaire à celle ordonnée par le Tribunal de police de Lausanne le 20 novembre 2012 (II), a constaté qu’A._ s’est rendu coupable d’infraction grave à la Loi fédérale sur les stupéfiants (III), a condamné ce dernier à une peine privative de liberté de 12 mois, sous déduction de 357 jours de détention avant jugement (IV), a ordonné le maintien en détention de R._ et A._ pour des motifs de sûreté (V), a alloué à R._ une indemnité de 250 fr. en compensation de ses conditions de détention du 10 au 20 août 2012 (VI), a alloué à A._ une indemnité de 175 fr. en compensation de ses conditions de détention du 10 au 17 août 2012 (VII), a ordonné la confiscation et la dévolution à l’Etat de la somme de 280 fr. 20 et de deux natels Samsung séquestrés sous fiches n° 53816 et 53817, la confiscation et la destruction de la drogue et des autres objets séquestrés sous fiche n° 53817 et le maintien au dossier des CD répertoriés sous fiche n° 53384 à titre de pièces à conviction (VIII), a arrêté l’indemnité d’office de Me Kathrin Gruber à 5'273 fr. 55 et celle de Me Myriam Bitschy à 11'026 fr. 30, montant dont le paiement interviendra sous déduction d’une avance déjà payée de 7'200 fr. (IX), a mis les frais par 15'999 fr. 35 à la charge de R._, dont l’indemnité de son conseil d’office et par 16'134 fr. 20 à la charge d’A._, dont également l’indemnité de son conseil d’office (X), a dit que les indemnités des conseils d’office des condamnés ne seront exigibles de ces derniers que pour autant que leur situation financière le permette (XI).
B.
Par annonce du 9 août 2013, puis déclaration du 6 septembre 2013, R._ a formé appel contre ce jugement, en concluant, avec suite de frais et dépens, à la réforme du dispositif précité, en ce sens qu’il est condamné à une peine privative de liberté n’excédant pas 12 mois, sous déduction de 357 jours de détention avant jugement. Il a en outre requis sa mise en liberté immédiate.
Par annonce du 8 août 2013, puis déclaration du 9 septembre 2013, le Ministère public central a formé appel contre ce jugement, en concluant à sa réforme en ce sens que, principalement, aucune indemnité n’est allouée à R._ et A._ en compensation de leurs conditions de détention et, subsidiairement, qu’une telle indemnité est compensée avec les frais de justice mis à leur charge.
Le 27 septembre 2013, R._ a déposé un appel joint. Il a conclu à ce que son indemnité pour tort moral soit fixée à 50 fr. par jour de détention dans les locaux de la police.
Par avis du 9 octobre 2013, le Ministère public a déclaré qu’il renonçait à présenter une demande de non-entrée en matière sur l’appel joint.
A l’audience d’appel, R._ a déclaré retirer son appel principal.
A ce jour, une procédure est pendante devant le Tribunal fédéral ensuite du recours interjeté par R._ contre l’ordonnance de refus de mise en liberté rendue le 28 octobre 2013 par le Président de céans.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
1.1
R._ est né le [...] 1975 en Albanie. Divorcé, il est père d’un enfant de 4 ans qui vit avec sa mère en Albanie. Il a été scolarisé dans son pays d’origine jusqu’en deuxième année secondaire. Plus tard, il a travaillé en Grèce. En juillet 2011, il a été interpellé une première fois à Genève, puis à Lausanne, pour une vente d’héroïne. Il a été refoulé en Albanie le 24 octobre 2011. Le 3 juillet 2012, alors que le prévenu était à nouveau en Suisse, le canton de Genève lui a notifié l’interdiction de séjour prononcée à son encontre.
Le casier judiciaire suisse de R._ fait état des condamnations suivantes :
- 8 juillet 2011, Ministère public du canton de Genève, vol, peine pécuniaire de 60 jours-amende à 30 fr., sursis à l’exécution de la peine, délai d’épreuve de 3 ans, révoqué le 7 juillet 2012;
- 7 juillet 2012, Ministère public du canton de Genève, entrée illégale, séjour illégal, peine privative de liberté de deux mois;
- 20 novembre 2012, Tribunal de police de Lausanne, infraction à la Loi fédérale sur les stupéfiants, séjour illégal, peine privative de liberté de huit mois.
Pour les besoins de la présente cause, R._ a été détenu du 8 au 20 août 2012 à l’Hôtel de Police de Lausanne, respectivement à la zone carcérale de la police cantonale, puis jusqu’au 29 octobre 2012 à la Prison du Bois-Mermet. Dès le 30 octobre 2012, il a subi une mesure de substitution à la détention provisoire afin d’exécuter des peines antérieures. Depuis le 19 février 2013 jusqu’à ce jour, il est incarcéré en exécution anticipée de peine à la Prison de la Tuilière.
1.2
A._ est né le [...] 1990 en Albanie, pays dans Iequel il a été scolarisé. A l’âge de 13 ans, il est allé vivre avec ses parents en Grèce et a travaillé dans l’agriculture, profession qu’exerce également son père. Par la suite, il est retourné dans son pays d’origine. Le prévenu est arrivé en Suisse peu de temps avant les faits de la présente cause, soit en juin 2012.
Son casier judiciaire suisse est vierge.
Dans le cadre de la présente affaire, A._ a été détenu du 8 au 17 août 2012 à l’Hôtel de Police de Lausanne, respectivement à la zone carcérale de la police cantonale, puis jusqu’au 30 juillet 2013 à la Prison de la Croisée, soit durant 357 jours.
2.
2.1
A Lausanne, entre le 6 juillet 2012 et le 8 août 2012, R._ et A._ ont vendu de l’héroïne à plusieurs toxicomanes dans le secteur de la Rue de [...] et du Parc de [...], par sachets de 5 grammes. Ils se fournissaient à Genève auprès d’un individu non identifié. Au total, R._ a fourni ou prévu de fournir au moins 150 gr. d’héroïne, pour un chiffre d’affaires de 2'995 fr., réalisant ainsi un bénéfice de 750 francs. Quant à A._, il a fourni ou prévu de fournir au moins 90 gr. d’héroïne pour un chiffre d’affaires de 1'195 fr., réalisant ainsi un bénéfice de 390 francs. Compte tenu d’un taux de pureté moyen de 5,7 %, l’activité délictueuse de R._ a porté sur au moins 84 gr. d’héroïne pure et celle d’A._ sur au moins 5,1 grammes.
2.2
A Lausanne, entre le 6 juillet 2012 et le 8 août 2012, R._, qui faisait l’objet d’une interdiction d’entrée et de séjour en Suisse valable du 13 février 2012 au 12 février 2015, a séjourné illégalement en Suisse.
A Lausanne notamment, durant la même période, le prénommé a consommé régulièrement du haschich, de l’héroïne et de la cocaïne. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP (Code de procédure pénale, RS 312.0), l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d’appel doit être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP). L’appel joint doit, quant à lui, être interjeté dans un délai de vingt jours dès la réception de la déclaration d’appel (art. 400 al. 3 CPP).
Interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel du Ministère public est recevable. Il en va de même de l’appel joint formé par R._.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
3.
Le Ministère public conteste le principe de la non-compensation d’une indemnité pour détention irrégulière avec les frais de justice mis à la charge du condamné.
3.1
Les indemnités et réparation du tort moral en faveur du prévenu sont traitées au chapitre 3 du CPP (art. 429 ss CPP). Selon l’art. 429 al. 1 CPP, lorsque le prévenu est acquitté totalement ou en partie, il a droit à une indemnité pour ses frais de dépenses (let. a), à une indemnité pour le dommage économique subi (let. b) et à une réparation morale en raison d’une atteinte particulièrement grave à sa personnalité, notamment en cas de privation de liberté (let. c). L’art. 431 al. 1 CPP prévoit l’allocation d’une juste indemnité et d’une réparation morale lorsque le prévenu a, de manière illicite, fait l’objet de mesures de contrainte. La notion de juste indemnité doit être lue à la lumière de l’art. 429 al. 1 let. a et b CPP
(Moreillon/Parein-Reymond, Petit commentaire, Code de procédure pénale, Bâle 2013, n. 6 ad. art. 431 CPP et les références citées).
Aux termes de l’art. 442 al. 4 CPP, les autorités pénales peuvent compenser les créances portant sur des frais de procédure avec les indemnités accordées à la partie débitrice dans la même procédure pénale et avec des valeurs séquestrées.
Dans un récent arrêt (TF 6B_53/2013 du 8 juillet 2013), le Tribunal fédéral a considéré, en se fondant sur le texte de l’art. 442 al. 4 CPP et sur les travaux préparatoires du CPP repris par une grande partie de la doctrine, que la compensation avec les frais de justice d’un montant alloué pour tort moral n’est pas possible, contrairement à ce qui est le cas de l’indemnité pour les frais de défense. Selon la Haute Cour, cette interprétation est confirmée par le texte de l’art. 429 CPP qui indique que les « indemnités » peuvent faire l’objet d’une compensation, notion qui renvoie aux let. a et b de l’art 429 al. 1 CPP, mais non à la let. c. Par ailleurs, elle est conforme à la nature plutôt personnelle que patrimoniale de l’indemnité pour tort moral et à son but visant à compenser le préjudice que représente une atteinte au bien-être moral (ibid. c. 5. et les références citées).
3.2
En l’occurrence, la situation précitée diffère quelque peu de celle de la présente affaire. En effet, l’art. 429 CPP, disposition retenue dans la cause ayant conduit à l’arrêt 6B_53/2013, est applicable en cas d’acquittement total ou partiel du prévenu, soit en cas de détention injustifiée. Or, tel n’est pas le cas en l’espèce, les intéressés ayant été condamnés en raison de tous les faits pour lesquels ils ont été renvoyés en jugement. Leur détention est par conséquent fondée dans son principe. De ce fait, l’allocation de la réparation litigieuse ne se justifie pas au regard de l’art. 429 CPP, mais repose sur l’art. 431 CPP qui règle la juste indemnité et la réparation morale pour des mesures de contrainte illicites, soit des mesures contraires aux règles de procédure pénale, notamment parce que leur exécution ne s’est pas déroulée de manière conforme (Moreillon/Parein-Reymond, op. cit., n. 3 ad. art. 431 CPP).
Toutefois, compte tenu de la nature même de l’indemnité litigieuse, destinée à réparer une détention opérée dans des conditions que les prévenus tiennent pour inhumaines, on ne peut parvenir à un autre résultat que celui de l’interdiction de la compensation. La gravité de l’atteinte diffère, certes, mais la cause juridique de sa réparation est la même, et les différences de gravité ne sauraient à elles seules influer sur ce principe.
Par conséquent, l’indemnité pour tort moral, résultant tant de l’art. 429 CPP que de l’art. 431 al. 1 CPP, ne peut être compensée avec les frais de justice mis à la charge du condamné. Cette règle a été voulue par le législateur et doit être appliquée aussi longtemps qu’elle n’a pas fait l’objet d’une modification législative.
4.
Le Ministère public conteste l’indemnisation du séjour des prévenus dans la zone carcérale de la police.
4.1
L'art. 3 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, RS 0.101), qui interdit la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants, impose notamment des standards minimaux en matière de détention (
ATF 124 I 231
c. 2), qui ont été concrétisés par les Règles pénitentiaires européennes du 11 janvier 2006 (Recommandation Rec [2006]2; cf. ATF 139 IV 41 c. 3.2).
En matière de procédure pénale, l'art. 234 al. 1 CPP prévoit qu'en règle générale, la détention provisoire et pour des motifs de sûreté est exécutée dans des établissements réservés à cet usage et qui ne servent qu'à l'exécution de courtes peines privatives de liberté. Selon l'art. 27 al. 1 LVCPP (Loi vaudoise d'introduction du CPP du 19 mai 2009, RSV 312.01),
la personne qui a fait l'objet d'une arrestation provisoire peut être retenue dans les cellules des locaux de gendarmerie ou de police durant quarante-huit heures au maximum. Les art. 10 ss LEDJ (Loi vaudoise du 7 novembre 2006 sur l'exécution de la détention avant jugement, RSV 312.07) fixent de manière précise les conditions de détention avant jugement, notamment les relations avec le monde extérieur (art. 14), les activités hors de la cellule (art. 15) et l'assistance (art. 17). Le règlement du 16 janvier 2008 applicable au statut des détenus avant jugement (RSDAJ, RSV 340.02.5) apporte également de nombreuses précisions sur le régime carcéral applicable à ces personnes (ATF 139 IV 41 c. 3.2).
Selon la Cour européenne des droits de l’Homme, pour tomber sous le coup de l’art. 3 CEDH, un mauvais traitement doit atteindre un minimum de gravité dont l’appréciation dépend de l'ensemble des circonstances, notamment de la nature et du contexte du traitement, de ses modalités d'exécution, de sa durée, de ses effets physiques ou mentaux, ainsi que, parfois, du sexe, de l'âge et de l'état de santé de la victime (arrêt Raninen Kaj c/ Finlande du 16 décembre 1997 § 55). Lorsqu’il s’agit d’évaluer les conditions de détention, il y a lieu de prendre en compte leurs effets cumulatifs. En particulier, la durée pendant laquelle un individu a été détenu dans les conditions incriminées constitue un facteur important (arrêt Horschill c/ Grèce du 1
er
août 2013 § 44 ss; arrêt Alver c/ Estonie du 8 novembre 2005). Un espace de vie individuel de moins de 3 m2 suffit, à lui seul, pour conclure à la violation de l’art. 3 CEDH (arrêt Canali c/ France du 25 avril 2013). D’autres aspects peuvent également être pris en compte dans l’examen de cette disposition. Parmi ces éléments figurent la possibilité d’utiliser les toilettes de manière privée, l’existence d’un système d’aération, l’accès à la lumière et à l’air naturels, la qualité du chauffage et le respect des exigences sanitaires de base. Ainsi, même dans des affaires où chaque détenu disposait de 3 à 4 m2, la Cour a conclu à la violation de l’art. 3 dès lors que le manque d’espace allégué s’accompagnait d’un manque de ventilation et de lumière, d’un accès limité à la promenade en plein air ou d’un manque total d’intimité dans les cellules (cf. arrêt Horschill c/ Grèce ibid.; Moïsseïev c/ Russie du 9 octobre 2008; István Gábor Kovács c/ Hongrie du 17 janvier 2012).
Pour l’évaluation du tort moral, il convient de s’inspirer des principes tirés de l’art. 49 CO. Cette disposition exige notamment que l’atteinte dépasse la mesure de ce qu’une personne doit normalement supporter, que ce soit sur le plan de la durée des souffrances ou de leur intensité (Bucher, Personnes physiques et protection de la personnalité, 4
ème
éd., Bâle, Genève, Munich 1999, n. 603; Tercier, Le nouveau droit de la personnalité, Zurich 1984, n. 2047 ss; Deschenaux et Tercier, La responsabilité civile, 2
ème
éd., Berne 1982, n. 24 ss).
4.2
En l’espèce, il est avéré que R._ et A._ ont été détenus dans les zones carcérales de la police au-delà de la durée maximale de 48 heures. Il est par ailleurs notoire que les cellules dans ces locaux n’ont pas de fenêtres et sont éclairées en permanence, que la literie est limitée et que le droit à la promenade, aux loisirs ainsi qu’aux soins est retreint. Ces conditions de détention, au demeurant pas contestées par les parties, ne sont pas licites au regard de l’art. 3 CEDH et des dispositions en la matière, notamment des art. 10 ss LEDJ (cf. ATF
139 IV 41).
Cela étant, s’il se justifie qu’un détenu se prévale de l’irrégularité de sa détention à l’appui d’une demande de libération, des conditions de détention telles que celles dont il est fait état ci-dessus ne sauraient encore à elles seules justifier une indemnisation automatique, d’une part, et dès l’échéance du délai de l’art. 27 LVCPP, d’autre part. A tout le moins, lorsque, comme en l’espèce, les conditions irrégulières de détention ne représentent qu’une durée modeste, soit de quelques jours, et que cette détention irrégulière au regard des principes précités correspond à une fraction infime de la peine privative de liberté à laquelle le prévenu est condamné en définitive, on ne saurait considérer que de telles conditions justifient une réparation financière, allant au-delà de la constatation de l’irrégularité. Le Tribunal fédéral admet d’ailleurs, dans les cas de détention illicite car excédant le délai de 24 ou 48 heures, qu’il suffit de réparer le non-respect de ces délais par la constatation de la violation du principe de célérité, une admission partielle du recours sur ce point et la condamnation de l’Etat aux frais de justice (cf. ATF 137 IV 118 c. 2.2; ATF 137 IV 92 c. 3.2.3; ATF 138 IV 81 c. 2.4).
Par conséquent, compte tenu de la brièveté de l’atteinte alléguée par les prévenus et du fait que le seuil de gravité requis par l’art. 49 CO n’est pas atteint, il ne se justifie pas de leur allouer une compensation financière en raison de leurs conditions de détention.
5.
En définitive, l’appel du Ministère public est admis et l’appel joint de R._ est rejeté. Le jugement entrepris est réformé aux chiffres VI et VII de son dispositif en ce sens qu’il n’est alloué à R._ et A._ aucune indemnité pour détention illicite. R._
Compte tenu du retrait de l’appel principal par R._, les chiffres I à V et VIII à XI du dispositif du jugement de première instance sont exécutoires.
6.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel sont répartis comme il suit : l’émolument d’arrêt, par 1’910 fr., est mis à la charge de R._ et A._ à raison d’une moitié chacun. Ces derniers prendront à leur charge l’indemnité allouée à leurs défenseurs d’office respectifs fixée à 1'803 fr. 60 TVA et débours compris, pour Me Kathrin Gruber et à 1’026 fr., TVA et débours compris, pour Me Myriam Bitschy.
R._ et A._ ne seront tenus de rembourser à l’Etat le montant des indemnités en faveur de leurs défenseurs d’office que lorsque leur situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
30be977a-d947-46b3-91b8-359a5d034cd0 | En fait :
A.
Par jugement du 27 juin 2012, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a constaté que S._ s'est rendu coupable de viol, menaces qualifiées, conduite en état d'ébriété qualifiée et opposition aux mesures visant à déterminer l'incapacité de conduire (I), l'a condamné à une peine privative de liberté de 3 ans (II), a suspendu une partie de la peine privative de liberté portant sur 2 ans et fixé au condamné un délai d'épreuve de 2 ans (III), a donné acte de ses réserves civiles à A.J._ à l'encontre de S._ (IV), a dit qu'il était le débiteur d'A.J._ et lui doit immédiat paiement de la somme de 5'694 fr. 45 à titre de dépens pénaux, sous déduction de l'indemnité allouée au chiffre VI (V), a arrêté à 4'235 fr. 75 l'indemnité allouée à Me Véronique Fontana, conseil d'office d'A.J._ (VI), a mis une partie des frais de justice par 10'688 fr. 80 à la charge de S._, y compris l'indemnité allouée à son défenseur d'office, Me del Rizzo, par 4'104 fr. 20, le solde étant laissé à la charge de l'Etat (VII), et a dit que le remboursement à l'Etat par S._ de l'indemnité allouée à son défenseur d'office, ne pourra être exigé de lui que dans la mesure où sa situation financière se sera améliorée (VIII).
B.
Les 29 juin et 25 juillet 2012, S._ a déposé respectivement une annonce et une déclaration d'appel motivée contre le jugement du 27 juin 2012. Il a contesté les chiffres I, II, IV, V et VII du dispositif du jugement, en précisant qu'il réfutait les faits qui avaient été retenus contre lui concernant les accusations de viol et de menaces qualifiées par les premiers juges ainsi que leur qualification juridique. Il a également remis en cause la fixation de la peine. Il a requis l'administration de preuves, à savoir la séquestration du téléphone portable Sony Ericsson modèle W 2001, n° Orange 078 [...], l'audition de P._ en qualité de témoin ainsi que la production de son téléphone portable relatif au raccordement 078 [...] afin de procéder au relevé des messages contenus dans l'appareil du mois d'août 2009 au mois d'avril 2010. S._ a conclu à ce qu'il soit reconnu coupable de conduite en état d'ébriété qualifiée et d'opposition aux mesures visant à déterminer l'incapacité de conduire et libéré des accusations de viol et de menaces qualifiées, à ce qu'il soit condamné à une peine privative de liberté compatible avec l'octroi du sursis, à ce qu'il soit mis au bénéfice du sursis au sens de l'art. 42 CP, l'exécution de la peine étant suspendue, un délai d'épreuve de deux ans étant fixé, à ce que les prétentions civiles d'A.J._ à son encontre soient rejetées et à ce que S._ ne soit plus débiteur d'A.J._ d'un quelconque montant à titre de dépens pénaux.
Par courrier du 14 août 2012, le Ministère public a renoncé à déposer une demande de non-entrée en matière et s'en est remis à justice sur cette question.
Par courrier du 29 août 2012, le Président de la Cour de céans a rejeté les mesures d'instruction sollicitées par S._.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
S._ est né le 1
er
mars 1981 au Portugal, pays dont il est originaire et dans lequel il a suivi sa scolarité obligatoire. En 2001, il est entré en Suisse et y a tout d'abord travaillé comme ouvrier horticole saisonnier. Il a ensuite obtenu un permis B. Au bénéfice d'une autorisation d'établissement de type C, il œuvre dans le domaine de la maçonnerie par le biais de missions temporaires. Il travaille actuellement dans une entreprise sise à Saint-Maurice.
S'agissant de sa situation financière, dans le cadre de son emploi actuel, il réalise un revenu mensuel de l'ordre de 4'200 francs. Célibataire, il vit seul dans un logement qui lui coûte 650 fr. par mois, charges comprises. Bien qu'aucune contribution d'entretien n'ait été fixée, il verse 400 fr. par mois pour sa fille C._, née le 3 avril 2009 de sa relation avec A.J._. Il fait état d'un leasing pour un véhicule à hauteur de 350 fr. par mois et rembourse, à raison d'acomptes mensuels de 300 fr., une dette d'environ 15'000 fr. envers son frère.
Son casier judiciaire suisse est vierge. Toutefois, deux inscriptions concernant le prévenu figurent au fichier fédéral des mesures administratives en matière de circulation routière, à savoir, par décision du 18 avril 2006, un retrait de permis de conduire pour une durée d'un mois du 3 mai au 2 juin 2006 pour vitesse et autre fautes de circulation et, par décision du 27 mai 2010, un avertissement pour vitesse.
2.
2.1
Lors de vacances au Portugal, A.J._ a annoncé à S._ vouloir mettre un terme à leur relation à la suite de mensonges de l'appelant qu'elle avait découverts. Il l'a alors menacée, pour la première fois, le 18 août 2009, d'enlever leur fille. De retour en Suisse, le 23 août 2009, A.J._ était couchée et leur fille, alors âgée d'à peine 5 mois, dormait dans son berceau à côté du lit du couple. Le prévenu a rejoint la plaignante vers 22h et a commencé à la toucher. Cette dernière lui a tout de suite signifié que tout était fini entre eux et qu'elle ne voulait pas avoir de rapport avec lui. Il s'est ensuite énervé et lui a dit de se taire et de regarder leur fille. Comme il ne cessait pas de la toucher, A.J._ s'est levée et a tenté de quitter la chambre à coucher. Afin de l'en empêcher, le prévenu l'a attrapée par le pantalon du pyjama et l'a tirée en arrière pour la contraindre à se recoucher. Alors qu'elle était sur le dos, il s'est installé sur elle et lui a saisi les poignets, utilisant son pied gauche pour faire glisser son pantalon de pyjama. Il lui alors écarté les deux jambes avec ses jambes et ses mains. La victime s'est débattue, mais elle n'a pas osé crier de peur de réveiller leur fille qui dormait à côté. Le prévenu a alors saisi son pénis avec une de ses mains et l'a introduit de force dans son vagin. A.J._ a expliqué qu'elle a eu très mal lors de cette pénétration. Durant l'acte, le prévenu lui a à nouveau saisi les poignets pour les maintenir au-dessus de sa tête. Comme elle n'arrêtait pas de lui demander d'arrêter et qu'il lui faisait mal, il lui a répondu de regarder sa fille en faisant allusion aux différentes menaces d'enlèvement qu'il avait déjà proférées auparavant. Le prévenu a poursuivi jusqu'à éjaculation puis, une fois l'acte terminé, s'est levé et a quitté la chambre sans rien dire. A.J._ est restée dans le lit et a pleuré une bonne partie de la nuit. Le lendemain, le prévenu s'est rendu normalement au travail sans un seul mot d'excuse. Le soir, alors qu'A.J._ refusait de le rejoindre dans la chambre à coucher, le prévenu l'a attrapée par le haut du corps pour l'y amener et l'a jetée sur le lit. Elle lui a à nouveau dit qu'elle ne voulait rien faire, en vain. En effet, comme la veille, le prévenu lui a descendu son pyjama, puis l'a contrainte à l'acte sexuel. Le lendemain matin, A.J._ a demandé au prévenu de quitter le domicile. Il a refusé en disant que si elle le mettait à la porte, il emmènerait C._ et qu'elle ne la reverrait plus jamais. Le soir même, S._ a à nouveau touché et pénétré A.J._ qui n'était pas consentante. A partir de ce moment-là, la plaignante n'arrivait plus à lutter et elle n'a plus pu lui dire qu'elle ne voulait plus avoir de rapports avec lui; elle était contrainte de se laisser faire. Autrement dit, elle restait sur le dos sans bouger en attendant que le prévenu fasse ce qu'il avait à faire. Ces relations non consenties ont duré jusqu'au début du mois de novembre, à raison d'une fois par jour. La plaignante était vraiment mal et ce n'est qu'au début du mois de novembre qu'elle a dit au prévenu qu'elle ne supportait plus ses agissements et qu'elle allait se rendre à la police pour le dénoncer. C'est à ce moment-là qu'il a cessé de la contraindre. Elle n'a pas osé réagir plus tôt par peur pour sa fille en raison des menaces d'enlèvement proférées par le prévenu.
Après leur séparation et jusqu'en avril 2010, S._ a encore envoyé depuis son téléphone portable de nombreux messages à A.J._ dans lesquelles il menaçait d'enlever C._ et de la vendre. Il a également menacé de tuer la plaignante et sa famille s'ils l'empêchaient de prendre sa fille.
2.2
Ces faits ont été confirmés par le témoignage de B.J._, la sœur de la plaignante, et par le relevé des messages envoyés par le prévenu depuis le numéro de téléphone 078 [...] lui appartenant.
3.
S._ a également été reconnu coupable de conduite en état d'ébriété qualifiée et opposition aux mesures visant à déterminer l'incapacité de conduire pour avoir circuler, le 3 octobre 2010, au volant de son véhicule sous l'influence de l'alcool. Le taux mesuré dans l'haleine était de 1.25‰, taux le plus favorable. Le prévenu a refusé de se soumettre à la prise de sang. | En droit :
1.
1.1
Interjeté dans les formes et délais légaux (cf. art. 399 CPP) contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel est recevable.
1.2
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
2.
Dans son appel, le prévenu a requis des mesures d'instruction, à savoir le séquestre du téléphone Sony Ericsson modèle W 2001, n° Orange 078 [...], faisant l'objet du numéro de compte Orange [...], l'audition en qualité de témoin de [...], et la production du téléphone portable raccordé au n° 078 [...] lui appartenant afin que la Cour d'appel prenne connaissance des messages SMS qu'il contient pour la période d'août 2009 à avril 2010. Il se plaint en outre d'une violation de son droit d'être entendu du fait que ces mesures n'aient pas été ordonnées.
2.1
La procédure de recours se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance (art. 389 al. 1 CPP). L’administration des preuves n’est répétée que si les dispositions en matière de preuves ont été enfreintes (a), si l'administration des preuves était incomplète (b) ou si les pièces relatives à l'administration des preuves ne semblent pas fiables (c).
2.2
En l'espèce, il s'agit d'une requête de pièces nouvelles, le prévenu n'ayant pas sollicité leur administration devant le tribunal de première instance. Sa requête est toutefois abusive dès lors que l'appelant en avait déjà connaissance au moment du jugement de première instance; comme il l'a souligné lui-même dans son appel, il les avait déjà requises au stade de l'instruction; il n'a en revanche pas sollicité ces moyens en première instance. En conséquence, la requête doit être déclarée irrecevable.
Cela étant, si elle avait été déclarée recevable la requête aurait de toute façon été rejetée. En effet, S._ a reconnu, lors de sa première audition par la police (PV aud. 4) être l'auteur des messages envoyés depuis le numéro de téléphone 078 [...]. Le fait d'examiner son autre téléphone portable, correspondant au numéro 078 [...], n'apporterait pas la preuve qu'il n'a pas envoyé les messages incriminés. Il convient de rappeler que le prévenu a reconnu posséder huit à neuf numéros de téléphones portables. Il n'est ainsi pas exclu qu'il utilise un numéro comme téléphone courant et un autre numéro pour d'autres messages tels que ceux faisant l'objet de la présente procédure. S'agissant de l'audition de [...] en qualité de témoin, l'appelant n'a pas expliqué en quoi son audition apporterait des éléments nouveaux nécessaires au traitement de l'appel. Enfin, le grief selon lequel son droit d'être entendu aurait été violé est manifestement mal fondé; le prévenu a largement été entendu et a pu se déterminer sur les messages envoyés et l'utilisation de ses différents téléphones.
3.
L'appelant conclut à sa libération des accusations de viol et de menaces qualifiées. Ainsi son appel ne porte que sur le chiffre 1 de l'ordonnance de renvoi. Il n'y a donc pas lieu d'examiner les infractions de conduite en état d'ébriété qualifiées et d'opposition aux mesures visant à déterminer l'incapacité de conduire, celles-ci n'étant pas contestées par l'appelant.
4.
L'appelant conteste avoir violé et menacé sa compagne. Il invoque que l'existence d'un doute légitime et suffisant doit lui profiter et entraîner sa libération des griefs de viol et menaces qualifiées dirigés contre lui. Il soutient, à ce titre, que, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, sa version des faits n'a pas varié depuis le début de l'instruction contrairement à celle de la plaignante qui comporte des contradictions.
4.1
4.1.1
La constatation des faits est incomplète lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, in Kuhn/Jeanneret (éd.), Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 19 ad art. 398 CPP).
4.1.2
Selon l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). La présomption d'innocence, également garantie par les art. 14 par. 2 Pacte II ONU (Pacte international du 16 décembre 1966 relatif aux droits civils et politiques; RS 0.103.2), 6 par. 2 CEDH (Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales; RS 0.101) et 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999; RS 101), ainsi que son corollaire, le principe
in dubio pro reo
, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.
En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie que toute personne prévenue d'une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu'il appartient à l'accusation de prouver la culpabilité de celle-là (TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1; ATF 127 I 38 c. 2a).
Comme principe présidant à l'appréciation des preuves, la présomption d'innocence est violée si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (TF 6B_91/2011 du 26 avril 2011 c. 3.2; ATF 120 Ia 31 c. 2c; TF 6B_831/2009, précité, c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38, c. 2a). Un faisceau d'indices peut toutefois suffire (Piquerez/Macaluso, op. cit., 2011, n. 574).
4.2
En l'espèce, il s'agit de trancher en faveur de l'une ou l'autre version des faits présentée par les parties à la procédure. Tout comme les premiers juges, la Cour de céans estime qu'il n'y a aucune raison de douter de la véracité des déclarations d'A.J._. En effet, contrairement à ce qu'a tenté de faire croire l'appelant, la plaignante n'a pas varié dans ses propos tout au long de l'enquête. Elle a expliqué dans sa plainte du 15 mars 2010 qu'elle a découvert à la fin de l'été 2009 que S._ lui avait menti sur des éléments importants de sa vie, notamment concernant un prétendu fils vivant au Portugal qui n'existait pas. Face à ce constat, elle a annoncé à son compagnon vouloir mettre fin à leur vie commune. C'est à partir de ce moment-là que le prévenu a commencé à la menacer d'enlever leur fille, si elle le quittait. La plaignante a ensuite confirmé sa plainte devant la police et à l'audience de jugement. Elle y a apporté des précisions sans toutefois que celles-ci viennent contredire ses premières déclarations. Ainsi, d'après les déclarations de la plaignante (PV aud. 2 et 3; jugement du 27 juin 2012, pp. 6 s.), à partir d'août 2009 et jusqu'à novembre 2009, le prévenu, profitant du fait que leur fille dormait dans leur chambre et sachant qu'A.J._ n'oserait pas crier pour ne pas réveiller l'enfant, l'a contrainte à des relations sexuelles. Elle a également expliqué que l'appelant a quitté le domicile conjugal en janvier 2010 après qu'elle l'y a exhorté. Après la séparation du couple et jusqu'en avril 2010, S._ a continué à menacer d'enlever C._ et de tuer la plaignante et sa famille s'ils l'empêchaient d'enlever sa fille.
En outre, A.J._ est encore très marquée par les agissements du prévenu. Elle est suivie par une psychologue et est toujours sous antidépresseur à la suite des maltraitances dont elle a été victime (P. 35/1 et 35/2). Sa version est d'autant plus crédible que, nonobstant ce qu'elle a vécu, elle ne s'oppose pas à ce que le prévenu puisse avoir des relations personnelles avec sa fille, même si elles se déroulent actuellement dans un cadre surveillé. Elle parvient parfaitement à faire la différence entre son rôle de femme victime des sévices de son ex-ami et son rôle de mère qui cherche à maintenir des contacts entre sa fille et son père.
De plus, les déclarations de la plaignante ont été corroborées par le témoignage de sa sœur, B.J._, entendue à l'audience du 27 juin 2012 (jugement du 27 juin 2012, pp. 3 ss). Celle-ci a déclaré qu'elle avait surpris une fois une conversation entre S._ et A.J._ après leur séparation au cours de laquelle ils parlaient du viol. Dans ce cadre, elle a entendu l'appelant dire que "s'il devait recommencer, il ferait la même chose", puis que C._ ne serait ni pour lui, ni pour la plaignante. A l'occasion d'une conversation ultérieure, B.J._ a demandé à S._ s'il n'avait pas honte de ce qu'il avait fait. Il lui a alors répondu : "de toute façon C._ ne sera pas pour ta sœur et je tuerai les gens qui se mettent au milieu de mon chemin". La sœur de la plaignante a encore confirmé la crainte dans laquelle vivait toujours A.J._. Au surplus, le témoin a fait état de menaces proférées par le prévenu par l'intermédiaire de la mère de la plaignante.
La véracité des propos de la plaignante a également été démontrée par les messages qu'elle a reçus et qui ont été expédiés depuis le numéro de téléphone
078 [...] appartenant au prévenu (PV aud. 4 et ses annexes). En effet, le message reçu le 4 février 2010 à 22h35 est très explicite quant aux viols et aux menaces, son contenu est le suivant :
"Chérie, alors j'espère qu'après tout ce que je t'ai dit tu feras le bon choix sinon tu ne verras plus jamais C._ et le jour où je viendrai la chercher si toi ou ta famille essayez de m'en empêcher je vous tuerai tous et je ne sentirai rien car j'en suis capable et beaucoup plus encore. Fais attention parce que si je te croise seule je vais me soulager sur toi, tu te souviens de ce qui s'est passé d'août à novembre? Cela me faisait plaisir quand tu te débattais et je gagnais toujours. Je dois encore remercier C._ pour être à côté en train de dormir, ce qui t'empêchait de réagir. Tu n'as pas envie de venir me voir?" (PV aud. 4 annexe, p. 3)
Enfin, les déclarations du prévenu n'ont pas cessé de varier. Le prévenu a, dans un premier temps, reconnu avoir obligé à deux reprises A.J._ à avoir des relations sexuelles avec lui (PV aud. 4, R 10). Il a en outre reconnu, toujours lors de cette même audition, avoir envoyé le message depuis le numéro de téléphone 078 [...] dans lequel il disait : "Fais attention parce que si je te croise seule je vais me soulager sur toi, tu te souviens de ce qui s'est passé d'août à novembre?" (PV aud. 4, R 10). Toujours lors de cette première audition, il a également admis avoir envoyé des SMS depuis le numéro 078 [...] et dans lesquels il menaçait d'enlever C._ (PV aud. 4, R 11).
Par la suite, il est revenu sur ses déclarations et a contesté avoir contraint sa concubine à quelque relation sexuelle que ce soit et posséder le numéro de téléphone 078 [...] allant jusqu'à accuser A.J._ de s'envoyer elle-même les messages incriminés. Ne sachant plus à qui attribuer ce numéro de téléphone, le prévenu a expliqué une fois qu'il s'agissait du numéro de sa maîtresse P._ (PV aud. 4, R 6) puis de celui d'A.J._ (jugement du 27 juin 2012, p. 9). Il ressort cependant des pièces du dossier que le contrat portant sur le numéro de téléphone 078 [...] a été conclu le 3 mars 2009 au nom du prévenu, alors domicilié à Froideville. Au vu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu d'admettre que S._ était bien l'auteur des messages envoyés depuis ce numéro de téléphone.
4.3
Le raisonnement des premiers juges repose sur une instruction fouillée et une motivation substantielle. La constatation des faits n'est ni erronée, ni incomplète. Les premiers juges n'ont aucunement violé la présomption d'innocence, puisque, sur la base d'un examen objectif de la situation, il existe un faisceau d'indices entraînant la conviction que le prévenu a bien commis des atteintes à l'intégrité sexuelle de la plaignante et proféré des menaces graves.
4.4
L'appelant a également soutenu à l'audience d'appel que les premiers juges ont fait preuve d'arbitraire dans l'établissement des faits et avaient un parti pris.
4.4.1
Ainsi, il considère que le jugement mentionne à tort que le prévenu se croit "au-dessus des lois" (jugement, p. 21) et a un droit de cuissage sur sa concubine. Il relève également que ces derniers ont fait preuve d'un jugement de valeur en mentionnant que "ses faibles compétences intellectuelles, compte tenu de son niveau scolaire et de l'absence d'un titre de formation professionnelle, ne justifient en aucun cas son attitude" (jugement, p. 22). Enfin, il estime que le jugement le laisse apparaître comme une personne détestable et que c'est à tort que les premiers juges ont tenu compte de son attitude à l'audience sans la faire figurer au procès-verbal.
4.4.2
On peut admettre que les premiers juges ont fait preuve de quelques maladresses dans la rédaction du jugement; toutefois ces tournures de phrases ne sont pas propres à remettre en cause leur objectivité et leur raisonnement.
La déclaration du prévenu selon laquelle "(...), si une femme vit dans une maison avec un homme, c'est normal qu'il y ait des relations sexuelles" démontre que celui-ci considère avoir un droit sur son ex-concubine d'entretenir des relations sexuelles avec elle, indépendamment de sa volonté.
S'agissant du comportement du prévenu en cours d'audience, selon l'art. 78 CPP, seules les questions et les réponses déterminantes sont consignées textuellement au procès-verbal. L'exigence de cet article ne va pas jusqu'à décrire l'attitude du prévenu en audience.
Le grief est infondé.
5.
S._ ayant conclu à sa libération des infractions de viol et de menaces qualifiées, il convient d'examiner la qualification juridique des faits qui lui sont reprochés.
5.1
Aux termes de l'art. 190 CP, celui-ci qui en usant de menace ou de violence, en exerçant sur sa victime des pressions d'ordre psychique ou en la mettant hors d'état de résister, aura contraint une personne de sexe féminin à subir l'acte sexuel, sera puni d'une peine privative de liberté de un à dix ans (al. 1).
5.1.1
Le crime réprimé par l'art. 190 CP (comme celui sanctionné par l'art. 189 CP) est une infraction de violence, qui suppose, en règle générale, une agression physique. La violence désigne l'emploi volontaire de la force physique sur la personne de la victime dans le but de la faire céder (ATF 122 IV 97 c. 2b; TF 6B_267/2007 du 3 décembre 2007 c. 6.3; TF 6S.688/1997 du 17 décembre 1997 c. 2b, cité in Hans Wiprächtiger, Aktuelle Praxis des Bundesgerichtes zum Sexualstrafrecht, RPS 1999 p. 121 ss, spéc. p. 133). Il n'est pas nécessaire que la victime soit mise hors d'état de résister ou que l'auteur la maltraite physiquement. Une certaine intensité est néanmoins requise. La violence suppose non pas n'importe quel emploi de la force physique, mais une application de cette force plus intense que ne l'exige l'accomplissement de l'acte dans les circonstances ordinaires de la vie (ATF 87 IV 68). Selon les circonstances, un déploiement de force relativement faible peut suffire. Ainsi, peut déjà suffire le fait de maintenir la victime avec la force de son corps, de la renverser à terre, de lui arracher ses habits ou de lui tordre un bras derrière le dos (TF 6B_570/2012 du 26 novembre 2012 c. 1.2; TF 6S.126/2007 du 7 juin 2007 c. 6.2).
En introduisant la notion de "pressions psychiques", le législateur a cependant aussi voulu viser les cas où la victime se trouve dans une situation sans espoir, sans pour autant que l'auteur ait recouru à la force physique ou à la violence. Ainsi, l'infériorité cognitive et la dépendance émotionnelle et sociale peuvent induire une pression psychique extraordinaire et, partant, une soumission comparable à la contrainte physique, rendant la victime incapable de s'opposer à des atteintes sexuelles. La jurisprudence parle de "violence structurelle", pour désigner cette forme de contrainte d'ordre psychique commise par l'instrumentalisation de liens sociaux (TF 6P.200/2006 et 6S.450/2006 du 20 février 2007 c. 7.1).
Pour que l'infraction soit réalisée, il faut que la pression psychique visée par l'art. 190 CP soit importante. Certes, la loi n'exige pas que la victime soit totalement hors d'état de résister. L'effet produit sur la victime doit cependant être grave et atteindre l'intensité d'un acte de violence ou d'une menace (ATF 131 IV 167 c. 3.1). L'exploitation de rapports généraux de dépendance ou d'amitié ou même la subordination comme celle de l'enfant à l'adulte ne suffisent en règle générale pas pour admettre une pression psychologique au sens de l'art. 190 al. 1 CP (ATF 131 IV 107 c. 2.2; ATF 128 IV 97 c. 2b/aa et cc).
En outre, l'auteur doit utiliser les relations sociales comme moyen de pression pour obtenir des faveurs sexuelles. Ainsi, la considération selon laquelle la subordination cognitive et la dépendance émotionnelle et sociale peuvent produire une pression psychique doit être vue sous l'angle du délinquant sexuel, qui transforme cette pression en un moyen de contrainte pour parvenir à ses fins. Il ne suffit pas que l'auteur exploite une relation de pouvoir, privée ou sociale, préexistante. Il doit créer concrètement une situation de contrainte (tatsituative Zwangssituation). Il suffit, lorsque la victime résiste dans la mesure de ses possibilités, que l'auteur actualise sa pression pour qu'il puisse être admis que chacun des actes sexuels n'a pu être commis qu'en raison de cette violence structurelle réactualisée (ATF 131 IV 107 c. 2.2 et 2.4).
Pour déterminer si l'on se trouve en présence d'un viol, il faut procéder à une appréciation globale des circonstances concrètes déterminantes. Une appréciation individualisée est nécessaire, laquelle doit reposer sur des éléments suffisamment typiques (ATF 128 IV 97 c. 2b; ATF 128 IV 106 c. 3a/bb; ATF 124 IV 154 c. 3b). La mesure de l'influence qui doit avoir été exercée sur la victime pour qu'il y ait pression d'ordre psychique n'est pas aisément déterminable, de sorte qu'il y a lieu de se montrer prudent dans l'application des dispositions réprimant le viol et la contrainte sexuelle (ATF 128 IV 97 c. 2b; ATF 128 IV 106 c. 3b/aa; TF 6B_570/2012 du 26 novembre 2012 c. 1.3).
Le Tribunal fédéral a considéré qu'un climat de psycho-terreur entre époux pouvait, même sans violence, exercer une telle influence sur la volonté que la victime considère, de manière compréhensible, qu'elle n'a pas de possibilité réelle de résister (ATF 126 IV 124). La jurisprudence a également précisé que la pression psychique avait l'intensité requise pour que l'on retienne un acte de contrainte lorsque l'on était en présence de comportements laissant craindre des actes de violence à l'encontre de la victime ou de tiers (ATF 131 IV 167, JT 2007 IV 101).
5.1.2
L'infraction de viol est intentionnelle. Comme dans le cas de la contrainte sexuelle, le dol éventuel suffit. L'auteur doit savoir que la victime n'est pas consentante ou en accepter l'éventualité. Il doit vouloir accepter que la victime soit contrainte par le moyen qu'il met en œuvre ou la situation qu'il exploite. Il doit enfin vouloir ou accepter que la femme se soumette à l'acte sexuel sous l'effet de la contrainte (Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. I, 3
e
éd., Berne 2010, n. 11 ad art. 190 CP).
5.1.3
En l'espèce, les 23 et 24 août 2009, S._ a fait preuve de violence physique pour contraindre la plaignante à l'acte sexuel. Le 23 août 2009, alors que leur fille dormait dans la même chambre, il a commencé à toucher la victime qui lui a signifié que leur relation était terminée et qu'elle ne souhaitait pas avoir de rapport sexuel avec lui. Il s'est alors énervé et a continué à la toucher. La plaignante s'est alors levée et a tenté de quitter la chambre. Cependant, le prévenu l'a attrapé par le pantalon de son pyjama et l'a tirée en arrière pour la contraindre à se coucher sur le dos. Il s'est ensuite installé sur elle, lui a saisi les poignets et a fait glisser son pantalon de pyjama avec son pied gauche. Il lui a alors écarté les jambes avec ses mains et ses jambes. A.J._ s'est débattue sans crier toutefois de peur de réveiller leur fille qui dormait à côté. Le prévenu a alors saisi son pénis d'une main et l'a introduit de force dans le vagin de la plaignante qui a eu très mal. Durant l'acte, le prévenu lui a encore saisi les poignets pour les maintenir au-dessus de sa tête. Comme elle n'arrêtait pas de lui demander d'arrêter et lui disait qu'il lui faisait mal, il lui a répondu de regarder leur fille en faisant référence aux menaces qu'il avait déjà proférées auparavant. L'appelant a poursuivi jusqu'à éjaculation, puis s'est levé et a quitté la chambre. Le lendemain soir, le prévenu a réitéré en attrapant la plaignante, qui refusait de le rejoindre dans la chambre à coucher, par le haut du corps pour l'y emmener et la jeter sur le lit. Elle lui a de nouveau signifié qu'elle ne voulait rien faire, en vain. Comme la veille, il lui a baissé son bas de pyjama puis la contrainte à l'acte sexuel. En l'attrapant et la jetant sur le lit, en s'allongeant sur elle, en lui saisissant les poignets et en lui écartant les jambes de force contre la volonté de sa victime qui se débattait, le prévenu a bien fait usage de violence pour contraindre A.J._ à l'acte sexuel.
S'agissant des relations sexuelles qui ont suivi, A.J._ a expliqué qu'elle n'arrivait plus à lutter, qu'elle n'a plus pu lui dire qu'elle ne voulait plus avoir de rapports avec lui et qu'elle a été contrainte de se laisser faire. A.J._ savait qu'il ne servait à rien qu'elle se débatte puisque S._, plus fort qu'elle, arriverait à ses fins. Il convient d'admettre qu'à partir de ce moment-là, il n'y a plus eu de violence physique. Toutefois, S._ a usé des menaces d'enlèvement de leur fille pour soumettre sa victime. Ainsi, lorsqu'A.J._ lui a demandé de quitter le domicile après les deux premiers viols, S._ a alors réitéré ses menaces d'emporter C._ avec lui et d'empêcher la plaignante de la revoir. A cela s'ajoute qu'à chaque occasion, le prévenu imposait l'acte en demandant à la victime de regarder leur fille qui se trouvait dans la même pièce. La pression psychique exercée par le prévenu lui a permis d'imposer l'acte sexuel à la plaignante durant plusieurs mois. Ainsi, la plaignante n'avait pas d'autre choix que de se laisser faire, si elle ne voulait pas que le prévenu mette à exécution le sort qu'il réservait à leur fille; ce dernier précisait à A.J._ en désignant leur fille qu'elle ne savait pas le mal qu'il pouvait lui faire et qu'il n'aurait aucun remord.
S'agissant de l'élément subjectif de l'infraction, l'appelant ne pouvait pas ignorer qu'A.J._ n'était pas consentante. En effet, celle-ci lui avait signalé vouloir mettre un terme à leur relation et s'est débattue lors des premiers viols; en vain, celui-ci arrivait à ses fins soit par la force soit par la menace de faire du mal à leur fille. En outre, le message reçu par la victime le 4 février 2010 à 22h35 du numéro de téléphone 078 [...] appartenant au prévenu traduit l'intention de l'auteur. On rappelle qu'il a écrit à cette occasion ce qui suit : "(...) Fais attention parce que si je te croise seule je vais me soulager sur toi, tu te souviens de ce qui s'est passé d'août à novembre? Cela me faisait plaisir quand tu te débattais et je gagnais toujours. Je dois encore remercier C._ pour être à côté en train de dormir, ce qui t'empêchait de réagir. Tu n'as pas envie de venir me voir?"
Par conséquent, c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu que S._ s'était rendu coupable de viol pour la période du 23 août à novembre 2009.
5.2
5.2.1
Aux termes de l'art. 180 CP, celui qui, par une menace grave, aura alarmé ou effrayé une personne sera, sur plainte puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire (al. 1). La poursuite aura lieu d'office si l'auteur est le partenaire hétérosexuel ou homosexuel de la victime pour autant qu'ils fassent ménage commun pour une durée indéterminée et que la menace ait été commise durant cette période ou dans l'année qui a suivi la séparation (al. 2 let. b).
La punissabilité de l'auteur dépend de la réalisation de deux conditions : il faut d'une part, que l'auteur ait émis une menace grave et, d'autre part, que la victime ait été alarmée ou effrayée. Une menace est qualifiée de grave si elle est objectivement de nature à alarmer ou à effrayer la victime. Il faut donc se demander si une personne raisonnable, dotée d'une résistance psychologique plus ou moins normale, aurait ressenti la menace comme grave (TF 6B_234/2010 du 4 janvier 2011 c. 3.1; ATF 99 IV 212 c. 1a).
Enfin, la menace est une infraction intentionnelle. L'auteur doit avoir l'intention non seulement de proférer des menaces graves, mais aussi d'alarmer ou d'effrayer le destinataire. Le dol éventuel suffit (Corboz, op. cit., n. 16 ad art. 180 CP).
5.2.2
En l'espèce, l'infraction de menaces qualifiées est également réalisée. En effet, le prévenu a envoyé de nombreux messages à la plaignante dans lesquels il menaçait d'enlever C._ et de la vendre. Il a encore proféré des menaces de mort à l'égard de la plaignante et de sa famille s'ils l'empêchaient de prendre sa fille : "Chérie, alors j'espère qu'après tout ce que je t'ai dit tu feras le bon choix sinon tu ne verras plus jamais C._ et le jour où je viendrai la chercher si toi ou ta famille essayez de m'en empêcher je vous tuerai tous et je ne sentirai rien car j'en suis capable et beaucoup plus encore. (...)" (PV aud. 4 et ses annexes, p. 3). S._ a également menacé de mort la plaignante à la suite de son dépôt de plainte : "Ecoute-moi fille de pute, tu as eu le culot d'aller à la police dire ce que je t'ai fait mais je vais te tuer, tu ne sortiras pas en vie d'ici. Je ne me suis jamais occupé de C._ mais je vais te dire ce qui va arriver : elle va rester avec moi d'une façon ou d'une autre, et finalement il y a beaucoup de gens intéressés par elle et je la vendrai à qui m'en donne le plus, parce que je n'en ai rien à foutre d'elle. Pour l'instant je vais me faire passer pour une victime, tu me connais bien, sache que j'en suis capable." (PV aud. 4, annexe p. 7). Au vu des nombreux mensonges de S._ qui ont conduit à la décision de la plaignante de mettre fin à leur relation, compte tenu de ce qu'il lui a fait subir les derniers mois de leur relation, il est évident que les menaces proférées par l'appelant étaient objectivement de nature à effrayer A.J._. Par ailleurs, le fait qu'elle ait saisi la Justice de paix pour que le droit de visite du prévenu sur C._ soit encadré et surveillé démontre qu'elle craignait effectivement que le prévenu mette ses menaces à exécution. En outre, elle vit toujours dans la terreur puisqu'elle n'a toujours pas mis son nom sur la boîte aux lettres et la porte de son nouvel appartement et qu'elle ferme les stores sitôt rentrée à son domicile.
Enfin, l'appelant ne pouvait pas ignorer que les messages étaient propres à alarmer et effrayer la plaignante.
5.3
Il ressort de ce qui précède que les éléments constitutifs, tant objectifs que subjectifs, des infractions visées par les art. 180 et 190 CP sont réunis. S._ doit dès lors être reconnu coupable de menaces qualifiées au sens de l'art. 180 al. 2 let. b CP et de viol au sens de l'art. 190 al. 1 CP.
6.
L'appelant conteste la quotité de la peine qui lui a été infligée.
6.1
Il a fait grief aux premiers juges d'avoir violé l'interdiction de la double prise en considération en ayant retenu tant pour la qualification de l'infraction que pour la culpabilité la cruauté avec laquelle le prévenu a violé sa compagne.
6.1.1
Selon la jurisprudence, les circonstances qui conduisent à élever ou à diminuer le cadre de la peine ne doivent pas être prises en considération une seconde fois comme éléments aggravants ou atténuants dans le cadre modifié de la peine, sans quoi l'auteur pâtirait ou bénéficierait deux fois de la même circonstance. En revanche, le juge peut tenir compte dans la fixation de la peine de l'intensité de cette circonstance (TF 6B_364/2008 du 10 juillet 2008 c. 1.1.1; ATF 118 IV 342 c. 2b/c). En effet, le juge fixe la peine en fonction de la gravité de la faute qui doit être évaluée au regard des circonstances de l'infraction et de la personne de l'auteur (Favre/Pellet/Stoudmann, Code pénal annoté, 3
e
éd. révisée, Lausanne 2007/2011, n. 1.8 ad art. 47 CP).
6.1.2
Ce grief est mal fondé, dans la mesure où le viol n'est pas qualifié au sens de l'art. 190 al. 3 CP. Il est ainsi justifié de tenir compte de la durée et de la gravité des pressions exercées par l'appelant pour déterminer sa culpabilité.
6.2
L'appelant conclut à ce qu'il soit condamné à une peine compatible avec l'octroi du sursis et qu'il soit mis au bénéfice du sursis de l'art. 42 CP, l'exécution de la peine étant suspendue et un délai d'épreuve de deux ans étant fixé.
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2). La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (TF 6B_335/2012 du 13 août 2012 c. 1.1 et les références citées).
6.3
En application de l'art. 43 CP, le juge peut suspendre partiellement l'exécution d'une peine pécuniaire, d'un travail d'intérêt général ou d'une peine privative de liberté d'un an au moins et de trois ans au plus afin de tenir compte de façon appropriée de la faute de l'auteur (al. 1). La partie à exécuter ne peut excéder la moitié de la peine (al. 2). En cas de sursis partiel à l'exécution d'une peine privative de liberté, la partie suspendue, de même que la partie à exécuter, doivent être de six mois au moins. Les règles d'octroi à la libération conditionnelle (art. 86 CP) ne lui sont pas applicables (al. 3). Le sursis partiel est exclu si la peine privative de liberté dépasse trente-six mois (ATF 134 IV 1 c. 5.3.2).
6.4
En l'espèce, la culpabilité de S._ est lourde. Celui-ci est reconnu coupable de menaces qualifiées, de viol, de conduite en état d'ébriété qualifiée et opposition aux mesures visant à déterminer l'incapacité de conduire.
A charge, il convient de tenir compte du fait que le prévenu nie toujours les accusations portées contre lui concernant les menaces qualifiées et les viols alors même qu'il avait reconnu lors de sa première audition avoir contraint sa compagne à des relations sexuelles et être l'auteur des messages incriminés. Il n'a fait preuve d'aucun amendement et a même persévéré dans son comportement criminel jusqu'à ce qu'A.J._ le menace de déposer plainte. D'août à novembre 2009, le prévenu a ainsi violé son ex-compagne à une fréquence d'environ une fois par jour. Il n'a jamais exprimé la moindre excuse à sa victime, se retirant d'elle après avoir éjaculé et quittant la chambre pour fumer une cigarette, comme si de rien était. Il a encore utilisé comme une arme le fait que leur fille dormait dans la même chambre qu'eux, empêchant ainsi la mère de se défendre et obligeant la mère à regarder son enfant pendant qu'il violait la plaignante. De plus, il menaçait d'enlever C._ si la plaignante ne se laissait pas faire. Même par la suite, le prévenu n'a été pris d'aucun remords indiquant qu'il était près à recommencer à tout moment. Il semble tirer une certaine fierté de ses agissements. Ne prenant absolument pas en considération la volonté d'A.J._, il a porté atteinte à son intégrité sexuelle. Ceci ne suffisant pas, il a encore continué à proférer des menaces après la séparation du couple. Sans aucune compassion pour sa victime, il a essayé de la faire passer pour une menteuse et lui pour une victime. Il n'y a aucune prise de conscience de la gravité de son comportement. Aucun élément ne peut être retenu à décharge.
Au vu de l'ensemble des éléments qui précèdent, seule une peine privative de liberté, d'une quotité sévère, entre en considération; de plus, seule l'exécution d'une partie de cette peine est de nature à amener le prévenu à réaliser la gravité de son comportement et à prendre conscience du mal qu'il a fait. C'est à cette seule condition que l'on peut envisager un pronostic non entièrement défavorable pour ce délinquant primaire et prononcer un sursis partiel.
La Cour estime, comme les premiers juges qu'une peine privative de liberté de 3 ans dont un an ferme est adéquate, en envisageant d'octroyer un sursis de deux ans.
En conséquence, au regard des infractions commises, de la culpabilité du prévenu et de sa situation personnelle, il convient de confirmer la peine fixée par les premiers juges en ce sens que S._ est condamné à une peine privative de liberté de trois ans, dont un an ferme et le solde avec sursis pendant deux ans.
7.
L'appelant conteste devoir des prétentions civiles à A.J._.
L'appelant étant reconnu coupable de menaces qualifiées et de viol sur la personne d'A.J._ et les actes qu'il a commis ayant indéniablement causé une souffrance à la plaignante, il est justifié de réserver les prétentions civiles de la plaignante à l'encontre de S._.
8.
En définitive, l'appel, mal fondé, est rejeté et le jugement du Tribunal de première instance intégralement confirmé.
Vu l'issue de la cause, les frais de la procédure d'appel doivent être mis à la charge de S._ (art. 428 al. 1 CPP). Outre l'émolument, qui se monte à 3'120 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1]), les frais comprennent les indemnités des avocats d'office.
Au vu de la complexité de la cause, des opérations mentionnées dans la liste des opérations, il convient d'admettre que le défenseur d'office de l'appelant, Me Luc del Rizzo, a dû consacrer 8h30 à l'exécution de son mandat. L'indemnité sera dès lors arrêtée à 1'530 fr. et 100 fr. de débours, plus la TVA par 130 fr. 40, soit un total de 1'760 fr. 40, TVA et débours compris. Il convient également d'admettre que le conseil d'office de l'intimée, Me Véronique Fontana représentée par son avocate-stagiaire Me Rachel Rytz, a dû consacrer 8 heures à l'exécution de son mandat. Son indemnité sera dès lors arrêtée à 880 fr. et 20 fr. de débours plus la TVA par 72 fr., soit un total de 972 fr., TVA et débours compris. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
30cdaf86-fd65-41b5-a1e7-ac125edfce23 | En fait :
A.
Par jugement du 25 juin 2012 notifié le 3 juillet 2012, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de l'Est vaudois a libéré F._ des griefs de contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants et de contrainte sexuelle (I), condamné F._ pour tentative de viol, faux dans les certificats, infraction grave à la loi fédérale sur les stupéfiants, et infraction à la loi fédérale sur les étrangers, à la peine privative de liberté de 4 (quatre) ans, sous déduction de 287 (deux cent huitante-sept) jours de détention provisoire (II), ordonné le maintien en détention de F._ pour des motifs de sûreté (III), dit que F._ est le débiteur de l’Etat de Vaud d’une créance compensatrice de 10'000 fr. (IV), dit que F._ est le débiteur de A.H._ de 15’000 fr. avec intérêts
à 5 % l’an dès le 1
er
juillet 2011, à titre de réparation du tort moral (V), donné pour le surplus acte à A.H._ de ses réserves civiles à l’encontre de F._ (VI), ordonné la confiscation du numéraire séquestré, la confiscation et la destruction du solde des objets séquestrés (VII), mis les frais de la cause par 40'713 fr. 65 à la charge de F._, comprenant l’indemnité complémentaire de Me Giauque, son défenseur d’office, par 3’851 fr. 40 (VIII) et dit que le remboursement à l’Etat de l’indemnité du défenseur d’office de F._ est différé jusqu’à ce que la situation financière du condamné s’améliore (IX).
B.
Par annonce d'appel du 25 juin 2012, puis par déclaration d'appel du 23 juillet 2012, F._
a attaqué ce jugement. Il a conclu à son annulation et à ce que la sanction soit réduite à une peine privative de liberté avec sursis d’une quotité compatible avec une libération immédiate, les frais et dépens étant mis à la charge de l’Etat.
Par lettre du 30 juillet 2012, le Ministère public a renoncé à déposer un appel joint et s'en est remis à justice.
Le 23 août 2012, les parties ont été informées de la composition de la cour et citées à comparaître.
Une audience a été tenue le 21 septembre 2012, au cours de laquelle l'appelant et la plaignante ont été entendus séparément.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
F._ est né le 13 mars 1992 en Guinée, pays dont il est ressortissant. Il souffre d'une hépatite B. Fils unique, il n'a selon ses dires plus de famille depuis que sa mère a été assassinée et que son père a disparu. Il est célibataire et père d'une fille qui vit en France. Dans ce pays, il avait obtenu un statut de réfugié et une assistance de 350 € par mois. Il est venu en Suisse où il a déposé une nouvelle demande d'asile le 8 juillet 2010. Sa requête a été rejetée et son renvoi prononcé le 12 août 2010. Ces décisions sont entrées en force le 27 août 2010. Dès cette date et jusqu'à son arrestation, en septembre 2011, l'intéressé a séjourné illégalement sur notre territoire. Il n'a jamais exercé d'activité lucrative licite. Il est détenu depuis le 13 septembre 2011.
2.
Le casier judiciaire suisse de F._ est vierge.
3.1
Entre l'été 2010 et l'automne 2011, F._ s'est livré, sans être lui-même toxicomane, à un trafic de cocaïne sur la [...] (soit, à [...]), sévissant sous les divers surnoms de [...]. Les transactions se faisaient via les numéros [...], que les clients appelaient pour acheter leur drogue et par lesquels l'intéressé les relançait régulièrement pour proposer sa marchandise. Sans famille, ni amis, F._ a effectué au moins 14'200 connexions durant la période incriminée, pour appeler ses nombreux clients. Après l'avoir formellement reconnu, dix-neuf d'entre eux l'ont mis en cause de manière univoque pour un commerce portant sur les transactions suivantes :
- B._, entre 12 et 24 grammes, pour une somme comprise entre 120 et 1’900 fr., ainsi qu'environ 2, 5 grammes à titre gracieux (PV aud. 14);
- U._ 1,5 à 2 grammes, pour une somme comprise entre 240 et 320 fr. (PV aud. 21);
- Q._, une quarantaine de grammes pour une somme de 3'280 et 4'100 fr. (PV aud. 6);
- A.H._, entre 27 et 45,5 grammes, pour 2'400
à 4'200 fr. et 2, 5 grammes à titre gracieux (PV aud. 9);
- V._ entre 42,4 et 48,8 grammes, pour un investissement total de l’ordre de 8’000 fr. (PV aud. 20 et 28);
- T._, entre 74,7 et 89,9 grammes, dont 3 à 3,5 grammes à titre gracieux, pour une somme comprise entre 9’250 et 9’400 fr. (PV aud. 7);
- G._ 8 grammes pour la somme de 1'000 fr. (PV aud. 19);
- Y._, entre 76 et 152 grammes pour une somme comprise entre 6'080 à 15’200 fr., ainsi que des cessions gracieuses pour environ 10 grammes (PV aud. 12);
- K._ entre 13,5 et 20 grammes contre 900 à
1’760 fr. (PV aud. 23);
- J._ entre 25,6 et 64 grammes contre une somme comprise entre 1'320 et 5’600 fr. (PV aud. 15 et 27);
- P._ entre 7 et 10, 5 grammes, payés entre 800 et 1’300 fr. (PV aud. 17);
- L._ entre 9 et 10, 5 grammes en contrepartie de 1’200 fr. (PV aud. 3);
- D._ 17,7 et 18,5 grammes contre paiement de 1'540 fr. (PV aud. 13);
- X._, 1,8 à 2,4 grammes pour une somme comprise entre 300 et 360 fr. (PV aud. 4);
- Z._ 14 grammes, contre le paiement d'un montant de 1’200 à 1’400 fr. (PV aud. 16 et P. 5/1);
- DK._ entre 66 et 70 grammes pour un prix 3’640 fr. (PV aud 10);
- SZ_, 14 à 17 grammes contre une somme de 550 à 980 fr. (PV aud. 11 et P. 6/1);
- R._,
58,4 grammes pour une somme comprise entre 3’400 à 4’140 fr., de même que 2, 5 grammes à titre gracieux (PV aud. 5);
- GG._ cinq dons de peu d’importance de cocaïne et 4 à 5 grammes d’herba cannabis (PV aud. 22).
F._ a été trouvé en possession de 294 fr. 65 lors de son interpellation. Une somme de 2'150 fr. a été découverte à son domicile (P. 4 p. 11). L'enquête a, par ailleurs, révélé que F._ avait investi 200 fr. pour l'acquisition d'une fausse carte d'identité, qu'il avait pu verser un loyer de 2'400 fr. au moins à sa logeuse, et qu'il avait effectué trois versements d'environ 1'000 fr. en Afrique.
F._ a reconnu s'être livré à un trafic de cocaïne. Ses ventes n'auraient, selon ses dires, porté que sur 80, 100, voire 130 boulettes de cocaïne et ne lui auraient rapporté que 2'100 fr. environ.
Le Tribunal a écarté la version des faits du prévenu, dès lors qu'elle paraissait incompatible avec le train de vie et la situation financière de ce dernier. Sur la base des déclarations des consommateurs, des calculs de la police, et des éléments fournis par les enquêteurs, l'autorité de première instance a retenu que F._ avait vendu entre 518,6 et 705,05 grammes de cocaïne en boulettes de 0,8 grammes (poids moyen des boulettes trouvées sur le prévenu et deux toxicomanes; P. 48), soit une quantité de drogue pure oscillant entre 154,5 et 210, 2 grammes, – en chiffres ronds 150 à 200 grammes – au taux de pureté moyen de 29,8 %, cela pour un chiffre d'affaire compris entre 45'200 fr et 66'000 francs.
3.2
Dans le courant de l'été 2011, F._ s’est rendu à [...] chez A.H._ pour lui apporter une boulette de cocaïne qu’elle avait commandée par téléphone. Cette femme de 37 ans vivait seule avec son enfant. Accueilli par sa cliente dans la cuisine de l'appartement pour partager un café, le prévenu a soudain repoussé celle-ci jusqu'à sa chambre à coucher en lui assénant un coup au niveau du thorax. A.H._ est alors tombée à plat dos sur le lit. L'intéressé l'a maintenue dans cette position du poids de son corps. Il a ensuite libéré son sexe, tout en essayant vainement d'abaisser les leggings de la jeune femme. Celle-ci a résisté en serrant fortement ses cuisses, pour éviter toute pénétration. Elle ne criait pas, car elle craignait de réveiller sa fille qui dormait dans une chambre voisine. Le prévenu a soudainement éjaculé sur les leggings de sa victime, ce qui a mis fin à sa tentative. A l'issue de cet acte, l'intéressé a jeté une boulette de cocaïne à A.H._, qui l'a refusée.
Après cette agression, A.H._ a lavé à plusieurs reprises ces leggings. Elle ne les a plus portés. Honteuse et craignant des représailles, elle n'a pas dénoncé ces faits. Elle s'est finalement confiée à la police en octobre 2011, à l'issue d'une audition, dans le cadre de l'enquête pénale pour trafic de stupéfiants dirigée contre F._ qui avait été arrêté le mois précédent.
Déjà fragilisée par les agressions sexuelles subies durant son enfance dans le milieu intrafamilial, A.H._ souffre, depuis les faits, de troubles de l'appétit, du sommeil, de la mémoire et de la concentration, de même que d'abus d'alcool et de stress post-traumatique (P. 87).
Les événements incriminés se sont déroulés à huis clos; sans témoin. F._ a toujours nié les faits. Selon ses dires, il n'a jamais touché la victime.
Le Tribunal correctionnel a écarté les dénégations du prévenu qui reposent sur des indications contradictoires. Il a retenu la version de A.H._, dont les propos médicalement documentés et congruents lui ont paru authentiques.
3.3
Le prévenu a fait l'objet d'une expertise psychiatrique (P. 40) dans laquelle les diagnostics de modification durable de la personnalité après une expérience de catastrophe (acquisition traumatique du statut d'orphelin), de trouble de l'adaptation, et de réaction dépressive prolongée ont été retenus. D'après l'expert, la symptomatologie d'ordre dépressif est consécutive à l'incarcération; elle n'était pas présente lors de la commission des actes incrinimés. La modification durable de la personnalité n'est pas un trouble mental grave; elle est sans conséquence sur la conscience et la volonté du sujet. Aucune mesure n'est préconisée. Un risque statistique de récidive est présent. | En droit :
1.
Déposé en temps utile et contenant des conclusions suffisantes, l'appel de F._ est recevable (art. 399 al. 1 et 3 CPP; Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007, RS 312.0).
2.
Aux termes de l'art. 398 CPP, la juridiction d'appel jouit d'un plein pouvoir d'examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L'appel peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète des faits et pour inopportunité (al. 3).
3.
F._ se prévaut d'une constatation incomplète et erronée des faits pertinents et se plaint d'une violation du principe de l'interdiction de l'arbitraire. Le Tribunal aurait en outre violé le principe
in dubio pro reo
en le condamnant en dépit des doutes sérieux ressortant des déclarations A.H._, des toxicomanes, et les déductions des enquêteurs –tenues à tort pour décisives–.
3.1
La constatation des faits est incomplète lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 19 ad art. 398 CPP).
Sur la notion d'arbitraire, on peut renvoyer aux principes maintes fois exposés par le Tribunal fédéral (voir par ex : ATF 137 I 1 c. 2.4 p. 5; 136 III 552 c. 4.2 p. 560 ; 135 V 2 c. 1.3 p. 4/5; 134 I 140 c. 5.4 p. 148; 133 I 149 c. 3.1 p. 153 et les arrêts cités). En bref, pour qu'il y ait arbitraire, il ne suffit pas que la décision attaquée apparaisse discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation, mais aussi dans son résultat (TF 6B_43/2012 du 27 août 2012, c. 1).
Comme règle de l'appréciation des preuves, le principe
in dubio pro reo
interdit au juge de se déclarer convaincu d'un état de fait défavorable à l'accusé, lorsqu'une appréciation objective des éléments de preuve recueillis laisse subsister un doute sérieux et insurmontable quant à l'existence de cet état de fait. (TF 6B_43/2012 du 27 août 2012, c. 2 et réf. cit.). Un jugement de culpabilité peut reposer, à défaut de témoignages oculaires ou de preuves matérielles irréfutables, sur des indices propres à fonder la conviction du tribunal (Piquerez/Macaluso, Procédure pénale suisse, 3ème éd., 2011, n. 579 et réf. cit.).
3.2
Examinant les faits de l'agression sexuelle dénoncée par A.H._, les premiers juges ont d'abord présenté les dires des deux protagonistes (jugement p. 18). Ils ont ensuite écarté les dénégations du prévenu (jugement p. 4) et retenu la version de la plaignante A.H._ (jugement p. 7). Leurs motifs ont été clairement exposés en page 19 du jugement. Le discours du prévenu paraît démonstratif, peu convaincant, entaché de contradictions et d'incohérences. Ainsi, l'intéressé s'est dit vierge, tout en reconnaissant par ailleurs avoir eu, à l'époque de l'agression, des relations sexuelles avec une autre femme (PV aud. 26, p. 4). Il a prétendu être sans revenu, et n'avoir tiré que 2'100 fr. environ de l'ensemble de son commerce de stupéfiants, alors qu'il a payé une somme supérieure à celle-là pour son loyer (P. 48 pp. 5s). Les propos de A.H._ paraissent en revanche convaincants : ses déclarations devant les policiers, le Procureur et aux débats, sont dépourvues de confusion et appuyées par une émotion congruente; l'agression dénoncée est documentée par des observations médicales montrant un stress post-traumatique. Le fait que la victime ait gardé le silence pendant l'acte pour préserver son enfant est perçu comme une réaction maternelle spontanée et profondément vraie.
L'appelant soutient que les dires de la victime sont douteux car contradictoires quant au moment, au lieu de l’agression, aux détails de son déroulement, au sort des leggings portés par la victime et à l'activité des parties avant la scène violente. La victime l'ayant revu après l'agression alléguée, il se présente comme un bouc émissaire visé par une toxicomane désireuse de se laver des blessures du passé (mémoire p. 3).
3.2.1
En réalité, A.H._ n'a pas parlé tout de suite et de son propre chef : elle ne l'a fait qu'à la fin de son audition par la police, le 18 octobre 2011, après avoir été mise en confiance par les enquêteurs. Elle a alors précisé que l'agression avait eu lieu un samedi soir, qu'elle était seule chez elle, qu'elle avait appelé le prévenu pour qu'il lui livre une boulette de cocaïne. Chez elle, ils buvaient un café lorsque soudain le prévenu lui avait sauté dessus. Il lui tenait les bras et les jambes et se frottait sur elle. Il avait enlevé le bas pendant qu'il la tenait de force, tentant de la déshabiller. Elle avait résisté en serrant fort les cuisses. Elle était tétanisée. Elle n'avait pas crié. A un moment donné elle avait senti qu'il avait éjaculé sur les leggings qu'elle portait toujours, ce qui l'avait dégoûtée, c'est pourquoi, elle avait jeté cet habit. Après l'acte, l'intéressé lui avait offert une boulette de cocaïne pour s'excuser. Ayant refusé ce cadeau, elle lui avait demandé de s'en aller en le menaçant d'appeler la police, ce qu'il a fait. Par la suite, le prévenu lui avait parlé de cette agression; il lui disait clairement que ce n'était pas un viol, mais simplement la manifestation de la forte attirance qu'il avait pour elle. Ces actes avaient été commis vers la fin du mois de juillet, voire le début du mois d'août 2011. Après les faits, l'intimée ne s'est plus jamais retrouvée seule avec le prévenu. Revenant spontanément sur ses déclarations, la plaignante a précisé qu'en fait, elle n'avait pas jeté les leggings qu'elle portait lorsqu'elle avait été agressée, mais qu'elle les avait lavés plusieurs fois et gardés. Elle a ajouté qu'elle était disposée à les remettre immédiatement entre les mains de la police. Elle a aussi délié les médecins du secret médical et précisé qu'elle avait parlé des faits incriminés à son médecin traitant. Enfin, elle a demandé à ne plus être confrontée au prévenu, contre qui elle a déposé plainte pénale pour les faits qu'elle venait de décrire (PV aud. 9 p. 3 R. 13).
Entendue à nouveau le 28 février 2012 durant cinquante minutes, cette fois par le Procureur, la plaignante a confirmé que le prévenu l'avait agressée sexuellement et a donné des indications complémentaires. Elle a précisé que F._ l’avait frappée à la poitrine si bien qu’elle était
"[...] un peu sonnée [...]"
et qu’elle n’avait pas parlé des faits à la police par peur d’une réaction violente de son agresseur. Quant au déroulement des faits dans le temps, elle a parlé d’un samedi soir ou d’un lundi soir, alors qu’il faisait chaud, sans plus ample précision. Elle a ajouté qu'elle avait parlé au [...] des faits dont elle avait été victime, en précisant ne lui avoir pas dit tout de suite la vérité et avoir d'abord mentionné que l'agression avait eu lieu à Montreux, sans donner de plus amples détails. Elle lui en avait fourni davantage une fois la plainte déposée. Elle a également beaucoup parlé de ces faits à [...]. Avant ces événements, le prévenu lui avait dit qu’il avait envie d’avoir une relation sexuelle avec elle, voire de vivre avec elle; il lui avait promis de lui payer un certain nombre de choses, dont son loyer. Elle avait cependant toujours été claire avec lui (PV aud. 30, p. 3).
Aux débats de première instance (jugement p. 7), la plaignante a indiqué que les faits s'étaient déroulés un soir d'été 2011. Elle a ajouté que le prévenu lui avait, après l'acte, jeté une boulette de cocaïne et qu'elle l'avait refusée. Elle a confirmé pour le surplus ses versions antérieures en relevant qu'elle n'avait pas crié pendant l'incident parce que sa fille était présente et qu’elle avait longtemps gardé le silence par peur et par honte.
Dans une lettre du 12 mars 2012 au Ministère public (P. 62 et 87/1), le [...] a mentionné que A.H._ lui avait parlé, à la fin du mois de juin 2011, d'une agression à connotation sexuelle avec violence physique mais sans acte consommé, remontant à un mois plus tôt, qu'elle n'avait pas donné beaucoup de détails et qu'elle avait évoqué une mauvaise rencontre dans un contexte de consommation. Il a ajouté que cette patiente ne lui avait reparlé de cette agression qu'à une reprise, en novembre, en raison d’une douleur costale qu'elle pensait causée par les violences subies.
Dans son rapport du 2 avril 2012 (P. 67), l'Unité ambulatoire spécialisée [...], dont le personnel soignant avait prodigué des soins à la plaignante dès novembre 2011, a notamment noté que l’état de stress post-traumatique présenté par celle-ci pouvait avoir un impact sur ses capacités cognitives et mnésiques; ce stress était susceptible de prétériter le rappel des faits et de restituer un vécu lacunaire, les souvenirs se figeant sur certains détails ou perceptions, alors que certains éléments contextuels de l’agression pouvaient être oubliés. L’effraction psychique provoquée par l’agression subie avait causé, sur le plan psychologique, des difficultés d’ordre cognitif, se traduisant par des problèmes d’attention, de mémoire et de concentration.
S'agissant de la période de commission de l'acte incriminé, les indications fournies par A.H._ à la police, au Procureur et aux juges sont cohérentes, même si elles apparaissaient relativement peu précises : on comprend que l’agression a eu lieu au cours de l'été 2011. On relèvera d'ailleurs que la relative imprécision de la victime peut être attribuée au refoulement et à l’altération de la mémoire liée au traumatisme mis en évidence par les thérapeutes chez un sujet toxicomane abusant de l’alcool, et qu'elle n'entame pas la crédibilité de celle-ci. Au demeurant, le fait que le médecin traitant situe l'agression un mois avant juin 2011 n'est pas décisif. En effet, cette indication émane d'un tiers pouvant avoir mal compris, voire pourrait même résulter d'une erreur de secrétariat.
Quant au lieu où s'est déroulé l'acte incriminé, A.H._ a toujours dit que c'était dans son appartement. A une reprise, certes, elle a indiqué (au [...]) que l'acte incriminé avait eu lieu dans la rue à [...] Elle s'est toutefois expliquée spontanément à ce sujet lors de son audition du 28 février 2012, en précisant avoir donné cette fausse indication par honte et par peur qu'on lui enlève son enfant si on apprenait qu'elle se faisait livrer de la drogue à domicile. De tels propos sont cohérents, crédibles et aisément compréhensibles de la part de cette jeune mère vivant seule avec sa fille; ils concordent d'ailleurs avec les indications données par la mère de la victime en première instance (jugement p. 11).
Au sujet des faits précédant l'agression, la plaignante a toujours dit que l’attaque s’était produite dans sa cuisine, alors qu'elle buvait un café avec le prévenu, celui-ci l'avait soudainement contrainte à gagner sa chambre en lui donnant un coup sur le haut de la poitrine. Le fait que ce détail ne soit pas mentionné dans ses propos d’audience résumés au procès-verbal de première instance (jugement pp. 7 et 8) ne permet pas de douter de l'authenticité de la version présentée en général par la victime.
On ne saurait voir des contradictions dans les indications fournies par la victime au sujet des leggings salis par l'éjaculation du prévenu. Elle a d'abord indiqué (le 18 octobre 2011) les avoir jetés par dégoût, avant de rectifier son propos et de préciser qu'en réalité, elle les avait lavés, qu'ils étaient chez elle et qu'elle les tenait à la disposition de la police. Il s'agit là d'une rectification effectuée au cours du même interrogatoire dans un souci de vérité, au demeurant sans portée sur la réalité de l’agression elle-même.
F._ est resté le fournisseur de cocaïne de la plaignante. Celle-ci était cependant toujours accompagnée par un tiers lorsqu'elle allait se servir auprès de lui (PV aud. 9 p. 4). Ce fait ne permet donc pas de douter de la réalité de l'agression. Au demeurant, aucun indice sérieux ne permet de se convaincre que l'appelante aurait entrepris de faire de l'appelant un bouc émissaire, de se venger symboliquement d’un autre et lointain agresseur sexuel ou encore de prendre une revanche sur son dealer. Si la victime a tardé à dénoncer son agresseur, c'est par peur des représailles pour elle et sa famille, parce qu'elle craignait de perdre la garde de son enfant, et parce qu'elle avait honte, soit des sentiments et états d'esprit parfaitement crédibles.
3.2.2
Vu ce qui précède, les griefs formulés par l'appelant à l'encontre des dires de la plaignante sont vains. La conviction des premiers juges de ce que le prévenu a agressé sexuellement l'intimée au cours de l'été 2011, alors qu'il s'était rendu chez elle pour lui livrer une boulette de cocaïne ne peut qu'être partagée. On peut encore ajouter à ces motifs que le comportement de l’appelant consistant à frapper une femme au thorax par surprise et la neutraliser ainsi a été relevé par une autre toxicomane nommée U._ (PV aud. 21 p. 2 R.7), ce qui confirme d’une part, que l’intimée n’a pas inventé ce geste et, d’autre part, qu’il était habituel et typique du prévenu.
3.3
F._ conteste les quantités de drogue écoulées retenues par le Tribunal.
Pour fixer l'ampleur du trafic de stupéfiants de l'intéressé, les premiers juges ont additionné les quantités de cocaïne évoquées par dix-neuf toxicomanes, tous clients du prévenu. Sur cette base, ils ont retenu que F._ avait écoulé, essentiellement à titre onéreux, de 518,6 grammes à 705,5 grammes de ce produit, au poids moyen de 0,8 grammes par boulette (jugement pp. 15 et 17). Ces chiffres ont été considérés comme favorables au prévenu dès lors que ce dernier avait effectué au moins 14'200 connexions téléphoniques pendant la période incriminée alors qu'il n'a ni parents, ni amis.
3.3.1
F._ prétend que les premiers juges auraient dû considérer avec circonspection les indications fournies par les toxicomanes entendus (mémoire p. 5 et 6), dès lors que leurs souvenirs auraient été peu précis et leurs propos changeants. Il expose à ce sujetY._ ne se rappelait pas s’il avait acheté 76 ou 152 grammes de cocaïne, et que V._ a donné deux versions différentes des faits. Ces moyens sont dénués de pertinence.
Y._ a indiqué avoir acquis tous les jours des boulettes d'un gramme certaines semaines, ainsi que d’autres deux fois par semaine selon les relances du dealer, soit une à deux boulettes tous les trois jours entre le 24 janvier et le 10 septembre 2011, voire certainement plus (PV aud. 12 pp. 2 et 3). En retenant que ce toxicomane avait acheté entre 76 et 152 grammes de cocaïne au prévenu, le jugement a parfaitement restitué sa déposition et il n’y a aucun motif de s’en écarter.
Le jugement retient par ailleurs que l'intéressé a vendu entre
42,2 grammes et 48,8 grammes de cocaïne à V._ en se fondant sur les déclarations de cette dernière lors de sa première audition du 4 novembre 2011 (PV aud. 20). A cette occasion, la prénommée avait clairement différencié (et quantifié) ses achats auprès de F._ et ceux effectués auprès d’autres dealers. Cette toxicomane a été moins précise lorsqu'elle a été réentendue en confrontation avec le prévenu le 9 février 2012 (PV aud. 28 p. 2). Cependant, le prévenu avait un lien particulier avec V._ (PV aud 25) : elle lui avait proposé de l'épouser pour régulariser sa situation en Suisse, en échange de quoi, il devait la protéger de son ex-ami qui était violent (PV aud. 20). Au regard de ces circonstances, les premiers juges ont, à raison, écarté implicitement le revirement opéré en confrontation par ce témoin pour retenir exclusivement ses premières déclarations.
3.3.2
L’appelant remet en cause le poids moyen des boulettes (0,8 gramme) calculé sur la base des saisies effectuées sur les deux clients (Z._ et SZ_) interpellés juste après une transaction
(P. 5 et 6). Il considère que
"[...] cette moyenne ne correspond pas à la réalité lorsqu'on sait que plusieurs tiers ont déclaré avoir reçu des boulettes d'un poids
de 0,2 ou 0,3 grammes tout au plus. (...) et que la moyenne qu'aurait dû retenir le Tribunal correctionnel devait se situer autour des 0,5 grammes pour les cas où aucun poids n'a été indiqué [...]"
(mémoire p. 6).
En matière de stupéfiants, il est admissible de recourir à des moyennes pour évaluer le volume ou la pureté du produit illicite, voire en ce qui concerne le taux, à des indications statistiques, ou à un taux usuel sur le marché (Corboz, Les infractions en droit suisse, volume II, Berne 2002 p. 784 n. 89 ad art. 19 LStup et 2
ème
éd. Berne 2010 p. 918 n° 86 ad art. 19 LStup ; TF 6B_600/2011 du 18 octobre 2011). Se fonder sur des prises s’avère au demeurant plus proche de la réalité que de prendre en compte les indications orales des clients. Le mode d’évaluation appliqué n’est donc pas critiquable.
Les quantités de cocaïne trafiquées par l’appelant telles qu’elles figurent dans le jugement doivent donc être confirmées. Elles correspondent aux indications contenues dans le dossier (P. 48).
3.3.3
Le prévenu conteste le taux de pureté de la cocaïne vendue
(29,8%) retenu par les premiers juges. Au vu des faibles quantités de drogue analysée, le Tribunal aurait dû prendre en compte le taux le plus bas (22,5 %), cela en application du principe
"in dubio pro reo"
(mémoire p. 6).
Certains clients dont V._ (au demeurant plutôt favorable au prévenu) ont déclaré que ce dernier vendait une marchandise de bonne qualité (PV aud. 20 p. 3). D'autres ont déclaré que la qualité de la cocaïne vendue était de meilleure qualité au début qu'à la fin (PV aud. 13 rapportant les déclarations de D._). En l'absence de valeur constante, et dans une optique de recherche de la vérité, il était admissible de se référer à des moyennes (cf. supra c. 3.2.2 et réf. cit.). Le taux de pureté moyen de 29, 8 % doit donc aussi être confirmé.
3.3.4
Le Tribunal pouvait donc retenir que le commerce du prévenu avait porté sur 518,6 à 705,5 grammes de cocaïne en boulettes d'un poids moyen de 0,8 grammes, soit une quantité de drogue pure de 154,5 à 210,2 grammes, cela pour un chiffre d'affaire compris entre 45'200 et 66'600 francs en chiffres arrondis (P. 48).
3.4
En définitive, l'état de fait retenu par les premiers juges doit être confirmé. Les griefs de violation de l'interdiction de l'arbitraire et du principe
in dubio pro reo
tombent à faux, de même que ceux tirés de la constatation incomplète ou erronée des faits.
4.
Il faut encore examiner les qualifications retenues.
4.1
Les quantités de drogue pure écoulée (154,5 à 210,2 grammes) réalisent plusieurs fois le cas grave (ATF 119 IV 180 c. 2d), de sorte que c'est à juste titre que l'intéressé a été reconnu coupable d'infraction grave à la LStup (Loi sur les stupéfiants du 3 octobre 1951, RS 812.121) au sens de l'art. 19 ch. 2 let. a LStup. Cette qualification ne serait d'ailleurs pas différente si on retenait les quantités dont l'appelant se prévaut dans son appel.
4.2
L'appelant conteste par ailleurs s'être rendu coupable de tentative de viol. Il soutient que son comportement relève tout au plus de la contrainte sexuelle, dès lors que la victime est restée habillée et qu'on est en présence de faits sommairement décrits (mémoire p. 5).
L'art. 189 CP vise à réprimer de manière générale la contrainte en matière sexuelle. Le viol (art. 190 CP) constitue une
lex specialis
pour le cas où la victime est une femme et que l'acte sexuel proprement dit lui est imposé. (Dupuis, Geller, Monnier, Moreillon, Piguet, Bettex, Stoll, Editeurs, Petit Commentaire, Code pénal, Editions Helbing Lichtenhahn, Bâle 2012, n. 1 ad art. 190 CP).
D'après l'art. 190 CP, se rend coupable de viol, celui qui, notamment en usant de menace ou de violence, en exerçant sur sa victime des pressions d’ordre psychique ou en la mettant hors d’état de résister, aura contraint une personne de sexe féminin à subir l’acte sexuel.
Le viol se définit comme le fait de contraindre une femme à subir l'acte sexuel. Subjectivement, l’auteur doit notamment vouloir accomplir l’acte sexuel. La consommation de l’infraction implique la pénétration, mais le commencement d’exécution peut déjà être constaté lorsque l’auteur séquestre et menace la victime dans une intention de viol (Dupuis, Geller, Monnier, Moreillon, Piguet, Bettex, Stoll, Editeurs, Petit Commentaire, Code pénal, op. cit. n. 16 ad art. 190 CP). Dans la jurisprudence fédérale, la tentative a par ailleurs aussi été retenue lorsque l’auteur tente de baisser le pantalon de la femme (TF 6S.239/2000 c. 2c du 30 août 2000).
Il y a tentative lorsque l'auteur a réalisé tous les éléments subjectifs de l'infraction et manifesté sa décision de la commettre, alors que les éléments objectifs font, en tout ou en partie, défaut (ATF 131 IV 100 c 7.2.1 ; 128 IV 18 c. 3b). La délimitation entre les actes préparatoires, en principe non punissables (sous réserve de l'art. 260bis CP), et le commencement d'exécution, constitutif d'une tentative inachevée punissable peut s'avérer délicate. D'après la jurisprudence, il y a commencement d'exécution dès que l'auteur accomplit un acte qui représente, dans son esprit, la démarche ultime et décisive vers la réalisation de l'infraction, celle après laquelle il n'y aura en principe plus de retour en arrière, sauf apparition ou découverte de circonstances extérieures compliquant trop ou rendant impossible la poursuite de l'entreprise (ATF 131 IV 100 c. 7.2.1). La distinction entre les actes préparatoires et ceux constitutifs d'un début d'exécution de l'infraction doit être opérée au moyen de critères avant tout objectifs. En particulier, le seuil à partir duquel il y a tentative ne doit pas précéder de trop longtemps la réalisation proprement dite de l'infraction (ATF 131 IV 100 c. 7.2.1 ; 117 IV 395 c. 3). Le seuil de la tentative est en tout cas franchi si l'auteur réalise déjà l'un des éléments objectifs de l'infraction (ATF 131 IV 100 c. 7.2.1).
En l'espèce, le prévenu a immobilisé la victime sur le lit de celle-ci, alors qu'elle était couchée sur le dos. Il s'est mis sur elle, a dénudé son propre sexe et s'est efforcé de lui enlever ses leggings, dans l'intention manifeste de la pénétrer. Il n'y est pas parvenu, d'une part parce qu'elle a résisté en serrant les jambes empêchant ainsi qu'il lui ôte ses leggings et mette à nu son bas ventre, d'autre part, parce qu'en proie à l'excitation sexuelle il a éjaculé sur cet habit ce qui a réduit sa pulsion sexuelle et mis fin à sa tentative. Sa position et ses gestes ne laissent aucun doute sur son intention. Il entendait bien violer la victime et c'est d'ailleurs contre sa propre pénétration que celle-ci s'est défendue. La qualification de tentative de viol ne peut ainsi qu'être confirmée. Par ce comportement, le prévenu a usé de violence et accompli les actes décisifs qui, selon le cours ordinaire des choses, devaient aboutir à la consommation du viol.
Vu ce qui précède, les chefs d'accusation retenus à l'encontre de l'intéressé doivent être confirmés.
5.
L'appelant prétend que la sanction infligée est excessive et demande une peine d'emprisonnement avec sursis compatible avec une libération immédiate (mémoire p. 8).
5.1
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
Les critères, énumérés de manière non exhaustive par cette disposition, correspondent à ceux fixés par l'art. 63 aCP et la jurisprudence élaborée en application de cette disposition (ATF 134 IV 17 c. 2.1). Cette jurisprudence conserve toute sa valeur, de sorte que l'on peut continuer à s'y référer (voir ATF 129 IV 6 c. 6.1 p. 21; 127 IV 101 c. 2a p. 103; 117 IV 112 c. 1, 116 IV 288 c. 2a et les références citées).
En matière de trafic de stupéfiants, il y a lieu de tenir compte de la quantité de drogue. Même si elle ne joue pas un rôle prépondérant (TF 673/2007 du 15 février 2008, c.3.3.1), la quantité constitue un élément essentiel, qui perd cependant de l'importance au fur et à mesure que s'éloigne la limite à partir de laquelle le cas est grave au sens de l'art. 19 ch. 2 let. a LStup (ATF 122 IV 299 c. 2c p. 302 s.; 121 IV 202 c. 2d/cc p. 206). Le type et la nature du trafic en cause sont déterminants; aussi l'appréciation sera différente selon que l'auteur a agi de manière autonome ou comme membre d'une organisation; dans ce dernier cas, la nature de sa participation et sa position au sein de l'organisation doivent être prises en compte. L'étendue géographique du trafic entre également en considération: l'importation en Suisse de drogue a des répercussions plus graves que le seul transport à l'intérieur des frontières. S'agissant d'apprécier les mobiles qui ont poussé l'auteur à agir, le juge doit distinguer le cas de celui qui est lui-même toxicomane et agit pour financer sa propre consommation de celui qui participe à un trafic uniquement poussé par l'appât du gain (cf. arrêt du Tribunal fédéral 6S.21/2002 du 17 avril 2002, c. 2c).
Dans un arrêt du 13 août 2010 (TF 6B_265/ 2010) rendu en matière de stupéfiants, la Haute Cour précise qu'à l'heure où la criminalité est de mieux en mieux organisée, la coopération des prévenus est importante pour démanteler les réseaux, c'est pourquoi une collaboration exceptionnelle de l'intéressé pendant l'enquête doit être prise en compte en sus des autres éléments à décharge pour la fixation de la peine. Dans le cas analysé, le caractère exceptionnel de la collaboration de la prévenue avait été relevé par les enquêteurs notamment parce que, sur la base des aveux sincères de celle-ci, il avait été possible d'arrêter le couple organisateur d'un trafic international de stupéfiants portant au moins sur 30 kg de cocaïne (c. 3.3).
5.2
Il sied tout d'abord de relever que le moyen fondé sur une violation de l'art. 47 CO est inopérant dans la mesure où il repose sur l’abandon du chef de condamnation de tentative de viol et un trafic de cocaïne moins important que celui retenu, soit sur des griefs qui ont été écartés (cf. supra c. 4).
F._ reproche aux premiers juges d’avoir insuffisamment tenu compte de sa situation personnelle en ne considérant que son jeune âge comme élément à décharge. En réalité, le parcours et la culpabilité du prévenu ont été correctement présentés et appréciés en pages 20 et 21 du jugement. Les premiers juges ont parlé d’un instinct sûr de prédateur pour stigmatiser son attaque violente de A.H._ à des fins sexuelles. Il y a en effet une composante de cet ordre dans l’exploitation de l’asservissement d’un être humain comme toxicomane, devenu source de rente, qui se double d’une tentative de domination sexuelle d’une cliente. Le comportement du prévenu à l'égard de cette toxicomane a d'ailleurs été particulièrement abject lorsqu'il lui a jeté une boulette de cocaïne après avoir tenté de la violer, exprimant ainsi la soumission où il la tenait. On relèvera aussi qu'en matière de stupéfiants, F._ n’a pas collaboré, en montrant ainsi une évolution de repenti; il s’est contenté d'adresser une lettre à son défenseur après le jugement de première instance (P. 8 du bordereau; lettre du 20 juillet 2012), essentiellement pour demander son transfert dans une autre prison. S'il y évoquait la possibilité de fournir des indications à la police, il n'est jamais passé aux actes. N'étant pas lui-même toxicomane, il n'a agi que par appât du gain, ce qui est encore un élément à charge. En conclusion, les agissements du prévenu apparaissent gravement fautifs. Ses minimisations et son déni sont incompatibles avec sa prétendue prise de conscience. Un risque de récidive a été mis en lumière par les experts (P. 40).
Dans ces circonstances, la peine privative de liberté ferme de 4 ans infligée en première instance est adéquate et doit être confirmée. Cette quotité est incompatible avec l'octroi d'un sursis (art. 42 et 43 CP).
6.
En définitive, l'appel s'avère en tous points mal fondé; il doit être rejeté aux frais de son auteur (art. 428 al. 1 CPP).
7.
Le défenseur d'office de l'appelant a présenté une note d'honoraires de 3'904 fr. 50, soit 3'510 fr. d'honoraires correspondant à 19,5 heures, des débours par 105 fr. 30 et de la TVA par 280 fr. 80 et 8 fr. 40. Ce montant total n'inclut pas la durée de l'audience d'appel et des entretiens effectués avec l'appelant à cette occasion.
Le temps de travail invoqué est manifestement excessif. Le défenseur connaissait le dossier de la cause pour avoir déjà assuré la défense en première instance. Ce dossier, d'un volume peu important, est d'une maîtrise aisée. De simples mémos qui n'exigent pratiquement aucun travail d'avocat ont été comptés à 10 minutes. Des vacations sont facturées au tarif horaire de l'avocat d'office. D'une manière générale, une défense de qualité nécessitait tout au plus 12 heures au tarif horaire usuel de 180 fr. Quant aux débours, faute d'indications précises et chiffrées, on allouera le montant forfaitaire de 50 fr. et non 3% des honoraires. Débours et TVA compris, c'est donc un montant de 2'386 fr. 80 qui est alloué. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
311bbe2b-c224-4417-89cd-c38c3d46b525 | En fait :
A.
Par jugement du 31 mai 2011, le Tribunal de police de l’arrondissement de l'Est vaudois a condamné P._ pour lésions corporelles par négligence à une peine pécuniaire de 15 (quinze) jours-amende, le jour-amende étant arrêté à fr. 30.- (trente), avec sursis durant 2 (deux) ans (I), a dit qu'il est le débiteur de T._ et lui doit prompt paiement de la somme de fr. 10'000.- avec intérêt à 5 % l'an, dès le 1
er
juin 2011 à titre de tort moral (II), a donné acte de ses réserves civiles à T._ pour le surplus (III), et a mis les frais de la cause arrêtés à fr. 1'645.- à la charge d'P._ et laissé le solde à la charge de l'Etat (IV).
B.
Le 9 juin 2011, P._ a formé appel contre ce jugement.
Par déclaration d'appel motivée du 4 juillet 2011, ce dernier a conclu principalement à ce que le chiffre II de ce jugement soit modifié en sens que T._ est renvoyé devant le juge civil compétent pour examen de son préjudice moral, subsidiairement, à ce que ce chiffre II soit annulé, la cause étant renvoyée en première instance pour nouvelle décision dans le sens des considérants et, plus subsidiairement, à ce que le chiffre II soit modifié en ce sens qu'il est le débiteur de T._ et lui doit prompt paiement de la somme de 1'000 fr. avec intérêts à 5 % l'an dès le 1
er
juin 2011 à titre de tort moral.
Le Ministère public a, par courrier du 7 juillet 2011, renoncé à intervenir dans la présente cause.
Dans le délai imparti, T._ a déposé un appel joint, le 25 juillet 2011, concluant principalement, à ce que l'indemnité pour tort moral soit portée à 12'000 fr. et subsidiairement, à ce que le montant de 10'000 fr. qui lui a été alloué par le tribunal soit intégralement confirmé.
Par mémoire du 14 septembre 2011, T._ a conclu à l'annulation du jugement du 31 mai 2011, à ce qu'P._ soit condamné pour lésions corporelles graves par négligence, à ce que ce dernier doive lui payer une indemnité pour son tort moral d'un montant de 25'000 fr., plus intérêts à 5 % l'an dès le 1
er
juin 2011 et à ce qu'il lui soit donné acte de toutes ses autres conclusions civiles, soit notamment s'agissant de sa perte de gains et le remboursement de ses frais de traitement, de soins et de médicaments non couverts par l'assureur social.
Par lettre du 28 septembre 2011, le Ministère public a renoncé à déposer des déterminations.
Le 12 octobre 2011, P._ a déposé des déterminations quant au mémoire d'appel motivé du 14 septembre précédent par T._, concluant au rejet de celui-ci.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
P._, marié, est né en 1933, à Gryon. Retraité, il perçoit un montant de 4'100 fr. par mois à titre de rente AVS et de rente LPP. Son loyer mensuel s'élève à 1'125 fr. et son assurance maladie est intégralement subventionnée. Il n'a ni dette ni fortune. Son casier judiciaire est vierge.
2.
Le 17 octobre 2008 vers 21h00, au volant de son véhicule, P._, a heurté le piéton T._ sur la route cantonale reliant Gryon à Aigle. Plus précisément, P._ a eu son attention détournée de la chaussée par un véhicule circulant en sens inverse avec les feux de route enclenchés. Après un ou deux appels de phares, cet autre conducteur a enclenché ses feux de croisement et c'est à cet instant, qu'P._, apercevant tardivement le bras de T._ et après avoir tenté une manœuvre d'évitement, a heurté ce dernier avec son rétroviseur droit. T._ marchait le long du bord droit de la chaussée, à l'intérieur de la piste cyclable et tendait le bras gauche pour faire du "stop", cette partie du corps se trouvant sur la voie de circulation d'P._. Sous l'effet du choc, T._ a été projeté sur la bande herbeuse longeant la chaussée. Il a souffert d'une plaie profonde de la cuisse gauche, laquelle n'a pas mis sa vie en danger au moment de l'accident. | En droit :
1.
1.1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
Aux termes de l’art. 398 al. 5 CPP, si un appel ne porte que sur des conclusions civiles, la juridiction d’appel n’examine le jugement de première instance que dans la mesure où le droit de procédure civile applicable au for autoriserait l’appel. Tel est le cas en l’occurrence au regard de l’art. 308 CPC, la valeur litigieuse équivalent à 10'000 francs.
Selon l'art. 401 al. 2 CPP, l'appel joint n'est pas limité à l'appel principal, sauf si celui-ci porte exclusivement sur les conclusions civiles du jugement.
En l'espèce, dès lors que l'appel principal porte exclusivement sur les conclusions civiles, l'appel joint est irrecevable dans la mesure où il tend à une aggravation du chef d'accusation retenue contre le prévenu.
1.2.
L’art. 382 al. 1 CPP précise que toute partie qui a un intérêt juridiquement protégé à l’annulation ou à la modification d’une décision a qualité pour recourir contre celle-ci.
En l’occurrence, tant le prévenu que la victime ont un intérêt au sens de la disposition précitée, de sorte que la qualité pour recourir doit leur être reconnue.
1.3.
Aux termes de l'art.
398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
2.
Invoquant une violation de son droit d'être entendu, P._ estime que la motivation du premier juge est insuffisante s'agissant de l'octroi d'une indemnité pour tort moral à T._.
2.1.
Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., le droit d'être entendu donne notamment à l'intéressé le droit de recevoir une décision suffisamment motivée pour qu'il puisse la comprendre et l'attaquer utilement, s'il le souhaite, et pour que l'autorité de recours soit en mesure, le cas échéant, d'exercer son contrôle. Pour répondre à ces exigences, il suffit que l'autorité mentionne, même brièvement, les raisons qui l'ont guidée et sur lesquelles elle a fondé sa décision, de façon que l'intéressé puisse en apprécier la portée et, éventuellement, l'attaquer en connaissance de cause (ATF 122 IV 8 c. 2c ; 121 I 54 c. 2c ). Il n'est donc pas nécessaire que les motifs portent sur tous les moyens des parties; ils peuvent être limités aux questions décisives (ATF 133 III 439 c. 3.3).
Le droit d'être entendu est une garantie constitutionnelle de nature formelle dont la violation doit en principe entraîner l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recours sur le fond (ATF 135 I 187 c. 2.2 ; 132 V 387 c. 5.1). Toutefois, la jurisprudence admet qu'une violation de ce droit en instance inférieure puisse être réparée lorsque l'intéressé a eu la faculté de se faire entendre en instance supérieure par une autorité disposant d'un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (ATF 134 I 331 c. 3.1 ; 133 I 201 c. 2.2). Une telle réparation dépend de la gravité et de l'étendue de l'atteinte portée au droit d'être entendu et doit rester l'exception (ATF 126 I 68 c. 2). Elle peut également se justifier en présence d'un vice grave lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 133 I 201 c. 2.2).
2.2.
En l'espèce, le Tribunal de police a entendu T._ ainsi que la belle-sœur de ce dernier au sujet des atteintes subies par celui-ci (jgt, pp. 7 et 8). Il a exposé les lésions constatées ainsi que le contenu du rapport du Dr [...], spécialiste en chirurgie orthopédique, et des attestations du Dr I._, médecin traitant généraliste (jgt, p. 15). Il a estimé que le montant de 20'000 fr. requis par T._ à titre d'indemnité pour tort moral était trop important au vu des lésions subies, même si celles-ci perduraient et lui a donc octroyé une somme de 10'000 fr. (jgt, p. 18). On comprend dès lors quels sont les éléments retenus par le premier juge et la manière dont il a procédé pour retenir une indemnité pour tort moral de 10'000 francs.
Au surplus, au regard du pouvoir de cognition de la Cour d'appel telle qu'exposée ci-dessus (cf., c. 1.3.), une éventuelle motivation insuffisante peut être réparée dans le cadre de la présente procédure. Le grief est donc vain et doit être rejeté.
3.
P._ reproche au premier juge d’avoir fondé son appréciation sur les témoignages du médecin traitant et de la belle-sœur de la victime, alors que ces moyens auraient dû être appréciés avec circonspection en raison des liens étroits unissant ces personnes à T._, ceci d'autant plus que le rapport du Dr [...] contredit ou relativise ces affirmations. Il conteste également l’existence d’un préjudice moral subi par T._ et estime que le montant octroyé de 10'000 fr. est disproportionné par rapport à la lésion subie et la faute commise par le piéton.
De son côté, T._ conclut à l’octroi d’une indemnité pour tort moral de 12'000 fr. et requiert la production de son dossier AI, d’un rapport complémentaire de son médecin traitant ainsi que l’audition de divers témoins, susceptibles de se prononcer sur ses douleurs ainsi que sur les séquelles qu’il endure encore à ce jour du fait de l’accident.
3.1.1.
En vertu de l'art. 47 CO, applicable par renvoi de l'art. 62 al. 1 LCR (Loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 ; RS 741.01), le juge peut, en tenant compte de circonstances particulières, allouer à la victime de lésions corporelles une indemnité équitable à titre de réparation morale. L'indemnité a pour but exclusif de compenser le préjudice que représente une atteinte au bien-être moral. Le principe d'une indemnisation du tort moral et l'ampleur de la réparation dépendent d'une manière décisive de la gravité de l'atteinte et de la possibilité d'adoucir de façon sensible, par le versement d'une somme d'argent, la douleur physique ou morale (
ATF 132 III 117
c. 2.2.2;
123 III 306
c. 9b p. 315).
L'art. 47 CO demande au juge de tenir compte de «circonstances particulières» pour allouer une somme pour tort moral. Ces circonstances particulières doivent consister dans l'importance de l'atteinte à la personnalité du lésé, l'art. 47 CO étant un cas d'application de l'art. 49 CO. Les lésions corporelles, qui englobent tant les atteintes physiques que psychiques, doivent donc en principe impliquer une importante douleur physique ou morale ou avoir causé une atteinte durable à la santé; parmi les circonstances qui peuvent, selon les cas, justifier l'application de l'art. 47 CO, figurent une longue période de souffrance et d'incapacité de travail, de même que les préjudices psychiques importants tel qu'un état post-traumatique conduisant à un changement durable de la personnalité (arrêt 4C.283/2005 du 18 janvier 2006, c. 3.1.1, reproduit in JT 2006 I 476, c. 2 ; cf. également Hütte, Anleitung zur Ermittlung angemessener Genugtuungsleistungen im Zivil- und im Opferhilferecht, in Personen-Schaden-Forum 2005, Zurich 2005, p. 139 ss, spéc. p. 165 ss ; Werro, Commentaire romand, n. 87 ad art. 47 CO ; Brehm, La réparation du dommage corporel en responsabilité civile, Berne 2002, n. 835 ss p. 362 ss).
L'ampleur de la réparation morale dépend avant tout de la gravité des souffrances physiques ou psychiques consécutives à l'atteinte subie par la victime et de la possibilité d'adoucir sensiblement, par le versement d'une somme d'argent, la douleur morale qui en résulte. En raison de sa nature, l'indemnité pour tort moral, qui est destinée à réparer un dommage qui ne peut que difficilement être réduit à une simple somme d'argent, échappe à toute fixation selon des critères mathématiques, de sorte que son évaluation en chiffres ne saurait excéder certaines limites. L'indemnité allouée doit toutefois être équitable (
ATF 130 III 699
c. 5.1 ;
129 IV 22
c. 7.2). Le juge en proportionnera donc le montant à la gravité de l'atteinte subie et il évitera que la somme accordée n'apparaisse dérisoire à la victime. S'il s'inspire de certains précédents, il veillera à les adapter aux circonstances actuelles pour tenir compte de la dépréciation de la monnaie (
ATF 129 IV 22
c. 7.2 et les arrêts cités).
3.1.2.
La possibilité de réduire une indemnité pour tenir compte d'une faute concomitante résultant de l'art. 44 al. 1 CO, existe également dans le cas d'une indemnité pour tort moral (
ATF 131 III 12
c. 8 p ;
128 II 49
c. 4.2 p).
Il y a faute concomitante lorsque le lésé omet de prendre des mesures que l'on pouvait attendre de lui et qui étaient propres à éviter la survenance ou l'aggravation du dommage ; autrement dit, si le lésé n'a pas pris les mesures qu'une personne raisonnable, placée dans les mêmes circonstances, aurait pu et dû prendre dans son propre intérêt (cf.
ATF 107 Ib 155
c. 2b ; von Tuhr/Peter, Allgemeiner Teil des Schweizerischen Obligationenrechts I, § 14 p. 108). Pour qu'il y ait lieu à réduction, il est nécessaire que la faute concomitante du lésé ait contribué à la survenance du dommage, c'est-à-dire qu'elle s'insère dans la série causale aboutissant au préjudice (cf. Deschenaux/Tercier, La responsabilité civile, 2ème éd. 1982, § 7 n° 54 p. 88 ; Werro, in Commentaire romand, 2003, n° 13 ad art. 44 CO p. 306), ou qu'elle augmente l'ampleur du dommage.
3.2.
Dans le cas d'espèce, T._, vêtu de sombre, marchait le long du bord droit de la chaussée, à l’intérieur de la piste cyclable. En tendant le bras gauche, pour faire du "stop", cette partie de son corps se trouvait sur la voie de circulation d'P._. Quant à ce dernier, il a eu son attention détournée de la chaussée par le véhicule venant en sens inverse, feux de route enclenchés. Il a alors fait un ou deux appels de phares jusqu’à ce que ce conducteur enclenche ses feux de croisement. A cet instant, il a aperçu tardivement le bras tendu de T._ et fait une manœuvre d’évitement, laquelle n’a pas suffi. Le rétroviseur droit de son véhicule a alors heurté la victime.
Selon le rapport du Dr [...] du 12 juin 2009 (cf. pièce n° 20), T._ a souffert d’une plaie profonde de la cuisse gauche, laquelle n’a pas mis sa vie gravement en danger au moment de l’accident. Il a été hospitalisé une première fois du 17 au 28 octobre, puis du 31 octobre au 5 novembre 2008 en raison d’une surinfection de la plaie ayant nécessité des traitements locaux tout d’abord en milieu hospitalier, puis de manière ambulatoire, ceci constituant une période d'incapacité de travail prolongée qui n’est toutefois plus justifiée sur le long court. Toujours selon ce praticien, aucune infirmité n’est en principe attendue des suites de cette lésion et le dommage esthétique doit être considéré comme relatif compte tenu de la localisation de la plaie.
Dans son rapport du 5 mai 2009 (cf. pièce n° 14), le Dr I._ a confirmé les lésions de la cuisse gauche et l’absence de mise en danger de la vie de la victime en raison des lésions subies. Il a relevé que son patient était en incapacité de travail prolongée depuis le 10 juillet 2007 pour des raisons de maladie, qu’il n’avait pas d’infirmité avérée due à l’accident, qu’il se plaignait encore de douleurs séquellaires sur la région lombaire et la hanche gauche et qu’il n’était pas possible de déterminer s’il s’agissait d’une atteinte transitoire ou d’un dommage permanent.
Dans une lettre du 14 mai 2009 (cf. pièce n° 17), le Dr I._ a complété le tableau lésionnel en relevant que son patient a subi une contusion cervicale et des névralgies déficitaires du nerf cubital au bras gauche. Il a également fait état d’une perte de sensibilité dans la région de la plaie. Il a expliqué que T._ était atteint d’une arthrose cervicale avec douleurs à la nuque, que l’accident avait nettement exacerbé ses douleurs qui s’accompagnaient maintenant d’une perte de sensibilité à la main gauche. Il a relevé que le dommage esthétique était clair avec une grande cicatrice sur la partie latérale de la hanche et de la cuisse gauche avec une perte de tissus sur une surface d’au moins 20 cm2 et que la plaie, qui avait nécessité un traitement chirurgical avec débridement, s’était compliquée d’une nécrose centrale et n’était actuellement toujours pas totalement fermée. Il a considéré que le risque de dommage permanent avec douleurs chroniques, avec perte de mobilité et perte de force à la hanche et la cuisse gauche ne pouvait être exclu, de même que les pertes de sensibilités à la cuisse gauche et à la main gauche.
Par courrier du 13 octobre 2009 (cf. pièce n° 31), le Dr I._ a relevé les éléments suivants :
"L
es séquelles de cet accident sont encore bien présentes avec des lombalgies et des douleurs de la hanche et de la cuisse gauche, chroniques, déclenchées dans les mouvements de marche. La plaie cutanée n'est toujours pas fermée (1 cm x 0.5 cm). Le déficit tissulaire profond mesure 10 x 6 cm de diamètre et a une profondeur de 0.8 cm. Présence d'une zone d'hyposensibilité cutanée de 10 cm distalement à la plaie de la cuisse. La cicatrice elle-même, orientée dans le sens transverse, mesure 21 cm. Monsieur T._ a encore des crampes à sa cuisse gauche à la marche et également pendant la nuit.
Monsieur T._ avait très probablement une arthrose cervicale débutante préexistante à l'accident. Depuis ce dernier, les douleurs et la raideur cervicale ont nettement augmenté avec développement de névralgies déficitaires sensitives C7 bilatérales mais prédominant à gauche."
Selon une attestation du 25 mai 2011 du Dr I._ (cf. pièce n° 56), l’intéressé présente encore des séquelles de son accident sous forme de douleurs de la hanche gauche lors de la marche et la nuit.
Lors des débats de première instance, la belle-sœur de T._ a déclaré que les suites de l’accident avaient été longues et pénibles, que sa cicatrice n’était pas très jolie et qu’elle savait que son beau-frère était à l’AI pour des problèmes de santé non liés à l'accident.
Quant à la décision AI du 1
er
décembre 2010, celle-ci mentionne que, depuis le mois de mai 2007, la capacité de travail de T._ est considérablement restreinte, que son incapacité de travail est totale dans son activité de vigneron indépendant, qu’à partir de mi-2008, une activité adaptée à 50 % aurait été possible, mais qu’un accident du 17 octobre 2008 a entraîné une nouvelle incapacité de travail totale d’une durée de quelques semaines. Au regard de l’examen rhumatologique et de médecine interne pratiqué le 27 janvier 2010, l’Office de l'assurance-invalidité a relevé des limitations fonctionnelles sur le plan médical et arrêté la capacité de travail de l’intéressé à 50 % dans un milieu protégé depuis le 17 janvier 2009.
3.3.
Cela étant, contrairement à ce que soutient l'appelant, il n'existe aucun motif de s'écarter des avis du médecin traitant, ni du témoignage de la belle-sœur de la victime. Certes, il s’agit de personnes ayant des liens avec T._ mais reste qu’aucun élément au dossier ne permet de douter de la véracité et de la pertinence de ces divers avis et déclarations. De plus, il n’existe pas de contradictions dans les rapports des médecins, les attestations du Dr I._ ne faisant que compléter le rapport du Dr [...]. Ces moyens de preuves, probants, doivent donc être pris en considération. Ainsi, au regard des lésions subies, des deux hospitalisations successives pour une durée totale de 18 jours, des constatations médicales, des douleurs perdurant plus de deux ans après l'accident, de l'avis des médecins, du témoignage de la belle-sœur et de la décision AI, on doit admettre que T._ a droit à une indemnité équitable à titre de réparation morale.
S’agissant de la réquisition de preuves demandée par T._, il n’y a pas lieu d’y donner suite, dès lors que son état de santé a largement et suffisamment été étayé durant la procédure de première instance (cf. supra c. 3.2) et par la décision AI figurant déjà au dossier (cf. pièce n° 57).
3.4.
Il reste encore à examiner le montant qui doit être alloué au titre de la réparation du tort moral, la somme de 10'000 fr. octroyée en première instance étant contestée par les deux parties.
Au regard des souffrances subies par T._, on doit admettre que le montant de 10'000 fr. est trop élevé et qu’une indemnité pour tort moral de 6'000 fr. est équitable et suffisante. Cette somme tient compte des souffrances persistantes de la victime, du fait que les événements du 17 octobre 2008 ont été défavorables s'agissant de l'état de santé et des douleurs de ce dernier, mais également des douleurs préexistantes à l’accident même s'il est difficile de distinguer ces dernières de celles qui ont précisément été causées par celui-ci.
En outre, il n’y a pas lieu de réduire l’indemnité en raison d’une faute concomitante de T._. En effet, au moment de la collision, ce dernier marchait à l’intérieur de la bande cyclable et il est désormais établi que l’accident est uniquement dû à une inadvertance de l’automobiliste P._.
4.
En définitive, l'appel doit être très partiellement admis, le chiffre II du jugement entrepris étant modifié en ce sens qu'P._ est le débiteur de T._ et lui doit prompt versement de la somme de 6'000 fr. avec intérêts à 5 % l'an, dès le 1
er
juin 2011 à titre d'indemnité pour tort moral. L'appel joint est quant à lui rejeté dans la mesure où il est recevable.
L'appelant, obtenant très partiellement gain de cause, et T._, étant débouté, les deux parties supportent chacune pour moitié les frais de la présente procédure (art. 428 CPP). L'appelant a en outre droit à une indemnité réduite au sens de l'art. 432 al. 1 CPP, qui doit être arrêtée équitablement à 1'200 francs. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
31cff431-b570-4d4e-8f01-60e24107c12a | En fait :
A.
Par jugement du 23 juillet 2014, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a libéré I._ des chefs d’accusation de tentative de lésions corporelles graves et tentative de lésions corporelles simples qualifiées (I), a libéré K._ des chefs d’accusation de mise en danger de la vie d’autrui et de menaces (II), a constaté qu’I._ s’est rendu coupable de lésions corporelles simples, lésions corporelles simples par négligence, voies de fait et menaces (III), l’a condamné à 10 mois de peine privative de liberté, avec sursis pendant 3 ans, ainsi qu’à une amende de 400 fr., la peine privative de liberté de substitution étant fixée à 4 jours, peine complémentaire à celle infligée le 2 décembre 2013 par le Ministère public du canton de Berne, région Jura bernois-Seeland (IV), a constaté que K._ s’est rendu coupable de lésions corporelles graves, lésions corporelles simples qualifiées, voies de fait, injure, conduite sans permis de conduire et contravention à la Loi pénale vaudoise (V), l’a condamné à 15 mois de peine privative de liberté, sous déduction de 3 jours de détention avant jugement, ainsi qu’à la peine pécuniaire de 10 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 10 fr. le jour, le tout avec sursis pendant 3 ans, et à une amende de 500 fr., la peine privative de liberté de substitution étant arrêtée à 5 jours (VI), a rejeté les conclusions civiles prises par I._, K._ et E._ (VII), a ordonné la confiscation et le maintien au dossier au titre de pièces à conviction des objets séquestrés sous fiche n°56911 (VIII), a mis à la charge d’I._ une partie des frais de procédure arrêtée à 14'108 fr. 80, y compris les indemnités allouées à ses différents conseils d’office, l’avocate Sylvie Cossy par 681 fr. 60 TTC, l’avocat Marcel Paris par 1'338 fr. 20 TTC et l’avocat Stephen Gintzburger par 4'903 fr. 20 TTC, sous déduction de 1'944 fr. d’ores et déjà perçus (IX), a mis à la charge de K._ une partie des frais de procédure arrêtés à 16'841 fr. 65, y compris l’indemnité allouée à son conseil d’office l’avocat Habib Tabet par 9'461 fr. 90 TTC, sous déduction de 2'900 fr. et 1'852 fr. 60 d’ores et déjà perçus (XI), et a dit que les indemnités allouées sous chiffres IX et X ci-dessus seront exigibles pour autant que la situation financière d’I._ et de K._ le permette (XII).
B.
Le 25 juillet 2014, K._ a annoncé faire appel de ce jugement. Par déclaration d’appel du 22 août 2014, il a conclu, sous suite de frais et dépens, principalement à sa réforme en ce sens qu’il est libéré des infractions de lésions corporelles graves, lésions corporelles simples qualifiées, voies de fait et injure, qu’I._ lui doit immédiat paiement de la somme de 10'000 fr., intérêts en sus à 5% l’an dès le 8 septembre 2012, et que les frais sont mis à la charge d’I._. Subsidiairement, il a conclu à l’annulation du jugement et au renvoi de la cause au Tribunal de première instance pour nouveau jugement.
Le 28 juillet 2014, I._ a annoncé faire appel de ce jugement. Par déclaration d’appel du 8 septembre 2014, il a conclu, avec suite de frais et dépens, principalement à sa réforme en ce sens qu’il est libéré des infractions de lésions corporelles simples et voies de fait ; qu’il est constaté qu’il s’est rendu coupable de lésions corporelles simples par négligence et menaces ; que K._ lui doit prompt et immédiat paiement des sommes de 42'473 fr. à titre de dommages et intérêts, avec intérêts à 5% l’an dès le 8 septembre 2013, et de 10'000 fr. à titre de réparation du tort moral, avec intérêts à 5% l’an dès le 8 septembre 2012 ; qu’il lui est donné acte de ses réserves civiles pour le surplus et que les frais de première instance sont mis à la charge de K._. Subsidiairement, il a conclu à la réforme du jugement attaqué en ce sens qu’il est libéré de l’infraction de lésions corporelles simples ; qu’il est constaté qu’il s’est rendu coupable de lésions corporelles simples par négligence, voies de fait et menaces ; qu’il est condamné à une peine privative de liberté de 5 mois avec sursis pendant deux ans ainsi qu’à une amende de 400 fr. ; que K._ lui doit prompt et immédiat paiement des sommes de 21’236 fr. 75 à titre de dommages et intérêts, avec intérêts à 5% l’an dès le 8 septembre 2013, et de 5'000 fr. à titre de réparation du tort moral, avec intérêts à 5% l’an dès le 8 septembre 2012 ; qu’il lui est donné acte de ses réserves civiles pour le surplus et que les frais de première instance sont mis à la charge de K._.
Le 25 septembre 2014, K._ a conclu, avec suite de frais et dépens, au rejet du recours interjeté par I._.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
1.1
I._ est né le 17 novembre 1980 à [...], en Turquie, pays dont il est ressortissant. Ses parents sont demeurés en Turquie, de même que ses trois frères et sa sœur. Son père est fermier et sa mère est femme au foyer. Le prévenu a quitté le lycée, avant même de passer son diplôme. Il n’a aucune formation professionnelle. Il a longtemps travaillé comme tailleur dans la confection. Il est arrivé en Suisse, vraisemblablement au début de l’année 2008. Il a demandé l’asile. Il a été logé au centre EVAM à [...], puis à [...]. Par la suite, il a loué un appartement d’une pièce à [...]. Il a travaillé en qualité de serveur durant 18 mois à la boulangerie-pâtisserie P._ à [...]. Il a tout d’abord travaillé à 50%, jusqu’en août 2012, puis à 100% jusqu’au 31 décembre 2012. Il a déclaré percevoir en moyenne 1'200 fr. par mois. Il a ensuite travaillé pendant quatre semaines au restaurant [...] à [...]. Ces activités lucratives ont été exercées sans autorisation, I._ étant au bénéfice d’un permis N. Il est aujourd’hui marié avec une ressortissante suisse. Ils vivent à [...]. Il n’a aucune activité lucrative. C’est son épouse, rentière AI, qui subvient à ses besoins. Il n’a ni dettes ni économies.
Son casier judiciaire suisse comporte l’inscription suivante :
- 2 décembre 2013 : Ministère public du canton de Berne, région Jura bernois-Seeland, Moutier ; comportement frauduleux à l’égard des autorités (tentative), activité lucrative sans autorisation, menaces ; peine privative de liberté de 180 jours ; sursis à l’exécution de la peine, délai d’épreuve de 2 ans.
1.2
K._ est né le 20 janvier 1978 à [...], en Turquie, pays dont il est ressortissant. Il est arrivé en Suisse il y a 18 ans. Sa mère et sept frères et sœurs sont toujours en Turquie. Trois de ses frères sont également en Suisse. Son père est décédé. K._ n’a pas fait d’études, hormis deux années dans notre pays, pour apprendre le français. Il a travaillé pendant 12 ans dans la construction et des entreprises de nettoyage. Il est sans travail depuis plusieurs années. Il est titulaire d’un permis F. Il est marié et père de quatre enfants d’environ 14, 10, 9 et 7 ans. Il vit cependant séparé de son épouse et ne voit pas pour l’instant ses enfants ensuite d’une décision de justice. Il reçoit 300 fr. par mois de l’aide sociale et dort chez des amis.
Son casier judiciaire suisse comporte l’inscription suivante :
- 15 mai 2009 : Juge d’instruction de Lausanne ; violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires ; peine pécuniaire de 55 jours-amende à 10 francs.
2.
2.1
A [...], le 7 septembre 2012, peu avant la fermeture vers 22h00, à la boulangerie-pâtisserie P._ sise à la rue [...], I._, employé de l’établissement, et K._, client, discutaient et plaisantaient, lorsque celui-ci a commencé à tenir des propos injurieux envers I._, le traitant notamment de « singe » et de « nain ». Ce dernier s’est énervé et lui a donné deux coups de poing au visage. K._ l’a ensuite empoigné. Des clients sont intervenus pour les séparer.
2.2
A [...], le 8 septembre 2012 vers minuit, I._ a croisé K._ à la rue [...]. Il l’a provoqué et ils se sont échangés des paroles en turc. K._ l’a ensuite frappé avec une bouteille en plastique sur la tête. Ils se sont alors empoignés et ont commencé à se battre. I._ a asséné un coup de poing sur le nez de K._ qui est tombé au sol. Une fois relevé, ce dernier a donné un coup de tête à I._ et deux coups de pieds dans les jambes alors qu’il était à terre. F._ et E._ ont séparé les deux prévenus.
I._ a couru jusqu’à la boulangerie P._ pour y chercher deux couteaux à panini munis de lames de 17.5 cm. Une fois sorti de la boulangerie, il a couru en direction de K._, les couteaux dirigés vers l’avant, coupant au passage E._ au bras. K._ a alors crié « attends que j’aille moi aussi chercher un couteau » et a couru au restaurant Y._ où il s’est muni d’un couteau à Kebab. Dans cet établissement, il a brandi la lame de 35 cm en direction d’I._ qui l’avait suivi et a fait un premier mouvement en direction de sa tête. Ce dernier ayant réussi à l’esquiver, K._ a fait un deuxième mouvement en diagonale et I._ s’est protégé en mettant sa main gauche à la hauteur de sa tête. Il a été blessé à la main, ce qui lui a fait lâcher le couteau qui s’est brisé au sol. Par la suite, K._ a fait un mouvement de haut en bas avec le couteau et a pratiquement sectionné la main droite d’I._, ce qui lui a fait lâcher son deuxième couteau. R._ est alors intervenu et a utilisé une chaise pour immobiliser K._ et mettre fin à l’altercation. I._ perdant énormément de sang, O._ a mis en place un pansement compressif, stoppant l’hémorragie qui aurait pu lui être fatale.
I._ a souffert au poignet droit d’une section des tendons fléchisseurs radial du carpe, du long fléchisseur du pouce, des fléchisseurs superficiels et profonds des doigts longs, du fléchisseur ulnaire du carpe, des nerfs médian et cubital et de l’artère cubitale. S’agissant du poignet gauche, il a souffert d’une section tangentielle partielle du tendon fléchisseur ulnaire du carpe.
K._ a souffert d’une fracture des os propres du nez.
2.3
A [...], à la route [...], le 15 décembre 2013, alors qu’il était contrôlé au volant de la voiture d’un ami sans être titulaire d’un permis de conduire, K._ s’est légitimé auprès de la police en donnant une fausse identité. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), les appels d’I._ et de K._ sont recevables.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
3.
I._ conteste s’être rendu coupable de voies de fait lors de l’altercation du 7 septembre 2012.
3.1
A teneur de l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
La présomption d’innocence, garantie par les art. 14 par. 2 Pacte ONU Il (Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, RS 0.103.2), 6 par. 2 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, RS 0.101) et 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, RS 101), ainsi que son corollaire, le principe
in dubio pro reo
, concernent tant le fardeau de la preuve que l’appréciation des preuves. En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d’innocence signifie que toute personne prévenue d’une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu’il appartient à l’accusation de prouver la culpabilité de celle-là (ATF 127 I 38 c. 2a; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1). Comme règle d’appréciation des preuves, le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l’accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 la 31 c. 2c; TF 6B_831/2009 précité, c. 2.2.2).
L’appréciation des preuves est l’acte par lequel le juge du fond évalue la valeur de persuasion des moyens de preuve à disposition et pondère ces différents moyens de preuve afin de parvenir à une conclusion sur la réalisation ou non des éléments de fait pertinents pour l’application du droit pénal matériel. L’appréciation des preuves est dite libre, car le juge peut par exemple attribuer plus de crédit à un témoin, même prévenu dans la même affaire, dont la déclaration va dans un sens, qu’à plusieurs témoins soutenant la thèse inverse; il peut fonder une condamnation sur un faisceau d’indices; en cas de versions contradictoires, il doit déterminer laquelle est la plus crédible. En d’autres termes, ce n’est ni le genre ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (Verniory, in: Kuhn/Jeanneret [éd.], Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 34 ad art. 10 CPP et les références citées).
3.2
L’art. 126 al. 1 CP énonce que celui qui se sera livré sur une personne à des voies de fait qui n’auront causé ni lésion corporelle ni atteinte à la santé sera, sur plainte, puni d’une amende. Les voies de fait, réprimées par l’art. 126 CP, se définissent comme des atteintes physiques qui excèdent ce qui est socialement toléré et qui ne causent ni lésions corporelles, ni dommages à la santé. Une telle atteinte peut exister même si elle n'a causé aucune douleur physique (ATF 134 IV 189 c. 1.2; ATF 119 IV 25 c. 2a).
3.3
En l’espèce, l’appelant I._ a admis avoir donné deux coups de poing à K._ le soir du 7 septembre 2012 (PV aud. 6, p. 3 ; PV aud. 9, p. 2). Comme l’ont retenu les premiers juges, ces faits sont constitutifs de voies de fait.
Ce moyen doit par conséquent être rejeté.
4.
I._ conteste s’être rendu coupable de lésions corporelles simples et de voies de fait lors de l’altercation du 8 septembre 2012. Il soutient n’avoir pas causé la fracture du nez de K._ et n’avoir pas porté d’autres coups à ce dernier.
4.1
L'art. 123 CP réprime les lésions du corps humain ou de la santé qui ne peuvent être qualifiées de graves au sens de l'art. 122 CP. Cette disposition protège l'intégrité corporelle et la santé tant physique que psychique. Elle implique une atteinte importante aux biens juridiques ainsi protégés. A titre d’exemples, la jurisprudence cite l’administration d’injections, la tonsure totale et tout acte qui provoque un état maladif, l’aggrave ou en retarde la guérison, comme les blessures, les meurtrissures, les écorchures ou les griffures, sauf si ces lésions n’ont pas d’autres conséquences qu’un trouble passager et sans importance du sentiment de bien-être (ATF 119 IV 25 c. 2a; 107 IV 40 c. 5c; 103 IV 65 c. 2c).
4.2
En l’espèce, la bagarre qui a éclaté entre I._ et K._ le 8 septembre 2012 est attestée par deux témoins. A._ a en effet déclaré qu’ils s’étaient donnés mutuellement des coups de poing (jgt., p. 24). F._ a également affirmé que les deux appelants s’étaient battus (jgt., p. 25). Il ressort en outre du dossier que K._ s’est présenté deux jours après les faits au Service des urgences du CHUV pour une fracture des os propres du nez (cf. P. 7).
Il s’ensuit que c’est à juste titre que les premiers juges ont retenu qu’I._ s’était rendu coupable de lésions corporelles simples pour avoir fracturé le nez de K._ et de voies de fait pour les autres coups portés à ce dernier.
5.
I._ conteste la peine qui lui a été infligée, en faisant valoir qu’elle est trop sévère.
5.1
Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 c. 2.1; 129 IV 6 c. 6.1).
5.2
Aux termes de l'art. 49 CP, si, en raison d’un ou de plusieurs actes, l’auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l’infraction la plus grave et l’augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine (al. 1). Si le juge doit prononcer une condamnation pour une infraction que l’auteur a commise avant d’avoir été condamné pour une autre infraction, il fixe la peine complémentaire de sorte que l’auteur ne soit pas puni plus sévèrement que si les diverses infractions avaient fait l’objet d’un seul jugement (al. 2).
Le cas (normal) de concours réel rétrospectif se présente lorsque l'accusé, qui a déjà été condamné pour une infraction, doit être jugé pour une autre infraction commise avant le premier jugement, mais que le tribunal ignorait. L'art. 49 al. 2 CP enjoint au juge de prononcer une peine complémentaire ou additionnelle (Zusatzstrafe), de telle sorte que l'auteur ne soit pas puni plus sévèrement que si les diverses infractions avaient fait l'objet d'un seul jugement. Concrètement, le juge doit se demander comment il aurait fixé la peine en cas de concours simultané, puis déduire de cette peine d'ensemble hypothétique la peine de base, soit celle qui a déjà été prononcée (TF 6B_455/2013 du 29 juillet 2013 c. 2.4.1 et les références citées). Le prononcé d'une peine complémentaire suppose que les conditions d'une peine d'ensemble au sens de l'art. 49 al. 1 CP sont réunies. Une peine additionnelle ne peut ainsi être infligée que lorsque la nouvelle peine et celle qui a déjà été prononcée sont du même genre. Des peines d'un genre différent doivent en revanche être infligées cumulativement car le principe d'absorption n'est alors pas applicable (TF 6B_1082/2010 du 18 juillet 2011 c. 2.2 et les références citées).
5.3
En l’espèce, la culpabilité d’I._ est importante. Son comportement peut être qualifié de totalement primaire. Il n’a pas hésité à provoquer son adversaire, à se battre puis à se munir de deux couteaux pour l’affronter à nouveau. Il a dès lors fait preuve d’une grande détermination pour en découdre. Il n’a montré aucune prise de conscience. Il sera également tenu compte du concours d’infraction. A décharge, il sera pris en compte que le prévenu a été gravement blessé dans l'altercation.
En application de l'art. 49 al. 2 CP, il convient de prononcer une peine complémentaire à celle prononcée le 2 décembre 2013 par le Ministère public bernois (peine privative de liberté de 180 jours). En effet, il s’agit en l’espèce de juger des infractions perpétrées les 7 et 8 septembre 2012 alors qu’une ordonnance pénale a été rendue ultérieurement.
Dans le calcul de la peine globale, les infractions de lésions corporelles simples, lésions corporelles simples par négligence, voies de fait et menaces
viennent donc s’ajouter aux infractions de tentative de comportement frauduleux à l’égard des autorités, activité lucrative sans autorisation et menaces réprimées par l’ordonnance pénale du 2 décembre 2013.
Pour l’ensemble des infractions commises, la peine globale hypothétique doit être fixée à seize mois. La peine prononcée précédemment étant de 180 jours, c’est en conséquence à juste titre que la peine complémentaire a été arrêtée à 10 mois.
Au vu de ce qui précède, la peine privative de liberté de 10 mois prononcée par les premiers juges est adéquate et doit être confirmée, une exemption de peine au sens de l’art. 54 CP étant exclue.
6.
I._ reproche aux premiers juges une mauvaise application de l’art. 44 CO et requiert l’octroi d’une indemnité pour le dommage matériel subi ainsi qu’une réparation morale.
6.1
Selon l’art. 46 al. 1 CO, en cas de lésions corporelles, la partie qui en est victime a droit au remboursement des frais et aux dommages-intérêts qui résultent de son incapacité de travail totale ou partielle, ainsi que de l’atteinte portée à son avenir économique.
Aux termes de l’art. 47 CO, le juge peut, en tenant compte de circonstances particulières, allouer à la victime de lésions corporelles ou, en cas de mort d’homme, à la famille une indemnité équitable à titre de réparation morale. L’ampleur de la réparation morale dépend avant tout de la gravité des souffrances physiques ou psychiques consécutives à l’atteinte subie par l’ayant droit et de la possibilité d’adoucir sensiblement, par le versement d’une somme d’argent, la douleur morale qui en résulte. Sa détermination relève du pouvoir d’appréciation du juge.
L'art. 44 al. 1 CO prévoit que le juge peut réduire les dommages-intérêts, ou même n’en point allouer, lorsque la partie lésée a consenti à la lésion ou lorsque des faits dont elle est responsable ont contribué à créer le dommage, à l’augmenter, ou qu’ils ont aggravé la situation du débiteur.
La possibilité de réduire une indemnité pour tenir compte d’une faute concomitante, résultant de l’art. 44 al. 1 CO, existe également dans le cas d’une indemnité pour tort moral. Il y a faute concomitante lorsque le lésé omet de prendre des mesures que l’on pouvait attendre de lui et qui étaient propres à éviter la survenance ou l’aggravation du dommage; autrement dit, si le lésé n’a pas pris les mesures qu’une personne raisonnable, placée dans les mêmes circonstances, aurait pu et dû prendre dans son propre intérêt. La faute concomitante suppose que l’on puisse reprocher au lésé un comportement blâmable, en particulier un manque d’attention ou une attitude dangereuse, alors qu’il n’a pas déployé les efforts d’intelligence ou de volonté que l’on pouvait attendre de lui pour se conformer aux règles de la prudence. La réduction de l’indemnité – dont la quotité relève de l’appréciation du juge – suppose que le comportement reproché au lésé soit en rapport de causalité naturelle et adéquate avec la survenance du préjudice. Un comportement est la cause naturelle d’un résultat s’il en constitue l’une des conditions sine qua non, c’est-à-dire si, sans lui, le résultat ne se serait pas produit. La constatation du rapport de causalité naturelle relève du fait. Lorsque la causalité naturelle est établie, il faut encore rechercher si le comportement incriminé est la cause adéquate du résultat. Tel est le cas lorsque, d’après le cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie, le comportement était propre à entraîner un résultat du genre de celui qui s’est produit (TF 6B_246/2012 du 10 juillet 2012 c. 3.2.1 et les références citées).
6.2
En l’espèce, c’est I._ qui a abordé K._ le 8 septembre 2012, ce qui a déclenché une dispute puis une bagarre. C’est encore lui qui est allé chercher deux couteaux pour continuer l’affrontement, alors que les deux protagonistes avaient été séparés et que la situation pouvait être apaisée. Il était dès lors juste de considérer qu’I._ était l’agent provocateur et le principal contributeur de l’avènement dommageable.
Pour ces motifs, I._ ne saurait prétendre à une indemnisation pour le dommage matériel subi ainsi qu’à une réparation morale. Les premiers juges n’ont par conséquent pas fait une application erronée de l’art. 44 CO.
7.
Invoquant une appréciation erronée des preuves, K._ conteste avoir traité I._ de « nain » et de « singe » le 7 septembre 2012.
7.1
Les principes à prendre en considération pour l’appréciation des preuves et la violation de la présomption d’innocence ont été évoqués ci-dessus (cf. 3.1 supra).
7.2
En l’espèce, il est vrai qu’aucun témoin n’était présent lors de la dispute qui a éclaté entre I._ et K._ le 7 septembre 2012. Cependant, les deux prévenus ont expliqué avoir discuté et plaisanté ensemble ce soir-là (PV aud. 6, p. 3; PV aud. 1, p. 3). Il faut donc bien qu’il y ait eu un événement déclenchant la bagarre. Selon les premières déclarations d’I._, il se serait fâché car K._ aurait exagéré dans ces propos en le traitant de « nain » et de « singe ». I._ se serait senti offensé et aurait alors donné deux coups de poing à K._ (PV aud. 6, p. 3). On ne voit pas pourquoi I._ aurait inventé de telles injures. Il est effectivement de petite taille. Le mot nain est un raccourci offensant et insultant. Il ne fait ainsi aucun doute que les injures rapportées par I._ ont bel et bien été proférées.
En outre, comme le relève K._, il a été mis au bénéfice du doute s’agissant des menaces qu’il aurait proférées à l’encontre d’I._ et de la morsure au pouce. Toutefois, les premiers juges ont écarté cette partie de la version des faits d’I._ en raison de la tardiveté de cette accusation, qui a été faite près de neuf mois après les faits, contrairement aux injures auxquelles I._ a fait immédiatement référence après les faits. Cela ne signifie pas pour autant qu’I._ a tout inventé. Il n’y a donc pas de contradiction à retenir une accusation et à en rejeter une autre.
Partant, ce grief doit être rejeté.
7.3
K._ explique que les voies de fait ont été consécutives aux provocations d’I._ et qu’il devait être fait application de l’art. 177 al. 3 CP.
Le recourant méconnaît que l’art. 177 al. 3 CP ne constitue qu'un simple motif facultatif d'exemption de peine (ATF 109 IV 39 c. 4a, JT 1984 IV 10). Cette disposition ne garantit donc pas automatiquement une exemption de peine à celui qui répond par des voies de fait à des insultes, mais confère un large pouvoir d'appréciation au juge.
K._ a provoqué I._ en l’insultant. Comme il l’a été retenu, ce dernier a alors infligé deux coups de poing à K._, lequel a ensuite empoigné I._. Les premiers juges n’ont ainsi pas excédé leur large pouvoir d’appréciation en ne faisant pas application de l’art. 177 al. 3 CP.
8.
K._ conteste s’être rendu coupable de lésions corporelles graves et de lésions corporelles simples qualifiées lors de l’altercation du 8 septembre 2012. Il soutient avoir agi en état de légitime défense.
8.1
En vertu de l’art. 15 CP, quiconque, de manière contraire au droit, est attaqué ou menacé d’une attaque imminente a le droit de repousser l’attaque par des moyens proportionnés aux circonstances. Selon l’art. 16 CP, si l’auteur, en repoussant une attaque, a excédé les limites de la légitime défense au sens de l’art. 15 CP, le juge atténue la peine (al. 1). Si cet excès provient d’un état excusable d’excitation ou de saisissement causé par l’attaque, l’auteur n’agit pas de manière coupable (al. 2).
La légitime défense suppose une attaque, c'est-à-dire un comportement visant à porter atteinte à un bien juridiquement protégé, ou la menace d'une attaque, soit le risque que l'atteinte se réalise. Il doit s'agir d'une attaque actuelle ou à tout le moins imminente, ce qui implique que l'atteinte soit effective ou qu'elle menace de se produire incessamment (ATF 106 IV 12 c. 2a; ATF 104 IV 232 c. c). Cette condition n'est pas réalisée lorsque l'attaque a cessé ou qu'il n'y a pas encore lieu de s'y attendre (ATF 93 IV 81 c. a). Une attaque n'est cependant pas achevée aussi longtemps que le risque d'une nouvelle atteinte ou d'une aggravation de celle-ci par l'assaillant reste imminent (ATF 102 IV 1 c. 2b). S'agissant en particulier de la menace d'une attaque imminente contre la vie ou l'intégrité corporelle, celui qui est visé n'a évidemment pas à attendre jusqu'à ce qu'il soit trop tard pour se défendre; il faut toutefois que des signes concrets annonçant un danger incitent à la défense. Tel est notamment le cas lorsque l'agresseur adopte un comportement menaçant, se prépare au combat ou effectue des gestes qui donnent à le penser (ATF 93 IV 81 c. a). Par ailleurs, l'acte de celui qui est attaqué ou menacé de l'être doit tendre à la défense; un comportement visant à se venger ou à punir ne relève pas de la légitime défense; il en va de même du comportement qui tend à prévenir une attaque certes possible mais encore incertaine, c'est-à-dire à neutraliser l'adversaire selon le principe que la meilleure défense est l'attaque (TF 6B_926/2009 du 15 décembre 2009 c. 3.2 et la jurisprudence citée).
La défense doit apparaître proportionnée au regard de l'ensemble des circonstances. A cet égard, on doit notamment examiner la gravité de l'attaque, les biens juridiques menacés par celle-ci et par les moyens de défense, la nature de ces derniers ainsi que l'usage concret qui en a été fait. La proportionnalité des moyens de défense se détermine d'après la situation de celui qui voulait repousser l'attaque au moment où il a agi. Les autorités judiciaires ne doivent pas se livrer à des raisonnements a posteriori trop subtils pour déterminer si l'auteur des mesures de défense n'aurait pas pu ou dû se contenter d'avoir recours à des moyens différents, moins dommageables. Il est aussi indispensable de mettre en balance les biens juridiquement protégés qui sont menacés de part et d'autre. Encore faut-il que le résultat de cette pesée des dangers en présence soit reconnaissable sans peine par celui qui veut repousser l'attaque, l'expérience enseignant qu'il doit réagir rapidement (ATF 136 IV 49 c. 3.2; ATF 107 IV 12 c. 3; ATF 102 IV 65 c. 2a).
8.2
En l’espèce, les premiers juges ont retenu qu’après la première phase de l’altercation entre K._ et I._, ce dernier s’était rendu à la boulangerie P._ et s’était muni de deux couteaux à panini. C’est ainsi armé qu’il s’est rapidement dirigé vers K._. Au lieu de fuir à toutes jambes, ce dernier a préféré se rendre au restaurant Y._ pour se munir à son tour d’un couteau à kebab. Le témoin F._ l’a expliqué : « J’ai pu voir que le grand a réagi en prenant la fuite, poursuivi par le petit. A un moment donné, j’ai entendu le grand dire “attends que j’aille moi aussi chercher un couteau”. Ils ont alors traversé la route en direction de Y._ » (PV aud. 4, p. 3). K._ voulait se battre et l’a démontré en frappant à deux reprises I._. Il a agi avec une force certaine et une détermination tout aussi importante puisqu’il lui a quasiment tranché le poignet droit et lui a sectionné partiellement le tendon fléchisseur du poignet gauche. En outre, K._ a considérablement varié dans ses explications. Tel n’est pas le cas d’une personne qui a agi en état de légitime défense. Il n’y a, dans ces circonstances, pas de place pour la légitime défense.
Partant, K._ doit être reconnu coupable de lésions corporelles graves et de lésions corporelles simples qualifiées.
9.
K._ ne conteste pas la peine en tant que telle. Examinée d’office par la Cour d’appel selon son propre pouvoir d’appréciation, la peine privative de liberté de 15 mois a été fixée en application des critères légaux à charge et à décharge et conformément à la culpabilité de K._. Elle doit dès lors être confirmée. Il en va de même de l’appréciation selon laquelle le pronostic quant au comportement futur de l’appelant est favorable de sorte que ce dernier bénéficiera d’un sursis d’une durée de trois ans. La peine pécuniaire de 10 jours-amende sera également confirmée. Au vu de la situation financière du prévenu, le montant du jour-amende, fixé à 10 fr., est adéquat.
10.
K._ reproche aux premiers juges de ne pas lui avoir alloué des prétentions civiles au sens de l’art. 47 CO. Il invoque également une violation de l’art. 44 CO.
Comme l’a relevé le Tribunal correctionnel, K._ est à la source du contentieux puisqu’il a insulté I._ le 7 septembre 2012, alors qu’ils discutaient et plaisantaient. C’est encore lui qui a frappé le premier sur la tête d’I._ avec une bouteille en plastique le 8 septembre 2012, même si l’on peut concéder que ce soir-là, il a été provoqué par I._. Enfin, la bagarre à l’arme blanche a été voulue par les deux prévenus. Dans ces conditions, les premiers juges ont eu raison de refuser d’indemniser K._ pour tort moral.
11.
Sur le vu de ce qui précède, les appels d’I._ et de K._ doivent être rejetés et le jugement attaqué intégralement confirmé.
Les frais d'appel doivent être mis par moitié à la charge d’I._ et par moitié à la charge de K._ (art. 428 al. 1 CPP). Outre l'émolument, qui se monte à 2’790 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]), ces frais comprennent l’entier des indemnités allouées aux défenseurs d’office des appelants.
Une indemnité de défenseur d'office pour la procédure d'appel d'un montant de 2'884 fr. 90, TVA et débours inclus, est allouée à Me Habib Tabet. Quant à l’indemnité de défenseur d’office de Me Stephen Gintzburger, elle sera fixée à 1’782 fr., TVA et débours inclus.
Les appelants ne seront tenus de rembourser à l’Etat les indemnités en faveur de leurs défenseurs d’office que lorsque leur situation financière le permettra
. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
31d240d9-57ef-435b-a76d-b1d1ec8df817 | En fait :
A.
Par jugement du 1
er
juin 2011, la Cour d'appel pénale a annulé le jugement du Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne du 31 janvier 2011 (II) condamnant A._ pour infraction à la Loi fédérale sur les étrangers (LEtr; RS 142.20) à une peine d'ensemble de 75 jours de privation de liberté, sous déduction de 9 jours de préventive, et révoquant le sursis accordé le 10 juillet 2009 par le Juge d'instruction de Lausanne, et a renvoyé la cause au Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne pour nouvelle instruction et nouveau jugement dans le sens des considérants (III).
Par jugement du 14 novembre 2011, le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne a condamné A._ pour infraction à la LEtr à une peine d'ensemble de 100 jours de privation de liberté, sous déduction de 23 jours de préventive, et au paiement des frais par 1'575 fr. 95 (I) et a révoqué le sursis accordé à A._ le 10 juillet 2009 par le Juge d'instruction de Lausanne (II).
Au terme de la lecture du jugement, le condamné a été remis aux autorités argoviennes en vertu d'un mandat d'arrêt émis par celles-ci (P. 44).
B.
Le 19 novembre 2011, A._ a déposé une annonce d'appel dans laquelle il a indiqué contester la quotité de la peine et l'absence de sursis, mais non la réalisation de l'infraction de séjour illégal en Suisse (P. 50). Il a fait valoir que son motif était louable, soit le respect de la vie familiale et son amour paternel à l'égard de ses deux enfants de nationalité suisse, nés en 2008, dont il n'avait pu se résoudre à s'éloigner. Enfin, il a indiqué avoir entrepris une procédure de régularisation.
Dans une écriture complémentaire, datée du 19 novembre 2011, A._ a critiqué la promptitude excessive de l'audience du Tribunal de police, fait état de son attachement à ses enfants, de son désir de vivre près d'eux dans le canton de Vaud. Il a également indiqué avoir demandé au premier juge d'être sanctionné d'une peine pécuniaire ou de travail d'intérêt général (P. 53). Il a en outre produit diverses pièces.
Il a derechef déposé une nouvelle écriture le 23 novembre 2011, accompagnée de pièces (P. 54).
Le 27 décembre 2011, l'appelant a adressé à la Cour d'appel pénale copie de ses lettres du même jour au Service de la population, Division asile et à l'Office des migrations à Aarau (P. 57). Il a fait de même le 3 janvier 2012 d'une missive envoyée par lui au Staatsanwaltschaft Lenzburg-Aarau (P. 59). Il résulte des annexes à ce dernier courrier que, par ordonnance du 12 décembre 2011, cette autorité lui a infligé une amende de 240 fr. pour contravention à l'art. 120 al. 1 let. e LEtr, soit pour n'avoir pas collaboré à l'obtention de documents de voyage, amende que l'appelant a contestée le 11 janvier 2012 (P. 62).
De plus, par lettre du 14 décembre 2011, la Division asile du Service de la population a informé l'appelant que, étant attribué comme demandeur d'asile débouté au canton d'Argovie et faisant l'objet d'une décision du 15 novembre 2011 d'assignation au territoire de ce canton, sa demande visant à obtenir une tolérance de séjour sur le territoire vaudois, dans le cadre de sa procédure de demande d'autorisation de séjour, était rejetée. Le 6 janvier 2012, l'appelant a écrit au Service de la population pour exprimer divers griefs à l'encontre du chef de la Division asile (P. 60).
Le 10 janvier 2012, l'appelant a écrit au Ministère public de l'arrondissement de Lausanne pour se plaindre de la douleur morale et du traitement inhumain et dégradant que lui auraient infligés le président du Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne et le procureur argovien – tout en réclamant à ce dernier une réparation morale de 15'000 fr. –, ainsi que le Chef de la Division asile du canton de Vaud qu'il entend dénoncer à l'ONU (P. 61).
Le 12 janvier 2012, il a encore adressé, à la Cour d'appel pénale, une écriture complémentaire et une lettre de la Cour de droit administratif et public du 22 décembre 2011 enregistrant son recours contre la décision du Service de la population du 14 décembre 2011 lui refusant une tolérance de séjour sur le territoire du canton de Vaud (P. 63).
Dans un nouveau courrier du 17 janvier 2012, A._ a soutenu que le président du Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne avait tout fait pour l'éloigner de ses enfants et a rappelé le contenu de son courrier du 10 janvier 2012 selon lequel il se plaignait du traitement inhumain et dégradant qui lui aurait été infligé et réclamait une réparation morale (P. 64).
Dans le délai imparti, le Procureur a renoncé à déposer un appel joint et s'en est remis à la justice s'agissant de la recevabilité de l'appel (P. 58).
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
A._, né le 23 octobre 1976 à Yaounde, au Cameroun, est dépourvu de document d'identité. A son arrivée en Suisse, il a déposé une requête d'asile et a été attribué au canton d'Argovie. L'asile ne lui a pas été accordé. Sa demande de révision du jugement du Tribunal administratif fédéral du 31 janvier 2002 a été frappée d'une non-entrée en matière (P. 41). Avec une Suissesse, il a eu deux enfants, nés le 16 août 2008, et les a reconnus. Ses enfants ont la nationalité suisse. Il loge actuellement dans un appartement à [...]. S'agissant de sa situation financière, il a expliqué être entretenu par la mère de ses enfants, apprentie cuisinière. Il s'occupe des enfants durant les absences professionnelles de leur mère.
A._ a été condamné une première fois le 4 janvier 2002 par le Bezirksamt d'Aarau pour entrée illégale en Suisse à dix jours d'emprisonnement avec sursis, sursis révoqué le 14 janvier 2003. Il a été condamné par la même autorité le 12 septembre 2002 pour violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires à trois jours d'emprisonnement avec sursis pendant deux ans et à une amende de 200 francs. Ce sursis n'a pas été révoqué le 10 juillet 2009.
2.
Depuis la mi-avril 2002, A._ a séjourné en Suisse sans autorisation de séjour. A l'audience devant la cour de céans, l'appelant a notamment confirmé n'avoir pas quitté la Suisse en 2009.
2.1
Il a été interpellé par la police le 16 mai 2009 et relâché le même jour.
Pour avoir séjourné en Suisse sans autorisation entre la mi-avril 2002 et le 16 mai 2009, l'intéressé a été condamné le 10 juillet 2009 par le Juge d'instruction de Lausanne à 90 jours amende à 20 fr. avec sursis pendant deux ans.
Cette ordonnance n'a pas été notifiée à A._ et n'a pas fait l'objet d'une publication par voie édictale.
2.2
L'appelant a été, une nouvelle fois, interpellé par la police le 13 novembre 2009 et laissé aller le même jour.
Le juge d'instruction de Lausanne a rendu une ordonnance de condamnation le 15 février 2010 condamnant A._ pour séjour illégal, du 10 juillet 2009 au 13 novembre 2009, à une peine d'ensemble de 100 jours de privation de liberté et à une amende de 100 francs. Le sursis octroyé le 10 juillet 2009 a été révoqué.
Interpellé le 23 janvier 2011 et placé en détention à la prison de la Croisée, A._ a fait opposition le 25 janvier 2011 à l'ordonnance de condamnation du 15 février 2010.
Entendu le 26 janvier 2011 par le président du Tribunal d'arrondissement de Lausanne, A._ a été placé en détention par le Tribunal des mesures de contrainte le 27 janvier 2011.
Une audience du Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne a eu lieu le 31 janvier 2011. Le jugement rendu à cette occasion retient que l'intéressé n'a pas reçu l'ordonnance de condamnation du 10 juillet 2009 et lui inflige une peine privative de liberté d'ensemble de 75 jours. Il s'agit d'une peine qui sanctionne le séjour illégal de mi-avril 2002 au 16 mai 2009 et celui du 10 juillet 2009 au 13 novembre 2009.
2.3
A._ a formé appel de ce jugement, a demandé à être mis au bénéfice d'un avocat d'office et par, écritures ultérieures, a requis sa mise en liberté.
Par décision du 14 février 2011 du Président de la Cour d'appel pénale, A._ a été libéré et sa demande de désignation d'un conseil d'office a été rejetée.
Dans son jugement du 1
er
juin 2011, la Cour d'appel pénale a annulé le jugement du Tribunal de police du 31 janvier 2011 pour le motif que le prévenu n'avait pas pu faire opposition à sa condamnation du 10 juillet 2009 qui n'était pas entrée en force. Elle a renvoyé la cause en première instance invitant en substance le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne à statuer sur les oppositions aux deux ordonnances de condamnation, à déterminer la
lex mitior
, – le séjour illicite ayant débuté en 2002 et la LSEE ayant été remplacée par la LEtr le 1
er
janvier 2007, l'art. 115 al. 1 LEtr étant pour sa part entré en vigueur le 1
er
janvier 2008 –, et à examiner si un travail d'intérêt général ou une peine pécuniaire devait être prononcé en lieu et place d'une peine privative de liberté. | En droit :
1.
1.1
Interjeté dans les forme et délais légaux (cf. art. 399 CPP) contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel est recevable.
Selon l'art. 399 al. 3 et 4 CPP, la déclaration d'appel doit être adressée à la juridiction d'appel dans les 20 jours et indiquer, de manière définitive, sur quelles parties du jugement porte l'appel. Ainsi, le jugement ayant été notifié le 14 novembre 2011, les écritures déposées par l'appelant après le 5 décembre 2011, soit les 12 et 17 janvier 2012, sont irrecevables. Les pièces transmises, après le 5 décembre 2011, par l'appelant sont toutefois recevables.
1.2
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
2.
Le dispositif du jugement du Tribunal de police d'arrondissement de Lausanne révoque le sursis accordé le 10 juillet 2009 par le Juge d'instruction de Lausanne.
2.1
Le sursis peut être révoqué au sens de l'art. 46 CP uniquement pour les décisions entrées en force. Or, en vertu de l'art. 270 al. 1 CPP-VD, l'opposition a pour effet de transformer l'ordonnance de condamnation en ordonnance de renvoi. Il en résulte donc que la condamnation est mise à néant.
2.2
En l'espèce, l'ordonnance du 10 juillet 2009 n'ayant pas été notifiée à A._, comme l'a relevé, à juste titre, le Tribunal de première instance, celui-ci a manifesté son opposition à cette ordonnance lors de l'audience du 31 janvier 2011. Ainsi, l'ordonnance du 10 juillet 2009, transformée en ordonnance de renvoi, n'est pas entrée en force. Au vu des considérants du jugement, le premier juge a matériellement traité les oppositions aux deux ordonnances de condamnation. Par conséquent, le sursis à l'ordonnance du 10 juillet 2009 ne peut pas être révoqué. Il appartient donc à la cour de céans d'annuler d'office le chiffre II du dispositif du jugement dont est appel.
La peine à infliger n'est donc pas une peine d'ensemble au sens de l'art. 46 al. 1 CP en suite de la révocation du sursis, mais une peine couvrant tout le comportement pénalement illicite visé par les deux ordonnances.
3.
L'appelant ne remet pas en cause le fait qu'il séjourne illégalement en Suisse. Il conteste la quotité de la peine infligée.
3.1
Les dispositions régissant pénalement le séjour illégal pendant la période concernée par la présente affaire, soit entre 2002 et 2009, ont évolué et trois règles régissant la fixation de la peine ont successivement été applicables.
3.1.1
Dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2006, l'art. 23 al. 1 LSEE sanctionnait celui qui entre ou réside en Suisse illégalement de l'emprisonnement jusqu'à six mois, peine à laquelle pouvait s'ajouter une amende de 1'000 fr. au plus et seuls les cas de peu de gravité pouvaient être sanctionnés d'une amende seulement. Dans la teneur modifiée de cette disposition en vigueur dès le 1
er
janvier 2007, cette infraction était sanctionnée d'une peine pécuniaire de 180 jours-amende au plus. Enfin, selon l'art. 115 al. 1 LEtr, en vigueur depuis le 1
er
janvier 2008, quiconque séjourne illégalement en Suisse est puni d'une peine privative de liberté d'un an au plus ou d'une peine pécuniaire.
En cas de modification d'une loi, selon le principe de l'application immédiate, chacune des lois (la loi ancienne et la loi nouvelle) s'applique dans son domaine. La maxime fondamentale est celle de la non-rétroactivité, qui veut que tout acte soit jugé d'après la loi en vigueur au moment où il a été commis (cf. art. 2 al. 1 CP). Le principe de la
lex mitior
consacré par l'art. 2 al. 2 CP constitue une exception à celui de la non-rétroactivité. Si cette disposition permet d'appliquer la loi nouvelle ou la loi ancienne à des faits antérieurs au changement de loi, elle ne permet en revanche pas de continuer à appliquer la loi ancienne postérieurement à son abrogation. Par ailleurs, le Tribunal fédéral a refusé d'appliquer à une répétition d'actes punissables commis après l'entrée en vigueur d'une loi plus sévère une loi antérieure plus clémente (ATF 72 IV 132; ATF 114 IV 1; SJ 1999 I 198; dans ce sens cf. CAPE, 31 août 2011, 105/2011).
En matière de délit continu, la jurisprudence a précisé que le juge ne saurait appliquer à des faits relevant d'un délit continu tantôt un droit, tantôt un autre (ATF 114 IV 83 c. 3c, JT 1990 IV 43). Selon la doctrine, lorsqu'une loi entre en vigueur pendant l'exécution d'un délit continu, il convient de prendre en compte le nouveau droit uniquement (Dupuis/Geller/Monnier/Moreillon/Piguet/Bettex/Stoll, Petit commentaire, Code pénal, Bâle 2012, n. 19 ad art. 2 CP, p. 20; Gauthier, in Roth/Moreillon (éd.), Commentaire romand, Code pénal I, Bâle 2009, n. 17 ad art. 2 CP, p. 20). Le séjour illégal étant un délit continu, il n'est pas contraire à l'art. 2 CP de le sanctionner d'une peine privative de liberté lorsqu'il se poursuit, comme en l'espèce, au-delà du 1
er
janvier 2008 (ATF 135 IV 6 c. 3, JT 2010 IV 61).
3.1.2
A._ est arrivé en Suisse en 2002 et n'a pas quitté le pays depuis, ce qu'il a confirmé à la cour de céans. Les faits objets de la présente cause relèvent donc d'un séjour illicite continu. La quotité de la peine dont est appel est concrètement limitée à 100 jours. Au vu de ce plafonnement inférieur à 6 mois, il n'est donc pas nécessaire de tenir compte de l'allongement des peines que consacre la LEtr par rapport à la LSEE. En tant qu'il introduit la peine pécuniaire et le travail d'intérêt général comme alternative à l'emprisonnement, le droit postérieur à l'entrée en vigueur de la modification de la partie générale du Code pénal est plus favorable que le droit antérieur au 1
er
janvier 2007. Si pour le séjour illégal effectué durant l'année 2007, la LSEE imposant la peine pécuniaire et excluant la peine privative de liberté paraît plus favorable, la jurisprudence et la doctrine évoquées ci-dessus imposent toutefois l'application du droit contemporain, soit la LEtr.
Par conséquent, comme l'a retenu à juste titre le premier juge, c'est la LEtr qui doit s'appliquer à la totalité du délit continu dont A._ s'est rendu coupable.
3.2
S'agissant de la problématique de la
reformatio in pejus
, le jugement du 31 janvier 2011, annulé le 1
er
juin 2011 par le jugement de la Cour d'appel pénal, avait condamné A._ à 75 jours de peine privative de liberté. Le jugement du 14 novembre 2011 dont est appel a porté cette sanction à 100 jours pour le motif que l'appelant se serait accroché "à son statut de séjournant illégal" (jugement du 14 novembre 2011, p. 6). Il convient par conséquent de déterminer si l'application de l'art. 409 CPP autorise une
reformatio in pejus
.
3.2.1
Selon la doctrine, dans les cas d'application de l'art. 409 CPP, une peine plus sévère que celle du jugement annulé n'entre pas en ligne de compte. Une réserve est toutefois admise pour les faits nouveaux en référence à l'art. 391 al. 2 2
e
phrase CPP (Kistler Vianin, in Kuhn/Jeanneret (éd.), Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 14 ad art. 409 CPP, p. 1816; Eugster, in Niggli/Heer/Wiprächtiger (éd.), Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, Bâle 2011, n. 3 ad art. 409 CPP, p. 2689). La notion de faits nouveaux ne se limite pas à des faits constitutifs d'infraction; elle s'étend à tout fait susceptible d'avoir une incidence sur la fixation de la peine. Ainsi, les faits, les documents ou les preuves dont on n'a eu connaissance qu'après le premier jugement doivent pouvoir être utilisés, y compris au détriment du prévenu (ATF 86 IV 77; Message du Conseil fédéral, FF 2006 pp. 1057 ss, spéc. p. 1295; Schmid, Handbuch des Schweizerischen Strafprozessrechts, Zürich 2009, n. 1494).
3.2.2
En l'espèce, A._ est demeuré en Suisse sans interruption après les séjours illicites visés par les ordonnances. Cette persistance à enfreindre la loi constitue bien un fait nouveau justifiant la modification du premier jugement en défaveur du prévenu.
3.3
Il convient désormais d'aborder la question de la fixation de la peine.
3.3.1
La fixation de la peine est régie par l'art. 47 CP, qui correspond à l'art. 63 aCP et à la jurisprudence y relative qui garde donc sa valeur. Selon l'art. 50 CP, le juge doit motiver sa décision de manière suffisante. Sa motivation doit permettre de vérifier s'il a été tenu compte de tous les éléments pertinents et comment ils ont été appréciés (cf. ATF 134 IV 1 c. 4.2.1; ATF 128 IV 193 c. 3a).
L'art. 47 al. 1 CP prévoit que la peine doit être fixée d'après la culpabilité de l'auteur, en tenant compte des antécédents et de la situation personnelle de ce dernier ainsi que de l'effet de la peine sur son avenir. L'alinéa 2 de cette disposition énumère, de manière non limitative, une série de critères à prendre en considération pour déterminer la culpabilité de l'auteur. Ces critères correspondent à ceux établis par la jurisprudence relative à l'art. 63 aCP (TF 6B_38/2011 du 26 avril 2011 c. 3.2; ATF 134 IV 17 c. 2.1 ; ATF 129 IV 6 c. 6.1).
Pour fixer la peine, le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation. Il y a toutefois violation du droit fédéral lorsque le juge sort du cadre légal, lorsqu'il fonde sa décision sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, lorsqu'il omet de prendre en considération des éléments prévus par cette disposition ou lorsqu'il a abusé de son pouvoir d'appréciation en fixant une peine exagérément sévère ou excessivement clémente (TF 6B_327/2011 du 7 juillet 2011 c. 2.1; ATF 134 IV 17 c. 2.1).
En matière de délit continu, la prescription court dès le jour où les agissements coupables ont cessé (art. 98 let. c CP). Ainsi, le délai de prescription ne commence à courir qu'à compter de la commission de la dernière infraction (Favre/Pellet/Stoudmann, Code pénal annoté, 3
e
éd., Lausanne 2007, n. 1.10 ad art. 98 CP, p. 287).
3.3.2
En l'occurrence, l'infraction n'est pas prescrite dès lors que l'état contraire au droit existant depuis 2002 s'est poursuivi.
En fixant, la peine à 100 jours, le premier juge a prononcé une peine particulièrement modérée au vu de l'importance de la culpabilité et de la durée de l'infraction. L'évidente insensibilité du prévenu à toute sanction et sa propension à la revendication, alors qu'il affiche avec constance son mépris des lois et des décisions qui les appliquent lorsque celles-ci ne servent pas ses intérêts, démontrent une forme d'endurcissement dans cette délinquance. De plus, l'appelant manifeste une agressivité déplacée à l'égard des membres d'autorités administratives ou pénales amenés à traiter sa cause.
L'appelant se prévaut de la naissance de ses enfants en 2008 pour tenter d'en tirer un motif honorable, soit qu'il serait demeuré en Suisse par affection paternelle. En réalité, dans la conduite de l'appelant, on ne discerne aucun motif honorable au sens de l'art. 48 al. 1 let. a CP. Son comportement délictuel est en effet bien antérieur à la naissance de ses enfants. Lorsqu'il les a conçus, il connaissait l'illégalité de son statut et les difficultés relationnelles qui en découleraient si ses enfants allaient vivre en Suisse. Ses responsabilités paternelles devraient l'amener à se rendre dans un pays, par exemple le sien, où il pourrait travailler pour entretenir ses enfants.
La procédure de régularisation qu'il invoque, outre qu'elle ne constitue pas en soi une circonstance atténuante, en est au stade du recours contre le refus d'une tolérance de séjour sur territoire vaudois.
Au vu des éléments qui précèdent la quotité de la peine doit être confirmée.
4.
A._
conteste le genre de peine, estimant qu'une peine pécuniaire ou qu'un travail d'intérêt général serait plus approprié dans son cas et qu'il devrait être mis au bénéfice du sursis.
Il résulte de l'art. 41 al. 1 CP qu'une courte peine privative de liberté ne peut être prononcée qu'à deux conditions, soit lorsque l'octroi d'un sursis est exclu (art. 42 CP) et lorsqu'une autre peine est inexécutable.
4.1
A titre de sanctions, le Code pénal fait de la peine pécuniaire (art. 34 CP) et du travail d'intérêt général (art. 37 CP) la règle dans le domaine de la petite criminalité, respectivement de la peine pécuniaire et de la peine privative de liberté la règle pour la criminalité moyenne. La peine pécuniaire constitue la sanction principale. Les peines privatives de liberté ne doivent être prononcées que lorsque l'Etat ne peut garantir d'une autre manière la sécurité publique. Quant au travail d'intérêt général, il suppose l'accord de l'auteur. En vertu du principe de la proportionnalité, il y a en règle générale lieu, lorsque plusieurs peines entrent en considération et apparaissent sanctionner de manière équivalente la faute, de choisir celle qui restreint le moins sévèrement la liberté personnelle de l'intéressé, respectivement qui le touche le moins durement. La peine pécuniaire et le travail d'intérêt général représentent des atteintes moins importantes et constituent ainsi des peines plus clémentes. Cela résulte également de l'intention essentielle, qui était au coeur de la révision de la partie générale du Code pénal en matière de sanction, d'éviter les courtes peines de prison ou d'arrêt, qui font obstacle à la socialisation de l'auteur, et de leur substituer d'autres sanctions. Pour choisir la nature de la peine, le juge doit prendre en considération l'opportunité de la sanction déterminée, ses effets sur l'auteur et son milieu social, ainsi que son efficacité préventive (ATF 134 IV 97 c. 4; TF 6B_234/2010 du 4 janvier 2011 c. 4.1.1).
En l'occurrence, vu la situation personnelle du prévenu qui ne bénéficie d'aucune autorisation de séjour et de travail en Suisse, un travail d'intérêt général n'entre pas en considération, l'intéressé pouvant se voir à tout moment expulsé de Suisse. Le fait qu'il aurait exécuté un travail d'intérêt général en Argovie d'après ses déclarations n'est pas déterminant. Son statut de séjournant illégal s'oppose déjà au prononcé d'un travail d'intérêt général (ATF 134 IV 60 c. 3.3; TF 6B_819/2008 du 26 décembre 2008, c. 2.3).
Si, de jurisprudence constante (notamment ATF 134 IV 60 c. 5), une situation financière précaire, voire même une situation d'indigence, ne constitue pas un motif justifiant le refus d'une peine pécuniaire, des motifs de prévention spéciale permettent de considérer qu'une peine pécuniaire ou qu'un travail d'intérêt général sont inexécutables, en particulier lorsque le prévenu a démontré l'inutilité de telles peines et/ou une volonté de ne pas tenir compte des sanctions prononcées contre lui (TF 6B_128/2011 du 14 juin 2011). De tels motifs existent manifestement en l'espèce. En effet, l'appelant continue à affirmer qu'il restera en Suisse. En plus de cette détermination, ses antécédents et la durée prolongée de son infraction en dépit des interventions de police ou de justice montrent que rien n'a infléchi son comportement. Dans ces conditions, une peine pécuniaire et un travail d'intérêt général peuvent être exclus pour des motifs de prévention spéciale s'agissant d'un condamné qui présente une insensibilité à toute forme de sanction et qui doit par conséquent réaliser que ses récidives sont sanctionnées par des peines privatives de liberté.
4.2
Selon l'art. 42 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire, d'un travail d'intérêt général ou d'une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits (al. 1). Si, durant les cinq ans qui précèdent l'infraction, l'auteur a été condamné à une peine privative de liberté ferme ou avec sursis de six mois au moins ou à une peine pécuniaire de cent quatre-vingt jours-amende au moins, il ne peut y avoir de sursis à l'exécution de la peine qu'en cas de circonstances particulièrement favorables (al. 2). L'octroi du sursis peut également être refusé lorsque l'auteur a omis de réparer le dommage comme on pouvait raisonnablement l'attendre de lui (al. 3). Le juge peut prononcer, en plus du sursis, une peine pécuniaire sans sursis ou une amende selon l'art. 106 CP (al. 4).
Sur le plan subjectif, le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. La question de savoir si le sursis serait de nature à détourner l'accusé de commettre de nouvelles infractions doit être tranchée sur la base d'une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Le pronostic doit être posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement. Il n'est pas admissible d'accorder un poids particulier à certains critères et d'en négliger d'autres qui sont pertinents. Le nouveau droit pose des exigences moins élevées quant au pronostic pour l'octroi du sursis. Auparavant, il fallait que le pronostic soit favorable. Le sursis est désormais la règle dont on ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable. Il prime en cas d'incertitude (cf. ATF 134 IV 5 c.4.4.2; cf. également, sur tous ces points, TF 6B_541/2007 du 13 mai 2008, c.2.2 et la jurisprudence citée).
En l'espèce, A._ a déjà fait l'objet d'une condamnation pour les mêmes faits. Il a été condamné à 10 jours d'emprisonnement avec sursis. Celle-ci n'a eu aucun effet dès lors que l'intéressé a persisté dans son comportement illicite alors même que le sursis a été révoqué et qu'il a purgé ses 10 jours de détention. De même, une deuxième condamnation ferme à 3 jours d'emprisonnement pour violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires n'a pas amendé l'appelant. Ainsi, tant la perspective sérieuse de devoir exécuter une peine privative de liberté que l'exécution d'une peine privative de liberté n'ont eu absolument aucun effet dissuasif sur l'intéressé. En outre, celui-ci sait pertinemment depuis 2002, qu'il n'a pas le droit de demeurer sur territoire helvétique; il reconnaît pourtant ne pas avoir quitté le pays et s'obstine à y demeurer. Ces éléments montrent que le pronostic ne peut être que négatif. Ainsi, seule une peine ferme est à même de détourner l'appelant de poursuivre son séjour illicite. Le sursis ne saurait dès lors être accordé.
Au vu de ce qui précède, c'est à juste titre que le premier juge a prononcé une courte peine privative de liberté ferme, les conditions de l'art. 41 al. 1 CP étant réalisées.
5.
En conclusion, l’appel est entièrement rejeté et le jugement attaqué confirmé.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel, comprenant l'émolument par 1'940 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1]), doivent être mis à la charge de A._ (art. 428 al. 1 CPP).
La Cour d’appel pénale
appliquant les articles 115 al. 1 let. b LEtr,
41, 46 al. 1, 47, 49 al. 2, 51 CP
et 398 ss CPP
prononce :
I.
L’appel est rejeté.
II.
Le jugement rendu le 14 novembre 2011 par le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne est toutefois modifié d’office au chiffre I et II de son dispositif, le dispositif du jugement étant désormais le suivant :
"
I. Condamne A._ pour infraction à la LEtr à une peine privative de liberté de cent jours, sous déduction de vingt-trois jours de détention avant jugement, et au paiement des frais par 1'575 fr. 95 (mille cinq cent septante-cinq francs et nonante-cinq centimes);
II. Supprimé."
III.
Les frais d'appel, par 1'940 fr. (mille neuf cent quarante francs) sont mis à la charge de A._. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
32168b37-7697-4853-b7e4-bc18852c4025 | En fait :
A.
Par jugement du 12 juin 2012, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a libéré L._ des chefs d'accusation d'actes d'ordre sexuel avec des enfants, d'actes d'ordre sexuel avec des personnes dépendantes, de contrainte sexuelle et de désagréments causés par la confrontation à un acte d'ordre sexuel (I), a renvoyé K._ à agir devant le juge civil s'agissant de ses prétentions civiles (II), a mis les frais de la cause, par 8'900 fr. 50, y compris l'indemnité allouée à son défenseur d'office, par 4'683 fr. 70, TVA comprise, à la charge de L._ (III) a laissé les frais de l'assistance judiciaire gratuite de la partie plaignante, arrêtés à 7'373 fr. 90, TVA comprise, ainsi que les frais d'interprète à la charge de l'Etat (IV) et a dit que le remboursement à l'Etat de l'indemnité allouée au chiffre IV ci-dessus ne sera exigible que pour autant que la situation économique de L._ se soit améliorée (V).
B.
Le 18 juin 2012, le Ministère public a formé appel contre ce jugement. Par courrier du 29 juin 2012, il a retiré son appel.
Le 13 juin 2012, K._ a formé appel contre ce jugement. Par déclaration d'appel du 17 juillet 2012, elle a conclu, sous suite de frais et dépens, à la condamnation pénale de L._ pour actes d'ordre sexuel avec des enfants et contrainte sexuelle à une peine que justice dira, à sa condamnation à lui verser 10'000 fr. avec intérêt à 5% l'an dès le 1
er
janvier 2003, 1'564 fr. 45 avec intérêt à 5% l'an dès le 29 avril 2011 et 1'483 fr. 15 avec intérêt à 5% l'an dès le 2 décembre 2011, ainsi que, sur présentation de factures, les parts non remboursées de ses futurs frais médicaux, ainsi que des dépens fixés à dire de justice. Au surplus, elle a conclu à ce que les frais mis à la charge de l'intimé comprennent l'indemnité de son conseil d'office et les frais d'interprète.
Par demande de non-entrée en matière du 25 juillet 2012, L._ a conclu à l'irrecevabilité de l'appel déposé par K._.
Le 7 août 2012, le Ministère public a déclaré ne pas présenter de demande de non-entrée en matière ni d'appel joint.
Le 21 août 2012, K._ a déposé des déterminations sur la recevabilité de son appel.
Par courrier du 19 octobre 2012, le Ministère public a indiqué qu'il n'entendait pas déposer de conclusions motivées.
Les 28 novembre 2012 et 8 janvier 2013, K._ et L._ ont été dispensés, à leurs requêtes, de comparaître à l'audience d'appel du 9 janvier 2013 à la condition d'y être valablement représentés.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
L._ est né le 10 août 1942 à Mazar-i-Sharif en Afghanistan, pays dont il a la nationalité. Après sa scolarité, il a travaillé dans une banque. Il a d'abord quitté son pays pour un séjour au Pakistan, puis est arrivé en Suisse en 1985 où il a travaillé durant quatre mois avant de cesser son activité en raison de problèmes de dos. Il a dès lors vécu grâce à l'aide de l'association CARITAS. Titulaire d'un permis C, le prévenu est aujourd'hui à la retraite. Il vit avec son épouse et ses quatre filles à Brugg. Il a en outre deux fils qui vivent à Zurich. Tous ses enfants sont majeurs, le plus jeune étant âgé de 28 ans. Le prévenu et son épouse perçoivent une rente AVS de quelque 3'600 fr. par mois. Selon ses dires, il donnerait 2'400 fr. par mois à ses filles pour payer le loyer, sa nourriture et celle de son épouse ainsi que leurs primes d'assurance-maladie, ses filles gérant toutes ses affaires administratives et financières. Il ignore pour le surplus quel est le montant exact de ses charges. Il n'a ni dettes ni économies. Il a déclaré aux débats de première instance souffrir de diabète, ainsi que de problèmes de dos et de genou.
Le casier judiciaire suisse de L._ fait état de la condamnation suivante:
- 7 août 2012, Berzirksamt Zurzach, violation grave des règles de la circulation routière, 500 fr. d'amende avec sursis durant un an.
2.
Il est reproché à L._ d'avoir pratiqué entre 1997 et 2002 à plusieurs reprises des attouchements sur K._, née le 1
er
mars 1985, qui le considérait comme son oncle.
K._ et L._ n'ont en réalité qu'un lien de parenté éloigné, la grand-maman de la plaignante et la mère de l'épouse de l'intimé étant des cousines éloignées. La jeune femme appelait le prévenu "mon oncle" par respect envers une personne âgée qu'elle connaissait bien depuis son enfance. Les deux familles se rendaient visite une à deux fois par mois et l'intimé jouissait au sein de sa communauté d'une position de patriarche, détenteur d'une autorité incontestée notamment sur les femmes et les enfants. Selon les explications de la plaignante, à chaque visite, alors qu'elle saluait l'intimé en lui embrassant la main, tête baissée, comme le veut la coutume afghane, ce dernier lui relevait la tête et l'embrassait sur la joue près de la bouche alors qu'il aurait dû, selon la tradition, l'embrasser sur les cheveux. Les salutations se passaient devant toute la famille, sans que personne ne réagisse. (jgt, p. 5). De plus, il multipliait les contacts corporels équivoques avec elle, lui caressait le dos, lui mettait la main sur l'épaule ou la hanche.
Les faits retenus pas les premiers juges et non contestés en procédure d'appel sont les suivants:
2.1
A Epalinges, au mois de mars 1997, L._, alors qu'il était en visite dans la famille de K._, a embrassé cette dernière sur la bouche, de force, en tenant ses joues avec ses mains, dans l'entrée de l'immeuble où elle habitait. Quelques jours plus tard, le prévenu a plaqué la jeune femme contre le mur du couloir de l'appartement et l'a caressée sur les seins et les fesses, par-dessus les vêtements. Il l'a également embrassée sur la bouche.
2.2
A Brugg, durant l'été 2001 ou 2002, alors que K._ était en visite dans la famille de L._, ce dernier s'est approché d'elle alors qu'elle se reposait dans l'une des chambres. Il lui a caressé avec insistance les seins, les fesses et le sexe, par-dessus les vêtements.
2.3
A Montreux, au mois d'octobre 2009, alors que les familles respectives de L._ et de K._ se trouvaient au casino, l'intimé s'est approché de l'appelante, qui se trouvait à une table anglaise, et s'est assis à côté d'elle. Il a tout de suite posé sa jambe contre celle de K._ et lui a déclaré qu'il l'aimait depuis toujours, qu'elle lui appartiendrait un jour et qu'à la fin du compte, « il l'aurait ».
2.4
Au mois de mai 2010, K._ a porté plainte contre L._ pour les faits décrits ci-dessus. Elle a expliqué qu'il y avait eu plusieurs autres épisodes, mais que les trois dénoncés étaient les plus graves.
A l'audience de première instance, la plaignante a également expliqué qu'après le premier épisode de 1997, elle avait immédiatement parlé de ce qui s'était passé à ses deux sœurs, également mineures à l'époque des faits. Entendues, les deux sœurs ont confirmé ses dires.
Fin 2009, la révélation des faits a divisé la famille de la plaignante et celle du dénoncé. A cette période, la plaignante a fait une tentative de suicide car elle ne supportait pas la peine causée à sa famille. Elle a fait une autre tentative en juillet 2010.
Il ressort d'un rapport établi le 31 mars 2011 par le département de psychiatrie de l'hôpital de Cery que K._ a séjourné dans cet établissement du 2 au 4 décembre 2009 et du 7 au 10 juillet 2010. A ces occasions, un épisode dépressif moyen sans syndrome somatique a été diagnostiqué. Le rapport relève encore que lors de sa première hospitalisation en novembre 2009, la plaignante avait évoqué des conflits familiaux en relation avec des abus qu'elle aurait subis dans l'enfance par son oncle et qui avaient récemment été révélés à son entourage. Ces mêmes éléments de crise ont été évoqués lors de la seconde hospitalisation.
Dans un rapport du 18 février 2011, le Dr [...], psychiatre et psychothétapeute, a expliqué qu'il suivait K._ depuis le 4 novembre 2009, qu'elle est entrée en soins en raison d'un syndrome dépressif et d'un trouble du comportement alimentaire de type hyperphagique. Selon ce médecin, cette symptomatologie s'inscrit dans un contexte de difficultés d'autonomisation avec sa famille. Par ailleurs, le praticien relève que peu après le début de son traitement, la plaignante lui a confié que son oncle L._ avait eu des comportements déplacés à son égard une dizaine de fois environ entre l'âge de 14 et de 17 ans. | En droit :
1.
1.1
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
Aux termes de l'art. 382 al. 1 CPP, toute partie qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification d'une décision a qualité pour recourir contre celle-ci. S'agissant plus particulièrement de la partie plaignante, sa qualité pour recourir n'existe pas uniquement par rapport à la question civile; au pénal, elle est cependant limitée, la partie plaignante ne pouvant pas recourir sur la question de la peine ou de la mesure (al. 2). La sanction prononcée relève en effet des prérogatives du seul ministère public et elle n'influe généralement pas sur le sort des prétentions civiles. La partie plaignante est ainsi admise à recourir contre un jugement pénal en particulier sur la culpabilité qui peut constituer, le cas échéant, un élément déterminant pour l'appréciation de ses prétentions civiles. La partie plaignante n'est en effet pas tenue de faire valoir ces dernières dans le procès pénal et peut agir dans un procès civil séparé; elle a dès lors un intérêt à pouvoir recourir, au pénal, sur l'élément de la faute (Calame, in: Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 11 ad art. 382 CPP).
1.2
Dans sa requête de non-entrée en matière, L._ a fait valoir que la prescription constituerait un empêchement de procéder à l'égard des faits du premier épisode devant conduire à l'irrecevabilité de l'appel sur ce point, que l'absence de contrainte devait être confirmée s'agissant du deuxième épisode ce qui aboutirait également à une irrecevabilité de l'appel pour cause de prescription sur ce point et, enfin, que les conclusions civiles prises globalement, sans distinguer la réparation demandée épisode par épisode, seraient également prescrites ou devraient être tranchées par le juge civil.
Comme son nom l’indique, la non-entrée en matière ne peut être partielle, soit ne concerner qu’une des conclusions de l’appel, mais bien uniquement l’entier de celui-ci. Cela signifie que si un seul grief de l’appelant n’est pas d’emblée irrecevable, l’entrée en matière s’impose. En l’occurrence, l’appelante conteste notamment la libération de l’intimé du crime de contrainte sexuelle en ce qui concerne le second épisode, l’action pénale n’étant pas prescrite à l’égard de cette infraction. Ce grief portant sur la qualification pénale suffit à rendre l’appel recevable dans la mesure où l’action publique n’est pas d’emblée intégralement frappée d’un empêchement de procéder et qu’il faut trancher la réalisation éventuelle d’une contrainte sexuelle.
1.3
En l'espèce, l'appel de K._ porte, d'une part, sur la qualification juridique des faits ainsi que sur la question de la prescription et, d'autre part, sur ses prétentions civiles. La qualification juridique a une influence sur la question de la culpabilité de leur auteur, et, également, la réparation du dommage moral et matériel. Au surplus, interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant qualité pour recourir (art. 399 al. 1 et 3 et 382 al. 1 CPP) et contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel est recevable. Il convient d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
3.
K._ conteste la prescription des infractions qualifiant le premier épisode (ch. 2.1 ci-dessus).
3.1
Aux termes de l'art. 97 al. 1 let. b CP, l'action pénale se prescrit par quinze ans si elle est passible d'une peine privative de liberté de plus de trois ans. En cas d'actes d'ordre sexuel avec des enfants (art. 187) et des mineurs dépendants (art. 188), et en cas d'infractions prévues aux art. 111, 113, 122, 182, 189 à 191 et 195 CP dirigés contre un enfant de moins de 16 ans, la prescription de l'action pénale court en tout cas jusqu'au jour où la victime a 25 ans (al. 2). La prescription ne court plus si, avant son échéance, un jugement de première instance a été rendu (al. 3).
L'art. 101 al. 1 let. e CP, entré en vigueur le 1
er
janvier 2013, prévoit que sont imprescriptibles les actes d’ordre sexuel avec des enfants (art. 187, ch. 1), la contrainte sexuelle (art. 189), le viol (art. 190), les actes d’ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance (art. 191), les actes d’ordre sexuel avec des personnes hospitalisées, détenues ou prévenues (art. 192, al. 1) et l’abus de la détresse (art. 193, al. 1), lorsqu’ils ont été commis sur des enfants de moins de 12 ans. Le droit transitoire (art. 101 al. 3 CP) étend l'application de cette règle aux cas dans lesquels l'action pénale n'était pas prescrite le 30 novembre 2008 selon le droit applicable à cette date.
3.2
En l'espèce, K._ ayant célébré son 25
ème
anniversaire en mars 2010 (art. 97 al. 2 CP), quinze ans s’étant écoulés de mars 1997, date des infractions, à mars 2012, le jugement interruptif de prescription ayant été rendu le 12 juin 2012, soit après l’écoulement de cette durée, les actes de l’intimé ne sont plus punissables pour cause de prescription.
Soutenant qu’elle était impubère lors des faits parce qu’elle n’avait pas encore de règles, l’appelante conteste l’acquisition de la prescription en se prévalant du nouvel art. 123 b Cst (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999; RS 101) qui dispose que l’action pénale et la peine pour un acte punissable d’ordre sexuel ou pornographique sur un enfant impubère sont imprescriptibles. Or, depuis le 1
er
janvier 2013, l'art. 101 CP règle cette question et prévoit que sont imprescriptibles les infractions citées par cette disposition que si elles ont été commises sur des enfants âgés de moins de 12 ans, l'impuberté étant définie par ce critère d'âge. En l'occurrence, au moment des faits, l'appelante était âgée de 12 ans révolus, de sorte que les infractions reprochées à l'intimé, soit les actes d'ordre sexuel avec des enfants (art. 187 CP) et la contrainte sexuelle (art. 189 CP) sont bien prescrites.
3.3
Au vu de ce qui précède, mal fondé, le premier moyen de l'appelante doit être rejeté.
4.
L'appelante fait ensuite valoir que le deuxième épisode relèverait d'une contrainte sexuelle en raison de la contrainte psychique à laquelle elle a été soumise.
4.1
D'après l'art. 189 CP, celui qui, notamment en usant de menace ou de violence envers une personne, en exerçant sur elle des pressions d’ordre psychique ou en la mettant hors d’état de résister l’aura contrainte à subir un acte analogue à l’acte sexuel ou un autre acte d’ordre sexuel, sera puni d’une peine privative de liberté de dix ans au plus ou d’une peine pécuniaire.
En introduisant la notion de pressions psychiques, le législateur a aussi voulu viser les cas où la victime se trouve dans une situation désespérée, sans pour autant que l'auteur ait recouru à la force physique. Ainsi, l'infériorité cognitive et la dépendance émotionnelle et sociale peuvent – en particulier chez les enfants et les adolescents – induire une pression psychique extraordinaire et, partant, une soumission comparable à la contrainte physique, les rendant incapables de s'opposer à des atteintes sexuelles (Dupuis et al., Petit Commentaire du Code pénal, Bâle 2012, n. 20 ad art. 189 CP).
4.2
En l'espèce, comme la victime l’a notamment déclaré durant l’enquête (PV audition 1, p. 2) et lors de l’audience de jugement (jgt, p. 5), l'intimé, en présence de tiers, a multiplié les contacts corporels équivoques avec elle et, lorsqu'il était seul avec elle, lui a prodigué des formes de caresses.
Les faits punissables du deuxième épisode ont consisté pour le prévenu à caresser avec insistance les seins, les fesses et le sexe de l'appelante par-dessus ses vêtements alors que celle-ci se reposait dans l’une des chambres du logement de l’auteur. Le jugement (p. 31) retient à cet égard :
« Elle (appelante) a expliqué qu’elle était dès lors allée se coucher dans la chambre de l’une des filles du prévenu. Ce dernier serait arrivé et, alors qu’elle faisait semblant de dormir, il lui aurait caressé les seins, les fesses et le vagin par-dessus les vêtements. Elle était alors couchée de côté, faisait semblant de dormir et ne bougeait pas car elle était tétanisée. A un moment, elle a indiqué qu’elle avait eu le réflexe de se lever et de partir sans que L._ ne cherche à la retenir. A la police, la plaignante avait expliqué la même chose, en précisant que le prévenu l’avait caressée avec insistance et fortement. »
Le premier juge a écarté la contrainte pour le motif que, selon la victime, elle faisait semblant de dormir pendant tout le temps où elle avait subi les caresses et qu’elle n’avait pas été retenue lorsqu’elle s’était levée et qu’elle était partie, ces circonstances ne permettant pas de considérer que l’auteur avait passé outre son refus.
L’appelante n’a toutefois jamais soutenu que l’intimé s’en était pris à elle alors qu’elle était endormie, mais qu’elle avait simulé l’endormissement. On peut déduire de la mise en œuvre de ce moyen de défense qu’elle avait anticipé l’agression sexuelle. Les actes d’ordre sexuel n’ont ainsi pas été accomplis par la mise à profit d’un effet de surprise. Au demeurant, si l’effet de surprise était tenu par la jurisprudence (ATF 128 IV 106) comme relevant d’une contrainte psychique (Favre et al., Code pénal annoté, 3
e
édition, Lausanne 2007, n. 1.4 ad art. 189 CP), la doctrine et la jurisprudence récentes considèrent que la surprise (ou la ruse) n’est pas constitutive d’une contrainte psychique, du moins faute de résistance à vaincre (ATF 133 IV 49, JT 2009 IV 17 c. 6.1; Dupuis et al., op. cit., n. 26 ad art. 189 CP).
L’appelante invoque en revanche une contrainte psychique en ce sens que l’auteur aurait mis à profit la frayeur et la terreur qu’il lui inspirait, voire la situation inextricable où il l’avait placée, pour lui imposer ses caresses alors qu’elle feignait de dormir selon la stratégie qu’elle avait improvisée au début pour le dissuader d’agir, mais aussi par la suite parce que les gestes de l’auteur la tétanisaient, avant de rompre le contact en s’éloignant.
Cette « paralysie » momentanée de la victime correspond objectivement à l’anéantissement passager de sa capacité de résistance. Elle a été provoquée par sa peur induite par l’expérience d’épisodes antérieurs associés à la fois à une forme de dégoût et à l’impuissance à se protéger en dénonçant les abus en raison d’un carcan culturel et du respect voué à l’auteur dans la communauté afghane. A cet égard, l'appelante – dont les déclarations sont crédibles – a relaté plusieurs épisodes et des comportements équivoques en public sans que son entourage n'intervienne. Elle a certes parlé de ce qu'elle vivait à ses deux sœurs, mais pas à des adultes. Dénoncer les faits revenait en effet pour elle à exposer aux tiers une forme de souillure qui la marquait, à devoir justifier les raisons pour lesquelles elle n’avait pas parlé plus tôt, à affronter l’incrédulité générale et les dénégations de l’« oncle » jouissant d’une autorité morale certaine dans la communauté, à causer une scission entre sa famille et la famille amie de l’auteur, à prendre le risque d’être en définitive perçue comme une calomniatrice, voire une fille sans vertu, et d’être rejetée, bref à s’exposer à des désagréments et à des souffrances morales d’une intensité certaine. Les tourments vécus par la victime en relation avec cette affaire pénale associés à d’autres causes de mal être se sont traduits pas des tentatives de suicide et ont nécessité des soins médicaux, ce qui confirme la réalité et l’intensité de ces angoisses. Au lieu de l’exploitation d’un lien de dépendance, on se trouve donc bien en présence d’une contrainte psychique, forgée par la répétition de comportements imposés à la victime depuis son enfance la conduisant à faire l’apprentissage de sa totale impuissance et de celui de la toute puissance de l’auteur, assimilable par son intensité et ses effets à une violence physique. Au demeurant, c’est à tort que le premier juge a vu dans le comportement de l’auteur la réalisation prescrite de l’infraction d’actes d’ordre sexuel avec des personnes dépendantes. En effet, dans les relations entre parties l’existence d’un rapport de dépendance au sens de l'art. 188 CP ne peut être constatée, qu’il soit éducationnel, thérapeutique, de confiance, de travail ou d’une autre nature.
Enfin, l’élément subjectif est également réalisé. Jouissant de son statut de patriarche et de notable, l’intimé, agissant à l’abri des regards de tiers, ne pouvait que comprendre que la jeune fille, placée par lui dans un dilemme insoluble, était à sa merci et vouloir en tirer parti.
4.3
Compte tenu de ce qui précède, l’appel doit donc être admis en ce sens que le deuxième épisode doit être qualifié de contrainte sexuelle.
5.
L._ étant condamné en appel pour contrainte sexuelle, alors que les premiers juges n'avaient pas retenu cette infraction, ni aucune autres d'ailleurs, il appartient à Cour de céans de fixer d'office la peine en vertu de son plein pouvoir de cognition (art. 398 al. 2 CPP, TF 6B_434/2012 du 14 décembre 2012 c. 1.2).
5.1
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 c. 2.1; ATF 129 IV 6 c. 6.1; TF 6B_408/2012 du 1
er
novembre 2012 c. 1.1).
5.2
Selon l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire, d'un travail d'intérêt général ou d'une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits.
5.3
Le crime de contrainte sexuelle est passible d’une peine privative de liberté de 10 ans ou d’une peine pécuniaire, soit un maximum de 360 jours-amende (art. 34 CP). En l'espèce, ensuite du renvoi opéré par le Ministère public, la cause ayant été jugée en première instance par un tribunal de police, juridiction jouissant d’une compétence répressive limitée à 12 mois (art. 8 let. b LVCPP; loi vaudoise d'introduction du Code de procédure pénale suisse du 19 mai 2009, RSV 312.01), la perspective de fixer en appel une sanction plus élevée que ce plafond imposerait une annulation, et encore à la condition qu’elle ne relève pas d’une
reformatio in pejus
prohibée. On retiendra dans ce contexte procédural que la peine est limitée vers le haut à une année.
En soi, pour un homme de cet âge, jouissant d’une autorité morale assurée dans sa communauté, le fait d’imposer des attouchements sexuels à une jeune fille d’une famille amie est empreint d’une gravité certaine. La culpabilité du prévenu est alourdie par son insistance au fil des années à enfermer sa victime, entreprise débutée alors qu’elle était encore une enfant, dans une situation psychologiquement oppressante alors qu’il ne pouvait que réaliser la répulsion qu’il lui inspirait et la souffrance qu’elle endurait. A charge, on retiendra encore l’absence de prise de conscience et de volonté de s’amender, ainsi que l’égoïsme consistant à privilégier son statut et sa réputation, à traiter la victime de menteuse et à se présenter soi-même comme une victime (jgt, pp. 3 et 4). A décharge, il faut tenir compte de ce que les attouchements sont furtifs et ont été effectués par-dessus les vêtements et surtout de l’écoulement du temps, même si la circonstance atténuante de l’art. 48 let. e CP n’est pas réalisé, en raison du troisième épisode non punissable en raison d'un dépôt de plainte tardif et de l’absence de proximité avec le délai de prescription. Comme facteur atténuant, on prendra aussi en considération l’état de santé dégradé de l'intimé.
Compte tenu de la culpabilité de l'intimé et de sa situation personnelle, une peine de 120 jours-amende paraît adéquate. Le montant du jour-amende peut être arrêté à 30 fr., l’intéressé ayant déclaré (PV audition 4, p. 4) que son revenu mensuel de retraité en couple s’élevait à 3'560 fr. et que ses filles prélevaient chaque mois 2'400 fr. pour le loyer, la nourriture et l’assurance maladie, ce qui laisse un disponible mensuel de 1'160 fr., respectivement de 38 fr. 60 par jour.
Enfin, n’ayant qu’un antécédent ancien en matière de circulation routière et ne faisant apparemment pas l’objet d’autres procédures pénales, l'intimé peut bénéficier du sursis. Toutefois au vu de la durée de ses agissements et de son état d’esprit, le délai d’épreuve sera fixé à trois ans. De plus, en raison de l’absence totale de prise de conscience et de réparation raisonnable que l’art. 42 al. 3 CP érige en condition du sursis, il convient de favoriser l’amendement de l’intéressé en lui imposant comme règle de conduite le versement à la victime d’acomptes mensuels d’un montant minimal de 100 fr. à titre de paiement des prétentions civiles allouées ci-dessous.
6.
L'appelante critique également son renvoi à agir au civil et soutient que ses prétentions civiles ne sont pas prescrites.
6.1
Par lettre adressée le 29 avril 2011 au Ministère public (P. 25/1), la plaignante a conclu à ce que le prévenu soit condamné à lui verser 10'000 fr. de tort moral, 1'564 fr. 45 à titre de remboursement de franchises médicales et le 10% de factures médicales, ainsi qu’il lui soit donné acte de ses réserves civiles pour la part future (non chiffrable) de ses prétentions. Elle a confirmé ces prétentions, tout en ajoutant des intérêts à 5% l’an sur les deux premiers postes, respectivement à compter du 1
er
janvier 2003 et du 29 avril 2011, en déposant à l’audience du 1
er
février 2012 un document motivé intitulé « conclusions civiles » (P. 31).
A l’audience du 12 juin 2012, la plaignante a modifié, soit augmenté, ses conclusions en demandant en plus que le prévenu soit condamné à prendre en charge tous les frais médicaux non remboursés par 1'483 fr. 15 avec intérêt à 5% l’an dès le 2 décembre 2011 (jgt, p. 18).
Le premier juge l’a renvoyée à faire valoir ses prétentions civiles devant le juge civil, d’une part, parce que la prescription civile serait acquise, d’autre part, parce que le crime de contrainte sexuelle n’a pas été retenu alors que l’état de fait n’a pas été suffisamment établi (art. 126 al. 2 let. d CPP) et, de troisième part, parce que les conclusions civiles prises globalement et non épisode par épisode ne seraient pas chiffrées et motivées de façon suffisamment précises au sens de l’art. 126 al. 2 let. b CPP.
6.2
Conformément à l’art. 60 al. 2 CO (loi fédérale du 30 mars 1911 complétant le code civil suisse [Livre cinquième: Droit des obligations]; RS 220), la prescription de la créance en dommages-intérêts dérivant d’un acte punissable est celle prévue par la loi pénale si ce délai est de plus longue durée que la prescription civile. En matière d’acte illicite, la prescription relative est d’une année depuis que le lésé a connaissance du dommage et de son auteur et la prescription absolue est de 10 ans (art. 60 al. 1 CO). Or, sur le plan pénal, sans tenir compte des causes d’interruption, le délai de prescription est arrivé à échéance en mars 2012 pour l’épisode de 1997, comme on l’a vu ci-dessus. Ce délai arrivera à terme en 2016 pour le deuxième épisode (délai de 15 ans à partir de 2001 pour la contrainte sexuelle). En revanche, le délai de prescription pénale de trois ans (art. 109 CP) de la contravention de l’art. 198 CP concernant le troisième épisode a été atteint en octobre 2012.
Dans le cas d’espèce, la prescription de l’action civile est donc soumise au délai plus long de l’action pénale dans les trois épisodes.
La constitution de partie civile au procès pénal, soit l’action civile adhésive au sens de l’art. 122 CPP, interrompt la prescription même si cette constitution n’est pas chiffrée, l’art. 123 al. 2 CPP autorisant la partie civile à calculer et à motiver ses conclusions civiles durant les plaidoiries (du jugement de première instance) au plus tard. L’effet interruptif a donc lieu dès le dépôt d’une action adhésive à la condition qu’une fixation chiffrée des conclusions ait lieu d’ici aux plaidoiries inclusivement (Pichonnaz, in: Commentaire romand, Code des obligations I, 2
e
édition, Bâle 2012, n. 18 ad art. 135 CO).
Dans le cas particulier, l’appelante a donc interrompu la prescription en avril 2011, tout en précisant ultérieurement les postes de ses conclusions les 1
er
février et 12 juin 2012. L’interruption de la prescription s’étant chaque fois produite avant l’échéance du délai, elle a fait partir un nouveau délai de prescription en principe égal à celui interrompu (Pichonnaz, op. cit., n. 1 ad art. 137 CO). Il en résulte qu’aucune des prétentions civiles de l’appelante n’est prescrite.
Par ailleurs, on ne discerne pas en quoi l’état de fait serait lacunaire au point d’empêcher de statuer sur les conclusions civiles en tort moral au sens de l’art. 126 al. 1 let b CPP. De même, on ne saurait reprocher à l’appelante d’avoir manqué de précision dans la présentation de ses conclusions civiles (art. 126 al. 2 let b CPP). Elle était fondée à chiffrer globalement ses prétentions au lieu d’en dissocier les montants des postes épisode par épisode. Enfin, on ne saurait retenir un état de fait insuffisamment établi dans les cas assortis d’un acquittement (art. 126 al. 2 let. d CPP) dès lors que le tribunal de première instance s’est dit convaincu, à juste titre, de la réalité du comportement lésionnel de l'intimé. En revanche, la question du lien de causalité entre les actes illicites et les frais médicaux de l’appelante n’est pas résolue comme on le verra ci-dessous.
Il en résulte que c’est à tort que l’appelante a été renvoyée à agir au civil en ce qui concerne son tort moral et que son appel doit également être accueilli sur ce point.
6.3
En matière de fixation de la réparation morale, la jurisprudence (SJ 2012 I 355 c. 6.3.4) a alloué un montant de 20’000 fr. à un enfant de 6 ans dont la mère a été tuée (meurtre), 25'000 fr. à un enfant de 4 ans dont le père a été victime d’un meurtre, 15'000 fr. à un automobiliste victime d’un traumatisme crânio-cérébral et d'une contusion cervicale générant des troubles débouchant sur une incapacité de travail de 8 mois, 20'000 fr. à un automobiliste de 63 ans rendu invalide suite à une fracture ouverte du genou entraînant des douleurs chroniques (cf. aussi Bovey, Dommages-intérêts et tort moral, pp. 19 ss).
En référence à ces éléments d’orientation, la prétention de l’appelante en paiement d’un
pretium doloris
de 10'000 fr. s’avère manifestement excessive. Certes, subjectivement elle a été profondément choquée par les gestes du prévenu et en a conçu de vives angoisses. Cependant, par rapport à d’autres crimes sexuels, l’atteinte causée par le comportement ici en cause – attouchements par-dessus les habits – revêt objectivement une gravité inférieure. De plus, selon les indications médicales produites (P. 15), les troubles de l’appelante nécessitant un traitement psychiatrique s’inscrivent dans un contexte de difficultés d’autonomisation avec sa famille, soit d’un conflit familial, même si le médecin évoque aussi un traumatisme psychique induit par les attouchements et les répercussions des révélations sur les liens familiaux et sociaux.
Au regard de l’ensemble de ces éléments, un montant de 2'500 fr. constitue une réparation adéquate. Quant à l’intérêt compensatoire de 5%, le point de départ proposé par la victime, soit le 1
er
janvier 2003, lendemain du dernier jour possible de l’année 2002 où la contrainte sexuelle a pu se produire, doit être approuvé.
L’appelante demande ensuite que l’intimé lui verse 1'564 fr. 54 plus intérêts à titre de frais médicaux non remboursés. Toutefois, comme on l’a vu ci-dessus, les causes du trouble soigné relèvent aussi bien des attouchements que de difficultés familiales pour l’essentiel non imputables au prévenu, sans que le dossier ne permette d’opérer un partage clair entre ces deux causes. Dans ce contexte, c’est à juste titre que l’appelante a été renvoyée à agir au civil, la motivation de ses conclusions ne permettant pas d’opérer cette distinction (art. 126 al. 2 let. b CPP). Il en va de même de la conclusion nouvelle prise à l’audience de jugement relative à tous les frais médicaux non remboursés par 1'483 fr. 15 avec intérêt à 5% l’an dès le 2 décembre 2011 (jgt, p. 18).
L’appelante a encore conclu à ce qu’il lui soit donné acte de ses réserves civiles pour la part future (non chiffrable) de ses frais médicaux non remboursés. Le dommage futur est celui qui se produit après le jugement (Werro, La responsabilité civile, 2
e
édition, Berne 2011, n° 138, p. 46). Il doit être prévisible pour être réparé (Werro, op. cit., n° 988, p. 281), ce qui n’est pas le cas d’un dommage éventuel. En l’espèce, comme on l’a vu, il existe une incertitude quant à la part des frais médicaux directement engendrés par les actes illicites concurrents à ceux issus de difficultés familiales indépendantes. Pour ce motif, il n’y a pas lieu d’allouer le principe d’une réparation future indéterminée dans son pourcentage, mais de confirmer le renvoi de l’appelante à agir au civil.
6.4
Au vu de ce qui précède, le moyen de l'appelante doit être partiellement admis.
7.
K._ soutient enfin que les frais mis à la charge de l'intimé en première instance devaient inclure l'indemnité de son conseil d'office, ainsi que les frais d'interprète.
L’appelante n’a pas d’intérêt juridiquement protégé (art. 382 al. 1 CPP) à recourir sur la quotité des frais mis à la charge de l’intimé dans la mesure où son propre sort n’est pas touché par cette question.
En ce qui concerne les frais d’interprète, l’art. 426 al. 3 let b CPP exclut de les mettre à la charge de la partie allophone.
Mal fondé, ce dernier moyen doit être rejeté.
8.
En conclusion, l'appel formé par K._ doit être partiellement admis.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel sont mis à la charge de L._ qui succombe (art. 428 al. 1 CPP).
Au vu des opérations effectuées en appel, il se justifie d'arrêter à 2'945 fr. 15, TVA et débours compris, l'indemnité allouée au conseil d'office de l'appelante et à 1'509 fr. 85, TVA et débours compris, l'indemnité allouée au défenseur d'office de l'intimé. Ce dernier ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant de l'indemnité en faveur de son défenseur d'office que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
321ba37b-c0c3-4d36-b34f-e171c16b08cb | En fait :
A.
Par jugement du 15 août 2013, le Tribunal de police de l'arrondissement de La Côte a constaté que G._ s’est rendue coupable de lésions corporelles simples par négligence (I), l’a condamnée à la peine de 30 jours-amende, un jour-amende valant 50 fr., avec sursis pendant deux ans, ainsi qu’à une amende de 400 fr., convertible en huit jours de peine privative de liberté de substitution en cas de non-paiement fautif (II), a constaté que L._ s’est rendu coupable de lésions corporelles simples par négligence (III), l’a condamné à la peine de 30 jours-amende, un jour-amende valant 40 fr., avec sursis pendant deux ans, ainsi qu’à une amende de 400 fr., convertible en dix jours de peine privative de liberté de substitution en cas de non-paiement fautif (IV), a ordonné le maintien au dossier du CD versé sous fiche n° 3581 à titre de pièce à conviction (V), a mis la moitié des frais de procédure, hors audience, par 587 fr. 50, à la charge de G._ (VI), et a mis la moitié des frais de procédure, ainsi que les frais d’audience, par 1’287 fr. 50, à la charge de L._ (VII).
B.
L._ a annoncé faire appel de ce jugement le 21 août 2013. Il a déposé une déclaration d’appel motivée le 12 septembre 2013, concluant, avec suite de frais et dépens des deux instances, à la modification du jugement aux chiffres III, IV et VII de son dispositif en ce sens qu’il est libéré de l’accusation de lésions corporelles simples et de toute condamnation aux frais. Il a produit diverses pièces nouvelles.
Le Ministère public n’a pas procédé dans le délai imparti.
A l’audience d’appel, l’intimé S._ a conclu au rejet de l'appel, aux frais de son auteur. L’intimée G._ a renoncé à se déterminer. L’appelant et les intimés ont confirmé leurs versions respectives des faits incriminés décrits ci-dessous.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1. Le prévenu L._, né en 1984, célibataire, père de deux enfants mineurs à charge, exerce le métier de chauffeur de poids-lourds salarié. Occupé par son employeur au taux de 100 %, il perçoit un revenu mensuel net de 5'500 francs. Son loyer mensuel est de 1'000 fr. et ses primes d’assurance-maladie se montent à 370 fr. par mois. Il s’acquitte d’une pension mensuelle de 1'802 fr. en faveur de ses enfants. Il verse 670 fr. par mois au titre d’un crédit-bail. Il n’a ni dettes, ni fortune. Son casier judiciaire est vierge.
La prévenue G._, née en 1986, ressortissante bulgare, célibataire, est médecin-assistante au CHUV. Occupée par son employeur au taux de 100 %, elle perçoit un revenu mensuel net de 4'800 fr., impôts déduits. Son loyer mensuel est de 1'000 fr. et ses primes d’assurance-maladie se montent à 300 fr. par mois. Elle verse 300 fr. par mois au titre d’un crédit-bail. Son casier judiciaire suisse est vierge.
2. Le 11 avril 2013, le Ministère public de l'arrondissement de La Côte a rendu une ordonnance pénale à l’égard de chacun des prévenus, en relation avec un accident de la route impliquant les deux intéressés alors que L._ conduisait son camion de plus de huit tonnes et que G._ était au volant de son véhicule
Volkswagen Polo
. Les faits incriminés sont décrits par l’ordonnance comme il suit :
«Sur l’autoroute A1, à la jonction d’Ecublens et de Morges-Est, le 29 septembre 2011 à 8 h 30, L._ et G._, qui circulaient de concert en direction de Genève, respectivement sur les voies droite et gauche de ladite autoroute, ont entrepris simultanément de se déplacer sur la voie centrale sans porter toute l’attention requise aux autres usagers, et se sont ainsi heurtés. Sous l’effet du choc, le véhicule de G._ s’est déporté sur la gauche et a heurté la glissière centrale de sécurité avant de rebondir contre cet élément et de heurter S._, qui circulait normalement au guidon de son motocycle. Suite au heurt, ce dernier a été éjecté de sa moto, et retombé sur le toit du véhicule de la prévenue puis a chuté sur la chaussée.
S._ a souffert de fractures multifragmentaires distales intra-articulaires avec déplacement antérieur du radius, de la styloïde cubitale et de la base du 1
er
métacarpien du poignet gauche, ainsi que d’une fracture non déplacée de la cupule radiale gauche du coude droit. (...)».
S._ a déposé plainte le 12 décembre 2011. Le CD-ROM contenant les images de l’accident prises par les caméras de surveillance a été versé au dossier à titre de pièce à conviction sous fiche 3581 (sous P. 14), à l’instar de quatre photographies prises en arrêt sur image par l’une de ces caméras.
Le prévenu a formé opposition à l’ordonnance pénale, contestant toute négligence. Pour sa part, la prévenue n’a pas formé opposition à l’ordonnance.
3. A l’audience de première instance, les prévenus ont confirmé leurs versions des faits respectives présentées durant l’enquête. L._ a en particulier nié toute implication dans le choc subi par le plaignant (jugement, p. 4). Quant à elle, G._ a précisé n’avoir pris conscience de la présence du camion piloté par le prévenu qu’au moment de l’impact, ce qui, dans son souvenir, l’avait catapultée contre la glissière; à son avis, le choc était survenu plus à l’arrière de son véhicule qu’au centre (jugement, p. 5).
Egalement entendu par le tribunal de police, le plaignant a relevé ce qui suit :
«(...) je roulais tranquillement à la même vitesse que G._. A un moment donné, j’ai vu qu’elle avait mis son clignotant pour se déplacer sur la voie centrale et j’ai remarqué qu’il y avait en même temps une masse qui se déplaçait de la voie d’urgence à droite sur la voie centrale. J’attendais que G._ finisse complètement sa manœuvre sur la voie centrale pour pouvoir la dépasser correctement. De ma vision tout à gauche qui était peut-être légèrement faussée, j’ai eu l’impression que c’était l’arrière-droite de la polo qui a touché l’avant-gauche du camion. Pour moi, la voiture a été déséquilibrée (...). A ce stade, elle ne pouvait, pour moi, plus rien faire. (...)» (jugement, p. 6).
4. Appréciant les faits de la cause sur la base notamment des enregistrements visuels et des photographies visionnés, le tribunal de police a considéré que les prévenus avaient chacun omis de remarquer la manœuvre de l’autre conducteur, violant ainsi leur devoir de prudence et de diligence découlant des art. 34 al. 3 et 44 al. 1 LCR. Le premier juge a en outre estimé que ces violations étaient en rapport de causalité tant naturelle qu’adéquate avec le dommage subi par le plaignant pour ce qui était de chacun des prévenus. | En droit :
1.
Interjeté dans les forme et délais légaux par une partie ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel est recevable. Les pièces nouvelles produites par l’appelant (P. 53/2/1 à 3 et P. 65) sont en revanche irrecevables (art. 389 CPP, applicable par analogie à la procédure d’appel).
2.
2.1
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
2.2
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
3.1
L’art. 125 CP réprime le comportement de celui qui, par négligence, aura causé une atteinte à l’intégrité corporelle ou à la santé d’une personne. La réalisation de cette infraction suppose ainsi la réunion de trois conditions : l’existence de lésions corporelles, une négligence et un lien de causalité entre la négligence et les lésions.
Conformément à l’art. 12 al. 3 CP, il y a négligence si, par une imprévoyance coupable, l’auteur a agi sans se rendre compte ou sans tenir compte des conséquences de son acte; l'imprévoyance est coupable quand l'auteur n'a pas usé des précautions commandées par les circonstances et par sa situation personnelle. Selon l’art. 100 al. 1, 1
re
phrase, LCR, sauf disposition expresse et contraire de cette loi, la négligence est aussi punissable. L’art. 102 al. 1 LCR prévoit qu’à défaut de prescriptions contraires de cette loi, les dispositions générales du code pénal suisse sont applicables.
3.2
La négligence suppose, tout d’abord, que l’auteur ait violé les règles de prudence que les circonstances lui imposaient pour ne pas excéder les limites du risque admissible. En second lieu, la violation du devoir de prudence doit être fautive, c’est-à-dire qu’il faut pouvoir reprocher à l’auteur une inattention ou un manque d’effort blâmable (ATF 135 IV 56 c. 2.1 p. 64; ATF 134 IV 255 c. 4.2.3 p. 262; ATF 129 IV 119 c. 2.1 p. 121).
3.3
Pour déterminer plus précisément les devoirs imposés par la prudence, on peut se référer à des normes de l’ordre juridique édictées pour assurer la sécurité et éviter les accidents.
Dans les domaines d’activité régis par des dispositions légales, administratives ou associatives reconnues, destinées à assurer la sécurité et à éviter des accidents, le devoir de prudence comprend en particulier le respect de ces dispositions (ATF 122 IV 133 c. 2a p. 135 et les arrêts cités). Tel est, en particulier, le cas en matière de circulation routière.
3.4
L’art. 34 al. 3 LCR prévoit que le conducteur qui veut modifier sa direction de marche, par exemple pour obliquer, dépasser, se mettre en ordre de présélection ou passer d'une voie à l'autre, est tenu d'avoir égard aux usagers de la route qui viennent en sens inverse ainsi qu'aux véhicules qui le suivent. Selon l’art. 44 al. 1 LCR, sur les routes marquées de plusieurs voies pour une même direction, le conducteur ne peut passer d'une voie à une autre que s'il n'en résulte pas de danger pour les autres usagers de la route.
4.
4.1
L’appelant fait d’abord valoir que le jugement procède d’une constatation incomplète et erronée des faits. Il reproche au premier juge d’avoir, sur la base de son visionnement du CD-ROM (P. 14) ainsi que des photographies prises en arrêt sur image tirées de ce support et produites par G._ (sous P. 45), considéré, d’une part, que les deux véhicules se trouvaient à la même hauteur au moment d’entamer leur manœuvre respective et d’avoir retenu, d’autre part, que les manœuvres avaient été effectuées simultanément et que l’impact avait eu lieu au milieu de la voie centrale. Il énonce diverses considérations fondées sur les dimensions respectives des deux véhicules et sur les dommages matériels constatés sur chacun d’eux (déclaration d’appel. pp. 3 et 4).
4.2
L'ordonnance pénale frappée d’opposition et maintenue par le Parquet après cette contestation tient lieu d'acte d'accusation (art. 356 al. 1 CPP). Les faits retenus par le premier juge sont ceux qui figurent dans l’ordonnance de condamnation à laquelle l’appelant a fait opposition (jugement, p. 11) et qui sont complétés par les observations tirées du visionnement par ce magistrat du CD-ROM et des photographies susmentionnées (jugement, p. 13).
Pour procéder au nouvel examen au fond requis de la juridiction d’appel, par conséquent à sa propre administration des preuves, la cour de céans a, avant l’audience d’appel, visionné le CD-ROM comportant les enregistrements en question; selon l’heure indiquée par ce support informatique, les faits incriminés se sont déroulés entre 8h29’32’’ et 8h29’45’’ le 28 septembre 2011.
Peu importe que l’appelant ait franchi une ligne continue. A cet endroit, le fait que la ligne soit continue n’exclut pas que les usagers la franchissent pour emprunter la voie centrale, depuis la droite en ce qui concerne le prévenu. En effet, l’Office fédéral des routes (OFROU) a autorisé, à titre exceptionnel, la faculté d’utiliser la voie de droite, en principe de secours, comme voie de circulation sur le tronçon d’autoroute entre Ecublens et Morges, durant les heures de pointe et à certaines conditions de trafic seulement; si ces conditions sont données, une signalisation lumineuse l’indique aux usagers (décision en vigueur depuis le 18 janvier 2010; cf.
Trafic et disponibilité des routes nationales, Rapport annuel 2010
, publication de l’OFROU, 28 août 2011, ch. 5.3, ad
Changement d’affectation des bandes d’arrêt d’urgence
). Cette dérogation au principe de l’art. 34 al. 2 LCR (cf. l’art. 57c al. 2 let. a et b LCR) était en vigueur au lieu et au moment des faits incriminés. On ne saurait donc faire grief à l’appelant de cette manœuvre vers sa gauche considérée isolément.
4.3
La première image déterminante révèle le camion piloté par l’appelant à 8h29’32’’. Dès lors et jusqu’à 8h29’40’’, on peut le voir circuler sur la voie de droite, soit sur la bande d’arrêt d’urgence. On constate qu’il roule plutôt en serrant sur sa gauche, les pneus gauches de son véhicule touchant la ligne continue. Jusqu’à 8h29’39’’, on voit aussi que la voiture de la prévenue, qui circule sur la voie de gauche, d’abord légèrement en arrière du camion, rattrape ce dernier et que les arrières respectifs des deux véhicules se trouvent à la même hauteur à 8h29’39’’. A ce moment-là et dans la demi-seconde qui suit, les deux véhicules entament en même temps leur manœuvre pour se placer sur la voie centrale. Ce fait est en particulier révélé par un arrêt sur image à 8h29’40’’. Le fait retenu par le tribunal de police, contesté par l’appelant, selon lequel les deux véhicules étaient à la même hauteur lorsqu’ils avaient entamé leur manœuvre, est donc correct. Partant, il n’y a pas de constatation erronée à cet égard. On précisera seulement que les dimensions des véhicules ne sont à l’évidence pas identiques et que c’était leurs arrières qui étaient à la même hauteur.
S’agissant de l’engagement des prévenus sur la voie centrale, il y a lieu de se référer d’abord à ce qui précède. Ensuite, l’enregistrement de vidéosurveillance révèle que, dès 8h29’41’’, la vitesse de la voiture de la prévenue étant légèrement supérieure à celle du camion, la
Volkswagen Polo
se trouve plus vite engagé sur la voie centrale que le camion, contrairement à ce que soutient l’appelant. A 8h29’42’’, on observe que les deux véhicules occupent chacun la moitié de la voie centrale, même si leurs dimensions respectives ont pour effet que la voiture est plus totalement engagée sur cette voie. Aussitôt après, soit entre 8h29’43’’ et 44’’, on voit que la touchette a bien lieu au milieu de la voie centrale, comme l’a retenu le premier juge.
On ajoutera enfin que les deux conducteurs ont enclenché leur indicateur de direction; on présume en outre, sur la foi de leurs témoignages, qu’ils ont regardé dans leur rétroviseur, ce qui n’a en l’espèce toutefois guère eu d’influence, dans la mesure où ils étaient chacun en quelque sorte dans un angle mort pour observer l’autre dans le rétroviseur.
4.4
Au vu de ce qui précède, il faut considérer que le jugement attaqué, confirmé par des enregistrements visuels et chronologiques ayant pleine valeur probante, ne procède pas d’une constatation incomplète ou erronée des faits au sens de l’art. 398 al. 3 let. b CPP. Les considérations, mentionnées plus haut, de l’appelant n’y changent rien.
Ce premier moyen doit donc être rejeté.
5.
5.1
L’appelant se plaint ensuite d’une violation du droit, soit d’un excès de son pouvoir d’appréciation par le premier juge au sens de l’art. 398 al. 3 let. a CPP. Le raisonnement développé à l’appui de ce moyen (cf. déclaration d’appel, pp. 5 à 7) présuppose cependant l’admission du premier moyen de l’appel, tiré d’une constatation erronée des faits. L’appelant part ainsi du principe qu’il a respecté ses devoirs de prudence et d’attention et il invoque le principe de la confiance.
Le rejet du premier moyen vide pour l’essentiel de sa substance ce second moyen. En réalité, l’appelant n’a, tout comme l’autre conductrice, pas suffisamment respecté ses devoirs de prudence et d’attention en changeant de présélection. Dans la configuration particulière du cas d’espèce, soit une autoroute à trois voies, donc une chaussée d’une largeur inhabituelle et dans un flux routier dense, chacun des deux conducteurs, même s’il a enclenché son indicateur de direction et a regardé dans son ou ses rétroviseurs, n’a pas suffisamment tenu compte du trafic dans son ensemble. En particulier, les prévenus n’ont pas pris assez en considération le fait que le trafic, qui ne se situait pas sur la voie immédiatement voisine, mais sur la seconde voie parallèle à la piste empruntée, était plus difficile à observer. Malencontreusement avant tout, les deux conducteurs se sont trouvés simultanément à la même hauteur avec une intention identique de se déplacer sur la voie centrale. Cela étant, il leur aurait néanmoins appartenu de prêter chacun suffisamment attention à l’ensemble du trafic, y compris à celui sur la voie la plus éloignée.
Ayant failli à cette exigence, l’appelant a fait preuve d’inattention. Par là, il a enfreint son obligation de prudence et d’attention découlant des art. 31 al. 1 LCR et 3 al. 1 OCR, qui plus est en violation du devoir qualifié découlant de l’art. 34 al. 3 LCR. Ce faisant, il a contrevenu à l’art. 44 al. 1 LCR. L’imprévoyance doit dès lors être tenue pour coupable. L’auteur a donc agi par négligence au sens de l’art. 12 al. 3 CP, applicable par renvoi de l’art. 102 al. 1 LCR. Cette négligence est punissable conformément à l’art. 100 al. 1, 1
re
phrase, LCR.
5.2
L’analyse juridique faite par le premier juge est dès lors correcte. Elle doit ainsi être confirmée, dans son intégralité, pour ce qui est des éléments constitutifs de la négligence pénalement punissable. A défaut de tout autre facteur dommageable, cette négligence (de chacun des deux prévenus) est seule à l’origine de la collision, ce qui n’est du reste pas matériellement contesté.
L’appel doit donc aussi être rejeté sur ce point également.
6.
Enfin, le rapport de causalité naturelle entre l’accident et les lésions corporelles subies par la victime n’est pas contesté, à juste titre. Naturelle en fait, la causalité doit en outre être tenue pour adéquate en droit, ce qui n’est du reste pas davantage contesté. Les éléments constitutifs de l’infraction de lésions corporelles simples par négligence sont donc réalisés. C’est dès lors à raison que l’appelant, tout comme l’intimée du reste, a été reconnu coupable de lésions corporelles simples par négligence. Enfin, la peine pécuniaire n’est contestée ni dans sa nature ni dans sa quotité, pas plus que ne l’est l’amende.
7.
Vu l'issue de l’appel, les frais de la procédure d'appel doivent être mis à la charge du prévenu L._ (art. 428 al. 1, 1
re
phrase, CPP). Ces frais sont limités à l’émolument (art. 422 al. 1 CPP; art. 2 al. 2 ch. 1 TFJP).
Il n’y a pas lieu à allouer d’indemnité selon l’art. 429 CPP à l’intimé S._, qui n’a pas quantifié ses prétentions selon l’art. 433 al. 2 CPP. Quant à l’intimée G._, elle n’a pas procédé avec l’assistance d’un mandataire et n’a au surplus pas allégué que la procédure d’appel lui ait occasionné de quelconques frais. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
322ae0e0-51a0-477e-b1fb-fbfae0cf17ee | En fait :
A.
Par jugement du 6 mai 2011, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a, notamment, condamné T._, pour menaces qualifiées, violation de domicile, ainsi que pour infraction et contravention à la LArm, à vingt mois de peine privative de liberté, sous déduction de 308 jours de détention avant jugement, et au paiement d’une part des frais, par 13'139 fr. 40 (I), a révoqué le sursis accordé au condamné le 4 juin 2009 par le Tribunal correctionnel de Lausanne et ordonné l’exécution de la peine de neuf mois de privation de liberté et vingt jours-amende (II), a ordonné le maintien en détention du condamné à titre de sûreté (III) et a dit que le condamné était débiteur de F._ de la somme de 6'000 fr. à titre d’indemnité pour tort moral (IV).
B.
Les faits retenus sont les suivants :
1.1 Le prévenu T._, né en 1963, ressortissant du Kosovo, séjourne en Suisse depuis la fin des années 1980. En 1990, il a épousé F._. Deux enfants, nés le 15 mai 1992 et le 12 janvier 1997, sont issus de cette union. Le divorce des époux F._ a été prononcé par jugement rendu le 4 mars 2010 par le Tribunal civil de l'arrondissement de Lausanne, définitif et exécutoire dès le 30 avril suivant.
Les époux sont séparés de fait depuis le 1
er
février 2008. La procédure de divorce, introduite par demande de l'épouse, a été précédée de mesures protectrices de l'union conjugale. Les époux ont depuis lors eu des domiciles séparés. Par décision du 11 septembre 2008, le Président du Tribunal civil de l'arrondissement de Lausanne a fait défense au conjoint défendeur, sous la menace de la peine d'amende prévue à l'art. 292 CP, d'avoir le moindre contact avec son épouse, sous quelque forme que ce soit (écrit, oral, téléphonique, physique, etc.), ainsi que de s'approcher d'elle à moins de 100 mètres.
Aujourd'hui encore, le prévenu n'accepte toujours pas le principe du divorce. Il ne conçoit pas que son ex-épouse ne soit plus d'accord de partager sa vie et qu'elle puisse envisager de vivre sans lui. Il n'a eu cesse de tenter de reprendre contact avec elle. Il dit souffrir de ne plus voir ses enfants.
1.2 Par jugement du 4 juin 2009, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a, notamment, condamné le prévenu, pour menaces qualifiées, voies de fait qualifiées, injure, contrainte, violation de domicile, abus du téléphone et insoumission à une décision de l'autorité, à une peine privative de liberté de dix-huit mois, sous déduction de 242 jours de détention avant jugement, dont neuf mois avec sursis pendant deux ans, à quarante jours-amende de 20 fr. dont vingt jours-amende avec sursis pendant deux ans, ainsi qu’à une amende de 1'000 fr. Ce jugement a été entièrement confirmé par arrêt de la Cour de cassation pénale du 10 septembre 2009 (n° 392), définitif et exécutoire. Aucune inscription autre que celle afférente à cette condamnation ne figure au casier judiciaire du prévenu.
Selon un rapport d'expertise psychiatrique établi le 6 avril 2009 dans le cadre de cette précédente affaire, le prévenu ne présentait pas de troubles cognitifs l'ayant empêché d'apprécier le caractère illicite de ses actes, mais le contexte pouvait avoir entraîné une légère altération de sa faculté de se déterminer. Toujours à dires d'expert, il ne présentait aucune pathologie. Le risque de récidive était décrit comme "non négligeable".
1.3 Libéré le 4 juillet 2009, le prévenu n'a pas suivi le programme organisé par la Fondation Jeunesse et Famille. On ne sait pas très bien ce qu'il a fait jusqu'aux faits survenus le 3 juillet 2010, décrits ci-dessous. Son ex-épouse a dit avoir été menacée et avoir vu son ex-mari rôder autour de chez elle durant cette période.
A Lausanne, au début du mois d'avril 2010, le prévenu a acheté à une personne non identifiée un pistolet, ainsi que de la munition correspondante, ce sans être titulaire du permis de port d'arme. Le prévenu s'est en outre procuré un passe lui permettant d'ouvrir la porte de l'appartement de son ex-épouse.
Dans la matinée du samedi 3 juillet 2010, le prévenu a téléphoné à sa fille née en 1997 pour lui demander si sa mère était à la maison. Ensuite, vers 11 h, il s'est rendu au domicile de son ex-épouse à Renens en étant porteur d'un pistolet, entièrement munitionné mais non chargé. Il a pénétré dans l'appartement au moyen d'une clé qu'il avait conservée. Au salon, il a surpris F._ qui était en conversation avec une voisine. Il a simultanément intimé l'ordre à cette dernière de quitter le logement, ce qu'elle a fait sans tarder, et sorti de derrière son dos le pistolet qu'il a d'abord tenu le long du corps. Il a ensuite dirigé le canon de l'arme vers son ex-épouse. Sa fille est alors entrée dans la pièce. Le prévenu s'est tourné vers sa fille et a dissimulé l'arme dans son dos. F._ s'est levée du sofa sur lequel elle était assise et s'est jetée sur le prévenu. Tous deux sont retombés sur le divan, le prévenu tenant toujours l'arme dans son dos. Répondant à sa fille, ce dernier a alors dit qu'il n'allait pas faire de mal à son ex-épouse, mais qu'il allait se suicider. Appelée par une amie de la jeune fille qui se trouvait avec elle dans sa chambre, la police est arrivée rapidement, a interpellé T._ sans que celui-ci n'oppose de résistance et a saisi son arme. L'intéressé avait sur lui, dans une poche intérieure de sa veste, un paquet de cigarettes contenant dix cartouches de 9 mm. Un paquet de 50 cartouches de même calibre a été retrouvé à son domicile. F._ a déposé plainte.
1.4 L'ordonnance de renvoi rendue le 15 décembre 2010 par le Juge d'instruction de l'arrondissement de La Côte à raison des faits ci-dessus, à laquelle le jugement se réfère, porte sur les infractions de menaces qualifiées, de violation de domicile, d'insoumission à une décision de l'autorité, ainsi que d'infraction et de contravention à la LArm.
1.5 Le prévenu a comparu à l'audience du tribunal correctionnel, avant d'être dispensé de la suite des débats en raison de son état de santé. En détention préventive depuis le 3 juillet 2010, il a en effet entamé une grève de la faim. Il a catégoriquement refusé de faire la distinction entre "chez lui" et "chez sa femme", respectivement chez son ex-épouse; il a confirmé qu'il n'acceptait pas le divorce. Il a affirmé que, le jour des faits, son dessein n'était pas d'attenter à la vie des siens, mais de se suicider devant la plaignante pour que celle-ci prenne conscience du mal qu'elle lui avait, selon lui, fait.
La plaignante a pris des conclusions en réparation de son tort moral à hauteur de 10'000 fr.
2. Appréciant la culpabilité du prévenu, le tribunal correctionnel l'a tenue pour lourde, ce d'autant que l'intéressé disait refuser le divorce et que les tourments qu'il infligeait aux siens perduraient depuis des années à compter du début de ses difficultés conjugales. De surcroît, il y a récidive après une infraction du même ordre, le prévenu n'ayant pas compris le sens du sursis qui lui avait été octroyé par le jugement du 4 juin 2009. Enfin, le prévenu avait accompli un acte de justice propre et fait preuve d'une attitude obstinée. A décharge ont été prises en compte une diminution formelle de responsabilité, ainsi que la colère et la souffrance ressenties par l'intéressé en raison de sa séparation d'avec les siens. Le tribunal correctionnel a considéré que la situation dans le cas présent était rigoureusement identique à celle qui prévalait au moment de l'expertise. Se fondant sur ces éléments, les premiers juges ont prononcé une peine privative de liberté qualifiée de significative. En outre, vu la gravité des faits et pour les motifs que le prévenu tenait des propos inquiétants et refusait de dire qu’il changerait de comportement une fois libéré, la cour a révoqué le sursis assortissant le solde de la peine privative de liberté et la peine pécuniaire prononcées le 4 juin 2009.
C.
T._ a annoncé faire appel de ce jugement par écriture du 7 mars 2011. Il a déclaré un appel partiel le 11 avril suivant. Il a conclu principalement à la réforme des chiffres II et III (recte : I et II) de son dispositif en ce sens que la peine est considérablement réduite, et assortie d’un sursis entier, voire partiel, et qu’il est renoncé à la révocation du précédent sursis. Subsidiairement, il a conclu à l’annulation du jugement et au renvoi de la cause à l’autorité de première instance. Il a produit trois pièces (nos 2 à 4), postérieures au jugement de première instance, qui peuvent être versées au dossier.
D.
A l'audience d'appel de ce jour, l'appelant a confirmé ses conclusions. L'intimée F._ a conclu, avec suite de frais et dépens, au rejet de l'appel. Le Ministère public a aussi conclu au rejet de l'appel. | En droit :
1.1
Interjeté en temps utile et suffisamment motivé, l'appel est recevable (art. 399 al. 1 et 3 CPP).
1.2
L’appelant se prévaut d’un abus de leur pouvoir d’appréciation par les premiers juges (art. 398 al. 3 let. a CPP), ainsi que de la constatation incomplète ou erronée des faits par l’autorité de première instance (art. 398 al. 3 let. b CPP) et, subsidiairement, du caractère inopportun de la décision attaquée (art. 398 al. 3 let. c CPP).
2.1
En l'espèce,
c
ritiquant d'abord l'état de fait, l’appelant soutient que les premiers juges ont examiné sa situation personnelle de manière trop hâtive, en renvoyant simplement au précédent jugement du 4 juin 2009. Il fait valoir qu’il a été expulsé de son logement lorsque son épouse a demandé la séparation, qu’il a ensuite été logé à l’hôtel, qu’après son incarcération, l’hôtelier a jeté ses affaires, qu’il n’avait donc plus rien à sa libération, qu’il est atteint d’ostéoporose, voire d’un cancer des os et que son entreprise a périclité au début des années 2000, bref qu’il a « tout perdu »; il ajoute qu’il a entamé une grève de la faim en avril 2010 et que son état physique et psychique s’est dégradé, qu’il a perdu la vue, que le jour de l’audience du Tribunal correctionnel, il ne comprenait pas ce qui se passait.
2.2
La constatation des faits est incomplète lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, dans : Kuhn/Jeanneret [éd.], Code de procédure pénale suisse, Commentaire romand, Bâle 2011, n. 19 ad art. 398 CPP).
2.3
Le jugement expose la situation personnelle du prévenu (pp. 7-8). Il est notamment mentionné que les époux ont divorcé à la suite d’une longue procédure, que le prévenu « dit souffrir » et que c’est « certainement vrai ». Il est mentionné que, depuis l’année 2000, le prévenu n’a plus été en mesure de travailler, qu’il souffre notamment du dos, mais que l’AI a été refusée. Le jugement entrepris fait aussi référence au précédent jugement pénal, du 4 juin 2009, non pour éviter d’exposer la situation du prévenu, mais pour compléter cet exposé. D’ailleurs, cette référence est suivie de l’énoncé de certains éléments ressortant de ce précédent que les premiers juges ont trouvé importants. Les éléments matériels nécessaires pour l'appréciation de la culpabilité selon l'art. 47 CP figurent ainsi dans le jugement. Le juge n'a pas à rédiger une biographie complète du prévenu, mais uniquement à présenter les éléments essentiels pour statuer sur l'action pénale.
Il ressort du procès-verbal de l’audience, inclus dans le jugement (p. 3), que l’état de santé du prévenu, qui s’adonne à un jeûne de protestation, a été contrôlé par le service médical de la prison, que l’intéressé, s’il est faible et prostré, « comprend néanmoins parfaitement le sens des questions posées et répond normalement et correctement ». Lorsqu’il a été trop fatigué, il a été dispensé de la suite des débats et représenté par son conseil. Le jugement contient ensuite la phrase suivante : « Les parties, à qui le procès-verbal est relu à ce stade, se déclarent d’accord avec son contenu ». La pièce 2 produite avec l’appel confirme que la capacité de discernement du prévenu est maintenue et que l'intéressé ne présente pas de problèmes de santé liés à sa grève de la faim autres qu’une perte de poids importante et une déshydratation.
Dans ces conditions les griefs de l’appelant déduits de l'art. 398 al. 3 let. b CPP concernant une prise en considération insuffisante de sa situation personnelle sont infondés.
3.1
L’appelant fait ensuite valoir que le Parquet avait requis une peine d’ensemble de deux ans, comprenant la révocation du précédent sursis. Il reproche aux premiers juges de lui avoir infligé une peine plus lourde que celle requise et leur fait grief de ce que la sanction prononcée n’est, selon lui, ni « complémentaire » ni « d’ensemble » par rapport à la peine précédente.
3.2
Aux termes de l'art. 46 CP, si, durant le délai d'épreuve, le condamné commet un crime ou un délit et qu'il y a dès lors lieu de prévoir qu'il commettra de nouvelles infractions, le juge révoque le sursis ou le sursis partiel. Il peut modifier le genre de la peine révoquée pour fixer, avec la nouvelle peine, une peine d'ensemble conformément à l'art. 49 CP. L'art. 49 al. 2 CP prévoit que, si le juge doit prononcer une condamnation pour une infraction que l’auteur a commise avant d’avoir été condamné pour une autre infraction, il fixe la peine complémentaire de sorte que l’auteur ne soit pas puni plus sévèrement que si les diverses infractions avaient fait l’objet d’un seul jugement.
3.3
Le prévenu a été condamné, par jugement du 4 juin 2009 du Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne, à une peine privative de liberté de dix-huit mois, sous déduction de 242 jours de détention avant jugement, dont neuf mois avec sursis pendant deux ans, à quarante jours-amende de 20 fr. dont vingt jours-amende avec sursis pendant deux ans, ainsi qu’à une amende de 1'000 fr. Ce jugement a été confirmé par arrêt de la Cour de cassation pénale du 10 septembre 2009.
Les faits reprochés au prévenu dans la présente affaire datent d’avril et de juillet 2010. Ils sont postérieurs au jugement du 4 juin 2009 et à l’arrêt du 10 septembre 2009 précités. Les infractions ont été commises durant le délai d'épreuve du sursis.
Il n’y avait donc pas matière à prononcer une peine « complémentaire » au sens de l’art. 49 al. 2 CP. Bien plutôt, s'agissant de la révocation d'un sursis, la norme topique est l'art. 46 al. 2 CP, précité. Comme déjà relevé, le prononcé d'une peine d'ensemble constitue une faculté et non une obligation.
La précédente condamnation portait sur une peine privative de liberté et sur une peine pécuniaire. Les premiers juges ont choisi d’ordonner l’exécution de ces deux peines sans les modifier. Dans ces conditions, la peine à prononcer pour les faits de la présente cause n’est pas « d’ensemble » au sens de la norme topique précitée, mais ne fait que s'ajouter aux précédentes selon l'art. 46 al. 1, 1
ère
phrase, CP. Enfin, le tribunal n’est bien sûr pas lié par les réquisitions du Ministère public, mais uniquement par les principes généraux résultant de la loi et de la jurisprudence en matière de fixation de la peine.
4.1
L'appelant critique ensuite la quotité de la peine d'une manière générale. Il soutient que sa quotité est excessive.
4.2
L'art. 47 al. 1 CP, qui régit la quotité de la peine au vu de la culpabilité de l'auteur, reprend les critères des antécédents et de la situation personnelle consacrés par l'art. 63 aCP, tout en leur ajoutant la nécessité de prendre en considération l’effet de la peine sur l’avenir du condamné. S’agissant de ce dernier élément, le Message précise que le juge n’est pas contraint d’infliger la peine correspondant à la culpabilité de l’auteur s’il y a lieu de prévoir qu’une peine plus clémente suffira à le détourner de commettre d’autres infractions (FF 1999 II 1866). Cet aspect de prévention spéciale ne permet toutefois que des corrections marginales. Il ne saurait l'emporter sur l’appréciation de la culpabilité du délinquant, l'effet de la peine devant toujours rester proportionné à la faute. L'art. 47 al. 2 CP codifie la jurisprudence rendue en vertu de l’art. 63 aCP (cf. not. ATF 129 IV 6 c. 6.1; ATF 127 IV 101 c. 2a; ATF 118 IV 21 c. 2b; cf. aussi notamment TF 6B_207/2007 du 6 septembre 2007).
La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte; du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etribunal correctionnel.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (TF 6B_722/2010 du 17 février 2011 c. 1.2). Il faut ensuite aggraver ou atténuer la peine en fonction des circonstances spéciales réalisées.
Même sous le régime de l'appel, fixer la peine est une prérogative du juge de première instance, qui dispose d’une certaine latitude. Partant, même si l’autorité d’appel peut censurer l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 398 al. 3 let. a CPP, précité), elle doit s’imposer une retenue dans son examen.
4.3
La peine se situe dans le cadre fixé par les art. 180 et 186 CP, élargi par l’art. 49 al. 1 CP, mentionné au début du dispositif, si ce n’est dans la discussion de la peine. Sous l'angle de l'art. 47 CP, les éléments d’appréciation retenus à charge et à décharge, auxquels il suffit de renvoyer, sont pertinents. Le Tribunal a en effet tenu compte des faits, du mobile, de la situation du prévenu, de ses antécédents et de son attitude durant la procédure. Aucun élément déterminant au regard de l'art. 47 CP n'a été omis, respectivement ne s'est vu conférer une portée excessive ou insuffisante. Pour le reste, le tribunal n’a pas tenu compte d’éléments étrangers à l’art. 47 CP. Partant, la motivation est suffisante au regard des exigences de l'art. 50 CP. Compte tenu en particulier des circonstances atypiques du cas d'espèce, à savoir de l'acharnement hors du commun, expressément relevé par les premiers juges, dont fait preuve l'appelant envers son ex-épouse, ainsi que de son refus revendiqué d'accepter son divorce, la peine privative de liberté prononcée ne procède pas d'une violation du droit fédéral, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, au sens de l'art. 398 al. 3 let. a CPP.
Au vu de qui précède, la quotité de la peine doit être confirmée.
5.1
Sous l'angle du refus du sursis (entier, respectivement partiel), l’appelant soutient que le pronostic défavorable émis par les premiers juges ne repose sur aucun élément concret. Il reproche au tribunal correctionnel de n’avoir requis « ni expertise, ni pièces ». Il relève qu’après sa libération, le 5 juillet 2009, il s’est bien comporté jusqu’aux faits de la présente cause, le 3 juillet 2010, soit durant un an. Il fait grief aux premiers juges de l’avoir considéré comme un « délinquant d’habitude » et d’avoir voulu prononcer une peine « exemplaire », alors qu’il s’agirait d’un acte isolé commis sous l’influence de l’alcool.
5.2.1
Le juge suspend en règle générale l’exécution d’une peine pécuniaire, d’un travail d’intérêt général ou d’une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu’une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l’auteur d’autres crimes ou délits (art. 42 al. 1 CP). Selon l’art. 42 al. 2 CP, si, durant les cinq ans qui précèdent l’infraction, l’auteur a été condamné à une peine privative de liberté ferme ou avec sursis de six mois au moins, il ne peut y avoir de sursis à l’exécution de la peine qu’en cas de circonstances particulièrement favorables.
5.2.2
Selon la jurisprudence, les conditions subjectives auxquelles l'art. 42 CP soumet l'octroi du sursis intégral s'appliquent également à l'octroi du sursis partiel (ATF 134 IV 1 c. 5.3.1). Par conditions subjectives, il faut entendre notamment la condition posée à l'art. 42 al. 2 CP (ATF 134 IV 1 c. 4.2 et 4.2.3). Il s'ensuit que l'octroi du sursis partiel est exclu si, durant les cinq ans qui précèdent l'infraction, l'auteur a été condamné à une peine privative de liberté ferme ou avec sursis de six mois au moins ou à une peine pécuniaire de cent huitante jours-amende au moins, sauf s'il justifie de circonstances particulièrement favorables, c'est-à-dire de circonstances propres à renverser la présomption de pronostic négatif attachée à un tel antécédent (TF 6B_510/2010 du 4 octobre 2010 c. 1.1 et les références). Enfin, la doctrine a précisé que les antécédents visés par l’art. 42 al. 2 CP étaient les condamnations définitives et exécutoires (cf. Schneider/Garré, in : Basler Kommentar, Strafrecht I, 2
ème
éd., Bâle 2007, n. 83 ad art. 42 CP).
5.3
Ici, l'on est dans un cas de récidive prévu par l'art. 42 al. 2 CP. Le problème ne se pose dès lors plus en terme de pronostic favorable présumé, comme pour ce qui est du sursis selon l'art. 42 al. 1 CP. Or, il ressort du jugement que le prévenu n’accepte toujours pas la séparation voulue par son épouse. Son comportement lui a valu une première condamnation en 2009 à raison de faits du même ordre. Une expertise psychiatrique a été effectuée dans le cadre de cette procédure pénale ; elle a conclu à un risque de récidive non négligeable, avec raison, puisque ce risque s’est concrétisé lorsque le prévenu a récidivé en 2010. Selon les premiers juges, la situation aujourd’hui est « rigoureusement identique » à celle qui prévalait lors de l'expertise. Le prévenu déclare encore ne pas accepter le divorce (p. 3), tient des propos inquiétants (p. 8-9), et refuse de dire qu’il changera de comportement une fois libéré (p. 10). Il a entamé une grève de la faim pour protester. On voit en outre que cette attitude n’a pas changé pendant la procédure d'appel. Le prévenu n’accepte aucune des décisions prises par les tribunaux civils et pénaux. Le fait qu’il n’ait commis de nouvelles infractions à l'encontre des siens « que » un an après sa libération ne saurait être considéré comme une circonstance particulièrement favorable. On constate a posteriori qu’au lieu de mettre ce temps à profit pour évoluer, il n’a fait que ruminer sa rancœur. D’ailleurs, il ressort du jugement que l'on ne sait pas très bien ce que le prévenu a fait durant cet intervalle; la plaignante dit avoir été menacée et avoir vu son ex-mari rôder autour de chez elle. Du reste, le pistolet avait été acquis, en violation de la LArm, précisément durant la période que l'appelant tient pour exempte de toute infraction.
L’appelant n’indique pas quelle expertise ou pièces le tribunal aurait dû requérir. Comme déjà relevé, une expertise psychiatrique a été effectuée en 2009. Cet avis est assez récent pour qu’il soit encore valable à défaut de tout fait nouveau notable survenu dans l'intervalle. Le prévenu n’a d’ailleurs pas requis de nouvelle expertise, comme l’ont relevé les premiers juges. Il n’a pas non plus sollicité d’autres mesures d’instruction, que ce soit aux débats du tribunal correctionnel ou dans le cadre de son appel.
En outre, rien dans le jugement ne permet de déduire que le prévenu a été considéré comme un « délinquant d’habitude », ni que le tribunal a voulu faire un exemple.
Le jugement ne fait pas état d’une éventuelle alcoolisation du prévenu au moment des faits. Il ressort effectivement de la pièce 4 que, le 3 juillet 2010, l’intéressé présentait un taux d’alcool de 1,37 g o/oo. Cela étant, les premiers juges ont retenu une « diminution formelle de responsabilité » (p. 10 et le dispositif qui fait référence à l’art. 19 al. 2 CP) sur la base de l’expertise psychiatrique. Or, les experts, dans leur rapport (P. 8), se sont penchés sur la question de l’alcoolisation car ce fait était déjà invoqué pour l’un des épisodes alors reprochés à l’intéressé. Ils en ont tenu compte dans leurs conclusions en ce sens que l’alcool a pu favoriser une désinhibition (pp. 14 et 16). Leur appréciation est transposable aux faits survenus le 3 juillet 2010. Au surplus, ces infractions ne constituent pas un acte isolé et spontané à mettre sur le compte d'une alcoolisation, puisqu’il y a eu des précédents (le jugement du 4 juin 2009 retient plusieurs épisodes de harcèlement divers) et que, trois mois avant de menacer la plaignante, le prévenu avait pris soin d’acheter une arme avec la munition correspondante en quantité considérable.
A défaut de circonstances particulièrement favorables au sens légal, il n'existe donc aucun élément de nature à renverser la présomption posée en défaveur du sursis par l'art. 42 al. 2 CP dans un cas semblable.
Le refus du sursis découle ainsi directement de l'art. 42 al. 2 CP et sa motivation satisfait aux réquisits de l'art. 50 CP. Il ne procède pas d'une violation du droit fédéral, y compris d’un excès ou d’un abus du pouvoir d’appréciation, au sens de l'art. 398 al. 3 let. a CPP. On ne voit pas non plus en quoi le jugement entrepris serait inopportun à cet égard au sens de l'art. 398 al. 3 let. c CPP.
6.1
Enfin, l'appelant conteste la révocation du sursis assortissant la peine prononcée par le jugement du 4 juin 2009 du Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne. En plaidoirie, il a fait valoir qu'un pronostic favorable devait être posé à son égard, pour le motif que les infractions ici en cause avaient été commises dans l'état émotionnel perturbé de manière récurrente résultant de son divorce.
6.2
La révocation du sursis dépend des infractions commises pendant le délai d'épreuve, lesquelles permettront d'établir un pronostic favorable ou défavorable (ATF 134 IV 140 c. 4.2). Seul un pronostic défavorable peut justifier la révocation; à défaut, le juge doit renoncer à celle-ci (ATF 134 IV 140 c. 4.3). Le pronostic doit être posé sur la base d'une appréciation d'ensemble, qui tienne compte des circonstances de l'infraction, des antécédents du condamné, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste, soit de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble de son caractère et ses chances d'amendement. Il est inadmissible que le juge qui pose ce pronostic accorde un poids particulier à certains critères et qu'il en néglige d'autres qui sont pertinents. Il doit par ailleurs motiver sa décision (cf. art. 50 CP) d'une manière qui permette de vérifier s'il a tenu compte de tous les éléments pertinents et de comprendre comment il les a appréciés (ATF 134 IV 140 c. 4.4). ). Lorsqu'il s'agit de fixer le pronostic, le juge doit également tenir compte de l'effet dissuasif que peut exercer la nouvelle peine, si elle doit être exécutée; il en va de même s'agissant de l'effet de l'exécution d'une peine, à la suite de la révocation d'un sursis accordé précédemment (ATF 134 IV 140 c. 4.5).
Un autre critère déterminant pour juger du risque de réitération et, partant, pour poser le pronostic prévu par la loi est celui de l'effet de choc et d'avertissement (
Warnungswirkung
) issu de la condamnation précédente, y compris en ce qui concerne l'aménagement ultérieur de la vie de l'intéressé; s'il est avéré, un tel effet constitue un facteur favorable – même s'il n'est pas déterminant à lui seul - dans l'examen du pronostic (cf. l'arrêt précité c. 5.3).
La faculté qui est accordée au juge de modifier le genre de la peine révoquée pour fixer, avec la nouvelle sanction, une peine d'ensemble conformément à l'art. 46 CP peut se révéler problématique. La fixation d'une peine d'ensemble par application analogique de l'art. 46 CP n'entre pas en considération si la peine assortie du sursis révoqué et celle nouvellement prononcée sont du même genre (ATF 134 IV 241 c. 4.4.1). De plus, cette modification n'est que facultative (arrêt précité, ibid.); elle est donc laissée à l'appréciation du juge, qui doit toutefois motiver son choix sans abuser de son pouvoir.
6.3
Le prévenu a été condamné notamment pour menaces qualifiées et violation de domicile, ce déjà au préjudice de sa future ex-femme. Il y a donc une récidive spéciale, dans le délai d’épreuve de deux ans imparti par le jugement du 4 juin 2009. A ce jour encore, le prévenu refuse d’admettre ses torts et tient des propos qualifiés d'inquiétants. Le risque de récidive est attesté aussi par l’expertise psychiatrique. La détention n’a pas eu d’effet dissuasif, que ce soit celle subie à la suite de la première affaire, ou la détention avant jugement subie jusqu’aux débats, puisque l’intéressé refuse de dire qu’il changera de comportement après sa libération; bien plutôt, il continue de tenir des propos inquiétants. Les souffrances ressenties par l'intéressé n'ont pas été ignorées par la cour, qui les tient expressément pour avérées. Dans ces conditions, c’est à juste titre que les premiers juges ont considéré que le pronostic était défavorable, ce même après l'exécution de la peine privative de liberté nouvellement prononcée. On ne trouve aucun élément favorable. La cour de céans fait donc siennes les conclusions pessimistes du tribunal correctionnel. La révocation du sursis procède ainsi également, à tous égards, d'une correcte application du droit fédéral.
7.
L'appel doit donc être rejeté. La détention subie depuis le jugement de première instance est déduite. Le maintien en détention de l'appelant à titre de sûreté est ordonné.
L'appelant succombe entièrement sur ses conclusions. Les frais de la procédure d'appel selon l'art. 424 CPP doivent être mis à sa charge (art. 428 al. 1, 1
ère
phrase, CPP). Ces frais comprennent l'indemnité de son défenseur d’office pour la procédure d’appel, d'une part, et l'indemnité de conseil d’office pour la procédure d’appel en faveur de l'intimée, d'autre part. Elles doivent être arrêtées respectivement à 3'067 fr. 20 et à 2'574 fr. 70, débours et TVA compris, au vu de l'ampleur des opérations effectuées par l'un et par l'autre des mandataires.
L'appelant ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant des indemnités prévues ci-dessus que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
322df629-5634-47c9-9d6c-1560b70caad3 | En fait :
A.
Par jugement du 15 octobre 2014, le Tribunal de police de l’arrondissement de La Côte a libéré B.B._ des infractions de séquestration et enlèvement et de contrainte (I), a libéré A.B._ des infractions de voies de fait, de séquestration et enlèvement et de contrainte (II), a rejeté la conclusion de B.B._ tendant à l’allocation d’une indemnité à forme de l’art. 429 CPP (III), a rejeté la conclusion d’A.B._ tendant à l’allocation d’une indemnité à forme de l’art. 429 CPP (IV), a rejeté la conclusion de Z._ tendant à l’allocation d’une indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure à forme de l’art. 433 CPP (V) et a mis les frais de la cause par 1'900 fr. à la charge de B.B._ et A.B._, solidairement entre eux (VI).
B.
a)
Par annonce du 17 octobre 2014, puis par déclaration du 8 janvier 2015, B.B._ et A.B._ ont formé appel contre ce jugement, concluant à la réforme du chiffre VI en ce sens que les frais de la cause sont entièrement laissés à la charge de l’Etat.
A titre de mesures d'instruction, ils ont requis la production du dossier pénal référencé [...].
b)
Par annonce du 21 octobre 2014, puis par déclaration du 12 janvier 2015, Z._ a également formé appel contre ce jugement, concluant à sa réforme en ce sens que B.B._ est condamné pour séquestration et enlèvement, à une peine fixée à dire du justice, qu’A.B._ est condamné pour séquestration et enlèvement, ainsi que pour voies de fait, à une peine fixée à dire de justice, et que B.B._ et A.B._ sont ses débiteurs d’une indemnité au sens de l’art. 433 CPP d’un montant de 5'162 fr. 50 pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure.
A titre de mesures d'instruction, elle a requis l'audition en qualité de témoin de F._.
Dans leurs déterminations du 9 février 2015, B.B._ et A.B._ ont conclu, avec suite de frais et dépens, au rejet de l’appel de Z._.
c)
Par avis du 23 mars 2015, la Présidence de la Cour de céans a rejeté les réquisitions de preuves tendant à l’audition de F._ pour Z._ et à la production du dossier pénal [...] pour B.B._ et A.B._, au motif qu’elles ne répondaient pas aux conditions de l’art. 389 CPP et qu’elles n’apparaissaient au surplus pas pertinentes.
Le 24 mars 2015, le Ministère public a conclu au rejet des deux appels.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
1.1
A.B._, né le [...] 1946 à [...], est originaire d’ [...]. Il est marié à [...]. Il est retraité de l’entreprise de construction-maçonnerie familiale, désormais gérée par son fils B.B._, également prévenu dans la présente affaire. Il perçoit un montant mensuel de 2'300 fr. d’AVS/caisse de retraite ainsi que des revenus de diverses locations, ce qui représente environ 7'000 fr. par mois. Il n’a pas de dettes, à l’exception de son hypothèque, et ses charges mensuelles s’élèvent à quelque 2'500 francs.
Son casier judiciaire ne comporte aucune inscription.
1.2
B.B._ est né le [...] 1979 à [...], dont il est originaire. Il gère l’entreprise de construction-maçonnerie familiale depuis la retraite de son père A.B._ et perçoit à ce titre un salaire mensuel brut de 4'500 francs. Il gère également des locations, dont il ne retire aucun revenu actuellement. Ses charges s’élèvent à environ 1'000 fr. par mois.
Son casier judiciaire ne comporte aucune inscription.
2.
A.B._ et son épouse étaient propriétaires d’une maison à [...], située sur la route [...], divisée en plusieurs appartements loués (au n° 67), ainsi que d’un atelier-dépôt (au n° 65) attenant, qu’ils occupaient professionnellement et au-dessus duquel ils louaient également un appartement de 3 pièces. La maison est devenue par la suite propriété de leur fils B.B._. A l’époque des faits, Z._ et son mari étaient locataires d’un des appartements de la maison depuis plusieurs années. Les relations entre les B._ et les Z._ durant cette période ont toujours été conflictuelles. Les parties ont été à plusieurs reprises en litige devant le Tribunal des baux.
F._ a également été locataire des B._ durant trois mois, en louant une chambre dans l’appartement situé au-dessus de l’atelier-dépôt ; elle disposait de la cuisine à bien plaire. Le jour des faits, elle procédait à l’état des lieux de sortie de la chambre précitée, qu’elle occupait seule. Comme elle avait eu quelques problèmes avec ses bailleurs, elle avait choisi de prendre un témoin, sur conseil de I’ASLOCA, et avait donc demandé à sa voisine, Z._, de l’assister lors de cette séance. Cette dernière avait accepté, en dépit du fait que B.B._ et A.B._ lui avaient toujours interdit l’accès à cet appartement.
2.1
Ainsi, le 30 mai 2012 vers 09h00, D._, de la gérance [...], qui procédait à l’état des lieux de sortie de F._, a découvert avec surprise Z._ sur place. Connaissant le contentieux avec les propriétaires et sachant que ceux-ci allaient venir, elle s’est empressée de procéder à l’état des lieux afin d’éviter tout problème. Elle était en train de le terminer quand B.B._ est arrivé dans l’appartement, vers 09h20. Constatant la présence de Z._, B.B._ a demandé à cette dernière de quitter immédiatement les lieux. Devant le refus de celle-ci tant que l’état des lieux n’était pas achevé, il est sorti pour appeler la police. Par la suite, A.B._ est arrivé. Son sang n’a fait qu’un tour lorsqu’il a entendu la voix de Z._ à l’étage. Il a ordonné à Z._ de quitter l’appartement, ce qu’elle a refusé. Il l’a alors bousculée. Intimé à se calmer par D._, il est sorti de l’appartement. Alors que Z._, la locataire et la gérante allaient quitter les lieux, les deux prévenus ont dit à Z._ qu’elle devait attendre l’arrivée de la police, car ils voulaient faire constater qu’elle était chez eux sans droit. Bien qu’elle eut répondu qu’elle voulait partir, Z._ a été empêchée de sortir par B.B._ et A.B._ qui avaient fermé la porte de l’appartement et s’étaient placé devant celle-ci. L’intéressée, qui avait elle aussi sollicité l’assistance des forces de l’ordre, a finalement pu quitter les lieux en compagnie de F._.
2.2
Z._ a déposé plainte pénale et s'est constituée partie civile le 27 juin 2012. A l'audience de jugement de première instance, elle a déposé des conclusions civiles, par lesquelles elle a conclu à ce que les prévenus soient reconnus ses débiteurs d'un montant de 5'162 fr. 50 au titre d'indemnité au sens de l'art. 433 CPP. | En droit :
1.
Interjetés dans les formes et délais légaux par des parties ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), les appels des prévenus et de la partie plaignante sont recevables.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier ; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, Niggli/Heer/Wiprächtiger [éd.], Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozess-ordnung, Jugendstrafprozessordnung, 2
e
éd. Bâle 2014, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP ; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
Les deux appels seront traités simultanément. En effet, si l’appel de Z._ a une portée plus étendue que l’appel de B.B._ et A.B._, dans la mesure où elle remet en cause la libération des prévenus alors que ceux-ci s’en prennent uniquement à la mise des frais de la procédure à leur charge, B.B._ et A.B._ ont toutefois également fait valoir des arguments à l’appui de leurs déterminations sur l’appel de la plaignante.
4.
Il convient tout d’abord de régler le sort de l’audition de D._ du 20 mars 2013 (PV aud. 2) devant le Ministère public, sans la présence des prévenus. Du fait qu’ils avaient explicitement demandé à y participer, mais qu’ils n’avaient pas été convoqués en raison d’une erreur du greffe, B.B._ et A.B._ invoquent qu’ils n’ont pas pu exercer valablement leurs droits, notamment en posant des questions au témoin. Ainsi, selon eux, le procès-verbal de cette audition ne serait pas exploitable à leur charge.
4.1
Conformément à l'art. 6 par. 3 let. d CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales; RS 0.101), tout accusé a le droit d'interroger ou de faire interroger les témoins à charge. Ce droit ne s'applique pas seulement s'agissant de témoins au sens strict du terme, mais à l'encontre de toute personne qui fait des déclarations à charge. Il s'agit d'un des aspects du droit à un procès équitable institué à l'art. 6 par. 1 CEDH. Cette garantie exclut qu'un jugement pénal soit fondé sur les déclarations de témoins sans qu'une occasion appropriée et suffisante soit au moins une fois offerte au prévenu de mettre ces témoignages en doute et d'interroger les témoins (ATF 131 I 476 c. 2.2 ; ATF 129 I 151 c. 3.1 et les références citées ; TF 6B_691/2010 du 30 mars 2011 c. 1).
Sous l’angle de la procédure pénale suisse, l’art. 147 al. 1 CPP consacre le principe général de l’administration des preuves durant l’instruction et la procédure principale en présence des parties ; il prévoit que ces dernières ont le droit d’assister à l’administration des preuves par le Ministère public et les tribunaux et de poser des questions aux comparants (ATF 139 IV 25 c. 4.2, JT 2013 IV 226 ; TF 6B_280/2014 c. 1.2.1). Une partie ou son conseil juridique peuvent demander que l'administration des preuves soit répétée lorsque, pour des motifs impérieux, le conseil juridique ou la partie non représentée n'a pas pu y prendre part. Il peut être renoncé à cette répétition lorsqu'elle entraînerait des frais et démarches disproportionnés et que le droit des parties d'être entendues, en particulier celui de poser des questions aux comparants, peut être satisfait d'une autre manière (art. 147 al. 3 CPP). En principe, il appartiendra toutefois aux autorités pénales de faire en sorte que, à un stade ou à un autre de la procédure, l’audition du témoin puisse être répétée en présence du prévenu et de son défenseur (cf. notamment CREP 21 mai 2013/286). Les preuves administrées en violation de l’art. 147 CPP ne sont pas exploitables à la charge de la partie qui n’était pas présente (art. 147 al. 4 CPP). Alors même que le conseil juridique ou la partie non assistée n’a pas pu y participer et poser des questions au comparant, une audition est exploitable lorsque, notamment, la partie ou son conseil juridique a renoncé de manière explicite ou tacite au droit de participer à la confrontation, respectivement à requérir la répétition de l’administration de la preuve (Olivier Thormann, in : Kuhn/Jeanneret [éd.], Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 33 ad art. 147 CPP).
4.2
Dans le cas particulier, les prévenus, qui n’avaient pas été convoqués à l’audition du 20 mars 2013 de D._ en raison d’une erreur du greffe, ont à plusieurs reprises demandé que ce témoin soit entendu à nouveau en leur présence (cf. P. 13-14 et P. 18). Cette audition a été appointée, puis annulée par le Ministère public pour des raisons externes aux prévenus. La témoin a finalement été entendue aux débats devant le Tribunal de police.
Conformément à la jurisprudence précitée, il ne doit pas être tenu compte de la première audition de D._, dans la mesure où celle-ci charge les prévenus et où ces derniers n’ont à l’évidence pas renoncé à leur droit de participer à la confrontation. On se fondera dès lors sur le témoignage de la gérante devant le tribunal de première instance.
5.
A l’appui de son moyen tiré d’une mauvaise appréciation des preuves, Z._ fait valoir qu’il y aurait suffisamment d’éléments permettant d’établir le déroulement exact des faits, dès lors qu’outre les parties, deux personnes ont assisté à l’altercation du 30 mai 2012 et que leurs témoignages n’ont pas été suffisamment pris en compte alors qu’ils accréditeraient sa version des faits. Il n’existerait ainsi aucun doute sur la réalité de ce qui s’était passé, de sorte que les prévenus devraient être condamnés (B.B._ pour séquestration et enlèvement [art. 183 CP], subsidiairement contrainte [art. 181 CP], et A.B._ pour séquestration et enlèvement, subsidiairement contrainte, et voies de fait [art. 126 CP]).
5.1
A la teneur de l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
La présomption d'innocence, garantie par les art. 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 ; RS 101), art. 6 par. 2 CEDH et art. 14 par. 2 Pacte ONU Il (Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 ; RS 0.103.2), ainsi que son corollaire, le principe
in dubio pro reo
, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves. En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d’innocence signifie que toute personne prévenue d’une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu’il appartient à l’accusation de prouver la culpabilité de celle-là (ATF 127 I 38 c. 2a ; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1). Comme règle d’appréciation des preuves, le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l’accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes ; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 la 31 c. 2c ; TF 6B_831/2009 précité c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (TF 6B_18/2011 du 6 septembre 2011 c. 2.1).
La constatation des faits est incomplète au sens de l’art. 398 al. 3 let. b CPP lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction
avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, in : Kuhn/Jeanneret, op. cit., n. 19 ad art. 398 CPP).
5.2
En l’espèce, il n’apparaît pas que les versions des protagonistes impliqués dans la présente affaire sont totalement contradictoires. En revanche, les faits qu’ils relatent font l’objet d’interprétations divergentes, la plaignante considérant notamment qu’elle a été empêchée par les prévenus de sortir de l’appartement, tandis que ceux-ci estiment lui avoir demandé de rester et d’attendre la venue de la police qu’ils avaient appelée, car elle se trouvait sans droit chez eux.
5.2.1
En substance, il ressort des déclarations de la plaignante que F._ lui a demandé de l’accompagner lors de l’état des lieux. Alors que celui-ci était sur le point de se terminer, B.B._ est arrivé dans l’appartement. Fâché d’y trouver la plaignante, il lui a ordonné de sortir. La plaignante lui a alors répondu qu’elle le ferait une fois le constat d’état des lieux signé, car elle était là comme témoin à la demande de la locataire, qui pouvait inviter qui bon lui semblait chez elle. Le prévenu lui a répondu qu’il allait appeler la police, puis est sorti. Quelques minutes plus tard, A.B._ est arrivé, exigeant également que la plaignante quitte les lieux. Il l’a attrapée fermement par le bras et l’a bousculée dans le but de la mettre dehors. D._ lui a dit de se calmer, de sorte qu’il est sorti ; l’état des lieux a ensuite été signé. Z._ était sur le point de sortir de l’appartement lorsque les deux prévenus y sont revenus et se sont mis en travers de la porte, la verrouillant et empêchant la plaignante de sortir. Cette dernière a finalement pu s’échapper. Selon elle, les événements ont duré 25 à 30 minutes (cf. P. 4 et jgt, pp. 6-7).
Pour sa part, le prévenu B.B._ a indiqué qu’il était arrivé sur les lieux avant son père. Constatant la présence de Z._ dans sa cuisine – lieu mis à disposition de la locataire à bien plaire – il lui a demandé de partir en lui disant qu’elle n’avait rien à y faire. A un moment, Z._ et la locataire sont parties s’enfermer dans la chambre de cette dernière. Par la suite, son père A.B._, qui était en bas, est arrivé. Il a élevé la voix et D._ lui a dit de se calmer, après quoi il est redescendu. B.B._ a contesté avoir empêché Z._ de sortir, confirmant lui avoir demandé d’attendre et précisant que la porte était fermée, mais pas à clé (cf. PV aud. 5 et jgt, p. 9). Le prévenu A.B._ a rapporté, quant à lui, que lorsqu’il avait entendu la voix de Z._ dans l’appartement, son sang n’avait fait qu’un tour en raison de litiges précédents qu’il avait eu avec elle et son mari. Il est monté et lui a demandé ce qu’elle faisait là, en ajoutant qu’elle n’était ni acceptée, ni tolérée, ni appréciée. Elle lui a répondu qu’elle faisait comme elle l’entendait et que cela ne le regardait pas si elle était présente. La gérante a alors calmé le jeu et il est parti dans le dépôt. A.B._ a contesté avoir à un moment donné empoigné ou touché la plaignante, admettant l’avoir peut-être bousculée parce qu’elle venait vers lui. Il a encore indiqué que lorsqu’il avait loué la chambre à F._, il lui avait d’emblée dit qu’il avait des problèmes avec Z._ et qu’il ne souhaitait pas qu’elle vienne dans l’appartement (cf. PV aud. 4 et jgt, p. 10).
Les déclarations des témoins précisent encore les faits. La locataire F._, qui avait demandé à la plaignante de l’accompagner lors de l’état des lieux, a indiqué qu’A.B._ n’était pas content que Z._ soit présente et lui a immédiatement dit qu’elle n’avait pas le droit d’être chez eux. A un certain moment, il l’a poussée lui intimant l’ordre de quitter les lieux. Alors que l’état des lieux était fini, la locataire a constaté qu’elle et Z._ ne pouvaient pas sortir de l’appartement, tous y étant enfermés. Un des prévenus l’a ensuite invitée à partir, mais comme il y avait une grande tension, elle a décidé de rester aux côtés de Z._. Elle a précisé que les prévenus étaient devant la porte qui était fermée, sans pouvoir dire si elle était verrouillée. Selon elle, les événements ont duré 15 à 20 minutes (cf. PV aud. 3).
Enfin, la gérante D._ a déclaré qu’elle était en train de terminer l’état des lieux quand B.B._ est arrivé et qu’il a été furieux de voir Z._, disant à celle-ci qu’elle n’avait rien à faire chez lui. Tout le monde était dans la cuisine, pièce commune aux locataires et propriétaires. Le prévenu est sorti appeler la police. A.B._ est ensuite arrivé. Il était aussi très énervé. Selon le témoin, il s’est tourné vers la plaignante brusquement et il est possible que la bousculade ait eu lieu à ce moment. La gérante lui a dit de se calmer, ce qu’il a fait. Par la suite, B.B._ est remonté et il a dit à Z._ de ne pas bouger car il avait appelé la police. Z._ et F._ se sont enfermées dans la chambre, avant de vouloir partir. A.B._ a dit à Z._ qu’elle devrait rester jusqu’à l’arrivée de la police. Il a fermé la porte. D._ a indiqué ne pas se souvenir si le prévenu s’était mis devant, précisant encore qu’elle ne se rappelait pas de quel A.B._ il s’agissait. Elle a ajouté qu’il ne voulait effectivement pas que Z._ parte avant que la police n’arrive et que cette dernière a demandé à plusieurs reprises de pouvoir partir (jgt, pp. 11-12).
5.2.2
Ainsi, sur la base des déclarations qui précèdent, la Cour de céans, procédant à sa propre appréciation des faits, retient que les prévenus ont été très énervés de constater chacun à leur tour la présence de la plaignante dans la cuisine de l’appartement lors de l’état des lieux de sortie du 30 mai 2012, alors que son accès lui était interdit. Se considérant comme chez eux, en raison du fait que seule la chambre était objet de la location à F._ – la cuisine étant mise à disposition de la locataire à bien plaire – et face au refus de Z._ de quitter l’appartement tant que l’état des lieux n’était pas signé, les prévenus ont décidé d’appeler la police. Dans l’attente de l’arrivée des forces de l’ordre, ils ont demandé avec insistance à la plaignante de ne pas quitter les lieux. Cette dernière a toutefois manifesté son souhait de sortir et a elle aussi appelé la police. Il y avait ainsi une grande tension entre eux. Dès lors que B.B._ et A.B._ ne voulaient pas que Z._ quitte l’appartement, il faut considérer qu’ils l’ont à l’évidence empêchée de partir en fermant la porte et en se tenant devant ou, à tout le moins, en manifestant par leur présence physique leur opposition à son départ, pendant environ une quinzaine de minutes au minimum. Le fait qu’il reste quelques incertitudes, notamment sur la chronologie exacte, n’est pas déterminant en ce sens que les faits décisifs sont eux établis.
Vu les témoignages unanimes sur ce point, il y a encore lieu de retenir que le prévenu A.B._ a bousculé la plaignante dans son énervement lorsqu’il a constaté la présence de celle-ci dans l’appartement et qu’elle a refusé d’en sortir.
6.
Les faits déterminants étant établis, il reste à en examiner la qualification juridique.
Z._ soutient qu’ayant été retenue et empêchée de sortir de l’appartement durant une dizaine de minutes au moins par les prévenus qui n’étaient pas en situation de légitime défense ou dans un cas de nécessité, les conditions de l’art. 183 CP seraient réalisées. Il en irait de même des conditions de l’art. 126 CP dans la mesure où il était établi qu’elle avait été bousculée par A.B._.
6.1
6.1.1
Aux termes de l'art. 183 ch. 1 CP, se rend coupable de séquestration et enlèvement, d'une part, celui qui, sans droit, arrête une personne, la retient prisonnière ou la prive de sa liberté de toute manière, et d'autre part, celui qui, en usant de violence, de ruse ou de menace, enlève une personne.
La séquestration est un cas particulier de la contrainte. Elle consiste à retenir, par la contrainte, une personne en un lieu déterminé, soit à lui enlever la liberté de se rendre du lieu où elle se trouve en un autre lieu selon son propre choix (ATF 119 IV 216 c. 2f ; Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. I, 3
e
éd., Berne 2010, nn. 5 ss ad art. 183 CP). Une entrave à la liberté de quelques minutes peut suffire et il n'est pas nécessaire que la victime se fasse enfermer (Dupuis et al., Petit Commentaire du Code pénal, Bâle 2012, nn. 7-8 ad art. 183 CP ; ATF 128 IV 75 c. 2a, SJ 2002 I, p. 511). La séquestration recouvre tous les comportements ayant pour conséquence de priver la victime de sa liberté de mouvement. La manière dont l’auteur traite la victime ou le moyen qu’il utilise pour atteindre le résultat importent peu dès lors qu’il suffit que le moyen soit propre à empêcher la victime de partir : par exemple, une personne peut être placée dans des conditions telles qu’elle se sent dans l’impossibilité de partir. Pour que l’infraction de séquestration soit consommée, il n’est pas nécessaire que la victime soit totalement privée de sa liberté. Il faut également que l’auteur ait agi sans droit. Cette condition n’est notamment pas remplie en cas de décision conforme aux règles de la procédure pénale (Corboz, op. cit. n. 36 ad art 183 CP ; Dupuis et al., Petit commentaire du Code pénal, Bâle 2012, n. 34 ad art. 183 CP).
L’infraction est de nature intentionnelle, le dol éventuel étant toutefois suffisant (Dupuis et al., n. 36 ad art. 183 CP).
6.1.2
Aux termes de l
’art. 218 al. 1 CPP, un particulier est autorisé à arrêter provisoirement une personne lorsqu’elle est surprise en flagrant délit de crime ou de délit (let. a) ou lorsque la population a été appelée à prêter son concours à la recherche de cette personne, lorsque l’aide de la police ne peut être obtenue à temps (let. b).
Le droit des particuliers est subsidiaire et ne peut être exercé que si la police ne peut intervenir à temps (Moreillon/Parein-Reymond, Petit Commentaire du Code de procédure pénale, Bâle 2013, n.2 ad art. 218 CPP). Par particulier, il faut entendre toute personne qui n’est pas membre des forces de police ; cette définition comprend toute personne privée, ceci même si elle exerce des tâches qui pourraient être assimilées à des tâches de police comme les membres de service de sécurité privée, les détectives privés ou encore les contrôleurs dans les bus ou les trains (Schmocker, in : Kuhn/Jeanneret [éd.], op. cit., nn. 7 ss ad art. 218 CPP). Pour autant que l’intervention soit adéquate et proportionnée, l’acte privé représente un fait justificatif au sens des art. 15 et 17 CP (Moreillon/Parein-Reymond, op. cit., n. 6 ad art. 218 CPP). Le particulier doit respecter le principe de la proportionnalité. En cas d’excès, il s’expose à une condamnation, notamment pour infraction contre la liberté si l’arrestation dure plus que nécessaire.
6.1.3
Aux termes de l'art. 126 al. 1 CP, celui qui se sera livré sur une personne à des voies de fait qui n'auront causé ni lésion corporelle ni atteinte à la santé sera, sur plainte, puni d'une amende.
L'art. 126 CP réprime les voies de fait infligées à autrui. Il incrimine donc l'adoption d'un comportement dénotant un certain degré d'agressivité et de violence, qui induit une atteinte à l'intégrité de faible intensité. D'après la jurisprudence, la notion de voies de fait caractérise les atteintes physiques qui excèdent ce qui est socialement toléré et qui ne causent ni lésions corporelles, ni dommage à la santé, voire même aucune douleur physique (ATF 134 IV 189 c. 1.2 ; Dupuis et al., op. cit., n. 3 s. ad art. 126 CP et les références citées). La gifle, les coups de poing ou de pied, les fortes bourrades avec les mains ou les coudes, les projections d’objets durs et d’un certain poids, l’arrosage de la victime au moyen d’un liquide et le fait d’ébouriffer une coiffure soigneusement élaborée constituent des exemples types de voies de fait (Dupuis et al., op. cit., n. 5 ad art. 126 CP).
L’infraction est de nature intentionnelle, le dol éventuel étant toutefois suffisant (Dupuis et al., op. cit., n. 8 ad art. 126 CP).
6.2
De la séquestration
Il est établi que Z._ a été empêchée de sortir de l’appartement par le comportement devant la porte manifestement oppositionnel des prévenus, lesquels ne voulaient pas qu’elle quitte l’appartement. Il importe peu à cet égard que la porte d’entrée était équipée d’une molette permettant un déverrouillage aisé depuis l’intérieur, dès lors qu’il faut considérer que la présence de deux hommes énervés devant la porte était suffisamment dissuasive pour que la plaignante, de manière compréhensible, se soit sentie retenue contre son gré. Il y a donc eu une entrave à sa liberté de mouvement.
Cela étant, pour que l’infraction de séquestration puisse être retenue, il faut que les auteurs aient agi sans droit. Tel n’est pas le cas en l’espèce. En effet, les prévenus, se considérant dans l’appartement, en particulier dans la cuisine, comme chez eux, ont été furieux d’y constater la présence de la plaignante, alors qu’ils avaient fait interdiction à cette dernière de mettre les pieds dans cet appartement. Z._ était d’ailleurs au courant de cette interdiction, mais elle y était allée quand même, à la demande de la locataire. Convaincus qu’elle avait commis une violation de domicile (art. 186 CP), les prévenus ont appelé la police pour régler ce litige et ont de ce fait retenu la plaignante sur les lieux. Dans ces circonstances, on ne saurait considérer que la plaignante a été retenue sans droit et que le comportement de B.B._ et A.B._ est illicite, dès lors qu’il entre dans le cadre de l’art. 218 CPP.
Par conséquent, B.B._ et A.B._ doivent être acquittés du chef d’accusation de séquestration et enlèvement, subsidiairement de contrainte.
6.3
Des voies de fait
Il est incontesté que le prévenu a bousculé Z._, dans son énervement, en lui ordonnant de quitter les lieux. Il ne s’agit donc pas d’une simple bousculade telle que dans les foules ou dans les files d’attente, mais d’un acte délibéré qui excède ce qui est socialement tolérable. Compte tenu des tensions et de l’énervement manifesté par le prévenu – la gérante lui ayant d’ailleurs demandé de se calmer –, on doit considérer que le caractère intentionnel de l’atteinte est également établi, étant encore précisé qu’il ressort des déclarations de celui-ci que son sang n’avait fait qu’un tour lorsqu’il avait entendu la plaignante dans l’appartement. Enfin, si le comportement de la plaignante n’est pas exempt de tout reproche, il ne permet néanmoins pas de justifier l’atteinte à son intégrité corporelle perpétrée par A.B._.
Par conséquent, A.B._ doit être reconnu coupable de voies de fait (art. 126 al. 1 CP), la poursuite pénale de cette contravention n’est à ce jour pas prescrite.
7.
Vu la condamnation de ce prévenu, il convient encore de fixer sa peine.
7.1
La peine prévue pour l’infraction réprimée à l’art. 126 al. 1 CP est une amende. Selon l’art. 106 al. 1 CP, sauf disposition contraire de la loi, le montant maximum de l'amende est de 10'000 francs.
A l'instar de toute autre peine, l'amende doit être fixée conformément à l'art. 47 CP, aux termes duquel le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur et tient compte de ses antécédents et de sa situation personnelle ainsi que de l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). L’alinéa 2 de cette disposition énumère une série de critères à prendre en considération pour déterminer la culpabilité (cf. ATF 136 IV 55 et ATF 134 IV 17 c. 2.1 et les références citées).
7.2
En l’espèce, la culpabilité d’A.B._ ne saurait être niée. Il a perdu son sang-froid et s’en est pris d’emblée physiquement à la plaignante. Il a agi ainsi par pur énervement, ce qui est futile. Au vu de ces éléments, une amende de 500 fr. est adéquate pour sanctionner ses agissements. La peine de substitution en cas de non-paiement dans le délai sera en outre fixée à 5 jours.
8.
Les frais de la procédure de première instance ont été mis à la charge des prévenus qui avaient eu un comportement civilement critiquable.
A l’appui de leur appel, B.B._ et A.B._ contestent cette mise à leur charge, qui constituerait une sanction pénale déguisée. Selon eux, on ne saurait leur reprocher d’avoir dit à la plaignante qu’elle ne devait pas quitter les lieux avant l’arrivée de la police et la bousculade ne constituerait pas une faute civile.
8.1
Aux termes de l’art. 426 CPP, le prévenu supporte les frais de procédure s'il est condamné (al. 1). Lorsque la procédure fait l'objet d'une ordonnance de classement ou que le prévenu est acquitté, tout ou partie des frais de procédure peuvent être mis à sa charge s'il a, de manière illicite et fautive, provoqué l'ouverture de la procédure ou rendu plus difficile la conduite de celle-ci (al. 2).
Seul un comportement fautif et contraire à une règle juridique, qui soit en relation de causalité avec les frais imputés, entre en ligne de compte (ATF 119 Ia 332 c. 1b ; TF 6B_439/2013 du 19 juillet 2013 c. 1.1). Pour déterminer si le comportement en cause est propre à justifier l'imputation des frais, le juge peut prendre en considération toute norme de comportement écrite ou non écrite résultant de l'ordre juridique suisse pris dans son ensemble, dans le sens d'une application par analogie des principes découlant de l'art. 41 CO (Code des obligations du 30 mars 1911 ; RS 220) (TF 6B_439/2013 précité c. 1.1 ; TF 6B_99/2011 du 13 septembre 2011 c. 5.1.2 ; Chapuis, in : Kuhn/Jeanneret [éd.], Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 2 ad art. 426 CPP). Le fait reproché doit constituer une violation claire de la norme de comportement (ATF 119 Ia 332 c. 1b ; TF 6B_439/2013 précité c. 1.1). L'acte répréhensible n'a pas à être commis intentionnellement. La négligence suffit, sans qu'il soit besoin qu'elle soit grossière (ATF 109 Ia 160 c. 4a ; TF 6B_439/2013 précité c. 1.1). La relation de causalité est réalisée lorsque, selon le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le comportement de la personne concernée était de nature à provoquer l'ouverture de la procédure pénale et le dommage ou les frais que celle-ci a entraînés (TF 6B_99/2011 précité c. 5.1.2 et les références citées). En outre, le juge doit fonder sa décision sur des faits incontestés ou déjà clairement établis (ATF 112 Ia 371 c. 2a ; TF 6B_87/2012 du 27 avril 2012 c. 1.2). La condamnation d’un prévenu acquitté à supporter tout ou partie des frais viole en revanche la présomption d’innocence lorsqu’elle laisse entendre directement ou indirectement que ce dernier serait néanmoins coupable des infractions qui lui étaient reprochées ou qu’il aurait commis une faute pénale (TF 6B_87/2012 précité c. 1.2 ; TF 1B_21/2012 du 27 mars 2012 c. 2.1 ; TF 1B_12/2012 du 20 février 2012 c. 2 ; CREP 16 septembre 2013/578 c. 2a et les références citées).
8.2
En l’espèce, il convient de mettre les frais de la procédure de première instance à la charge des prévenus, solidairement entre eux. Outre l’infraction de voies de fait qui fonde déjà la condamnation aux frais d’A.B._ (art. 426 al. 1 CP), force est de constater que le comportement de B.B._ et A.B._ face à la présence de la plaignante est manifestement contraire au droit civil. Même en admettant qu’ils aient pu de bonne foi croire qu’ils étaient chez eux dans la cuisine, ils n’étaient toutefois pas légitimés à interdire à la locataire d’être accompagnée d’un témoin quel qu’il soit lors de l’état des lieux de sortie de la chose louée (cf. Lachat, Le bail à loyer, Lausanne 2008, p. 804 n. 3.2). Ce comportement illicite est par ailleurs directement à l’origine de l’action pénale dès lors qu’il était propre à faire naître, selon le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le soupçon d'un comportement punissable justifiant l'ouverture d'une enquête pénale (cf. ATF 116 Ia 162 c. 2c). Ainsi, l’acquittement partiel n’a aucune influence sur le sort des frais.
Enfin, les prévenus ne sauraient invoquer que dans une autre affaire pénale impliquant les mêmes parties avec des rôles inversés, soit d’une part Z._ et son mari en tant que prévenus, et d’autre part B.B._ et A.B._ en tant que plaignants, les frais auraient été laissés à la charge de l’Etat à la suite de l’acquittement des prévenus. Il s’agit précisément d’une autre cause qui n’a rien de commun avec la présente.
9.
Dans la mesure où les prévenus succombent sur le sort des frais, il n’y a pas lieu de leur allouer les indemnités qu’ils ont requises en première instance, d’un montant de 1'500 fr. pour B.B._ et 1'000 fr. pour A.B._, pour les dépenses occasionnées par l’exercice raisonnable de leurs droits procédure. En effet, le parallélisme entre la mise à la charge du prévenu des frais de procédure selon l'art. 426 al. 1et 2 CPP et le refus d’une indemnité selon l’art. 429 CPP exclut que les intéressés tenus, comme en l’espèce, aux frais de procédure aient droit à une quelconque indemnité fondée sur l’art. 429 al. 1 let. a CPP (ATF 137 IV 352, JT 2012 IV 255). S’agissant des faits qui n’ont pas entraîné de condamnation pénale, aucune indemnité au sens de l’art. 429 CPP ne saurait leur être allouée, en application de l’art. 430 al. 1 let. a CPP, vu le comportement civilement répréhensible dont ils ont fait preuve, tel que décrit ci-avant (cf. c. 8 supra).
10.
Il reste encore à examiner les prétentions en dépens de Z._ pour la procédure de première instance, l’indemnité qu’elle avait sollicitée au titre de l’art. 433 CPP ayant été refusée par le premier juge.
10.1
Aux termes de l’art. 433 al. 1 CPP, la partie plaignante peut demander au prévenu une juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure lorsqu’elle obtient gain de cause (let. a) ou si le prévenu est astreint au paiement des frais conformément à l’art. 426 al. 2 (let. b). La partie plaignante adresse ses prétentions à l’autorité pénale et doit les chiffrer et les justifier (al. 2).
Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, la partie plaignante a obtenu gain de cause au sens de cette norme lorsque le prévenu a été condamné et/ou
si les prétentions civiles ont été admises. La juste indemnité, notion qui laisse un large pouvoir d’appréciation au juge, couvre les dépenses et les frais nécessaires pour faire valoir le point de vue de la partie plaignante, à l’exclusion de toutes démarches inutiles ou superflues (TF 6B_965/2013 du 3 décembre 2013 c. 3.1.1 ; TF 6B_159/2012 du 22 juin 2012 c. 2.2 et les références citées). Il s'agit en premier lieu des frais d'avocat de la partie plaignante. En d’autres termes, les démarches doivent apparaître nécessaires et adéquates pour la défense du point de vue de la partie plaignante raisonnable (TF 6B_495/2014 du 6 octobre 2014 c. 2.1 et les références citées).
L'indemnité visée par l'art. 433 al. 1 CPP doit correspondre au tarif usuel du barreau applicable dans le canton où la procédure se déroule et englober la totalité des coûts de défense, de sorte à couvrir l'entier des frais de défense usuels et raisonnables ; lorsqu'un tarif cantonal existe, il doit être pris en considération pour fixer le montant de l'indemnisation. Il sert de guide pour la détermination de ce qu'il faut entendre par frais de défense usuel (TF 6B_561/2014 du 11 septembre 2014 c. 2.2.1; TF 6B_392/2013 du 4 novembre 2013 c. 2.3). Tel est le cas dans le canton de Vaud depuis le 1
er
avril 2014 par l’adoption d’un nouvel art. 26a TFIP (tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale; RSV 312.03.1), qui énonce les principes applicables à la fixation des indemnités allouées selon les art. 429 ss CPP à raison de l'assistance d'un avocat dans la procédure pénale. Cette disposition prévoit que l'indemnité pour l'activité de l'avocat est fixée en fonction du temps nécessaire à l'exercice raisonnable des droits de procédure, de la nature des opérations effectuées, des difficultés de la cause, des intérêts en cause et de l'expérience de l'avocat (al. 2). Le tarif horaire déterminant – hors TVA – est de 250 fr. au minimum et de 350 fr. au maximum pour l'activité déployée par un avocat. Il est de 160 fr. pour l'activité déployée par un avocat stagiaire (al. 3). Dans les causes particulièrement complexes ou nécessitant des connaissances particulières, le tarif horaire déterminant peut être augmenté jusqu'à 400 fr. (al. 4).
10.2
Sur le principe, les conditions d’octroi à la partie plaignante d’une juste indemnité sont réalisées.
A l’appui de la liste d’opérations produite (P. 29), Z._ a requis l’allocation d’un montant de 5'162 fr. 50, correspondant à 14 heures et 54 minutes d’activité au tarif horaire de 350 francs. Compte tenu de la nature et des caractéristiques de la cause, le temps allégué paraît quelque peu excessif, notamment s’agissant des nombreux courriels et téléphones adressés à la cliente, de sorte qu’il convient de s’écarter de la note produite. En outre, l’indemnité doit également être diminuée en raison de la libération des prévenus de certaines infractions.
Tout bien considéré, une indemnité réduite de 2'000 fr. sera allouée à Z._ au sens de l’art. 433 CPP, à la charge des prévenus solidairement entre eux.
11.
En définitive, l'appel de Z._ doit être partiellement admis tandis que l’appel de B.B._ et A.B._ doit être rejeté. Le jugement entrepris doit être réformé dans le sens des considérants (cf. c. 6.3, c. 7 et c. 10 supra) et confirmé pour le surplus.
Vu l’issue de la cause, les frais de la procédure d'appel, constitués de l'émolument de jugement, par 2'710 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFIP), seront mis par trois quarts, soit 2'032 fr. 50, à la charge de B.B._ et A.B._, le solde, par 677 fr. 50 fr., étant mis à la charge de Z._, qui succombe partiellement sur les autres points. A cet égard, le dispositif communiqué après l’audience est entaché d’une erreur manifeste à son chiffre V en ce sens qu’il a été omis de préciser que les prévenus supporteront les frais mis à leur charge solidairement entre eux ; e
n application de l’art. 83 CPP, le dispositif doit être rectifié d’office sur ce point.
Aucune indemnité au sens de l’art. 429 al. 1 let. a CPP ne sera allouée aux prévenus pour la procédure d'appel.
Enfin, Z._ a droit à une indemnité pour ses dépenses occasionnées par la procédure d'appel en application de l'art. 433 CPP. La liste d’opérations produite (cf. P. 46) mentionne une activité de 12 heures et 35 minutes (12:56), sans compter l’audience d’appel du 1
er
mai 2015. Ce temps allégué apparaît toutefois largement excessif pour certaines opérations (nombreux courriels et téléphones à la cliente) compte tenu de la nature de la cause et de la connaissance du dossier acquise en première instance. De plus, quatre opérations effectuées entre le 20 juin et le 6 octobre 2014 – totalisant plus de 6 heures d’activité – n’ont pas lieu d’y figurer, étant antérieures au jugement de première instance. Tout bien considéré, et dès lors que la plaignante n'obtient que partiellement gain de cause, il y a lieu de lui allouer une indemnité réduite de 800 fr., à la charge de B.B._ et A.B._, solidairement entre eux. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
323d8505-8d2b-46a3-9259-54791c42859a | En fait :
A.
Par jugement du 2 septembre 2013, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a condamné K._, pour injure et violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires, à 90 jours-amende à 10 fr. le jour-amende, avec sursis pendant deux ans, et à 300 fr. d’amende, peine convertible en 30 jours de privation de liberté en cas de non-paiement de l’amende (I), et a mis une part des frais, par 816 fr., à la charge d’K._, le surplus demeurant à l’Etat (II).
B.
Le 10 septembre 2013, K._ a annoncé faire appel de ce jugement. Le jugement lui a été notifié le 23 septembre suivant. Le 16 octobre 2013, agissant dans le délai imparti par la direction de la procédure, le prévenu a déposé une déclaration d’appel motivée, en concluant implicitement à la modification du jugement en ce sens qu’il est libéré des fins de la poursuite pénale.
Le 13 décembre 2013, l’intimé R._ a déclaré renoncer à présenter une demande de non-entrée en matière et à interjeter un appel joint.
L’appelant a confirmé ses conclusions par deux mémoires complémentaires parvenus au greffe de céans le 23 décembre 2013, l’un rédigé sous sa propre plume, l’autre établi par son défenseur de choix nouvellement consulté.
Le Ministère public a renoncé à procéder sur l’appel.
A l’audience d’appel, le prévenu a derechef confirmé ses conclusions, en concluant en outre à l’allocation d’une indemnité au sens de l’art. 429 CPP pour la procédure d’appel. L’intimé a conclu au rejet de l'appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.1 Le prévenu K._, né en 1989, célibataire, rentier de l’assurance-invalidité, est dépourvu de tout revenu provenant d’une activité lucrative. Selon lui, il disposerait de quelque 2'500 fr. par mois, son loyer étant pris en charge séparément par une oeuvre sociale. Il présente des douleurs chroniques, généralisées depuis de nombreuses années, et prend de nombreux médicaments, dont un au moins relève des soins palliatifs, pour tenter de se soulager. Il est suivi par le département de psychiatrie du CHUV, service d’addictologie. Son casier judiciaire est vierge.
Pour sa part, R._, né en 1954, travaille comme contrôleur au service des Transports publics de la région lausannoise (TL).
1.2 K._ a été déféré par ordonnance pénale du 13 février 2013, frappée d’opposition.
Le 23 février 2012, en fin de journée, le prévenu voyageait en compagnie de son co-locataire, [...], dans un véhicule des TL, alors que quatre contrôleurs, dont R._, vérifiaient les titres de transport des passagers. Le bus se trouvait alors à l’arrêt [...], à Renens, sis devant le lieu de résidence du prévenu et auquel le passager entendait descendre. Le compagnon d’K._ ne disposait pas d’un titre de transport valable, alors que le prévenu en avait un.
Les versions des parties divergent quant à la suite des événements. Selon l’intimé, K._ se serait interposé en faveur de son compagnon qui tentait de prendre la fuite; le prévenu s’en serait d’abord pris à lui verbalement, en le traitant d’«enculé» et de «fils de pute» (PV aud. 1). Sitôt après, une fois descendu du bus, le prévenu aurait tenté de lui donner un coup de tête, avant de lui asséner un coup de poing au visage, provoquant un saignement au nez (PV aud. 1; PV aud. 3, lignes 35-51; PV aud. 4, lignes 104-111). L’intimé a précisé que ce n’était qu’après l’altercation que le prévenu lui avait présenté son titre de transport (PV aud. 4, lignes 129-130).
Pour sa part, le prévenu a déclaré que I’intimé l’avait empêché de sortir du bus; à l’audience de confrontation du 9 avril 2013 et lors des phases ultérieures de la procédure, il s’est dit certain d’avoir présenté son abonnement à l’intérieur du véhicule déjà. Il a relevé ne pas s’expliquer pourquoi il n’avait pas été autorisé à descendre à l’arrêt en question. Il a soutenu avoir été agressé physiquement par le contrôleur et s’être senti obligé de se défendre parce que ce dernier le frappait alors qu’il se faufilait hors du véhicule (PV aud. 4, lignes 50-76; jugement, p. 3). S’il a admis avoir frappé l’intimé d’un coup de poing au visage (PV aud. 4, lignes 151-152), il a, à l’audience d’appel, en revanche contesté l’avoir insulté. Il a toutefois concédé lui avoir dit, lorsque il lui avait donné le coup de poing, que c’était bien fait pour lui.
1.3 La Police de l’Ouest lausannois a été appelée sur les lieux de l’altercation à 18 h 07. Le rapport établi à la suite de cette intervention a la teneur suivante :
«(...) Rapidement sur place, nous avons rencontré quatre contrôleurs TL (...), ils étaient en compagnie de deux individus qui ont adopté une attitude opposante, provocatrice et agitée. Dès lors, nous avons fait appel à deux patrouilles en renfort et ces individus ont été menottés et acheminés dans nos locaux. (...)
Des éléments obtenus de part et d’autre, nous avons pu établir que M. [...] voyageait sans titre de transport et qu’il avait adopté une attitude opposante lors de l’intervention des contrôleurs TL. Au cours de cette opération, M. K._, ami du resquilleur, s’est interposé et s’en est pris au contrôleur TL, soit M. R._, en l’injuriant d’enculé et de fils de pute avant de lui asséner un coup de poing au visage, plus précisément sur le nez, puis nos services ont été requis. (...)» (P. 4/1).
1.4 R._ a déposé plainte le 24 février 2012 (PV aud. 1).
Entendu comme témoin par le tribunal de police, [...] a relevé que, lors du contrôle en question, il avait été repoussé à l’intérieur du véhicule par le contrôleur, auquel il venait d’avouer qu’il n’avait pas de titre de transport. Une fois remonté dans le bus, il aurait vu le prévenu présenter son abonnement au plaignant, ainsi que celui-ci repousser celui-là. Le témoin a précisé en revanche ne pas avoir vu le prévenu donner un coup au plaignant, mais a rapporté que la veste de son ami avait été déchirée dans l’altercation.
1.5 A dires de médecin, le plaignant a présenté un syndrome post-contusionnel consistant en une entorse du genou gauche avec déchirure et extrusion médiane d’un résidu méniscal interne après arthroscopie pour méniscectomie interne partielle en 2008 avec développement consécutif de troubles dégénératifs affectant le compartiment fémoro-tibial interne et décompensation douloureuse compatible avec les faits incriminés. Ses douleurs au genou seraient ainsi «raisonnablement imputables à ces faits» nonobstant l’état préexistant. En revanche, des douleurs dorsales, traitées depuis plusieurs années déjà, leur seraient «en grande partie préexistantes» (P. 11 et 12). Le plaignant a été totalement incapable de travailler du 23 février au 22 mars 2012 (P. 7/1).
Pour sa part, le prévenu a présenté, également à dires de médecin, une fluctuation de son état psychique, avec un sentiment de colère depuis l’altercation doublé d’une importante appréhension en ce qui concerne cette affaire judiciaire. En plus de ses difficultés de socialisation, il n’ose depuis lors plus sortir seul de chez lui. Enfin, il a décrit une péjoration de l’ensemble de sa symptomatologie douloureuse depuis les faits incriminés (rapport du CHUV du 27 août 2013 produit sous P. 29).
1.6 K._ a déposé plainte pour voies de fait contre R._ le 1
er
mars 2012 (PV aud. 2). Par ordonnance du 13 février 2013, le Ministère public central, division affaires spéciales, contrôle et mineurs, a ordonné le classement de la procédure ouverte par suite de cette plainte (I), laissant les frais à la charge de l’Etat (II). Le Parquet a tenu la plainte pour retirée motif pris que le plaignant ne s’était pas présenté à une audience de conciliation appointée au 29 mai 2012, faisant défaut sans excuse alors que seule était en cause une infraction poursuivie sur plainte uniquement. Cette ordonnance, versée au dossier, est entrée en force faute d’avoir été contestée. Le prévenu disant en ignorer le contenu faute de l’avoir reçue, elle lui a été montrée aux débats de première instance (jugement, p 7).
2. Appréciant les faits de la cause, le tribunal de police a ajouté foi à la version des faits présentée par le plaignant. Ecartant catégoriquement celle du prévenu, selon laquelle il aurait été frappé en premier par le contrôleur, il a retenu que le plaignant n’aurait eu aucune raison d’agir de la sorte. Pour le reste, le premier juge a exclu la légitime défense dont se prévalait implicitement le prévenu, qui comparaissait non assisté. Les éléments constitutifs des infractions d’injure et de violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires ont ainsi été tenus pour réalisés. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux (cf. art. 399 CPP) contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel est recevable, ses conclusions implicites étant suffisamment intelligibles pour qu’il soit statué sur la cause.
2.
2.1
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
2.2
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
3.1
Les moyens de l’appelant sont implicitement déduits du grief de constatation incomplète ou erronée des faits au sens de l’art. 398 CPP al. 3 let. b CPP. Plus précisément, il fait valoir qu’en ajoutant foi à la version des faits du plaignant pour écarter la sienne, le premier juge aurait méconnu en droit l’abus d’autorité dont auraient fait preuve les contrôleurs (cf. P. 35) et, partant, son état de légitime défense (ibid.), cette circonstance devant, toujours selon le prévenu, mener à sa libération des fins de la poursuite pénale. Ce faisant, l’appelant se prévaut de l’art. 15 CP. On peut en outre considérer qu’il se réclame subsidiairement de la défense excusable au sens de l’art. 16 CP.
3.2
La légitime défense présuppose que l’auteur ait voulu parer une attaque illicite (cf. Favre, Pellet et Stoudmann, Code pénal annoté, 3
ème
éd., Lausanne 2007/2011, n. 1.5 ad art. 15 CP). Cette condition n’est pas remplie lorsque l’intéressé s’oppose à un représentant de la loi exerçant une contrainte proportionnée aux circonstances et, partant, licite au regard de l’art. 14 CP (op. cit., n. 1.7 ad art. 14 CP). Ce qui précède s’applique par analogie à la défense excusable, soit à la légitime défense excessive.
Sous l’angle de l’art. 14 CP, la jurisprudence autorise le maintien en place d’un passager récalcitrant lors d’un contrôle de titre de transport par l’employé de la compagnie de transport commis à cette vérification, pour autant qu’il s’agisse de garantir un simple contrôle (cas échéant par la police) des informations fournies par le passager sur son identité, en vue d'une éventuelle plainte pénale en relation avec une contravention à la législation sur les transports publics (art. 51 al. 1 let. a LTP [loi fédérale du 4 octobre 1985 sur les transports publics; RS 742.40]) et du recouvrement des frais éventuels (ATF 107 IV 84 c. 4; TF 6B_930/2008 du 15 janvier 2009 c. 3.1 et la référence citée).
3.3
Lors des faits litigieux, l’intimé était investi de la qualité de fonctionnaire au sens légal en sa qualité d’employé d’une entreprise définie par la loi du 20 mars 2009 sur le transport de voyageurs (LTV; 745.1), ce conformément aux art. 110 al. 2 et 285 al. 1 CP. Cette qualité l’autorisait, dans les limites de la loi, à faire acte d‘autorité envers les passagers, donc à l’égard de l’appelant en particulier, pour contrôler les titres de transport. Cela n’est du reste pas contesté.
4.
4.1
Les faits incriminés n’ont pas eu d’autres témoins que les tierces personnes accompagnant les parties, à savoir le co-locataire de l’appelant et les trois collègues de l’intimé qui procédaient au contrôle avec lui. Ces événements ont cependant fait l’objet d’un rapport de police établi relativement peu de temps après l’algarade, après que les intéressés eussent été entendus.
Il en ressort que l’appelant avait, immédiatement après le contrôle, manifesté une attitude oppositionnelle, qualifiée au surplus de provocatrice et d’agitée, à telle enseigne que les premiers policiers dépêchés sur les lieux avaient fait appel à deux patrouilles en renfort. Cette description ne contredit pas la version des faits présentée par le prévenu lui-même dans sa plainte déposée le 1
er
mars 2012, de laquelle ressort en particulier ce qui suit :
«(...) Les contrôleurs étaient à l’arrêt et sont montés dans le bus. Ils voulaient nous empêcher de sortir du bus. J’ai réussi à me glisser hors du bus et j’ai tiré le contrôleur hors du bus en le tirant par le bras. Il m’a poussé violemment et je lui ai aussitôt dit que j’étais à l’AI. Il a continué à me frapper deux fois avec la paume de sa main au niveau de la poitrine. Il n’a empoigné par le col de ma veste et il m’a poussé contre la machine à billets et contre le grillage qui se trouve derrière. Je me suis défendu en le poussant avec ma tête et lui ai donné deux coups de poing. (...).» (PV aud. 2).
On ne peut mettre en cause le bien-fondé de la demande des contrôleurs tendant à ce qu’aucun voyageur ne quitte le bus avant que le contrôle n’ait été opéré. Or, l’appelant a admis avoir mis en échec la vérification de son titre de transport en se glissant hors du bus et même en s’en prenant physiquement au contrôleur, ce alors qu’il était tenu de se prêter à cette mesure comme passager.
L’appelant n’allègue pas, dans sa plainte, avoir présenté son abonnement à un contrôleur à l’intérieur du bus déjà. Cette version des faits n’a été articulée pour la première fois qu’à l’audience de confrontation du 9 avril 2013 (PV aud. 4, lignes 54-55). Elle est expressément contestée par l’intimé (PV aud. 4, lignes 129-130). On peine à comprendre pour quel motif le plaignant n’aurait pas d’emblée allégué ce fait, qu’il fait pourtant mine de tenir pour essentiel, ainsi que cela ressort en particulier de ses déclarations aux audiences de première instance (jugement, p. 3) et d’appel. En présence d’une telle discordance, inexpliquée par l’intéressé, il y a lieu d’ajouter foi aux premières déclarations de la partie, émises une semaine jour pour jour après l’algarade, de laquelle il devait alors encore conserver un souvenir vivace. Il s’ensuit que l’intimé ne pouvait savoir que l’appelant était porteur d’un titre de transport valable, ni davantage présumer que tel était le cas. Partant, le passager n’était pas habilité à quitter le véhicule avant d’avoir présenté son abonnement en descendant. Qui plus est, l’appelant a, dans sa plainte également, soutenu lui-même avoir «réussi à se glisser hors du bus» et avoir «tiré le contrôleur hors du bus en le tirant par le bras». L’intimé était dès lors fondé à faire usage d’une certaine coercition en présence d’un passager donnant l’apparence de vouloir échapper à un contrôle, ce d’autant que le compagnon de ce même voyageur tentait pour sa part de prendre la fuite. Au demeurant, aucun élément du dossier n’étaye une animosité particulière envers l’appelant, et le co-locataire du prévenu lui-même a indiqué ne pas avoir vu son compagnon donner un coup au plaignant.
Etant ainsi admis que le contrôleur a maîtrisé l’appelant pour le maintenir en place, il est peu vraisemblable qu’il ait été le premier à lui asséner des coups. Pour le reste, l’appelant, qui soutient avoir été frappé, n’allègue pas expressément que le fait de le maintenir en place ait, en lui-même, relevé d’une coercition excessive. Tel n’apparaît pas le cas au vu de la jurisprudence fédérale citée au considérant 3.2 ci-dessus. A cet égard, l’indication, donnée par le co-locataire de l’appelant, selon laquelle la veste de ce dernier avait été déchirée lors de l’algarade, est compatible avec la description des faits de l’appelant, qui a relevé avoir été saisi par le col. Qui plus est, les lésions au genou gauche subies par l’intimé, établies à dires de médecin, doivent être tenues pour imputables au prévenu; elles témoignent matériellement de la violence exercée par l’appelant même si leur auteur n’a pas eu à répondre de l’infraction de lésions corporelles simples. Pour le reste, le fait que le saignement nasal rapporté par le plaignant ne soit pas mentionné par son médecin ne permet pas de mettre en doute ce symptôme, dès lors que le praticien s’est limité, dans ses certificats, à énoncer les affections justifiant l’incapacité de travail reconnue au patient, respectivement entrant en ligne de compte à cet égard.
4.2
Au vu de ces circonstances, la version des faits de l’appelant doit donc être écartée en faveur de celle de l’intimé dans la mesure où elles divergent l’une de l’autre. Le fait que des condamnations pénales ont été prononcées par le passé à l’encontre de contrôleurs des TL en relation avec des vérifications similaires à celle ici en cause n’est au demeurant pas de nature à étayer les déclarations de l’appelant, pas plus, du reste, que ne l’est l’état d’émotion visiblement encore présenté par la partie. Partant, on ne voit pas en quoi le jugement entrepris procéderait d’une constatation incomplète ou erronée des faits.
5.
Au vu de l’état de fait à retenir, il apparaît en droit que la coercition physique exercée par l’intimé sur l’appelant n’était pas disproportionnée à son but, s’agissant en particulier du geste de saisir le passager par le col et de le maintenir en place jusqu’à ce que le titre de transport ait été présenté. Elle était donc licite au regard de l’art. 14 CP.
Il s’ensuit, par identité de motifs, que l’appelant ne saurait se prévaloir de la légitime défense, ni même de la défense excusable, faute de toute attaque illicite dont il aurait été l’objet.
6.
Pour le reste, ni la qualification des infractions, ni la quotité des peines ne sont contestées séparément. Il peut néanmoins être constaté d’office que le caractère injurieux des épithètes proférées par l’appelant ne fait aucun doute au regard de l’art. 177 CP. De même, l’intimé avait la qualité de fonctionnaire au sens de la loi, ce qui fonde l’application de l’art. 285 CP (c. 3.3 ci-dessus).
La conversion de la peine d’amende en cas de non-paiement fautif doit toutefois être corrigée d’office en application de l’art. 404 al. 2 CPP, en ce sens que cette peine sera convertible en trois jours de privation de liberté en cas de non-paiement fautif de l’amende. En effet, la conversion prévue par le jugement est manifestement excessive à l’aune de l’art. 106 al. 2 CP.
7.
Vu l'issue de la cause, les frais de la procédure d'appel doivent être mis à la charge de l’appelant, qui succombe intégralement (art. 428 al. 1, 1
re
phrase, CPP), étant précisé que la modification du dispositif, du reste sur un point accessoire, procède de l’application d’office du droit par la cour.
Le prévenu étant représenté par un défenseur de choix, ces frais sont limités à l'émolument d’appel (cf. l’art. 422 al. 1 CPP; art. 2 al. 2 ch. 1 TFJP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
3259af85-d0f4-409b-ba24-e62646b6561f | En fait :
A.
Par jugement du 31 août 2011, le Tribunal criminel de l’arrondissement de La Broye et du Nord vaudois a notamment libéré V._ des chefs de prévention d'escroquerie, tentative d'escroquerie et complicité d'obtention frauduleuse d'une prestation (I), libéré W._ du chef de prévention du vol d'usage (II), constaté que V._ s'était rendu coupable de vol, tentative de vol, brigandage, brigandage qualifié, dommages à la propriété, tentative d'utilisation frauduleuse d'un ordinateur, tentative d'extorsion et chantage qualifiés, violation de domicile, faux dans les titres et infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants (V), condamné V._ à une peine privative de liberté de quatre ans, sous déduction de 412 (quatre cent douze) jours de détention avant jugement, peine d'ensemble partiellement complémentaire à celles prononcées les 16 avril et 1
er
juillet 2010 par le Juge d'instruction de l'Est vaudois et comprenant la révocation du sursis ordonnée sous chiffre VII ci-dessous (VI), révoqué le sursis à la peine de 60 (soixante) heures de travail d'intérêt général accordé à V._ le 16 avril 2010 par le Juge d'instruction de Fribourg et fixé à la place de ces soixante heures de travail d'intérêt général une peine privative de liberté de quinze jours comprise dans la peine d'ensemble du chiffre VI ci-dessus (VII), ordonné à V._ de se soumettre à un traitement ambulatoire psychothérapeutique d'orientation cognitivo-comportementale centré sur la régulation et la gestion des émotions et l'apprentissage de comportements alternatifs (VIII), ordonné le maintien en détention de V._ pour des motifs de sûreté (IX), constaté que W._ s'était rendu coupable de vol, brigandage qualifié, dommages à la propriété, obtention frauduleuse d'une prestation de faible valeur, recel, violation de domicile, violation grave des règles de la circulation routière, circulation sans permis de conduire, circulation malgré le retrait du permis de conduire et contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants (X), condamné W._ à une peine privative de liberté de
30 (trente) mois, sous déduction de 42 (quarante-deux) jours de détention avant jugement, peine d'ensemble comprenant la révocation du sursis ordonnée sous chiffre XII ci-dessous (XI), révoqué le sursis à la peine de 35 (trente-cinq) jours-amende à 30 fr. (trente francs) le jour accordé à W._ le
7 septembre 2009 par le Ministère public du canton de Genève et fixé à la place de ces 35 jours-amende une peine privative de liberté de 35 jours comprise dans la peine d'ensemble du chiffre XI ci-dessus (XII), suspendu l'exécution d'une partie de la peine privative de liberté portant sur vingt-quatre mois et fixé à W._ un délai d'épreuve de quatre ans (XIII), condamné W._ à une amende de 500 fr. (cinq cents francs), la peine privative de liberté de substitution étant de cinq jours (XIV), pris acte pour valoir jugement sur les prétentions civiles des reconnaissances de dettes signées à l'audience du 24 août 2011 par V._ en faveur de S._ et A._ (XVIII), donné acte de leurs réserves civiles à N._ et D._ à l'encontre de V._ (XIX), donné acte de ses réserves civiles à M._ à l'encontre de V._ et B._ (XX), donné acte de leurs réserves civiles aux CFF à l'encontre de W._ (XXI), donné acte de leurs réserves civiles à G._ et X._ à l'encontre de V._ et W._ (XXII), ordonné la confiscation et la destruction des objets séquestrés sous fiches 13122/10, 13121/10 et 13120/10 (XXIII), ordonné le maintien au dossier à titre de pièce à conviction des quatre DVD et un CD d'écoutes téléphoniques séquestrés sous fiche 13095/10 (XXIV), mis une partie des frais de la cause par 30'192 fr. 75 à la charge de V._, y compris l'indemnité allouée à son conseil d'office, l'avocat Stefan Disch, par 10'763 fr. 70, par 18'140 fr. 25 à la charge de W._, y compris l'indemnité allouée à son conseil d'office, Me Juliette Perrin, par 5'554 fr. 45 (XXV), et dit que le remboursement à l'Etat des indemnités allouées sous chiffre XXV ci-dessus ne pourra être exigé notamment de V._ et W._ que dans la mesure où leur situation financière se sera améliorée et le permettra (XXVII).
B.
En temps utile, le Ministère public a interjeté appel contre ce jugement. Il a conclu à sa réforme en ce sens que V._ est condamné à une peine privative de liberté de sept ans et que l'amende infligée à W._ est augmentée à 2'000 francs.
V._ et W._ n'ont déposé ni demande de non-entrée en matière, ni appel joint. V._ a conclut au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement de première instance. W._ s'en est, quant à lui, remis à justice.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
V._ est né le 21 juin 1989 au Cap-Vert, pays dont il est originaire. Il y a vécu jusqu’à l’âge de sept ans. En mars 1997, il est venu en Suisse pour y rejoindre ses parents et y terminer sa scolarité obligatoire. Ayant interrompu un apprentissage de maçon, il a travaillé durant deux ans dans la restauration en qualité de serveur et d’aide de cuisine dans le restoroute où travaillait sa mère. Il a ensuite effectué une mission de onze mois chez [...] à Estavayer-le-Lac, suivie d'une formation de neuf mois dans un call center à Zürich. Il est alors retourné chez [...] pendant neuf mois, soit jusqu’à son licenciement en raison des faits qui ont amené sa condamnation en date du 16 avril 2010. Il a par la suite alterné les emplois temporaires et les périodes de chômage. Avant sa mise en détention pour les besoins de la présente cause, il travaillait chez [...], à Avenches. Dans le cadre de son dernier emploi, il réalisait un revenu horaire brut de 23 francs. Titulaire d’une autorisation d’établissement de type C et célibataire, il vivait chez sa mère et son beau-père avant son incarcération. Il n’a pas de fortune et, conformément à un relevé de l’Office des poursuites du district de la Broye-Vully, il avait des dettes pour 11'470 fr. 15 au 21 juillet 2011 et des actes de défaut de biens avaient été délivrés à ses créanciers pour un montant total de 4'492 fr. 60 à la même date.
En cours d’enquête, V._ a été soumis à une expertise psychiatrique qui a abouti à un rapport du 20 janvier 2011. Les experts ont posé le diagnostic de personnalité dyssociale et précisé que la trajectoire de vie du prévenu et les délits commis à plusieurs reprises montraient une incapacité à respecter les normes sociales, une incapacité à remettre en question ses comportements illégaux, des mensonges répétés, une impulsivité et une incapacité à contenir l’irritabilité et son agressivité, avec des comportements de plus en plus dangereux pour la vie d’autrui. Une incapacité partielle à éprouver des remords après avoir provoqué des dégâts, maltraité ou volé un tiers était notée, tout comme une incapacité à garder une activité professionnelle de manière durable. Les experts ont relevé que le prévenu est totalement capable de distinguer le bien du mal et lorsqu’il enfreint la loi, il est conscient de commettre des actes délictueux. S'agissant de la responsabilité pénale de V._, le rapport d’expertise a retenu que son trouble de la personnalité ne l’a pas empêché d’apprécier le caractère illicite de ses actes mais qu'il a légèrement diminué sa faculté à se déterminer d’après cette appréciation, si bien que sa responsabilité peut être considérée comme restreinte de manière légère.
Les experts ont en outre relevé un risque important de récidive en l’absence d’un traitement efficace, compte tenu du nombre des antécédents pénaux et de l’incapacité du prévenu à se remettre en question sans devoir subir une peine privative de liberté. Ils ont considéré, au moment d’établir leur rapport, qu'il était indispensable que V._ bénéficie à sa sortie d’un mandat médico-légal sous forme de traitement psychothérapeutique d’orientation cognitivo-comportementale, centré sur la régulation et la gestion des émotions et l’apprentissage de comportements alternatifs. Concernant ce traitement, il était rappelé qu’une prise en charge ambulatoire ne pourrait pas suffire sans une participation active de la part du prévenu, ce qui nécessitait typiquement qu’il fonctionne de manière transparente et qu’il soit intéressé et perméable à l’établissement d’un lien thérapeutique, conditions qui ne pouvaient pas a priori être garanties. Le rapport d’expertise a enfin relevé que V._ paraissait motivé à se soumettre à un traitement ambulatoire, précisant encore que ce traitement ne serait pas entravé dans son application ni ses chances de succès notablement amoindries par l’exécution d’une peine privative de liberté (cf. pièce 109).
Le 26 avril 2011, V._ s’est adressé au Dr J._, psychologue comportementaliste, à Lucens. Il ressort d'une attestation établie par ce praticien en date du 28 juillet 2011 que l'intimé a été suivi, à raison d'un entretien hebdomadaire, le traitement étant principalement axé sur la gestion des émotions et leur stabilité afin que le prévenu adopte un réflexe psychologique systémique avant de prendre une quelconque décision. Le Dr. J._ ne pouvant continuer à assumer ce traitement, la reprise du suivi par R._, psychologue et psychothérapeute à Lausanne, a ainsi été proposée à l'intimé. V._ a confirmé aux débats d'appel poursuivre son suivi psychiatrique sur une base volontaire et à raison d'une séance hebdomadaire.
Le casier judiciaire de V._ fait mention de trois condamnations, à savoir une peine pécuniaire de quarante jours-amende à
30 fr. le jour, assortie du sursis avec délai d’épreuve de trois ans (prolongé le
16 avril 2010 puis révoqué le 1
er
juillet de la même année) et d'amende de 600 fr. prononcée le 30 septembre 2009 par le Juge d’instruction du Nord vaudois pour dommages à la propriété et violation grave des règles de la circulation routière, une peine (partiellement complémentaire à celle infligée le 30 septembre 2009) de soixante heures de travail d’intérêt général assortie du sursis durant trois ans et d'une amende de 500 fr., prononcée le 16 avril 2010 par les Juges d’instruction de Fribourg pour vols commis à réitérées reprises et dommages à la propriété commis à réitérées reprises, et enfin une peine de quarante heures de travail d’intérêt général prononcée le 1
er
juillet 2010 par le Juge d’instruction de l’Est vaudois pour violation des règles de la circulation routière et conduite sans permis de conduire ou malgré un retrait, peine complémentaire à celle infligée le 16 avril 2010.
Pour les besoins de la cause, V._ est détenu depuis le 16 juillet 2010.
2.
W._ est né le 18 juin 1990 au Portugal. Il s'est installé avec ses parents à Paris alors qu'il était âgé de dix mois. Il a vécu dans cette ville jusqu'à l’âge de douze ans et y a effectué une partie de sa scolarité. Arrivé en Suisse en novembre 2002, il y a achevé sa scolarité obligatoire puis a entrepris un apprentissage de réparateur automobile, qu’il a suivi avec succès jusqu’à l’obtention de son CFC. Il a ensuite fait face à une période de chômage de neuf mois puis a travaillé durant six mois dans un garage de Payerne, avant d’être incarcéré. A sa libération, il a œuvré dans un petit garage genevois. Il effectue actuellement des missions temporaires et bénéficie de l’aide de l’hospice général de la République et canton de Genève, qui complète ses revenus.
Titulaire d’une autorisation d’établissement de type C, il est officiellement domicilié à Genève, chez son père, bien qu'il passe beaucoup de temps chez son amie, domiciliée à Lausanne et qui attend un enfant de lui. Il paie d'ailleurs la moitié du loyer de cette dernière, loyer d’un montant de 840 fr. par mois au total, charges comprises. il a en outre une fille née le 23 octobre 2008 d’une précédente relation, enfant qu’il a reconnue le 8 février 2011. Cette enfant vit avec sa mère et, bien qu’aucune convention alimentaire n’ait été signée, W._ contribue à son entretien en fonction de ses moyens et voit régulièrement sa fille, à raison d’un week-end sur deux. Il a expliqué à l’audience qu’il gagnait environ 4'200 fr. par mois. Il a estimé ses dettes à 12'000 fr. environ, principalement pour des primes d’assurance-maladie non payées. La part à sa charge desdites primes est de 82 fr. 70 par mois. Il n’a pas de fortune.
Le casier judiciaire de W._ comporte une condamnation à une peine pécuniaire de 35 jours-amende à 30 fr. le jour avec sursis durant trois ans et à une amende de 260 fr. prononcée le 7 septembre 2009 par le Ministère public du canton de Genève.
Pour les besoins de la cause, W._ a été détenu du 23 juillet au 2 septembre 2010, soit durant 42 jours.
3.1
En janvier 2010, à Porsel (FR), route du Stade, Q._ et V._ ont dérobé à N._ deux motos, soit une Pit Bike BUD et une Kawasaki KX65 d'une valeur totale de 10'000 fr., ainsi qu'un bidon d'essence en métal. Il est précisé que Q._ avait repéré les motos un mois plus tôt dans l'annexe de la maison de la victime. V._ a admis l’intégralité des faits.
3.2
Le 16 janvier 2010, alors qu'il passait la soirée dans une discothèque à Payerne avec son ami B._, V._ s’est mêlé à une bagarre opposant M._ à une personne non identifiée et il s’est interposé. Lorsque V._ a ceinturé M._, il en a profité pour s'emparer du porte-monnaie qui se trouvait dans la veste de ce dernier et qui contenait son permis de conduire, sa carte d'identité, sa carte bancaire de la Raiffeisen et un montant de 500 francs. Il a remis la moitié de cette somme et le permis de conduire à son comparse, qui connaissait leur provenance délictueuse.
Le soir même, il a vainement tenté d'effectuer un retrait au moyen de la carte bancaire.
Le 26 février 2010, à 10h19, il s'est présenté au guichet de la Banque Raiffeisen, Voie du Chariot 7, à Lausanne, et a pu retirer, en présentant la carte d'identité de M._, un montant de 25 francs. Le 19 mars 2010, à 9h49, selon le même mode opératoire, toujours dans la même Banque Raiffeisen, il a effectué un prélèvement de 500 fr. sur le compte de M._. Lors d'un troisième essai, le 25 mars 2010, il s'est vu signifier le fait que le compte était bloqué.
A Lausanne, V._ a également conclu deux abonnements de téléphonie mobile auprès de Sunrise, respectivement les 4 et
5 mars 2010 et, le 11 mars 2010, un abonnement téléphonique auprès d’Orange en utilisant la carte d'identité de M._ et en donnant l'adresse de B._. Il a ainsi obtenu trois téléphones mobiles, soit deux Nokia N97 chez Mobilezone et un Nokia E72 chez Interdiscount. Il n'a ni payé le prix des abonnements, ni le prix des conversations, qui se sont élevées à 943 fr. pour le contrat passé avec Orange et à 1'011 fr. 25 et 2'355 fr. 30 pour les contrats conclus auprès de Sunrise. Il a revendu deux des trois téléphones portables pour 300 fr. la pièce et le troisième téléphone pour 200 fr. à des tiers. Les faits sont à nouveau admis par V._.
3.3
Le 16 janvier 2010, sur la route principale Lausanne/Berne, Côtes d'En-Haut, commune de Lucens, W._ a circulé au volant d'un véhicule automobile à une vitesse de 170 km/h (marge de sécurité déduite) alors qu'à cet endroit, la vitesse est limitée à 80 km/h, dépassant ainsi de 90 km/h la vitesse prescrite. En outre, le permis de conduire de W._ lui avait été retiré le 30 novembre 2009 jusqu'au 29 mars 2010 par l'Office cantonal genevois des automobiles et de la navigation. W._ a admis les faits.
3.4
Le 5 mai 2010, à 17h15, à Payerne, V._ s'est rendu dans une agence de voyage pour se renseigner au sujet d'un voyage. Au moment où l'employée de l'agence, F._, s'est retournée, il en a profité pour dérober une fourre contenant du numéraire à hauteur de 1'010 fr. et divers papiers.
3.5
Le 3 juin 2010, vers 00h45, à Payerne, V._ a rencontré D._ qui sortait d'un restaurant. Il a prétendu qu'il cherchait un hôtel pour la nuit mais qu'il ne disposait que de 50 fr. pour payer la chambre. D._, qui était sous le coup d'une mesure de retrait du permis de conduire, a alors proposé à V._ de l'héberger chez lui pour la nuit moyennant que celui-ci conduise son véhicule, qui était parqué à proximité, pour le ramener chez lui à Estavayer-le-Lac.
Arrivé au domicile de D._, V._ a volé le portefeuille de son hôte contenant entre 750 fr. et 850 fr. et des cartes bancaires, ainsi que trois jeux de Playstation et un trousseau de clés. Il a feint de téléphoner à des connaissances à Payerne susceptibles de l’héberger, puis a commandé un taxi qui l’a ramené à Payerne.
V._ a vainement tenté d'effectuer des retraits à la Poste de Payerne avec les cartes bancaires volées à sa victime avant de se débarrasser du portefeuille. Il a admis les faits.
3.6
Le 8 juin 2010, W._ a acheté pour environ
50 fr. de cannabis à G._. V._ avait accompagné son ami pour acheter à G._ un I-Phone. Constatant que celui-ci avait une importante quantité d'herbe à son domicile, les deux comparses ont décidé de cambrioler son appartement le lendemain. C'est ainsi qu'ils ont pénétré le 9 juin 2010 dans l'appartement de G._ en forçant sa porte d'entrée. Ils ont emporté une playstation 3 avec une vingtaine de jeux, un disque dur Samsung, un téléphone portable Sony Ericsson, un natel Lamborghini, un ordinateur portable de marque HP, trois téléphones portables cassés, environ 15 DVD Bluray, un lecteur MP3 Sony, ainsi qu'un passeport suisse et une carte d'identité au nom de G._. Ils ont également dérobé 400 grammes de cannabis trouvés sur les lieux, qu'ils se sont partagés. V._ a vendu sa part pour 200 fr. et W._ l'a consommée. Les deux prévenus ont admis les faits.
3.7
Dans la nuit du 9 au 10 juin 2010, V._, accompagné de deux ou trois comparses, s'est introduit clandestinement dans la gare CFF de Granges-près-Marnand au moyen d'une clé provenant d'un hold-up commis le 28 avril 2010 à Moudon par C._,???._ (déférés séparément) et K._ (mineur déféré séparément). Une fois à l'intérieur, les comparses ont fouillé les lieux et vainement tenté de forcer un tiroir-caisse qu'ils ont ainsi endommagé. Ils sont finalement repartis sans rien emporter. Ils se sont alors déplacés à la gare d'Ecublens-Rue/FR, où ils se sont introduits clandestinement de la même manière. Ils ont fouillé les lieux et forcé des tiroirs, mais sont repartis, là encore, sans rien emporter. Les faits sont admis par V._.
3.8
Le 11 juin 2010, à 11h21, dans le train CFF circulant de Nyon à Genève, lors du contrôle des billets, W._ a présenté l'abonnement général de son ami V._, que celui-ci lui avait remis juste avant de monter dans le train, ce dans le but de ne pas payer la course. V._ a de son côté indiqué au contrôleur qu'il avait égaré son abonnement général. Les faits ont été admis par les deux prévenus.
3.9
Le 18 juin 2010, vers 01h00, à Payerne, V._ accompagné d'un ami, B._ ou Q._, a repéré S._ qui avait bu et titubait. Ils l'ont suivi et l'ont attaqué par derrière au moment où il se trouvait à l’entrée d’une cour intérieure, pour le dévaliser. L'un d'entre eux a serré au cou S._ par derrière avec ses bras pendant que V._ attrapait les pieds de la victime. Les deux acolytes l’ont entraîné au fond de la cour intérieure pour lui voler son porte-monnaie contenant des cartes bancaires, sa carte d'identité suisse et la somme de 120 francs. Ils ont également dérobé à leur victime un téléphone portable Sony Ericsson W995 et une montre de marque Rado de couleur argent.
V._ a ensuite exigé de S._ qu’il lui donne le code de sa carte bancaire. S._ a dans un premier temps donné un faux code à ses agresseurs. Après une tentative vaine de retrait à la poste toute proche, V._ est revenu vers son acolyte qui, informé que ce n’était pas le bon code, a serré de plus en plus fort le cou de S._ jusqu’à ce que celui-ci soit contraint de révéler le vrai code de sa carte bancaire aux deux individus. V._ a effectué plusieurs tentatives de retrait au moyen de cette carte, mais sans succès. Les deux comparses ont finalement quitté les lieux et se sont débarrassés du porte-monnaie et de la carte. S._ a notamment souffert de dermabrasions et de douleur à la palpation des régions para-trachéales.
V._ a offert le natel Sony Ericsson volé à S._ à son ami W._ pour son anniversaire. Ce dernier connaissait la provenance délictueuse de cet appareil.
Aux débats de première instance, un accord a été passé entre V._ et S._, aux termes duquel le prévenu s'est reconnu débiteur de sa victime de la somme de 2'000 fr., en contrepartie de quoi S._ a retiré sa plainte.
3.10
Le 18 juin 2010, à Moudon, W._ a circulé au volant d'un véhicule automobile alors que son permis de conduire à l'essai avait été annulé par l'Office cantonal genevois des automobiles et de la navigation depuis le 16 janvier 2010. Il a admis les faits.
3.11
Entre le 18 et le 19 juin 2010, à Fribourg, V._ s'est rendu dans l'agence de placement A._. Profitant d'un moment d'absence du personnel, il a dérobé une fourre contenant un montant de 918 fr. 75. Les faits sont admis et V._ s’est reconnu débiteur de la somme réclamée, par 918 fr. 75, en échange de quoi A._ a retiré sa plainte.
3.12
Le 13 juillet 2010, C._, V._, K._ et W._ se sont rendus dans un salon de massage à Payerne pour y dévaliser une prostituée qui – selon des informations données à V._ par Z._ - devait retourner au Brésil ce jour-là, et qui devait donc avoir passablement d’argent chez elle. C._ a sonné à la porte, tandis que ses acolytes se tenaient hors du champ de la caméra de surveillance. Au moment où X._ est venue ouvrir, C._ a forcé le passage pour se précipiter à l'intérieur, immédiatement suivi par ses trois camarades. Il a ordonné à la jeune femme de donner son argent. Comme celle-ci répondait qu'elle n'avait rien, C._ et V._ lui ont fait comprendre que toute résistance était inutile en la frappant au visage. X._ a alors indiqué l'endroit où elle avait caché son sac, sous une pile d'habits, dans une armoire. K._ a pris l'argent, soit au moins 600 fr., ainsi que six montres d'une valeur totale de 65 fr., qui se trouvaient à l'intérieur du sac. Estimant que la victime devait détenir une somme plus importante, V._ l'a empoignée par les cheveux et il s'est mis à lui asséner des coups de poing au visage pour la faire parler. K._ est alors intervenu et il a entraîné X._ dans les toilettes, que C._ était en train de fouiller. A cet endroit, les deux hommes ont continué à frapper leur victime pour qu'elle révèle où elle avait dissimulé le reste de son argent. Après avoir utilisé le couvercle du réservoir de la chasse d'eau comme battoir, C._ a pris un pistolet factice dans le sac à dos que portait K._ et il a appuyé le canon de cette arme contre le visage de X._. Cette dernière ne cessant de répéter qu'elle n'avait plus d'argent, K._ l'a tirée jusque dans la cuisine, où il a allumé une plaque de la cuisinière, avant de saisir la victime par la nuque et d'approcher son visage de la plaque chaude pour qu'elle se décide enfin à avouer. Pour la énième fois, X._ a répété qu'elle n'avait plus d'argent et qu'elle l'avait dépensé pour acheter l'ordinateur portable et le caméscope que V._ venait de trouver en fouillant sa chambre avec W._.
Finalement, W._ a quitté les lieux, suivi par V._, qui a encore dérobé deux téléphones portables Nokia et Samsung déposés sur un lit. Les deux comparses ont été rejoints quelques instants plus tard par K._, puis par C._. Les malfrats se sont déplacés dans le quartier de la Vignette, où ils se sont partagés l'argent dans la voiture de V._, qui a en outre gardé pour lui le téléphone portable Nokia de la victime. K._ s'est débarrassé du pistolet factice en le jetant dans une poubelle. V._ et W._ ont admis les faits.
3.13
Le 6 octobre 2010, vers 17h50, à Lausanne, W._ a profité de l'absence de son amie pour prendre la clé de contact de sa voiture et conduire le véhicule BMW immatriculé VD [...], dans le but de se rendre au garage [...] à Lausanne où il avait rendez-vous, nonobstant le fait que son permis de conduire à l’essai avait été annulé le 16 janvier 2010. Il a admis les faits. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 3 ad art. 399 CPP). La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
Le Ministère public a, de droit, la qualité pour recourir, soit pour interjeter appel (art. 381 al. 1 CPP). Suffisamment motivé au sens de l’art. 399 al. 3 et 4 CPP, l'appel du Ministère public central est recevable. Il convient donc d'entrer en matière sur le fond.
2.
2.1
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
2.2
Le Ministère public conteste la quotité de la peine infligée à V._, l'estimant arbitrairement clémente au regard de la gravité des faits qui lui sont reprochés. Il considère que les premiers juges ont donné trop de poids à la légère diminution de responsabilité relevée dans l'expertise psychiatrique dont le prévenu a fait l'objet et il requiert le prononcé d'une peine privative de liberté de sept ans.
3.
3.1
En application de l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier, ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge. Ce dernier doit exposer quels éléments il a pris en compte pour fixer la peine, de manière à ce que l'on puisse vérifier que tous les aspects pertinents ont été pris en considération et comment ils ont été appréciés, que ce soit dans un sens atténuant ou aggravant. Le juge ne viole le droit fédéral en fixant la peine que s'il sort du cadre légal, s'il se fonde sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, s'il omet de prendre en considération des éléments d'appréciation prévus par cette disposition ou, enfin, si la peine qu'il prononce est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d'appréciation (ATF 134 IV 17 c. 2.1 et les réf. citées).
3.2
Aux termes de l'art. 19 al. 2 CP, le juge atténue la peine si, au moment d'agir, l'auteur ne possédait que partiellement la faculté d'apprécier le caractère illicite de son acte ou de se déterminer d'après cette appréciation.
Dans un arrêt récent, le Tribunal fédéral a exposé les principes qui président à la fixation de la peine en cas de diminution de la responsabilité pénale notamment au sens de l'art. 19 CP. Partant de la gravité objective de l'acte (die objektive Tatschwere), le juge doit apprécier la faute subjective (das subjektive Tatverschulden). Il doit mentionner, dans le jugement, les éléments qui augmentent ou diminuent la faute dans le cas concret et qui permettent d'apprécier la faute en relation avec l'acte. Le législateur mentionne plusieurs critères qui jouent un rôle important pour apprécier la faute et peuvent même conduire à diminuer celle-ci de telle manière qu'il convient de prononcer une peine inférieure au cadre légal ordinaire de la peine. Parmi ceux-ci figure notamment la diminution de la responsabilité au sens de l'art. 19 CP. Dans ce cas, il s'agit de diminuer la faute et non la peine; la réduction de la peine n'étant que la conséquence de la faute plus légère
(ATF 136 IV 55 c. 5.5 traduit au JT 2010 IV 127).
La restriction de la responsabilité ne constitue qu'un critère parmi d'autres pour déterminer la faute liée à l'acte, qui peut toutefois avoir un grand poids selon le degré de la diminution de la responsabilité. Le Code pénal mentionne diverses circonstances qui peuvent réduire la faute: par exemple, le mobile honorable, la détresse profonde, la menace grave, l'ascendant d'une personne à laquelle l'auteur devait obéissance ou de laquelle il dépendait (art. 48 let. a CP); la tentation grave (art. 48 let. b CP); l'émotion violente excusable ou le profond désarroi (art. 48 let. c CP). La faute peut aussi être restreinte en cas de délit par omission (art. 11 al. 4 CP), d'excès de la légitime défense (art. 16 al. 1 CP), d'état de nécessité excusable (art. 18 al. 1 CP), d'erreur évitable sur l'illicéité (art. 21 CP), de désistement (art. 23 al. 1 CP) et de complicité (art. 25 CP). Dans tous ces cas, ces éléments de l'état de fait diminuent la faute, ce qui entraîne une peine plus clémente. D'autres circonstances peuvent aussi augmenter la faute et compenser la diminution de la capacité cognitive ou volitive. On peut citer par exemple des motifs blâmables (TF 6B_1092/2009 du 22 juin 2010 c. 2.2.2 et les références citées).
Le juge n'est pas tenu d'exprimer en chiffres ou en pourcentage l'importance qu'il accorde à chacun des éléments qu'il cite. Pour cette raison déjà, il ne peut opérer une réduction linéaire de la peine selon un tarif particulier. Du reste, il n'existe pas de méthode scientifique exacte permettant de définir objectivement le taux de réduction de responsabilité, de sorte que la pratique distingue simplement selon que la diminution est légère, moyenne ou grave. Lorsque l'expert évalue le degré de la diminution de la responsabilité, il dispose d'une grande liberté d'appréciation. Cela peut certes constituer un point de départ lors de la fixation de la peine, mais celui-ci doit être affiné en fonction des particularités du cas. En d'autres termes, le juge doit apprécier juridiquement une expertise psychiatrique. Il est libre et n'est pas lié par les conclusions de l'expertise. Il doit aussi tenir compte de la cause de la diminution de la responsabilité (ATF 136 IV 55 précité c. 5.6).
Le juge dispose également d'un large pouvoir d'appréciation lorsqu'il détermine l'effet de la diminution de la responsabilité sur la faute (subjective) au vu de l'ensemble des circonstances. Il peut appliquer l'échelle habituelle: une faute (objective) très grave peut être réduite à une faute grave jusqu'à très grave en raison d'une diminution légère de la responsabilité, à une faute moyenne à grave en cas d'une diminution moyenne et à une faute légère à moyenne en cas de diminution grave. Sur la base de cette appréciation, le juge doit prononcer la peine en tenant compte des autres critères de fixation de la peine. Un tel procédé permet de tenir compte de la diminution de la responsabilité, sans lui attribuer une trop grande importance (TF 6B_1092/2009 précité).
En résumé, le juge doit procéder comme suit en cas de diminution de la responsabilité pénale: dans un premier temps, il doit décider sur la base des constatations de fait de l'expertise dans quelle mesure la responsabilité pénale de l'auteur doit être restreinte sur le plan juridique et comment cette diminution de la responsabilité se répercute sur l'appréciation de la faute. La faute globale doit être qualifiée et désignée expressément dans le jugement (art. 50 CP). Dans un second temps, il convient de déterminer la peine hypothétique, qui correspond à cette faute. La peine ainsi fixée peut enfin être modifiée en raison de facteurs liés à
l'auteur (Täterkomponente) ainsi qu'en raison d'une éventuelle tentative selon l'art. 22 al. 1 CP (ATF 136 IV 55 précité c. 5.7).
3.3
En l'occurrence, les premiers juges ont condamné V._ à une peine privative de liberté de quatre ans, sous déduction de quatre cent douze jours de détention avant jugement.
Ils ont considéré que la culpabilité de V._ était très lourde et qu'une peine privative de liberté de cinq à six ans aurait dû être prononcée si l'intimé avait été pleinement responsable. Ils ont retenu à charge que l'intimé avait été violent, qu'il avait multiplié les infractions sur une courte période, à savoir du 3 juin au 12 juillet 2010, qu'il y avait une gradation inquiétante dans la gravité des infractions commises et que seule son interpellation ayant permis de mettre un terme à ses agissements. Ils ont également retenu que ses motivations étaient futiles et qu'il y avait concours d'infractions.
A décharge, les premiers juges ont pris en considération la légère diminution de la responsabilité pénale de l'intimé constatée par les experts, les excuses et les regrets qui sont apparus sincères, les reconnaissances de dette ainsi que sa prise de conscience de sa pathologie (cf. jgt., p. 74 à 76).
3.4
La cour de céans doit, en premier lieu, vérifier si les premiers juges ont respecté les critères légaux applicables.
La Cour d'appel considère que l'argumentation des premiers juges, s'agissant des conséquences de la diminution de responsabilité sur la peine, n'est pas conforme à la procédure décrite ci-dessus (cf. consid. 3.2). En effet, s'ils ont à juste titre mentionné cette réduction comme élément à décharge dans un passage du jugement consacré à l'analyse de la culpabilité, ils se sont toutefois écartés de la jurisprudence fédérale en écrivant plus loin que, si l'intimé avait été entièrement responsable, c'est une peine privative de liberté de cinq à six ans qui aurait dû être prononcée. Il faut, pour ce motif déjà, admettre l'appel et, après avoir procédé selon les étapes préconisées par le Tribunal fédéral, fixer une nouvelle peine.
3.5
Pour ce faire, il convient d'appréhender quelque peu différemment les éléments, en eux-mêmes corrects, mentionnés par le tribunal de première instance. La cour de céans constate en premier lieu que l'expertise retient que V._ dispose d'une pleine capacité d'apprécier le caractère illicite des actes, mais que sa faculté à se déterminer d'après cette appréciation est légèrement diminuée. Comme le relève l'appelant, cette responsabilité légèrement diminuée ne peut que se répercuter de façon modeste sur l'appréciation de la faute. Le prévenu savait ce qu'il faisait et les experts ont écarté la théorie de la "mauvaise influence". La culpabilité globale est ainsi celle, très lourde, décrite par les premiers juges, à savoir la multiplication d'infractions sur une courte période, la gradation inquiétante dans la gravité des infractions, la violence terrifiante dont l'intimé a fait preuve, l'intensité délictueuse peu commune; à décharge, outre la légère diminution de responsabilité qu'on vient de mentionner, les excuses et regrets, les reconnaissances de dettes en faveur de deux plaignants, la prise de conscience de sa pathologie, le jeune âge de l'intimé et les effets de la peine (cf. jgt., p. 74 et 75). En outre, il y a lieu de relever que les faits les plus graves, à savoir l'agression de X._, ont été commis alors que V._ venait d'être condamné à deux reprises à des peines de travail d'intérêt général, une fois ferme et une fois assortie du sursis, notamment pour des vols répétés. Cela démontre qu'il n'a nullement tenu compte de ces avertissements, ce que les experts ont d'ailleurs relevé dans leur rapport.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, une peine privative de liberté de cinq à six ans correspond à la culpabilité du prévenu. Il n'y a pas lieu de modifier la quotité de la peine ainsi déterminée en fonction de critères inhérents à l'auteur.
4.
4.1
Pour fixer la peine, il convient encore de tenir compte du concours rétrospectif ainsi que de la révocation du sursis accordé à V._ le
16 avril 2010 par le Juge d'instruction de Fribourg.
4.1.1
Selon l'art. 46 al. 1 CP si, durant le délai d’épreuve, le condamné commet un crime ou un délit et qu’il y a dès lors lieu de prévoir qu’il commettra de nouvelles infractions, le juge révoque le sursis ou le sursis partiel. Il peut modifier le genre de la peine révoquée pour fixer, avec la nouvelle peine, une peine d’ensemble conformément à l’art. 49 CP.
Le juge a donc deux options: soit il prononce une peine pour la nouvelle infraction, révoque le sursis et cumule les deux peines, soit il prononce une peine d'ensemble, comme s'il s'agissait d'un cas de concours d'infraction au sens de l'art. 49 al. 1 CP. Pour lui faciliter cette seconde option, l'art. 46 al. 1 2
ème
phrase permet au juge de modifier le genre de la peine révoquée. La peine d'ensemble ne peut en effet consister qu'en une peine d'un genre unique (A. Kuhn, in: Commentaire romand, Code pénal I, Bâle 2009, nos 13-14 ad. art. 46 CP). Le juge n'est pas lié par le genre de peine infligée lors du premier jugement (Jürg-Beat Ackermann, Basler Kommentar, Strafrecht I, 2 éd., 2007, n. 71 ad art. 49 CP). Toutefois, une conversion en une peine privative de liberté d'ensemble ne doit être prononcée qu'en dernier recours (Schneider/Garré, in: Basler Kommentar, Strafrecht I, Art. 1-110 StGB, Jugendstrafgesetz, 2
ème
édition, Bâle 2007, n. 30 ad art. 46 CP).
Le Tribunal fédéral vient cependant de réduire les possibilités de prononcer une peine d'ensemble en ce sens que le prononcé d'une peine d'ensemble ne saurait aggraver a posteriori la situation du condamné: le prononcé d'une peine d'un genre plus grave n'est pas admissible à ce stade (TF 6B_46/2011 du 27 septembre 2011 c. 3.4 destiné à la publication).
4.1.2
En cas de concours rétrospectif partiel, soit lorsque parmi plusieurs infractions à juger, l'une au moins a été commise avant d'autres jugées précédemment, il faut d'abord déterminer celle pour laquelle la loi prévoit la peine la plus grave. Lorsque l'infraction la plus grave à juger est celle qui a été commise avant le premier jugement, une peine complémentaire hypothétique au premier jugement doit être fixée et sa durée augmentée pour tenir compte des actes commis après ce premier jugement. L'élément de la peine d'ensemble relatif à l'acte en concours rétrospectif sera déterminé comme une peine additionnelle à celle déjà prononcée. Cette méthode permet d'appliquer l'art. 49 al. 1 CP sans négliger
l'art. 49 al. 2 CP. Sur le plan formel, la sanction est toujours une peine d'ensemble mais, sur celui de sa quotité, il est tenu compte du concours rétrospectif
(ATF 116 IV 14 d. 2b et les références citées, ces principes développés sous l'ancien droit demeurent applicables après l'entrée en vigueur de la nouvelle partie générale du Code pénal; TF 6B_685/2010 du 4 avril 2011).
4.2
En l'occurrence, les premiers juges ont déclaré tenir compte du fait que la peine prononcée est partiellement complémentaire aux peines prononcées les
16 avril 2010 (peine de travail d'intérêt général avec sursis plus une amende, elle-même complémentaire à une peine précédente) et le 1
er
juillet 2010 (peine de travail d'intérêt général ferme). Après avoir révoqué le sursis accordé à la peine du
16 avril 2010, ce qui n'est pas contestable, ils ont prononcé une peine d'ensemble.
Les infractions sanctionnées dans la présente cause ayant été commises en partie avant le prononcé des peines des 16 avril et 1
er
juillet 2010, il y a concours rétrospectif partiel et la peine à prononcer est complémentaire. Il convient ainsi de fixer une peine qui tienne compte des brigandages les plus graves, qui soit augmentée des actes concernés par les peines les moins graves ayant fait l'objet des condamnations précédentes, les peines prononcées précédemment venant en déduction afin d'éviter que l'intimé ne soit condamné plus sévèrement que s'il avait été condamné en une seule fois. Une peine de cinq ans et demi tient compte de l'ensemble de ces éléments. Elle est en outre adéquate au vu de la situation personnelle de l'intimé, de sa légère diminution de responsabilité et de sa culpabilité au vu des faits qui lui sont reprochés.
Il convient enfin de tenir compte de la révocation du sursis octroyé à sa condamnation à 60 heures de travail d'intérêt général et, compte tenu de la jurisprudence récente citée plus haut (cf. consid. 4.1.1), de renoncer à modifier le genre de la peine révoquée – l'art. 46 al. 1 2
ème
phrase CP consacrant une simple faculté donnée au juge - et de l'ajouter à la peine privative de liberté prononcée, dès lors qu'elle ne saurait plus être intégrée dans celle-ci.
5.
S'agissant de la peine prononcée à l'encontre de W._, le Ministère public conteste uniquement la quotité de l'amende prononcée pour les contraventions à hauteur de 500 francs. Il conclut à l'augmentation de l'amende infligée à un montant de 2'000 francs.
5.1
Aux termes de l'art. 106 al. 3 CP, le juge fixe l’amende et la peine privative de liberté de substitution en tenant compte de la situation de l’auteur afin que la peine corresponde à la faute commise.
Selon la jurisprudence relative à cette disposition, le juge doit tenir compte du revenu de l'auteur et de sa fortune, de son état civil et de ses charges de famille, de sa profession et de son gain professionnel, de son âge et de son état de santé, ainsi que de l'économie réalisée par la commission de l'infraction. L'art.
106 al. 3 CP impose l'examen de la situation personnelle de l'auteur avant le prononcé d'une amende et de la peine privative de liberté de substitution, quel que soit le degré de gravité de la contravention commise (Dupuis et alii, Petit commentaire, Code pénal, Bâle 2012, n. 7 ad art. 106 CP et les références citées).
5.2
En l'occurrence, les premiers juges ont sanctionné deux conduites sans permis (cf. supra consid. 3.10 et 3.13) ainsi qu'un cas d'obtention frauduleuse d'une prestation de faible valeur (cf. supra consid. 3.8). S'il convient de rappeler que c'est bien l'ensemble des peines qui compte, il faut cependant constater que, au vu du caractère répétitif des contraventions, la peine d'amende de 500 fr. est arbitrairement clémente, même au regard de la peine privative de liberté de trente mois prononcée par ailleurs pour la répression des crimes et délits commis. Contrairement à ce que soutient l'intimé, les mesures administratives dont il a fait l'objet ne constituent pas des motifs de réduction de l'amende prononcée. Au vu de la situation somme toute modeste de W._, une peine d'amende de 1'000 fr. se justifie, sans que l'on puisse aller jusqu'aux 2'000 fr. requis en appel. La peine privative de liberté de substitution est fixée à 10 jours.
6.
En définitive, l'appel du Ministère public est admis dans son principe et le jugement de première instance modifié dans le sens des considérants qui précèdent.
V._ est condamné à une peine privative de liberté de cinq ans et demi en sus de la peine de 60 heures de travail d'intérêt général prononcée en avril 2010 et dont le sursis est révoqué. La détention subie depuis le jugement de première instance est déduite. Le maintien en détention de V._ à titre de sûreté est ordonné.
L'amende infligée à W._ est portée à 1'000 fr., la peine privative de liberté de substitution en cas de non paiement fautif étant fixé à dix jours.
7.
Vu l'issue de la cause, les frais de la procédure d'appel doivent être mis par trois quarts à la charge de V._, le solde étant laissé à la charge de l'Etat. Outre l'émolument, qui se monte à 3'230 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1]), ces frais comprennent l'indemnité allouée au défenseur d'office de V._ (cf. art. 135 al. 2 et 422 al. 2 let. a CPP, art. 2 al. 2 ch. 1 TFJP). Au vu de la complexité de la cause, des opérations mentionnées dans la note d'honoraires et de la procédure d'appel, il convient d'admettre que le conseil d'office de l'intimé a dû consacrer sept heures à l'exécution de son mandat. L'indemnité sera dès lors arrêtée à 1’398 fr. 60, TVA incluse, étant précisé que V._ ne sera tenu d'en rembourser le montant à l’Etat que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP).
Une indemnité est allouée, par 1'301 fr. 40, TVA comprise, au défenseur d'office de W._, Me Juliette Perrin, et laissée à la charge de l'Etat. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
33658677-4751-468f-b91e-a75555f10631 | En fait :
A.
Par jugement du 7 décembre 2012, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne a condamné J._ pour abus de confiance, vol, escroquerie par métier, utilisation frauduleuse d’un ordinateur, tentative d’utilisation frauduleuse d’un ordinateur, recel, faux dans les titres, faux dans les certificats, violation simple des règles de la circulation, conduite sous retrait de permis et usage abusif de permis et de plaques à 2 ans et 10 mois de privation de liberté, sous déduction de 609 jours de préventive, peine partiellement complémentaire à celles infligées les 28 novembre 2007, 29 mai 2008, 5 mars 2009 et 11 janvier 2011 (I), ordonné le maintien en détention, à titre de mesure de sûreté, de J._ (II), révoqué le sursis accordé à J._ le 11 janvier 2011 par le Tribunal correctionnel de Lausanne et ordonné l’exécution de la peine de 7 (sept) mois (III), condamné K._ pour escroquerie, faux dans les titres, instigation à faux dans les titres et infraction à la LACI, à 7 mois de privation de liberté, avec sursis pendant 3 ans (IV), condamné H._ pour abus de confiance, escroquerie, faux dans les titres et usage abusif de permis ou de plaques à 6 mois de privation de liberté (V), donné acte de leurs réserves civiles à H._, [...] et, dans la mesure utile, [...] (VI), dit que J._ est débiteur de [...] de 27'910 francs, [...] de 41'918 francs, [...] de 22'500 francs, [...] de 4'720 francs, [...]de 1'274 francs, [...] de 16'590 francs, avec intérêt à 5% l’an dès le 5 décembre 2012, [...] de 14'809 francs, [...] de 82'500 francs (VII), mis les frais de la cause à la charge de J._ par 47'474 fr. 30, K._ par 15'551 fr. 60, H._ par 16'536 fr. 80 (VIII), dit que le remboursement à l’Etat des indemnités aux conseils d’office, incluses dans les frais selon chiffre VIII ci-dessus, arrêtées à 24'180 fr. pour le conseil de J._, à 7'831 fr. 60 pour le conseil de K._ et à 4'890 fr. pour le conseil de H._, ne sera exigible que si la situation financière des débiteurs respectifs le permet (IX), et ordonné la confiscation et la dévolution à l’Etat des objets séquestrés sous nos 52083, 52086, 52084, 52082, 52153 et 48382 (X).
B.
Par annonce du 10 décembre 2012, puis par déclaration déposée le 20 décembre 2012, H._ a fait appel de ce jugement en concluant à sa réforme en ce sens que, principalement, il est libéré de toute infraction et de toute peine en ce qui concerne le ch. 6 de l'acte d'accusation (ci-après : ch. 4.6), subsidiairement à ce qu'il est libéré du chef d'accusation d'escroquerie en ce qui concerne ce chiffre, et condamné à 90 voire 150 jours-amende, la valeur du jour-amende étant fixée à vingt francs au maximum.
Par annonce d'appel du 14 décembre 2012, puis par déclaration d'appel motivée déposée le 8 janvier 2013, K._ a également attaqué ce jugement. Elle a conclu à sa réforme, en ce sens qu'elle est libérée de l'accusation d'escroquerie en ce qui concerne le ch. 8 de l'accusation (ci-après : 4.8) et que seule la complicité de faux dans les titres est retenue à son encontre; que s'agissant du cas 18 (ci-après : cas 4.18), elle est libérée de l'accusation de faux dans les titres, seule la complicité étant retenue à son encontre; que s'agissant du cas 24 (ci-après : 4.24), elle est libérée de l'accusation d'escroquerie, seule la complicité d'escroquerie étant retenue à son encontre, et que cela étant, la peine à lui infliger soit fixée à 180 jours-amende avec sursis pendant 3 ans, le montant du jour-amende étant fixé à 20 francs.
Par annonce du 17 décembre 2012, puis par déclaration déposée le 8 janvier 2013, le Ministère public a lui aussi fait appel de ce jugement en concluant à sa réforme en ce sens que J._ est condamné pour abus de confiance, vol, escroquerie par métier, utilisation frauduleuse d'un ordinateur, recel, faux dans les titres, faux dans les certificats, violation simple des règles de la circulation, conduite malgré un retrait du permis de conduire et usage abusif de permis et de plaques à 4 ans de peine privative de liberté, sous déduction de la détention provisoire subie, peine partiellement complémentaire à celles infligées les 28 novembre 2007, 29 mai 2008, 5 mars 2009 et 11 janvier 2011, le jugement étant confirmé pour le surplus.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
1.1
Né au Pérou en 1986 et adopté en Suisse, J._ est au bénéfice d’un CFC de gestionnaire de vente. Avant sa détention, il habitait à [...] en colocation avec [...]. La situation financière de J._ est obérée et il fait l'objet de nombreuses poursuites (P. 225). Le prévenu est incarcéré depuis le 8 avril 2011 à la Prison [...] où il a reçu un avertissement à titre de sanction disciplinaire pour fraude et trafic (P. 270). Il envisage de suivre une formation de moniteur de fitness dès sa sortie de prison.
1.2
Le casier judiciaire de J._ mentionne les inscriptions suivantes :
- 5 juillet 2005, Tribunal des mineurs de Lausanne, vol, vol en bande (tentative), détention 15 jours, sursis à l’exécution de la peine, délai d’épreuve 1 an;
- 28 novembre 2007, Juge d’instruction de Lausanne, violation grave des règles de la circulation routière, violation des règles de la circulation routière, conduite sans permis de conduire ou malgré un retrait (véhicule automobile), concours (plusieurs peines de même genre), peine pécuniaire 45 jours-amende à 60 francs, sursis à l’exécution de la peine, délai d’épreuve 3 ans, amende 1’500 francs;
- 29 mai 2008, Juge d’instruction de l’Est Vaudois Vevey, violation des règles de la circulation routière, conduite sans permis de conduire ou malgré un retrait (véhicule automobile), concours (plusieurs peines de même genre), peine pécuniaire 40 jours-amende à 20 francs;
- 5 mars 2009, Ministère public du canton de Genève, conduite sans permis de conduire ou malgré un retrait (véhicule automobile), circuler sans assurance-responsabilité civile, contravention à l’ordonnance sur la responsabilité civile et l’assurance en matière de circulation routière concours (plusieurs peines de même genre), peine pécuniaire 60 jours-amende à 30 francs, amende 400 francs;
- 11 janvier 2011, Tribunal correctionnel de Lausanne, infractions d’importance mineure (appropriation illégitime), abus de confiance, escroquerie, faux dans les titres, faux témoignage (tentative à instigation), violation des règles de la circulation routière, violation grave des règles de la circulation routière, conduite sans permis de conduire ou malgré un retrait (véhicule automobile), violation des devoirs en cas d’accident, conduire un véhicule défectueux, concours (plusieurs peines de même genre), peine privative de liberté 14 mois dont sursis à l’exécution de la peine 7 mois, délai d’épreuve 5 ans;
2.
2.1
La prévenue K._, née en 1991 au Kosovo, est au bénéfice d’un permis B et habite à Lausanne. Elle a tout d'abord travaillé dans la vente, puis a émargé à l'assurance-chômage, avant de retrouver un emploi qu'elle a abandonné en 2012. Emargeant à l'aide sociale depuis le mois d'août 2012, la prévenue suit, depuis janvier 2013, des cours d'auxiliaire de santé, formation qu'elle devrait achever en mai 2013. La situation économique de K._ est obérée; elle fait l'objet de poursuites. En raison de l’ouverture de la présente enquête, la procédure de naturalisation actuellement en cours la concernant a été suspendue. K._ est une amie de J._, qu'elle connaît depuis plusieurs années. Ce dernier a été le petit ami de sa sœur, [...].
2.2
Le casier judiciaire de K._ est vierge.
3.
3.1
Le prévenu H._ est né en 1979 en Colombie. Il est marié et habite à Aigle avec sa mère. Sans formation professionnelle achevée, il a travaillé dans la restauration. A ce jour, il œuvre comme livreur de journaux pour le journal [...]; il s'agit d'un emploi fixe pour lequel il touche 2'500 fr. nets par mois, treize fois l'an. Il ne paie aucun acompte d'impôts. Son loyer se monte à 1'000 fr. par mois. La situation financière de H._ est mauvaise. Il bénéficie de l'aide financière de sa maman dont il reçoit chaque mois un montant de l'ordre de 300 fr. à 400 francs. Son assurance-maladie et celle de son épouse sont entièrement subventionnées.
3.2
Le casier judiciaire de H._ présente les inscriptions suivantes :
- 1
er
avril 2003, Juge d’instruction de Lausanne, vol, escroquerie, utilisation frauduleuse d’un ordinateur (délit manqué), faux dans les titres, blanchiment d’argent, concours d’infractions, emprisonnement 2 mois, sursis à l’exécution de la peine, délai d’épreuve 2 ans, détention préventive 38 jours;
- 3 juin 2008, Juge d’instruction de Lausanne, abus de confiance, atténuation de la peine, peine pécuniaire 30 jours-amende à 20 francs, sursis à l’exécution de la peine, délai d’épreuve 2 ans.
4.
J._, H._ et K._ ont été renvoyés devant les premiers juges selon acte d'accusation du Procureur de l'arrondissement de Lausanne du 20 juillet 2012 pour des infractions commises entre juillet 2007 et avril 2011. A ce sujet, la cour de céans retient les éléments suivants :
4.1
A Lausanne, le 27 juillet 2007, J._ a conclu un contrat de prêt pour un montant de 35'000 fr. auprès de la société [...] Pour obtenir ce prêt, il a confectionné une fausse fiche de salaire au nom de la société [...] attestant qu’il touchait un salaire de 7’325 fr. par mois environ. Or, si J._ était effectivement salarié de cette entreprise en 2007, son salaire réel n’était que de 2'224 fr. par mois environ. Le prévenu a versé les premières mensualités de remboursement puis a cessé tout paiement. Le dommage s'élevait à 46’891 fr. 35 au 20 mai 2010. [...] n'a pas déposé plainte.
J._ a admis les faits.
4.2
A Sion, le 29 novembre 2008, J._ a conclu un contrat de leasing avec la société [...]n/AG portant sur un véhicule de marque Renault Mégane lI 2.0 de couleur argentée d’un montant de 27’500 francs. Le contrat prévoyait expressément que le véhicule restait la propriété de la société [...] Comme sa situation financière était obérée, le prévenu a confectionné et produit de fausses fiches de salaire au nom de la société [...] attestant qu'il percevait un salaire mensuel de l’ordre de 5'768 francs. Or, cette société n’a jamais existé, ce que le preneur de leasing n'a pas vérifié.
Une fois le véhicule acquis, J._ l’a immatriculé à son nom et a payé quelques mensualités avant de cesser tout versement. Au début de l’année 2009, il a cédé ce véhicule à des personnes non identifiées pour solder une dette. La société [...] a déposé plainte.
Le prévenu a admis les faits.
4.3
A Morges, le 12 mai 2009, J._ a conclu un contrat de leasing avec la société [...] portant sur un véhicule de marque BMW X5 4.4i de couleur grise d’un montant de 42’000 francs. Le contrat prévoyait expressément que le véhicule restait la propriété de la société [...]. Au vu de sa situation financière obérée, J._ a signé le contrat de leasing au nom de sa société [...]. Il a fait croire que sa société avait un chiffre d’affaire annuel de 450'000 fr. et a produit un faux "Business Plan" en vue de l’exploitation par sa société d’une discothèque à [...]
A Morges, avenue de Plan 18, au garage [...], le 4 juin 2009, J._ a pris possession dudit véhicule contre le paiement de la caution et du premier loyer d’un montant total de 6’729 fr. 80. Préalablement, le 25 mai 2009, le prévenu avait rempli le "Formulaire officiel pour l’inscription et la radiation du chiffre 178" au nom de [...]. II avait contrefait la signature de ladite société et produit ce document au Service des automobiles et de la navigation (ci après : SAN), afin de supprimer le code 178 (changement de détenteur interdit) sur le permis de circulation du véhicule. Il avait ensuite immatriculé le véhicule au nom de sa société [...] Une fois en possession du véhicule, J._ a payé les premières mensualités. A partir du mois de janvier 2010, il a eu du retard dans le paiement de celles-ci. A la même période, il a revendu le véhicule à un dénommé [...] à Vevey contre un montant de
20'000 francs. Dans plusieurs courriers adressés à la société de leasing, le prévenu a justifié son retard dans le paiement des mensualités en prétextant des soi-disant problèmes de trésorerie. Par courrier du 1
er
septembre 2010, la société [...] a finalement résilié le contrat et enjoint le prévenu de restituer le véhicule le 13 septembre 2010 au plus tard. Sur requête de la société [...], la société [...] a été déclarée en faillite par jugement du 3 février 2011. Le dommage s’élevait à 32'312 fr. 70 au 21 février 2011. [...] n'a pas déposé plainte.
J._ a admis les faits.
4.4.
Au mois d'avril 2010, H._ a immatriculé à son nom auprès du SAN un véhicule de marque Opel [...] appartenant à J._ à la demande de ce dernier qui avait trop de dettes envers le SAN pour pouvoir le faire lui-même. J._ a versé à H._ quelques centaines de francs pour ce service.
Pour ces faits, l'accusation a été abandonnée, car il n'a pas pu être démontré que le véhicule avait été acquis illicitement (jugement p. 40).
4.5
Du 13 avril au 6 septembre 2010, à la demande de J._ (alors trop endetté envers le SAN pour le faire à son nom), H._ a immatriculé à deux reprises à son nom un véhicule de marque BMW 318 i [...] du 14 avril au 19 mai 2010 et [...] du 6 juin au 6 septembre 2010), que J._ avait loué à un dénommé [...] dans un garage situé à Renens.
Pour ces faits, le Ministère public a renoncé à soutenir l'accusation au motif qu'il n'était pas démontré que le véhicule avait été acquis illicitement (jugement p. 40).
4.6
A Zurich, le 3 mai 2010, J._ a conclu un contrat de location avec la société [...] basée à Zurich portant sur un véhicule BMW X5 de couleur bleue. Au vu de situation financière obérée et pour éviter qu’on lui demande des preuves de solvabilité, J._ s’est fait recommander par un dénommé [...]. Le contrat prévoyait expressément que le véhicule restait la propriété de la société [...]. Le 5 mai 2010, [...] a rempli le "Formulaire officiel pour l’inscription et la radiation du chiffre 178" au nom [...] et a contrefait la signature de la société afin de supprimer le code 178 sur le permis de circulation du véhicule. II a remis ce document falsifié au SAN qui a procédé à la radiation du code 178.
A la demande de J._, H._ a accepté de faire immatriculer le véhicule à son nom (PV aud. 8 p. 3). Au mois de juin 2010, dans un garage à Berne, J._ et H._ ont revendu ce véhicule (PV aud. 10 p. 4). H._ a reçu environ 3'000 fr. de la part de J._ (PV aud. 10 p. 4).
La société [...] n'a pas déposé plainte.
J._ a admis ces faits. H._ avait fait de même en cours d'enquête (PV aud. 8 p. 3 et PV. aud. 10 p. 4). Devant les premiers juges, il a toutefois prétendu qu'il ignorait que le voiture était louée, qu'il était au Maroc lors de la prise de celle-ci et qu'il n'avait rien reçu de [...] à la suite de la vente du véhicule (jugement p. 14).
Ces dénégations, qui s'opposent aux pièces du dossier, ne sont guère convaincantes. Comme les juges de première instance, la cour de céans retiendra les faits qui précèdent qui reposent sur les premières déclarations de H._ et les propos de J._ paraissant francs et crédibles.
4.7
A Lausanne, le 10 juillet 2010, J._ a signé deux contrats d’abonnements téléphoniques [...] concernant les raccordements [...], au nom de [...] dont il s’était approprié la carte d’identité précédemment. A cet effet, il a produit une fausse procuration au nom de [...]. Il a agi de même, le 31 août 2010, à Lausanne, à propos du raccordement [...]; les 3 et 4 novembre 2010, à Genève, concernant les raccordements [...]20; le 4 novembre 2010, à Genève, concernant les raccordements [...] [...] a reçu les factures correspondant à l’utilisation de ces raccordements et a dû entreprendre les démarches adéquates auprès des opérateurs. Son dommage s’élève à plusieurs milliers de francs. [...] et la société [...] ont déposé plainte.
J._ a reconnu les faits.
4.8
A Lausanne, rue des Terreaux 17, le 4 août 2010, K._ a conclu, à la demande de J._ un contrat de prêt pour un montant de 20'000 fr. auprès de l'agence [...]. Ce dernier n’aurait pas pu obtenir lui-même ce prêt, car sa situation financière était obérée.
K._ a fait croire à la [...] qu’elle était salariée de la société [...]. Au moment de la conclusion du contrat, elle a produit trois fausses fiches de salaire au nom de la société [...], attestant qu’elle gagnait un salaire mensuel de 4'427 fr. 85. En réalité, elle gagnait 2'000 fr. par mois comme vendeuse chez [...]. Ces fausse fiches de salaires avaient été préalablement établies par J._ (PV aud. 6 p. 4). Les prévenus se sont rendus ensemble à la banque (PV aud. 12 pp. 3 et 4) où en sa compagnie K._ – qui savait
"[...] qu'on allait demander un prêt à mon nom avec de fausses fiches de salaire[...]"
(PV aud. 12 p. 4) – a signé le contrat sans même l'examiner (PV aud. 12 p. 3); elle a également paraphé les fiches de salaire (P. 105 /2). L’argent obtenu a été utilisé par J._. La [...] n'a pas déposé plainte.
J._ a admis les faits. K._ a prétendu avoir été manipulée par J._. Cela n'est pas crédible. La cour de céans retiendra les faits qui précèdent qui ressortent sans ambiguïté des pièces du dossier et des déclarations faites par K._ en cours d'enquête.
4.9
Entre le 16 et le 21 septembre 2010, J._ s’est fait remettre par [...] (déféré séparément) un véhicule automobile break de marque Dodge Journey 2.0TD de couleur grise claire métal, que ce dernier avait dérobé préalablement au [...] [...]. Le prévenu savait que le véhicule avait été dérobé préalablement. Le 21 septembre 2010, J._ a rempli le "Formulaire officiel pour l’inscription et la radiation du chiffre 178" au nom du [...] et contrefait la signature de la société afin de supprimer le code 178 (changement de détenteur interdit) sur le permis de circulation du véhicule. II a remis le document falsifié au SAN qui a procédé à la suppression du code 178. J._ a ensuite immatriculé le véhicule au SAN au nom de sa société [...] et l’a vendu au dénommé [...] pour un montant de 7'000 francs. Il a remis 5'000 fr. à [...] et a gardé le solde. La [...] a déposé plainte.
J._ a admis les faits.
4.10
A Epalinges, route de la Croix-Blanche 1bis, au [...] le 20 septembre 2010, J._ a conclu un contrat de leasing avec la société [...] portant sur un véhicule de marque Peugeot RCZ 1.6 Turbo 200 CV de couleur noire métal d’un montant de 42'650 francs. Le contrat prévoyait expressément que le véhicule restait la propriété de la société [...]. Au vu de sa situation financière obérée, J._ a signé le contrat de leasing au nom de sa société [...] car il savait que le preneur de leasing se contenterait uniquement de vérifier si la société était inscrite au Registre du Commerce depuis plus d’un an. De plus, J._ a demandé à [...] (déféré séparément) de payer la caution et la première mensualité pour un montant de total de 4'600 fr. à la livraison du véhicule le 4 octobre 2010. J._ n’a jamais payé les mensualités suivantes. Le jour même de la livraison du véhicule, il a rempli le "Formulaire officiel pour l’inscription et la radiation du chiffre 178" au nom du [...] et contrefait la signature de la société afin de supprimer le code 178 (changement de détenteur interdit) sur le permis de circulation du véhicule. Il a remis le document contrefait au SAN qui a procédé à la suppression du code 178. J._ a ensuite immatriculé le véhiculé au nom de sa société [...] et l’a revendu dans un garage à Clarens pour un montant de 26'000 francs. Le dommage s’élevait à 39'884 fr. 35 au 25 juillet 2011. [...] a déposé plainte.
J._ a admis les faits.
4.11
Entre le 19 et le 26 septembre 2010, J._ s’est fait remettre par [...] (déféré séparément) un véhicule Fiat Punto de couleur noire métallisée, que ce dernier avait dérobé préalablement le 19 septembre 2010 au [...], [...].J._ savait que ce véhicule provenait d’un vol. Le 27 septembre 2010, ce véhicule a fait l'objet d'un contrôle de police. Il était signalé volé depuis le 20 septembre 2010. Il a pu être restitué à la société [...]. Cette société a déposé plainte et s'est constituée partie civile.
J._ a admis les faits.
4.12
A Epalinges, route de la Croix-Blanche 1bis, entre le 25 et le 28 septembre 2010, J._ et [...] (déféré séparémeJ._ a essayé de revendre le véhicule Peugeot 107 blanc à un garage à Vevey. Ce véhicule a finalement été abandonné et retrouvé le 28 décembre 2010 au chemin de l’Ecu 19 à Vernier. [...] a, quant à lui, remis le véhicule Peugeot 107 gris à des personnes non identifiées à Belle garde en France. Ce véhicule n’a pas été retrouvé. La société [...] a déposé plainte.
J._ a admis les faits.
4.13
A Lausanne, avenue de Provence 2, au garage [...] entre le 17 et le 18 octobre 2010, J._ et [...] (déféré séparément) ont dérobé deux véhicules automobiles de marque Mercedes-Benz noire et VW Polo grise. [...] a remis le véhicule Mercedes-Benz à deux personnes non identifiées à Genève. J._ a, quant à lui, apposé sur le véhicule VW Polo la plaque d’immatriculation VD 307861 qui était attribuée au véhicule Citroën C5 dérobé à l’entreprise [...] (cf. infra, ch. 4.14). lI a utilisé le véhicule VW Polo régulièrement jusqu’à son interpellation par la police le 8 avril 2011. La société [...] a déposé plainte.
J._ a admis les faits.
4.14
A Vevey, avenue du Général-Guisan, au garage [...], entre le 17 et le 19 octobre 2010, J._ et [...] (déféré séparément) ont dérobé un véhicule de marque VW Polo de couleur bleue appartenant à [...] Le 19 octobre 2010, J._ a essayé d’immatriculer le véhicule au nom de sa société [...] en envoyant au SAN une attestation de [...]. Le prévenu n’a finalement pas réussi à immatriculer le véhicule et a décidé de l’abandonner. Le véhicule a été retrouvé le 25 octobre 2010 sur un parking public situé route de Praz-Véguey à Chavannes-près-Renens. [...] a déposé plainte.
J._ a admis les faits.
4.15
A Genève, le 3 novembre 2010, J._ a contracté un prêt de 21'000 fr. auprès de [...] Ledit contrat consistait en la reprise d’un prêt de 16'000 fr. initialement obtenu auprès de la partie plaignante par [...] et en un nouveau prêt de 5'000 francs. Afin de vérifier sa solvabilité, la partie plaignante a demandé au prévenu de lui produire un extrait récent de l’Office des poursuites. Le prévenu lui a remis une attestation confirmant faussement qu’il ne faisait et n’avait pas fait l’objet de poursuites, qu’il n’était pas et qu’il n’avait pas été sous le coup d’acte de défaut de biens, Le prévenu avait confectionné lui-même cette attestation. Sur la base de ce document, [...] a encore prêté 1'500 fr. au prévenu, le 10 novembre 2010, à Genève. Le prévenu n’a pas remboursé ces sommes. Il n'avait ni les moyens, ni l'intention de le faire. Le dommage subi par [...] s’élève 6'500 francs. Cette dernière a déposé plainte.
J._ a admis les faits.
4.16
A Nyon, quai des Alpes 2, au [...], le 24 novembre 2010, J._ et H._ ont loué un véhicule de marque Citroën C5 de couleur grise pour une durée d’un mois. Comme sa situation financière était obérée et qu’il était sous le coup d’un retrait du permis de conduire, J._ a décidé d’effectuer la location au nom de [...], mère de H._. II a établi une fausse procuration au nom de cette dernière (P.103) en faveur du dénommé [...] (déféré séparément). Il a demandé à H._ d’obtenir une copie du permis de conduire de sa mère. H._ a ensuite signé la fausse procuration en imitant la signature de sa mère.
Avec ces deux documents, J._ a fait signer le contrat de location par [...]. Ce dernier a versé à la société [...] un montant total de 1'910 francs correspondant au premier mois de location et à la caution. Cet argent lui avait été donné par J._. [...] a pris possession du véhicule et l’a remis à J._ et H._ Le 24 novembre 2010, J._ a rempli le "Formulaire officiel pour l’inscription et la radiation du chiffre 178" au nom de la société PSA Finances suisse SA et contrefait la signature de cette société afin de supprimer le code 178 (changement de détenteur interdit) sur le permis de circulation du véhicule. Il a remis le document falsifié au SAN qui a procédé à la suppression du code 178.
Le 29 novembre 2010, J._ et H._ ont décollé les autocollants publicitaires situés sur la vitre arrière du véhicule et ont immatriculé ledit véhicule au nom de la société [...]. Le 2 décembre 2010, ils ont revendu le véhicule au garage [...] pour un montant de 17'7300 francs. [...] a encaissé la somme de 5'000 fr. provenant de la vente. Le solde 12'000 fr. a été conservé par J._. La société [...] a déposé plainte et a pris des conclusions civiles chiffrées à l'encontre de J._ et H._
J._ a admis les faits.
H._ a indiqué, en première instance, que sa mère ignorait l'existence de la fausse procuration, qu'il ignorait que J._ avait établi une fausse procuration, qu'il l'avait d'ailleurs signée à son insu, et qu'il n'était pas présent au moment de la vente de la voiture (jugement p. 14). La cour de céans ne retiendra pas ces assertions qui sont contredites par les propos constants et crédibles de J._ (PV aud. 2 p. 6; PV aud. 9 p. 7; PV 10 p. 5; PV aud. 15 p. 6; P. 7 p. 2 Dossier D; P. 23). H._ a abandonné ces dénégations en appel (mémoire p. 2).
4.17
Au mois de décembre 2010, J._ a confectionné au moins quatre fausses procurations au nom de H._ datées des 4 et 18 décembre 2010, attestant que ce dernier l’autorisait à contracter à son nom des abonnements de téléphonie mobile. Entre le 4 et le 22 décembre 2010, J._, au moyen de ces fausses procurations, a contracté six abonnements auprès de l’opérateur [...] au nom de [...] soit les numéros [...]. Il a revendu cinq téléphones portables acquis gratuitement suite aux abonnements conclus pour un montant de 1'000 fr. à 1'500 francs et a utilisé les autres téléphones sans jamais payer la moindre facture. Le montant réclamé par l’opérateur [...] se montait au 22 mars 2011 à 15'750 francs. H._ a déposé plainte.
J._ a admis les faits.
4.18
A Lausanne, place de l’Europe 3-4, le 13 décembre 2010, [...] s’est rendue à la Banque [...] en vue de la conclusion d’un contrat de prêt pour un montant de 60'000 francs. Elle a fait croire qu’elle était salariée de la société [...], ce qui ne correspondait nullement à la réalité. Elle a ainsi produit trois fausses fiches de salaire au nom de la société [...] attestant qu’elle gagnait un salaire mensuel de 5’951 fr. 55. Ces fausses fiches de salaire avaient été établies préalablement par J._. K._ a agi à la demande de J._ qui, en raison de sa situation financière obérée, n'aurait pas pu obtenir lui-même ce prêt. J._K._ à la banque où, en sa compagnie, l'intéressée a signé à son nom le contrat de prêt, et paraphé les fausses fiches de salaire. K._ a encaissé la somme cash de 38’711 fr. 20, le solde (21'288 fr. 80) ayant servi à racheter l’ancien crédit contracté le 4 août 2010 auprès de la société [...] (cf. supra ch. 4.8). Elle a remis l’argent directement à J._. Ce dernier lui donné 7'000 fr., somme qu'elle a utilisée pour s'acheter des meubles. Il a gardé le solde. Les mensualités de remboursement n’ont jamais été payées. K._ en est débitrice envers la banque [...] Le dommage s’élevait à 69'203 fr. 60 au 21 avril 2011 (P.5 Dossier B; PV aud. 12 pp. 5 à 7; PV aud. 6 p. 4). La banque [...] n’a pas déposé plainte.
J._ et K._ ont admis la matérialité de faits.
4.19
En janvier 2011, J._ a fondé une nouvelle société [...]. A cause de ses problèmes de solvabilité, J._ a inscrit au Registre du commerce K._ comme associé gérante unique et administratrice de cette société.
4.20
A Lausanne, le 7 janvier 2011, J._ a produit à l’office d’exécution des peines un contrat de travail le concernant et passé avec la société [...] afin de bénéficier d’un régime de semi-détention pour une peine privative, de liberté qu’il devait purger. A Lausanne, le 11 janvier 2011, J._ a produit au Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne le même contrat de travail et un bulletin de salaire concernant le mois de décembre 2010, afin de bénéficier d’un régime de sursis dans le cadre d’un procès pénal concernant d’autres faits. Ce contrat de travail et le bulletin de salaire ne reflétaient pas la réalité puisqu’à l’exception de menus services, le prévenu n’a jamais travaillé pour la société [...] (PV aud. 4 et PV aud. 6).
[...] a admis les faits.
4.21
Le 12 janvier 2011, à la demande de K._, J._ a établi une fausse attestation de stage au nom de sa société [...] et l’a envoyé à [...]. Ce document attestait faussement que K._ effectuait un stage au sein de ladite entreprise du 10 au 22 janvier 2011, ce [...] lui a permis d'encaisser les indemnités de cette assurance sans effectuer le stage prévu à cette fin.
J._ a admis les faits.
K._ a prétendu que l'idée d'établir la fausse attestation de stage venait de J._. La cour de céans ne retiendra pas cette version des faits, car elle est en contradiction avec les indications données par la prévenue au Ministère public lors de l'audition de confrontation du 16 janvier 2012. K._ avait en effet expliqué qu'elle émargeait à l'assurance-chômage, que cette assurance l'obligeait à effectuer des stages, faute de quoi les indemnités étaient suspendues, qu'elle devait faire un stage chez [...] qu'en produisant la fausse attestation préparée par J._, elle n'avait pas besoin de se présenter au stage et touchait son dû (PV aud. 12 pp. 15 et 16).
4.22
A Crissier et Lausanne, les 3 janvier, 22 et 23 février 2011, J._ a conclu trois contrats de bail avec la société [...] pour deux locaux situés route du [...] à Lausanne d’un foyer de 875 fr. par mois chacun, ainsi que pour une place de parc d’un loyer de 60 fr. par mois. Comme sa situation financière était obérée, le prévenu a confectionné de fausses fiches de salaires pour faire croire qu’il était salarié de la société [...] avec un salaire de l’ordre de 7'024 fr. 75 par mois, a également confectionné une fausse déclaration de l’Office des poursuites attestant que la société [...] ne faisait pas l’objet de poursuites. Pour ce faire, il a pris une ancienne déclaration au nom de l’une de ses sociétés. II a scanné la déclaration, mis le nom de [...] et modifié la date. Il a imprimé la fausse déclaration avec une imprimante couleur. J._ n’a jamais versé le moindre loyer. Le dommage s’élevait à 4'720 fr. au 3 mai 2011. La société [...] a déposé plainte.
J._ a admis les faits.
4.23
Entre janvier et mars 2011, J._ a confectionné au moins deux fausses procurations au nom de K._ datées des 31 janvier et 8 mars 2011 et attestant que cette dernière l’autorisait à contracter à son nom des abonnements de téléphonie mobile. Par ce biais, le prévenu a conclu à son insu douze abonnements de téléphonie mobile au nom de K._ auprès de l’opérateur [...] et obtenu cinq ou six téléphones portables gratuitement qu’il a revendus pour un montant d’environ 1'500 francs. Le montant des factures de téléphone impayées en mars 2011 s'élevait à environ 4’951 fr. 20. K._ a déposé plainte.
J._ a admis les faits.
4.24
A Lutry, route de Lavaux 89, au garage Autocorner SA, le 14 mars 2011, J._ a conclu un contrat de leasing avec la société [...] portant sur un véhicule Audi A4 Avant 2.0 TFSI de couleur noire d’un montant de 59’000 francs. Comme sa situation financière était obérée, il a établi le contrat au nom de sa société [...] dont l’administratrice était K._ (cf. supra ch. 4.19). Il a ainsi demandé à K._ de signer le contrat, ce qu’elle a accepté en connaissance de cause. Il a inscrit comme garant solidaire le dénommé [...] (déféré séparément) et fait croire que ce dernier était salarié de la société [...], ce qui ne correspondait pas à la réalité. Il a produit de faux bilans de ladite société et également des fausses fiches de salaire au nom de la société attestant qu’ [...] touchait un salaire mensuel de l’ordre de 4'761 fr. 20. Il a également produit de fausses fiches de salaire attestant que K._ était salariée de la société [...]. Ces fausses fiches de salaire ont été paraphées par K._ au moment de la conclusion du contrat. Le 1
er
avril 2010, J._ a pris possession du véhicule et a payé la caution et le premier loyer d’un montant total de 14'000 francs. Cet argent lui avait été avancé par [...] (déféré séparément). A la même date, le véhicule a été immatriculé au nom d’ [...] par le prévenu. J._ a acquis ce véhicule dans l’intention de le revendre rapidement afin d’obtenir des liquidités supplémentaires. [...] n’a pas déposé plainte.
[...] a admis les faits. K._ a précisé qu'elle ignorait que J._ volait les voitures (jugement p. 13), ce qui ne convainc pas. L'autorité de céans retient, sur la base des pièces au dossier, que K._ a agi en connaissance de cause et qu'elle a joué un rôle déterminant dans cette affaire
(PV aud. 12 p. 10 et P. 6 p. 8 Dossier B).
4.25
A Epalinges, au Grand-Chemin 70, au mois de mars 2011, J._ a dérobé la carte de crédit de [...]. A Lausanne notamment, entre le 14 et le 17 mars 2011, J._ a effectué au moyen de cette carte plusieurs achats en compagnie de K._ pour une montant total de 1'273.95. lI a également tenté d’effectuer divers paiements pour un montant total d’environ 1'655 fr. 65. [...] a déposé plainte.
J._ a admis les faits.
4.26
A Lausanne notamment, du 29 novembre 2008 au 8 avril 2011 J._ a conduit régulièrement les différents véhicules automobiles acquis illicitement (cf. supra, ch. 4. 4 à 4.6, à ch. 4.9 à 4.14, ch. 4.16 et ch. 4.24), alors que son permis de conduire lui avait été retiré pour une durée indéterminée depuis le 7 janvier 2008.
J._ a admis les faits.
4.27
A Lausanne, entre le 12 février et le 5 avril 2011, J._ a commis diverses infractions au Code de la route avec les véhicules de marque VW Polo gris (cas 4.13) et de marque Ford prêté par [...]. Il a admis ces faits.
5.
Outre les faits qui précèdent, J._ été renvoyé devant les premiers juges en raison d'un acte d'accusation du 19 novembre 2012 rendu par le Ministère public de l'arrondissement de l'Est vaudois pour l'activité délictueuse déployée à l'encontre de [...][...] de 2009 à 2010. La cour de céans s'y réfère, les faits retenus étant correctement établis et non contestés.
5.1
Dans la région de Villeneuve, au début de l’année 2009, J._ est entré en contact avec [...], femme d’un certain âge, veuve et fortunée, dans l’intention d’obtenir d’elle diverses sommes d’argent qu’il n’avait, dès le départ, aucune intention, ni aucun moyen de rembourser, dès lors, notamment, que sa situation financière était obérée.
Pour l’approcher, le prévenu s’est adjoint l’aide d’un certain [...], non identifié, supposé pratiquer la voyance depuis le Sanctuaire [...], au Portugal. Lors d’une conversation téléphonique avec [...], [...] a ainsi fait l’éloge de J._, le présentant comme
"quelqu’un de très bien, issu d’une excellente famille et dont le père était directeur chez [...]".
J._ pouvait l’aider à débarrasser l’appartement de sa mère qui venait d’entrer en EMS.
A cette époque, [...] venait de perdre son mari et rencontrait plusieurs autres difficultés personnelles, notamment les problèmes de santé de sa mère, autant d’éléments qui la rendaient vulnérable.
C'est dans ces circonstances que J._ s’est présenté à sa victime, la séduisant immédiatement par sa gentillesse et sa serviabilité. Pour le remercier des services rendus, [...] lui a alors donné divers objets, en particulier une télévision, un tapis et des petits tableaux. Elle lui a en outre remis, pour l’aider, une somme de 1'000 francs.
5.2
A la mi-avril 2009, le [...] a repris contact avec [...] pour lui proposer une affaire
"tout à fait légale",
selon ses dires, qui lui permettrait de gagner plusieurs milliers de francs. J._ a alors précisé à la victime qu’il s’agissait de lui prêter environ 20'000 fr. qu’il investirait dans l’acquisition d’un établissement luxueux à [...], lequel serait pourvu d’une discothèque, d’un SPA et d’un restaurant. Pour ce prêt, J._ proposait à sa victime le taux d’intérêt exorbitant de 20 %, ce qui devait donc générer un bénéfice de 4'000 francs.
Pour achever de convaincre sa victime, d’abord hésitante, J._ lui a annoncé qu’il collaborait avec [...], sachant pertinemment à ce moment que [...] connaissait ce dernier depuis une dizaine d’années, ainsi que sa famille, et qu’elle savait que [...] était juriste ou avocat. Par téléphone, [...], dont l’intention dolosive et la participation à l’infraction n’ont pas été démontrées à satisfaction de droit, a confirmé à l’intéressée les dires de J._ précisant qu’il gérait une discothèque et un marché folklorique à [...]
Mise en confiance, [...] a ainsi conclu avec le prévenu, le 14 avril 2009, un contrat de prêt (P. 4/2) portant sur 20'000 francs. Ce contrat, élaboré par J._ sur la base d’un modèle que lui avait fourni [...] comportait en particulier les dispositions suivantes :
"Article 2; L’emprunteur s’engage à rembourser le montant du prêt le 31 mai 2009. Toutefois, si le financement qui doit être octroyé à ce dernier fin avril 2009 ne.lui est finalement pas accordé, les parties s’entendent pour établir un plan de remboursement par mensualités.
Article 3: Pour le cas où des mensualités seraient fixées, l’emprunteur reste libre de verser des mensualités plus élevées que celles initialement prévues par les parties. Il pourra, cas échéant, rembourser l’intégralité du prêt, à tout moment, avant l’échéance contractuelle.
Article : Les parties conviennent que l'emprunteur s’acquittera d’un taux d’intérêt de 20 %. Les intérêts sont calculés dès le versement du montant du prêt et selon la durée effective de ce dernier. Des intérêts moratoires supplémentaires ne pourront être perçus par le prêteur que 40 jours après la mise en demeure de l’emprunteur."
Par ces dispositions, J._ faisait faussement croire à sa victime qu’il toucherait prochainement une certaine somme d’argent (financement), qu’il était en mesure de rembourser le prêt en moins de deux mois, qu’il avait la possibilité matérielle de verser des mensualités plus importantes que celles qu’ils fixeraient ensemble s’il ne respectait pas le délai au 31 mai 2009, et enfin que la victime en retirerait un bénéfice juteux.
Fin avril ou début mai 2009, alors que le prêt n’était pas échu, J._ a encore obtenu de sa victime, sous divers prétextes fallacieux relatifs à son activité à [...] (paiement des salaires, etc.), un prêt de 7000 francs.
En réalité, J._ n’a jamais investi cet argent dans un quelconque projet en relation avec la discothèque de [...]), dans laquelle il a tout au plus eu un rôle d’employé à une période qu’on ignore. Le prévenu semble en revanche avoir participé, de loin, à une sorte de montage financier obscur impliquant diverses sociétés, ainsi que le nommé [...], propriétaire supposé du bâtiment [...], et [...], dont le rôle et l’activité n’ont pas été clarifiés.
Il est utile de préciser qu’il ressort de l’acte d’accusation du 20 juillet 2012 (cf. supra ch. 4) que J._ a établi un faux "Business Plan" en vue de l’exploitation d’une discothèque à [...] par sa société [...], société dont il s’agissait alors de démontrer la solvabilité dans le cadre de la conclusion d’un contrat de leasing portant sur une BMW (ch. 4.3).
5.3
Par la suite et jusqu’en juin 2010, J._, beau parleur, a réussi à convaincre [...] de lui prêter d’autres sommes d’argent. Pour ce faire, il a à nouveau menti sur ses projets professionnels, expliquant qu’il travaillait pour la compagnie [...] (ce qui était vrai; la victime l'a vérifié), et qu’il avait l’intention d’acquérir un certain nombre de téléphones auprès de [...] et de les revendre, de façon à faire un important bénéfice. Pour convaincre [...], il lui a en particulier présenté un local en duplex sis à la rue de la Paix, à Montreux, dans lequel il était supposé aménager le 1
er
juin 2010. Le local étant en travaux, la victime n’y est pas entrée. Elle a toutefois constaté la présence de téléphones en exposition et d’une enseigne [...]
Dans ce contexte, les 19, 20, 23 et 29 avril 2010, [...] a été amenée à prêter respectivement les sommes de 10’000 francs, 3’000 francs, 7'000 francs et 15’000 francs, soit un total de 35'000 francs à J._.
Il apparaît que J._ a bel et bien signé un contrat de bail auprès de [...], représentée par l’agence immobilière [...], portant sur un local commercial sis à la rue de la Paix 1, à Montreux, valable du 15 avril 2010 au 30 juin 2015. Le prévenu a toutefois fait établir ce contrat au nom de [...], dont la situation financière était précaire (faillite prononcée le 3 février 2011; cf. supra ch. 4.3). lI a, de surcroît, résilié ledit bail par courrier du 24 juin 2010.
Par ailleurs, J._ n’a jamais entrepris de démarches concrètes pour acquérir et revendre du matériel téléphonique chez [...].
De mars à juin 2010, dans ce contexte prometteur, le prévenu a encore obtenu 18'000 fr. et 1'500 francs, soit un total de 19'500 fr. de [...], sous d’autres prétextes fallacieux, notamment l’achat ou la location en leasing d’une voiture de luxe.
5.4
Pour convaincre sa victime, respectivement la faire patienter, le prévenu a signé diverses reconnaissances de dette en avril 2009, avril 2010 et juin 2010. II lui a en outre fait parvenir une lettre émanant prétendument de sa mère, [...] du 16 avril 2010, par laquelle cette dernière déclarait notamment à [...] :
"[...] comme je lui avais déjà expliquer je souhaite qu’il produise un travaille avec son magasin a Montreux durent bien trois mois suite a cela je peux garantie que je l’aiderais pour pouvoir rembourser sa dette qu’il a en vers vous. Je lui laisserai le soin de vous communiquer les dattes a la quel je ferais le remboursement » (sic.). [...]"
Cette lettre a en réalité été rédigée et signée par le prévenu. Enfin, ce dernier a prétendu, larmes à l’appui, qu’il était menacé, ainsi que sa famille, par des Kosovars à qui il devait de l’argent. Ces Kosovars l’auraient en outre frappé et lui auraient confisqué les clés du local de la Rue de la Paix à Montreux, destiné à son commerce pour [...]
5.5
En définitive, J._ a obtenu de [...] un montant total de 82’500 fr. qu’il ne lui a toujours pas remboursé. [...] qui devait par la suite être flouée par le nommé [...], qui lui avait promis de récupérer l’argent dû par J._ (PE 0. 029530-MYO-condamnation du 25 octobre 2011), a déposé plainte et a chiffré ses conclusions civiles aux débats de première instance.
5.6
J._ a admis avoir emprunté la somme 82'500 fr. à [...] et, devant les premiers juges a reconnu lui devoir ce montant. Il a en outre précisé avoir tenu sa cocontractante au courant de ses projets, ce que la cour de céans tient pour avéré, puisque la victime ne l'a pas contesté. | En droit :
1.
Interjetés dans les formes et délai légaux par des parties ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), les appels de K._, H._ et du Ministère public sont recevables. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
2.1
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
2.2
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier ; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in : Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP (Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007, RS 312.0), la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
K._
L'appelante a été condamnée pour les faits figurants dans les cas 4.8, 4.18, 4.21 et 4. 24 ci-dessus.
3.1.1
Les deux premières condamnations (cas 4.8 et 4.18) concernent des cas semblables : sur la base de fausses fiches de salaire établies par J._, K._ s'est rendue, en compagnie de ce dernier auprès d'un établissement de petit crédit pour obtenir un prêt.
Pour ces faits, l'appelante été reconnue coupable d'escroquerie et de faux dans les titres. Elle conteste s'être rendue coupable d'escroquerie dans le cas 4.8 relatif à ses relations avec la [...], ladite banque n'ayant procédé à aucune vérification. Elle considère que c'est la raison pour laquelle cette infraction n'a pas été retenue à sa charge dans le cas 4.18 concernant le prêt contracté auprès de la banque [...]
3.1.2
Se rend coupable d’escroquerie celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais, ou l’aura astucieusement confortée dans son erreur et aura de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d’un tiers (art. 146 al. 1 CP
in initio
).
Sur le plan objectif, l’escroquerie réprimée par l’art. 146 CP suppose en particulier une tromperie astucieuse. Selon la jurisprudence, il y a tromperie astucieuse au sens de l’art. 146 CP lorsque l’auteur recourt à un édifice de mensonges, à des manoeuvres frauduleuses ou à une mise en scène, mais aussi lorsqu’il donne simplement de fausses informations, si leur vérification n’est pas possible, ne l’est que difficilement ou ne peut raisonnablement être exigée, de même que si l’auteur dissuade la dupe de vérifier ou prévoit, en fonction des circonstances, qu’elle renoncera à le faire en raison d’un rapport de confiance particulier (ATF 133 IV 256 c. 4.4.3, p 264; 128 IV 18 c. 3a p. 20).
L’astuce n’est toutefois pas réalisée si la dupe pouvait se protéger avec un minimum d’attention ou éviter l’erreur avec le minimum de prudence que l’on pouvait attendre d’elle. Il n’est cependant pas nécessaire qu’elle ait fait preuve de la plus grande diligence ou qu’elle ait recouru à toutes les mesures possibles pour éviter d’être trompée. L’astuce n’est exclue que si elle n’a pas procédé aux vérifications élémentaires que l’on pouvait attendre d’elle au vu des circonstances. Une co-responsabilité de la dupe n’exclut toutefois l’astuce que dans des cas exceptionnels (TF du 27 octobre 2011 6B_314/2011 c. 3.2.1 et les références citées).
La jurisprudence admet l’astuce dans le cas où la dupe n’a pas la possibilité de vérifier les affirmations transmises ou si leur vérification se révélait très difficile. Ces hypothèses se rencontrent notamment lorsque la tromperie porte sur des faits internes, comme par exemple la volonté d’exécuter un contrat. Une telle volonté n’est cependant pas astucieuse dans tous les cas, mais seulement lorsque l’examen de la solvabilité n’est pas exigible ou est impossible et qu’il ne peut par conséquent être tiré aucune conclusion quant à la volonté de l’auteur de s’exécuter (ATF 125 IV 124 c. 3a p. 127). Finalement, la prise en considération de l’éventuelle responsabilité de la dupe connaît certaines limites. D’une part, elle ne doit pas avoir épuisé toutes les mesures de contrôles possibles et imaginables qui se trouvaient à sa portée (ATF 128 IV 18 c. 3a p. 20) et, d’autre part, n’importe quelle négligence de sa part ne suffit pas à exclure l’astuce. Il n’est donc pas nécessaire que la dupe soit exempte de la moindre faute (Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. I, 3ème éd., 2010, n. 17 ad art. 146 CP).
3.1.3
En l'espèce, il y a, dans les deux cas, des procédés relevant de l'escroquerie. K._ savait qu'elle requérait un prêt à son nom à l'aide de fausses fiches de salaires (PV aud. 12 p. 4). Ces fiches faisaient état d'un revenu de 4'427 fr., pour obtenir un emprunt de 20'000 fr. (cas 4.8 ) et de 5'951 fr. 55 pour un prêt de 60'000 francs (cas 4.18). A cette époque, l'intéressée gagnait 2'000 fr. par mois comme vendeuse chez [...]. Au vu des salaires attestés, les prêts ont été accordés, ce qui n'aurait pas été le cas si la situation économique réelle de la prévenue avait été connue. Les mensualités n'ont pas été payées.
3.1.4
Les premiers juges retiennent que la tromperie était astucieuse dans le premier cas, mais l'excluent dans le second (jugement pp. 40 et 43). Cela n'est pas critiquable. On ne pouvait en effet pas exiger de la [...] qu'elle procède à une quelconque vérification, puisque même s'il paraissait élevé, le salaire allégué par K._ ne paraissait pas incongru, et le montant prêté (20'000 fr.) est devenu courant dans le cadre des petits crédits. En revanche, un devoir de vérification existait dans le second cas ( [...] 4.18), s'agissant d'un emprunt de 60'000 fr. effectué par une jeune fille de moins de 20 ans, sur la base de fiches de salaires mentionnant un revenu nettement supérieur à ce que gagne une jeune femme sans formation de cet âge. Autrement dit, c'est à juste titre que les premiers juges ont abordé de façon différente deux situations qui n'étaient pas comparables.
Le jugement attaqué doit donc être confirmé sur ce point.
3.2.
Pour les cas précités (4.8 et 4.18), le tribunal retient en outre que K._ s'est rendue coupable faux dans les titres, ce que K._ conteste en disant n'avoir été que la complice de K._
3.2.1.1
Se rend coupable de faux dans les titres au sens de l'art. 251 ch. 1 CP celui qui, dans le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d'autrui ou de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, aura créé un titre faux, falsifié un titre, abusé de la signature ou de la marque à la main réelles d'autrui pour fabriquer un titre supposé, constaté ou fait constater faussement, dans un titre, un fait ayant une portée juridique, ou, pour tromper autrui, fait usage d'un tel titre.
Selon la jurisprudence fédérale, les faux certificats de salaire sont en principe de simples mensonges écrits et non pas des faux intellectuels (TF 6B_827/2010 du 24 janvier 2011 c. 4.5.2 et réf. citées et ATF 123 IV 61 c. 5c; JT 1995 IV 41). Dans un arrêt ATF 118 IV 363, la Haute Cour précise toutefois que si l'établissement d'un décompte de salaire dont le contenu est inexact ne constitue pas un faux dans les titres, dans la mesure où un caractère probatoire accru ne lui est pas conféré par une disposition légale particulière, une sanction pénale peut entrer en considération en vertu de lois spéciales, telles que celles en matière d'assurances sociales. Ont ainsi été considérés comme des faux intellectuels des décomptes de salaire au contenu erroné produits spontanément par l'employeur à la caisse de chômage. La jurisprudence fédérale a encore étendu le caractère de faux intellectuel aux documents falsifiés établis dans un domaine non fiscal (ATF 122 IV 25). Cette dernière jurisprudence est applicable en matière de petit crédit.
3.2.1.2
Est coauteur celui qui collabore, intentionnellement et de manière déterminante, avec d'autres personnes à la décision de commettre une infraction, à son organisation ou à son exécution, au point d'apparaître comme l'un des participants principaux; il faut que, d'après les circonstances du cas concret, la contribution du coauteur apparaisse essentielle à l'exécution de l'infraction. La seule volonté quant à l'acte ne suffit pas; il n'est toutefois pas nécessaire que le coauteur ait effectivement participé à l'exécution de l'acte ou qu'il ait pu l'influencer. La coactivité suppose une décision commune, qui ne doit cependant pas obligatoirement être expresse, mais peut aussi résulter d'actes concluants, le dol éventuel quant au résultat étant suffisant. Il n'est pas nécessaire que le coauteur participe à la conception du projet; il peut y adhérer ultérieurement. Il n'est pas non plus nécessaire que l'acte soit prémédité; le coauteur peut s'y associer en cours d'exécution. Ce qui est déterminant c'est que le coauteur se soit associé à la décision dont est issue l'infraction ou à la réalisation de cette dernière, dans des conditions ou dans une mesure qui le font apparaître comme un participant non pas secondaire, mais principal (ATF 135 IV 152 c. 2.3.1; ATF 130 IV 58 ; ATF 125 IV 134). Il faut que le coauteur ait une certaine maîtrise des opérations et que son rôle soit plus ou moins indispensable (ATF 120 IV 17 c. 2d). Ainsi, la contribution du participant principal est essentielle au point que l'exécution ou la non-exécution de l'infraction considérée en dépende (ATF 120 IV 265 c. 2c).
La complicité est définie à l’art. 25 CP comme le fait de prêter assistance. Selon cette disposition, la peine est atténuée à l’égard de quiconque a intentionnellement prêté assistance à l’auteur pour commettre un crime ou un délit. Le complice est donc un participant secondaire; il n'accepte que de prêter assistance. Il n'est pas nécessaire que sa contribution soit une condition sine qua non de la réalisation de l'infraction. Il suffit que l'assistance soit causale, en ce sens que les événements ne se seraient pas déroulés de la même manière sans cet acte de favorisation; le complice doit augmenter les chances de succès de l'infraction (ATF 121 IV 109; JT 1996 IV 95). Contrairement au coauteur, le complice ne veut pas l'infraction pour sienne et n'est pas prêt à en assumer la responsabilité.
3.2.2
Créées de toute pièce par J._, les fiches de salaire présentées et paraphées par K._ à l'appui des contrats de prêts litigieux constituent des faux matériels.
S'il est vrai que c'est J._ qui a créé les faux certificats de salaire, K._ en a fait usage pour tromper les banques et obtenir les crédits sollicités. On relèvera par ailleurs que l'appelante connaissait les intentions et les buts délictueux de J._ à qui elle a accepté de prêter activement son concours (PV aud. 12 p. 4; P. 105/2) J._ voulait emprunter de l'argent mais ne pouvait pas faire lui-même, en raison de sa situation financière obérée. A l'aide des fausses attestations de salaire préparées par J._, K._ a signé à sa place le contrat de prêt. Elle savait que ces fiches de salaire étaient fausses et que ces faux documents étaient nécessaires à l'obtention des prêts sollicités. Ces faits démontrent la réalité d'une décision commune et, partant, de la coactivité. Le jugement entrepris ne prête ainsi pas le flanc à la critique sur ce point.
4.
K._ se réfère, par ailleurs, à la fausse attestation de stage versée au dossier de l'assurance-chômage (cas 4.21). Elle conteste avoir pris l'initiative de cette falsification et prétend avoir agi comme complice (mémoire p. 5).
Ce faisant, elle omet de considérer les propos qu'elle a tenus devant le Ministère public du 16 janvier 2012 et selon lesquels:
"[...] en produisant ce document, je n'avais pas besoin de me présenter au stage et je touchais mon dû [...]"
(PV aud. 12 p. 16). Il ressort en outre de cette même audition que c'est bien K._ qui a demandé à J._ d'établir la fausse attestation. C'est donc à juste titre que les premiers juges l'ont condamnée comme coauteur de faux dans les certificats (art. 252 al. 3 CP; la fausse attestation de stage n'étant pas un titre au sens de l'art. 251 CP).
5.
K._ plaide enfin n'avoir joué qu'un rôle secondaire dans le cas du contrat de leasing conclu illicitement le 14 mars 2011 au préjudice la société [...] (cas 4. 24).
K._ a accepté en connaissance de cause (PV aud. 12 p. 10; P. 6 Dossier B) de signer un contrat pour J._. Cela lui avait été demandé par ce dernier qui ne pouvait pas le faire lui même en raison de sa situation obérée (PV aud. 12 p. 10). J._ a inscrit comme garant solidaire le dénommé [...] dont il a fait croire qu'il était salarié de la société [...]. Il a produit de faux bilans de ladite société et également des fausses fiches de salaire au nom de la société attestant [...] touchait un salaire mensuel de l’ordre de 4'761 fr. 20. Il a en outre produit de fausses fiches de salaire attestant que K._ était salariée de la société [...] dont elle était l'administratrice, ce qui ne correspondait pas à la réalité. K._ savait que ces documents étaient faux (PV aud. 12 p. 10). Elle les a paraphés en signant le contrat. Le 1
er
avril 2010, J._ a pris possession du véhicule et a payé la caution et le premier loyer d’un montant total de 14'000 francs. Cet argent lui avait été avancé par [...]. A la même date, le véhicule a été immatriculé au nom [...] par le prévenu. J._ a acquis ce véhicule dans l’intention de le revendre rapidement afin d’obtenir des liquidités supplémentaires.
Même si les fausses fiches de salaires qu'elle a paraphées ne constituent, dans ce contexte, que de simples mensonges écrits
(ATF 118 IV 363 c. 2), ce ne sont pas les seuls faux documents réalisés par la prévenue, qui a également signé un contrat de leasing pour la société [...] alors que le véhicule n'était pas destiné à cette entreprise. Dans le contexte décrit ci-dessus, sa participation apparaît d'ailleurs essentielle à la conclusion du contrat de leasing illicite, de sorte que c'est à juste titre qu'elle a été, J._, reconnue coupable d'escroquerie et de faux dans le titres.
6.
L'appel de K._ doit donc être rejeté s'agissant des questions de qualification.
7
. Il faut encore examiner la peine infligée à K._. Celle-ci conclut à une peine pécuniaire alors que le jugement entrepris lui inflige une peine privative de liberté de 7 mois avec sursis pendant 3 ans.
7.1
Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2). La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur (subjektive Tatkomponente). A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale
(ATF 134 IV 17 c. 2.1 p. 19 s.; 129 IV 6 c. 6.1 p. 20; arrêt 6B_759/2011 du 19 avril 2012 c. 1.1).
Dans la conception de la nouvelle partie générale du Code pénal, la peine pécuniaire constitue la sanction principale. Les peines privatives de liberté ne doivent être prononcées que lorsque l'Etat ne peut garantir d'une autre manière la sécurité publique. Pour choisir la nature de la peine, le juge doit prendre en considération l'opportunité de la sanction déterminée, ses effets sur l'auteur et son milieu social, ainsi que son efficacité préventive (ATF 134 IV 97 c. 4; arrêt 6B_234/2010 du 4 janvier 2011 c. 4.1.1). Une peine pécuniaire peut être exclue pour des motifs de prévention spéciale (TF du 14 juin 2011, 6B_128/2011, c. 3.4) ou si elle n'est pas exécutable parce qu'elle prive le prévenu du nécessaire, voire de l'indispensable (ATF 134 IV 97 c. 5.2.3).
Le droit au sursis s'examine selon les critères posés à l'art. 42 CP qui ont été rappelés dans l'arrêt publié aux ATF 135 IV 180 c. 2.1. Il y est renvoyé. Le sursis est désormais la règle dont on ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable. Il prime en cas d'incertitude (ATF 134 IV 5 c. 4.2.2).
7.2
En l'espèce, on relèvera, à la charge deK._ que celle-ci a commis quatre infractions en huit mois et qu'il y a concours d'infractions. A sa décharge, on retiendra qu'elle n'a profité que dans une proportion réduite des opérations menées par J._ (7'000 fr. pour les petits crédits, rien pour les leasings et un salaire d'une quotité indéterminée pour les attestations remises à l'assurance-chômage). On relèvera également que l'intéressée a été largement influencée par J._. A décharge toujours, on retiendra que l'appelante avait moins de vingt ans au moment de la commission des infractions. Dès lors qu'elle n'était pas l'amie intime de J._, on ne peut pas retenir l'égarement amoureux. K._ est également peu crédible lorsqu'elle plaide sa naïveté; elle a en effet parfaitement su mener une activité délictueuse pour son propre compte lorsque cela l'arrangeait, comme le montre son attitude vis-à-vis de l'assurance-chômage. Enfin, le fait que K._ doive rembourser le prêt souscrit auprès de la [...] est sans influence sur la peine à lui infliger. Au vu de l'ensemble de ces éléments, la quotité de la peine prononcée par le premier juge (7 mois) est adéquate et doit être confirmée.
7.3
S'agissant, en revanche, du genre de peine, il n'existe pas de motifs particuliers de prévention qui puissent justifier, pour une délinquante primaire très jeune, une peine privative de liberté. C'est dès lors une peine pécuniaire 210 jours-amende (34 CP) qui doit être prononcée pour sanctionner le comportement de K._. Le montant du jour-amende, fixé à 20 francs, tient compte de la situation financière de l'intéressée au moment du jugement (ATF 116 IV 4 c. 3a). Cette peine doit être assortie d'un sursis, le pronostic n'étant pas clairement défavorable. Un délai d'épreuve de deux ans s'avère suffisant pour prévenir tout risque de récidive (art. 44 CP).
8.
En définitive, l'appel de K._ doit être partiellement admis sur la question de la peine et le jugement entrepris réformé dans le sens de ce qui précède.
9. Appel de H._
9.1
H._ considère qu'il devrait être libéré des chefs d'accusation retenus dans le cas 4.6 ci-dessus, dès lors qu'il l'a été pour les cas 4.4. et 4.5 qui lui paraissent semblables. Pour ce cas, il conteste s'être rendu coupable d'abus de confiance et invoque qu'en tout état, son comportement ne peut relever à la fois de l'abus de confiance et de l'escroquerie.
9.2
Commet un abus de confiance, celui qui, pour se procurer ou procurer à un tiers un enrichissement illégitime, se sera approprié une chose mobilière appartenant à autrui et qui lui avait été confiée sera puni d'une peine privative de cinq ans ou d'une peine pécuniaire (art. 138 ch. 1 al. 1 CP).
Le comportement délictueux visé par l'art. 138 ch. 1 al. 1 CP consiste dans le fait que l’auteur s’approprie la chose, en violation du rapport de confiance. L’appropriation implique, que l’auteur veut d’une part la dépossession durable du propriétaire et, d’autre part, qu’il entend s’attribuer la chose au moins pour un temps; sa volonté doit se manifester par des signes extérieurs (ATF 121 IV 25 = JT 1996 IV 188; une voiture louée peut être une chose mobilière confiée au sens de cette disposition). L’auteur incorpore le bien à son patrimoine, pour le garder, le consommer ou l’aliéner; il se comporte comme un propriétaire sans en avoir la qualité (ATF 118 IV 151 c. 2a; Corboz, Les infractions en droit suisse, n° 7 et 8 ad art. 138 CP, pp. 236 s.).
9.3
A titre liminaire, il sied d'écarter l'argument fondé sur la comparaison avec les cas 4.4 et 4.5 ci-dessus, où l'accusation a été abandonnée, faute de preuve que les véhicules avaient été acquis illicitement, la situation du cas 4.6 n'étant pas comparable.
Ainsi, dans ce dernier cas, H._ a accepté de faire immatriculer à son nom (PV aud. 8 p. 3) un véhicule que J._ avait acquis sans droit, car en violation d'une clause de réserve de propriété. Il a ensuite participé à la vente de cette voiture dans un garage à Berne (PV aud. 10 P. 4). En agissant de la sorte, H._ s'est comporté en propriétaire; il s'est approprié une chose mobilière confiée au sens de l'art. 138 ch. 1 al.1 CP, ce qui réalise l'élément objectif de l'infraction d'abus de confiance. Les éléments subjectifs de cette infraction sont également réalisés puisque que le prévenu savait que la voiture ne lui appartenait pas et connaissait les procédés de J._. Ce chef d'accusation doit dès lors être retenu à l'encontre de H._ ce que constate à juste titre le jugement entrepris.
H._ ne saurait toutefois être reconnu coupable d'escroquerie. Cette infraction a en effet été commise au préjudice de la société [...], à un stade où l'intéressé n'est pas intervenu.
9.5
Le chef d'accusation d'escroquerie a également été retenu à tort dans le cas 4.16 concernant un contrat de location conclu par J._ au nom de la mère de H._ au préjudice du garage [...]
Dans ce cas, seul peuvent être reprochés à H._ le fait d'avoir signé la fausse procuration préparée par J._ en imitant la signature de sa mère, ce qui constitue un faux dans les titres et d'avoir participé en toute connaissance de cause à la vente d'un véhicule qui ne lui appartenait pas, ce qui constitue un abus de confiance.
9.6
Il reste à fixer à la peine à infliger à H._ compte tenu de l'abandon de deux cas d'escroquerie. H._ conclut à ce que lui soit infligée une peine pécuniaire de 90, voire 150 jours-amende, le montant du jour-amende n'excédant pas à 20 francs. Le tribunal lui a infligé une peine privative de liberté de six mois. Il faut donc examiner si une courte peine privative de liberté ce justifie dans ce cas.
9.6.1
Selon l'art. 41 CP, le juge peut prononcer une peine privative de liberté ferme de moins de six mois uniquement si les conditions du sursis à l'exécution de la peine (art. 42 CP) ne sont pas réunies et s'il y a lieu d'admettre que ni une peine pécuniaire ni un travail d'intérêt général ne peuvent être exécutés. L'art. 41 al. 1 CP prévoit ainsi deux conditions cumulatives.
Il faut d'abord que les conditions du sursis à l'exécution de la peine ne soient pas réunies (cf. supra c.7.1).
La seconde condition reflète la subsidiarité de la peine privative de liberté. Le juge ne peut prononcer une peine privative de liberté de moins de six mois que s'il y a lieu d'admettre que ni une peine pécuniaire ni un travail d'intérêt général ne peuvent être exécutés (art. 41 al. 1 CP). Dans un arrêt 6B_599/2011 du 16 mars 2012, le Tribunal fédéral pose que le juge doit motiver le choix de la courte peine privative de liberté ferme de manière circonstanciée. Il ne lui suffit pas d'expliquer pourquoi une peine privative de liberté ferme semble adéquate, mais il devra également mentionner clairement en quoi les conditions du sursis ne sont pas réunies, en quoi il y a lieu d'admettre que la peine pécuniaire ne paraît pas exécutable et en quoi un travail d'intérêt général ne semble pas non plus exécutable (c. 3.1
in fine
et les réf. citées). Une peine pécuniaire peut être exclue pour des motifs de prévention spéciale (TF 6B_128/2011 du 14 juin 2011, c. 3.4)
ou parce qu'elle prive le prévenu du nécessaire, voire de l'indispensable
(ATF 134 IV 97 c. 5.2.3).
9.6.2
A la charge de H._, on retiendra que celui-ci a souvent nié ses actes, en tenant des propos peu clairs, en contradiction avec les pièces du dossier. On retiendra également le concours d'infractions (art. 49 CP). Malgré son jeune âge (1979), le prévenu n'en est pas à son coup d'essai, ayant déjà été condamné à des peines privatives de liberté avec sursis en 2003 et en 2008 pour des infractions du même genre, et ayant subi 28 jours de détention préventive dans le cadre d'une affaire précédente. Il s'agit d'un délinquant récidiviste pour lequel le pronostic est défavorable. On voit dès lors mal comment une peine pécuniaire, voire une peine de travail d'intérêt général – même sans sursis – pourrait être suffisamment dissuasive dans le cas de ce délinquant que la menace d'une peine de prison n'est pas parvenue à dissuader de récidiver. Dès lors, seule une courte peine privative de liberté se justifie pour des motifs de prévention spéciale. Les conditions de l'art. 41 CP sont donc réunies. Il convient de fixer à quatre mois la quotité de cette peine pour tenir compte de l'abandon de deux cas d'escroquerie et compte tenu des éléments à charge et à décharge exposés ci-dessus.
9.7
L'appel de H._ doit donc être partiellement admis et le jugement attaqué modifié dans le sens des considérants qui précèdent.
10. Appel du Ministère public
10.1
Le Parquet conteste la quotité de la peine infligée à J._, qu'il considère comme étant trop clémente. Il plaide que les premiers juges auraient également dû prendre en compte les infractions commises après le jugement du 11 janvier 2011. Cela étant et compte tenu des éléments à charge retenus par le jugement entrepris, seule une peine privative de liberté de 4 ans, partiellement complémentaire aux précédentes prononcées les 28 novembre 2007, 29 mai 2008, 5 mars 2009 et 11 janvier 2011, serait adéquate.
10.2
Aux termes de l'art. 49 CP, si, en raison d’un ou de plusieurs actes, l’auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l’infraction la plus grave et l’augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine (al. 1). Si le juge doit prononcer une condamnation pour une infraction que l’auteur a commise avant d’avoir été condamné pour une autre infraction, il fixe la peine complémentaire de sorte que l’auteur ne soit pas puni plus sévèrement que si les diverses infractions avaient fait l’objet d’un seul jugement (al. 2).
En cas de concours réel rétrospectif partiel, soit lorsque, parmi plusieurs infractions à juger, l'une au moins a été commise avant d'autres jugées précédemment (cf. art. 49 al. 2 CP), il faut déterminer d'abord celle pour laquelle la loi prévoit la peine la plus grave. Lorsque l'infraction la plus grave est celle à juger qui a été commise avant le premier jugement, une peine complémentaire (hypothétique) au premier jugement doit être fixée et sa durée augmentée pour tenir compte des actes commis après ce premier jugement. L'élément de la peine d'ensemble relatif à l'acte en concours rétrospectif sera déterminé comme une peine additionnelle à celle déjà prononcée. Cette méthode permet d'appliquer l'art. 49 al. 1 CP sans négliger l'art. 49 al. 2 CP. Sur le plan formel, la sanction est toujours une peine d'ensemble mais, sur celui de sa quotité, il est tenu compte du concours rétrospectif (TF 6B_685/2010 du 4 avril 2011, c. 4.1 et les références citées).
La jurisprudence fédérale a en outre précisé que si le juge doit prononcer une condamnation pour une infraction que l'auteur a commise avant d'avoir été condamné pour une autre infraction, il fixe la peine complémentaire de sorte que l'auteur ne soit pas puni plus sévèrement que si les diverses infractions avaient fait l'objet d'un seul jugement (art. 49 al. 2 CP). Le prononcé d'une peine complémentaire suppose que les conditions d'une peine d'ensemble au sens de
l'art. 49 al. 1 CP sont réunies. Une peine additionnelle ne peut ainsi être infligée que lorsque la nouvelle peine et celle qui a déjà été prononcée sont du même genre. Des peines d'un genre différent doivent en revanche être infligées cumulativement car le principe d'absorption n'est alors pas applicable (TF 6B_1082 du 18 juillet 2011 c.2.2 et les références citées).
10.3
J._ a été condamnés à trois peines pécuniaires en 2007, 2008 et 2009, ainsi qu'à peine privative de liberté de 14 mois dont 7 avec sursis pendant 5 ans infligée le 11 janvier 2011.
Dans la présente cause, il s'est rendu coupable de cinq cas d'abus de confiance, dix-sept cas de faux dans les titres dont deux commis après le jugement du 11 janvier 2011, ainsi que de douze cas d'escroquerie dont deux commis après ledit jugement. Il a été condamné pour vol, recel et diverses infractions à la LCR commises avant et après le jugement du 11 janvier 2011. Les infractions les plus graves sont antérieures au dit jugement. Il y a l'escroquerie par métier (art. 146 al. 2 CP), laquelle infraction est passible d'une peine privative de liberté de dix ans au plus, ou d'une peine pécuniaire de 90 jours-amende au moins. Il y a aussi les plus nombreux encore faux dans les titres qui sont passibles d'une peine maximale de cinq ans de prison.
La faute de J._ est lourde. A charge on retiendra l'intensité de l'activité délictueuse qu'il a déployée de 2007 à 2011, à laquelle seule son arrestation a permis de mettre un terme. On tiendra également compte de la personnalité particulière de ce prévenu multirécidiviste et sans scrupule, qui n'hésite pas à s'en prendre à ses comparses et aux magistrats (cf. supra c. 4.20), et dont le comportement en prison a provoqué un avertissement (P. 270). A charge toujours, on considèrera le revenu substantiel que l'intéressé a tiré de son intense activité délictueuse (plus de 80'000 au seul préjudice de [...] ce qui réalise la circonstance aggravante du métier. A sa décharge, on considèrera qu'il a toujours admis les faits. N'est en revanche pas déterminant à ce titre, le fait qu'il se soit reconnu débiteur de ses victimes, si l'on sait de sa situation durablement obérée ne lui permettra pas avant longtemps d'honorer ses engagements. S'agissant enfin des projets que le prévenu nourrit pour son avenir – selon lesquels, il entreprendrait une formation de moniteur de fitness à sa sortie de prison – aucun élément concret ne permet de considérer qu'ils seront effectivement mis sur pied.
Vu ce qui précède, une peine privative de liberté (globale) de 4 ans (48 mois) aurait été adéquate pour sanctionner l'ensemble de l'activité délictueuse de J._ en une seule fois.
De cette peine de 4 ans (48 mois), il y a lieu de déduire celle fixée le 11 janvier 2011 (14 mois), pour obtenir celle à infliger dans la présente cause, qui est de deux ans et dix mois (48 mois – 14 mois). La détention prévenue subie jusqu'à ce jour doit en être déduite. Cette peine sera ferme, le pronostic étant manifestement défavorable.
En définitive, l'appel du Ministère public apparaît mal fondé et doit être rejeté.
10.4.
Dès lors qu'il s'agit de juger l'activité délictueuse déployée par J._ de juillet 2007 à avril 2011, soit avant et après le jugement rendu par le Tribunal correctionnel de Lausanne le 11 janvier 2011, et qu'il y a concours réel rétrospectif partiel. La peine de deux ans et 10 mois fixée ci-dessus sera donc partiellement complémentaire à celle infligée le 11 janvier 2011.
Le dispositif du jugement entrepris doit donc être corrigé d'office dans le sens de ce qui précède.
11.
Il faut examiner la question de la révocation du sursis accordé le 11 janvier 2011.
11.1
Aux termes de l’art. 46 CP, si, durant le délai d’épreuve, le condamné commet un crime ou un délit et qu’il y a dès lors lieu de prévoir qu’il commettra de nouvelles infractions, le juge révoque le sursis ou le sursis partiel. Il peut modifier le genre de la peine révoquée pour fixer, avec la nouvelle peine, une peine d’ensemble conformément à l’art. 49 CP. S’il n’y a pas lieu de prévoir que le condamné commettra de nouvelles infractions, le juge renonce à ordonner la révocation. II peut adresser au condamné un avertissement et prolonger le délai d’épreuve de la moitié au plus de la durée fixée dans le jugement.
Lorsque le juge est appelé à connaître d’un crime ou d’un délit que l’auteur a commis après une précédente condamnation à une peine assortie du sursis, il est également compétent pour statuer sur la révocation de ce dernier (cf. art. 46 al. 3 CP). Il doit donc examiner si les conditions d’une révocation sont réunies, laquelle postule que le crime ou le délit dont il est appelé à connaître ait été commis pendant le délai d’épreuve du sursis antérieur et qu’il y ait dès lors lieu de prévoir que l’auteur commettra de nouvelles infractions (cf. art. 46 al. 1 CP). Cette dernière condition implique l’existence d’un pronostic défavorable quant au comportement futur du condamné (ATF 134 IV 140 c. 4.3 p. 143). Elle correspond donc à l’une des conditions de l’octroi du sursis, de sorte que, comme dans ce dernier cas, le pronostic à émettre doit reposer sur une appréciation d’ensemble de tous les éléments pertinents (arrêt précité, c. 4.4 et les arrêts cités in TF 6B_855/2010 du 7 avril 2011, c. 2.1).
Dans l’appréciation des perspectives d’amendement à laquelle il doit procéder pour décider de la révocation d’un sursis antérieur, le juge doit tenir compte des effets prévisibles de l’octroi ou non du sursis à la nouvelle peine. Il peut parvenir à la conclusion que l’exécution, le cas échéant, de la nouvelle peine aura un effet dissuasif suffisant, justifiant de renoncer à la révocation du sursis antérieur. L’inverse est également admissible : si le sursis précédent est révoqué, l’exécution de la peine qui en était assortie peut, par l’effet de choc et d’avertissement (Schock-und Warnungswirkung) issu de la condamnation précédente, y compris en ce qui concerne l’aménagement ultérieur de la vie de l’intéressé, conduire à nier l’existence d’un pronostic défavorable pour la nouvelle peine et, partant, à assortir cette dernière du sursis (ATF 134 IV 140 c. 4.5 p. 144, spéc. 147 ss).
11.2
Si l'on tient compte des éléments exposés ci-dessus, le pronostic est défavorable s’agissant de l'effet dissuasif de nouvelle peine ferme prononcée. Il sied donc de confirmer le jugement entrepris qui ordonne la révocation du sursis accordé le 11 janvier 2011.
12.
Au vu de l'intensité de l'activité délictueuse déployée par J._, ainsi que de ses antécédents judiciaires, il existe un risque concret de réitération que seul le maintien en détention permet d'écarter efficacement (art. 221 al. 1 CPP). Il convient donc d'ordonner le maintien en détention de J._ pour des motifs de sûreté pour une durée de six mois.
13.
Il reste à statuer sur les indemnités et les frais.
13.1
Me Ines Feldmann a produit une liste des opérations faisant état d'un montant global en sa faveur de 5'317 fr. 25. Le nombre d'heures alléguées par l'avocate, qui représentait déjà la prévenue pendant l'enquête et aux débats de première instance, apparaît trop conséquent compte tenu de la complexité du litige et du travail accompli. Compte tenu de l'ampleur de la présente procédure et du temps consacré à la défense de la partie représentée (rédaction d'un mémoire de huit pages, échanges de correspondance, audience d'appel) dans un dossier déjà connu car défendu en première instance, il convient d'allouer à Me Ines Feldmann une indemnité de défenseur d'office pour la procédure d'appel d'un montant de 2'332 fr. 80 (deux mille trois cent trente-deux francs et huitante centimes). Cette somme correspond à 12 heures à 180 francs plus 8 % de TVA.
13.2
Me Jean Lob a produit une liste des opérations faisant état de dix heures d'honoraires. Il convient de faire droit à cette demande et de lui allouer une indemnité de défenseur d'office pour la procédure d'appel d'un montant de 1'944 francs.
13.3
Me Benoît Morzier a produit une liste des opérations mentionnant
9,8 heures d'honoraires, audience non incluse, ainsi que de 381 fr. de débours comprenant diverses vacations et les frais de déplacement jusqu'à la prison. Une indemnité de défenseur d'office pour la procédure d'appel d'un montant de
2'744 fr. 30 doit lui être allouée. Cette somme comprend 12 heures d'honoraires à 180 francs, plus trois vacations à 120 francs, les débours et 8 % de TVA.
14.
Vu le sort des appels, K._ supportera un sixième des frais d'appel communs (886 fr. 65), plus la moitié de l'indemnité d'office allouée son défenseur d’office Me Feldmann (1'166 fr. 40), soit un total de 2'053 fr. 05. H._ supportera un sixième de frais d’appel communs (886 fr. 65), plus la moitié de l’indemnité d’office allouée à son défenseur d'office Me Lob (972 fr.), soit un total de 1'858 fr. 65. Le solde des frais d'appel et des indemnités d'office, soit 8'429 fr. 40, est laissé à la charge de l'Etat (art. 428 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
33995558-d039-436a-b62c-3a39e9023344 | En fait :
A.
Par jugement du 18 novembre 2011, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de La Côte a libéré C._ et P._ des chefs d'accusation de faux dans les titres et de contravention à la loi sur l'action sociale vaudoise (I), constaté qu'C._ s'est rendu coupable d'escroquerie (II), condamné C._ à une peine privative de liberté de 14 mois avec sursis pendant cinq ans (III), dit que cette peine est partiellement complémentaire au jugement du 1
er
septembre 2006 rendu par le Juge d'instruction du Nord vaudois, partiellement complémentaire au jugement du 22 mai 2007 rendu par le Juge d'instruction de La Côte, partiellement complémentaire au jugement du 29 novembre 2007 rendu par le Juge d'instruction de La Côte et complémentaire au jugement du 2 octobre 2009 rendu par le Juge d'instruction du Nord vaudois (IV), renoncé à révoquer les sursis qui lui ont été accordés le 1
er
septembre 2006 par le Juge d'instruction du Nord vaudois et le 22 mai 2007 par le Juge d'instruction de La Côte (V), constaté que P._ s'est rendue coupable d'escroquerie (VI), condamné P._ à une peine privative de liberté de 10 (dix) mois, avec sursis pendant cinq ans (VII), dit que cette peine est partiellement complémentaire à la peine prononcée le 21 août 2006 par la Préfecture de Nyon (VIII), renoncé à révoquer le sursis qui lui a été accordé le 21 août 2006 par la Préfecture de Nyon (IX), dit que les sursis prévus aux chiffres II (recte : III) et VII ci-dessus sont subordonnés au remboursement au Service de prévoyance et d'aides sociales (SPAS) par C._ et P._ solidairement de mensualités de 200 fr. (X), dit qu'C._ et P._ sont solidairement débiteurs du SPAS d'un montant de 44'194 fr. 65, valeur échue, et donne acte à la plaignante de ses réserves civiles pour le surplus (XI), mis à la charge d'C._ et de P._ solidairement entre eux les frais de la cause, arrêtés à 14'117 fr. 30, comprenant les frais de leurs défenseurs d'office correspondant à un montant de 4'208 fr. 95, TVA et débours compris, pour Me Karlen, et de 3'571 fr. 55, TVA et débours compris, pour Me de Benoit (XII), dit que le remboursement à l'Etat des indemnités allouées à Me Karlen, correspondant à un montant de 4'208 fr. 95, TVA et débours compris, et à Me de Benoit, correspondant à un montant de 3'571 fr. 55, TVA et débours compris, ne sera exigible que pour autant que la situation économique d'C._ et de P._ se soit améliorée (XIII).
B.
Le 25 novembre 2011, C._ a annoncé faire appel de ce jugement. Par déclaration d'appel du 19 décembre suivant, il a conclu, avec suite de frais et dépens, à la réforme, soit à la modification du jugement entrepris en ce sens qu'il est libéré du chef d'accusation d'escroquerie.
Le 28 novembre 2011, P._ a également annoncé faire appel de ce jugement. Par déclaration d'appel du 20 décembre suivant, elle a conclu, avec suite de frais et dépens, principalement à l'annulation des chiffres VI à VIII et X du jugement et à ce qu'elle est libérée du chef d'accusation d'escroquerie. Subsidiairement, elle a conclu à la réforme, soit à la modification du jugement précité en ce sens qu'elle est condamnée à une peine pécuniaire avec sursis pendant deux ans, sanction dont le montant sera fixé à dire de justice.
Par lettre du 6 mars 2012, sur interpellation de la direction de la procédure, le SPAS a déclaré réduire ses conclusions civiles à 111'894 fr. 85.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.1 C._, né en 1971, ressortissant du Kosovo, et P._, née en 1968, ressortissante du Portugal, se sont mariés en 1997. Le couple a trois enfants, nés en 1998, 2003 et 2004. L'épouse ne travaille plus depuis 1998. Elle se décrit désormais comme mère au foyer. Entre 2005 et 2009, C._, dont la société active dans le bâtiment avait fait faillite, a œuvré comme indépendant. Il a alors offert ses services à d’autres entreprises ou à des amis, toujours dans le domaine de la construction, sous réserve d’une période de deux ou trois mois au cours de laquelle il a été salarié de [...]. Depuis le 1
er
juillet 2009, il est employé de [...].
1.2 Le casier judiciaire d'C._ comporte sept condamnations, prononcées du 11 avril 2003 au 2 octobre 2009, pour des infractions à la LCR, à la LSEE et à la LAVS, ainsi que pour détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice. Celui de P._ en compte une, prononcée le 21 août 2006 par la Préfecture de Nyon, portant sur une amende de 500 fr. avec sursis à l'exécution de la peine d'une durée d'un an, pour délit contre la LSEE, à savoir l'occupation intentionnelle d'étrangers sans autorisation.
1.3 P._ a été soumise à une expertise psychiatrique. Dans leur rapport déposé le 31 mars 2011, les experts ont estimé que l’intéressée présentait une légère diminution de sa responsabilité et un risque de récidive moyen à important, ce en raison d'un fonctionnement de la personnalité de type état limite inférieur. Elle était en outre atteinte d'un trouble dépressif durant les faits ici en cause, cette affection n'étant toutefois pas de nature à justifier une réduction de sa capacité de discernement.
2.1 Du 1
er
mars 2006 au 31 décembre 2006 et du 1
er
avril 2007 au 31 décembre 2008, les prévenus ont perçu l’aide sociale sur la base d'un dossier ouvert auprès du Centre social régional [...] (CSR). Sous réserve de quelques montants modiques perçus d’octobre à décembre 2007, ils avaient affirmé aux services sociaux qu’ils n’avaient aucun revenu, alors même qu'ils avaient obtenu des rétributions à concurrence de 181'415 fr. 80 durant la période en question. Ils ont dès lors perçu indûment des prestations de revenu d’insertion, à tout le moins dès août 2006, mois au cours duquel ils ont pour la première fois obtenu un gain non déclaré. Ces faits sont admis par les prévenus.
Le SPAS a déposé plainte contre les prévenus. Il a pris, à l'audience de première instance, des conclusions civiles à hauteur de 141'307 fr. 60. Ce montant correspondait à l'entier des prestations versées au couple de mars 2006 à décembre 2008.
2.2 Les services sociaux ont été trompés par les éléments suivants :
- Les prévenus affirmaient que C._ devait s’occuper des enfants à cause de la dépression – attestée par des certificats médicaux – de P._; or, en réalité, il allait travailler, les enfants étant pris en charge par des jeunes filles au pair (ressortissantes brésiliennes en situation irrégulière, ce qui avait valu aux prévenus une condamnation pour infraction à la LSEE). L’excuse était vraisemblable, et la difficulté de trouver du travail alléguée par le requérant n'était pas exceptionnelle.
- C._ n'a déclaré qu'une part infime de ses revenus et, pour les justifier, a confectionné de fausses attestations de salaire au moyen de son ordinateur. Les annonces ponctuelles d’emploi donnaient ainsi l’impression trompeuse que, lorsqu’un revenu entrait, il était déclaré.
- Chaque mois, les prévenus ont rempli la formule « déclaration de revenus » exigée par le CSR, conformément à leur obligation légale. Ils ont aussi confirmé leur absence de revenus à l’assistant social [...], en charge de leur dossier et qui les rencontrait tous les trois mois au moins dès avril 2007.
- Les prévenus avaient un loyer dépassant la norme admissible. Le CSR leur avait dès lors laissé un an pour trouver un autre logement, ce délai étant usuel selon la pratique administrative. Cela signifie que le loyer avait été intégralement pris en charge durant ce délai, puis ultérieurement seulement dans la mesure admissible. Or, les prévenus avaient conservé leur logement passé l'échéance du délai transitoire. C'est le montant du loyer, excédant les ressources dont étaient censés disposer les bénéficiaires, qui, en automne 2008, avait suscité l’étonnement de la direction du CSR, qui avait alors ordonné une enquête.
Avant la naissance de ces soupçons, les services sociaux n’avaient aucune raison de mettre en doute les déclarations des prévenus et d’entreprendre de plus vastes investigations. Il avait fallu interroger les prétendus employeurs annoncés, étudier les comptes AVS et prendre renseignement auprès de divers établissements bancaires pour découvrir le pot-aux-roses. La tâche avait été rendue plus difficile par le fait que le travail avait été accompli «au noir», sans décompte et avec remise d’argent de la main à la main.
- Par ailleurs, il existait un rapport de confiance entre les prévenus et l’assistant social [...]. Entendu comme témoin, ce dernier a en effet déclaré être «tombé de haut et (avoir) été réellement déçu» lorsqu’il avait appris le résultat de l’enquête; de surcroît, le prévenu avait estimé bon de lui présenter des excuses pour avoir trahi sa confiance "au-delà du fonctionnaire qui exécutait son travail".
2.3 Les prévenus ont utilisé l'aide sociale indûment perçue pour les besoins de leur ménage et ceux de leurs familles au Kosovo et au Portugal. | En droit :
1.1
Interjetés dans les formes et délais légaux (cf. art. 399 CPP) contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), les appels sont recevables.
1.2
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
Les deux appels peuvent être traités ensemble, dans la mesure seulement où ils soulèvent des moyens de droit identiques, afférents au chef d'accusation d'escroquerie.
2.1
Le premier moyen de chacun des appels est déduit d'une violation de l’art. 146 CP. Les appelants contestent avoir fait preuve d’astuce. Ils se prévalent de la jurisprudence du Tribunal fédéral selon laquelle l’autorité agit de manière légère, ce qui exclut l’astuce, lorsqu’elle néglige de demander les documents nécessaires pour établir les revenus et la fortune de la personne qui demande des prestations, comme par exemple sa déclaration fiscale, la décision de taxation ou des extraits de ses comptes bancaires. Or, en l’occurrence, le CSR n’avait pas jugé utile de requérir la production de tels documents. Cela lui aurait permis de découvrir que «certaines sommes transitaient sur le compte de l’appelante». Toujours selon les appelants, les services sociaux auraient aussi tardé à s’étonner de leur loyer élevé. Le prévenu fait en outre valoir que l'administration aurait aussi omis de vérifier qu’il s’était bel et bien inscrit (comme demandeur d'emploi) auprès de l’Office régional de placement (ORP).
2.2
Aux termes de l'art. 146 al. 1 CP, se rend coupable d'escroquerie celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, a astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais, ou l'a astucieusement confortée dans son erreur et a de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers.
2.3
L'escroquerie consiste à tromper la dupe. Pour qu'il y ait escroquerie, une simple tromperie ne suffit cependant pas; il faut qu'elle soit astucieuse.
Il y a tromperie astucieuse, au sens de l'art. 146 CP, lorsque l'auteur recourt à un édifice de mensonges, à des manoeuvres frauduleuses ou à une mise en scène, mais aussi lorsqu'il donne simplement de fausses informations, si leur vérification n'est pas possible, ne l'est que difficilement ou ne peut raisonnablement être exigée, de même que si l'auteur dissuade la dupe de vérifier ou prévoit, en fonction des circonstances, qu'elle renoncera à le faire en raison d'un rapport de confiance particulier (ATF 133 IV 256 c. 4.4.3 p. 264; 128 IV 18 c. 3a p. 20). L'astuce n'est toutefois pas réalisée si la dupe pouvait se protéger avec un minimum d'attention ou éviter l'erreur avec le minimum de prudence que l'on pouvait attendre d'elle. Il n'est cependant pas nécessaire qu'elle ait fait preuve de la plus grande diligence ou qu'elle ait recouru à toutes les mesures possibles pour éviter d'être trompée. L'astuce n'est exclue que si elle n'a pas procédé aux vérifications élémentaires que l'on pouvait attendre d'elle au vu des circonstances. Une co-responsabilité de la dupe n'exclut toutefois l'astuce que dans des cas exceptionnels (ATF 135 IV 76 c. 5.2 p. 81).
Ces principes sont également applicables en matière d'aide sociale (cf. notamment ATF 127 IV 163, résumé
in
: Favre, Pellet et Stoudmann, Code pénal annoté, 3
ème
éd., Lausanne 2007, n. 1.16 ad art. 146 CP; TF 6B_22/2011 du 23 mai 2011 c. 2.1). L'autorité agit de manière légère lorsqu'elle n'examine pas les pièces produites ou néglige de demander à celui qui requiert des prestations les documents nécessaires afin d'établir ses revenus et sa fortune, comme par exemple sa déclaration fiscale, une décision de taxation ou des extraits de ses comptes bancaires. En revanche, compte tenu du nombre de demandes d'aide sociale, une négligence ne peut être reprochée à l'autorité lorsque les pièces ne contiennent pas d'indice quant à des revenus ou à des éléments de fortune non déclarés ou qu'il est prévisible qu'elles n'en contiennent pas (TF, 6B_22/2011 du 23 mai 2011, précité, c. 2.1.2; 6B_576/2010 du 25 janvier 2011 c. 4.1.2; 6B_689/2010 et 6B_690/2010 du 25 octobre 2010 c. 4.3.4; cf. également arrêts 6B_409/2007 du 9 octobre 2007 c. 2.2 et 6B_558/2009 du 26 octobre 2009 c. 1.2).
L'arrêt du 23 mai 2011 précité précise (c. 2.2) que l'engagement pris par l'allocataire de prestations d'assistance de fournir tous les renseignements utiles concernant sa situation personnelle et financière ainsi que toute modification de celle-ci n'est pas simplement moral, mais concrétise une obligation légale, s'agissant en l'espèce du droit social genevois. La question est alors de déterminer l'étendue du devoir d'information imposé au bénéficiaire par le droit cantonal (cf. Favre, Pellet et Stoudmann, op. cit., n. 1.18 ad art. 146 CP).
2.4
Selon l'art. 38 de la loi sur l'action sociale vaudoise (LASV; RSV 850.051), entrée en vigueur le 1
er
janvier 2006, la personne qui sollicite une prestation financière ou qui en bénéficie déjà fournit des renseignements complets sur sa situation personnelle et financière (al. 1); en cas de doute sur la situation financière de la personne qui sollicite une aide ou qui en bénéficie déjà, l'autorité compétente peut exiger de cette dernière qu'elle autorise des personnes ou instances nommément désignées à fournir tout renseignement relatif à établir son droit à la prestation financière (al. 3); elle signale sans retard tout changement de sa situation pouvant entraîner la réduction ou la suppression de ladite prestation (al. 4). Ces principes sont rappelés sur le formulaire ad hoc signé par les requérants et bénéficiaires à intervalles réguliers, d'ordinaire mensuellement.
2.5
S'agissant d'abord des comptes bancaires et postaux des appelants, il résulte du dossier (P. 5/4) que, au cours de la période durant laquelle ils ont perçu l’aide sociale, les prévenus disposaient d'un compte [...], déjà ouvert en mars 2006, d'un compte [...], ouvert en janvier 2006, et de deux comptes [...], ouverts en septembre 2006.
Du 21 mars au 9 mai 2006, le prévenu a été incarcéré. La prévenue, se trouvant alors sans revenu, a demandé l’aide sociale en remplissant la formule de demande de revenu d'insertion (RI), le 28 mars 2006. Elle a dit avoir remis aux services sociaux les documents requis, soit notamment les relevés bancaires (PV 1 p. 2 et jugement, p. 25). On ne sait pas si c’est vrai, en particulier si l’existence des deux comptes bancaires des époux a été signalée au CSR. La formule de demande de RI remplie le 28 mars 2006 n’a été produite qu’incomplètement (P. 17), sachant qu'il manque la deuxième page. Peut-être des indications sur les comptes bancaires y figurent-elles. Quoi qu'il en soit, les comptes ouverts auprès de [...] ne pouvaient à l'évidence pas y être mentionnés puisqu’ils n’existaient pas encore. Cela étant, la décision d’octroi du RI du 12 juillet 2006 (P. 5/1) ne fait état que d’un compte auprès de l’ [...], sur lequel l’aide sociale était versée. La prévenue a en outre affirmé qu'«au début», le couple n’avait qu’un compte auprès de l’ [...] (PV 1, p. 2). Il est donc vraisemblable que seul le compte [...] avait été signalé. Quoi qu'il en soit, même en admettant le contraire, cela ne changerait rien au sort de la cause, comme on le verra plus loin.
De mars à décembre 2006, les prévenus ont touché l’aide sociale intégrale, n’ayant annoncé aucun revenu.
De janvier à mars 2007, l’aide sociale a été interrompue, le prévenu ayant annoncé avoir retrouvé un travail. Elle a été sollicitée et reçue à nouveau dès le 1
er
avril 2007, ce jusqu’au 31 décembre 2008. Durant cette période, les prévenus n’ont annoncé des revenus que pour les mois d’octobre à décembre 2007, qui ont été déduits de leur «droit». Ils ont justifié ces rentrées d’argent par de faux certificats de salaire, confectionnés par le prévenu sur son ordinateur.
Il ressort de l’enquête des services sociaux que les revenus non déclarés d'C._ lui ont tous été versés sur les comptes [...] et Postfinance. Le prévenu reconnaît d’ailleurs que ces comptes étaient utilisés pour son activité professionnelle (PV 2 p. 2). Seul un montant de 70 fr. 65, perçu par la prévenue et non déclaré, a été versé sur le compte [...], utilisé pour le versement de l’aide sociale. Ces revenus ne consistaient au surplus pas en salaires mensuels et réguliers, mais en rentrées irrégulières, tantôt sur un compte, tantôt sur un autre. Pour en découvrir l’existence, il aurait fallu demander chaque mois les relevés bancaires de tous les comptes. Ainsi, même si l’existence de tous les comptes a été signalée, et si des extraits ont été fournis en mars 2006 pour les comptes bancaires et à leur ouverture pour les comptes postaux, cela n’aurait pas suffi pour justifier des soupçons et, partant, des vérifications mensuelles.
Chaque mois, les prévenus remplissaient la formule « déclaration de revenus » qui comportait le rappel de l’obligation légale de fournir des informations exactes et complètes et de signaler les changements de situation. Ils confirmaient cela par oral lors des entretiens avec l’assistant social. Ils admettent avoir tu l’existence des rentrées d’argent précitées. On ne sait pas s’ils ont annoncé l’ouverture des comptes [...] en septembre 2006, parce que le dossier ne contient pas toutes ces formules, mais seulement quelques unes (P. 17). Ils ne prétendent pas l’avoir fait et la création de faux certificats est en faveur de l'hypothèse selon laquelle l’existence de ces comptes n’avait pas été signalée. Mais même si on admettait que tel a été le cas, le constat demeure, selon lequel il aurait fallu demander des relevés chaque mois pour découvrir les revenus non déclarés.
L’assistant social a reconnu que, lorsqu’il n’y a pas matière à suspicion, les relevés bancaires ne sont pas demandés (jugement, pp. 10-11). Ce procédé est conforme à la LASV. Or, il résulte des éléments qui précèdent que les services sociaux n’avaient pas de raison de vérifier chaque mois les déclarations des prévenus en demandant des relevés bancaires. Selon la prévenue elle-même ils avaient reçu un relevé au début, alors que le prévenu était en prison, ce qui suffisait à démontrer l’absence de fortune et de revenu. Rien dans les déclarations reçues n’était de nature à éveiller les soupçons. Il n’y avait aucune contradiction entre diverses pièces. Les appelants reprochent au CSR de ne pas avoir procédé à des vérifications, pas de ne pas avoir lu des pièces bancaires qu’ils auraient produites et qui auraient contenu des indices de leurs malversations. On ne peut pourtant pas exiger du CSR qu’il contrôle chaque mois toutes les déclarations des requérants (TF, 6B_22/2011, précité; CAPE, n° 210 du 15 novembre 2011).
La déclaration occasionnelle de revenu au début 2007 et à la fin 2007 – cette dernière reposant sur de fausses pièces – était aussi de nature à rassurer l'administration, à faire croire à l’honnêteté des requérants, et donc à dissuader l'administration de vérifier les éléments économiques annoncés. A cet égard, si l’enquête a trouvé trace de paiements sur les comptes des prévenus, on ne peut exclure qu’il y ait eu d’autres rentrées d’argent restées inconnues. En effet, la prévenue a avoué que l’argent n’arrivait pas forcément sur leurs comptes et que son mari en recevait également de main à main (PV 1 p. 3).
Les services sociaux n’ont ainsi pas fait preuve de légèreté en ne requérant pas systématiquement les relevés des comptes bancaires (et postaux) des époux. L'astuce est donc avérée dans cette mesure.
2.6
Pour ce qui est ensuite du loyer, il était intégralement pris en charge par les services sociaux en 2006. Dès avril 2007, seul un montant de 1'776 fr. a été admis au titre du loyer. Il résulte de la pièce 5/2 que, jusqu’en octobre 2007, le CSR versait directement le loyer au bailleur et versait le solde de l'allocation aux prévenus; toutefois, à partir de novembre suivant, l’intégralité de l’aide était versée aux époux, à charge pour eux de payer leur loyer. Il ressort d’un extrait du journal de l’assistant social qu’au mois de juin 2007, le couple devait des arriérés de loyer et qu’une expulsion était envisagée (P. 5/3). On peut donc supposer que, durant l’interruption de l’aide sociale de janvier à mars 2007, les prévenus n’ont pas payé tout ou partie de leur loyer, ce qui a dû motiver la mesure prise jusqu’en octobre 2007. Il ressort aussi de la pièce 5/4/1 que les intéressés avaient des poursuites, lesquelles ont donné lieu à des actes de défaut de biens. Selon l'assistant social, durant les entretiens, il cherchait avec les intéressés des pistes pour diminuer les charges. L’assistant social rappelait aux prévenus qu’ils devaient trouver un logement moins cher. Lorsqu’il leur demandait comment ils «tournaient», le mari répondait à côté (cf. le témoignage de l'assistant social, jugement, p. 10). Au vu de ces circonstances, il est dans le cours normal des choses que les services sociaux ne se soient pas étonnés immédiatement du fait que le couple parvenait à s’en sortir malgré un loyer élevé. Les gestionnaires du dossier pouvaient en effet supposer qu’une partie des charges restait impayée, par exemple.
L’enquête n'a été ordonnée qu'en octobre 2008. La question déterminante est celle de savoir si ce délai doit être considéré comme excessif. Vu les circonstances (absence de motifs de méfiance en 2006 et durant le premier semestre 2007, déclaration – vraie ou fausse – de certains revenus, pièces justificatives à l’appui, difficultés financières réelles, confiance de l’assistant social en charge du dossier envers les prévenus), on doit admettre que tel n'est pas le cas.
2.7
En faisant valoir que les autorités avaient aussi omis de vérifier qu’il s’était bel et bien inscrit auprès de l’ORP en vue d'une réinsertion professionnelle, l'appelant leur fait également grief d'un manque de diligence qui, selon lui, exclut l'astuce, donc l'escroquerie. Les considérations générales qui précèdent s'appliquent à la question de l'inscription à l’ORP. Les assistants sociaux, au cours des entretiens, avaient dirigé le prévenu vers l’ORP, mais celui-ci disait cependant qu’"il n’y avait pas de travail" (cf. le témoignage de l'assistant social, jugement, p. 10). De plus, il avait annoncé des revenus durant une période, ce qui impliquait qu’il avait cherché et trouvé du travail. Dans une telle situation, le CSR n’avait pas de raison de douter de son implication et de le surveiller en opérant des vérifications.
Au surplus, aurait-il même découvert que le prévenu n’avait effectué aucune démarche auprès de l’ORP que cela ne lui aurait pas permis de deviner ou même de soupçonner que l’intéressé avait des gains cachés. En effet, il aurait pu penser simplement qu’il s’agissait de paresse de la part de l'intéressé.
En conclusion, rien ne permet de retenir une négligence de la part des autorités, a fortiori une négligence excluant l'astuce au sens de l'art. 146 CP.
2.8
Bien que les appelants ne fassent valoir aucun autre argument, ils déclarent pour le surplus contester que « les conditions constitutives de l’escroquerie » soient réalisées.
Les prévenus admettent d'abord avoir trompé les autorités d'assistance, à défaut de l’avoir fait astucieusement. Ensuite, il est établi qu'ils ont agi dans le dessein de se procurer un enrichissement illégitime, puisqu’ils voulaient obtenir des prestations d’aide sociale auxquelles il n’avaient pas droit vu leurs ressources réelles; que les prestations indûment perçues ont été dépensées pour les besoins de leur ménage et pour aider leurs familles respectives au Kosovo et au Portugal (bien qu’à l’audience ils eussent soutenu que l’essentiel avait été remis en paiement à des sous-traitants, en cours d’enquête ils avaient reconnu que la plus grande partie leur avait profité : PV 1, p. 3; PV 2, pp. 2-3; PV 4, p. 2); que le SPAS a été induit en erreur sur la situation d’indigence du couple; qu'il y a eu acte de disposition et dommage au préjudice de la dupe, puisque le SPAS a versé des prestations indues; que le lien de causalité entre la tromperie et l’acte de disposition ne fait enfin pas de doute. Les éléments matériels de l'escroquerie sont donc réalisés.
2.9
L'escroquerie porte à tout le moins sur les montants perçus d'août 2006 au 31 décembre 2008, les prévenus ayant perçu pour la première fois un revenu non déclaré en août 2006 et le total de leurs revenus pour la période litigieuse dépassant le total de l'aide sociale perçue. Cela représente un préjudice qui n'est pas inférieur au montant de 115'100 fr. 55 tel que calculé par le SPAS pour cette période. Ce montant équivaut à l'entier de l'aide sociale versée durant cette période, dont à déduire des remboursements de 29 fr. 70, de 1'776 fr. et de 1'400 francs.
3.1
L'appelante excipe ensuite d'une violation de l’art. 47 CP. En particulier, elle estime que la peine qui lui a été infligée est trop sévère compte tenu de son rôle dans les faits incriminés. Elle soutient que son mari avait seul la maîtrise des montants qu’il gagnait. Elle précise qu’elle ignore encore si ces montants correspondaient véritablement à des gains nets, son époux ayant toujours affirmé qu’une grande partie devait être reversée à des sous-traitants. Contestant en outre le genre de la peine, l'appelante conclut aussi à ce que la peine soit prononcée sous la forme de jours-amende.
3.2
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
Les critères, énumérés de manière non exhaustive par cette disposition, correspondent à ceux fixés par l'art. 63 aCP et la jurisprudence élaborée en application de cette disposition (ATF 134 IV 17 c. 2.1). Cette jurisprudence conserve toute sa valeur, de sorte que l'on peut continuer à s'y référer (cf. ATF 129 IV 6 c. 6.1 p. 21; ATF 127 IV 101 c. 2a p. 103).
L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge. Par conséquent, celui-ci ne viole le droit fédéral en fixant la peine que s'il sort du cadre légal, s'il se fonde sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, s'il omet de prendre en considération des éléments d'appréciation prévus par cette disposition ou, enfin, si la peine qu'il prononce est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d'appréciation (ATF 134 IV 17 c. 2.1; ATF 129 IV 6 c. 6.1 et les références citées; TF, 6B_485/2011).
3.3.1
Au moment de fixer la peine, les premiers juges ont retenu que l’époux gérait les finances et que sa responsabilité dans la tromperie était plus importante que celle de l’épouse (jugement, p. 33). Ils ont donc tenu compte du rôle respectif de chacun des prévenus. Pour le surplus, il est inexact de dire que le prévenu aurait toujours affirmé avoir reversé l’essentiel de ses gains à des sous-traitants; c’est le contraire qui est vrai, comme déjà relevé plus haut. L’appelante a par ailleurs été en mesure d’en dire autant que son mari sur ce qu’il était advenu de l’argent. Les comptes étaient ouverts à son nom et il lui arrivait régulièrement d’aller retirer des espèces ou d’effectuer des paiements (PV 4 p. 2). Il importe peu qu’elle n’ait pas su au centime près ce que gagnait son mari. Ce qui est davantage déterminant c’est qu’elle a agi «en toute connaissance de cause» (jugement, p. 32), c’est-à-dire qu’elle savait que son époux travaillait et gagnait des sommes parfois importantes (PV 4, p. 2) et qu’elle a participé sans réserve (hormis les facteurs à l'origine d'une légère diminution de responsabilité, dont il a été tenu compte) à la dissimulation de ces ressources aux services sociaux. Pour le surplus, les éléments d'appréciation, à charge et à décharge, énoncés par le tribunal correctionnel sont les suivants :
Appréciant la culpabilité de chacun des prévenus, le tribunal correctionnel a d'abord considéré que leur comportement était grave. La cour a retenu, à charge, que les intéressés avaient trompé les services sociaux durant presque deux ans en en retirant quelque 140'000 fr., dans le dessein de vivre le plus confortablement possible. En ce qui concerne P._, il a été retenu, toujours à charge, qu'elle s'était associée dans cette entreprise en toute connaissance de cause et que c'étaient ses comptes bancaires qui avaient été utilisés pour recueillir l'argent; de même, elle avait procédé à des retraits pour payer les employés de son époux.
A décharge, il a ensuite été retenu que les prévenus se trouvaient cependant dans une situation «particulière» en raison de l’état de santé de l’épouse; qu’au début, l’aide sociale avait été sollicitée pour une bonne raison, qu’ils avaient exprimé des regrets qui avaient paru sincères; qu’ils s'étaient engagés à rembourser les montants perçus à tort; que la prévenue n’avait « pas d’antécédent significatif »; que la responsabilité de celle-ci était légèrement diminuée à dires d'expert; que l’intéressée semblait «sur la bonne voie», assumant à nouveau l'éducation de ses enfants et cherchant une activité à temps partiel.
Quant au genre de la peine à prononcer à l'égard de la prévenue, la cour a considéré qu'il devait s'agir d'une peine privative de liberté, alors même que sa quotité pourrait permettre un autre type de sanction. En effet, elle a estimé qu'une peine pécuniaire était illusoire vu l'absence de revenu de l'intéressée, dont l'état de santé excluait au surplus une peine de travail d'intérêt général. La peine a été assortie d'un sursis de la durée maximale compte tenu du risque de récidive relevé par les experts psychiatres.
3.3.2
Les éléments retenus, à charge et à décharge, sont ainsi pertinents, s'agissant tant de la gravité des infractions que de la situation personnelle de la prévenue. A ceci s'ajoute que les actes incriminés dépassent le mensonge par omission. En effet, les prévenus ont produit des faux certificats de salaire, ce qui témoigne d'une énergie criminelle particulièrement élevée. Certes, le montant indûment perçu tel qu'estimé par les premiers juges est légèrement trop élevé, mais la durée des faits, elle, a été sous-évaluée, puisqu'il y a en réalité plus de deux ans (août à décembre 2006 et avril 2007 à décembre 2008). Cela ne modifie donc pas l'appréciation des comportements incriminés, fondement de la culpabilité pénale selon l'art. 47 al. 2 CP. Il n'y a dès lors pas lieu à revoir la peine pour ce motif.
3.3.3
Au vu de ce qui précède, le tribunal n’a pas tenu compte d’éléments étrangers à l’art. 47 CP. Aucun élément déterminant au regard de l'art. 47 CP n'a été omis, respectivement ne s'est vu conférer une portée excessive ou insuffisante. La peine prononcée est adéquate au regard des infractions commises, de la culpabilité et de la situation personnelle de l'appelante. Elle ne relève ainsi pas de l’excès ou de l’abus de leur pouvoir d’appréciation par les premiers juges au sens de l’art. 398 al. 3 let. a CPP.
4.1
Cela étant, il doit être statué sur le genre de la peine à prononcer à l'égard de la prévenue, la peine privative de liberté étant contestée en appel comme déjà relevé. L'escroquerie est passible d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire (art. 146 al. 1 CP précité).
4.2
A titre de sanctions, le CP fait de la peine pécuniaire (art. 34 CP) et du travail d'intérêt général (art. 37 CP) la règle dans le domaine de la petite criminalité, respectivement de la peine pécuniaire et de la peine privative de liberté la règle pour la criminalité moyenne. La peine pécuniaire constitue la sanction principale. Les peines privatives de liberté ne doivent être prononcées que lorsque l'Etat ne peut garantir d'une autre manière la sécurité publique. En vertu du principe de la proportionnalité, il y a en règle générale lieu, lorsque plusieurs peines entrent en considération et apparaissent sanctionner de manière équivalente la faute, de choisir celle qui restreint le moins sévèrement la liberté personnelle de l'intéressé, respectivement qui le touche le moins durement. La peine pécuniaire représente des atteintes moins importantes que la peine privative de liberté et constitue ainsi une peine plus clémente. Cela résulte également de l'intention essentielle, qui était au coeur de la révision de la partie générale du Code pénal en matière de sanction, d'éviter les courtes peines de prison ou d'arrêt, qui font obstacle à la socialisation de l'auteur, et de leur substituer d'autres sanctions.
Le principe de la proportionnalité n'oblige toutefois à donner la préférence à la peine pécuniaire que si cette dernière permet de sanctionner la culpabilité de l'auteur de manière équivalente. Dans le cas contraire, le juge peut prononcer une peine privative de liberté. Le choix du type de sanction doit être opéré en tenant compte au premier chef de l'adéquation d'une sanction déterminée, de ses effets sur l'auteur et sur sa situation sociale ainsi que de son efficacité du point de vue de la prévention (ATF 134 IV 97 c. 4; TF 6B_234/2010 du 4 janvier 2011 c. 4.1.1; TF 6B_28/2008 du 10 avril 2008 c. 4.1). La situation économique de l'auteur ou le fait que son insolvabilité apparaît prévisible ne constituent en revanche pas des critères déterminants pour choisir la nature de la sanction (TF, 6B_210/2010 du 8 juin 2010).
4.3
Le tribunal correctionnel a exclu la peine pécuniaire pour le motif que la prévenue ne travaille pas et n’a pas de revenu. L’absence de revenu n'est pourtant pas un motif justifiant le refus d’une peine pécuniaire. Il faut donc se demander si un autre motif impose cette solution. Par prononcé préfectoral du 21 août 2006, l’appelante a été condamnée à une amende, avec un délai d’épreuve d'un an en vue de sa radiation, pour avoir intentionnellement employé des étrangers sans autorisation. Il ressort du dossier que, durant la période litigieuse, soit entre mai 2006 et décembre 2008, les prévenus ont utilisé une partie de leurs gains non déclarés pour payer des jeunes filles au pair brésiliennes en situation irrégulière. On constate ainsi que cette condamnation n’a pas eu d’effet dissuasif sur l’intéressée. Il est dès lors à craindre que des jours-amende n’aient aucun effet efficace de prévention. Compte tenu de ces éléments, c'est donc une peine privative de liberté qu'il se justifie de prononcer à l'égard de la prévenue. Le jugement doit dès lors être confirmé à cet égard également, même si c'est par substitution de motifs.
5.1
Excipant d'une violation de l’art. 44 CP, l’appelante conclut subsidiairement à ce que le sursis soit assorti d'un délai d’épreuve de deux ans seulement. Elle fait valoir que le délai fixé, correspondant au maximum légal, est trop long au regard des circonstances de la cause.
5.2
Lorsqu’il accorde le sursis, le juge fixe un délai d’épreuve de deux à cinq ans (art. 44 al. 1 CP).
Les critères de fixation de ce délai ne sont pas précisés par la loi. La durée du délai d'épreuve ne saurait être fixée uniquement d'après la durée de la peine ou la gravité de l'infraction. Bien plus, le critère déterminant est le risque de récidive, qui se détermine d’après le caractère du condamné (Favre, Pellet et Stoudmann, op. cit., n. 1.2 ad art. 44 CP; Roth et Moreillon [éd.], Commentaire romand, Bâle 2009, n. 7 ad art. 44 CP). Le juge doit tenir compte des circonstances du cas d’espèce, en particulier de la personnalité et du caractère du condamné ainsi que du risque de récidive; plus ce risque est sérieux et plus le délai d’épreuve sera long (Favre, Pellet et Stoudmann, op. cit., n. 2 ad art. 44 CP). Dans la mesure où la décision est fondée sur tous les éléments pertinents pour le pronostic futur, le juge jouit en la matière d'un large pouvoir d'appréciation (ATF 128 IV 193; ATF 118 IV 97, JT 1992 I 783 c. 2a; ATF 116 IV 279 c. 2a).
5.3
Si les premiers juges ont assorti le sursis de la durée légale maximale, c'est en raison du risque de récidive relevé par les experts psychiatres, qui le qualifient de moyen à important. Il s'agit du premier critère déterminant en la matière (cf. ci-dessus). On peut ajouter que l’infraction, commise pour l’essentiel dans le délai d’épreuve accordé le 21 août 2006, démontre que ce risque de récidive n’est pas abstrait. Pour le surplus, il faut tenir compte du fait que l’escroquerie a duré plus de deux ans, a impliqué des moyens raffinés et a porté sur des sommes importantes. Ces éléments en particulier témoignent de l'énergie criminelle mise en œuvre, laquelle est un facteur objectif de réitération. La durée du sursis ne relève ainsi pas davantage de l’excès ou de l’abus de leur pouvoir d’appréciation par les premiers juges au sens de l’art. 398 al. 3 let. a CPP.
6.
Vu l'issue des causes, les frais d'arrêt selon l'art. 424 CPP doivent être mis à la charge des appelants, qui succombent l'un et l'autre, par moitié chacun (art. 428 al. 1, 1
ère
phrase, CPP). Outre l'émolument, ces frais comprennent l’indemnité d’office allouée aux conseils respectifs des appelants pour les opérations liées à la procédure d'appel (cf. les art. 135 al. 2 et 422 al. 2 let. a CPP; art. 2 al. 2 ch. 1 TFJP). Vu l'ampleur et la complexité des causes en appel, l'indemnité allouée au conseil d'office de chacun des appelants doit être fixée 1'998 fr., TVA et débours compris. L'intimé SPAS n'a pas droit à des dépens, qu'il ne requiert du reste pas.
Chacun des prévenus ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant de l’indemnité en faveur de son conseil d’office prévue ci-dessus que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
33d20afa-b4aa-4a20-86a9-f4c54827a329 | En fait :
A.
Par jugement du 25 août 2011, le Tribunal de police de l’arrondissement de La Côte a rejeté l'appel formé le 6 mai 2011 par R._ (I) et mis les frais, par 400 fr., à sa charge (II).
B.
Le 30 août 2011, R._ a formé appel contre ce jugement.
Par déclaration d'appel du 21 septembre 2011, il a contesté les faits tels que retenus dans ledit jugement et conclu à sa libération des chefs d'accusation de trouble de l'ordre et de la tranquillité publics ainsi que de résistance et opposition aux actes de l'autorité. Il a requis l'audition comme témoins de ses deux filles [...] et [...].
Le 28 septembre 2011, le Ministère public a annoncé qu’il renonçait à présenter une demande de non-entrée en matière et à déclarer un appel joint.
Par courrier du 12 décembre 2011, la Présidente a informé les parties que l'appel serait traité d'office en procédure écrite (art. 406 al. 1 let. c CPP) et qu'elle rejetait la réquisition de preuve de R._ (art. 398 al. 4, 2
ème
phrase, CPP).
L'appelant n'a pas produit de mémoire motivé dans le délai prolongé qui lui a été fixé à cet effet (art. 406 al. 3 CPP).
Il n'a pas non plus réagi à la lettre de la Présidente du 23 février 2012 l'informant qu'il serait statué en l'état du dossier, sans plus ample mesure d'instruction.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Le prévenu R._, né en 1959 à Estavayer-le-Lac, où il a suivi son école obligatoire, a accompli successivement deux apprentissages et obtenu le CFC de maçon et celui d'employé de commerce. Entre 1985 et 1991, il a bénéficié de prestations de l'AI. Il a par la suite occupé divers emplois dans le secteur commercial et comptable. A l'heure actuelle, il perçoit le revenu d'insertion à hauteur de 1'120 fr., loyer de 1'500 fr. payé. Divorcé de C._, l'intéressé ne verse aucune contribution pour ses filles [...] et [...], nées toutes deux le 12 novembre 1991, qui habitent avec leur mère.
2.
2.1
Le 15 septembre 2010, à 20h08, à la demande de C._, quatre agents de la police municipale de Morges, dont l'appointé S._, sont intervenus à son domicile sis à la Rue de [...] à Morges.
A leur arrivée dans l'immeuble, ils ont entendu des voix provenant du 5
ème
étage, où se situe l'appartement de C._. En sortant de l'ascenseur à cet étage, ils ont reconnu R._ qui discutait à haute voix avec ses deux filles dans le couloir. Le prénommé leur a expliqué qu'il était de passage, qu'il souhaitait uniquement voir ses filles et récupérer des affaires personnelles. Les agents lui ont alors demandé de sortir de l'immeuble afin d'éviter d'incommoder les autres locataires, ce à quoi l'intéressé a répondu qu'il connaissait mieux la loi qu'eux. Les policiers ont finalement décidé de quitter les lieux, pensant que le prévenu, qui devait prendre le train dans les minutes qui suivaient, allait s'en aller après avoir salué ses filles.
Quelques minutes plus tard, [...] a appelé la police pour dire que sa mère avait verrouillé la porte palière, laissant la clé à l'intérieur de la serrure, et que sa sœur et elle étaient restées sur le palier.
Les agents se sont rendus une seconde fois au domicile de C._. A leur arrivée, ils ont rencontré R._ dans les couloirs du rez-de-chaussée et l'ont prié de sortir de l'immeuble. Celui-ci ne s'est pas exécuté, mais a tenté de suivre les policiers afin d'expliquer à ses filles ce qu'elles devaient leur dire. Après lui avoir ordonné une dernière fois de s'en aller, deux agents ont emmené le prévenu à l'extérieur de l'immeuble. Ce dernier, fortement sous l'influence de l'alcool, a refusé de se soumettre à un test à l'éthylomètre.
Entre-temps, à la demande des deux autres agents, C._ a ouvert la porte à ses filles. Une fois à l'intérieur de l'appartement, ces dernières ont expliqué à la police que leur but était de faire craquer leur mère et d'aller vivre avec leur père.
2.2
Pour ces faits, objet du rapport de police du 3 novembre 2010, la Commission de police de Morges a, par sentence sans citation du 12 novembre 2010, condamné R._ à une amende de 180 fr. et au paiement des frais par 20 fr., la peine privative de liberté de substitution en cas de non-paiement fautif de l'amende étant fixée à 2 jours, pour avoir contrevenu aux art. 14 et 17 du Règlement de police de la commune de Morges du 17 juin 1983 (ci-après : le Règlement). Elle a retenu que le prévenu, en état d'ébriété au moment des faits litigieux, n'avait pas respecté les ordres de la police et avait participé à un attroupement tumultueux et troublé l'ordre et la tranquillité publics.
Statuant sur opposition de l'intéressé, la Commission de police a procédé à son audition et a, par sentence municipale du 6 avril 2011, tenu pour constants les faits relatés dans ledit rapport de dénonciation, réduisant toutefois l'amende à 150 fr. et la peine privative de liberté de substitution à 1 jour.
Sur appel de R._, le tribunal a admis l'intégralité des faits précités. Entendu à l'audience, l'appointé S._ a expliqué qu'en 2010, la police était intervenue à 11 reprises au sein de la famille R._ en raison de conflits familiaux. Il a relevé que, de manière générale, le prévenu veut toujours avoir raison, n'hésitant pas à lever la voix, ce qui empêche toute conversation. Revenant sur les faits litigieux, l'appointé S._, après avoir confirmé le rapport de police susmentionné, dont il est l'auteur, a précisé que des voix féminines, autres que celle de C._, étaient perceptibles à l'entrée de l'immeuble et que sur le palier, le prévenu continuait à vouloir avoir raison, le timbre des voix augmentant à chaque argumentation. Ledit agent a encore indiqué que s'il est vrai qu'aucun des voisins ne s'était plaint à la suite de ces faits et que, de façon générale, le bruit résonne énormément dans cet immeuble, il y avait bel et bien eu excès ce jour-là.
R._ a, quant à lui, expliqué au premier juge qu'il avait eu une conversation parfaitement normale avec ses deux filles, qu'il n'avait à aucun moment élevé la voix et que son ex-femme, ne supportant pas la bonne entente qui règne entre ses enfants et lui, avait, à un certain moment, ouvert la porte, s'était mise à hurler et lui avait demandé, sous la menace de faire appel à la police, de quitter les lieux, prétextant qu'elle détenait une décision du tribunal lui interdisant de se présenter à son domicile. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l’occurrence, l'appel a été déposé en temps utile.
2.
2.1
Aux termes de l’art. 398 al. 4 CPP, lorsque seules des contraventions ont fait l’objet de la procédure de première instance, l’appel ne peut être formé que pour le grief que le jugement est juridiquement erroné ou que l’état de fait a été établi de manière manifestement inexacte ou en violation du droit. Aucune nouvelle allégation ou preuve ne peut être produite. Cet appel restreint a été prévu pour les cas de peu d’importance, soit concernant des infractions mineures, le droit conventionnel international admettant en pareil cas des exceptions au droit à un double degré de juridiction (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 22-23 ad art. 398 CPP).
En l’espèce, il n’est pas contesté que seule une contravention a fait l’objet de l’accusation et du jugement de première instance, de sorte que la procédure applicable est écrite (art. 406 al. 1 let. c CPP), que l’appel est restreint et qu'un membre de la Cour d'appel pénale statue comme juge unique, conformément à l'art. 14 al. 3 LVCPP (Loi d'introduction du Code de procédure pénale suisse du 19 mai 2008, RSV 312.01).
2.2.
Aux termes de l'art. 406 al. 3 CPP, la direction de la procédure fixe à la partie qui a déclaré l'appel ou l'appel joint un délai pour déposer un mémoire d'appel motivé. Celui-ci doit contenir les points du jugement qu'il attaque et les motifs qui commandent une autre décision. Si le mémoire ne satisfait pas à ces exigences, la direction de la procédure le renvoie à l'appelant pour qu'il le complète dans un bref délai. Si, après l'expiration de ce délai supplémentaire, le mémoire ne satisfait toujours pas à ces exigences ou si l'appelant omet de déposer un mémoire écrit, la juridiction d'appel n'entre pas en matière (Kistler Vianin, op. cit., n. 17 ad art. 406 CPP; Calame, même ouvrage, n. 1 ss ad art. 385 CPP, disposition applicable à la procédure écrite prévue à l'art. 406 CPP).
En l'occurrence, l'appelant, alors assisté, n'a pas déposé de mémoire motivé dans le délai prolongé de l'art. 406 al. 3 CPP. Il n'a pas non plus réagi à la lettre de la Présidente du 23 février 2012 l'informant qu'il serait statué en l'état du dossier. Or, la motivation de sa déclaration d'appel est pour le moins ténue, de sorte que la recevabilité de son appel paraît douteuse.
Cette question peut toutefois être laissée ouverte, dès lors que le point de vue du prévenu ressort du jugement entrepris et des pièces du dossier et que l'appel doit de toute manière être rejeté pour les raisons qui suivent.
3.
R._ conteste les faits retenus par le tribunal. Il ressort de son opposition du 25 juillet 2011 (pièce 5), à laquelle il se réfère dans son audition par le premier juge (jugt, p. 4), et des propos tenus devant la Commission de police le 6 avril 2011 que le prénommé s'en prend au rapport de police du 3 novembre 2010 qu'il qualifie, en partie, de "mauvaise foi" (pièce 4, dossier AC n° 26777, Sentence municipale du 18 avril 2011). Selon lui, il aurait eu une conversation parfaitement normale avec ses filles et à aucun moment il n'aurait élevé la voix.
3.1
Le principe de l'appréciation libre des preuves, consacré par l'art. 10 al. 2 CPP (cf. art. 379 et 389 al. 1 CPP) interdit d'attribuer d'entrée de cause une force probante accrue à certains moyens de preuve, comme par exemple des rapports de police. Cela ne signifie pas pour autant, en application de la maxime
in dubio pro reo
, qu'en présence de moyens de preuve contradictoires, le tribunal doive automatiquement privilégier les plus favorables pour le prévenu (TF 1P.283/2006 du 4 août 2006 c. 2.3 et la réf. cit.). Contrairement à ce que paraît penser l'appelant, on ne saurait non plus dénier d'emblée toute force probante à un rapport de police. Celui-ci est en effet, par sa nature, destiné et propre à servir de moyen de preuve, dans la mesure où le policier y reproduit des faits qu'il a constatés et il est fréquent que l'on se fonde, dans les procédures judiciaires, sur les constatations ainsi transcrites (TF 6B_685/2010 du 4 avril 2011 c. 3.1 et les réf. cit.).
3.2
On ne voit pas, en l'espèce, ce qui justifierait de traiter différemment le rapport de police du 3 novembre 2010 sur lequel s'est fondé le tribunal. R._ se limite à opposer sa version des faits sans soulever d'argument de nature à infirmer l'appréciation du tribunal. Le fait qu'il déclare ne pas comprendre pourquoi il a "été amendé cette fois-là alors que [son] comportement n'a pas été différent que (
sic
) les 10 ou 11 fois précédentes" (jugt, p. 4) n'est pas pertinent. Ces nombreuses interventions policières – que l'intéressé ne conteste d'ailleurs pas – auraient plutôt dû l'amener à se rendre compte que le couloir d'un immeuble n'est pas un lieu où l'on se rend pour discuter et encore moins pour se disputer, ce qu'il n'a pas compris, entraînant ainsi sa dénonciation. Ensuite, le fait que le prévenu mette en doute, en dernier recours, la présence de l'appointé S._ sur les lieux de l'intervention (jugt, p. 4) rend sa version des faits encore moins crédible.
Le premier juge s'est basé sur une analyse minutieuse des différentes versions des faits et a retenu, après avoir procédé à l'audition de l'appointé S._, d'une part, et de R._, d'autre part, que ce dernier s'était rendu sur le palier de la porte de son ex-femme pour la provoquer et que le ton était alors monté et avait dégénéré en altercation, le tout devant leurs filles majeures. Cette appréciation doit être confirmée, étant précisé, s'agissant des faits litigieux, qu'aucune raison objective ne permet de mettre en doute le rapport de police, confirmé, lors des débats, par son auteur, l'appointé S._. On relèvera à cet égard qu'il s'agit d'un agent assermenté, qu'il était accompagné par trois autres agents au moment des faits, que ses déclarations sont cohérentes et qu'elles sont à tout le moins partiellement corroborées par les éléments du dossier, en particulier par les déclarations de l'appelant lui-même, qui a admis qu'au jour et à l'heure indiqués dans ledit rapport, il était présent, avec ses filles, au domicile de C._, que les policiers étaient intervenus à deux reprises en moins d'une heure, qu'il y avait eu des hurlements sur le palier dudit appartement, qu'il avait été enjoint par son ex-femme de quitter les lieux et qu'il avait refusé de se soumettre à un test à l'éthylomètre (cf. pièce 5). De surcroît, l'instruction n'a pas permis de confirmer la version exposée par le prévenu, qui n'a du reste pas requis l'audition en première instance de ses filles.
Il s'ensuit que la démarche consistant à établir les faits sur la base du rapport de police du 19 juillet 2009 n'est pas contraire à la maxime
in dubio pro reo
au stade de l'appréciation des preuves.
Autre est la question de déterminer quelles sont les conclusions qui peuvent être tirées de ce rapport.
4.
Il ressort de ses propos tenus en cours d'instruction et aux débats que R._ conteste s'être rendu coupable de contraventions aux art. 14 et 17 du Règlement de police de Morges.
4.1
L'art. 14 dudit Règlement interdit tout acte de nature à troubler l'ordre et la tranquillité publics (al. 1). Sont notamment compris dans cette interdiction: les querelles, les batteries, les cris, les chants bruyants ou obscènes, l'ivresse, les attroupements tumultueux ou gênant la circulation, l'utilisation abusive de tous véhicules à moteur et les coups de feu ou pétards à proximité des habitations (al. 2).
4.2
En l'espèce, il ressort des explications fournies par l'appointé S._ en audience de première instance qu'au moment où ils ont pénétré dans le hall de l'immeuble, les agents ont entendu des "éclats de voix" (jugt, p. 3) ou, pour reprendre les termes du rapport de dénonciation du 3 novembre 2010, "un attroupement de personnes qui parlaient dans les couloirs" (pièce 5, p. 1). R._, qui a contesté que l'on puisse parler d'un "attroupement" – le tribunal n'ayant pas non plus retenu cette qualification dans le sens voulu par l'art. 14 al. 2 du Règlement précité (dont la liste n'est d'ailleurs pas exhaustive) – a toutefois admis qu'il y avait des hurlements dans le couloir (jugt, p. 4). Sur ce dernier point, le policier et le prévenu ont donné des explications contradictoires : le premier a indiqué, sur la base de sa seule impression, que les voix féminines perceptibles depuis l'entrée de l'immeuble ne provenaient pas de C._ (jugt, p. 3); le second a, quant à lui, prétendu que c'est bien elle qui s'était mise à hurler dans le couloir (jugt, p. 4). Mais il importe finalement peu de savoir qui entre C._ ou ses filles a haussé le ton et dans quelle mesure, ou si toutes les trois ont participé à la discussion houleuse (ce qui semble être le cas, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal en page 9 du jugement), puisque ce
qui est en définitive reproché à l'appelant, c'est d'avoir alimenté la discussion en élevant la voix, afin d'imposer son point de vue, ce même en présence des policiers, et d'avoir ainsi troublé l'ordre et la tranquillité publics.
Or, il faut admettre que tel est bien le cas. En effet, il résulte des déclarations de l'appointé S._ que
sur le palier, R._ "continuait à vouloir avoir raison, le timbre de voix augment[ant] à chaque argumentation" (jugt, p. 3). A cela s'ajoute que même si, de manière générale, le bruit résonne énormément dans cet immeuble, les voix provenant du 5
ème
étage étaient, ce jour-là, déjà perceptibles depuis le rez-de-chaussée, ce qui tend à démontrer qu'"il y a eu effectivement excès", comme l'a indiqué ledit policier. Cela étant, l'appelant se devait d'être d'autant plus attentif au volume de sa voix et respectueux de la tranquillité des voisins que l'étroitesse des lieux (cf. 2
ème
photo produite en annexe à la pièce 5) et la mauvaise isolation phonique du bâtiment lui étaient connues, lui-même ayant admis que la surface utilisée dans le couloir était seulement d'"un mètre carré et demi" et que ce genre de conversations, qu'il qualifie de "normales", avaient lieu dans les couloirs de l'immeuble tous les mercredi et samedi (pièce 5, pp. 2 et 3). On remarquera par ailleurs que si le prévenu affirme avoir le droit de voir ses filles (cf. pièce 4, Sentence municipale du 18 avril 2011), il ne conteste cependant pas faire l'objet d'une interdiction de se présenter au domicile de son ex-épouse; il ne remet pas non plus en question le fait qu'il est à l'origine de la discussion litigieuse (cf. jugt, p. 9
in initio
), qu'il a déjà fait l'objet, par le passé, de nombreuses interventions policières pour des motifs similaires et que ses filles ont déclaré à la police que leur but était de faire craquer leur mère et d'aller vivre avec leur père (pièce 4, rapport de police du 3 novembre 2010, p. 4), étant relevé sur ce point que ce dernier a lui-même indiqué aux agents qu'il était plutôt favorable à l'envoi du rapport de dénonciation aux services sociaux de Morges, car cette mesure aurait eu pour conséquence, selon ses dires, que son ex-femme n'aurait pu garder l'appartement (
ibidem
; pièce 5, p. 5). La version de la police, dont on peut déduire avec certitude que R._ a, le jour des faits litigieux, troublé l'ordre et la tranquillité publics au sens de l'art. 14 du Règlement, est d'autant plus vraisemblable dans ce contexte.
4.3
4.3.1
Aux termes de l'art. 17 dudit Règlement, celui qui résiste aux agents de la police ou à tout autre représentant de l'autorité municipale dans l'exercice de ses fonctions, qui les entrave ou les injurie est puni de l'amende ou, dans les cas graves, est déféré à l'autorité judiciaire.
On peut s'inspirer, en l'espèce, de la jurisprudence rendue en application de l'art. 286 CP, qui sanctionne, en droit fédéral, l'opposition aux actes de l'autorité (TF 6B_602/2009 du 29 septembre 2009 c. 4.2). Selon cette disposition, celui qui aura empêché une autorité, un membre d'une autorité ou un fonctionnaire de faire un acte entrant dans ses fonctions, sera puni d'une peine pécuniaire de 30 jours-amende au plus (art. 286 CP). Pour qu'il y ait
opposition aux actes
de l'autorité, il faut que l'auteur, par son comportement, entrave l'autorité ou le fonctionnaire dans l'accomplissement d'un acte officiel. Il n'est en revanche pas nécessaire que l'auteur parvienne à éviter effectivement l'accomplissement de l'acte officiel. Il suffit qu'il le rende plus difficile, l'entrave ou le diffère (TF 6B_602/2009 précité c. 4.2 et les références citées; cf. ég.
Favre/Pellet/Stoudmann, Code pénal annoté, 3
e
édition, Lausanne 2007, n. 1.2 ad art. 286 CP et les arrêts cités; sur la question de la compétence laissée aux cantons de légiférer en matière d'infractions contre l'autorité publique, cf. ég. TF 6B_602/2009 précité).
4.3.2
En l'occurrence, le tribunal a retenu qu'en refusant de quitter les lieux à la demande des agents de la force publique, R._ avait enfreint l'art. 17 du Règlement. Cette appréciation doit être confirmée. En effet, il ressort du rapport de dénonciation que lors de la première intervention policière, le prénommé a refusé de sortir du bâtiment en prétextant qu'il connaissait mieux la loi que les agents. A l'occasion de la seconde intervention, les policiers ont réitéré leur requête alors que le prévenu se trouvait au rez-de-chaussée de l'immeuble; non seulement celui-ci ne s'est pas exécuté, mais il a également tenté de suivre les agents afin d'expliquer à ses filles ce qu'elles devaient leur dire. L'attitude de l'appelant a rendu nécessaire que deux des quatre policiers l'emmènent à l'extérieur de l'immeuble. Ainsi, alors qu'il venait d'être averti par son ex-épouse qu'elle solliciterait la police s'il ne quittait pas le lieux, le prévenu a, en toute connaissance de cause, refusé d'obtempérer aux deux injonctions des forces de l'ordre de sortir de l'immeuble, ce qu'il ne conteste d'ailleurs pas (cf. pièce 5, pp. 3 et 4). Si ce comportement oppositionnel n'atteint pas l'intensité requise par l'art. 286 CP susmentionné, il est en revanche constitutif d'une violation de l'art. 17 du Règlement de police de Morges, puisque par son attitude, l'appelant, s'il n'a pas réussi à éviter l'accomplissement de l'acte officiel au sens de la jurisprudence précitée, l'a à tout le moins rendu plus difficile.
Par ailleurs, on doit admettre que les circonstances autorisaient à donner l’ordre en question. En effet, C._ était parfaitement libre de recourir à la police, dès lors que les discussions à haute voix sur le palier de son appartement entre ses filles et R._ avaient lieu chaque semaine et qu'en l'occurrence, elle était "dérangée par les aller et retour de ses filles dans l'appartement pour rendre des services à leur père" (pièce 4, rapport de police du 3 novembre 2010, p. 4). Au surplus, compte tenu de leurs précédentes interventions au domicile de C._, restées infructueuses, et du comportement de l'appelant, qui ne cessait d'élever la voix afin de s'imposer, les policiers pouvaient valablement et légitimement ordonner à l'intéressé de sortir de l'immeuble.
Enfin, la police était bel et bien compétente pour ordonner la mesure. En effet, en application des art. 15 al. 2 CPP et 1 LPJu (Loi vaudoise sur la police judiciaire du 3 décembre 1940, RSV 133.15), la police enquête notamment sur dénonciation de particuliers, comme cela a été le cas en l’occurrence.
Dans ces conditions, la condamnation du prévenu pour résistance et opposition aux actes de l'autorité au sens de l'art. 17 du Règlement doit donc être confirmée. Cela étant et compte tenu de l'ensemble des circonstances, la question de savoir si, au moment des faits litigieux, l'appelant était sous l'influence de l'alcool – ce qu'il conteste – et si, en refusant de se soumettre au test à l'éthylomètre (mesure dont l'opportunité devrait également être examinée), il a contrevenu à la disposition précitée peut être laissée indécise, le premier juge n'ayant d'ailleurs pas non plus tranché cette question.
4.4
En définitive, c'est à juste titre que R._ a été reconnu coupable de contraventions aux art. 14 et 17 du Règlement de police de la commune de Morges.
5.
L'appelant ne discute pas la peine, dès lors qu'il conclut à son acquittement.
Il suffit de constater, sur ce point, qu'au vu de l'ensemble des circonstances, tant l'amende de 150 fr. que la peine privative de liberté de substitution d'un jour prononcées par la Commission de police dans sa sentence du 18 avril 2011 peuvent être confirmées.
Le tribunal était dès lors parfaitement fondé à mettre les frais de la cause à la charge du prévenu (art. 426 al. 1 CPP).
6.
En conclusion, mal fondé, l'appel interjeté par R._, pour autant qu'il soit recevable, est rejeté et le jugement attaqué intégralement confirmé.
Les frais de procédure d'appel seront mis à la charge de l'appelant, qui succombe (art. 428 al. 1, seconde phrase, CPP). Ils seront néanmoins réduits de 1'080 fr. à 600 fr. en application de l'art. 425 CPP, pour tenir compte de la situation financière de l'appelant, qui est à l'aide sociale, et de la proportion entre l'amende et les frais, ceux-ci ne devant pas être perçus comme une peine déguisée (Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, Jugendstrafprozessordnung, Bâle 2011, n. 3 ad art. 425 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
3477e5c7-a26f-4eb9-aeb3-b7d3177b0b9a | En fait :
A.
Par jugement du 5 mars 2015, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a libéré Y._ de l’infraction à la Loi fédérale sur la protection des marques et des indications de provenance et de l’infraction à la Loi fédérale sur la concurrence déloyale (I), a libéré L._ de l’infraction à la Loi fédérale sur la protection des marques et des indications de provenance et de l’infraction à la Loi fédérale sur la concurrence déloyale (II), a donné acte de ses réserves civiles à K._ (III), a alloué à L._ une indemnité au sens de l’art. 429 al. 1 let. a CPP de 6'000 fr. (IV) et a laissé les frais de la cause à la charge de l’Etat (V).
B.
Par annonce d’appel du 11 mars 2015, suivie d’une déclaration d’appel motivée du 7 mai 2015, le Ministère public a formé appel contre ce jugement, en concluant à sa réforme en ce sens que l’indemnité de 6'000 fr. allouée à L._ et les frais de la procédure sont mis à la charge de K._.
Par courrier du 26 mai 2015, K._ a déclaré retirer l’appel formé par annonce du 16 mars 2015.
Le 9 juin 2015, L._ et V._ ont déposé un appel joint, concluant à la réforme du jugement entrepris, principalement en ce sens que K._ leur doit, solidairement entre eux, une indemnité de 13'920 fr. et, subsidiairement, en ce sens qu’une indemnité de 13'920 fr. est allouée à L._, les frais et les dépens d’appel étant mis à la charge de K._.
Par décision du 12 juin 2015, le Président de la cour de céans a pris acte du retrait d’appel de K._.
Le 26 juin 2015, le Ministère public a déclaré s’en remettre à justice s’agissant de la recevabilité de l’appel déposé par L._ et V._.
Par avis du 7 août 2015, les parties ont été informées que l’appel serait traité d’office en procédure écrite en application de l’art. 406 al. 1 CPP.
Le 26 août 2015, L._ et V._ ont renoncé à déposer un rapport complémentaire.
Dans ses déterminations du 30 octobre 2015, K._ a conclu, sous suite de frais et dépens, au rejet de l’appel du Ministère public et de l’appel joint de L._ et V._, et à l’octroi d’une indemnité au sens de l’art. 433 CPP d’un montant minimum de 2'000 fr., les frais d’appel et l’indemnité précitée étant mis à la charge de l’Etat, de L._ et de V._ dans la mesure que justice dira.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
1.1
Originaire de Belgique, L._ a étudié les mathématiques et l’économie jusqu’à l’âge de 18 ans. Après avoir fait un Bachelor dans l’administration de petites sociétés dans une université publique à [...],L._ a fait un Master en gestion d’entreprises à Y._ à [...], [...], [...] et [...] tout en travaillant à temps partiel pour Y._. Depuis juin 2010, il travaille à temps complet pour la société Y._ dont il est l’administrateur. Il réalise un salaire entre
7'000 fr. et 8'000 fr. brut par mois, avant impôts, douze fois l’an. Il vit seul et n’a pas d’enfants à charge. Son loyer mensuel se monte à 2'500 fr. et il paie entre 3'000 fr. à 4'000 fr. par année de primes d’assurance maladie. Les impôts sont déduits directement de son salaire. L._ a des emprunts personnels pour près de 150'000 euros qui lui ont été prêtés par une société proche de l’école Y._. Il n’a pas de fortune.
Le casier judiciaire suisse de L._ est vierge de toute inscription.
1.2
K._, fondée en 1987, a son siège à [...]. Cette société à but non lucratif offre un enseignement supérieur en gestion d’entreprise alliant réflexion critique et pragmatisme. Elle propose un programme de BBA, de MBA, divers masters ainsi qu’un programme doctoral. Cette société est titulaire de quatre marques contenant l’expression « [...]» (N° [...] depuis le 18 décembre 1997, N° [...] depuis le 6 septembre 2000, N° [...] depuis le 26 octobre 2007, N° [...] depuis le 1er novembre 2011).
1.3
Y._, devenue V._ depuis le 18 février 2015 (P. 44/8 bis), a été fondée en 2010 à Zurich
.
Elle fait partie de l’entité [...] qui gère des écoles de commerce situées dans les villes d’ [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...] et [...]. Les quatre premières écoles ont été constituées séparément, puis réunies, dès 2006, sous l’égide de l’organisme centralisé [...]. Cette organisation chapeaute des écoles, des collèges et des universités délivrant des diplômes de premier cycle (undergraduate), de deuxième cycle (graduate) et des postgrades en gestion d’entreprise.
2.
Le 29 janvier 2012, Y._ a déposé auprès de l’Institut Fédéral de la propriété intellectuelle une marque graphique n° [...] contenant les termes suivants : « [...] ». Cette marque a été enregistrée le 26 mars 2012 et le délai d’opposition est arrivé à échéance le 26 juin de la même année.
Le 8 mai 2012, Y._ a fait inscrire une nouvelle succursale au Registre du commerce du canton de Vaud. Il s’agit d’une école nommée « [...]» située à [...], qui ne dispose ni de locaux propres, ni d’employés permanents. Elle a également créé une page internet pour ce nouvel établissement sous le nom de domaine [...] avec un logo différent de celui utilisé sur les pages internet de ses autres écoles.
Le 11 juillet 2012, K._ a indiqué par courrier à Y._ que le nom utilisé pour sa nouvelle école constituait une pratique déloyale car il y avait un risque de confusion et que cela violait les droits de propriété intellectuelle. Elle l’a dès lors sommée de cesser toute utilisation impliquant les termes « [...]».L._ a répondu par courrier électronique du 20 juillet suivant, contestant les dires de K._ et précisant que des modifications avaient été apportées au site internet. A une date inconnue, Y._ a changé le visuel de son site internet et uniformisé le logo de l’établissement de [...] par rapport à celui utilisé pour les autres écoles de l'organisme centralisé.
A une date indéterminée, Y._ a acheté, pour sa succursale de [...], un espace publicitaire sur le moteur de recherche Google, permettant ainsi d’arriver dans les premiers résultats lors d’une recherche avec certains mots-clés.
3.
Le 3 octobre 2012, K._ a déposé plainte contre Y._ (P. 4). Elle a chiffré ses prétentions civiles à l’audience de première instance et réclamé le montant de 300'000 francs à titre de réparation.
Par ordonnance de mesures provisionnelles du 30 novembre 2012, le Juge délégué de la Cour civile a rejeté les conclusions de la requête déposée le 7 septembre 2012 par K._ tendant à ce que Y._ cesse toute utilisation de la marque n
o
[...] contenant l’appellation « [...] ».
Dans son acte d’accusation du 29 juillet 2014, le Ministère public a reproché à L._, respectivement à Y._, d’avoir violé, par les faits décrits ci-dessus, les art. 23
al. 1 LCD (Loi fédérale sur la concurrence déloyale ; RS 241) et 61 al. 1 let. a LPM (Loi fédérale sur la protection des marques et des indications de provenance ; RS 232.11). | En droit :
1.
1.1
Selon l’art. 399 al. 1 CPP (Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007, RS 312.0), l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
La qualité pour former appel est définie à l’art. 382 CPP (Code de procédure pénale du 5 octobre 2007, RS 312.0), disposition générique en matière de qualité pour recourir. Selon cette norme, toute partie qui a un intérêt juridiquement protégé à l’annulation ou à la modification d’une décision a qualité pour recourir contre celle-ci (al. 1). L’intérêt doit être juridique et direct. Il se distingue de l’intérêt digne de protection qui n’est pas, lui, nécessairement juridique, mais qui peut aussi être un pur intérêt de fait, ce dernier n’étant pas suffisant pour fonder la qualité pour recourir. La partie recourante doit démontrer en quoi la décision attaquée viole une règle de droit destinée à protéger ses intérêts et en quoi elle en déduit un droit subjectif (Moreillon/Parein-Reymond, Petit commentaire, Code de procédure pénale, Bâle 2013, nn. 2 ss ad art. 382 CPP et réf. citées).
1.2
En l’espèce, interjeté dans les formes et délais légaux contre un jugement de première instance qui a clos la procédure (art. 381 al. 1 et 398 al. 1 CPP), l’appel du Ministère public est recevable.
Egalement formé dans les formes et délais légaux, l’appel joint, en tant qu’il est interjeté par L._, est recevable, le prévenu critiquant le montant de l‘indemnité allouée par le premier juge et disposant ainsi de la légitimation active. La société V._ ne prenant aucune conclusion tendant à la modification de la décision sur des points du dispositif la concernant, elle n’a aucun intérêt à agir et n’a pas qualité pour interjeter appel. L’appel joint est ainsi irrecevable en tant qu’il est interjeté par V._.
Seule la question de l’indemnité et des frais étant litigieuse, l’appel est traité en procédure écrite (art. 406 al. 1 let. d CPP).
1.3
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
2.
Le Ministère public reproche au premier juge d’avoir mis les frais de la cause et l’indemnité allouée au prévenu à la charge de l’Etat. Il invoque l’application des art. 427 al. 2 et 432 al. 2 CPP, faisant valoir que les infractions en cause sont poursuivies sur plainte, que la plaignante a activement participé à la procédure et pris des conclusions civiles conséquentes, que l’entier des frais pouvaient être mis à la charge de la partie plaignante même en l’absence de témérité ou de négligence grave de sa part et que l’équité plaidait en faveur de cette solution, l’enquête résultant d’un litige éminemment civil entre deux sociétés solvables.
2.1.1
Aux termes de l’art. 427 al. 1 let. a CPP, les frais de procédure causés par les conclusions civiles de la partie plaignante peuvent être mis à la charge de celle-ci ci lorsque la procédure est classée ou que le prévenu est acquitté. Selon
l'art. 427 al. 2 CPP, lorsque la procédure est classée ou le prévenu acquitté (let. a) et que le prévenu n'est pas astreint au paiement des frais conformément à l'art. 426
al. 2 CPP (let. b), les frais de procédure peuvent, en cas d'infractions poursuivies sur plainte, être mis à la charge de la partie plaignante ou du plaignant qui, ayant agi de manière téméraire ou par négligence grave, a entravé le bon déroulement de la procédure ou rendu celle-ci plus difficile.
D’après la version française du texte légal, les frais de la procédure ne peuvent être mis à la charge de la partie plaignante que si, ayant agi de manière téméraire et par négligence grave, elle a entravé le bon déroulement de la procédure ou rendu celle-ci plus difficile. Il convient toutefois, comme les versions allemande et italienne, de faire la distinction entre la partie plaignante (
Privatklägerschaft
;
accusatore privato
) et le plaignant (
antragstellende Person
;
querelante
). Ainsi, la condition d'avoir agi de manière téméraire ou par négligence grave et de la sorte entravé le bon déroulement de la procédure ou rendu celle-ci plus difficile ne s'applique qu'au plaignant. En revanche, cette condition ne s'applique pas à la partie plaignante, à qui les frais peuvent être mis à charge sans autre condition (ATF 138 IV 248 consid. 4.2.2, JdT 2013 IV 191 ; TF 6B_438/2013 du 18 juillet 2013 consid. 2.1). Autrement dit, la personne qui porte plainte pénale et qui prend part activement à la procédure comme partie plaignante au sens de l’art. 118 CPP doit assumer entièrement le risque lié aux frais, tandis que la personne qui porte plainte, mais qui renonce à ses droits de partie, ne doit supporter les frais qu'en cas de comportement téméraire, sous réserve que la partie plaignante participe activement à la procédure (ATF 138 IV 248 consid. 4.2.3, JdT 2013 IV 191 ; TF 6B_438/2013 du 18 juillet 2013 consid. 2.1). La jurisprudence a toutefois précisé que les frais de procédure ne peuvent être mis à la charge de la partie plaignante ayant déposé une plainte pénale qui, hormis le dépôt de la plainte, ne participe pas activement à la procédure, que dans des cas particuliers (ATF 138 IV 248 consid. 4.4.1, JdT 2013 IV 191 ; TF 6B_438/2013 du 18 juillet 2013 consid. 2.1).
La réglementation de l’art. 427 al. 2 CPP est de droit dispositif, de sorte que le juge peut s’en écarter lorsque les circonstances l’exigent. La loi est muette sur les raisons motivant la répercussion des frais de la procédure sur la partie plaignante. Le juge doit dès lors se prononcer en appliquant les règles du droit et de l’équité (art. 4 CC [Code civil suisse du 10 décembre 1907 ; RS 210] ; ATF 138 IV 248 consid. 4.2.4, JdT 2013 IV 191). A cet égard, le juge dispose d’un large pouvoir d’appréciation. Le Tribunal fédéral ne substitue qu’avec retenue sa propre appréciation à celle de la juridiction cantonale. Il n’intervient que si la décision s'écarte sans raison des règles établies par la doctrine et la jurisprudence en matière de libre appréciation, repose sur des faits qui, dans le cas particulier, ne devaient jouer aucun rôle, ou encore ne tient pas compte d’éléments qui auraient absolument dû être pris en considération. Il redresse les décisions rendues en vertu d'un pouvoir d'appréciation lorsqu'elles aboutissent à un résultat manifestement injuste ou à une iniquité choquante (ATF 135 III 121 consid. 2 et réf. citées).
2.1.2
D’après l'art. 432 al. 2 CPP, lorsque le prévenu obtient gain de cause sur la question de sa culpabilité et que l'infraction est poursuivie sur plainte, la partie plaignante ou le plaignant qui, ayant agi de manière téméraire ou par négligence grave, a entravé le bon déroulement de la procédure ou a rendu celle-ci plus difficile peut être tenu d'indemniser le prévenu pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure. Cette disposition constitue le pendant de l’art. 427 al. 2 CPP, qui régit les conditions dans lesquelles les frais de procédure peuvent être mis à la charge de la partie plaignante ou du plaignant (ATF 138 IV 248 consid. 5.3). La jurisprudence résumée ci-dessus est donc applicable par analogie (TF 6B_438/2013 du 18 juillet 2013 consid. 3.1).
2.2
En l’espèce, la plaignante a déposé plainte contre le prévenu et a participé activement à la procédure. Elle a consulté un avocat qui a régulièrement sollicité la direction de la procédure en versant des pièces au dossier. Un représentant de la plaignante était présent aux débats lors desquels un avocat a plaidé sa cause et a pris des conclusions civiles. Il s’ensuit que la condition restrictive posée par l’art. 427 al. 2 CPP n’est pas applicable à la plaignante et que, en présence d’infractions ne se poursuivant que sur plainte, les frais peuvent être mis à la charge de la plaignante, même en l’absence de toute témérité ou de négligence grave.
Le prévenu, libéré des infractions à la LCD et à la LPM qui ne se poursuivent que sur plainte, a obtenu gain de cause et la plaignante, une société largement solvable, a clairement succombé. Aucun motif ne justifie que l’on s’écarte de la règle légale. Le principe de l’équité ne permet pas non plus d’arriver à la solution inverse et de laisser les frais à la charge de l’Etat. Il serait en effet choquant de faire supporter les frais de la procédure en cause à l’Etat, dès lors que la plaignante est une société en bonne santé économique qui a manifestement engagé des poursuites pénales pour tenter d’obtenir une décision plus favorable que celle obtenue en mesures provisionnelles devant le juge civil (P. 10/1) et, partant, d’améliorer sa position dans le procès civil. Le Tribunal fédéral admet par ailleurs que les frais d’une procédure pénale close par un non-lieu soient mis en tout ou partie à la charge du plaignant lorsque celui-ci a agi par légèreté (TF 1P.38/2002 du 7 mars 2002 consid. 3.2 et réf. citées).
Dans ces conditions, il y a lieu de mettre les frais de justice, par
1'713 fr. (750 fr. [pv instruction] + 700 fr. [audience] + 24 fr. [témoin] + 239 fr. [interpète]), et les fais de défense du prévenu relatifs à la procédure de première instance à la charge de la plaignante qui succombe. Le jugement de première instance doit ainsi être modifié dans ce sens.
3.
3.1
L’indemnité au sens de l’art. 432 al. 2 CPP allouée au prévenu L._ acquitté pour ses dépenses obligatoires doit, comme exposé ci-dessus (consid. 2.2 supra), être mise à la charge de la plaignante. Il convient dès lors d’examiner le montant alloué au prévenu, lequel réclame une indemnité de 13'920 fr. pour la procédure de première instance.
La quotité de l’indemnité doit être fixée en application des principes énoncés à l'art. 26a TFIP (Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010 ; RSV 312.03.1). Conformément à cette disposition, le tarif déterminant est de 250 fr. au minimum et de 350 fr. au maximum pour l'activité déployée par l'avocat. Il est de 160 fr. pour l'activité déployée par un avocat stagiaire (al. 1). Dans les causes particulièrement complexes ou nécessitant des connaissances particulières, ce tarif peut être augmenté jusqu'à 400 fr. (al. 2).
3.2.1
Le premier juge a considéré qu’une bonne partie du temps consacré à l’affaire pénale faisait double emploi avec le temps consacré à la procédure civile et que l’affaire était délicate à trancher sous l’angle de la confusion au sens de l’art. 3 LCD. Il a ainsi réduit le temps consacré par l’avocat à son mandat pénal à 15 heures, sans discuter le tarif horaire de 400 fr., et alloué une indemnité de 6'000 fr. au prévenu pour ses frais de défense.
Le prévenu, assisté d’un défenseur de choix et acquitté, réclame une indemnité d’un montant de 13'920 fr. pour la procédure de première instance, ce qui correspond à un peu moins de 35 heures au tarif horaire de 400 francs. Il fait valoir qu’il a droit à une pleine indemnité, qu’il faut compter 6 heures pour l’audience de première instance et la lecture du jugement, et que le travail effectué dans le cadre de la procédure civile préalable a permis de réduire les opérations liées à la procédure pénale qui, sans cela, auraient été plus importantes. Il ne réclame aucun débours.
3.2.2
La liste des opérations produite le 5 mars 2015 (P. 45) fait état de 28,8 heures d’activité sans compter l’audience et la lecture du jugement, poste pour lequel l’appelant a ajouté 6 heures. L’audience du 5 mars 2015 ayant débuté à 9 h 10 et les débats ayant été clos à 12 h 30, il faut compter 3 heures 20 et rajouter 20 minutes pour la lecture du jugement, soit un temps total d’audience de 3 heures 40, auquel il convient encore d’ajouter deux vacations à 120 francs. Le décompte des opérations mentionne 1 heure 50 pour l’audience de conciliation et la conférence, incluant ainsi la vacation. Le procès-verbal de l’audience de conciliation se bornant à constater l’échec de la conciliation (PV aud. 1), celle-ci n’a manifestement pas duré plus de 10 minutes. Il faut donc tenir compte d’1 heure pour cette audience et ajouter une vacation à 120 francs. Le temps de travail allégué apparaît pour le surplus tout à fait raisonnable. Il s’ensuit qu’il y a lieu de réduire le nombre d’heures annoncé de 3 heures 10 (2h20 + 0h50) et de retenir un total de 31,5 heures d’activité déployée par l’avocat.
S’agissant du tarif horaire, il convient d’admettre que les questions de propriété intellectuelle sont compliquées à résoudre et que Me Schlosser est un avocat spécialiste dans le domaine de la propriété intellectuelle. Dans la mesure où il s’agit d’une procédure pénale faisant appel à des notions de la propriété intellectuelle, il convient de fixer le tarif horaire à 350 fr., lequel paraît adéquat compte tenu des spécificités de la présente cause.
Au vu de ce qui précède, une indemnité de 12'295 fr. 80 (11'025 fr. + 360 fr. [vacations] + 910 fr. 80 [TVA]), à la charge de la plaignante, doit être allouée au prévenu pour la procédure de première instance. Le jugement de première instance doit être modifié dans ce sens.
4.
En définitive, l’appel doit être admis et l’appel joint, en tant qu’il est recevable, partiellement admis, le jugement du 5 mars 2015 étant modifié aux chiffres IV et V de son dispositif dans le sens des considérants qui précèdent. Le jugement entrepris doit être rectifié d’office au chiffre I en ce sens que la société Y._ s’appelle désormais V._, conformément à l’extrait du Registre du commerce du canton de Zurich établi le 18 février 2015 (P. 44/8bis).
L’appel joint n’étant que partiellement admis, il n’y a pas lieu à l’allocation de dépens pour la procédure d’appel.
Les frais d'appel, constitués de l'émolument de jugement, par 1’320 fr. (art. 21 al. 1 TFIP), doivent également être mis à la charge de la plaignante qui succombe (art. 428 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
34a17893-1b0d-422c-9a12-20097e05b0f6 | En fait :
A.
Par jugement du 15 octobre 2013, le Tribunal criminel de l’arrondissement de l’Est vaudois a constaté qu’E._ s’est rendu coupable d’infraction grave à la Loi fédérale sur les stupéfiants, de contravention à la Loi fédérale sur les stupéfiants, d’infraction à la Loi fédérale sur le séjour et l’établissement des étrangers et infraction à la Loi fédérale sur les étrangers (I), a condamné ce dernier à une peine privative de liberté de 6 ans, sous déduction de 323 jours de détention provisoire et de 61 jours d’exécution anticipée de peine, et à une amende de 200 fr. (II), a dit qu’à défaut de paiement de l’amende, la peine privative de liberté de substitution sera de 4 jours (III), a ordonné le maintien en détention d’E._ pour des motifs de sûreté (IV), a statué sur les séquestres ordonnés (V à VII), a mis les frais, arrêtés à 38'484 fr. à la charge d’E._, dont l’indemnité allouée à son défenseur d’office par 13'343 fr. 15 (VIII), et a dit que le remboursement à l’Etat de l’indemnité servie au défenseur d’office ne sera dû par le condamné que si sa situation financière s’améliore (IX).
B.
Par annonce d’appel du 24 octobre 2013, puis déclaration motivée du 18 novembre 2013, E._ a formé appel contre ce jugement, en concluant, avec suite de frais et dépens, principalement à sa réforme en ce sens que la peine infligée est réduite dans une mesure que justice dira et, subsidiairement, au renvoi de la cause au tribunal de première instance pour nouvelle décision.
Le 28 novembre 2013, le Procureur cantonal Strada a déposé une déclaration d’appel joint. Il a conclu, sous suite de frais, à la réforme du chiffre II du dispositif du jugement, en ce sens qu’E._ est condamné à une peine privative de liberté de huit ans, sous déduction de 323 jours de détention provisoire et 61 jours d’exécution anticipée de peine, et à une amende de 200 francs.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
E._ est né le [...] 1979 à Owerri, au Nigeria, pays dont il est ressortissant. Après avoir effectué sa scolarité obligatoire dans son pays d’origine, il a entrepris un apprentissage d’ouvrier dans une usine de fabrication de portes, puis a travaillé pendant plusieurs années dans ce domaine. Suite à un conflit religieux au cours duquel son père est décédé, il a pris la fuite et a rejoint la Suisse, par la Libye et l’Italie, où il a déposé une requête d’asile le 29 décembre 2003 sous le nom de [...]. Une décision de non-entrée en matière et de renvoi a été rendue le 15 janvier 2004 et est entrée en force le 18 février 2004. Après être resté en Suisse sans titre de séjour jusqu’en 2007, il a quitté la Suisse pour l’Espagne, afin d’y trouver un emploi. Il a ainsi travaillé temporairement dans des fermes ou dans la construction, notamment dans le cadre de vendanges ou en tant qu’ouvrier, activités pour lesquelles il réalisait un revenu mensuel de 700 à 900 euros. Depuis 2007, et malgré son établissement en Espagne, il est régulièrement revenu en Suisse. En 2010, il s’est marié avec une ressortissante espagnole, laquelle a des enfants nés d’un premier lit. Son épouse fait des études ou du ménage, mais ne gagne que très peu d’argent. Le prévenu a travaillé dans un magasin africain pendant 26 mois et est sans emploi depuis avril 2012. Il ne perçoit aucune indemnité du chômage, mais bénéficie de repas gratuits. Il n’a pas d’économies autres que celles issues de son trafic de stupéfiants et a des dettes auprès de son fournisseur.
E._ est également connu sous l’alias de [...], né le 1er décembre 1980 à Monrovia (Libéria). Par ailleurs, il a utilisé l’identité de [...], afin de trouver du travail en Espagne.
Le casier judiciaire établi au nom de [...] fait état des condamnations suivantes :
- 7 juin 2004, Bezirksamt Aarau, 10 jours d’emprisonnement, sursis à l’exécution de la peine, délai d’épreuve 2 ans, entrée illégale, sursis révoqué;
- 20 juillet 2004, Strafbefehlsrichter Basel-Stadt, 30 jours d’emprisonnement, sursis à l’exécution de la peine, délai d’épreuve 2 ans, amende de 1'200 fr., délit contre la LStup et séjour illégal;
- 7 juin 2005, Tribunal d’arrondissement de Lausanne, 30 jours d’emprisonnement et expulsion de 3 ans (répercussion abolie), délit contre la LStup;
- 12 janvier 2006, Juge d’instruction de l’Est vaudois, 30 jours d’emprisonnement, recel et séjour illégal.
E._ a été détenu provisoirement du 26 septembre 2012 au 14 août 2013, soit pendant 323 jours, ainsi qu’en exécution anticipée de peine du 15 août au 14 octobre 2013, soit pendant 61 jours, ce qui représente un total de 384 jours.
2.
2.1
A Villeneuve et Montreux notamment, entre 2007 et le 26 septembre 2012, E._ s’est livré à un trafic de cocaïne. Il acquérait sa marchandise, conditionnée en fingers de 10 gr. au prix de 500 fr. la pièce, auprès d’un fournisseur non identifié. La marchandise était ensuite revendue à divers toxicomanes par boulettes de 1 à 1,2 grammes. Le prévenu réalisait un bénéfice moyen de 37 fr. 50 par gramme vendu. Compte tenu de gains totaux de 53'587 fr., son trafic a porté sur une quantité de cocaïne brute de 1428 gr. au minimum, ce qui représente 455,5 gr. de cocaïne pure, selon un taux de pureté de 31,9 %.
Le 26 septembre 2012, la police a saisi au domicile du prévenu 730,7 gr. de cocaïne, conditionnés en 48, respectivement 15 fingers, ainsi que 15,5 autres grammes, soit un total de 746,2 gr., représentant une quantité de drogue pure de 452,1 gr., selon les calculs réalisés par l’Institut de police scientifique (P. 32; taux de pureté oscillant entre 34,4 % et 85,3 %).
Au total, le trafic de stupéfiants auquel s’est livré E._ a porté sur 907,1 gr. (455 gr. + 452,1 gr.) de cocaïne pure au minimum.
2.2
D’octobre 2010 au 26 septembre 2012, E._ a fumé occasionnellement de la marijuana.
2.3
Entre 2007 jusqu’à fin 2009, le prévenu a séjourné en Suisse alors qu’il ne bénéficiait d’aucune autorisation. | En droit :
1.
Interjetés dans les formes et délai légaux (art. 399 CPP) contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel d’E._ et l’appel joint du Ministère public sont recevables.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
E._ conteste la quantité de drogue vendue.
Il estime que le tribunal criminel, en retenant un bénéfice de 25 fr. par gramme vendu, n’aurait pas retenu la version qui lui était la plus favorable mais, au contraire, celle qui lui était la plus défavorable. Selon lui, c’est un bénéfice de 50 fr. par gramme vendu qui aurait dû être pris en considération.
Par ailleurs, il soutient que les mises en cause fluctuantes de certains toxicomanes ne sauraient être prises en considération.
3.1
3.1.1
Selon l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3). Ce dernier alinéa consacre le principe
in dubio pro reo
, selon lequel le doute doit toujours profiter au prévenu. Ainsi, si l’accusation ne parvient pas à apporter la preuve de la culpabilité du prévenu, et qu’il subsiste un doute irréductible, le juge doit libérer des fins de la poursuite. Le doute ne doit porter que sur les conditions factuelles afférentes à l’infraction (Moreillon/Parein-Reymond, Petit commentaire, Code de procédure pénale, Bâle 2013, nn. 14 et 16 ad art. 10 CPP).
3.1.2
Il y a constatation incomplète des faits au sens de l’art. 398 al. 3 let. b CPP lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n’ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, in: Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 19 ad art. 398 CPP).
3.2
En l’espèce, il est tout d’abord relevé que tant les mises en cause que les périodes litigieuses importent peu, dans la mesure où, comme indiqué ci-après, il est tenu compte du capital réalisé par le prévenu pour calculer les quantités de drogue vendues. Les premiers juges ont en effet renoncé à estimer l’ampleur du trafic sur la base des mises en cause, ces dernières étant trop incomplètes (jgt., p. 14). Ils se sont alors basés sur le bénéfice moyen réalisé par gramme vendu et ont procédé à un calcul consistant à diviser le capital total perçu par ce bénéfice moyen. Afin de respecter le principe
in dubio pro reo
, ils ont toutefois retenu un bénéfice moyen le plus bas possible (jgt., p. 13). Si ce raisonnement est correct lorsqu’il s’agit de fixer l’ampleur du bénéfice réalisé, il conduit, dans un deuxième temps, à un résultat inverse à celui escompté : en effet, en divisant le capital par un chiffre le plus bas possible, ils ont obtenu un montant le plus haut possible.
Il convient dès lors de reprendre le raisonnement du tribunal criminel
ab ovo
et d’établir le bénéfice moyen réalisé par gramme vendu. Pour les motifs qui précèdent, le montant de 25 fr. pris en compte par les premiers juges ne saurait être retenu. Pour sa part, l’appelant fait valoir un montant de 50 francs. Toutefois, lors de ses auditions, ce dernier a déclaré qu’il vendait sa marchandise entre 70 et 80 fr. la boulette (PV aud. 2, p. 2; PV aud. 8, p. 4; PV aud. 14, p. 2), ce qui correspond à un bénéfice plus proche de 25 fr. que de 50 francs. En outre, certains toxicomanes ont indiqué avoir acheté leur dose à 100 fr. (PV aud. 6, p. 2; PV aud. 10, p. 10; PV aud. 11, p. 2). Ainsi, le bénéfice était le plus souvent de 20 à 30 fr., mais était parfois de 50 francs. Dans ces conditions, il se justifie d’estimer la proportion entre les opérations très bénéficiaires et celles qui l’étaient moins et de tenir compte d’un bénéfice moyen médian de 37 fr. 50 (soit entre 25 et 50 francs). Ainsi, dans la mesure où l’activité délictueuse du prévenu a porté sur un capital de 53'587 fr., montant qui n’est pas contesté en appel, la quantité de drogue vendue s’élève à 1'428 gr. (soit 53'587 ÷ 37,50), étant précisé qu’il ne s’agit que d’une estimation et que cette estimation est inférieure à la réalité, au vu de l’ampleur de l’activité du prévenu et parce que les premiers juges, dans le calcul du gain total, n’ont pas tenu compte des dépenses d’entretien et des frais de transport (jgt., 17).
En conclusion, l’appelant a vendu 1'428 gr. de cocaïne brute, ce qui représente une quantité nette de 455,5 gr., selon un taux de pureté de 31,9 %, ce à quoi il faut encore ajouter 452,1 gr. de cocaïne pure saisie à son domicile. Son trafic de stupéfiants a ainsi porté sur un total de 907,6 gr. de cocaïne pure.
4.
E._ et le Ministère public contestent la quotité de la peine. Nonobstant une diminution de la quantité de drogue vendue (cf. c. 3.2 supra), soit d’un élément à charge devant, en principe, entraîner une réduction de la sanction, la Cour de céans peut librement fixer la peine, compte tenu de l’appel joint du Procureur qui considère trop clémente la privation de liberté prononcée par les premiers juges.
4.1
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (TF 6B_85/2013 du 4 mars 2013 c. 3.1; ATF 134 IV 17 c. 2.1; ATF
129 IV 6 c. 6.1).
En matière de trafic de stupéfiants, il y a lieu de tenir compte de la quantité de drogue; même si elle ne joue pas un rôle prépondérant, la quantité constitue un élément essentiel, qui perd cependant de l'importance au fur et à mesure que s'éloigne la limite à partir de laquelle le cas est grave au sens de l'art. 19 ch. 2 let. a LStup. Le type et la nature du trafic en cause sont déterminants. Aussi l'appréciation sera différente selon que l'auteur a agi de manière autonome ou comme membre d'une organisation. Dans ce dernier cas, la nature de sa participation et sa position au sein de l'organisation doivent être prises en compte. L'étendue géographique du trafic entre également en considération : l'importation en Suisse de drogue a des répercussions plus graves que le seul transport à l'intérieur des frontières. S'agissant d'apprécier les mobiles qui ont poussé l'auteur à agir, le juge doit distinguer le cas de celui qui est lui-même toxicomane et agit pour financer sa propre consommation de celui qui participe à un trafic uniquement poussé par l'appât du gain (TF 6B_85/2013 du 4 mars 2013 c. 3.1; TF 6B_265/2010 du 13 août 2010 c. 2.3; TF 6S.21/2002 du 17 avril 2002 c. 2c). Le comportement du délinquant lors de la procédure peut aussi jouer un rôle. Le juge pourra atténuer la peine en raison de l'aveu ou de la bonne coopération de l'auteur de l'infraction avec les autorités policières ou judiciaires notamment si cette coopération a permis d'élucider des faits qui, à ce défaut, seraient restés obscurs (TF 6B_85/2013 ibid.; ATF
121 IV 202 c. 2d/aa; ATF 118 IV 342 c. 2d).
4.2
En l’espèce, le tribunal criminel a exposé tous les éléments déterminants pour la fixation de la peine (jgt., pp. 24 et 25), de sorte que la Cour de céans peut les reprendre à son compte. La culpabilité d’E._ doit ainsi être qualifiée de lourde. Malgré la réduction opérée ci-dessus, la quantité de stupéfiants demeure importante et excède largement le seuil du cas grave. En particulier, l’importance de la drogue saisie chez le prévenu tend à démontrer que ce dernier n’était pas un simple trafiquant de rue intermédiaire mais, au contraire, un grossiste de taille moyenne, voire un importateur. Il est également relevé que le taux de pureté de la cocaïne saisie était élevé, les valeurs oscillant entre 34,4 et 85,3 %. Par ailleurs, l’activité du prévenu, qui a duré pendant près de cinq ans, n’a été interrompue que par son arrestation. Si ce dernier semble avoir agi seul, il existe néanmoins des doutes quand à l’intervention d’un tiers. Certes, le trafic auquel s’est livré l’appelant était local, toutefois ce dernier était particulièrement bien organisé, ses multiples voyages ayant, de surcroît, rendu sa localisation difficile. De plus, en vendant sa marchandise en petites quantités, le prévenu a multiplié les transactions. Il est également relevé que celui-ci a débuté ses activités délictueuses dès son arrivée en Suisse en 2004 et a été condamné à quatre reprises, entre 2004 et 2005, dont deux pour infraction à la Loi fédérale sur les stupéfiants, ce qui démontre un non-respect pour l’ordre juridique. Les peines fermes n’ont eu aucun effet sur lui dès lors qu’il a récidivé. De plus, l’appelant a agi exclusivement par appât du gain et n’a toujours pas pris conscience de la gravité de ses actes. Sa collaboration en cours de procédure n’a pas été bonne. Enfin, il convient de retenir le concours d’infractions. A décharge, il sera uniquement tenu compte de la situation personnelle difficile du prévenu.
Au regard des éléments qui précèdent, une peine privative de liberté de 6 ans réprime adéquatement les agissements du prévenu.
5.
En définitive, l’appel d’E._, nonobstant le fait que ce dernier soit en partie suivi dans ses calculs relatifs à la quantité de drogue vendue (cf. c. 3.2 supra), et l’appel joint du Ministère public doivent être rejetés, le jugement de première instance étant entièrement confirmé.
6.
Vu l’issue de la cause, les frais de la procédure d'appel, comprenant l’émolument du jugement, par 1’610 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]), ainsi que l’indemnité allouée au défenseur d'office, par 2’380 fr. 10, TVA et débours compris, sont mis par moitié à la charge de l’appelant (art. 428 al. 1 CPP).
S’agissant de l’indemnité d’office, Me Thierry de Mestral a produit une liste d'opérations faisant état d’une activité totale de 18 heures et 35 minutes, hors temps d’audience (P. 75). Au regard de la nature et de la complexité de l'affaire, de la connaissance du dossier obtenue en première instance et de la déclaration d'appel brièvement motivée, le temps consacré à la présente procédure paraît trop élevé. Tout bien considéré, il sera tenu compte de deux heures pour les trois entretiens avec le client en prison – les déplacements étant quant à eux indemnisés avec les débours, à raison de 120 fr. le déplacement –, de trois heures pour la déclaration d’appel et les opérations y relatives, d’une heure pour les déterminations relatives à l’appel joint, de deux heures pour les recherches juridiques, l’étude du dossier, etc. et de deux heures pour l’audience d’appel.
En définitive, c'est un
montant de
2'380 fr. 10, correspondant
à une activité de 10 heures, TVA et 403 fr. 80 de débours compris, qui doit être alloué à Me
Thierry de Mestral
à titre d'indemnité d'office pour la procédure d'appel.
E._ ne sera tenu de rembourser à l’Etat la moitié de l’indemnité en faveur de son défenseur d’office que lorsque sa situation financière le permettra
(art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
34a32864-9825-4113-b591-213037c09536 | En fait :
A.
Par jugement du 28 mars 2012, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de La Broye et du Nord vaudois a constaté que P._ s’est rendu coupable d’actes d’ordre sexuel avec une enfant et de viol (I), l'a condamné à une peine privative de liberté de 30 mois sous déduction de 46 jours de détention avant jugement (II), a suspendu l’exécution de la peine pour une durée de 18 mois et accordé au prévenu un délai d’épreuve de 3 ans (III), a dit que cette peine est partiellement complémentaire à celle prononcée le 22 juillet 2009 par la Chambre d’instance criminelle de Albergaria-a-Velha (Portugal) (IV), a ordonné le maintien de P._ en détention pour des motifs de sûreté (V), a dit que le prénommé est débiteur de X._ d’une indemnité pour tort moral de 15'000 fr. avec intérêts à 5 % l’an dès le 14 mars 2009 (VI), a arrêté l'indemnité allouée à Antonella Cereghetti Zwahlen, conseil d’office de X._, à 2'829 fr. 90, TVA et débours compris, et celle allouée à Alain Dubuis, défenseur d'office de P._ à 3'466 fr. 80, TVA et débours compris (VII et VIII), a mis les frais par 12’972 fr. 25 à la charge de P._ Oliveira (IX), a dit que le remboursement à l’Etat par le prévenu des indemnités de 1'065 fr. 25 et 3'466 fr. 80 allouées à ses défenseurs, Me François Chanson et Me Alain Dubuis, est subordonné à l’amélioration de sa situation économique (X) et a dit que les indemnités allouées à Me Cereghetti Zwahlen sont laissées à la charge de l’Etat (XI).
Par jugement du 6 juillet 2012, la Cour d'appel pénale a rejeté l'appel formé par P._ tendant à sa libération du chef d'accusation de viol et confirmé intégralement le jugement entrepris.
Par arrêt du 26 novembre 2012 (TF 6B_570/2012), la Cour de droit pénal du Tribunal fédéral a partiellement admis le recours de P._ en ce sens qu'il est libéré du chef d'accusation de viol pour les événements de mars 2009, annulé l'arrêt attaqué et renvoyé la cause à l'autorité cantonale pour nouveau jugement, y compris sur la peine et les conclusions civiles. Pour le surplus, elle a rejeté le recours dans la mesure où il était recevable.
B.
Par courriers des 5 et 10 décembre 2012, les parties ont déclaré ne pas avoir d'observations ou de réquisitions de preuve à faire valoir.
C.
À l'audience du 30 janvier 2013, le prévenu a confirmé l'intégralité de ses déclarations. En outre, il a conclu à l'allocation d'une indemnité au sens de l'art. 429 al. 1 CPP.
X._ a notamment conclu à l'allocation d'une indemnité au sens de l'art. 433 CPP.
D.
Les faits retenus sont les suivants :
1.1
Né le 2 novembre 1983 au Portugal, troisième d’une fratrie de six enfants, P._ a été élevé tout d’abord par ses parents. Lorsque ceux-ci se sont établis en Suisse, le prévenu est demeuré auprès de sa tante au Portugal. Il a suivi sa scolarité obligatoire dans son pays et entrepris une formation universitaire débouchant sur un diplôme de musicien. Il a ensuite fondé un groupe musical ainsi qu’une entreprise active dans la production et réalisation de spectacles qui emploie, selon lui, quatre collaborateurs; il s’octroierait un salaire mensuel de 560 euros.
Le 23 décembre 2008, P._ a épousé Z._, dont il est divorcé depuis début 2010.
Le casier judiciaire suisse de P._ est vierge. En revanche, le casier judiciaire portugais fait mention de deux jugements rendus respectivement le 14 février 2007 et le 22 juillet 2009. Le premier se rapporte à un délit de désertion puni d’une peine de onze mois avec sursis pendant un an, assorti de règles de conduite; les autorités portugaises ont ordonné la radiation de la peine le 22 juillet 2008. Le second jugement sanctionne les infractions de menace et d’injure aggravée commises le 3 mai 2009. Pour ces faits, le prénommé a été condamné à une peine d’amende de 380 jours, la valeur du jour-amende étant fixée à 5 euros. Ce jugement est exécutoire depuis le 10 septembre 2009. Selon les déclarations du prévenu, il a refusé de payer la peine d’amende et a exécuté en lieu et place huit mois de détention dès le 31 janvier 2011.
Depuis le 27 mars 2012, P._ est détenu pour des motifs de sûreté à la prison de la Croisée à Orbe.
1.2
X._ est née le 11 mars 1995. Elle effectue actuellement un apprentissage. Depuis la séparation de ses parents en avril 2008, elle vit chez son père. Suite aux événements de mars 2009, la plaignante a consulté un psychologue par l'intermédiaire de la LAVI pendant trois mois à raison d'un entretien par semaine. Elle a par la suite entrepris une thérapie avec son médecin de famille, en partie en raison des faits dont elle a été victime. Elle a cependant été orientée auprès d'une psychiatre, la Dresse [...], après que ses difficultés psychologiques se soient intensifiées. Cette praticienne a relevé dans son rapport du 12 mars 2012 que les symptômes présentés par X._ étaient compatibles avec un état de stress post-traumatique (P. 79).
2.
2.1
Le 12 mars 2009, vers 17h00, X._ est allée se balader au bord du lac à Yverdon-les-Bains, où elle a croisé son oncle par alliance, le prévenu P._, en visite en Suisse chez sa famille depuis quelques jours, avec qui elle avait eu une conversation au sujet de problèmes familiaux un peu plus tôt dans la journée.
Après avoir repris leur discussion, le prévenu a entraîné sa nièce dans des buissons à l'abri des regards et a commencé à l'embrasser sur la bouche.
Le prévenu a obtenu de sa nièce qu'elle se couche par terre, lui a caressé le dos ainsi que les seins à même la peau et, malgré le refus de celle-ci, lui a descendu le pantalon et le slip et lui a caressé le vagin. Après s'être dévêtu à son tour, il s'est jeté sur la jeune fille et, à tout le moins partiellement, l'a pénétrée vaginalement, sans préservatif, lors même qu'elle tentait de le repousser. Après que son oncle lui eut demandé de ne rien dire au sujet de ce qui venait de se passer, X._ s'est rhabillée et est partie.
2.2
A Yverdon-les-Bains, dans l'appartement du père de X._ sis rue [...], à une date indéterminée en mai ou juin 2010, le prévenu a entretenu une relation sexuelle avec la prénommée. Pour parvenir à ses fins, P._ s’est allongé sur elle et lui a tenu les mains en arrière de la tête en même temps qu’il la pénétrait. La jeune fille a essayé d’enlever ses mains et de se relever, mais en vain, le prévenu lui tenant les mains encore plus fort. Après l’acte sexuel, P._ a dit à X._ de se taire sur ces événements; à défaut, elle aurait des problèmes avec lui.
2.3
Les premiers juges ont alloué à X._, à la charge du prévenu, une indemnité pour tort moral d'un montant de 15'000 fr. avec intérêts à 5 % l'an dès le 14 mars 2009. | En droit :
1.
Lorsque le Tribunal fédéral admet un recours, il statue lui-même sur le fond ou renvoie l'affaire à l'autorité précédente pour qu'elle prenne une nouvelle décision. Il peut également renvoyer l'affaire à l'autorité qui a statué en première instance (art. 107 al. 2 LTF [loi fédérale du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral, RS 173.110]). L'autorité à laquelle l'affaire est renvoyée doit fonder sa nouvelle décision sur les considérants de droit contenus dans l'arrêt de renvoi. Elle ne peut en aucun cas s'écarter de l'argumentation juridique du Tribunal fédéral, aussi bien en ce qui concerne les points sur lesquels il a approuvé la motivation précédente que ceux sur lesquels il l'a désapprouvée. Il n'est pas possible de remettre en cause ce qui a été admis – même implicitement – par le Tribunal fédéral (B. Corboz, in: Commentaire de la LTF, Berne 2009, ch. 27 ad art. 107 LTF).
Dans la mesure où le chef d'accusation de viol pour les événements intervenus en mars 2009 ne peut plus être retenu, seule la question de la fixation de la peine et le sort des conclusions civiles demeurent litigieux.
2.
2.1
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 c. 2.1; ATF 129 IV 6 c. 6.1; TF 6B_408/2012 du 1
er
novembre 2012 c. 1.1).
D'après l'art. 49 al. 1 CP, si, en raison d'un ou plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine.
En cas de concours, l'aggravation de la peine est obligatoire (ATF 103 IV 225, JT 1978 IV 136).
En application de l'art. 43 CP, le juge peut suspendre partiellement l'exécution d'une peine pécuniaire, d'un travail d'intérêt général ou d'une peine privative de liberté d'un an au moins et de trois ans au plus afin de tenir compte de façon appropriée de la faute de l'auteur (al. 1). La partie à exécuter ne peut excéder la moitié de la peine (al. 2). En cas de sursis partiel à l'exécution d'une peine privative de liberté, la partie suspendue, de même que la partie à exécuter, doivent être de six mois au moins. Les règles d'octroi à la libération conditionnelle (art. 86) ne lui sont pas applicables (al. 3). Le sursis partiel est exclu si la peine privative de liberté dépasse trente-six mois (ATF 134 IV 1 c. 5.3.2).
2.2
En l'espèce, P._ s'est rendu coupable d'actes d'ordre sexuels et d'un viol sur une enfant.
La culpabilité de P._ est lourde. A charge, il convient en premier lieur de tenir compte, en tant que circonstance aggravante, du concours d'infractions. De plus, à l'instar des premiers juges (jgt., p. 38), la cour retient le fait que le prévenu s'en est pris à une jeune fille membre de sa famille et a exploité non seulement son inexpérience, mais également la confiance qu'elle avait placée en lui. Par ailleurs, P._ n'a pas hésité à adopter dans un premier temps une attitude de déni, puis à dénigrer X._ et enfin à se positionner comme victime. Par ailleurs, malgré le fait qu'une instruction était déjà ouverte à son encontre pour viol et actes d'ordre sexuel au préjudice de sa nièce et qu'il avait été détenu préventivement pour ces faits, P._ a récidivé et ce, au domicile même de la plaignante. Cette façon d'agir dénote une absence particulière de scrupules, dans le seul but d'assouvir ses pulsions sexuelles. L'attitude adoptée tout au long de la procédure indique également que le prévenu n'a pas réalisé la gravité de son comportement. A cet égard, on précisera que ses agissements ont eu d'importantes conséquences pour X._ qui, depuis ces événements, est suivie par un psychiatre. Le prévenu n'a par ailleurs fait preuve d'aucun amendement et les regrets exprimés à l'audience d'appel ont été de pure forme. Enfin, il convient encore de relever ses antécédents judiciaires portugais.
Il n'y a que peu d'éléments à décharge, si ce n'est que P._ s'est présenté aux débats en Suisse et qu'il paraît avoir une situation professionnelle stable au Portugal.
Eu égard à ce qui précède, notamment en raison du fait qu'une des préventions de viol a été abandonnée, il se justifie de réduire la peine privative de liberté à vingt-quatre mois. Cette peine est compatible avec l'octroi du sursis, mais l'absence d'une réelle prise de conscience et les antécédents judiciaires portugais rendent le pronostic mitigé, ce qui justifie un sursis partiel. Par conséquent, seule l'exécution d'une partie de la peine est de nature à amener le prévenu à réaliser la gravité de son comportement. Il n'y a dès lors pas lieu de s'écarter de l'appréciation des premiers juges sur ce point (jgt., p. 39).
En conséquence, une peine privative de liberté de vingt-quatre mois, dont douze mois fermes avec un délai d'épreuve de trois ans, réprime adéquatement la faute de l'appelant, compte tenu des infractions commises, de sa culpabilité et de sa situation personnelle.
3.
3.1
Conformément à l'art. 49 CO, celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité a droit à une somme d'argent à titre de réparation morale, pour autant que la gravité de l'atteinte le justifie.
L'ampleur de la réparation morale dépend avant tout de la gravité des souffrances physiques consécutives à l'atteinte subie par la victime et de la possibilité d'adoucir sensiblement, par le versement d'une somme d'argent, la douleur morale qui en résulte. Sa détermination relève du pouvoir d'appréciation du juge. L'évaluation du tort moral échappe par sa nature à une appréciation rigoureuse, puisqu'elle concerne des valeurs par définition non mesurables. En effet, nul ne peut réellement évaluer la souffrance d'autrui (Werro, La responsabilité civile, Berne 2005, n. 1271). L'indemnité allouée doit toutefois être équitable. Le juge en déterminera donc le montant en fonction de la gravité de l'atteinte subie et il évitera que la somme accordée n'apparaisse dérisoire à la victime. S'il s'inspire de certains précédents, il veillera à les adapter aux circonstances actuelles pour tenir compte de la dépréciation de la monnaie (ATF 130 III 699 consid. 5.1; ATF 129 IV 22
consid. 7.2 et les arrêts cités).
3.2
En l'espèce, X._ a souffert durablement dans son développement psychique et, très certainement, sexuel. La victime a subi deux abus sexuels distincts et il est indéniable que les atteintes doivent être qualifiées de graves. Elles se sont produites à un âge où, pour la plaignante, les répercussions des traumatismes peuvent se prolonger. Toutefois, et quand bien même la qualification pénale des atteintes illicites n'influe pas directement sur le montant des prétentions civiles (JdT 1995 IV 128), il sied de tenir compte du fait qu'il n'y a pas eu de contrainte de la victime pour les actes du 12 mars 2009. Cette modification ne relativise quoiqu'il en soit que dans une mesure très faible l'ampleur du traumatisme et la réparation qui doit en résulter.
En conséquence, il se justifie d'allouer à la plaignante une indemnité pour tort moral d'un montant de 13'500 fr., plus intérêts à 5% l'an dès le 14 mars 2009.
4.
En définitive, l'appel de P._ est partiellement admis en ce sens qu'il est libéré du chef d'accusation de viol pour les événements de mars 2009, la peine et le montant des conclusions civiles étant modifiés en conséquence.
5.
P._ requiert l'allocation d'une indemnité d'un montant de 13'000 fr. pour la perte de gain subie en raison de sa détention, en application de l'art. 429 al. 1 let. b CPP.
Aux termes de cette disposition, le prévenu acquitté totalement ou en partie a droit à une indemnité pour le dommage économique subi au titre de sa participation obligatoire à la procédure. L'autorité pénale peut toutefois réduire ou refuser l'indemnité si le prévenu a provoqué illicitement et fautivement l'ouverture de la procédure (art. 430 al. 1 let. a CPP).
En l'espèce, il est établi que le comportement illicite de P._ est à l'origine de l'ouverture de l'action pénale ayant abouti à une condamnation. Quand bien même il a été libéré d'un des chefs d'accusation de viol, il n'en demeure pas moins qu'il s'est rendu coupable d'actes d'ordre sexuel avec une enfant pour les faits de mars 2009. Dans ces circonstances, il ne fait de doute que l'appelant a provoqué de manière illicite et fautive l'ouverture de la procédure pénale. Il ne peut donc prétendre à aucune indemnité au sens de l'art. 429 al. 1 CPP.
6.
X._ demande l'allocation de dépens complémentaires pour la procédure qui s'est déroulée devant le Tribunal fédéral.
Selon l'art. 433 al. 1 let. a CPP, la partie plaignante peut demander au prévenu une juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure, si elle obtient gain de cause.
En l'espèce, le Tribunal fédéral a statué définitivement sur la question, au chiffre 5 de son dispositif, en compensant les dépens. La cour de céans ne peut donc pas entrer en matière sur cette prétention. La plaignante pourra toutefois adresser à l'autorité fédérale une demande d'interprétation et de rectification au sens de l'art. 129 al. 1 LTF (cf. TF 6G_1/2012 du 20 novembre 2012).
5.
Vu l'issue de la cause et l'arrêt du Tribunal fédéral du 26 novembre 2012, les frais d'appel, comprenant l'émolument des jugements ainsi que les indemnités des avocats d'office, sont mis, par deux tiers, à la charge de P._ (art. 428 al. 1 et 429 al. 1 CPP), le solde étant laissé à la charge de l'Etat.
5.1
Les frais du jugement rendu le 6 juillet 2012 comprennent les frais de la décision sur requête de la mise en liberté de l'appelant du 11 avril 2012, par 450 fr. (cf. art. 20 al. 1 TFJP – Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1), l'indemnité allouée au conseil d'office de X._, par 1'166 fr. 40, TVA comprise, ainsi que l'indemnité allouée au défenseur d'office de l'appelant, indemnité qui, vu l'ampleur et la complexité de la cause, a été arrêtée à 2'008 fr. 80, TVA et débours inclus, correspondant à 16 heures (au tarif horaire de 110 fr. en usage pour les avocats-stagiaires).
5.2
Quant aux frais du jugement de ce jour, ils comprennent l'émolument du présent arrêt par 2'020 fr., l'indemnité allouée au conseil d'office de X._, par 972 fr., TVA et débours compris, ainsi que l'indemnité allouée au défenseur d'office de l'appelant, indemnité qui a été arrêtée à 1'188 fr., TVA et débours inclus, correspondant à 10 heures (au tarif horaire de 110 fr. en usage pour les avocats-stagiaires) pour les opérations dès le 26 novembre 2012, date de l'arrêt du Tribunal fédéral.
5.3
Le prévenu ne sera tenu de rembourser à l’Etat les deux tiers du montant des indemnités en faveur de son défenseur d'office et du conseil d’office de la partie plaignante prévues ci-dessus que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a et 426 al. 4 CPP).
5.4
Quant aux frais de première instance, ils ne doivent pas être modifiés, la condamnation pour les faits de mars 2009 subsistant. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
3567465b-62d1-4174-8733-f901a3bc15c0 | En fait :
1.
a)
A.X._ et B.X._ se sont mariés le [...] 2011. Une fille est issue de cette union, C.X._, née le [...] 2011. Les parties se sont séparées peu après la naissance de leur fille.
b)
B.X._ a consulté Me L._ – conseil de sa famille – en vue du divorce. Le 23 avril 2014, elle a signé en faveur de celui-ci une procuration visant à la représenter pour les démarches visant l'obtention d'un acte de famille auprès de l'Etat civil de son lieu de domicile et pour une procédure en divorce.
Les parties étant d'accord sur le principe d'un divorce, Me L._ et sa collaboratrice ont œuvré en vue du dépôt d'une requête commune avec accord complet et adressé dans ce cadre de nombreux courriels et lettres aux deux parties.
Le 3 octobre 2014 notamment, Me E._ a envoyé un courriel aux deux époux en indiquant notamment ce qui suit : "
Chère Madame, Cher Monsieur, Me L._ m'a demandé de m'occuper de votre dossier avec lui étant en charge du département de droit de la famille à l'Etude. Vous trouverez ci-joint un projet de Convention de divorce et un projet de Requête en divorce par consentement mutuel. Nous vous laissons le soin d'étudier ces documents et nous faire part de vos remarques
".
Le 29 octobre 2014, à la suite de la réponse de A.X._, Me E._ a adressé un nouveau courriel aux parties, les priant de lui proposer des dates qui convenaient à tous les deux pour venir signer à l'étude les projets de requête et de convention modifiés.
Le 22 décembre 2014, une première requête commune avec accord complet a été déposée par les époux devant le Tribunal de l'arrondissement de La Côte, laquelle a toutefois dû être retirée car elle ne pouvait être notifiée à A.X._, introuvable à l'adresse indiquée à Nyon et non-inscrit au contrôle des habitants de cette commune.
Le 3 février 2015, les parties ont déposé auprès du Tribunal civil de l'arrondissement de l'Est vaudois une nouvelle requête commune de divorce avec accord complet. Cette requête précise qu'elle est formée par B.X._, "comparaissant par Me L._", d'une part, et par A.X._ d'autre part. Elle porte la signature des deux parties.
Par courriers envoyés à B.X._, par son conseil, et à A.X._, le tribunal a requis de chaque partie le paiement d'une avance de frais de 450 francs.
Les 5 et 19 janvier 2015, Me E._ a rappelé aux parties qu'un délai au 22 janvier 2015 avait été fixé pour procéder à l'avance de frais de 450 fr. chacune. Le 20 janvier 2015, l'avocate a précisé qu'ils allaient procéder à l'avance de frais de 900 fr. pour leur compte et que ce montant serait inclus dans leur prochaine facture.
c)
Le 19 mai 2015, Me H._ a informé le tribunal qu'il était consulté par A.X._ et que les parties n'étaient plus d'accord sur le droit de visite. Il a requis le renvoi de l'audience fixée le 20 mai 2015 et relevé qu'à son avis, les circonstances obligeaient B.X._ à consulter un nouveau conseil.
Le 17 juin 2015, A.X._, par son conseil, a déposé une requête de mesures protectrices de l'union conjugale, traitée par le président comme une requête de mesures provisionnelles dès lors qu'une procédure de divorce était pendante. Une audience a été agendée le 7 juillet 2015.
2. a)
Par télécopie du 6 juillet 2015, A.X._, par son conseil, a requis le Président du Tribunal civil de l'arrondissement de l'Est vaudois d'interdire à Mes L._ et E._ de représenter leur cliente B.X._ lors de l'audience de mesures provisionnelles du lendemain, invoquant l'existence d'un conflit d'intérêts.
Par fax du même jour, Me L._ a contesté tout conflit d'intérêts. Il a en outre produit des déterminations sur la "requête en divorce sur demande unilatérale" de A.X._.
L'audience de mesures provisionnelles s'est tenue le 7 juillet 2015, en présence des parties et de leurs conseils. Un délai au 15 juillet suivant a été imparti aux parties pour faire valoir leurs moyens de droit sur la capacité de Me L._ ou ses collaborateurs à représenter B.X._.
Par courrier du 16 juillet 2015, Me H._ a renouvelé auprès du président du tribunal sa requête d'interdiction de postuler à l'encontre de Mes L._ et E._.
b)
Le 17 juillet suivant, le Président du Tribunal civil de l'arrondissement de l'Est vaudois a transmis à la Chambre des avocats comme objet de sa compétence la requête formée par Me H._.
Par déterminations du 17 septembre 2015, Mes L._ et E._ ont conclu au rejet de la requête formulée par A.X._, contestant avoir le moindre conflit d'intérêt dans cette affaire.
Par écriture du 18 septembre 2015, accompagnée de pièces, A.X._ a confirmé sa requête. Il a en outre déposé une écriture complémentaire le 25 septembre 2015.
Mes L._ et E._ ont déposé des déterminations complémentaires le 8 octobre 2015, maintenant leur position. Ils ont toutefois précisé qu'ils avaient décidé de cesser de s'occuper de ce dossier et de le confier à un confrère vaudois.
Me H._, pour son client, s'est encore exprimé par courrier du 19 octobre 2015. | E n d r o i t :
I.
La Chambre des avocats est saisie d'une requête visant à statuer sur la capacité de postulation de Mes L._ et E._ dans la cause en divorce opposant A.X._ et B.X._.
a)
La loi fédérale du 23 juin 2000 sur la libre circulation des avocats (RS 935.61; ci-après: LLCA) fixe les principes applicables à l'exercice de la profession d'avocat en Suisse (art. 1 LLCA) et, en particulier, les règles professionnelles auxquelles l'avocat est soumis (art. 12 LLCA). Chaque canton désigne une autorité chargée de la surveillance des avocats qui pratiquent la représentation en justice sur son territoire (art. 14 LLCA). Dans le canton de Vaud, c'est la Chambre des avocats qui est l'autorité compétente (art. 9 al. 1 LPAv [loi vaudoise du 24 septembre 2002 sur la profession d'avocat, RSV 177.11]). Elle se saisit d'office, sur plainte ou sur dénonciation, de toute question concernant l'activité professionnelle d'un avocat (art. 10 al. 1 LPAv).
b)
Lorsqu'un avocat accepte ou poursuit la défense d'intérêts contradictoires en violation de l'obligation énoncée à l'art. 12 let. c LLCA, il doit se voir dénier par l'autorité la capacité de postuler (ATF 138 II 162 c. 2.5.1). L'interdiction vise à assurer la bonne marche du procès, notamment en s'assurant qu'aucun avocat ne soit restreint dans sa capacité de défendre son client (ATF 138 II 162 c. 2.5.2).
La LLCA ne désignant pas l'autorité compétente habilitée à empêcher de plaider l'avocat en matière civile, les cantons sont compétents pour la désigner. Dans le canton de Vaud, la Chambre des avocats admet sa compétence sur la base de l'art. 10 al. 1 LPAv (CAVO 12 janvier 2015/2).
II. a)
La capacité de postuler de Mes L._ et E._ est contestée au motif qu'ils auraient d'abord été les conseils des deux époux [...] en vue du dépôt d'une requête commune en divorce et qu'ils auraient ensuite continué à assister B.X._ dans le cadre de la procédure devenue contentieuse. Le requérant soutient que Me L._ et sa collaboratrice ont agi comme avocats de son épouse et de lui-même, qu'ils ne lui ont jamais dit qu'ils étaient mandatés uniquement par B.X._ et qu'ils ne lui ont pas conseillé de se faire représenter par un autre mandataire professionnel. Il en résulte dès lors l'existence d'un conflit d'intérêt qui doit les conduire à renoncer à leur mandat.
Me L._ et sa collaboratrice pour leur part soutiennent qu'ils ont été consultés par Mme B.X._ uniquement, ce que savait M. A.X._. Ils expliquent que, dans le cadre de la rédaction de la requête commune en divorce avec accord complet, aucune information confidentielle ne leur a été transmise par A.X._, lequel a au contraire communiqué de fausses informations. Ils font également valoir que les honoraires et provisions ont été requis exclusivement de Mme B.X._ et qu'il a été conseillé à M. A.X._ de se faire représenter par un avocat au moment de formaliser les accords intervenus entre les parties. Partant, ils considèrent qu'aucun conflit d'intérêt ne s'opposait à la continuation de leur mandat. Néanmoins, par courrier du 8 octobre 2015, ils ont informé la Chambre de céans du fait qu'ils avaient renoncé à poursuivre ce mandat et de confier le dossier à un confrère vaudois.
b)
Parmi les règles professionnelles que doit respecter l'avocat, l'art. 12 let. c LLCA prévoit que celui-ci doit éviter tout conflit entre les intérêts de son client et ceux des personnes avec lesquelles il est en relation sur le plan professionnel ou privé (let. c).
L'interdiction de plaider en cas de conflit d'intérêt est une règle cardinale de la profession d'avocat, qui découle de l'obligation d'indépendance ainsi que du devoir de diligence de l'avocat (TF 2C_889/2008 du 21 juillet 2009 c. 3.1.3; Bohnet/Martenet, Droit de la profession d’avocat, Berne 2009, n. 1395 p. 576). Elle vise à garantir la bonne marche du procès, notamment en s'assurant qu'aucun avocat ne soit restreint dans sa capacité de défendre une partie, respectivement en évitant qu'il puisse utiliser les connaissances d'une partie adverse, acquises lors d'un mandat antérieur, au détriment de celle-ci (ATF 138 II 162 c. 2.5.2). Elle contribue ainsi également au respect par l'avocat de son secret professionnel (Grodecki/Jeandin, Approche critique de l'interdiction de postuler chez l'avocat aux prises avec un conflit d'intérêt, in SJ 2015 II 107, p. 110).
Il y a conflit d'intérêts chaque fois que quelqu'un se charge de représenter ou de défendre les intérêts d'autrui et est amené à ce titre à prendre des décisions qui sont susceptibles d'entrer en conflit avec ses intérêts propres ou avec ceux de tiers dont il assume également la représentation ou la défense (Le Fort, Les conflits d'intérêts, in Défis de l'avocat au XXIe siècle, Mélanges en l'honneur de Madame le Bâtonnier Dominique Burger, Genève 2008 p. 180, cité in Grodecki/Jeandin, op. cit., p. 111). Le code suisse de déontologie aborde le conflit d'intérêt en relation avec des mandats simultanés dans la même affaire ou à raison de mandats antérieurs, l'avocat ne devant accepter un nouveau mandat si le secret des informations données par un ancien client risque d'être violé ou lorsque la connaissance des affaires d'un précédent client pourrait porter préjudice à ce dernier (art. 12 et 13 CSD). Un conflit d'intérêts peut ainsi survenir dans trois situations: la double représentation simultanée, les mandats opposés qui se succèdent dans le temps et les intérêts propres de l'avocat (Chappuis, La profession d'avocat, Tome I, 2013, pp. 88-89; Grodecki/Jeandin, op. cit., pp. 113-115).
En matière matrimoniale, l'interdiction de double représentation connaît une exception en cas de séparation ou de divorce à l'amiable: l'avocat doit pouvoir intervenir pour les deux requérants, dans la mesure où leurs intérêts se rejoignent, (Bohnet/Martenet, op. cit., n. 1405 p. 580; Valticos, n. 168 ad art. 12 LLCA). Lorsque l'avocat est intervenu pour les deux époux, pour l'établissement d'une convention de séparation ou un divorce à l'amiable, il doit renoncer à son mandat commun dès que l'une des parties opte pour la voie contentieuse (Bohnet/Martenet, op. cit., n. 1405 p. 580). Toutefois, il est admis que, mandaté par les deux époux, lesquels se sont préalablement entendus, l'avocat peut les conseiller et établir une convention pour leur compte mais n'en représenter qu'une seule dans le cadre de la procédure sur requête commune, à la condition qu'il ait invité l'autre partie à consulter un mandataire indépendant afin de s'assurer que le texte proposé sauvegarde suffisamment ses intérêts. Dans un tel cas, il doit en outre clairement indiquer aux parties qu'il n'est en aucune façon leur mandataire commun, mais uniquement de l'un d'eux et que son rôle se limite à la mise en forme d'un accord qu'ils ont précédemment élaboré (Valticos, op. cit., n. 169 ad art. 12 LLCA).
Si l'avocat est mandaté par un seul conjoint pour l'établissement d'une convention sur les effets accessoires du divorce, mais qu'il accepte que l'autre conjoint assume une partie de ses honoraires, si bien qu'un certain rapport de confiance s'installe avec celui-ci, l'avocat ne peut plus intervenir contre l'un des deux en cas de procédure contradictoire ultérieure lorsque les faits dont il a eu connaissance dans le cadre du premier litige peuvent avoir une incidence dans la résolution du suivant. En revanche, l'avocat, mandataire d'un conjoint, qui convoque l'autre à son étude pour envisager une issue amiable, et dépose ensuite faute de résultat une requête de mesures protectrices, ne viole pas l'interdiction des conflits d'intérêt (Bohnet/Martenet, op. cit., n. 1407 p. 581 et les réf. citées).
Un risque théorique et abstrait de conflit d'intérêt ne suffit pas: le risque doit être concret (ATF 135 II 145 c. 9.1; ATF 134 II 108 c. 4.2). Le conflit d'intérêt est concret lorsqu'il ne résulte pas simplement d'une réflexion théorique sur les intérêts juridiques en présence. Il faut que les données du cas d'espèce fassent apparaître un risque réel de conflit (Chappuis, Les conflits d'intérêts de l'avocat et leurs conséquences à la lumière des évolutions jurisprudentielles et législatives récentes, in Pichonnaz/Werro, La pratique contractuelle, 2012, p. 85).
c)
En l'espèce, Mes L._ et E._ se sont désistés de leur mandat à la suite de la procédure engagée par A.X._. Il convient d'en prendre acte et de constater que la requête de ce dernier n'a plus d'objet.
On notera néanmoins qu'aucun conflit d'intérêt ne les empêchait de poursuivre leur mandat de conseil de B.X._, pour les motifs exposés ci-après.
Le dossier ne contient aucun courrier de Me L._ ou de sa collaboratrice indiquant ou rappelant au requérant qu'ils sont les conseils de son épouse et qu'il peut consulter un autre avocat afin de lui soumettre la convention signée. S'agissant d'un domaine où il convient d'éviter tout malentendu, il eut été prudent de la part d'un mandataire professionnel de signaler ou de rappeler par écrit à la partie adverse qu'il a la possibilité de consulter à tout moment un avocat indépendant afin de lui soumettre la convention préparée.
Cela étant, l'absence de tout document écrit ne signifie pas pour autant que les informations précitées n'ont pas été communiquées oralement au requérant et que celui-ci ne savait pas que Me L._ était consulté par son épouse et qu'il agissait pour son compte. Dans le cas d'espèce, un certain nombre d'éléments laissent au contraire apparaître que A.X._ a toujours considéré Me L._ et sa collaboratrice comme les conseils de son épouse. Ainsi, l'intéressé a donné à Me E._ une fausse adresse, ce qui a eu pour conséquence que la requête initialement déposée devant le Tribunal de l'arrondissement de La Côte a dû être retirée pour être déposée à nouveau devant celui de l'arrondissement de l'Est vaudois. Un tel comportement de défiance à l'égard des avocats qui ont rédigé la requête commune atteste du fait que A.X._ ne se sentait pas représenté par Me L._ et son Etude.
Il apparaît également que le requérant a donné aux conseils de son épouse de fausses informations sur sa situation financière. Outre sa méfiance à l'égard de ces avocats, ce fait démontre également qu'il n'a pas voulu leur communiquer des informations confidentielles.
Au vu de ce qui précède, il faut constater qu'aucun lien de confiance ne s'est créé entre Mes L._ et E._ et A.X._.
Pour le surplus, on notera que la requête commune de divorce avec accord complet signée par les deux parties mentionnait expressément en première page que B.X._ était représentée par Me L._, ce qui n'était pas le cas du requérant. A.X._ n'a en outre pas signé de procuration en faveur de l'étude de Me L._, contrairement à son épouse. Le requérant n'a par ailleurs aucunement démontré avoir versé une quelconque provision ou des honoraires en faveur de Me L._. Contrairement à ce qu'il soutient, le requérant ne pouvait ainsi ignorer que Mes L._ et E._ n'étaient pas ses conseils, mais uniquement ceux de son épouse.
Quant aux faits que les lettres ou courriels étaient adressés par Me L._ aux deux parties ("Chère Madame, Cher Monsieur"), que les avocats parlaient de "votre" dossier et proposaient des rendez-vous aux deux parties, ils étaient inhérents à la procédure de divorce à l'amiable initialement voulue par les deux parties. En effet, dès lors que les époux entendaient trouver un accord complet sur les effets de leur divorce et déposer une requête commune, Me L._ et sa collaboratrice étaient tenus de communiquer avec A.X._. La formulation des courriers adressés au requérant ne permet dès lors pas de retenir que Mes L._ et E._ étaient ses conseils. On ne saurait d'ailleurs leur reprocher de faire usage des formules de politesse habituelles.
Il résulte de ces différents éléments que non seulement le requérant n'accordait pas à Me L._ et sa collaboratrice la confiance que l'on témoigne à son avocat, mais également qu'il ne pouvait croire qu'il était représenté par cette Etude. Partant, on ne saurait admettre que Mes L._ et E._ se soient trouvés confrontés à un conflit d'intérêt en défendant B.X._ dans l'action en divorce l'opposant au requérant.
III. a)
En définitive, il convient de prendre acte du fait que Mes L._ et E._ ont renoncé à leur mandat de conseil de B.X._ dans le cadre de l'action en divorce l'opposant à A.X._. La requête de ce dernier n'a donc plus d'objet.
b)
Les frais de la présente décision s'élèvent à 500 fr. (art. 1 al. 2 litt. a du règlement du 19 février 2008 sur les émoluments perçus par la Chambre des avocats ou son président, par délégation, RSV 177.11.4). Il se justifie de mettre ces frais à la charge du requérant A.X._, dont la requête était mal fondée et qui a provoqué cette décision (art. 61 al. 2 LPAv par analogie). | Public | Public Administration | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_005 | VD | Région lémanique |
35c2e6ce-a536-4ead-a774-7d9288260c16 | En fait :
A.
Par jugement du 21 août 2014, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de l'Est vaudois a libéré P._ et B._ du chef d’accusation de lésions corporelles graves par négligence (I et II), a condamné Q._ pour lésions corporelles graves par négligence à une peine pécuniaire de 20 jours-amende à 500 fr. le jour avec sursis durant 2 ans ainsi qu'à une amende de 2'000 fr. et a dit que la peine privative de liberté de substitution est de 4 jours (III), a renvoyé S._ à agir par la voie civile à l’encontre de P._, B._ et Q._ (IV), a mis une partie des frais de la cause, par 12'221 fr.15, à la charge de Q._, montant incluant partiellement l’indemnité du conseil juridique gratuit de la partie plaignante S._, arrêtée à 18'893 fr. 50, TVA et débours inclus, et a laissé le solde à la charge de l’Etat (V), a ordonné le maintien au dossier à titre de pièces à conviction du dossier médical de S._ constitué par l’Hôpital A._ et séquestré sous fiche n° 106, des clichés du CT-scan abdominal réalisé sur S._ le 27 novembre 2007 à l’Hôpital A._, séquestrés sous fiche n° 250, et d’un CD contenant la copie du dossier AI de S._ versé au dossier comme pièce à conviction sous fiche n° 268 (VI) et a dit que l’Etat de Vaud est le débiteur de P._ et de B._ de, respectivement, 29'484 fr. et 27'540 fr., TVA et débours inclus, à titre d’indemnités de l’art. 429 al. 1 let. a CPP (VII et VIII).
B.
a)
Par annonce du 2 août 2014 puis par déclaration motivée du 12 septembre 2014, S._ a formé appel contre ce jugement, concluant principalement à sa réforme en ce sens que Q._ est reconnu son débiteur d'une indemnité de 100'000 fr. à titre de tort moral, avec intérêts compensatoires à 5% l'an dès le 27 novembre 2007, S._ étant renvoyée à agir par la voie civile à l'encontre de P._, B._ et Q._ pour tout autre poste de son dommage. Elle a conclu également à l'allocation d'un montant correspondant à la part de ses honoraires non couverte par l'indemnité de conseil d'office qui lui a été allouée, une juste indemnité complémentaire à celle de conseil d'office étant également mise à la charge de Q._ pour l'activité déployée par Me Hofstetter dans le cadre de la procédure d'appel. Subsidiairement, elle a conclu au renvoi de la cause à l'autorité de première instance afin qu'elle statue sur les conclusions civiles qu'elle a formulées.
Q._ a conclu au rejet des conclusions civiles formées par S._.
Le Ministère public a déclaré s'en remettre à justice s'agissant de l'appel de S._.
b)
Par annonce du 25 août 2014 puis par déclaration motivée du 16 septembre 2014, Q._ a formé appel contre le jugement précité, concluant à sa réforme en ce sens qu'il est acquitté, les frais étant laissés à la charge de l’Etat. A titre de mesures d'instruction, il a requis l'audition de sa secrétaire médicale et de l'actuel médecin-chef de gynécologie et obstétrique de l'Hôpital A._, ainsi que le dépôt au dossier d'extraits de son agenda professionnel et time-sheet en lien avec le rendez-vous de deux patientes, concernant la même période litigieuse.
S._ et le Ministère public ont tous deux conclu au rejet de l'appel de Q._.
c)
Le 2 décembre 2014, le Président de la Cour d'appel pénale a refusé la mise en œuvre des mesures d'instruction sollicitées par Q._, au motif qu’elles n’étaient pas nécessaires au traitement de l'appel. Les pièces produites en annexe au mémoire d’appel ont en revanche été versées au dossier.
A l'audience d’appel, Q._ a renouvelé ses réquisitions de preuve tendant à l'audition de divers témoins. Ces réquisitions ont été rejetées lors des débats, par prononcé motivé figurant au procès-verbal (p. 4
supra
).
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Ressortissant suisse né en Italie en 1946, Q._ a obtenu son diplôme de médecine en 1975 à l'Université de Lausanne. En 1985, il a ouvert son cabinet à [...], qu'il a exploité jusqu'à sa retraite en février 2014, après avoir diminué son taux d'activité dès 2011, lorsque le Dr P._ l'a rejoint. En parallèle, il a exercé comme médecin-chef à l’Hôpital K._, puis à celui d’A._. Lors des faits, en 2007, il partageait ainsi son temps entre son cabinet privé et son poste de médecin-chef salarié de l’Hôpital A._, où il opérait et se chargeait notamment de la formation des médecins assistants. Il vit avec son épouse et n'a plus d'enfants à charge. Depuis sa retraite, il déclare 8'000 fr. de revenus mensuels, rente AVS, assurance-vie et revenus locatifs inclus. Selon sa déclaration d'impôts 2012, sa fortune mobilière et immobilière est de 1'856'609 fr., dont à déduire des dettes de 149'005 francs. Ses primes d'assurance-maladie se montent à 600 fr. et ses charges hypothécaires à quelque 2'000 fr. mensuels. Son casier judiciaire est vierge.
2.
S._, née le 19 septembre 1967, a été la patiente du Dr Q._ à compter du mois de janvier 1986 et jusqu’en novembre 2007. Elle a été suivie régulièrement à sa consultation ensuite d’une tumeur à prolactine découverte et opérée à l’âge de 17 ans, laquelle a entraîné un hypopituitarisme (insuffisance hypophysaire) nécessitant un traitement de substitution hormonale, mis en place et suivi par le Dr Q._. Cette affection a empêché S._ d’avoir des enfants. Cette dernière nourrissait une confiance particulière envers son médecin, qui la suivait depuis ses 17 ans et la tutoyait. Le prévenu a confirmé en audience qu’un climat amical régnait entre sa patiente et lui.
En raison d’un myome utérin, la taille de l’utérus de S._ s’est progressivement agrandie, au point qu’elle a engendré chez cette dernière diverses douleurs et complications en raison desquelles une hystérectomie a été envisagée par Q._. Cette intervention a été envisagée dans le courant de l’année 2007, retardée, puis décidée à tout le moins lors de la consultation du 22 octobre 2007, et la date de l'opération finalement arrêtée ce jour-là. Au cours de l’entretien du 12 novembre 2007, le prévenu a expliqué à la patiente les raisons pour lesquelles l’opération était nécessaire, ainsi que le type d’incision et, par le moyen d’un dessin, le type d’opération qui allaient être effectués et comment celle-ci se déroulerait. Il lui a parlé, selon ses propres explications à l’audience (jugt, p. 22), des risques en général, soit ceux auprès des organes de proximité, mais pas de leur fréquence, ni des complications liées à ce type d’opération, à savoir l’hémostase, les lésions de l’uretère et les fistules vaginales. Il ne lui a pas fait signer le formulaire « Protocole d’information pour l’ablation de l’utérus (hystérectomie) par voie abdominale » à disposition des praticiens depuis 2000 (pièce 43). Aucune information sur une éventuelle intervention alternative n’a été donnée à la patiente.
L'intervention litigieuse, dont il sera question ci-après, a été effectuée à l’Hôpital A._ le 27 novembre 2007 par P._, médecin-assistant, sous la supervision (teaching) de B._, cheffe de clinique, et Q._, médecin-chef. S._ ne savait pas qu'elle allait être opérée par un autre médecin que le Dr Q._. A ce propos, ce dernier a expliqué que les opérations qu'il effectuait l'étaient parfois sous la forme d'un "teaching", que le processus de teaching était une pratique de l'Hôpital A._ – comme d'autres hôpitaux – qui avait pour but de former les médecins-assistants et que ses patientes n'étaient jamais informées de l'éventualité qu’elles puissent être opérées par quelqu'un d'autre que lui, parce qu'il était décidé le matin même de l’opération, en fonction des médecins qui étaient présents, s'il y aurait teaching ou non et qui allait opérer (jugt, pp. 22 et 23).
3.
A la date précitée, en début de matinée, S._ a ainsi subi une hystérectomie totale avec annexectomie bilatérale à l’Hôpital A._. Seuls P._ et B._ étaient dans le champ opératoire, à savoir au-dessus de la plaie ouverte de la patiente, avec une vue directe sur les organes. B._ se trouvait à droite de S._ et P._ à gauche. Conformément au principe du teaching, P._ était chargé des gestes opératoires principaux, le cas échéant secondé par B._, qui se tenait à ses côtés. Q._ était dans la salle, vêtu d’une tenue stérile mais sans les gants ni le tablier vert que les chirurgiens revêtent lorsqu’ils interviennent. Il n’avait pas de vision directe sur le ventre ouvert de S._, mais était tenu informé oralement, en direct, des étapes du processus opératoire, dans lequel il pouvait intervenir si nécessaire pour guider le médecin-assistant, les trois praticiens discutant ouvertement des gestes effectués. D’après le protocole opératoire (pièce 5/3), qui mentionne le Dr P._ comme opérateur et les Drs B._ et Q._ comme "teachers", les diverses étapes de l’opération ont eu lieu conformément aux processus habituels. Il est toutefois relevé dans ce document qu'après ablation de l'utérus, un saignement dans la région de l’artère utérine gauche a été constaté, nécessitant la mise en place d’un point d’hémostase en X avec une fermeture du péritoine viscéral après mise en place d’un Tabotamp. Le rapport mentionne encore des "pertes sanguines estimée à 1’000 ml". C'est le Dr P._ qui a procédé aux différents actes décrits dans le protocole opératoire, sous la supervision de B._, cette dernière l’ayant au surplus assisté, notamment en plaçant des électrodes sur la pince bipolaire pour la coagulation des vaisseaux et en l’aidant à retirer l’utérus. Lorsque les saignements ont été constatés, c’est P._ qui a "reclampé" avant de remettre un point d’hémostase en X et une compresse de Tabotamp. En fin d’intervention, Q._ a dit à ses collègues que la plaie pouvait être refermée car elle était sèche (à savoir que plus de sang ne s’en écoulait), ce que tous trois ont confirmé. Il a quitté la salle avant la fin de l’opération, probablement lors de la fermeture de l’abdomen.
Sortie du bloc opératoire à 10h15, S._ a commencé à se sentir mal vers 16h45. Sa tension artérielle a chuté et la présence de sang a été constatée dans ses urines. La patiente a alors été soumise d'urgence à un CT-scanner abdomino-pelvien, qui a mis en évidence un hémopéritoine et un saignement intra-abdominal actif, avec suspicion d'une lésion urétérale gauche.
En état de pré-choc hémorragique, S._ a immédiatement été transférée à l’Hôpital K._, où le Dr D._, assisté du Dr Q._, a procédé à une ligature de l'artère iliaque interne gauche pour assurer l'hémostase, avant d'effectuer une urétéronéocystostomie afin de réimplanter l'uretère gauche sur le dôme vésical.
S._ a séjourné dans le service des soins continus de l’Hôpital K._ jusqu'au 30 novembre 2007, puis dans le service de chirurgie de cet établissement jusqu'au 14 décembre 2007, date à laquelle elle a pu regagner son domicile.
Les suites opératoires ont toutefois été compliquées par la survenue d'une importante fistule vésico-vaginale, qui a nécessité deux interventions de cure chirurgicale, effectuées par le Dr D._ les 18 mars et 2 décembre 2008.
En définitive, S._ a été victime de trois complications graves au cours ou à la suite de l'hystérectomie avec annexectomie bilatérale pratiquée le 27 novembre 2007 par les prévenus P._, B._ et Q._, à savoir une hémorragie intra-abdominale, une lésion (section) de l'uretère gauche et une fistule vésico-vaginale.
S._ a déposé plainte et s'est constituée demanderesse au pénal et au civil le 14 juin 2011.
4.
4.1
Dans le cadre de l'enquête, une expertise a été confiée au Dr Z._, médecin-chef du Service de gynécologie [...], qui a rendu son rapport le 27 mai 2013 (pièce 42), dans lequel il s'exprime en particulier en ces termes sur le caractère adéquat de l'opération envisagée:
"Mme S._ présentait un utérus myomateux très agrandi qui entraînait des douleurs pelviennes. Le poids moyen d'un utérus normal est d'environ 50 g et dans le cas présent il pesait 1'290 g ; on peut donc considérer que l'utérus était "très anormal" et qu'une hystérectomie était recommandée. Une annexectomie bilatérale se justifiait ici dans la mesure où les ovaires n'étaient plus fonctionnels suite à l'antécédent de traitement hypophysaire. La décision d'effectuer une hystérectomie et une annexectomie bilatérale chez Mme S._ était adéquate".
Invité à se prononcer sur le point de savoir s'il était conforme aux règles de l'art de laisser opérer le médecin-assistant P._ sous la supervision de la Dresse B._ et du Dr Q._, le Dr Z._ a répondu ce qui suit:
"L'Hôpital A._ est reconnu par la FMH (Fédération des médecins suisses) comme un hôpital agréé pour la formation des médecins assistants en gynécologie obstétrique. Dr P._ était en 6
ème
année de formation pour la spécialisation de gynécologie obstétrique en novembre 2007. Il aurait effectué avant cette date environ 20 laparotomies comme 1
er
opérateur et était à ce moment-là à plus de 60% dans son "catalogue opératoire en gynécologie". A ce stade de formation, on peut considérer que le Dr P._ était un "assistant avancé". Dre (
sic
) B._ était médecin "senior" en gynécologie obstétrique à l'hôpital A._. Sa formation a été essentiellement faite en Italie où elle a effectué 6 ans de formation en spécialité gynécologie obstétrique et obtenu le titre de spécialiste en 2003. Elle n'avait pas le titre de FMH (en novembre 2007), mais on peut considérer qu'elle avait un titre équivalent au titre FMH. Dre (
sic
) B._ affirme avoir une large expérience en chirurgie gynécologique avec plus de 200 hystérectomies réalisées sous sa supervision (en novembre 2007). Le Dr Q._ aurait été en salle d'opération sans être "habillé pour opérer" se tenant à disposition en cas de besoin. On peut considérer ici que les médecins et l'hôpital avaient les compétences et l'infrastructure nécessaires pour prendre en charge le traitement (hystérectomie et annexectomie bilatérale) de Mme S._".
En ce qui concerne la teneur de l'information fournie à la patiente quant à la nature, les chances de succès et les complications possibles de l'intervention envisagée, le Dr Z._ a indiqué ce qui suit:
"La pratique de la chirurgie expose la patiente à un certain nombre de complications dont certaines peuvent être graves. Elle doit être informée des risques inhérents à la chirurgie proposée et cette information doit être inscrite au dossier. Lorsqu'une hystérectomie est envisagée, la patiente doit être mise au courant des risques tels que les hémorragies, les infections et les dommages aux organes environnants (vessie, uretère, intestin). Des protocoles d'information établis de manière conjointe entre la Société Suisse de Gynécologie Obstétrique (SSGO), la Fédération des Médecins Suisses (FMH) et l'Organisation Suisse des Patients (OSP) sont disponibles pour les professionnels de la santé et les patientes (...). A noter que ce document était, depuis 2000, à disposition des praticiens pour faciliter le processus d'information et de consentement. Une fois complété, ce document devrait être signé par l'opérateur ou un professionnel de la santé ayant donné l'information et la patiente. Dans le cas présent, bien qu'une note figure dans le dossier indiquant que le Dr Q._ avait informé Mme S._, les complications potentielles liées à l'intervention n'ont vraisemblablement pas été mentionnées. Aucun document n'a été signé par la patiente mentionnant qu'elle ait été informée. Madame S._ confirme oralement qu'elle n'aurait jamais été informée des complications liées à la chirurgie. On était en droit d'attendre ici à ce que l'information transmise par le Dr Q._ soit de meilleure qualité. Mme S._ a été insuffisamment informée des complications potentielles liées à l'intervention".
En ce qui concerne la cause de l'hémorragie intra-abdominale constatée à la suite de l'intervention du 27 novembre 2007, l'expert a exposé ce qui suit :
"La cause de l'hémorragie intra-abdominale est probablement due à un "lâchage progressif et précoce" d'une des ligatures placée sur l'artère utérine gauche ou une de ses branches. (...). Il est vraisemblable qu'un vaisseau "fermé et non actif" en fin d'intervention n'a pas été identifié comme tel par les opérateurs. Une fois l'abdomen fermé, il est probable que ce vaisseau "non actif" a commencé à saigner activement. (...) Les saignements ont mis la vie en danger de Mme S._ (comme tous les saignements post-opératoires) mais n'ont pas entraîné de séquelles irréversibles. Ils ont nécessité une deuxième intervention en urgence et contribué à prolonger la durée d'hospitalisation et probablement entraîné une incapacité de travail de plus longue durée. (...) C'est ce qu'on appelle une complication postopératoire précoce. Celle-ci ne constitue pas une violation des règles de l'art".
S'agissant de la lésion de l'uretère, l'expert s'est exprimé en ces termes:
"L'uretère gauche a été lésé lors de l'hystérectomie abdominale. (...) Dans la majorité des cas, les lésions urétérales ne sont pas identifiées pendant l'intervention ce qui explique pourquoi les opérateurs ne l'ont pas vu pendant l'intervention. (...) La présence d'une lésion urétérale est une complication rare mais grave. Elle n'a pas mis gravement en danger la vie de Mme S._ dans le cas présent puisqu'elle a été reconnue précocement, ce qui est en fait le temps idéal pour réparer ce type de lésion. La réparation a été faite de manière adéquate par un opérateur expérimenté (Dr D._). Cette complication n'a pas entraîné de séquelle irréversible. Il est probable toutefois que l'hospitalisation et l'arrêt de travail ont été prolongés suite à cette complication. (... ) ». La lésion de l'uretère (section) est ce qu'on appelle une complication per-opératoire (...) ce qui ne constitue pas une violation des règles de l'art ".
A propos de la fistule vésico-vaginale, le Dr Z._ a indiqué ce qui suit:
"Une fistule vésico-vaginale se traduit par une émission permanente d'urine par le vagin. Elle est habituellement une complication tardive après hystérectomie qui s'observe le plus souvent dans les 8 à 20 jours après l'intervention. La cause de cette fistule est liée soit à des lésions électriques de la paroi vésicale avec nécrose secondaire et fistulisation, soit à des plaies passées inaperçues en cours d'intervention, soit à une ischémie vésicale per et postopératoire entraînée par une dissection étendue. Dans le cas présent, il s'agit d'une fistule très précoce suggérant une plaie vésicale faite pendant l'intervention et passée inaperçue. Deux éléments sont en faveur de cette hypothèse; ce sont (i) les images du CT-scanner effectué le 2
eme
jour post-opératoire (29.11) qui montre la présence de produit de contraste dans le vagin. Bien que cet examen n'ait pas été effectué dans ce but, les images parlent en faveur d'un passage [de produit] de contraste dans le vagin, ensuite (ii) Mme S._ a mentionné dès le 5
eme
jour post-opératoire (2.12) la présence de pertes urinaires malgré la présence d'une sonde urinaire. Ce symptôme suggère très fortement la présence d'une fistule précoce. L'ensemble de ces éléments suggère que la fistule est la conséquence d'une lésion vésicale causée lors de l'hystérectomie. (...) La plaie de la base vésicale survient généralement au moment où la vessie est séparée de la face antérieure du vagin. L'exposition peut être limitée en présence d'un utérus de grande taille (c'est le cas ici). Ce pourrait être la raison qui n'a pas permis aux opérateurs d'identifier cette plaie vésicale à l'origine de la fistule. (...) La fistule vésico-vaginale n'a pas mis en danger la vie de Mme S._, par contre, la présence d'une fistule a nécessité des interventions ultérieures, un processus de guérison plus long (prolongation de son incapacité de travail) et probablement entraîné des séquelles irréversibles. (...) Lors de la 1
ère
intervention chirurgicale du 27.11 les opérateurs savaient que l'utérus était de taille agrandie et que par conséquent, ils devaient s'attendre à la présence de variations anatomiques et topographiques. Lors de chirurgie difficile dans la région vésicale (c'est le cas ici) avec un risque de lésion vésicale, il est recommandé de réaliser en fin d'intervention une épreuve d'intégrité vésicale au bleu de méthylène (ou un autre test). Si cet examen avait été réalisé en fin d'intervention, il aurait vraisemblablement permis d'identifier la lésion vésicale, la suturer ce qui aurait probablement évité l'apparition d'une fistule. (...) Lors de la 2
ème
intervention chirurgicale du 27.11 les opérateurs savaient qu'il y avait déjà deux complications graves (section de l'uretère et hémorragie) du côté gauche. Ces deux complications étaient liées entre elles dans la mesure où elles sont intervenues dans le même carrefour où se trouvent l'artère utérine, l'uretère et la vessie. Il n'est pas exceptionnel d'avoir une "plaie urinaire double" associant uretère et vessie. Donc, à partir du moment où les opérateurs effectuaient une ré-opération pour réparer les complications de la première, on était en droit d'attendre qu'ils réalisent un bilan complet de cette région et ainsi identifier la plaie vésicale. Une suture à ce moment-là aurait permis d'éviter probablement l'apparition d'une fistule. La fistule vésico-vaginale constitue un aléa thérapeutique, toutefois on était en droit d'attendre que les opérateurs réalisent lors de la 1
ere
et/ou 2
eme
intervention une épreuve d'étanchéité vésicale afin de réduire le risque d'une chirurgie ultérieure".
Au terme de son rapport du 27 mai 2013, le Dr Z._ a encore formulé les remarques suivantes:
"
Remarque 1
: (...) D'une manière générale, les patients doivent recevoir une information sur le chirurgien qui pratiquera l'intervention. L'information a été ici insuffisante, la patiente aurait dû être informée que l'opérateur ne serait pas le Dr Q._.
Remarque 2
: Nous sommes ici en présence de trois complications graves survenues lors d'une hystérectomie. Il s'agit de complications connues de la chirurgie gynécologique et mentionnées dans les consentements opératoires (voir document SSGO). La particularité ici est la survenue de trois complications graves lors d'une même intervention. Tel que mentionné précédemment, ces trois complications sont survenues au même endroit (carrefour réunissant l'uretère, l'artère utérine et la vessie). Bien que très rare, la survenue de ces trois complications ne constitue pas une violation des règles de l'art mais s'apparente à un aléa thérapeutique.
Remarque 3
: En résumé, il y a (i) un défaut d'information en ce qui concerne les complications potentielles liées à l'intervention, (ii) un défaut d'information sur le nom de l'opérateur et, (iii) une complication postopératoire (fistule vésico-vaginale) qui aurait pu être possiblement évitée si les opérateurs impliqués dans les interventions (1ère et/ou 2ème) avaient effectué un test d'intégrité vésicale".
4.2
Dans son complément d’expertise du 16 septembre 2013 (pièce 58/0), l’expert a amené quelques précisions à son rapport initial. S’agissant d’un éventuel traitement alternatif, il s'est prononcé comme suit :
"L'alternative qui aurait pu être discutée avec Mme S._ était l'embolisation. (...) Dans la situation de Mme S._, on était en présence d'un utérus symptomatique (gêne pelvienne, pesanteur et douleurs irradiant dans les loges rénales) et on pouvait présumer qu'il entraînait de manière intermittente une compression des organes de voisinage (vessie, intestin et uretère). (...) Dans le cas présent, l'option chirurgicale par hystérectomie était probablement la meilleure. (...) Si Mme S._ et son médecin avaient opté pour une abstention thérapeutique, une surveillance régulière aurait alors été indiquée dans le but de prévenir une complication « mécanique » liée au fibrome, telle que des compressions vésicales (rétention d'urine), du rectum (constipation, faux besoins, absence de transit), des veines pelviennes (thromboses ou oedèmes des membres inférieurs), nerveuses (sciatalgies) et finalement compression des uretères (urétéro-hydronéphrose, coliques néphrétiques ou pyélonéphrites). A noter que ce type de surveillance n'était pas aisé chez Mme S._ en raison de la grande taille de l'utérus".
Réinterpellé sur le fait de savoir si la plaie vésicale ayant entraîné par la suite une fistule avait été occasionnée lors de la première ou de la seconde intervention du 27 novembre 2007, l'expert a déclaré :
"
Deux éléments sont en faveur d'une plaie vésicale occasionnée lors de la première intervention. On ne peut toutefois l'affirmer avec certitude étant donné que cet examen n'était pas dédié à la recherche d'une plaie vésicale, il aurait fallu pour cela réaliser des clichés plus « tardifs». Le CT-scanner du 27.11.2007 est malheureusement incomplet, le cliché No 10 est manquant et n'a pas été retrouvé à l'hôpital A._ (...). Par conséquent, il n'est pas possible de dire si la lésion était déjà présente le 27.11.2007 (...). Une ischémie suivie de nécrose et fistulisation survenant après ligature vasculaire unilatérale semble peu probable. Finalement, lorsque l'origine est « ischémique », les symptômes apparaissent généralement plus tardivement (5 à 30 jours après l'intervention) que lors d'une plaie per-opératoire
".
Amené à préciser son rapport initial s’agissant du test d’étanchéité qui n’avait pas été réalisé par les prévenus ni par les praticiens intervenus lors de la seconde intervention, le Dr Z._ a relevé ce qui suit :
"Un test d'étanchéité aurait très probablement mis en évidence la plaie vésicale et permis sa réparation dans le même temps opératoire. La réparation immédiate d'une plaie vésicale évite le plus souvent le développement d'une fistule vésico-vaginale ultérieure. Très rarement, une fistule peut se développer après la réparation bien conduite d'une plaie vésicale. (...) Ne pas avoir réalisé de « test d'étanchéité » est une erreur d'appréciation des opérateurs (1 et 2eme intervention), mais ne constitue pas une violation des règles de l'art".
4.3
Entendu à l’audience de première instance, l’expert a confirmé les conclusions de son rapport et de son complément et précisé qu’à son avis, il n’y avait pas eu de violation des règles de l’art. Il a expliqué que les informations transmises à S._ par Q._ étaient les suivantes (jugt, pp. 11 et 12) : "le type d'incision et un dessin sur le type d'opération qui allait être effectuée". Il a ajouté : "En revanche, les complications liés (
sic
) à ce type d’opération n’ont pas été données à S._. Les informations sur une intervention alternative n’ont pas été données mais cela n’était pas nécessaire car il n’y avait pas d’alternative dans cette situation. S._ ne savait pas qu’elle allait être opérée par un autre médecin que le Dr Q._. Normalement on le dit aux patients. Cela fait partie du devoir d’information du médecin. Depuis 2000, on fait un consentement éclairé par la remise d’un formulaire. S._ aurait donc dû avoir ce formulaire (...). Lors d’un
teaching
, avant l’intervention, le chef doit dire au patient qu’il est opéré par le médecin-assistant et le chef doit être dans le champ opératoire. Dans le cas d’un
co-teaching,
il y a peut-être des pratiques différentes d’un canton à l’autre mais dans ce cas précis, l’information n’a pas bien été donnée. Dans le consentement éclairé, la patient n’a pas besoin de connaître des pourcentages mais bien par contre tous les risques et suites de l’intervention (...). Je précise que j’ai entendu S._ et le Dr Q._ avant de me prononcer sur l’information donnée. Je confirme que le Dr Q._ avait des habits de bloc opératoire mais pas ses gants ni sa robe verte. Pour moi c’est une pratique courante et il aurait rapidement pu intervenir en cas de nécessité."
5.
S._ a subi de nombreuses opérations afin de corriger le problème de la fistule. Elle présente toujours aujourd'hui des fuites incontrôlées d'urine, une absence de sensibilité vésicale et une fermeture (sténose) de la partie profonde du vagin, entraînant des douleurs pendant les rapports sexuels et des troubles importants de la fonction sexuelle, avec perte de l'orgasme aussi bien vaginal que clitoridien. Elle a développé depuis le 27 novembre 2007 un état dépressif réactionnel sévère sans symptômes psychotiques et des difficultés liées à un traumatisme iatrogène pour lequel elle a été suivie par le Dr [...], puis par la Dresse J._, psychiatres. Selon une expertise pluridisciplinaire effectuée en octobre 2010 par les Drs L._, O._ et R._ dans le cadre des négociations avec l’assureur RC de l’Hôpital A._ (pièce 5/23/1), ces troubles sont en lien avec l’opération du 27 novembre 2007. En 2008, S._ a été opérée d’une hernie discale L5-S1, ensuite de laquelle elle présente toujours des troubles. La même expertise retient que le lien entre l’opération du 27 novembre 2007 et ces troubles est probable, les multiples opérations subies, l’alitement prolongé et les vomissements (en lien avec une opération ultérieure) ayant entraîné une aggravation d’un état antérieur préexistant. L’incapacité de travail est totale dès décembre 2007 au niveau psychiatrique et urologique, aucun pronostic ne pouvant être émis dans ces domaines selon les experts. Au niveau orthopédique, l'incapacité était totale pour 18 mois à compter du 1
er
mai 2008, l'incapacité de travail résiduelle dans ce domaine correspondant à 20% pour les activités habituelles et ménagères. Malgré un essai de reprise à 50% en 2008, S._ ne travaille plus, alors qu’elle était active dans l’esthétique en tant que commerciale-représentante. Elle perçoit une rente entière AI depuis le 1
er
septembre 2009.
S._ a subi en 2010 une double mastectomie, avec multiples réinterventions, sans rapport avec la présente affaire, ensuite de la découverte d’une mutation génétique BRCA2. Dans un rapport du 25 juin 2014, son médecin traitant relève que depuis 2007, la plaignante est "entrée dans un tunnel dont on ne voit plus le bout. Madame S._ n’a plus de vie professionnelle ni sociale (...). Je ne vois pas, actuellement, ce qui pourrait être amélioré sur le plan médical. Son combat donne l'impression d'être sans issue" (pièce 77).
Décrite par sa sœur et par Q._ lui-même comme enjouée, combative malgré les soucis de santé présentés dans sa jeunesse et bien insérée socio-professionnellement, la plaignante est aujourd’hui à bout, à tel point que sa famille craint le pire. Dans un rapport du 25 juin 2014, la Dresse J._ indique que S._ "présente un état dépressif avec de manière fluctuante des idées suicidaires qui nécessite un traitement antidépresseur au long cours. Elle souffre de troubles du sommeil avec cauchemars et ruminations autour des événements de 2007. Elle a une image d’elle-même marquée par les séquelles secondaires aux interventions de 2007, son intimité a été gravement touchée. Les cicatrices sur son bas-ventre et les répercussions sur sa vie sexuelle sont sévères. Elle se vit comme très gravement diminuée dans son identité et sa vie de femme" (pièce 79). | En droit :
1.
1.1
Interjetés dans les formes et délais légaux par des parties ayant la qualité pour recourir contre un jugement du tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP [Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007; RS 312.0), les appels formés par Q._ et S._ sont recevables.
1.2.
Aux termes de l’art. 398 al. 2 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement. L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 1-195 StPo, 2
e
éd. 2014, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l'appel (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
2.
Q._ fait valoir que le tribunal l'a considéré à tort coupable de lésions corporelles graves par négligence. Il conteste en particulier l'appréciation des premiers juges selon laquelle il n'aurait pas suffisamment renseigné sa patiente quant aux risques de l'opération, d'une part, et quant au fait que les gestes chirurgicaux seraient effectués par un autre médecin dans le cadre d'un teaching, d'autre part.
2.1
Selon l’art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu’elle n’est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l’intime conviction qu’il retire de l’ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l’état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
La présomption d’innocence, garantie par les art. 14 par. 2 Pacte ONU Il (Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, RS 0.103.2), 6 par. 2 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, RS 0.101) et 32 al. 1 Cst (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, RS 101), ainsi que son corollaire, le principe
in dubio pro reo
, concernent tant le fardeau de la preuve que l’appréciation des preuves.
En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d’innocence signifie que toute personne prévenue d’une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu’il appartient à l’accusation de prouver la culpabilité de celle-là (ATF 127 I 38 c. 2a; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1).
Comme règle d’appréciation des preuves, le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l’accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 la 31 c. 2c; TF 6B_831/2009 précité, c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38 c. 2a). Dans cette mesure, la présomption d’innocence se confond avec l’interdiction générale de l’arbitraire, prohibant une appréciation reposant sur des preuves inadéquates ou sans pertinence (TF 6B_216/2010 du 11 mai 2010 c. 1.1.1 et 1.1.2 et la jurisprudence citée).
Selon la jurisprudence, le juge apprécie en principe librement une expertise. Il ne peut toutefois s'en écarter sans motifs valables et sérieux. Il est notamment admis qu'il le fasse, lorsque, dans son rapport, l'expert s'est contredit, lorsqu'il s'est écarté dans un rapport complémentaire de l'avis exprimé dans un premier rapport, lorsqu'une nouvelle expertise ordonnée aboutit à des conclusions différentes ou encore lorsqu'une expertise est fondée sur des pièces ou sur des témoignages dont la valeur probante ou le contenu sont appréciés différemment par le juge. Il faut donc que des circonstances bien établies viennent ébranler sérieusement la crédibilité de l'expertise pour que le juge puisse s'en écarter et celui-ci doit alors motiver sa décision sur ce point (ATF 133 II 384 c. 4.2.3; ATF 129 I 49 c. 4; ATF 128 I 81 c. 2;
ATF 118 Ia 144
c. 1c ; ATF
107 IV 7
c. 5 p. 8 et les arrêts cités).
2.2
L'infraction de lésions corporelles par négligence, sanctionnée par l'art. 125 CP, suppose la réalisation de trois conditions: une négligence, une atteinte à l'intégrité physique et un lien de causalité naturelle et adéquate entre ces deux éléments.
Les interventions médicales réalisent les éléments constitutifs objectifs d'une lésion corporelle en tout cas si elles touchent à une partie du corps (par exemple lors d'une amputation) ou si elles lèsent ou diminuent, de manière non négligeable et au moins temporairement, les aptitudes ou le bien-être physiques du patient. Cela vaut même si ces interventions étaient médicalement indiquées et ont été pratiquées dans les règles de l'art (ATF 124 IV 258 c. 2).
Toute atteinte à l'intégrité corporelle, même causée par une intervention chirurgicale, est ainsi illicite à moins qu'il n'existe un fait justificatif. Dans le domaine médical, la justification de l'atteinte ne peut en principe venir que du consentement du patient, exprès ou que l'on peut présumer (ATF 124 IV 258 c. 2). L'exigence de ce consentement découle ainsi du droit à la liberté personnelle et à l'intégrité corporelle. Il suppose, d'une part, que le patient ait reçu du médecin, en termes clairs, intelligibles et aussi complets que possible, une information sur le diagnostic, la thérapie, le pronostic, les alternatives au traitement proposé, les risques de l'opération, les chances de guérison, éventuellement sur l'évolution spontanée de la maladie et les questions financières, notamment relatives à l'assurance (ATF 133 III 121 c. 4.1.2,
rés. in JT 2008 I 103
; Manaï, Le
devoir d'information du médecin en procès, in SJ 2000 II pp. 341 ss, pp. 348-350
). Il faut, d'autre part, que la capacité de discernement du patient lui permette de se déterminer sur la base des informations reçues (ATF 134 II 235 c. 4.1). Des limitations voire des exceptions au devoir d'information du médecin ne sont admises que dans des cas très précis, par exemple lorsqu'il s'agit d'actes courants sans danger particulier et n'entraînant pas d'atteinte définitive ou durable à l'intégrité corporelle, s'il y a une urgence confinant à l'état de nécessité ou si, dans le cadre d'une opération en cours, il y a une nécessité évidente d'en effectuer une autre. On ne saurait non plus exiger que le médecin renseigne minutieusement un patient qui a subi une ou plusieurs opérations du même genre; toutefois, s'il s'agit d'une intervention particulièrement délicate quant à son exécution ou à ses conséquences, le patient a droit à une information claire et complète à ce sujet (ATF 133 III 121 c. 4.1.2 et les références citées). À la différence de la procédure civile, en procédure pénale, il incombe à l'accusation de prouver une violation du devoir d'information du médecin (cf. TF 6B_640/2007 du 11 février 2008 c. 3.1; TF 1P.71/2007 du 12 juillet 2007 c. 3.3 et les références citées). Le fardeau de la preuve du consentement éclairé du patient, en tant qu'il constitue un fait objectif justificatif, incombe au prévenu, qui y satisfait déjà en rendant vraisemblables ses allégations (TF 6B_910/2013 du 20 janvier 2014 c. 3.3
in fine
et les références citées). Déterminer quelles informations ont été données par le médecin traitant constitue une question de fait. En revanche, savoir si l'information est suffisante est une question de droit (TF 6B_640/2007 c. 3.1
in fine
).
En l'absence de consentement éclairé, la jurisprudence reconnaît au prestataire de soins la faculté d'invoquer l'existence éventuelle d'un consentement hypothétique du patient. Il doit alors établir que le patient aurait accepté l'opération même s'il avait été dûment informé (Tercier/Favre, Les contrats spéciaux, 4
e
éd., n. 5414; ATF 133 III 121 c. 4.1.3). Le consentement hypothétique intervient comme un fait interruptif de la causalité (Manaï, op. cit., p. 357).
Le fardeau de la preuve incombe au praticien, le patient devant toutefois
collaborer
à cette preuve en rendant vraisemblable ou au moins en alléguant les motifs personnels qui l'auraient incité à refuser l'opération s'il en avait connu les risques. Lorsque le genre et la gravité du risque encouru auraient nécessité un besoin accru d'information, le consentement hypothétique ne pourra, en principe, pas être admis.
Dans un tel cas, il est en effet
plausible que le patient se serait trouvé dans un réel conflit quant à la décision à
prendre et qu'il aurait sollicité un temps de réflexion.
Enfin, il ne faut pas se fonder sur le modèle abstrait d'un patient raisonnable, mais sur la situation personnelle et concrète du patient dont il s'agit (Tercier/Favre, op. cit., n. 5414; ATF 133 III 121 c. 4.1.3, rés. in JT 2008 I 103). Ce n'est que dans l'hypothèse où le patient ne fait pas état de motifs personnels qui l'auraient conduit à refuser l'intervention proposée qu'il convient de considérer objectivement s'il serait compréhensible, pour un patient sensé, de s'opposer à l'opération (Manaï, op. cit., p. 357; ATF 133 III 121 c. 4.1.3). L'urgence temporelle, la nécessité de l'intervention ou le manque d'alternatives valables sont autant d'indices en faveur du consentement hypothétique. Inversement, plus le risque est lourd, moins il peut être question de consentement hypothétique du patient (Manaï, op. cit., p. 357). Il appartient au prestataire de soins de prouver qu'il a informé le patient de manière suffisante et, en cas de défaut d'information qui n'est justifié ni par l'exception thérapeutique ni par la renonciation du patient, il doit prouver que le patient aurait consenti à l'intervention s'il avait été informé de manière satisfaisante (Manaï, op. cit., p. 358).
2.3
2.3.1
En l'espèce, il est admis que les lésions subies par la plaignante doivent être qualifiées de graves au sens de l'art. 122 CP, auquel renvoie l'art. 125 CP et qu'il existe un lien de causalité entre, d'une part, l'opération litigieuse et les lésions. Les premiers juges, se fondant sur les conclusions de l'expert et ses explications en audience, ont retenu qu'aucune violation des règles de l'art médical à l'occasion de l'opération litigieuse n'avait été établie. Ils ont toutefois retenu que Q._ avait violé son devoir d'information, dès lors qu'il n'avait pas suffisamment renseigné S._ sur les risques de l'opération et sur le fait qu'elle ne serait pas opérée par lui; en enfreignant ainsi des normes juridiques et des règles professionnelles qui s'imposaient à lui, il avait violé un devoir de prudence et commis une faute, de sorte qu'une imprévoyance coupable devait être retenue contre lui (jugt, p. 66).
Pour déterminer quelles informations ont été transmises par Q._ à S._ en relation avec les risques de l'opération, les premiers juges se sont fondés sur les déclarations de la plaignante, qu'ils ont qualifiées de crédibles, sur les propos tenus par le prévenu lors de son entretien avec l’expert et au cours des débats, qu’ils ont considérés comme "flous", ainsi que sur la brièveté de la consultation du 12 novembre 2007 (jugt, pp. 41
in fine
et 63
in initio
). Le prévenu n'a pas consigné par écrit avoir informé sa patiente des risques possibles de l'opération envisagée.
Le dossier de S._ fait uniquement état, en date du 12 novembre 2007, d’"informations à la patiente x opération".
Il ressort du rapport d'expertise que le prévenu, lors de son entretien avec l'expert, alors qu'il n'avait pas encore été questionné sur la nature exacte des renseignements donnés à la plaignante, a expliqué qu'habituellement il informait ses patientes sur l'intervention qui serait faite par un dessin mais qu'en général il ne parlait pas des complications potentielles liées aux interventions et que, dans le cas d'espèce, il ne se souvenait pas avoir mentionné des alternatives à l'hystérectomie puisque, selon lui, il n'y en avait pas (pièce 42, p. 3, ch. 2). A l'audience, l'expert a confirmé la teneur des déclarations du prévenu, précisant que les informations données par celui-ci à la plaignante étaient "le type d'incision et un dessin sur le type d'opération qui allait être effectué", mais que "les complications liées à ce type d'opération n'[avaient] pas été données" (jugt, p. 11). L'appelant a, quant à lui, dit avoir expliqué à la patiente, lors de l'entretien du 12 novembre 2007 à son cabinet, comment l'opération allait se dérouler et avoir parlé "des risques en général", mais pas des complications, afin d'être rassurant; il a indiqué qu'il n'avait pas l'intention de lui taire des choses et que c'est ainsi qu'il faisait avec ses patientes depuis des années; il a encore précisé qu'ils étaient dans un "esprit cordial" et qu'il n'avait pas fait signer de déclaration de consentement à la patiente (jugt, p. 22). Au vu des déclarations du prévenu lui-même, c'est donc à juste titre que le tribunal a retenu que celui-ci n'avait pas mentionné à la plaignante l'intégralité des risques liés à l'opération qu'elle allait subir, en particulier les risques d'hémorragie, de lésions à l'uretère et à la vessie (jugt, p. 41). Certes, l'appelant a dit avoir parlé des "risques auprès des organes de proximité" (jugt, p. 22), mais on ignore en quoi ont consisté ses explications à cet égard, alors qu'il n'en a pas fait état lors de l'entretien avec l'expert; il a d'ailleurs indiqué lui-même que "toute personne qui est soumise à une intervention sait qu'il y a des risques" (
ibidem
), ce qui laisse entendre qu'il n'en a parlé que de façon générale, afin de ne pas effrayer sa patiente, comme il l'a lui-même relevé.
Quant à la durée de la consultation du 12 novembre 2007, elle ne peut être établie uniquement en fonction du temps facturé selon le Tarmed, soit en l'occurrence 15 minutes, comme l’a fait le Tribunal de première instance. L'expert a d'ailleurs lui-même utilisé le conditionnel en relevant que "le temps consacré à cette information aurait été de 15 minutes (note facturation)" (pièce 42, p. 3, ch. 2). Comme l’a indiqué à juste titre l'appelant, la plaignante n'a pas prétendu que la durée de la consultation n'aurait été que de 15 minutes, mais elle s'est limitée à dire qu'elle aurait été inférieure à 40 minutes (jugt, p. 20). Il ressort en outre de l'agenda du prévenu que celui-ci avait, pour la date du 12 novembre 2007, réservé 30 minutes pour discuter de l'opération avec la plaignante, soit de 10h45 à 11h15 (pièce 86).
Il subsiste donc un doute quant à la durée de la consultation du 12 novembre 2007, lequel doit profiter au prévenu.
Il existe également un doute quant à savoir si celui-ci a, lors de cette consultation, utilisé un dessin pour expliquer le déroulement de l'opération. Il n'existe en effet aucun élément objectif permettant de retenir sur ce point les déclarations de la plaignante au détriment de celles du prévenu, alors que l'existence d'un dessin apparaît cohérente au regard de la manière dont le médecin a expliqué la nécessité de l'opération et le risque de toucher un organe voisin. Il n’est toutefois pas nécessaire de se prononcer sur la crédibilité respective des versions en présence, car les renseignements que l’appelant prétend avoir fournis à l’intéressée avant l’opération doivent de toute façon être considérés comme insuffisants, comme on le verra ci-après (c. 2.3.2).
S'agissant d'une éventuelle alternative à l'intervention chirurgicale envisagée, la plaignante a confirmé que le prévenu ne lui en avait pas parlé, de sorte qu'elle a accepté d'être opérée (jugt, p. 20).
Enfin, il résulte des notes du médecin à propos de l'entretien du 22 octobre 2007 que la possibilité de l'opération a à tout le moins été discutée à ce moment-là déjà –
la référence à un "gros myomateux" ressortant du dossier médical et la date de l'opération ayant finalement été arrêtée ce jour-là –
et non pas uniquement lors de la consultation du 12 novembre 2007 (pièce 99), alors que le problème de l'augmentation de l'utérus semble avoir été constaté et discuté en 2006 déjà, voire même avant (
ibidem
, consultation du 12.08.2005). Les premiers juges ont ainsi à bon droit retenu que l’intervention avait été prévue "au minimum avec un mois d’avance, voire plus" (jugt, p. 64).
Quant aux renseignements transmis à S._ en relation avec la personne qui l'aurait opérée, Q._ a déclaré aux débats
que les opérations qu'il effectuait l'étaient parfois sous la forme d'un "teaching", que ses patientes n'étaient jamais informées de l'éventualité d'être opérées par quelqu'un d'autre que lui, parce qu'il était décidé le matin même de l’opération, en fonction des médecins qui étaient présents, s'il y avait teaching ou non et qui allait opérer, et que le processus de teaching était une pratique de l’Hôpital A._ – comme d'autres hôpitaux – qui avait pour tâche de former les médecins-assistants (jugt, pp. 22 et 23). Il s’ensuit donc que S._ ne savait pas, au moment d’entrer dans la salle d’opération, qu'elle allait être opérée par un autre médecin que le Dr Q._. L’expert a certes déclaré que "les opérateurs étaient tous les chirurgiens présents dans le bloc opératoire" (jugt, p. 10). Il n’en demeure pas moins que P._ tenait le bistouri (jugt, p. 7
in fine
) et intervenait en qualité de "1
er
opérateur", comme l’a relevé l’expert (pièce 42, p. 4, ch. 3), alors que le prévenu, qui n’était pas en tenue pour intervenir (jugt, p. 7), se tenait à disposition en cas de besoin (pièce 42, p. 4, ch. 3). Cela ressort également du protocole opératoire, qui mentionne P._ comme opérateur et B._ et Q._ comme "teachers" (pièce 5/3). L’appréciation du Tribunal correctionnel selon laquelle le prévenu n’a pas informé sa patiente "qu’il ne l’opérerait pas en personne" est donc correcte (jugt, p. 63), ce que l’appelant a d’ailleurs lui-même admis (jugt, p. 23).
2.3.2
Il convient ainsi de déterminer si les informations fournies à la patiente ont été suffisantes, en se replaçant au moment où a été prise la décision d’opérer, mais pas, après coup, en se fondant sur les conséquences de l’opération.
Il n’est pas contesté qu’une information complète quant aux risques et aux suites de l’opération était requise, sans pour autant qu’on puisse dire, ainsi que l’a conclu l’expert, que la patiente devait être renseignée sur la fréquence des complications constatées sur d’autres patientes ayant subi la même opération. Il faut constater, sur la base des propres déclarations du médecin – rappelées ci-avant (c. 2.3.1) –, que celui-ci s’est contenté de décrire le déroulement de l’opération, sans parler – pour ne pas effrayer sa patiente – des risques
d'hémorragie, de lésions à l'uretère et à la vessie. Si la concomitance de ces trois complications a été qualifiée de "très rare" par l’expert (pièce 42, p. 8, ch. 19) et "exceptionnelle" par le Dr D._, qui a admis, en parlant du cas d’espèce, avoir été confronté à cette situation pour la première fois dans sa carrière (jugt, p. 13), la survenance d’un de ces risques, pris individuellement, n’était en revanche pas à tel point rare qu’on puisse douter qu’une information à cet égard puisse être exigée du médecin. Ces trois risques sont d’ailleurs précisément mentionnés dans le modèle de protocole d’information (pièce 43), qui n’a justement pas été signé en l’espèce. Ainsi, la plaignante aurait dû être mise au courant du risque non négligeable de complications, et ceci d’autant plus que, comme c’était le cas en l’espèce, il n’est pas toujours possible d’y remédier de façon simple et définitive. L’intéressée présente d’ailleurs des séquelles génito-urinaires (fuites incontrôlées d’urine, absence de sensibilité vésicale, raccourcissement du vagin ensuite de la fermeture de la partie profonde de celui-ci, douleurs pendant les rapports sexuels et troubles importants de la fonction sexuelle) probablement irréversibles (pièces 42, p. 7, ch. 16 ; pièce 58/0, p. 3, ch. 24), qui sont, très vraisemblablement, la conséquence de la fistule vésico-vaginale causée lors de l’hystérectomie et des différents traitements effectués ultérieurement pour sa correction (pièce 42, p. 6, ch. 14 ; jugt, p. 10). Une information complète s’imposait d’autant plus en l’occurrence que la "très grande taille" de l’utérus augmentait le risque de survenance de complications, aux dires de l’expert (pièce 42, p. 7, ch. 18 ; jugt, p. 9). Le fait que la fistule vésico-vaginale constitue un "aléa thérapeutique" pour lequel il n’est pas possible d’intervenir immédiatement et que, dans la majorité des cas, la lésion urétérale, définie comme une complication "per-opératoire", n’est pas identifiée pendant l’opération mais dans les suites opératoires (pièce 42, pp. 6 et 7, ch. 12, 13 et 18), ce qui semble avoir été le cas en l’occurrence (pièce 42, p. 6, ch. 13), ne diminuait pas l’obligation d’informer de manière complète la patiente quant à la survenance de ces risques. Au vu de ces éléments, il faut bien admettre que les informations communiquées à la plaignante sur les risques de l’opération projetée n’étaient pas suffisantes. Il en résulte une violation du devoir d’information. Les renseignements sur une intervention alternative n’étaient, en revanche, pas nécessaires, puisque précisément il n’y a avait pas d’alternative, comme l’a relevé l’expert à l’audience (jugt, p. 11
in fine
), après avoir évoqué et écarté la possibilité d’une embolisation (pièce 58/0, p. 1, ch. 20).
Les premiers juges ont encore retenu qu’il appartenait au prévenu d’informer sa patiente qu’il ne l’opérerait pas en personne et que ne l’ayant pas fait, il avait violé son devoir d’information également sur ce point. Dans son rapport, l’expert a indiqué que "d’une manière générale, les patients doivent recevoir une information sur le chirurgien qui pratiquera l’intervention" (pièce 42, p. 8, ch. 19), ce qu’il a confirmé aux débats, sans autres explications (jugt, p. 11). Il n’y a pas de raisons de s’écarter de cette appréciation, quand bien même il ne s’agit pas d’une question médicale à proprement parler (TF 1P.71/2007 du 12 juillet 2007, c. 4.4). L’expert paraît toutefois ne pas tenir compte du fait que, selon les explications de l’appelant – qu’aucun élément au dossier ne vient contredire –, celui-ci ignorait précisément, lors de la consultation du 12 novembre 2007, qui allait opérer la patiente (jugt, p. 23) ; il ne pouvait dès lors exclure, à ce moment-là, qu’il allait personnellement effectuer l’intervention, comme cela semble d’ailleurs avoir été le cas de la patiente se trouvant en chambre commune avec la plaignante (jugt, p. 39
in fine
).
Il se pose dès lors la question de savoir si le médecin devait à tout le moins informer la plaignante de l’éventualité d’un teaching, puis la renseigner, le matin de l’opération, sur l’identité exacte du médecin-assistant en charge de l’opération. La question peut toutefois rester ouverte, dans la mesure où, comme on le verra ci-après sous l’angle du consentement hypothétique de la plaignante (c. 2.3.3), on doit retenir que celle-ci aurait consenti à l’opération, même si elle avait été correctement et suffisamment informée à cet égard.
2.3.3
Les premiers juges ont retenu (jugt, p. 64) que le consentement hypothétique de la plaignante ne pouvait être admis. Ils se sont basés sur les déclarations de cette dernière selon lesquelles si elle avait su qu’elle ne serait pas opérée par Q._, elle aurait demandé plus de renseignements, notamment sur la personnes en charge de l’intervention, et elle se serait aussi renseignée davantage sur le traitement en particulier et sur d’éventuelles alternatives.
Cette appréciation ne peut être suivie. Tout d’abord, il résulte du dossier qu’il n’y avait pas d’alternative et que l’opération devait être effectuée (cf. p. 30
in fine
ci-dessus). S._ le savait, puisque le prévenu le lui avait expliqué. Ensuite, force est de constater que le prénommé n’a pas exercé la moindre pression sur la plaignante pour l’inciter à se faire opérer. La décision d’une intervention chirurgicale était l’aboutissement d’une longue période d’attentisme et d’observation de l’évolution de la situation de santé de la patiente ; en effet, il suffit de constater à cet égard qu’il y a eu, en 2007, pas moins de trois consultations chez le spécialiste, sans compter celle du 12 novembre de la même année, et que, comme on l’a relevé ci-avant (c. 2.3.1, p. 19),
le problème de l'augmentation de la taille de l'utérus semble avoir été constaté et discuté en 2006 déjà, voire même avant (pièce 99).
La plaignante, qui n’a pas soutenu n’avoir pas pu poser des questions au spécialiste, a prétendu que si elle avait été correctement informée des risques de l’opération, elle aurait "peut-être demandé un deuxième avis" et qu’elle se serait "préparée autrement", tout en admettant qu’elle "aurai[t] peut-être accepté si c’était la seule option" (jugt, p. 19). Or, il est suffisamment démontré qu’il n’y avait pas d’autre option que l’opération. Que la connaissance des risques (d’hémorragie,
de lésions à l'uretère et à la vessie [c. 2.3.2
supra
]
) liés à l'intervention prévue n'eût pas dissuadé la plaignante de s'y soumettre paraît effectivement plus que vraisemblable, en dépit des affirmations contraires formulées
a posteriori
par l'intéressée. L’évolution de la taille de l’utérus, qui en l’occurrence pesait 1'290 grammes alors que le poids moyen d’un utérus normal est de 50 grammes (pièce 42, p. 3, ch. 1), les douleurs pelviennes qu’elle occasionnait et les complications liées au fibrome qui seraient survenues en l’absence d’une hystérectomie rendaient cette opération nécessaire et étaient de nature à conforter la plaignante dans l’idée qu’il convenait d’intervenir, même si
on ne se trouvait pas dans un cas d’extrême urgence, l’opération ayant été fixée au 27 novembre 2007, soit deux semaines après la dernière consultation au cabinet du prévenu
. A cela s’ajoute la relation de confiance entre cette dernière et le Dr Q._, médecin traitant de longue date, particulièrement expérimenté. Pareilles circonstances ne plaident, au demeurant, pas en faveur de la thèse de la plaignante voulant qu'elle se serait accordée une période de réflexion et qu’elle aurait demandé un autre avis avant de prendre une décision au sujet de l'intervention envisagée. Rien ne permet par ailleurs d’affirmer que l’opération prévue était particulièrement délicate. Certes, elle était, aux dires de l’expert, objectivement difficile, au vu de la taille importante de l’utérus (jugt, p. 9), mais pas à tel point qu’un devoir d’information accru se serait imposé pour ce motif ; l’expert a du reste nuancé ces propos en admettant implicitement que l’appréciation des opérateurs selon laquelle l’opération n’était pas difficile n’était pas critiquable (
ibidem
).
La plaignante a encore soutenu que si on lui avait parlé de la méthode de teaching, elle n’aurait pas accepté. Cet élément n’est pas pertinent. En effet, même si le médecin lui avait parlé d’un teaching, elle n’aurait pu s’opposer à ce que d’autres médecins soient présents et participent à l’opération, puisque le prévenu opérait comme salarié d’un établissement hospitalier de droit public cantonal, que selon la pratique de l’Hôpital A._, comme c’est du reste le cas dans les autres hôpitaux publics, il était décidé le matin même de l’opération s'il y avait teaching ou non et qui allait opérer (jugt, pp. 22 et 23) et que la plaignante n’avait pas une couverture d’assurance lui permettant de choisir son médecin. Si l’appelant lui avait dit – le matin même de l’opération – que l’intervention allait être confiée à P._, tout au plus aurait-elle pu tenter d’insister pour être opérée par l’appelant, auquel cas ce dernier aurait très vraisemblablement obtenu son consentement en raison de ce même rapport de confiance qui les liait et du fait que P._ était, aux dires du prévenu, le plus expérimenté des médecins-assistants (jugt, p. 23). Enfin, l’intéressée a fait valoir que si elle avait connu les détails du teaching, elle n’aurait pas accepté la présence de B._ dont elle n’avait pas entendu que du bien (jugt, p. 19). Cet argument tombe à faux ; outre le fait qu’on ignore en quoi consistent les "mauvais échos" qu’elle a prétendu avoir eus sur ce médecin, les informations prétendument obtenues l’ont été après l’opération en question, comme elle l’a admis en audience d’appel (p. 6
supra
) ; or, des affirmations formulées
a posteriori
ne sont pas de nature à rendre vraisemblable que la plaignante aurait hésité à subir l’intervention prévue et les circonstances du cas d’espèce (les douleurs, l’évolution de l’état de santé, l’absence d’autres alternatives que l’opération envisagée et la supervision ou le co-teaching de son médecin de confiance en salle d’opération) ne permettent pas de dire qu’elle aurait refusé l’opération afin de se renseigner sur B._, comme elle l’a prétendu (jugt, p. 19).
Les circonstances mises en évidence ci-avant permettent ainsi de conclure à l’existence d’un consentement hypothétique de S._.
Il en résulte que Q._ doit être libéré du chef d’accusation de lésions corporelles graves par négligence.
L’appel de Q._ est donc admis.
3.
S._ conteste le jugement du 21 août 2014 en tant qu'il lui refuse l'allocation d'une indemnité pour tort moral et la renvoie à agir pour l'ensemble de ses prétentions devant le juge civil. Elle sollicite l'octroi d'une indemnité pour tort moral à hauteur de 100'000 fr. à l'encontre de Q._, réservant ses droits civils pour le solde de ses prétentions à l'encontre de ce médecin ainsi qu'à l'encontre des deux autres praticiens mis en cause, respectivement vis-à-vis de l'établissement qui les employait à l'époque des événements litigieux.
3.1
Selon l'art. 126 al. 1 let. a CPP, le tribunal statue sur les conclusions civiles présentées lorsqu'il rend un verdict de culpabilité à l'encontre du prévenu ou lorsqu'il acquitte le prévenu et que l'état de fait est suffisamment établi.
3.2
En l'occurrence, il se pose déjà la question de la qualité de Q._ pour défendre à l'action civile, dès lors qu'au moment des faits, il était employé de l'Hôpital A._ et que c'est en cette qualité qu'il a procédé à l'opération du 27 novembre 2007. Si, comme cela semble ressortir de l'arrêté du 10 décembre 1997 édictant la liste 1998 des hôpitaux du canton de Vaud admis à pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins, l’Hôpital A._ était, au moment des faits, un hôpital reconnu d'intérêt public, il n'existe néanmoins pas de base légale cantonale soumettant un tel établissement privé au droit public et, partant, à la loi du 16 mai 1961 sur la responsabilité de l'Etat, des communes et de leurs agents (LRECA; RSV 170.11), le délai d’un an – prévu par l’art. 7 de cette loi – pour faire valoir une créance en dommages-intérêts dès la connaissance du dommage étant au surplus échu depuis longtemps au moment de l’ouverture de l’action dans le cas d’espèce. La convention intercantonale sur [...] citée par l'appelante concernant A._ (RSV [...]), qui prévoit une responsabilité primaire de l'établissement et une responsabilité subsidiaire de l'Etat (cf. art. [...] de la Convention précitée), n'est quant à elle entrée en vigueur que postérieurement aux faits litigieux. Les premiers juges ont en outre considéré que Q._ était un médecin indépendant, partant qu’il était aussi lié à la plaignante par un contrat de droit privé. C’est oublier qu’en cas de violation du devoir d’information, c’est l’atteinte causée par l’opération elle-même et non par l’entretien préopératoire qui est illicite, de sorte que seule pourrait entrer en cause la responsabilité de l’établissement hospitalier, sur la base de l’art. 101 CO si cet établissement répond selon les règles du droit privé, ce qui n’est pas établi, ou sur la base de l’art. [...] de la Convention précitée si celle-ci est applicable.
Quoi qu'il en soit, cette question peut rester ici indécise, dès lors qu’il apparaît, après un examen approfondi du dossier, que les éléments de faits sont insuffisants pour statuer sur les conclusions civiles. Si les souffrances de la plaignante sont avérées, on doit constater aussi que plusieurs facteurs sont susceptibles d'influer sur sa situation de santé, en particulier le fait qu'elle a eu besoin, depuis sa jeunesse, d'une substitution hormonale pour maintenir son statut de femme, qu'elle a elle-même déclaré souffrir d'une tumeur au cerveau et prendre de la cortisone (cf. jgt, p. 19) et qu'en 2010, elle a subi une double mastectomie avec de multiples réinterventions. Il y a ainsi des affections préexistantes, ce que l'appelante admet tout en soulignant qu'elle était totalement asymptomatique avant l'opération litigieuse, et il n'est ainsi pas possible, sur la seule base des brefs rapports médicaux de la psychiatre et du médecin traitant, d'affirmer qu'une part déterminante des souffrances de la plaignante est imputable à l'opération litigieuse. A cela s'ajoute le fait que l'assureur RC de l'Hôpital A._ a d'ores et déjà versé à la plaignante des acomptes pour un montant total de 195'000 fr. (jugt, p. 54
in fine
), ce qui représente un montant supérieur aux conclusions prises sur le plan pénal. Même en tenant compte du fait que le jugement réserve par ailleurs les prétentions contre les deux autres médecins, le dossier ne contient pas suffisamment d'éléments permettant de procéder aux calculs d'imputation.
C'est à juste titre, dans ces circonstances, que les premiers juges ont considéré qu'ils ne pouvaient statuer sur l'indemnité pour tort moral réclamée par S._. C'est d'autant plus vrai aujourd'hui que Q._ est libéré de l'accusation de lésions corporelles graves par négligence (c. 2.3.3
in fine
supra
). L’appelante reconnaît d’ailleurs elle-même (en parlant de B._) que dans la mesure où la responsabilité pénale n’est pas reconnue, "une éventuelle prétention directe à l’encontre de l’intéressé(e) dans le cadre de l’action civile au pénal n’entre plus en ligne de compte" (pièce 114/1, p. 6, ch. 2.4), ce qui vaut donc pour Q._.
4.
S._ fait aussi grief aux premiers juges de ne pas avoir statué sur la question de l'indemnité due au sens de l'art. 433 CPP, pour compenser la différence entre l'indemnité de conseil d'office allouée à Me Hofstetter et les honoraires que ce dernier aurait perçus comme conseil privé.
Vu l'issue de l’appel, le grief devient sans objet (art. 433 al. 1
a contrario
CPP).
5.
En définitive, l'appel de Q._ doit être admis et le prévenu libéré de l'accusation de lésions corporelles graves par négligence, la part de frais de première instance mise à sa charge étant laissée à la charge de l'Etat. L'appel de S._ doit, quant à lui, être rejeté.
Libéré de l'accusation pour laquelle il avait été renvoyé devant le Tribunal correctionnel, Q._ a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées pour l'exercice raisonnable de ses droits de procédure en première et en deuxième instances (art. 429 al. 1 let. a CPP). Au vu de l'ensemble des circonstances et des listes des opérations produites par le défenseur du prévenu (cf. pièces 101 et 131), il convient d'arrêter cette indemnité à 24'800 fr. pour toutes choses, ce qui représente une indemnisation pour 70 heures de travail à 350 fr. l'heure et l'octroi d'un montant de 300 fr. de débours en équité.
Une indemnité de conseil juridique gratuit, correspondant à 18 heures de travail d'avocat, par 3'240 fr., doit en outre être allouée à Me Hofstetter pour la défense en appel des intérêts de S._, montant auquel doit s'ajouter 120 fr. au titre de vacation à l'audience d'appel et 50 fr. de débours, ce qui représente, avec la TVA, un montant total de 3'682 fr. 80.
Les frais de la procédure d'appel, y compris l'indemnité allouée au conseil juridique gratuit de S._, seront supportés par l'Etat (art. 423 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
35c492a4-701d-4b9a-bd3b-b0a61099b07e | En fait :
A.
Par jugement du 17 mai 2011 le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a notamment constaté que O._ s'était rendu coupable de vol par métier, de vol qualifié (port d'une arme à feu), de dommage à la propriété, de violation de domicile, de tentative de violation de domicile, d'infraction à la Loi fédérale sur les étrangers, d'infraction à la Loi fédérale sur les armes, les accessoires d'arme et les munitions et de contravention à la Loi fédérale sur les stupéfiants (I); a condamné O._ à une peine privative de liberté de 18 mois, sous déduction de 432 (quatre cent trente-deux) jours de détention avant jugement, et à une amende de 300 fr. (trois cents francs) peine partiellement complémentaire à celle prononcée le 10 février 2010 par le juge d'instruction de La Côte (II); a dit que la peine privative de liberté de substitution en cas de non paiement de l'amende de 300 fr. (trois cents francs) sera de trois jours (III); a ordonné le maintien en détention de O._ (IV); a donné acte à A._, [...] de ses réserves civiles à l'encontre de O._ (V); a ordonné la confiscation et la dévolution à l'Etat des sommes d'argent et de pièces de monnaies séquestrées sous fiches n° [...], [...], [...] et [...] ainsi que d'une montre Festina séquestrée sous fiche [...] (VI); a ordonné la confiscation et la destruction de deux jetons autowash, deux tournevis, un pied-de-biche, une lampe de poche, un pistolet Beretta Cougar avec chargeur de 15 (quinze) cartouches séquestrés sous fiche [...] (VII); a mis une partie des frais de la cause par 9'799 fr. 90 (neuf mille sept cent nonante-neuf francs et nonante centimes) à la charge de O._ (VIII); a dit que les frais de justice mis à la charge du condamné comprennent le montant de l'indemnité allouée aux défenseurs de O._, l'avocat Guy Longchamp, par 2'533 fr. 20 (deux mille cinq cent trente-trois francs et vingt centimes) et l'avocat stagiaire Olivier Bastian, par 1'800 fr. (mille huit cents francs) et que le remboursement à l'Etat de cette indemnité serait exigible de O._ dès que sa situation financière le permettra (IX).
B.
En temps utile, le Ministère public central a annoncé faire appel partiel contre ce jugement. Par déclaration d'appel motivée du 1
er
juillet 2011, il conclut à la réforme du chiffre II de son dispositif, en ce sens que O._ est condamné à une peine privative de liberté de 30 (trente) mois, sous déduction des jours de détention avant jugement déjà subis, et à une amende de 300 francs.
O._ a renoncé à faire une demande de non entrée en matière et n'a pas déposé d'appel joint.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Aux débats de première instance, O._ a notamment indiqué être né le 24 septembre 1979 à Boliou en Algérie et avoir quitté son pays pour Marseille en 1999. Il a expliqué y avoir vécu dans la rue, pour ensuite aller en Allemagne pendant environ une année avant de retourner à Marseille pour deux mois environ, vivant toujours dans la rue. Il a indiqué y avoir rencontré quelqu'un qui lui a dit vivre à Lausanne comme requérant d'asile et qui – à sa demande - l'aurait emmené avec lui en Suisse. O._ a précisé avoir demandé l'asile mais avoir abandonné la procédure, de sorte qu'il n'a jamais eu d'autorisation de séjourner en Suisse depuis onze années, vivant dans la rue et faisant des petits boulots ou commettant des vols pour subvenir à ses besoins.
Son casier judiciaire comporte 17 inscriptions, O._ ayant été condamné, entre le 2 août 2002 et le 10 février 2010, à des peines privatives de liberté de un à sept mois, pour vol, tentative de vol, utilisation frauduleuse d'un ordinateur, séjour illégal, violation de domicile, contravention à la Loi fédérale sur les stupéfiants, injure, menaces, contravention à la Loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers, rupture de ban, violation d'une mesure (mesures de contrainte en matière de droit des étrangers). Dans le cadre de la présente cause, O._ a été détenu avant jugement du 26 février au 9 avril 2010, du 17 avril au 31 août 2010, puis dès le 8 septembre 2010 à ce jour.
2.
A Lausanne, notamment, du 11 décembre 2009, date de sa précédente sortie de prison, au 26 février 2010, date de sa première interpellation, du 9 avril 2010, date de sa relaxation, au 17 avril 2010, date de sa deuxième interpellation, et du 31 août 2010, date de sa dernière relaxation, au 8 septembre 2010, date de sa troisième interpellation, O._ a séjourné illégalement en Suisse, étant dépourvu de tout permis de séjour et étant sous le coup d'une interdiction d'entrée et de séjour en Suisse valable du 2 février 2007 au 31 décembre 2099. Il a aussi occasionnellement travaillé sans autorisation comme déménageur. Durant les mêmes périodes, O._ a consommé de l'héroïne, de la cocaïne, de la marijuana, du Valium, des Temesta, des Revotrin et des Dormicum.
3.
A Lausanne, le 26 février 2010, O._, ainsi que E._ et N._, déférés séparément, ont pénétré dans l'appartement de X._, sis Ch. [...], en forçant un store et une fenêtre. Ils y ont dérobé 200 francs. Ils ont été surpris par le beau-fils de X._ qui a réussi à interpeller N._. Des traces prélevées sur les lieux correspondent de manière possible aux chaussures de E._ et de O._, interpellés peu après. E._ était en outre en possession d'une lampe de poche identique à une lampe abandonnée sur les lieux et O._ a formellement reconnu une montre-bracelet qui a été retrouvée par la victime sur le sol de la cuisine de son appartement juste après les fais. Le lésé a déposé plainte le 26 février 2010. O._ a déclaré ne pas avoir gardé de souvenir de cette effraction bien qu'il ait expliqué qu'il n'excluait pas sa participation à ce cas. Toutefois, et nonobstant les dénégations du prévenu, les premiers juges ont fondé leur conviction de sa culpabilité sur la base des différents indices recueillis, qui suffisent à écarter tout doute raisonnable quant au fait qu'il a bien participé à ce cambriolage.
4.
À Lausanne, le 17 avril 2010, O._, accompagné d'un individu non identifié surnommé " [...]", a brisé une vitre de l'appartement d'S._, sis Av. de [...], dans l'intention d'y pénétrer et d'y dérober des valeurs. Ils ont toutefois été mis en fuite par la locataire. O._ a été interpellé peu après et a admis qu'il était porteur d'un pistolet qu'il avait perdu dans sa fuite et qui a pu être récupéré. La lésée a déposé plainte le 17 avril 2010. O._ a admis l'essentiel des faits mais conteste en revanche avoir eu l'intention de dérober des valeurs, souhaitant simplement s'établir dans ce logis, qu'il aurait cru vide, pour environ sept mois. Ces affirmations ont cependant été écartées par les premiers juges, au vu des explications données par la plaignante S._ et compte tenu du fait que lors de son interpellation immédiatement après les faits, le prévenu était porteur d'un pied de biche et qu'il se trouvait à côté d'un sac à dos noir contenant un tournevis, soit la panoplie complète du cambrioleur.
5.
À Lausanne, dans la nuit du 31 août au 1
er
septembre 2010, O._ a pénétré dans les locaux de l'Ecole A._, sis Av. du [...], en brisant deux carreaux. Il a forcé le distributeur de cafés et a ainsi obtenu 180 francs. Il a vainement tenté de forcer la porte du bureau du directeur. Le lésé a déposé plainte le 1
er
septembre 2010.
6.
À Lausanne, dans la nuit du 3 au 4 septembre 2010, O._ a pénétré dans l'appartement de Q._, sis Ch. [...], en forçant des volets pour briser deux vitres. Il y a dérobé divers bijoux d'une valeur totale d'environ 5'200 francs. La lésée a déposé plainte le 5 septembre 2010.
7.
À Lausanne, le 5 septembre 2010, O._ a pénétré dans l'appartement de J._, d'V._ et de F._, sis Av. [...], en passant par l'imposte de la salle de bains. Il y a dérobé une souris sans fil, un sac à dos, quatre appareils photos, quatre natels, un pendentif en or, une paire de chaussettes, un ordinateur portable, un rasoir électrique, une bague en argent et un chargeur d'ordinateur. Il a été surpris sur les lieux par V._ qui l'a formellement reconnu. Les lésés ont déposé plainte le 9 septembre 2010.
8.
À Lausanne, le 8 septembre 2010, vers 3h00, O._ a pénétré dans les locaux de l'Association [...], sis Av. [...] et [...], en brisant une vitre et en forçant plusieurs portes. Il y a dérobé seize plumes "Waterman", vingt-neuf stylos "Caran d'Ache", quinze paires de jumelles, trois couteaux suisses et un lot de timbres. Il a été interpellé peu après si bien que le butin a pu être restitué au plaignant, qui a déposé plainte le 8 septembre 2010.
D.
À l'audience d'appel de ce jour, le Ministère public a confirmé ses conclusions. L'intimé a indiqué avoir demandé à la Fondation de probation, qui l'a approché en vue de sa prochaine sortie de prison, quelles étaient les démarches à effectuer pour quitter le territoire Suisse et pour retourner en Algérie, sans toutefois avoir effectué d'autres démarches à cette fin. | En droit :
1.
Le Ministère public a, de droit, la qualité pour recourir, soit pour interjeter appel, en application de l'art. 381 al. 1 CPP. Suffisamment motivé, l'appel est recevable (art. 399 al. 1 et 3 CPP).
La contestation est limitée à la quotité de la peine prononcée par le tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne, de sorte que seul ce point sera examiné en procédure d'appel (art. art. 402 CPP).
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
3.
En l'espèce, le Ministère public admet que les premiers juges ont pris en considération les éléments pertinents servant à déterminer la culpabilité du prévenu, mais il estime que dite culpabilité n'a "pas été appréciée suffisamment sévèrement". Le Parquet se prévaut ainsi d'un excès du pouvoir d'appréciation des premiers juges et considère qu'au vu des antécédents du prévenu, il convient de prononcer une peine privative de liberté de 30 mois en sus de l'amende de 300 fr., convertible en trois jours de peine privative de liberté de substitution.
4.
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
Les critères, énumérés de manière non exhaustive par cette disposition, correspondent à ceux fixés par l'art. 63 aCP et la jurisprudence élaborée en application de cette disposition, à laquelle on peut continuer de se référer. Une exception sera toutefois faite s'agissant de l'absence d'antécédents qui, sauf circonstances exceptionnelles, a un effet neutre sur la fixation de la peine et n'a donc plus à être prise en considération dans un sens atténuant (TF 6B_921/2010 du
25 janvier 2011 c. 2 et les références citées).
L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge. Par conséquent, celui-ci ne viole le droit fédéral en fixant la peine que s'il sort du cadre légal, s'il se fonde sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, s'il omet de prendre en considération des éléments d'appréciation prévus par cette disposition ou, enfin, si la peine qu'il prononce est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d'appréciation (TF 6B_327/2011 du 7 juillet 2011 c. 2.1 et les références citées).
5.
En l'occurrence, les premiers juges ont considéré que la culpabilité du prévenu était importante. A charge, ils ont retenu qu'il était "incrusté" depuis plus d'une décennie dans un pays qui refusait sa présence, qu'il n'avait de cesse d'y commettre des infractions, ce qui lui avait valu dix-sept condamnations inscrites à son casier judiciaire et qu'aucun de ces antécédents ne l'avait détourné du crime. Ils ont également retenu que l'enquête et la détention avant jugement n'avaient pas eu plus d'effet puisqu'il avait récidivé en cours de procédure et que, désoeuvré et vivant d'expédients, O._ avait agi par appât du gain, qu'il n'avait pris aucune mesure pour quitter le territoire suisse et que seules ses interpellations avaient mis fin à ses activités délictueuses. A décharge, les premiers juges ont admis que sa vie de clandestin n'était guère enviable, qu'il n'avait pas agi par dessein de lucre, pour s'enrichir et s'était contenté de vivoter et enfin qu'il avait admis pour l'essentiel les faits et avait spontanément avoué avoir une arme à feu. Le tribunal a, dans les circonstances spéciales, retenu le concours d'infraction, tant réel que rétrospectif. Enfin, la responsabilité pénale du prévenu a été présumée entière.
5.1
Les éléments à charge retenus sont pertinents. On pourrait également retenir à charge de O._ l'absence de regret et d'excuses pour les plaignants ainsi que le fait qu'il a mis du temps à s'expliquer et qu'il n'effectue aucune démarche concrète pour quitter la Suisse et changer de vie. Son attitude globale ne plaide donc pas en sa faveur. Les éléments retenus à décharge par les premiers juges sont bien indulgents; si la vie du prévenu n'est certes pas enviable, c'est lui qui l'a choisie. Il pourrait retourner dans un pays où il dispose d'un droit de séjour et y travailler. Retenir qu'il a été modeste dans ses ambitions de voleur n'est pas un élément à décharge mais permet uniquement une relativisation de l'appât du gain retenu à juste titre à charge. On peut cependant admettre que le prévenu est consommateur de produits psychotropes et que cette consommation constitue une partie de ses mobiles pour voler.
5.2
La peine prononcée sanctionne six cambriolages et quelques mois de séjour illégal. Les précédentes condamnations portaient en général sur des peines inférieures à six mois, à l'exception de deux condamnations à six mois et une à sept mois. Le dossier ne permet pas de connaître concrètement les faits de ces antécédents, mais on doit admettre qu'une peine privative de liberté de 18 mois représente une augmentation sensible. L'appelant fait valoir qu'"il est des situations où il faut se résoudre au but ultime de la peine, soit celui de protéger la société." La peine doit toutefois rester proportionnée à la faute. Jusqu'à présent, le prévenu n'a représenté un danger que pour les biens d'autrui. Les premiers juges n'ont, dès lors, pas abusé de leur pouvoir d'appréciation en fixant la peine privative de liberté à
18 mois.
6.
En définitive, l'appel du Ministère public, mal fondé, doit être rejeté et le jugement attaqué confirmé dans son entier.
7.
Vu l'issue de la cause, les frais de procédure d'appel, arrêtés en application de l'art. 21 TFJP et comprenant l'indemnité allouée au défenseur d'office de O._, par
1’381 fr. 10 (mille trois cent huitante-et-un francs et dix centimes), TVA comprise
, seront laissés à la charge de l'Etat.
La Cour d’appel pénale
en application des articles 115 al. 1 let. b et c LEtr, 19a ch. 1 LStup, 22 al. 1,
139 ch. 1, 144 al. 1, 186 CP, 33 al. 1 let. a LArm, 398 ss CPP
prononce :
I.
L’appel est rejeté.
II.
Le jugement rendu le 17 mai 2011 par le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne est confirmé selon le dispositif suivant:
"I. Constate que O._ s'est rendu coupable de vol par métier, de vol qualifié (port d'une arme à feu), de dommages à la propriété, de violation de domicile, de tentative de violation de domicile, d'infraction à la Loi fédérale sur les étrangers, d'infraction à la Loi fédérale sur les armes, les accessoires d'arme et les munitions et de contravention à la Loi fédérale sur les stupéfiants;
II. Condamne O._ à une peine privative de liberté de 18 mois, sous déduction de 432 (quatre centre trente-deux) jours de détention avant jugement, et à une amende de 300 fr. (trois cents francs) peine partiellement complémentaire à celle prononcée le 10 février 2010 par le juge d'instruction de La Côte;
III. Dit que la peine privative de liberté de substitution en cas de non paiement de l'amende de 300 fr. (trois cents francs) sera de trois jours; IV. Ordonne le maintien en détention de O._;
V. Donne acte à A._, [...] de ses réserves civiles à l'encontre de O._;
VI. Ordonne la confiscation et la dévolution à l'Etat des sommes d'argent et pièces de monnaies séquestrées sous fiches n° [...], [...], [...] et [...] ainsi que d'une montre Festina séquestrée sous fiche [...];
VII. Ordonne la confiscation et la destruction de deux jetons autowash, deux tournevis, un pied-de-biche, une lampe de poche, un pistolet Beretta Cougar avec chargeur de 15 (quinze) cartouches séquestrés sous fiche [...];
VIII. Met une partie des frais de la cause par 9'799 fr. 90 (neuf mille sept cent nonante-neuf francs et nonante centimes) à la charge de O._;
IX. Dit que les frais de justice mis à la charge du condamné comprennent le montant de l'indemnité allouée aux défenseurs de O._, l'avocat Guy Longchamp, par 2'533 fr. 20 (deux mille cinq cent trente-trois francs et vingt centimes) et l'avocat stagiaire Olivier Bastian, par 1'800 fr. (mille huit cents francs) et que le remboursement à l'Etat de cette indemnité sera exigible de O._ dès que sa situation financière le permettra."
III.
La détention subie depuis le jugement est déduite.
IV.
Le maintien en détention de O._ à titre de sûreté est ordonné.
V.
Une indemnité de défenseur d'office pour la procédure d'appel d'un montant de 1’381 fr. 10 (mille trois cent huitante-et-un francs et dix centimes), TVA comprise, est allouée à Me Guy Longchamp
.
VI.
Les frais d'appel, y compris l'indemnité allouée au défenseur d'office, sont laissés à la charge de l'Etat. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
35cf6be6-d006-4ff8-93a7-fb1581f06d06 | En fait :
A.
Par jugement du 14 juin 2013, le Tribunal de police de l’arrondissement de La Côte a libéré P._ de la contravention aux dispositions concernant les raisons de commerce (I), condamné P._ pour infraction à la Loi fédérale sur la concurrence déloyale à une peine pécuniaire de 90 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 80 fr., avec sursis pendant 2 ans, ainsi qu’à une amende de 1'000 fr., la peine privative de liberté de substitution étant fixée à 12 jours (II), condamné R._ pour infraction à la Loi fédérale sur la concurrence déloyale et contravention aux dispositions concernant les raisons de commerce à une peine pécuniaire de 120 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 100 fr., avec sursis pendant 2 ans, ainsi qu’à une amende de 2'000 fr., le peine privative de liberté de substitution étant fixée à 20 jours (III) et mis les frais de la cause arrêtés à 4'190 fr., à charge des condamnés, à raison de la moitié chacun (IV).
B.
Par annonce d’appel déposée le 17 juin 2013, suivie d’une déclaration d’appel motivée datée du 25 juillet suivant, P._ et R._ ont conclu à la réforme de ce jugement en ce sens qu’ils sont acquittés de l’infraction de concurrence déloyale et que R._ est acquitté de l’infraction de contravention aux dispositions concernant les raisons de commerces.
Le Ministère public n’a déposé ni demande de non-entrée en matière, ni appel joint. Il a conclu au rejet de l’appel, avec suite de frais et dépens.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.1
P._ est né le 23 mars [...]. Géographe de formation, il a travaillé en dernier lieu pour l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) à Genève. En parallèle de cet emploi, il a été administrateur de diverses sociétés de services dans la vente par correspondance, soit, entre 2001 et 2005, de la société Q._ SA, à [...], déclarée en faillite le 6 mai 2008, et dès 2005, de la société H._ SA (ci après : H._ SA), à [...], dont il a assuré la mise en place à sa fondation. Retraité depuis 2008, il perçoit une pension de 6'100 fr. par mois, complétée par une indemnité mensuelle de 300 fr. versée par l’AVS. Il est divorcé et vit seul dans un appartement à Genève qu’il loue 900 fr. par mois. Père de trois enfants âgés de 25, 21 et 7 ans et demi, P._ a déclaré participer aux frais d’études de l’aîné à raison de 800 fr. par mois. Il verse également une pension alimentaire mensuelle de 1'600 fr. à sa fille et paie son école à hauteur de 1'000 fr. par mois. Pour le cadet, il assume une somme de 600 fr. qui correspond à l’écolage. L’assurance-maladie de P._ se monte à 193 fr. par mois. Il dit n’avoir ni dette, ni fortune particulière.
1.2
R._
est né le 1er août [...]. Dès 2001, il a travaillé en qualité de directeur de la société C._, dont le but social était la fourniture de toutes prestations dans les domaines de la vente par correspondance. Il a également été mandaté pour s’occuper de la société Q._ SA, à [...], active dans la vente par correspondance. Ensuite de la faillite de C._, prononcée le 20 juin 2005, R._ s’est vu proposer le poste de directeur de la société H._ SA, à [...]. Cette société a pour but social de fournir des prestations de service dans le domaine de la bureautique. P._ en était l’administrateur. R._ réalise un revenu mensuel net 6'000 francs. Il n’a pas d'autres sources de revenu. Marié et père d’un enfant âgé de 23 ans qui est indépendant, il vit en France dans une maison qui lui appartient, mais qui est hypothéquée. Il n’a pas d’autres dettes, ni fortune. Son épouse travaille également pour H._ SA pour un salaire de 4'000 fr. par mois. Le prévenu paie environ 3'600 € par année pour son assurance-maladie en France.
Les casiers judiciaires de P._ et de R._ ne comportent aucune inscription.
2.
De 2001 et jusqu’à fin janvier 2012, agissant comme organes de droit ou de fait des sociétés Q._ SA, L._ AG, T._ SA, C._ SA, D._ SA et H._ SA, P._ et R._ ont participé activement à la diffusion et la distribution de publicités mensongères par des publipostages à des clients en France contenant des offres signées d’une pseudo voyante «W._» qui faisaient croire aux destinataires qu’ils obtiendraient richesse, bonheur et santé moyennant une participation financière. Pour convaincre les dupes, les courriers présentaient les visions de la pseudo-voyante, des promesses de gain en argent, les témoignages de personnes ayant prétendument connu richesse et bonheur avec l’incitation à répondre dans les plus brefs délais à un questionnaire, sous peine de perdre leurs chances. La pseudo-voyante proposait tantôt d'acquérir un objet à un prix exceptionnel, tantôt des produits gratuits dans le seul but de recueillir des informations sur les clients.
Les publipostages litigieux faisaient mention de «W._» et les destinataires pouvaient penser qu’il s’agissait d’une voyante domiciliée en Suisse. En réalité, la marque « W._» appartient à la société argentine G._ et a été exploitée par la société T._ SA, jusqu’au décès de son administrateur en décembre 2006. Dès 2007, la société D._ SA, à Zoug a succédé à T._ SA dans l’exploitation de la marque « W._».
La société H._ SA, représentée par son administrateur P._, a repris les activités de la société Q._ AG en 2005. En début d’année 2006, la société H._ a conclu un contrat de prestations avec T._ SA. L'adresse de «W._» a ainsi été déplacée de la case postale [...] à [...], à la case postale [...], à [...], créée par P._ et sur laquelle R._ avait également une procuration pour retirer le courrier.
L'activité de P._ et R._, sur mandat de T._ SA, puis dès 2007, de D._ SA, a consisté à relever le courrier de la case postale, à saisir
les commandes de clients, à les transmettre aux sous-traitants en France, à procéder
à des saisies de remises bancaires et à des transferts bancaires, à gérer le service après-vente, soit à réceptionner les demandes de remboursement et à rembourser
les clients mécontents à la demande de la société propriétaire de la marque ou à
signaler les lettres-retour des clients à la société concernée.
Dès 2001, le Z._ (ci-après : Z._) a reçu de nombreuses réclamations de lésés domiciliés en France se plaignant d’avoir été grugés par des sociétés sises en Suisse.
Le 8 juin 2005, le SECO a déposé plainte pénale contre les personnes responsables de l'entreprise Q._ AG à [...], pour violation de la loi fédérale contre la concurrence déloyale (LCD; RS 241) et du Code pénal suisse, et contre toute autre personne, physique ou morale, qui aurait participé à la commission des infractions.
M
algré le dépôt de cette plainte, le Z._ a continué régulièrement à recevoir des réclamations à l’encontre des publipostages « W._» jusqu’en 2011 (P. 24 II/11 à 33 et P. 42 II/34 à 41). Le 3 août 2011, le Z._ a déposé un complément de plainte comprenant huit nouvelles plaintes reçues à l'encontre de "W._" (P. 41 et 42).
3.
Par décision du 9 mars 2012, le Ministère public de l'arrondissement de La Côte a ordonné le classement de la procédure dirigée notamment contre P._ et R._.
Saisie d’un recours du Z._, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal a, par arrêt du 9 juillet 2012, admis le recours, annulé l’ordonnance de classement de la procédure s’agissant de P._ et de R._ et renvoyé la cause au Ministère public pour complément d’enquête et nouvelle décision relative à ces deux prévenus (CREP 427/2012).
D._ SA a finalement pris la décision de cesser toute activité en relation avec la marque «W._», de sorte que la case postale [...] à [...] a été fermée dès le 31 janvier 2012. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit (Kistler Vianin, in: Kuhn/Jeanneret (éd.), Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 3 ad art. 399 CPP). La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
Interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de P._ et de R._ est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
3.
Les appelants contestent avoir une quelconque responsabilité dans la diffusion des publicités mensongères concernant les prestations de la prétendue voyante « W._ ». Ils affirment qu’aucune plainte pénale n’a été déposée en France, pays de destination des publicités en cause, de sorte que leur condamnation selon le droit suisse ne serait pas possible. Ils se réfèrent à un arrêt de la Cour d’appel pénale du 15 novembre 2012 (CAPE 247/2012), pour en déduire que le publipostage ne constituerait pas une infraction à la loi sur la concurrence déloyale (LCD; RS 241). R._ affirme, quant à lui, n’avoir agi que comme un simple employé de la société H._ SA et qu’il ne peut dès lors pas être condamné pour infraction à l’art. 326ter CP.
3.1.1
L'art. 23 LCD dispose que quiconque, intentionnellement, se rend coupable de concurrence déloyale au sens des art. 3, 4, 4a, 5 ou 6 est, sur plainte, puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire (al. 1). Peut porter plainte celui qui a qualité pour intenter une action civile selon les art. 9 et 10 (al. 2).
Selon l'art. 1 LCD, cette loi vise à garantir, dans l'intérêt de toutes les parties concernées, une concurrence loyale et qui ne soit pas faussée. La LCD ne concerne ainsi que le domaine de la concurrence. Cette notion vise une compétition, une rivalité sur le plan économique entre des personnes qui offrent leurs prestations. La concurrence suppose donc un marché, qui de plus doit être licite.
Aux termes de l’art. 3 LCD, agit de façon déloyale celui qui, notamment, donne des indications inexactes ou fallacieuses sur lui-même, son entreprise, sa raison de commerce, ses marchandises, ses oeuvres, ses prestations, ses prix, ses stocks, ses méthodes de vente ou ses affaires ou qui, par de telles allégations, avantage des tiers par rapport à leurs concurrents (let. b) ; porte ou utilise des titres ou des dénominations professionnelles inexacts, qui sont de nature à faire croire à des distinctions ou capacités particulières (let. c) ; entrave la liberté de décision de la clientèle en usant de méthodes de vente particulièrement agressives (let. h) ; trompe la clientèle en faisant illusion sur la qualité, la quantité, les possibilités d’utilisation, l’utilité de marchandises, d’oeuvres ou de prestations ou en taisant les dangers qu’elles présentent (let. i).
Pour qu'il y ait acte de concurrence déloyale, il ne suffit pas que le comportement apparaisse déloyal au regard de la liste d'exemples figurant aux art.
3 à 8 LCD. Il faut encore, comme le montre la définition générale de l'art. 2 LCD, qu'il influe sur les rapports entre concurrents ou entre fournisseurs et clients. Autrement dit, il doit influencer le jeu de la concurrence ou le fonctionnement du marché. Certes, il n'est pas nécessaire que l'auteur de l'acte soit lui-même un concurrent. Il n'empêche que l'acte doit être objectivement propre à avantager ou désavantager une entreprise dans sa lutte pour acquérir de la clientèle, ou à accroître ou diminuer ses parts de marché. L'acte doit être dirigé contre le jeu normal de la concurrence et propre à influencer le marché. Il doit être objectivement apte à influencer la concurrence (ATF 133 III 431 c. 4.1; ATF 131 III 384 c. 3; ATF 126 III 198 c. 2c/aa). Une indication inexacte n'est pas conforme à la réalité, alors qu'une indication fallacieuse n'est pas nécessairement fausse en elle-même, mais peut induire en erreur. Pour tomber sous le coup de l'art. 3 let. b LCD, encore faut-il que les indications en cause soient propres à influencer la décision du client. Est décisif le sens que le lecteur non averti attribue de bonne foi à la publicité (ATF 132 III 414
c. 4.1.2 et les références citées).
3.1.2
L’art. 326ter CP dispose notamment que celui qui créé l’illusion qu’un sujet étranger non inscrit au registre du commerce a son siège ou une succursale en Suisse, est puni d’une amende.
Toute personne qui agit pour l’entreprise peut être l’auteur de l’infraction. Il s’agit d’une infraction intentionnelle, en ce sens que l’auteur doit à tout le moins accepter l’idée que son comportement puisse induire en erreur (Dupuis & all., Petit commentaire du Code pénal, Bâle 2012, nn. 4 et 9 ad art. 326ter CP et les références citées).
Dans son message, le Conseil fédéral explique que l'origine de cette disposition découle également du fait que le renom de la Suisse a été terni à plusieurs reprises par des entreprises étrangères aux méthodes commerciales douteuses, qui ont laissé croire qu'elles étaient des maisons suisses. Il importe ainsi de poursuivre également celui qui crée l'illusion qu'une entreprise étrangère n'ayant aucune succursale dans notre pays est assujettie au droit suisse ou qu'elle a du moins une succursale en Suisse (Message du Conseil fédéral, FF 1991 II 1058; Amstutz/Reinert, in Niggli/Wiprächtiger (éd.), Strafrecht II, 2
e
éd, Bâle 2007, n. 16 ad art. 326ter CP).
3.1.3
Est un coauteur celui qui collabore intentionnellement et de manière déterminante avec d'autres personnes dans la décision de commettre une infraction, dans son organisation ou son exécution, au point d'apparaître comme l'un des participants principaux. La coactivité suppose donc une décision commune soit expresse, soit résultant d'actes concluants. Le coauteur doit réellement s'associer soit à la décision, soit à la réalisation, dans des conditions et dans une mesure qui le font apparaître comme un participant non pas secondaire, mais principal. Il faut que le coauteur ait une certaine maîtrise des opérations et que son rôle soit plus ou moins indispensable (ATF 120 IV 17 c. 2d). Ainsi, la contribution du participant principal est essentielle au point que l'exécution ou la non-exécution de l'infraction considérée en dépende (ATF 120 IV 265 c. 2c). Il faut donc que le rôle des prévenus ait été indispensable à la réussite de l'entreprise.
3.2.1
Contrairement à ce que soutiennent les appelants, les activités incriminées s’étant déroulées en Suisse, les infractions doivent être examinées à la lumière du droit suisse, même si le premier juge a également relevé que les publicités litigieuses tombaient sous le coup des dispositions du Code de la consommation français (jgt., p. 29) et même si la publicité était destinée exclusivement à de la clientèle à l’étranger (ATF 124 IV 73 c. 1).
3.2.2
En l’occurrence, pour asseoir sa conviction que les appelants ont participés activement et intentionnellement aux faits délictueux, contrairement à ce que ces derniers font valoir, le premier juge s’est fondé sur de nombreux éléments : il a d’abord constaté que tant P._ que R._ avaient été les animateurs de la société H._ SA, leurs activités consistant à relever le courrier de la case postale, à saisir les commandes des clients, à les transmettre aux sous-traitants en France, à procéder à des saisies de remises bancaires et à des transferts bancaires, à gérer le service après-vente, soit à réceptionner les demandes de la société propriétaire de la marque « W._ ». Les prévenus avaient aussi le pouvoir de prendre en charge des chèques et de rembourser des clients mécontents, voire de signer et négocier des retraits de plainte. Ils disposaient ainsi aussi d’un accès à un compte alimenté pour remboursement des clients insatisfaits (jgt., p. 40). Le premier juge a en outre considéré, sur la base du contrat de service signé par P._ avec D._ SA, que la société H._ SA gérée par les appelants - même si elle n’offrait que des services administratifs - percevait un montant fixe pour chaque commande traitée, de sorte qu’elle était intéressée au développement de la distribution publicitaire et qu’elle constituait une plateforme de soutien logistique des activités publicitaires de « W._ », ni anodine ni secondaire (jgt., p. 39). Le premier juge a dès lors conclu que les appelants apparaissaient comme les animateurs principaux et essentiels de la société H._ SA et qu’ils ont, en cette qualité, intentionnellement prêté main forte à des sociétés de vente par correspondance dont le commerce violait la LCD. Même s’ils n’étaient pas directement les auteurs des publipostages, ils en connaissaient le contenu et ont accepté d’agir, favoriser, puis traiter sans hésitation ces envois et leurs suites commerciales (jgt., p. 41). Contrairement à ce qu’ils affirment, les prévenus ne s’étaient dès lors pas cantonnés à un rôle passif, sans pouvoir décisionnel. R._ était le directeur de la société H._ SA, bénéficiait d’une procuration sur la boîte postale [...] à [...] et pouvait engager des employés, de sorte qu’on ne peut le considérer comme un simple employé obéissant à sa hiérarchie comme il le prétend. Quant à P._, il était l’administrateur unique de H._ SA, dont il a assuré la mise en place à sa fondation. Il avait ainsi tout intérêt à ce que les affaires de cette société fonctionnent. Le premier juge a relevé que les prévenus retiraient des gains réguliers de ces activités, leur participation étant indispensable à la réalisation des infractions incriminées, cela d’autant plus que l’adresse en Suisse et la boîte postale dans ce pays constituait un rouage déterminant de la tromperie et de la vente des produits, ce que les appelants ne pouvaient ignorer. Le premier juge a enfin retenu que contrairement aux affirmations des prévenus, ces derniers ont retiré un chiffre d’affaire dont le montant mensuel – s’il n’est pas forcément proportionnellement très important – était toutefois régulier et que dans la situation financière de la société, qui n’avait que quelques clients réguliers, cet apport était loin d’être anodin (jgt., p. 41).
En définitive, l’appréciation des preuves par le premier juge est adéquate et doit être confirmée. Les interventions des appelants en qualité de responsables d’une société basée en Suisse et assurant la logistique de même que le traitement des commandes des clients constituait une participation essentielle à la diffusion de la publicité incriminée. Le recours à une société suisse avait pour but d’assurer le sérieux de l’opération commerciale.
3.2.3
Les publicités incriminées doivent être qualifiées d’illicites au sens de l’art. 3 let. b, c, h et i LCD. La publicité diffusée par les appelants était trompeuse, en faisant croire aux consommateurs que W._ est une personne physique qui serait domiciliée en Suisse, alors qu’il s’agit d’une marque propriété de la société argentine G._. Les destinataires de la publicité étaient également leurrés sur la réalisation de gains rapides et donc sur les prestations fournies. En outre, les publicités consacraient des méthodes de vente agressives prohibées, l’imminence d’un malheur, la menace d’un envoûtement ou d’un mauvais sort étant présentés aux destinataires qui ne répondraient pas rapidement aux sollicitations.
R._ doit également être condamné pour contravention à
l’art. 326ter CP, l’activité commerciale de la voyante W._ donnant l’impression – créant l’illusion selon les termes de cette disposition – qu’une personne physique du même nom exerçait une entreprise individuelle en Suisse, alors qu’il n’en était rien. La contravention commise par R._ jusqu’au
31 janvier 2012 n’était pas prescrite à la date du jugement de première instance
(art. 97 al. 3 CP). La condamnation de P._ et de R._ doit dès lors être confirmée.
4.
Vérifiées d’office (art. 404 al. 2 CPP), les peines prononcées à l’encontre des appelants apparaissent également adéquates, tant dans leur quotité que s’agissant de la fixation du montant du jour-amende, dès lors qu'elles ont été fixées dans le respect des critères légaux par l'autorité précédente (art. 34, 42, 47 CP). Les appelants n'en demandent d'ailleurs la réduction qu'en relation avec une modification en leur faveur du verdict de culpabilité, situation non réalisée en l'espèce.
5.
En définitive, les appels de P._ et de R._ sont rejetés.
6.
Vu l’issue du recours, les frais de la procédure d’appel, constitués en l’espèce de l’émolument du présent jugement (art. 422 al. 1 CPP), par 1’910 fr. (art. 20 al. 1 TFJP [tarif des frais judiciaires pénaux; RSV 312.03.1]
),
sont mis à la charge de P._ et R._, par moitié chacun. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
368076b4-101c-4b43-a404-e80c9dd676df | En fait :
A.
Par jugement du 10 novembre 2014, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a notamment constaté que K._ s’est rendu coupable de tentative de meurtre et d’injure (I), l’a condamné à une peine privative de liberté de 3,5 ans, sous déduction de 545 jours de détention avant jugement, ainsi qu’à une peine pécuniaire de 10 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 10 fr. (II), a ordonné en faveur de K._ une mesure thérapeutique institutionnelle au sens de l’art. 59 CP, selon modalités à déterminer par les autorités d’exécution (III), a ordonné le maintien en exécution anticipée de peine de K._ jusqu’à la mise en œuvre de la mesure précitée (IV), a dit que K._ est le débiteur de F._ et M._ de la somme de 10'000 fr. chacun à titre de tort moral (V), a statué sur le sort du séquestre ordonné (VI), a arrêté l’indemnité de Me Coralie Devaud à 11'091 fr. 80 et celle de Me Raphaël Schindelholz à 12'185 fr. 20, montant dont le paiement interviendra sous déduction de la somme de 4'500 fr. déjà payée (VII), a mis les frais, par 42'832 fr. 45, y compris les indemnités allouées aux avocats d’office, à la charge de K._, et a dit que les indemnités d’office ne seront exigibles du condamné que pour autant que sa situation financière le permette (VIII).
B.
Par annonce du 18 novembre 2014, puis déclaration motivée du 29 décembre 2014, le Ministère public a formé appel contre ce jugement, en concluant à sa réforme en sens que la peine privative de liberté infligée à K._ est portée à 5 ans, sous déduction de la détention avant jugement subie.
Par déclaration d’appel joint du 28 janvier 2015, K._ a conclu à la réforme du jugement précité en ce sens qu’il est libéré du chef d’accusation de tentative de meurtre, mais qu’il est condamné pour lésions corporelles simples qualifiées à une peine privative de liberté appropriée fixée à dire de justice, sous déduction de la détention avant jugement subie, les frais de la procédure d’appel étant laissés à la charge de l’Etat.
Le 27 avril 2015, le conseil d’office des parties plaignantes a produit sa liste des opérations.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
1.1
K._ est né le [...] 1991 au Maroc, pays dont il est ressortissant. Il est l’aîné d’une fratrie de trois. En raison de la pauvreté de sa famille, il n’a été scolarisé qu’une seule année. A l’âge de dix ans, il a quitté son pays pour l’Espagne, où il a vécu durant trois ans dans un centre pour enfants à Grenade. Il y a appris le métier de soudeur et d’électricien. Il n’a toutefois pu exercer cette activité que pendant une courte durée, en raison de son expulsion prononcée à l’âge de 16 ans. Il s’est alors rendu en Italie, où il a vécu dans la clandestinité pendant quatre ans, avant de venir en Suisse en 2010. Ensuite du dépôt de sa demande d’asile le 15 octobre 2011, il a été transféré en novembre 2011 à Orbe, puis au Centre de Vennes à Lausanne. Il a fait recours contre la décision de non-entrée en matière rendue le 24 juillet 2012 par l’Office des migrations et serait toujours dans l’attente du jugement.
Le 16 novembre 2011, le prévenu a été retrouvé inconscient sur un parking à Orbe à la suite d’une agression. Hospitalisé d’urgence à l’hôpital de Saint-Loup, les examens médicaux effectués ont révélé de multiples contusions hémorragiques cérébrales ainsi que des fractures crâniennes et de la face. K._ a été hospitalisé au CHUV aux soins intensifs du 17 novembre au 7 décembre 2011, puis aux soins continus du 7 décembre au 28 décembre 2011. C’est lors de ce séjour qu’il a eu ses deux premières crises d’épilepsie généralisées. Sa réhabilitation a duré jusqu’au 16 mars 2012. De retour au Centre EVAM, le prévenu a immédiatement été perçu comme confus par le personnel, raison pour laquelle il a été à nouveau transféré au CHUV jusqu’au 26 mars 2012, date à laquelle il a fugué du service. Refusant d’être à nouveau hospitalisé, il a été maintenu au Centre EVAM où il a pu bénéficier de l’encadrement d’une assistante sociale ainsi que d’une infirmière du CMS.
1.2
Le casier judiciaire de K._ fait état des condamnations suivantes :
- 25 janvier 2012, Ministère public Lausanne, lésions corporelles simples, lésions corporelles simples qualifiées (délit manqué), dommages à la propriété, menaces, violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires, concours, peine pécuniaire 70 jours-amende à 20 fr., sursis à l’exécution de la peine, délai d’épreuve 2 ans, révoqué le 5 décembre 2012;
- 5 décembre 2012, Ministère public Lausanne, lésions corporelles simples qualifiées, peine privative de liberté 90 jours;
- 21 janvier 2013, Ministère public Est vaudois, recel, peine privative de liberté 10 jours;
- 7 mars 2013, Ministère public Lausanne, violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires, peine privative de liberté 60 jours.
1.3
Pour les besoins de la présente cause, K._ a été détenu provisoirement du 18 mai au 17 octobre 2013. Depuis lors, il exécute sa peine de manière anticipée. Au total, il a été détenu avant jugement durant 545 jours, à la date du jugement de première instance.
Selon le rapport établi le 4 juin 2014 par la Direction de la prison de la Croisée, le prévenu a eu un début d’incarcération très difficile en raison notamment de ses crises d’épilepsie. Dans son rapport du 30 octobre 2014, les médecins du SMPP, département de psychiatrie, ont confirmé les troubles organiques dont il sera question ci-dessous en précisant que ceux-ci influençaient la personnalité du prévenu par une irritabilité accrue, une impulsivité ainsi qu’une intolérance à la frustration. Par ailleurs, les crises d’épilepsie étaient fréquentes et difficiles à stabiliser. En raison des difficultés liées à la prise en charge d’un tel patient, les médecins se sont posés la question de la compatibilité d’une incarcération à long terme.
1.4
Au cours de la présente enquête, K._ a été soumis à une expertise psychiatrique. Dans leur rapport du 2 octobre 2013 (P. 33), les experts ont retenu les diagnostics de trouble organique de la personnalité, de troubles cognitifs et d’utilisation d’alcool nocive pour la santé. L’expertisé présentait en particulier des troubles cognitifs marqués par des troubles mnésiques, une atteinte dysexécutive (perturbations dans la capacité de programmer, planifier, initier, exécuter et inhiber une action), des troubles attentionnels et un ralentissement psychomoteur. Sans pouvoir poser le diagnostic d’une démence – l’intéressé conservant en effet une part d’autonomie –, les médecins ont indiqué que la sévérité des troubles approchait celle d’un syndrome démentiel. Ils ont relevé que si le prévenu avait la capacité d’apprécier l’illicéité de ses actes au moment des faits, sa capacité de se déterminer d’après cette appréciation était restreinte dans une mesure moyenne à importante, en raison des troubles précités. S’agissant du risque de récidive, les experts l’ont qualifié d’important, dans la mesure où le trouble organique sévère touchait de manière étendue le fonctionnement intellectuel et psychoaffectif de l’expertisé. Quant au point de savoir si un traitement institutionnel était indiqué, ils ont relevé qu’un foyer psychiatrique était la structure adéquate dans le cas du prévenu; en effet, même s’il ne s’agissait pas directement d’un traitement curatif, il n’était pas exclu que les troubles de K._ puissent s’atténuer avec le temps et qu’une prise en charge puisse lui permettre de mieux gérer les déficits présents.
2.
A Lausanne, chemin [...], à l’extérieur de l’abri PC du [...], le 18 mai 2013, entre 00h03 et 00h58, une altercation a éclaté, pour des raisons qui n’ont pas pu être établies, entre des résidents du Centre EVAM, K._ faisant partie de ce groupe. A un certain moment, le prévenu a poussé l’un des protagonistes qui était très éméché. M._, qui fumait une cigarette non loin de là, s’est alors interposé et a aidé l’homme à se relever. Au moment de se retourner, K._, qui avait sorti un cutter, lui a asséné un coup de lame au niveau du cou. Malgré un mouvement d’évitement, la victime a été blessée au menton. Le prévenu a ensuite proféré des insultes à tous ceux l’entouraient, tout en faisant de grands mouvements circulaires avec son cutter et en menaçant quiconque s’approcherait de lui de le tuer. F._, qui fumait une cigarette à proximité des protagonistes de l’altercation, s’est approché à son tour d’eux dans l’intention de discuter et de calmer la situation. Ayant entendu un objet tomber au sol, il s’est baissé pour le ramasser; à ce moment, K._, qui tenait toujours son cutter en main, lui a asséné un coup avec cette arme au niveau du cou.
M._ a souffert d’une plaie d’environ 5,5 cm de long, qui a nécessité dix points de suture. Quant à F._, il a souffert d’une plaie au cou de 9,5 cm de long nécessitant douze points de suture ainsi que d’une plaie à l’oreille qui a également dû être recousue.
M._ et F._ ont déposé plainte les 18 et 28 mai 2013. | En droit :
1.
Interjetés dans les formes et délais légaux (art. 399 CPP) par des parties ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel du Ministère public et l’appel joint de K._ sont recevables.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
L’appel principal du Ministère public ne portant que sur la question de la peine, il convient d’examiner en premier lieu les griefs soulevés par l’appelant par voie de jonction.
3.1
Le prévenu se prévaut tout d’abord d’une erreur sur les faits (13 CP) ainsi que d’un excès de légitime défense (art. 15 et 16 CP). Il soutient qu’il a agi sous l’emprise de la peur en considérant, à tort, que les victimes menaçaient de l’agresser. Il n’aurait donc cherché qu’à se défendre d’une prétendue agression, par des moyens qui se seraient avérés disproportionnés.
3.1.1
Agit sous l'emprise d'une erreur sur les faits au sens de l’art. 13 al. 1 CP, celui qui n'a pas connaissance ou qui se base sur une appréciation erronée d'un élément constitutif d'une infraction pénale. L'intention délictuelle fait ainsi défaut. L'auteur doit être jugé selon son appréciation erronée, si celle-ci lui est favorable (ATF 129 IV 238 c. 3.1, JdT 2005 IV 87).
Aux termes de l'art. 15 CP, quiconque, de manière contraire au droit, est attaqué ou menacé d'une attaque imminente a le droit de repousser l'attaque par des moyens proportionnés aux circonstances. La légitime défense suppose une attaque, c'est-à-dire un comportement visant à porter atteinte à un bien juridiquement protégé, ou la menace d'une attaque, soit le risque que l'atteinte se réalise. Il doit s'agir d'une attaque actuelle ou à tout le moins imminente, ce qui implique que l'atteinte soit effective ou qu'elle menace de se produire incessamment (ATF
106 IV 12 c. 2a ; ATF 104 IV 232 c. c). Il faut que des signes concrets annonçant un danger incitent à la défense. L'acte de celui qui est attaqué ou menacé de l'être doit tendre à la défense (ATF 93 IV 81). La défense doit apparaître proportionnée au regard de l'ensemble des circonstances. Celui qui utilise pour se défendre un objet dangereux, tel qu'un couteau ou une arme à feu, doit faire preuve d'une retenue particulière car sa mise en oeuvre implique toujours le danger de lésions corporelles graves ou même mortelles (ATF 136 IV 49 c. 3.3).
Selon l’art. 16 CP, si l'auteur, en repoussant une attaque, a excédé les limites de la légitime défense au sens de l'art. 15, le juge atténue la peine.
3.1.2
En l’espèce, sur la base du rapport d’expertise psychiatrique du 2 octobre 2013 (P. 33), il faut retenir que la conscience du prévenu était intacte au moment des faits, malgré certains troubles cognitifs affectant sa mémoire (troubles mnésiques) ainsi que sa capacité de programmer, planifier, initier, exécuter et inhiber une action (atteinte dysexécutive). En effet, à dires d‘experts, la présence de ces troubles n’était pas de nature à perturber l’appréciation du caractère illicite des actes reprochés (cf. P. 33, p. 10). L’intéressé était donc à même de comprendre la situation qui se présentait à lui. En revanche, il faut admettre que celui-ci a rencontré des difficultés à se retenir d’agir, ses capacités volitives étant diminuées dans une mesure moyenne à importante.
Dans ces conditions, l’appelant ne pouvait légitimement pas se croire attaqué par les plaignants, sauf à admettre que ceux-ci ont pris une part active à l’altercation, voire que leur comportement était à ce point ambivalent qu’il pouvait être assimilé à une attaque. Or, tel n’est pas le cas. En effet, comme l’ont retenu les premiers juges (cf. jgt., p. 15), la version présentée par le prévenu est fantaisiste et ne correspond pas aux différents témoignages recueillis qui confirment que les plaignants n’ont pas participé à la bagarre mais qu’ils sont au contraire intervenus dans un esprit pacificateur. Le prévenu ne soutient d’ailleurs pas que les agissements des victimes pouvaient prêter à confusion. Il n’avait au demeurant aucune raison de se méfier de M._, qui venait d’arriver dans le centre, et encore moins de F._, qui a été décrit comme une personne extrêmement calme, pacificatrice et qui était même venue en aide au prévenu dans certaines tâches administratives (cf. jgt., p. 16). Dans ces conditions, une erreur sur les faits est exclue.
Certes, le jugement entrepris retient, s’agissant du prévenu, que
« [...]
L
’impulsivité et l’incapacité à gérer sa frustration ainsi
qu’une représentation souvent erronée des faits
sera prise en considération dans cette diminution de responsabilité, puisque ces éléments découlent directement du trouble dont il est atteint
[...]
» (jgt., p. 16). Toutefois, dans la mesure où, à dires d’experts, le prévenu était capable de comprendre ses actes, soit qu’il était conscient de l’illicéité de ses agissements, cette phrase doit être comprise en ce sens que les troubles cognitifs (perte de mémoire et atteinte dysexécutive) handicapent ce dernier dans sa vie quotidienne, ce qui peut favoriser une appréciation erronée des faits. Contrairement à ce que soutient l’appelant, les premiers juges n’ont donc pas suivi sa thèse relative à une éventuelle perception erronée de la situation.
Pour le reste, dans la mesure où il est établi que les plaignants n’ont pas agressé le prévenu, celui-ci ne saurait se prévaloir d’un excès de légitime défense (cf. art. 15 et 16 CP).
Mal fondé, le premier moyen de l’appelant doit être rejeté.
3.2
3.2.1
K._ soutient ensuite que les coups de cutter qu’il a assénés aux plaignants ne dénoteraient pas d’une intention homicide, dès lors qu’il se serait trompé sur les conséquences potentiellement létales de ses gestes. Il se prévaut ainsi d’une erreur sur les faits.
3.2.2
A l’appui de son grief, l’appelant, qui estime que les premiers juges auraient suivi sa thèse, se réclame de la phrase suivante du jugement : «
D’ailleurs dans ses déclarations, K._ a lui-même reconnu qu’il y avait manière et manière de porter des coups de couteau, considérant que la manière dont il avait porté les coups de cutter n’était pas de nature à tuer, ce en quoi
il se trompe
»
(jgt., p. 15, 2
e
paragraphe in fine).
Cette phrase n’a toutefois pas le sens que lui prête l’appelant. En effet, les premiers juges ont voulu relever que celui-ci n’était pas crédible lorsqu’il affirmait que les coups portés n’étaient pas de nature à tuer. A cet égard, ils ont d’ailleurs précisé que le prévenu avait frappé à très courte distance et qu’il ne pouvait ainsi pas ignorer qu’il toucherait ses victimes. Ils ont également relevé que l’appelant avait visé des parties extrêmement vulnérables du corps, soit le cou des deux hommes (jgt., p. 15, 2
e
paragraphe).
Cette appréciation doit être suivie. Il est notoire qu’un cutter possède une lame très affûtée. Par ailleurs, l’appelant a frappé sous la jugulaire occasionnant des blessures qui ont nécessité dix points de suture pour l’une des victimes et douze pour l’autre. Enfin, il a menacé préalablement quiconque s’approcherait de lui de les tuer. Dans ces circonstances, il n’existe aucun doute quant à son intention homicide, de sorte qu’une erreur sur les faits est exclue.
3.3
K._ conteste enfin la quotité de la peine qui lui a été infligée.
3.3.1
Il reproche tout d’abord aux premiers juges de n’avoir pas suffisamment tenu compte de sa responsabilité pénale retreinte.
Dans la mesure où le Ministère public critique également la fixation de la peine sous l’angle de l’art. 19 al. 2 CP, le moyen du prévenu sera traité ci-dessous dans le cadre de l’examen de l’appel principal.
3.3.2
L’appelant considère qu’il n’y a pas lieu de retenir un concours d’infractions, les coups assénés aux plaignants procédant en effet d’une décision unique, soit celle de se défendre.
Ces arguments ne peuvent pas être suivis. En effet, comme retenu ci-dessus, l’appelant n’a pas eu l’intention de se défendre. Par ailleurs, il y a une césure temporelle entre la première et la deuxième attaque. Enfin, après avoir frappé ses deux victimes, le prévenu a pris la fuite lorsqu’un troisième individu s’est approché de lui; cela indique donc une autre prise de décision que celle annoncée, à savoir qu’il tuerait quiconque s’approcherait de lui. Le concours d’infractions doit dès lors être pris en considération dans le cadre de la fixation de la peine.
3.4
Sur le vu de ce qui précède, tous les griefs soulevés par le prévenu sont mal fondés et doivent être rejetés.
4.
Le Ministère public estime que la peine infligée au prévenu est trop clémente. Il fait grief aux premiers juges de n’avoir pas suffisamment pris en considération la gravité des actes commis et leur caractère répété. Il leur reproche en outre d’avoir tenu compte dans une trop large mesure de la diminution de responsabilité. Sur ce point, il estime que leur motivation est insuffisante, la faute n’ayant pas été clairement qualifiée.
4.1
4.1.1
Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale(TF 6B_85/2013 du 4 mars 2013 c. 3.1; ATF 134 IV 17 c. 2.1; ATF 129 IV 6 c. 6.1).
4.1.2
Selon l’art. 19 al. 2 CP, le juge atténue la peine si, au moment d’agir, l’auteur ne possédait que partiellement la faculté d’apprécier le caractère illicite de son acte ou de se déterminer d’après cette appréciation. Les principes qui président à la fixation de la peine en cas de diminution de la responsabilité sont exposés à I’ATF 136 IV 55.
Partant de la gravité objective de l'acte (objektive Tatschwere), le juge doit apprécier la faute (subjective; subjektives Tatverschulden). Il doit mentionner, dans le jugement, les éléments qui augmentent ou diminuent la faute dans le cas concret et qui permettent d'apprécier la faute en relation avec l'acte. Le législateur mentionne plusieurs critères, qui jouent un rôle important pour apprécier la faute et peuvent même conduire à diminuer celle-ci de telle manière qu'il convient de prononcer une peine inférieure au cadre légal ordinaire de la peine. Parmi ceux-ci, figure notamment la diminution de la responsabilité au sens de l'art. 19 CP. Dans ce cas, contrairement à la lettre de la disposition, il s'agit de diminuer la faute et non la peine; la réduction de la peine n'est que la conséquence de la faute plus légère.
Le juge dispose également d'un large pouvoir d'appréciation lorsqu'il détermine l'effet de la diminution de la responsabilité sur la faute au vu de l'ensemble des circonstances. Il peut appliquer l'échelle habituelle : une faute objective très grave peut être réduite à une faute grave en raison d'une diminution légère de la responsabilité. La réduction pour une telle faute très grave peut conduire à retenir une faute moyenne à grave en cas d'une diminution moyenne et à une faute légère à moyenne en cas de diminution grave. Sur la base de cette appréciation, le juge doit prononcer la peine en tenant compte des autres critères de fixation de la peine. Un tel procédé permet de tenir compte de la diminution de la responsabilité, sans lui attribuer une signification trop vaste (ATF 136 IV 55 c. 5.6).
En bref, le juge doit procéder comme suit en cas de diminution de la responsabilité pénale : dans un premier temps, il doit décider, sur la base des constatations de fait de l’expertise, dans quelle mesure la responsabilité pénale de l’auteur doit être restreinte sur Ie plan juridique et comment cette diminution de la responsabilité se répercute sur l’appréciation de la faute. La faute globale doit être qualifiée et désignée expressément dans le jugement (art. 50 CP). Dans un second temps, il convient de déterminer la peine hypothétique, qui correspond à cette faute. La peine ainsi fixée peut enfin être modifiée en raison de facteurs liés à l’auteur (Täterkomponente) ainsi qu’en raison d’une éventuelle tentative selon l’art. 22 aI. 1 CP (ATF 136 IV 55 c. 5.7).
4.2
En l’espèce, K._ s’est rendu coupable d’une double tentative de meurtre. Les infractions sont ainsi en concours. Sans aucune raison, il s’en est pris au bien le plus protégé de notre ordre juridique, à savoir la vie. Alors qu’il venait de blesser une première victime – et qu’il avait au demeurant pu constater que celle-ci saignait abondamment –, il a répété le même geste homicide à l’encontre d’une seconde personne. Dans ces circonstances, sa faute – objective – doit être considérée comme très grave. Cela étant, sur la base de l’expertise psychiatrique (P. 33), il faut retenir que si la conscience du prévenu était intacte au moment de la commission des actes délictueux, sa volonté était quant à elle diminuée dans une mesure qualifiée de moyenne à importante. Cette diminution de responsabilité permettrait théoriquement d’admettre que sa faute, initialement estimée comme très grave, puisse être qualifiée de moyenne à grave. Toutefois, au regard de l’ensemble des circonstances qui précèdent, sa faute reste subjectivement grave.
S’agissant des facteurs liés au prévenu, ceux-ci sont globalement défavorables. En effet, K._ a plusieurs antécédents judiciaires, dont deux de violence. Il est en outre exposé à la récidive. Cela étant, il faut tenir compte du fait que depuis son agression en novembre 2011, le prévenu est fortement diminué. Par ailleurs, le fait qu’il ne reconnaisse pas ses fautes ne saurait être mis uniquement sur le compte d’une absence de prise de conscience, l’intéressé souffrant de troubles cognitifs, notamment de troubles mnésiques et du cours de la pensée pour lesquels les experts ont préconisé une mesure à caractère psychiatrique ainsi qu’une neuroréhabilitation. Les troubles observés sont d’ailleurs à ce point sévères qu’ils s’apparentent au syndrome démentiel.
Sur la base des éléments qui précèdent, notamment de la diminution de la responsabilité et des autres éléments à décharge, la peine privative de liberté de 3,5 ans arrêtée par les premiers juges sanctionne adéquatement les agissements du prévenu et doit être en conséquence être confirmée.
5.
En définitive, l’appel du Ministère public ainsi que l’appel joint de K._ doivent être rejetés et le jugement entrepris entièrement confirmé.
6.
6.1
Vu l’issue de la cause, les frais de la procédure d’appel, constitués de l’émolument d’arrêt, par 1’940 fr., de l’indemnité allouée au défenseur d’office du prévenu, par 3’187 fr. 40, TVA et débours compris, et de celle due au conseil d'office des parties plaignantes, par 583 fr. 20, TVA comprise, doivent être mis par deux tiers à la charge de K._, le solde étant laissé à la charge de l’Etat.
K._ ne sera tenu de rembourser à l’Etat les deux tiers des indemnités d’office précitées que lorsque sa situation financière le permettra.
6.2
S’agissant de l’indemnité réclamée par Me Schindelholz, on précisera que celui-ci a produit une liste d’opérations faisant état de 18 heures d’activité (P. 109). Compte tenu de la nature de la cause, de la connaissance du dossier acquise en première instance et des opérations nécessaires pour la défense des intérêts de son client, le nombre d’heures annoncé s’avère trop élevé. Tout bien considéré, il sera tenu compte de 15 heures d’activité. C’est donc une indemnité de 3’187 fr. 40, y compris la TVA, deux vacations à 120 fr. et des débours par 11 fr. 30, qui doit être allouée à Me Schindelholz pour la procédure d’appel. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
36de9b3f-682a-4727-abca-9ed7e9e45077 | En fait :
A.
Par jugement du 12 janvier 2011, le Tribunal de police de l’arrondissement de La Broye et du Nord vaudois a constaté que H._ s'était rendu coupable de violation simple et grave des règles de la circulation, ivresse au volant qualifiée, conduite en état d'incapacité, conduite d'un véhicule défectueux, contravention à l'OAC et à la LStup (I), l'a condamné à une peine pécuniaire de 180 (cent huitante) jours-amende, la valeur du jour-amende étant fixée à 10 (dix) francs et à une amende de 400 (quatre cents) francs avec peine privative de liberté de substitution de 40 (quarante) jours (II), a suspendu l'exécution de la peine pécuniaire et a accordé au condamné un délai d'épreuve de trois ans (III), a alloué à Me Paris, son défenseur d'office, une indemnité de 1'176 fr. 20, débours et TVA compris (IV), a mis les frais de justice par 4'769 fr. à la charge de H._ (V) et dit que le remboursement à l'Etat de l'indemnité allouée sous chiffre IV était subordonné à l'amélioration de la situation économique de H._ (VI).
B.
Le 9 février 2011, le Ministère public a déclaré faire appel contre le jugement précité. Contestant exclusivement le type et la quotité de la peine, il a conclu à sa réforme en ce sens que H._ est condamné à une peine privative de liberté de 10 (dix) mois, avec sursis pendant trois ans, et à une amende de 1'200 fr. (mille deux cents francs), convertible en 60 (soixante) jours de peine privative de liberté en cas de non-paiement fautif. Il a déclaré consentir à l'application de la procédure écrite.
Par courrier du 12 avril 2011, l'intimé a indiqué accepter que la direction de la procédure de la juridiction d'appel ordonne la procédure écrite en application de l'art. 406 al. 2 CPP.
Par acte du 18 avril 2011, le Ministère public a confirmé la teneur de sa déclaration d'appel.
Le 10 mai 2011, respectant le délai qui lui avait été imparti pour se déterminer, le conseil d'office de H._ a conclu au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement du 12 janvier 2011.
C.
Les faits, tels qu’ils ressortent du dossier, sont les suivants :
1.
H._, né en 1981, au Portugal, est arrivé en Suisse en 2004. Il est titulaire d'un permis B et au bénéfice du revenu d'insertion depuis le 1
er
février 2010. Sa situation économique est obérée ; il estime à 59'000 fr. le montant des poursuites en cours contre lui.
Son casier judiciaire suisse est vierge. Sur le fichier ADMAS figure une décision d'interdiction de faire usage du permis étranger d'une durée de trois mois prononcée le 28 août 2006 pour excès de vitesse.
2.
2.1.
Le 21 février 2009, H._ circulait d'Yverdon-les-Bains en direction de Lausanne au volant de son véhicule Mercedes 180, alors qu'il se trouvait sous l'influence conjuguée de l'alcool et du cannabis. Il a dépassé un véhicule banalisé de la gendarmerie à une vitesse voisine de 140 km/h, tout en talonnant une première fois, à courte distance la voiture qui le précédait, effectué plusieurs va-et-vient entre sa voie de circulation et le centre de la chaussée. Par la suite, il a talonné un autre automobiliste et lorsque la voie de dépassement s'est libérée, l'accusé a circulé à une vitesse moyenne d'au moins 153 km/h sur une distance d'environ 3 km. Il a freiné brusquement et réintégré la voie de droite, derrière un poids lourd, pour se rendre à la station service du restoroute. Lors de toutes ces manœuvres, il n'a pas signalé ses changements de direction. Les contrôles d'usage ont démontré, par ailleurs, que l'accusé n'avait pas annoncé sa nouvelle adresse au Service des automobiles lorsqu'il avait déménagé le 27 mars 2008.
2.2.
Le dimanche 23 août 2009, vers 04h00, à Yverdon-les-Bains, l'accusé a pris le volant de son véhicule pour reconduire un ami à Peseux/NE, alors qu'il se trouvait sous l'influence de l'alcool (taux d'alcoolémie le plus favorable : 1.21 g o/oo). Sur le chemin du retour, il a perdu une première fois la maîtrise de son véhicule qui a heurté une bordure bétonnée près de la station service de Valangin/NE. Après avoir changé la roue crevée de son véhicule, il a repris la route et a perdu une seconde fois la maîtrise du véhicule, touchant la glissière de sécurité, sans l'endommager, ce qui a fait éclater la roue de secours. Il a néanmoins poursuivi son équipée en roulant sur la jante, faisant patiner les roues motrices arrière de son véhicule au point d'en user les pneumatiques jusqu'à la toile. Les gerbes d'étincelles projetées par le frottement de la jante sur le bitume ont fini par mettre le feu au véhicule, qui a été complètement détruit, à l'entrée de Grandson. | En droit :
1.
Déposé en temps utile et suffisamment motivé, l'appel est recevable (art. 399 al. 1 et 3 CPP). La contestation est limitée à la question du type et de la quotité de la peine de l'acte incriminé le 12 janvier 2011 (art. 399 al. 4 CPP).
Le Ministère public a, de droit, la qualité pour recourir, soit pour interjeter appel, en application de l'art. 381 al. 1 CPP.
Aux termes de l'art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour (al. 3) : violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié (let. a) ; constatation incomplète ou erronée des faits (let. b); inopportunité (let. c).
2.
L'appel étant limité à la question du type et de la quotité de la peine, un éventuel effet réformatoire ne pourra porter que sur ces éléments (Kistler Vianin, op. cit., n. 2 ad art. 408 CPP).
Sans remettre en cause les infractions retenues à charge de H._, le Ministère public considère que la peine prononcée à l'encontre du prévenu ne sanctionne pas assez sévèrement les faits dont il a été reconnu coupable.
2.1.
Pour les peines comprises entre six mois et un an, le juge jouit d'un large pouvoir d'appréciation en ce qui concerne le choix du type de peine. Il doit opter pour la peine qui semble le plus à même de détourner l'auteur de nouvelles infractions. Lorsque l'alternative porte exclusivement entre la peine privative de liberté et la peine pécuniaire, le principe de la proportionnalité ne l'oblige à donner la préférence à la peine pécuniaire, qui a la priorité sur la peine privative de liberté (ATF 134 IV consid. 4.1 p. 85), que si la peine pécuniaire permet de sanctionner la culpabilité de l'auteur de manière équivalente. En cas contraire, il peut prononcer une peine privative de liberté. En d'autres termes, si plusieurs peines apparaissent sanctionner de manière équivalente la faute commise, il doit choisir celle qui restreint le moins sévèrement la liberté personnelle de l'intéressé – donc la peine pécuniaire qui constitue la sanction principale dans le domaine de la petite et moyenne criminalité (TF 6B_53/2010, du 22 avril 2010).
L'insolvabilité prévisible de l'accusé n'est pas un critère pertinent (Loïc Parein, La fixation de la peine, thèse Bâle 2010, p. 175). En revanche, l'exécution d'une peine pécuniaire doit a priori procéder d'un paiement spontané et non résulter d'une exécution forcée par voie de poursuite. Ainsi, le principe de la priorité de la peine pécuniaire peut souffrir une exception lorsque la condamnation à des jours-amende n'est pas envisageable pour des motifs relevant de la personne de l'auteur, par exemple lorsque l'intéressé manifeste d'emblée qu'il n'est pas disposé à payer (CCass. 1
er
mars 2010, AP/2010/86).
2.2.
Le Ministère public estime qu'
"il est indéniable que la perspective de devoir purger une peine privative de liberté en cas de récidive serait considérablement plus efficace du point de vue de la prévention spéciale que celle de devoir s'acquitter d'une peine pécuniaire"
. Pour émettre cette appréciation, il relève qu'en cours d'enquête, le prévenu, qui a un antécédent en matière d'excès de vitesse, a récidivé, ce qui montre que sa première interpellation est restée sans effet sur lui, et n'a nullement fait amende honorable, n'ayant de cesse de contester ou de minimiser ses fautes. Il reproche aux premiers juges de ne pas avoir examiné si une peine privative de liberté ne serait pas mieux à même d'atteindre les buts de la sanction pénale, au regard notamment de son efficacité en matière de prévention.
2.3.
En l'espèce, s'il n'évoque pas la possibilité d'une peine privative de liberté, le tribunal a examiné l'opportunité de prononcer un travail d'intérêt général, auquel le prévenu avait consenti. Il a considéré qu'une peine pécuniaire
"aura, chez un condamné aux ressources économiques limitées, un effet préventif beaucoup plus important"
(jgt, p. 9). Il s'est donc posé la question pertinente de l'effet dissuasif de la peine. Au demeurant, il a tenu compte des éléments mentionnés par le Parquet, mais il a aussi noté qu'un retrait de permis avait provoqué une prise de conscience chez le prévenu,
"notamment en raison de ses incidences sur sa réinsertion professionnelle"
(jgt, p. 9).
Il faut admettre que le prévenu est un délinquant primaire ; il n'a jamais fait l'objet d'une condamnation, que ce soit à une peine pécuniaire, ou à une peine privative de liberté. La décision administrative dont il fait l'objet est assez ancienne. Or, s'il est constant qu'il a commis des fautes à réitérées reprises, il s'avère également qu'il avait pris conscience de sa culpabilité lors des débats, grâce à une sanction administrative ayant une incidence sur son avenir professionnel. Il a d'ailleurs donné son accord pour effectuer un travail d'intérêt général, ce qui montre bien qu'il admet être fautif.
Au vu de ces éléments, on ne peut pas affirmer que seule la peine privative de liberté serait à même de dissuader le prévenu de récidiver. La peine pécuniaire étant prioritaire, par rapport à la peine privative de liberté (cf. supra, ATF 134 IV consid. 4.1), le tribunal n'avait pas besoin de mentionner ou d'examiner cette dernière, le but de la première étant atteint. Ainsi, dans la mesure où la sanction pécuniaire n'est pas anodine pour un prévenu dont la situation financière est déjà obérée, c'est à juste titre que le premier juge l'a retenue.
Cette décision est donc bien fondée.
3.
Le Ministère public conteste ensuite la quotité de la peine principale.
3.1.
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
3.2.
Selon la jurisprudence développée sous l'empire de l'art. 63 aCP, les éléments fondant la culpabilité que le juge doit examiner en premier lieu sont ceux qui se rapportent à l'acte lui-même, à savoir : du point de vue objectif, le résultat de l'activité illicite, le mode et l'exécution de l'acte ainsi que, du point de vue subjectif, l'intensité de la volonté délictueuse de l'auteur ou la gravité de la négligence et ses mobiles. En second lieu, le juge prendra en considération les éléments concernant la personne de l'auteur : ses antécédents, sa situation personnelle, tant familiale que professionnelle – qui comprend l'éducation reçue et la formation suivie – son intégration sociale, voire sa réputation ainsi que son attitude et son comportement après les faits et dans le cadre de la procédure pénale (Nicolas Queloz/Valérie Humbert, in : Roth/Moreillon [éd.], Commentaire romand, Code pénal I, Bâle 2009, n. 7 ad art. 47 CP; ATF 129 IV 6 c. 6.1, JT 2005 IV 229 c. 6.1; ATF 127 IV 101 c. 2a; ATF 118 IV 21 c. 2b).
L'art. 47 al. 1 CP fixe le principe et reprend le critère des antécédents et de la situation personnelle. La portée de l'absence d'antécédents doit être relativisée. En effet, sauf circonstances exceptionnelles, elle a un effet neutre sur la fixation de la peine et n'a donc plus à être prise en considération dans un sens atténuant (ATF 136 IV 1 c. 2.6.4). L'art. 47 al. 1 CP enjoint encore au juge de prendre en considération l'effet de la peine sur l'avenir du condamné. Cet aspect de prévention spéciale ne permet toutefois que des corrections marginales, la peine devant toujours rester proportionnée à la faute (TF 6B_14/2007 du 17 avril 2007 c. 5.2).
Codifiant la jurisprudence rendue sous l'empire de l'ancien droit (art. 63a CP), l'art. 47 al. 2 CP énumère de manière non limitative les critères permettant de déterminer le degré de gravité de la culpabilité de l'auteur. Ainsi, le juge devra prendre en considération la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné ainsi que le caractère répréhensible de l'acte, qui correspondent respectivement au "
résultat de l'activité illicite
" et au "
mode et exécution de l'acte
" de la jurisprudence (TF 6B_710/2007 du 6 février 2008, c. 3.2 et les références citées). Sur le plan subjectif, le texte légal cite la motivation et les buts de l’auteur, qui correspondent aux mobiles de l’ancien droit (art. 63 aCP), et la mesure dans laquelle l’auteur aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, qui se réfère au libre choix de l’auteur entre la licéité et l’illicéité (ATF 127 IV 101, précité, c. 2a). Concernant ce dernier élément, le législateur enjoint le juge de tenir compte de la situation personnelle de l’intéressé et des circonstances extérieures (TF 6B_143/2007 du 25 juin 2007 c. 8.1).
En vertu de l'art. 50 CP, le choix de la sanction, comme la quotité et la durée de celle qui est prononcée, doivent être motivés de manière suffisante. Le juge doit exposer dans sa décision les éléments essentiels relatifs à l'acte et à l'auteur qu'il prend en compte, de manière à ce que l'on puisse vérifier que tous les aspects pertinents ont été pris en considération et comment ils ont été appréciés, que ce soit dans un sens atténuant ou aggravant. La motivation doit justifier la peine prononcée, en permettant de suivre le raisonnement adopté, mais le juge n'est nullement tenu d'exprimer en chiffres ou en pourcentage l'importance qu'il accorde à chacun des éléments qu'il cite (ATF 127 IV 101 c. 2c et les arrêts cités). Plus la peine est élevée, plus la motivation doit être complète (ATF 134 IV 17 c. 4.2.1 et les arrêts cités).
Dans ces limites, le risque d'inégalité de traitement est inhérent au pouvoir d'appréciation qui doit être accordé au juge du fond pour que la peine puisse être individualisée (cf. arrêt 6S.363/2006 du 28 décembre 2006 consid. 8.3). Certes, le juge peut s'aider des recommandations de la Conférence des autorités de poursuite pénale suisse (ci-après : la CAPS) pour exercer son pouvoir d'appréciation. Mais celles-ci ne sauraient l'empêcher de se faire en toute indépendance son propre avis sur la peine qui correspond à la culpabilité du condamné et aux autres circonstances pertinentes au regard de l'art. 47 CP (cf. arrêts 6S.363/2006 du 28 décembre 2006 consid. 11.2 ; 6S.477/2004 du 1
er
mars 2005 consid. 2.3).
3.3.
La juridiction d'appel revoit librement les questions d'appréciation (art. 398 al. 3 let. c CPP). Ce faisant, elle vérifie si la décision prise est la meilleure que l'on pouvait prendre et non si celle-ci a violé une norme juridique. Elle devrait toutefois s'imposer une certaine retenue afin de respecter la marge d'appréciation dont jouissent les juges de première instance. Elle ne saurait intervenir simplement pour substituer sa propre appréciation à celle des premiers juges. En particulier, elle ne devrait revoir la quotité de la peine qu'avec une grande réserve, la tâche de déterminer la sanction incombant d'abord au premier juge (Commentaire romand, n. 21 ad. art. 398, p. 1776).
3.4.
En l'espèce, le cadre légal de la peine est d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire (art. 90 ch. 2 LCR). Il en va de même pour l'ivresse au volant qualifiée (art. 91 al. 1 2
ème
phrase LCR) et la conduite en état d'incapacité (art. 91 al. 2 LCR).
La condamnation de H._ ne se situe pas hors du cadre légal ; le tribunal a tenu compte des critères pertinents, tels que la culpabilité, l'antécédent administratif ancien, le concours d'infractions, la récidive, la mentalité du prévenu, la situation personnelle ainsi que la prise de conscience de celui-ci.
Du reste, le Ministère public ne démontre pas que le tribunal aurait omis d'autres critères importants. Il met l'accent sur la gravité objective des faits et l'attitude du prévenu durant l'enquête. Certes, ces éléments à charge ne sont pas négligeables mais ne suffisent pas, sans s'ingérer dans la liberté d'appréciation des premiers juges, à admettre que la peine est trop clémente. En effet, une partie non négligeable des fautes commises constitue des contraventions qui sont sanctionnées séparément par une amende.
Par conséquent, l'appel est également mal fondé sur ce point.
4.
Le Ministère public conteste enfin la quotité de l'amende.
4.1.
Le montant de l'amende doit être fixé en tenant compte de la culpabilité de l'auteur et de sa situation personnelle, de façon à ce qu'elle corresponde à la faute commise et frappe de manière comparable les fortunés et les démunis (art. 106 CP et n. 3.3 CP annoté).
In casu, l'amende sanctionne de nombreuses contraventions (excès de vitesse, omission d'indiquer les changements de direction, deux pertes de maîtrise, deux conduites d'un véhicule défectueux, une contravention à l'OAC, une contravention à la LStup) et "
doit être infligée tant à titre de
sanction immédiatement sensible que pour sanctionner les contraventions commises"
(jgt, p. 10)
.
4.2.
En l'espèce, H._ est au bénéfice du revenu d'insertion et sa situation économique est obérée. Cela étant, au vu du nombre d'infractions et des faits concrets qu'elles recouvrent, l'amende de 400 fr. retenue par les premiers juges semble toutefois trop faible. La requête du Ministère public, à savoir la fixation de l'amende à 1'200 fr. paraît quant à elle un peu excessive si bien qu'elle doit être portée raisonnablement à 900 fr. et être assortie d'une peine privative de liberté de substitution de 20 jours, de façon à ce que la peine corresponde à la faute commise et demeure proportionnelle à la peine principale.
5.
En définitive, le recours doit être très partiellement admis, en ce sens que le montant de l'amende est modifié conformément à ce dernier considérant. Le jugement attaqué doit être confirmé pour le surplus.
L'appelant ayant obtenu très partiellement gain de cause, il se justifie de mettre les frais de procédure, selon l'art. 424 CPP, à raison d'un cinquième à la charge de l’intimé (art. 428 al. 1, 1
ère
phrase, CPP), le solde restant à la charge de l'Etat. Outre l'émolument, ces frais comprennent l’indemnité d’office allouée au défenseur d'office du prévenu (cf. art. 135 al. 2 et 422 al. 2 let. a CPP ; art. 2 al. 2 ch. 1 TFJP). Vu l'ampleur et la complexité de la cause, cette indemnité doit être fixée sur la base d'une durée d'activité de cinq heures par 180 fr. l'heure, TVA de 72 fr. en sus.
Le remboursement à l'Etat de l'indemnité due au défenseur d'office de l'intimé sera exigible pour autant que la situation économique de ce dernier se soit améliorée (ATF 135 I 91 c. 2.4, spéc. 2.4.3). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
36fc2a98-34ca-4b75-afc5-6bf095cb8973 | En fait :
A.
Par jugement du 8 octobre 2012, le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne a constaté que M._ s'est rendu coupable d'abus d'autorité (I), l'a condamné à une peine pécuniaire de sept jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 50 fr. (II), a suspendu l'exécution de la peine et fixé à M._ un délai d'épreuve de deux ans (III), a ordonné le maintien au dossier à titre de pièces à conviction du CD et du DVD séquestrés sous fiches de pièces à conviction n° 113 et 137 (IV) et a mis les frais de la cause, par 2'155 fr., à la charge de M._ (V).
B.
Le 9 octobre 2012, M._ a annoncé faire appel du jugement précité. Par déclaration d’appel du 12 novembre 2012, il a conclu, principalement, à la modification du jugement en ce sens qu'il est libéré de l'accusation d'abus d'autorité, les frais étant laissés à la charge de l'Etat. Subsidiairement, il a conclu à l'annulation du jugement, la cause étant renvoyée à une autre autorité de première instance pour nouvelle instruction et nouveau jugement. A titre de mesure d'instruction, il a requis la mise en œuvre d'une expertise auprès de l'Académie de police de Savatan aux fins de déterminer si son geste constituait une faute professionnelle, respectivement une violation simple ou, bien plutôt, crasse de ses devoirs professionnels.
A l'audience d'appel, le prévenu a confirmé ses conclusions. Le Procureur a requis et conclu au rejet de l’appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1. Le prévenu M._, né en 1979, est au bénéfice d'un CFC d'employé de commerce. Il est devenu agent de police en janvier 2002 après avoir suivi l'école de police. Employé au service de la Police de Lausanne comme chef de groupe à Police-Secours, il a actuellement le grade de sergent-major.
Marié et père de quatre enfants, il réalise un salaire mensuel net de quelque 6'500 fr., treize fois l'an, allocations familiales, par 770 fr., non comprises. Il n'a pas d'autres dettes que le crédit hypothécaire de l'appartement du couple. Il estime ses frais de repas et de transport pour se rendre au travail à 490 fr. par mois environ. Les acomptes mensuels d'impôts de la famille s'élèvent à 319 francs.
Son casier judiciaire fait état d'une condamnation à un mois d'emprisonnement, avec sursis pendant deux ans, prononcée le 9 novembre 2001 par le Tribunal de division 2, à Lausanne, pour refus de servir et désertion.
Ses états de service sont irréprochables.
2. Au sein de la police communale lausannoise, la relève entre la section quittant ses fonctions et celle qui les prend se fait à environ 19 h 45, même si la section arrivante n'entre pas formellement en service avant 20 heures. Les membres de la section sortante font alors rapport des événements de la journée aux collègues qui leur succèdent.
Le local dit de front PS comporte plusieurs cellules. Comme le prévenu l'a confirmé à l'audience d'appel, les portes des cellules de maintien peuvent être ouvertes partiellement; il y a trois crans. La vitre des portes ne s’ouvre en revanche pas. Les policiers utilisent les loquets, à savoir les crans, lorsqu'ils pensent avoir affaire à des individus dangereux, avant d’entrer dans la cellule. Le local est équipé de petits écrans de contrôle qui montrent les images enregistrées par les caméras de surveillance placées dans les cellules de maintien. Les caméras enregistrent quatre images par seconde, ce qui est inférieur aux capacités de l'oeil humain. L'installation est également équipée de capteurs de son.
Le prévenu a été dénoncé pénalement par sa hiérarchie le 29 novembre 2011 (P. 4), puis déféré par acte d'accusation du 23 avril 2012 à raison des faits ci-après.
3. Le 30 octobre 2011, le prévenu s'est rendu à l'Hôtel de police de Lausanne aux alentours de 19 h 40, pour prendre son service vers 20 heures. Alors qu'il se trouvait, en uniforme, dans le local dit du front PS avec plusieurs collègues, il a constaté, sur les images de vidéosurveillance des cellules de maintien, qu'un détenu, dénommé W._, né en 1987, ressortissant tunisien, interpellé le jour même à la Place de la Gare en flagrant délit de vol à la tire, se comportait de manière particulièrement agitée, notamment en se jetant contre les murs. Le prévenu a alors pris l'initiative de se rendre auprès du détenu pour le calmer. Accompagné d'un collègue, il a ouvert la porte de la cellule. Il n'a pas utilisé la possibilité de ne l'ouvrir que partiellement, en fermant l'un des trois crans intermédiaires.
W._ s'est alors immédiatement approché de lui, à la distance d'un bras, a plié ses bras devant lui et s'est contracté musculairement. Le prévenu lui a asséné une gifle, puis l'a repoussé par le haut du torse afin de le faire asseoir sur le banc au fond de la cellule. Une copie de l'enregistrement vidéo a été versée au dossier; elle ne comporte toutefois pas de son. Le taux d'alcoolémie du détenu, mesuré à 19 h, s'élevait à 0,66 o/oo.
4. Il ressort de l'enregistrement vidéo (cf. également P. 37/1) que le détenu a été acheminé dans la cellule quelques secondes après 19 h 38. L'individu se trouvait alors dans un apparent état d'agitation, puisqu'il a parlementé avec les policiers durant environ une minute avant d'ôter son maillot. Après avoir bu un verre d'eau amené par un policier, il a été laissé seul à 19 h 38 et 30 secondes. Il a par la suite tapé sur la vitre, ainsi que sur l'interphone, jusqu'à 19 h 42 environ, avant de remettre son maillot. Quelques secondes avant 19 h 51, il s'est frappé la tête sur l'interphone à tout le moins à cinq reprises. Par la suite, il s'est heurté la tête sur la porte deux fois en tout cas, paraissant particulièrement agité. A 19 h 51 et 50 secondes, un policier a ouvert la porte, sans entrer dans la cellule. Le détenu est sorti de celle-ci quelques secondes après 19 h 52 et l'a réintégrée, sans devoir y être contraint, exactement deux minutes après. Alors que la porte était encore ouverte et que deux agents se trouvaient derrière, il a entrepris d'ôter une nouvelle fois son maillot, puis, une fois la porte fermée, son pantalon. Ceci fait, il s'est à nouveau approché de la porte pour y coller son visage avant de se frapper une nouvelle fois la tête à 19 h 54 et 30 secondes. Une seconde plus tard, l'enregistrement vidéo le montre debout, au fond de la cellule, le prévenu se trouvant pour sa part sur le seuil de la porte entrouverte. Le détenu s'est alors approché de lui, les bras écartés, puis les genoux pliés et les mains devant lui. Les images révèlent qu'à cet instant, la porte est toujours entrouverte. Lorsqu'elle s'ouvre un peu plus pour permettre au prévenu d'avancer, le détenu se trouve déjà devant elle. Alors que le prévenu se situe sur le pas de la porte, avec un pied à l'intérieur, et les bras le long du corps, le détenu croise les mains devant lui. L'image suivante, prise à 19 h 54 et 41 secondes, montre la fin de la gifle, moment auquel le détenu a un mouvement de recul. Le prévenu et alors entièrement dans la cellule, son collègue se tenant sur le pas de la porte. Juste après avoir reçu la gifle, le détenu a reculé les pieds et s'est penché en arrière, mettant les deux mains devant lui. Les deux policiers sont alors à l'intérieur de la cellule. Une image prise à 19 h 54 et 53 secondes montre le prévenu mettant sa main sur le haut du torse du détenu pour le faire asseoir sur le banc au fond de la cellule. Le prévenu a alors discuté avec lui durant encore presque deux minutes, avant de se retirer vers 19 h 55 et 35 secondes, laissant la place à son supérieur, lequel est entré dans la cellule avec deux collègues pour discuter avec le détenu jusqu'à 19 h 56. Par la suite, le détenu s'est rhabillé et a tourné en rond dans sa cellule, s'approchant de la porte à une reprise et parlant dans l'interphone. Il a à nouveau enlevé son maillot quelques minutes plus tard, puis a continué à parler à travers l'interphone et a frappé encore contre la porte à quelques reprises, avant de finir par s'asseoir sur le banc à 20 h 38 et d'être extrait de la cellule à 20 h 57. Les images prises une heure après l'intervention du prévenu révèlent ainsi que, si le détenu était certes apparu encore agité, il ne s'était plus frappé la tête contre les murs.
5. Le prévenu a expliqué, durant l'enquête, que ses collègues ne lui avaient rien indiqué concernant W._, s'agissant notamment des conditions du transfert du détenu. Il a dit avoir été attiré par le bruit de cet individu et s'être aperçu sur les images qu'il était agité, qu'il se jetait la tête contre les murs et la vitre de la cellule et qu'il s'était dévêtu. Le prévenu a précisé que c'est de son propre chef qu'il avait décidé de se rendre auprès du détenu pour discuter avec lui et tenter de le calmer, afin notamment d'éviter qu'il ne se blesse. Pour ce qui est de son intervention proprement dite, le prévenu a expliqué qu'en arrivant devant la cellule, il avait vu à travers la vitre que le détenu avait reculé au fond de la pièce et que c'était à ce moment qu'il s'était résolu à entrer. Le temps que la porte s'ouvre, le détenu était revenu près de l'entrée et avait adopté une attitude menaçante, ce qui lui aurait fait penser à une attaque imminente sous la forme en particulier d'un coup de pied frontal. Le prévenu a soutenu avoir asséné la gifle du bout des doigts, au niveau du front et non sur la joue. Il a considéré qu'elle n'était pas forte, puisque le détenu ne s'était pas plaint, n'avait pas été blessé et n'était pas tombé. Il a attribué le mouvement de recul du prévenu à un mouvement naturel consécutif à une frappe au visage, que celle-ci soit ou non violente. Il a précisé que, s'il ne l'avait pas repoussé par le torse, geste pourtant enseigné aux aspirants-policiers en cas d'attaque, c'était parce que ce geste aurait été dangereux dans une cellule en raison des bancs en béton déposés au fond du local, sur lesquels le détenu aurait pu se blesser.
6. Déliés du secret de fonction, plusieurs collègues du prévenu ont été entendus durant l'enquête.
Le sergent-major [...] a ainsi fait savoir que, le 30 octobre 2011, il avait pris son service avec le prévenu. Il a indiqué qu'il s'était rendu vers la cellule en compagnie de son collègue. Il a notamment relevé ce qui suit : "Cet homme (le détenu, réd.) ne se calmait pas vraiment. Il continuait à se taper la tête. A ce moment une gifle est malencontreusement partie. Vous me demandez de préciser pourquoi j'utilise le terme malencontreusement. Je vous réponds que c'est un geste qui n'aurait peut-être pas dû être fait. Vous me demandez de préciser encore ma réponse. Je vous dit qu'on aurait pu maîtriser la situation d'une autre manière. A ce moment, la personne n'était pas encore venue contre nous" (PV aud. 2, p. 2, lignes 34-39). Il a toutefois ajouté ce qui suit : "(...) je pense que s'il n'y avait pas eu cette gifle, nous aurions finalement dû nous battre avec cet homme tant il était agité. Il est vrai que j'ai dit que l'homme ne nous était pas encore venu contre au moment de la gifle. Justement, j'ai dit "pas encore" mais pour moi il est certain qu'il allait le faire de façon imminente" (ibid., p. 2, lignes 71-72 et p. 3, lignes 73-75).
Le premier lieutenant [...] a expliqué avoir vu, sur les écrans de surveillance, le prévenu entrer dans la cellule de maintien et asséner une gifle au détenu. Le témoin a "immédiatement réagi, relevant qu’on ne (pouvait) pas faire ça comme ça" (PV aud. 3, p. 2, ligne 34). Il a également précisé que les policiers étaient au nombre de sept dans le bureau au moment de la gifle et qu’ils en avaient tous été très surpris, ce d’autant que le prévenu venait d’arriver dix minutes auparavant et que le détenu était sur le point de partir à la police de sûreté pour la suite des opérations. Le témoin a encore relevé qu’un tel geste pouvait parfois s’expliquer dans des circonstances particulières, mais qu’à son sens, les agents n’étaient pas, à ce moment, dans un cadre de circonstances particulières qui pouvaient justifier un tel geste (PV aud. 3, p. 2, lignes 43 à 51).
L'adjudant [...] a aussi fait savoir que, le jour en question, il avait pris son service avec le prévenu, dont il était le supérieur hiérarchique. Il a relevé a relevé avoir vu l’appelant entrer dans le box, échanger quelques mots avec le détenu et lui administrer une gifle. Il n’a pas saisi les mots échangés, mais a entendu les éclats de voix (PV aud. 4, p. 2, lignes 36-39). Il a en outre vu la gifle sur l'écran de contrôle, geste qu'il a dit ne pouvoir cautionner de par sa position (ibid., p. 2, lignes 63-64). Il a toutefois manifesté sa pleine confiance envers le prévenu, avec lequel il travaille depuis deux ou trois ans. Il a ajouté qu'il n'avait jamais constaté que l'intéressé avait des gestes ou comportements inadéquats envers les personnes avec lesquelles il est en contact professionnellement (ibid., p. 3, lignes 91-93).
7. Appréciant les faits de la cause, le tribunal de police a considéré que la gifle n'avait pas été violente. Il n'a en revanche, au vu de l'enregistrement vidéo, pas retenu que le prévenu s'était senti menacé par le détenu. En particulier, aucune image ne permettait de retenir l'imminence d'un coup de pied frontal en direction du prévenu, vu l'attitude physique du détenu lors des faits. Le tribunal de police a également écarté l'argument du prévenu selon lequel le détenu était revenu vers la porte avant qu'il n'entre, dès lors que les images enregistrées montrent que l'individu était resté exactement au même endroit entre le moment où la porte de la cellule avait été entrouverte en dernier lieu et celui où le prévenu avait pénétré dans le local.
Qualifiant les faits, le tribunal de police a retenu que les éléments constitutifs, objectifs et subjectifs, de l'infraction d'abus d'autorité étaient réalisés en ce qui concerne la gifle assénée à W._.
Appréciant la culpabilité du prévenu, le tribunal de police l'a tenue pour légère. A charge a été retenue sa précédente condamnation. A décharge, il a été considéré que la gravité de sa faute était demeurée toute relative eu égard aux circonstances, s'agissant d'un délinquant particulièrement agité. Le premier juge a constaté qu'humainement, le comportement du prévenu apparaissait comme compréhensible, voire excusable, même s'il ne faisait aucun doute qu'il tombait bien sous le coup de la loi pénale. Il a également mentionné, à décharge, que les policiers doivent exercer dans des conditions délicates la mission ardue qui leur est dévolue et que la carrière du prévenu avait été jusqu'alors sans tâche. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délai légaux (art. 399 CPP) contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel est recevable.
2
2.1
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
2.2
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
3.1
L’appelant invoque une constatation incomplète et erronée des faits.
Aux termes de l’art. 10 CPP, le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l’intime conviction qu’il retire de l’ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l’état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
L’appréciation des preuves est l’acte par lequel le juge du fond évalue la valeur de persuasion des moyens de preuve à disposition et pondère ces différents moyens de preuve afin de parvenir à une conclusion sur la réalisation ou non des éléments de fait pertinents pour l’application du droit pénal matériel. Le serment, en particulier celui prêté pour l’exercice de leur fonction par les policiers, n’entraîne aucune conséquence particulière en matière d’appréciation des preuves. Cette dernière est dite libre, car le juge peut par exemple attribuer plus de crédit à un témoin, même prévenu dans la même affaire, dont la déclaration va dans un sens qu’à plusieurs témoins soutenant la thèse inverse; il peut fonder une condamnation sur un faisceau d’indices; en cas de versions contradictoires, il doit déterminer laquelle est la plus crédible. En d’autres termes, ce n’est ni le genre ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (cf. Verniory, dans : Roth/Moreillon [éd.], Commentaire romand, Bâle 2009, n. 34 ad art. 10 CPP, et les références jurisprudentielles citées).
3.2
L’appelant conteste les faits retenus au sujet de sa perception du comportement de W._. Il explique avoir réagi à une attitude menaçante du prénommé et reproche au premier juge de ne pas avoir retenu les explications du sergent-major [...] à ce sujet, alors qu’il s’agit pourtant du seul témoin direct de la scène. Il affirme également que, devant la menace, il ne pouvait ni reculer, ni esquisser un geste de protection, mais qu’il devait au contraire avoir un comportement d’affirmation et de prise en main de la situation.
Sur la base des enregistrements vidéo et des témoignages, on doit admettre, avec le premier juge, qu’il n’y a pas eu de menace d’attaque imminente du détenu et que la gifle infligée par l’appelant n’était absolument pas proportionnée aux circonstances. Sont déterminants les éléments suivants :
3.2.1
Le visionnement de l'enregistrement vidéo ne permet pas de conclure à une attitude menaçante de la part de W._, ni d’ailleurs à un comportement défensif de l’appelant. Bien plutôt, le comportement du détenu ne dénote en rien un danger particulier. Le fait de croiser les bras devant soi ne constitue à l’évidence pas un indice selon lequel un coup de pied va être porté; au contraire, une telle position n’assure pas l’équilibre suffisant pour pouvoir asséner un tel coup. L’appelant, quant à lui, ne paraît pas sur la défensive, ce dont témoigne le fait qu'il a les bras le long du corps dans une attitude qui semble ouverte. Par ailleurs, il avance dans la cellule pour asséner la gifle et ne recule pas dans un quelconque geste de défense; de plus, il n’était pas loin de la porte, son collègue était derrière lui et le détenu, de corpulence plutôt légère, était moins imposant que lui physiquement. Enfin, l'appelant, lorsqu'il a ouvert la porte de la cellule, n'a pas utilisé la possibilité de ne l'ouvrir que partiellement.
3.2.2
Par ailleurs, il s’est écoulé peu de temps entre l’arrivée de l’appelant au poste de police et l'acte incriminé; de plus, l’intéressé n’a demandé aucun renseignement à ses collègues sur le cas du détenu avant d’intervenir. Ainsi, entre le placement de W._ dans la cellule de maintien à 19 h 38 et l’arrivée sur les lieux du prévenu à 19 h 54, il ne s’est passé qu’un maximum de 15 minutes. Le détenu s’était certes frappé la tête contre les murs, mais à part l’un deux, tous ces gestes avaient eu lieu avant qu’il n’ait été sorti de sa cellule par des collègues de l’appelant, puis remis à l’intérieur du local sans problèmes particulier. Entre le dernier coup de tête que le détenu s’inflige contre la porte et l’ouverture de celle-ci par le prévenu, il ne s’est écoulé que cinq secondes, de sorte que l’appelant n’a pas pu voir ce coup à travers les écrans du fond PS. En outre, il s’est écoulé très peu de temps entre l’ouverture de la porte et la gifle.
3.2.3
Lors de son audition, [...] a certes déclaré que le détenu était menaçant et serrait les poings et que lui-même s’était senti personnellement menacé; il a toutefois également affirmé qu’une gifle était malencontreusement partie et que les agents auraient pu maîtriser la situation d’une autre manière (PV aud. 2). Il découle de cette déposition que la menace n’était pas si imminente que ce que peut soutenir l’appelant et qu’à l’évidence le détenu, même s'il était incontestablement agité, aurait pu être calmé par d’autres moyens.
3.2.4
La déposition de [...] est confirmée par celle de [...], dans la mesure où ce denier a expliqué que les sept agents présents dans le bureau au moment de la gifle – qu'ils avaient observée sur les écrans de contrôle – avaient été très surpris, ce d’autant que le prévenu venait d’arriver dix minutes auparavant et que W._ était sur le point de partir à la police de sûreté pour la suite des opérations. La déposition de [...] est d'autant plus favorable à l'accusation que son auteur a encore relevé qu’un tel geste pouvait parfois s’expliquer dans des circonstances particulières, mais qu’à son sens les agents n’étaient pas, à ce moment-là, dans un cadre de circonstances particulières qui pouvaient justifier un tel geste. Peu importe que le prévenu ait expliqué à son collègue [...] comment il avait vécu la situation ou pas.
3.2.5
Les dépositions qui précèdent sont étayées par celle de [...]. Ce témoin n'a constaté aucun geste agressif du détenu au préjudice du prévenu. Il a du reste d'emblée perçu le caractère malencontreux de la gifle, puisque, après ce geste, il a dit au prévenu qu’il n’acceptait pas cette manière de faire et que ce dernier s’était excusé en lui disant qu’il était sincèrement désolé. Cela étant, il est constant que le détenu continuait à s’agiter dans le box, à telle enseigne que [...] a ouvert la porte et, tout en restant sur le seuil, lui a fermement dit de se calmer. Il résulte de ce témoignage que, juste après les faits, l’appelant lui-même n’a pas cherché à se justifier par un éventuel comportement menaçant de W._ dirigé contre lui; il a au contraire reconnu son erreur, dès lors qu’il s’est excusé pour la gifle qu'il venait d'asséner.
3.3
Au regard de l’ensemble de ces éléments, on doit admettre qu’il n’y a pas eu de menace d’attaque imminente du détenu, que l’appelant ne pouvait se sentir menacé dans une mesure justifiant son geste et que la gifle assénée était disproportionnée au regard des circonstances.
Pour le reste, il n’est pas nécessaire d’examiner les autres griefs exposés par l’appelant, ceux-ci portant sur des faits qui ne sont pas pertinents ou qui ne sont pas de nature à mettre en doute l’appréciation exposée ci-dessus. Par identité de motif, il n'y a pas lieu de mettre en œuvre l'expertise requise par l'appelant, les faits déterminants étant établis.
4.
L’appelant conteste sa condamnation pour abus d’autorité. En bref, il soutient que son geste était proportionné, qu’il s’est senti menacé et que son geste a permis de calmer la situation. Il relève également qu’il n’y a pas eu de violation crasse des devoirs de service.
4.1
Sous la note marginale
abus d'autorité
, l'art. 312 CP dispose que les membres d'une autorité et les fonctionnaires qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, ou dans le dessein de nuire à autrui, auront abusé des pouvoirs de leur charge, seront punis d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire.
Cette disposition réprime l'emploi de pouvoirs officiels dans un but contraire à celui recherché. Elle protège, d'une part, l'intérêt de l'Etat à disposer de fonctionnaires loyaux qui utilisent les pouvoirs qui leur ont été conférés en ayant conscience de leur devoir et, d'autre part, l'intérêt des citoyens à ne pas être exposés à un déploiement de puissance étatique incontrôlé et arbitraire (ATF 127 IV 209 c. 1b p. 212).
La jurisprudence admet que l'auteur abuse de son autorité lorsqu'il use illicitement des pouvoirs qu'il détient de sa charge, c'est-à-dire lorsqu'il décide ou contraint en vertu de sa charge officielle dans un cas où il ne lui était pas permis de le faire (ATF 127 IV 209 c. 1a/aa p. 211; ATF 114 IV 41; ATF 113 IV 29 c. 1). L'infraction peut aussi être réalisée lorsque l'auteur poursuit un but légitime, mais recourt, pour l'atteindre, à des moyens disproportionnés (ATF 113 IV 29 c. 1; ATF 104 IV 22 c. 2 p. 23). On ne peut généralement limiter, en matière de violence physique ou de contrainte exercée par un fonctionnaire, le champ d'application de l'art. 312 CP aux cas où l'utilisation des pouvoirs officiels a pour but d'atteindre un objectif officiel. Ainsi, au moins en matière de violence et de contrainte exercées par un fonctionnaire, l'application de l'art. 312 CP dépend uniquement de savoir si l'auteur a utilisé ses pouvoirs spécifiques, s'il a commis l'acte qui lui est reproché sous le couvert de son activité officielle et s'il a ainsi violé les devoirs qui lui incombent. L'utilisation de la force ou de la contrainte doit apparaître comme l'exercice de la puissance qui échoit au fonctionnaire en vertu de sa position officielle (ATF 127 IV 209 c. 1b p. 213).
Du point de vue subjectif, l'infraction suppose un comportement intentionnel, au moins sous la forme du dol éventuel, ainsi qu'un dessein spécial, qui peut se présenter sous deux formes alternatives, soit le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, soit le dessein de nuire à autrui.
Conformément à l'art. 14 CP, quiconque agit comme la loi l'ordonne ou l'autorise se comporte de manière licite, même si l'acte est punissable en vertu de ce même code. La licéité de l'acte est, en tous les cas, subordonnée à la condition qu'il soit proportionné à son but (ATF 107 IV 84 c. 4 p. 86).
4.2.
En l’espèce, il n’est, à juste titre, pas contesté que l’appelant est un fonctionnaire au sens de l'art. 110 ch. 4 CP, ni qu'au moment des faits, il agissait dans le cadre de ses fonctions, en uniforme, et poursuivait un but relevant de sa fonction officielle.
L’appelant a assurément poursuivi un but légitime, à savoir calmer un détenu agité, mais a toutefois recouru, pour atteindre ce but, à un moyen disproportionné qui n'était en aucun cas justifié par l'exercice de la puissance publique. W._ était enfermé et détenu dans une cellule de maintien de l’hôtel de police. Il se trouvait donc sous la responsabilité des policiers. Au moment où l’appelant est entré dans la cellule, le détenu était en caleçon et avait croisé les bras sur son torse. L’appelant l’a giflé certes pour le calmer, mais surtout pour asseoir son autorité sur lui. Du reste, les moyens du prévenu ne sont pas exempts de quelque contradiction à cet égard. En effet, le seul fait que le détenu se soit livré à des actes auto-agressifs consistant à se taper le tête n'implique en lui-même aucun risque au préjudice d'autrui, puisqu'il s'agit de menaces différentes par nature, l'une ne découlant pas de l'autre. L'appelant n’a pu agir de la sorte que grâce à sa fonction officielle et à la faveur de sa position de puissance publique. Il en découle qu'il a recouru, pour atteindre le but légitime poursuivi, à un moyen disproportionné et non justifié par l'exercice de la puissance publique. Il a ainsi abusé des pouvoirs qui lui étaient dévolus en sa qualité de policier. Le comportement de l’appelant remplit dès lors les éléments constitutifs objectifs de l'art. 312 CP.
4.2.2
En agissant comme il l'a fait, l’appelant avait conscience de son statut de policier lors de l'acte incriminé. Il a, à tout le moins, accepté l'éventualité d'abuser des pouvoirs de sa charge. Il a agi dans le dessein de nuire au plaignant. En effet, la gifle ne s’explique pas pour d’autres motifs. Les éléments subjectifs de l’infraction sont par conséquent également réalisés.
4.2.3
En conclusion, on doit admettre que l’appelant s'est rendu coupable d’abus d’autorité au sens de l’art. 312 CP. Pour le reste, ni le genre ni la quotité de la peine ne prête le flanc à la critique.
5.
L'appelant succombant entièrement, les frais de la procédure d'appel doivent être mis à sa charge (art. 428 al. 1, 1
ère
phrase, CPP). Ces frais sont limités aux frais d'arrêt selon l'art. 424 CPP. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
372d2070-0172-451e-a0c1-cc3d7548a2ba | En fait :
A.
Par jugement du 2 avril 2012, le Tribunal de police de l’arrondissement de La Côte a constaté que K._ s'est rendu coupable de violation grave des règles de la circulation (I), condamné ce dernier à une peine pécuniaire de 50 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 100 fr. (II), révoqué le sursis accordé à l'intéressé le 5 novembre 2009 par le Juge d'instruction de Lausanne et ordonné l'exécution de la peine pécuniaire de 10 jours-amende à 30 fr. le jour-amende (III) et mis les frais de la procédure, arrêtés à 1'750 fr., à la charge de K._ (IV).
B.
Le 3 avril 2012, K._ a formé appel contre le jugement précité.
En date du 13 avril 2012, le Ministère public a formé appel contre le jugement précité.
Par déclaration d'appel du 30 avril 2012, K._ a conclu à la modification du jugement attaqué en ce sens qu'il est acquitté de toutes charges et infractions, que le sursis accordé le 5 novembre 2009 par le Juge d'instruction de l'arrondissement de Lausanne n'est pas révoqué et que les frais sont laissés à la charge de l'Etat.
Par déclaration d’appel motivée du 8 mai 2012, le Ministère public a conclu à la modification du chiffre II du jugement entrepris en ce sens que K._ est condamné à une peine pécuniaire de 50 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 500 fr., et à ce que les frais de la procédure d'appel soient mis à la charge de ce dernier.
Par courrier du 3 juillet 2012, le conseil du prévenu a demandé à ce que son client soit dispensé de comparution personnelle à l'audience d'appel et a indiqué qu'il représenterait ce dernier lors des débats d'appel. Cette dispense lui a été accordée par le Président de la Cour d'appel par courrier du 5 juillet 2012.
Par courrier du 20 juillet 2012, l’appelant a confirmé les conclusions de sa déclaration d’appel et les a motivées.
Lors de l'audience de la Cour d'appel pénale du 6 août 2012, les appelants ont confirmé leurs conclusions respectives.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Le prévenu K._, dit K._, est né le 20 décembre 1972 à Neuilly-sur-Seine en France, pays dont il est ressortissant. Arrivé en Suisse en 2009, il est titulaire d'un permis B. Il est marié à M._ dont il a trois enfants, tous à sa charge, étant précisé que son épouse ne travaille pas. Le prévenu est un joueur de poker professionnel, activité qui lui procure des gains réguliers et importants. Il joue au poker depuis le 30 septembre 2007 à tout le moins. Il est capitaine de la [...]. Il se trouve en déplacement à l'étranger la plupart du temps. Entre le 1
er
janvier 2010 et le 30 avril 2012, soit sur 28 mois, il a gagné un total de 782'000 fr., soit un revenu mensualisé d'environ 27'000 francs. Il possède en outre une fortune estimée à 300'000 francs. Il est propriétaire d'un appartement nouvellement acquis ainsi que d'une Ferrari et d'une Suzuki Vitara. Ses charges mensuelles essentielles comprennent, selon lui, un montant qu'il évalue à 3'500 fr. à titre d'intérêts hypothécaires et charges concernant l'appartement qu'il vient d'acquérir à Féchy, étant précisé qu'il ignore si ce montant comprend l'amortissement. Il a affirmé ne pas connaître le montant exact des primes d'assurance maladie pour toute la famille mais l'estime à 1'000 francs. Il a indiqué avoir une dette de 70'000 euros envers ses beaux-parents qui lui ont prêté de l'argent pour acheter son logement et environ 100'000 fr. d'arriéré de loyer pour son précédent appartement.
Le casier judiciaire de K._ mentionne une condamnation du 5 novembre 2009, par le Juge d'instruction de l'arrondissement de Lausanne, pour violation grave des règles de la circulation routière, à une peine pécuniaire de 10 jours-amende à 30 fr. le jour, avec sursis à l'exécution de la peine et délai d'épreuve 2 ans, ainsi qu'à une amende de 300 francs. Il résulte de cette décision qu'il lui était reproché d'avoir, le 3 juillet 2009 à 23h55, circulé en localité à 79 km/h, marge de sécurité déduite, alors que la vitesse était limitée à 50 km/h. Par ailleurs, son fichier ADMAS contient une inscription du 23 novembre 2009, concernant une interdiction de faire usage du permis étranger du 22 mai au 21 août 2010, pour vitesse excessive.
2.
Le 24 septembre 2010 vers 2h50, sur l'autoroute A1 entre les jonctions de Rolle et d'Aubonne, la Gendarme B._ et l'Adjudant C._, agents publics assermentés, se trouvaient sur l'aire de ravitaillement de La Côte, à bord de leur Skoda Octavia RS banalisée, lorsque leur attention a été attirée par le bruit d'un véhicule passant à très vive allure sur l'autoroute A1, en direction de Lausanne. Ils se sont aussitôt engagés sur cette artère en accélérant fortement. Peu après la jonction de Rolle, ils ont remarqué, à plusieurs centaines de mètres devant eux, sur la voie de gauche, les petits feux rouges du véhicule en question. Malgré le fait qu'ils roulaient à la vitesse maximale de leur véhicule, soit 240 km/h au compteur, ils n'ont pas réussi à le rattraper. Il y avait environ 800 mètres entre le véhicule du prévenu et celui des policiers. Puis, entre les jonctions de Rolle et Aubonne, ils ont dépassé deux usagers qui circulaient normalement et ont vu, à la hauteur du radar fixe situé sur la berme centrale peu après la jonction d'Aubonne, soit au km 51.300, le véhicule qu'ils poursuivaient, qui se trouvait seul sur la voie de gauche, freiner fortement. De ce fait, ils ont finalement pu le rattraper et l'intercepter 2 km plus loin, au terme de la place de repos de la Taillaz. Ils ont dès lors pu constater qu'il s'agissait d'une Ferrari et son conducteur a été identifié en la personne de K._.
L'infraction a été relevée entre le km 46 et le km 51. Les policiers ont en outre mis 5 kilomètres pour rattraper le prévenu, qui n'aurait pas pu être interpellé sans son freinage avant le radar situé à Aubonne. Par ailleurs, y a un radar fixe vers le kilomètre 47 qui ne s'est pas déclenché au passage du prévenu. Ceci s'explique par le fait que le radar en question était en révision au moment des faits.
Les données suivantes ont été relevées par les policiers, conformément aux directives fédérales, au moyen du compteur de vitesse équipant leur véhicule: vitesse maximale autorisée 120 km/h, vitesse mesurée sur 5'000 mètres – compteur – 240 km/h, vitesse réelle du véhicule suiveur (selon étalonnage officiel) 230 km/h, marge de sécurité à déduire 15% (selon OOCCR-OFROU) 35 km/h, vitesse prise en considération 195 km/h, dépassement de la vitesse prescrite 75 km/h.
La distance et les vitesses mentionnées s'entendent dès le plat Rolle-Aubonne.
En bref, K._ a circulé au volant de sa Ferrari à une vitesse de 195 km/h au moins, marge de sécurité déduite, pendant 5 km, alors que celle-ci est limitée à 120 km/h.
De plus, sur le tronçon en question, K._ a circulé tantôt en feux de route, tantôt en feux de croisement. De ce fait, son allure était inadaptée à la distance éclairée par ses feux et aux conditions de la circulation et cette allure nettement excessive ne lui aurait en aucun cas permis de remarquer un obstacle sur la chaussée et, partant, de l'éviter.
Le compteur du véhicule à bord duquel circulaient les dénonciateurs a fait l'objet d'un étalonnage le 27 septembre 2010. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 3 ad art. 399 CPP). La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
Interjetés dans les formes et délai légaux (cf. art. 399 CPP) contre le jugement d’un tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), les appels, suffisamment motivés au sens de l’art. 399 al. 3 et 4 CPP, sont recevables. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
I. Appel de K._
3.
Invoquant une violation du principe de la présomption d'innocence, l'appelant affirme qu'il n'a pas commis les faits qui lui sont reprochés, qu'il roulait en réalité à une vitesse d'environ 120 km/h.
En substance, il relève que la méthode utilisée par les gendarmes pour mesurer la vitesse du véhicule poursuivi n'est pas conforme aux instructions du DETEC. Il fait valoir qu'en circulant depuis Divonne-les-Bains, il n'a déclenché aucun des nombreux radars fixes qui jalonnent ce tronçon d'autoroute. Il souligne, par ailleurs, qu'il n'existe aucune preuve, par des moyens scientifiques, de la vitesse, soit de la distance parcourue dans un tel laps de temps. Il soutient que les faits prétendus tels qu'ils résultent des déclarations des dénonciateurs et sur lesquels s'est fondé le premier juge sont empreints de subjectivité et n'ont aucune valeur probante. Il expose encore, avec des calculs à l'appui, qu'il serait physiquement et mathématiquement impossible que les policiers l'aient eu en visuel pendant 12.4 km, la route ne le permettant pas. Il serait donc impossible d'affirmer que sa voiture serait celle que les policiers ont pris en chasse dès le départ de la "poursuite", ajoutant qu'il était impossible aux policiers de distinguer en pleine nuit sa voiture. Il relève encore que la distance entre le véhicule suivi et le véhicule suiveur serait trop grande pour pouvoir obtenir une mesure fiable.
3.1.
3.1.1.
La constatation des faits est incomplète lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, op. cit., n. 19 ad art. 398 CPP).
3.1.2.
Selon l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3). La présomption d'innocence, également garantie par les art. 14 par. 2 Pacte ONU, 6 par. 2 CEDH et 32 al. 1 Cst., ainsi que son corollaire, le principe in dubio pro reo, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.
En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie que toute personne prévenue d'une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu'il appartient à l'accusation de prouver la culpabilité de celle-là (TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1; ATF 127 I 38 c. 2a).
Comme principe présidant à l'appréciation des preuves, la présomption d'innocence est violée si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes (TF 6B_91/2011 du 26 avril 2011 c. 3.2). Des doutes abstraits ou théoriques, qui sont toujours possibles, ne suffisent pas à exclure une condamnation. Il doit s'agir au contraire de doutes sérieux et irrépressibles (ATF 127 I 38 c. 2a).
3.2.
L’appelant soutient d’abord que 200 mètres avant de passer devant les policiers, la vitesse de son véhicule était de 120 km/h au maximum. A l'appui de cette affirmation, il fait valoir qu'il existe en direction de Lausanne quatre radars identiques avant d'atteindre l'aire de La Côte et qu'il n'a été flashé par aucun d'eux.
L'argument de l'appelant n'est pas pertinent. En effet, peu importe la vitesse de son véhicule à ce moment-là, puisqu'il ne lui est rien reproché avant l'aire de La Côte. Au demeurant, en 200 mètres, une Ferrari peut déjà fortement accélérer.
3.3.
3.3.1.
L'appelant soutient qu'il est physiquement et mathématiquement impossible que les policiers l'aient eu en visuel pendant les 12,4 km qui séparent l'aire d'autoroute de La Côte et le lieu de l'arrestation. Il estime, en effet, que les policiers, en accélérant fortement, ont mis 30 à 40 secondes à sortir de l'aire d'autoroute de La Côte, et que leur véhicule a atteint les 120 km/h en 9,5 à 10 secondes. Ainsi, les policiers auraient eu 40 à 50 secondes de retard sur lui et se trouvaient dès lors à 1,333 kilomètres, voire à 1,666 kilomètres de son véhicule qui roulait à 120 km/h. Il soutient que s'il avait roulé à 240 km/h, comme les dénonciateurs le prétendent, il y aurait encore eu plus de distance, soit exactement le double (2,666 km ou même 3,332 km), qui aurait séparé son véhicule et celui des policiers. Il relève qu'il est donc impossible d'affirmer que sa voiture était celle que les policiers ont poursuivie dès le départ comme le retient le jugement attaqué. Il allègue donc que les déclarations des dénonciateurs ne sont pas crédibles.
3.3.2.
3.3.2.1.
S'agissant du temps qu'ont mis les policiers pour sortir de l'aire d'autoroute de La Côte, le temps allégué par l'appelant, soit 30 à 40 secondes, est manifestement exagéré. En effet, les dénonciateurs se trouvaient dans leur voiture en observation (P. 4), sur leurs gardes, guettant des infractions à la LCR et n'étaient donc pas stationnés pour faire une pause, par exemple. Partant, 10 secondes étaient largement suffisantes pour que les policiers sortent de l'aire d'autoroute.
3.3.2.2.
Ainsi que l'appelant le soutient, il est admis que la voiture de police a mis 9,5 à 10 secondes pour atteindre 120 km/h.
3.3.2.3.
Les calculs opérés par l'appelant, s'agissant de la distance séparant le véhicule des policiers du sien, ne sont pas crédibles. En effet, le prévenu additionne le temps de sortie de l'aire d'autoroute, soit 30 à 40 secondes selon ses dires, avec le temps de nécessaire pour atteindre 120 km/h, soit 10 secondes. Ce calcul est erroné, car les policiers ont fortement accéléré tout en sortant de l'aire d'autoroute, et ne sont pas repartis de 0 km/h une fois sortis de ladite aire. Ainsi, c'est en 10 secondes que les policiers ont atteint les 120 km/h et on peut raisonnablement estimer qu'il leur a fallu au maximum 10 autres secondes pour atteindre la vitesse de 195 km/h, soit en tout 20 secondes. Seule la vitesse de 195 km/h et non 120 km/h est à prendre en compte dans les calculs, étant donné qu'elle est la vitesse la plus favorable pour estimer la distance la plus longue entre les deux véhicules. Dès lors, en prenant la vitesse du véhicule poursuivi à 195 km/h, on constate que celui-ci a parcouru 1 km durant les 20 secondes que le véhicule des policiers a pris pour atteindre la même vitesse (195 km/h multiplié par 20 secondes, le tout divisé par 3'600 secondes). Quant au véhicule des policiers, il a parcouru, pour atteindre la vitesse de 195 km/h en 20 secondes, 500 mètres (97,5 km/h multiplié par 20 secondes, le tout divisé par 3'600 secondes). En effet, la vitesse moyenne de ce véhicule sur 20 secondes est la moitié de 195 km/h schématiquement, soit 97,5 km/h. Il en résulte que la distance séparant les deux véhicules était de l'ordre de 500 mètres. Même si on estime que le véhicule de police a mis 30 secondes pour atteindre la vitesse de 195 km/h et non 20 secondes, la distance séparant les deux véhicules était de l'ordre de 800 mètres (97,5 km/h multiplié par 30 secondes, le tout divisé par 3'600 secondes). Les policiers ont eux-mêmes estimés cette distance à 800 mètres (PV aud. 2). Ce calcul schématique démontre, contrairement à ce que soutient l'appelant, que les policiers sont crédibles lorsqu'ils affirment qu'il n'est pas possible qu'ils aient confondus la voiture du prévenu avec un autre véhicule (PV aud. 2 et 3) et qu'ils voyaient les feux arrières rouges du véhicule poursuivi.
3.3.2.4.
Il convient d'ajouter, comme l'a retenu le premier juge, qu'il importe peu que les dénonciateurs n'aient pas pu identifier le véhicule entendu alors qu'ils se trouvaient sur l'aire de ravitaillement de La Côte. En effet, indépendamment de cela, il résulte de leurs déclarations que dès le replat suivant la jonction de Rolle, ils avaient eu à vue, certes à plusieurs centaines de mètres, des petits feux rouges qui étaient ceux du véhicule qu'ils avaient finalement rattrapé et identifié, lors de l'interception, comme étant celui de K._, étant encore précisé qu'ils n'avaient pas pu le confondre avec un autre, n'ayant dépassé que deux voitures circulant normalement lors de la poursuite. De plus, lors de son audition par le Procureur, le prévenu a d'ailleurs déclaré que "je précise également qu'il n'y avait personne d'autre sur la route" et concédé que "il est vrai que par conséquent, la police n'a pas pu me confondre avec un autre véhicule" (PV aud. 1).
3.4.
L'appelant soutient encore que le lieu de l'interpellation, soit l'aire de la Taillaz, se situe à 2,4 km d'un autre radar se trouvant peu après la jonction de Rolle sur le trajet entre l'aire d'autoroute de La Côte et l'aire de la Taillaz. N'ayant pas été flashé par ce radar, il affirme que cela démontre qu'il roulait à 120 km/h. Il fait valoir, calculs à l'appui, que s'il avait réellement roulé à 240 km/h, la voiture de police aurait eu au moins 1 minute 30 de retard sur lui et les policiers n'auraient pas pu le rattraper 2,4 km après le radar précité. Il allègue, qu'en réalité, il a dépassé l'aire d'autoroute de la Côte et roulé à la vitesse constante de 120 km/h.
Comme il l'a été démontré ci-dessus (c. 3.3.2), les hypothèses de calculs de l'appelant sont erronées et donc vaines. En effet, le prévenu a pu être rattrapé car il a freiné à la hauteur du radar fixe situé sur la berme centrale peu après le jonction d'Aubonne, soit au km 51.300, raison également pour laquelle il n'a pas été flashé par ce radar. De plus, il a été établi que le radar fixe vers le kilomètre 47, sis après la jonction de Rolle, qui ne s'est pas déclenché au passage du prévenu, était en réalité en révision au moment des faits et ne fonctionnait dès lors pas.
3.5.
L'appelant allègue finalement que la méthode utilisée par les gendarmes pour mesurer la vitesse du véhicule poursuivi n'est pas conforme aux instructions du DETEC et qu'il n'existe aucune preuve, par des moyens scientifiques fiables, de sa vitesse au moment des faits.
3.5.1.
Selon la jurisprudence, les Instructions techniques, comme celles concernant les contrôles de vitesse émises le 22 mai 2008 par l'Office fédéral des routes, constituent de simples recommandations qui n'ont pas force de loi et ne lient pas le juge. Le juge pénal n'est donc en principe pas restreint dans son pouvoir de libre appréciation des preuves et peut, sur la base d'une appréciation non arbitraire de l'ensemble des éléments à sa disposition, parvenir à la conclusion que le prévenu a circulé à une vitesse supérieure à celle autorisée alors même qu'elle n'aurait pas été mesurée selon les recommandations émises dans ces instructions (TF 6B_763/2011 du 22 mars 2012 c. 1.4; TF 6B_863/2010 17 janvier 2011 c. 2.2). Les Instructions techniques réservent du reste la libre appréciation des preuves par les tribunaux (cf. ch. 13 in fine; cf. également le ch. 21).
En outre, le Tribunal fédéral a eu l'occasion de juger qu'il était conforme à la maxime in dubio pro reo de retenir l'existence d'un excès de vitesse sur la base du seul témoignage de policiers embarqués dans un véhicule suiveur démuni de tout moyen technique de contrôle et/ou d'enregistrement, moyennant une déduction substantielle, afin de tenir compte de l'imprécision liée à la méthode utilisée. Plus précisément, il a été jugé qu'une marge de 15 % permettait de tenir compte de manière plus que généreuse des potentielles erreurs de mesure dans un cas où un excès de vitesse avait été constaté sur la base du témoignage de policiers se fondant sur la lecture du compteur de vitesse de leur véhicule (TF
6B_863/2010 du 17 janvier 2011 c. 2.2).
3.5.2.
À l'instar du premier juge, la Cour d'appel considère qu'il n'y a aucune raison de mettre en doute la parole et les déclarations concordantes des dénonciateurs, agents publics assermentés, aucun élément ne permettant d'affecter leur crédibilité. Ainsi, au regard des déclarations des dénonciateurs et des constatations que ceux-ci ont faites sur la base de la lecture de leur compteur de vitesse, la Cour de céans est convaincue que les faits se sont déroulés tels qu'ils les ont décrits et que le prévenu a commis l'excès de vitesse qui lui est reproché. Qu'aucune mesure précise n'ait pu être établie n'y change rien puisque, comme précédemment exposé, la jurisprudence n'exige pas qu'un excès de vitesse soit prouvé par des moyens techniques et scientifiques, le juge pouvant forger sa conviction sur la seule base des témoignages des policiers se fondant sur la lecture de leur compteur de vitesse. Les déclarations des policiers qui, bien que roulant à la vitesse maximale de leur véhicule, soit 240 km/h, ne pouvaient pas rattraper le véhicule qu'ils suivaient, permettent de retenir une vitesse de l'ordre de 195 km/h – qui tient compte d'une marge de 15 % inhérente à l'imprécision de la méthode utilisée –, soit largement supérieure à celle de 120 km/h autorisée sur le tronçon en question. Par surabondance, on peut relever que le prévenu, en réponse aux policiers qui lui disaient qu'il s'était fait plaisir, a répondu "vous aussi" (PV aud. 2, p. 2), anecdote qui respire le vécu.
4.
En vertu de l'art. 90 ch. 2 LCR, celui qui, par une violation grave d’une règle de la circulation, aura créé un sérieux danger pour la sécurité d’autrui ou en aura pris le risque, sera puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire.
4.1.
Selon une jurisprudence constante, le seuil de gravité en matière d'infraction à la circulation routière (art. 90 ch. 2 LCR) est considéré comme atteint en cas de dépassement de la vitesse égal ou supérieur à 35 km/h quand la vitesse est limitée à 120 km/h sur les autoroutes (TF 6B_763/2011 du 22 mars 2012 c. 1.4; ATF 132 II 234 c. 3.2).
4.2.
En l'espèce, il est établi que l'appelant a roulé à une vitesse de 195 km/h, marge de sécurité déduite, au lieu des 120 km/h prescrits par l'art. 4a al. 1 let. d OCR. En ayant dépassé la vitesse autorisée de 75 km/h sur une autoroute, K._ s'est bien rendu coupable d'une infraction grave aux règles de la circulation routière au sens de l'art. 90 ch. 2 LCR. En outre, en roulant à une telle vitesse, par ailleurs de nuit, il n'aurait pas pu s'arrêter sur la distance visible, de sorte qu'il convient également de retenir une violation des art. 32 al. 1 LCR et 4 al. 1 OCR.
5.
Pour fixer le nombre de jours-amende, le juge se fonde sur la culpabilité de l'auteur (art. 34 al. 1 CP). Pour ce faire, il se référera aux critères posés à l'
art. 47 CP
. Il tiendra compte des antécédents et de la situation personnelle de l'auteur ainsi que de l'effet de la peine sur l'avenir de celui-ci (art. 47 al. 1 CP). L'alinéa 2 de cette disposition énumère une série de critères à prendre en considération pour déterminer la culpabilité (TF 6B_1/2012 du 18 avril 2012 c. 2.1.1; cf. ATF 134 IV 17 c. 2.1). Le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation pour fixer la peine. Il y a toutefois violation du droit fédéral lorsqu'il sort du cadre légal, se fonde sur des critères étrangers à l'
art. 47 CP
, omet de prendre en considération des éléments d'appréciation prévus par cette disposition ou, enfin, si la peine qu'il prononce est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d'appréciation (ibidem).
En l'espèce, s'agissant de la peine, il faut tenir compte des antécédents de l'appelant, qui a déjà été condamné le 5 novembre 2009 par le Juge d'instruction de l'arrondissement de Lausanne, pour violation grave des règles de la circulation routière, à une peine pécuniaire de 10 jours-amende à 30 fr. le jour, avec sursis pendant 2 ans, ainsi qu'à une amende de 300 francs. Il résulte de cette décision qu'il lui était reproché d'avoir, le 3 juillet 2009 à 23h55, circulé en localité à 79 km/h, marge de sécurité déduite, alors que la vitesse était limitée à 50 km/h. Il faut relever que cette condamnation ne l’a pas empêché de réitérer la même activité délictueuse pendant le délai d'épreuve fixé à 2 ans. Par ailleurs, le comportement de K._ lors de la procédure doit également être pris en considération. Ce dernier n'a pas démontré de prise de conscience de la gravité de ses actes, ni ne s'est remis en cause.
L'ensemble de ce qui précède a été pris en compte par le premier juge. Il ne s'est pas fondé sur des critères étrangers aux art. 34 et 47 CP et n'est pas sorti du cadre légal en fixant une peine pécuniaire de 50 jours-amende. La quotité de la peine infligée est adéquate au regard de l'infraction commise et de la culpabilité de l'appelant. Elle sera donc confirmée. La question du sursis sera traitée sous chiffre 6 ci-dessous. S'agissant du montant du jour-amende, il sera examiné ci-après, avec l'appel interjeté par le Ministère public.
6.
L'appelant conclut finalement à ce que le sursis accordé le 5 novembre 2009 par le Juge d'instruction de l'arrondissement de Lausanne ne soit pas révoqué.
6.1.
En vertu de l'
art. 46 CP
, si, durant le délai d'épreuve, le condamné commet un crime ou un délit et qu'il y a dès lors lieu de prévoir qu'il commettra de nouvelles infractions, le juge révoque le sursis ou le sursis partiel. Il peut modifier le genre de la peine révoquée pour fixer, avec la nouvelle peine, une peine d'ensemble conformément à l'art. 49 CP. Il ne peut toutefois prononcer une peine privative de liberté ferme que si la peine d'ensemble atteint une durée de six mois au moins ou si les conditions prévues à l'art. 41 sont remplies (al. 1). S'il n'y a pas lieu de prévoir que le condamné commettra de nouvelles infractions, le juge renonce à ordonner la révocation. Il peut adresser au condamné un avertissement et prolonger le délai d'épreuve de la moitié au plus de la durée fixée dans le jugement. Il peut ordonner une assistance de probation et imposer des règles de conduite pour le délai d'épreuve ainsi prolongé. Si la prolongation intervient après l'expiration du délai d'épreuve, elle court dès le jour où elle est ordonnée (al. 2).
La commission d'un crime ou d'un délit durant le délai d'épreuve n'entraîne pas nécessairement une révocation du sursis. Seul un pronostic défavorable quant au comportement futur du condamné peut justifier la révocation. Cette condition correspond à l'une des conditions d'octroi du sursis, de sorte que, comme dans ce dernier cas, le pronostic à émettre doit reposer sur une appréciation d'ensemble de tous les éléments pertinents du cas d'espèce, parmi lesquels les circonstances de l'acte, les antécédents et la réputation de l'auteur ainsi que les autres éléments permettant de tirer des conclusions quant au caractère, à l'état d'esprit et aux perspectives d'amendement du condamné, de même que la situation personnelle de ce dernier jusqu'au moment du jugement (TF 6B_855/2010 du 7 avril 2011 c. 2.1; ATF 134 IV 140 c. 4.3; ATF 134 IV 60 c. 7.2). A défaut d'un pronostic défavorable, le juge doit renoncer à celle-ci. Autrement dit, la révocation ne peut être prononcée que si la nouvelle infraction laisse entrevoir une réduction sensible des perspectives de succès de la mise à l'épreuve (TF 6B_163/2011 du 24 novembre 2011 c. 3.2; ATF 134 IV 140 c. 4.2 et 4.3). Dans l'appréciation des perspectives d'amendement à laquelle il doit procéder pour décider de la révocation d'un sursis antérieur, le juge doit tenir compte des effets prévisibles de l'octroi ou non du sursis à la nouvelle peine. Il peut parvenir à la conclusion que l'exécution, le cas échéant, de la nouvelle peine aura un effet dissuasif suffisant, justifiant de renoncer à la révocation du sursis antérieur. L'inverse est également admissible: si le sursis précédent est révoqué, l'exécution de la peine qui en était assortie peut conduire à nier l'existence d'un pronostic défavorable pour la nouvelle peine et, partant, à assortir cette dernière du sursis (TF 6B_458/2011 du 13 décembre 2011 c. 4.1; ATF 134 IV 140 c. 4.5).
6.2.
En l'espèce, la nouvelle infraction a été commise pendant le délai d'épreuve fixé par l'ordonnance de condamnation rendue le 5 novembre 2009 par le Juge d'instruction de l'arrondissement de Lausanne, de surcroît peu de temps après, à nouveau pour une violation grave des règles de la circulation routière, soit pour un excès de vitesse. Force est dès lors de constater que la précédente condamnation n’a pas eu l’effet escompté. Le comportement de l’appelant lors de la procédure doit également être pris en considération. On constate qu'il n'a pas pris conscience de la gravité de ses actes. L'ensemble de ces éléments fonde un pronostic indubitablement défavorable. Dans ces conditions, l'autorité de première instance n'a pas violé l'art. 46 CP en révoquant le sursis accordé précédemment.
De plus, l'exécution de la peine antérieure de 10 jours-amende à 30 fr. ne permet pas de nier l'existence d'un pronostic défavorable pour la nouvelle peine et, partant, à assortir cette dernière du sursis. En effet, l'exécution de la peine antérieure n'aura pas un effet dissuasif suffisant compte tenu du fait qu'il ne s'agit que d'une peine pécuniaire et que la quotité du jour-amende ainsi que son montant sont peu élevés au vu des revenus et de la fortune de l'appelant. La peine ferme prononcée à l'encontre de ce dernier par le premier juge est dès lors justifiée et doit être confirmée.
7.
En conclusion, l'appel de K._, mal fondé, doit être rejeté.
II. Appel du Ministère public
8.
Le Ministère public a conclu à la modification du chiffre II du jugement entrepris en ce sens que le montant du jour-amende est fixé à 500 fr. en lieu et place des 100 fr. prévu dans le jugement de première instance. Il soutient que le prévenu, qui a refusé de renseigner valablement la justice sur sa situation financière, est un joueur de poker professionnel qui gagne bien sa vie.
8.1.
En vertu de l'art. 34 al. 2 CP, le jour-amende est de 3000 fr. au plus. Le juge en fixe le montant selon la situation personnelle et économique de l’auteur au moment du jugement, notamment en tenant compte de son revenu et de sa fortune, de son mode de vie, de ses obligations d’assistance, en particulier familiales, et du minimum vital.
Le Tribunal fédéral a déduit du principe du revenu net et des critères légaux les règles suivantes pour la détermination de la quotité du jour-amende (cf. ATF 134 IV 60 c. 6). Le montant du jour-amende doit être fixé en partant du revenu que l'auteur réalise en moyenne quotidiennement, quelle qu'en soit la source, car c'est la capacité économique réelle de fournir une prestation qui est déterminante. Constituent des revenus, outre ceux d'une activité lucrative dépendante ou indépendante, notamment les revenus d'une exploitation industrielle, agricole ou forestière, ainsi que les revenus de la fortune (loyers et fermages, intérêt du capital, dividendes, etc.), les contributions d'entretien de droit public ou privé, les prestations d'aide sociale ainsi que les revenus en nature. Si les revenus fluctuent fortement, il est nécessaire de se référer à une moyenne représentative des dernières années, sans que cela remette en cause le principe selon lequel la situation déterminante est celle existant au moment où statue le juge du fait (art. 34 al. 2 deuxième phrase CP).
Ce qui est dû en vertu de la loi ou ce dont l'auteur ne jouit pas économiquement doit en être soustrait. Il en va ainsi des impôts courants, des cotisations à l'assurance-maladie et accidents obligatoire, ou encore des frais nécessaires d'acquisition du revenu, respectivement pour les indépendants, des frais justifiés par l'usage de la branche. Le principe du revenu net exige que seul le disponible excédant les frais d'acquisition du revenu soit pris en considération, dans les limites de l'abus de droit (TF 6B_845/2009 du 11 janvier 2010 c. 1.1.1). D'autres charges financières ne peuvent être prises en compte que dans le cadre de la situation personnelle. Des engagements plus importants de l'auteur, préexistants et indépendants des faits (p. ex. des paiements par acomptes pour des biens de consommation), n'entrent en principe pas en ligne de compte. En règle générale, les intérêts hypothécaires et les frais de logement ne peuvent pas être déduits.
La loi mentionne encore la fortune comme critère d'évaluation. Il s'agit de la substance même du patrimoine, les fruits de ce dernier constituant déjà des revenus. Cette dernière ne doit être prise en compte qu'à titre subsidiaire pour fixer la quotité du jour-amende, lorsque la situation patrimoniale, particulière, contraste avec un revenu comparativement faible. En d'autres termes, elle demeure significative lorsque l'auteur vit de toute façon de la substance même de sa fortune. Cette dernière constitue un élément pertinent dans la mesure où l'auteur en tire sa subsistance quotidienne (TF 6B_845/2009 du 11 janvier 2010 c. 1.1.2).
Le critère du niveau de vie fournit un argument supplémentaire, lorsque la situation sur le plan des revenus doit être évaluée parce qu'elle ne peut être établie avec exactitude ou que l'auteur ne fournit que des informations insuffisantes ou imprécises. Une augmentation de la quotité du jour-amende est alors justifiée lorsqu'un train de vie ostensiblement élevé contraste avec des revenus significativement bas (TF 6B_845/2009 du 11 janvier 2010 c. 1.1.3).
Au vu de la latitude de jugement laissée au juge dans la détermination du montant du jour-amende, il peut retenir des estimations et des pourcentages simplifiés, à la condition que l'établissement des faits se révèle d'une difficulté excessive (Dupuis et alii, Petit commentaire, Code pénal, Bâle 2012, n. 30 ad art. 34 CP).
8.2.
Le prévenu n'est certes pas tenu de collaborer à la recherche de la vérité, notamment pour parvenir à un jugement de culpabilité. La CEDH n'interdit cependant pas d'exiger de la personne poursuivie de collaborer avec l'autorité de poursuite, dans la mesure où cette obligation ne tend pas à l'auto-incrimination. Cette exigence de collaboration est admise en particulier pour donner des renseignements au sujet des faits dont l'accusé se prévaut (Piquerez/Macaluso, Procédure pénale suisse, 3
ème
éd., 2011, n. 563).
8.3.
8.3.1.
En l'espèce, le prévenu a refusé d'exposer sa situation financière aux autorités pénales (cf. P. 5, 10, 19-22, 24, 25 et 34).
Lors de son audition du 19 janvier 2011 (PV aud. 1), le prévenu a indiqué être sans emploi, ne percevoir aucun revenu et vivre sur sa fortune. Il a précisé qu'il s'était installé en Suisse en 2009 avec une fortune personnelle de 1,5 millions, qui s'élevait actuellement à 300'000 francs. Il a déclaré que son épouse ne travaille pas et qu'il a trois enfants en bas âge à sa charge.
Lors de l'audience des débats de première instance (jgt, pp. 6-7), le prévenu a indiqué qu'il ne se considérait pas comme un joueur de poker professionnel et qu'il s'agissait, au contraire, d'un loisir déficitaire. Il a exposé perdre environ 100'000 fr. par an avec cette activité. A cet égard, il a exposé que les gains ressortant du site internet "[...]" (cf. P. 26 et 35) ne seraient pas significatifs et que leur prise en considération résulterait d'une confusion entre chiffre d'affaires et bénéfice. Il a déclaré que son épouse et lui-même vivaient sur ce qu'il lui restait de fortune, à savoir un montant de 300'000 francs. Il a également expliqué qu'il était propriétaire d'un appartement qu'il venait d'acheter ainsi que d'une Ferrari et d'une Suzuki Vitara. Ses charges mensuelles essentielles comprendraient un montant qu'il évalue à 3'500 fr. à titre d'intérêts hypothécaires et charges concernant l'appartement qu'il vient d'acquérir à Féchy, étant précisé qu'il ignore si ce montant comprend l'amortissement. Il a affirmé ne pas connaître le montant exact des primes d'assurance maladie pour toute la famille mais l'estime à 1'000 francs. Il a indiqué avoir une dette de 70'000 euros envers ses beaux-parents qui lui ont prêté de l'argent pour acheter son logement et environ 100'000 fr. d'arriéré de loyer pour son précédent appartement.
Les recherches fiscales entamées par le procureur afin d'établir la situation financière du prévenu ont été vaines, l'administration cantonale des impôts lui ayant indiqué que le prévenu n'avait pas donné de références s'agissant d'un éventuel employeur et qu'il était inconnu de leur service.
8.3.2.
Le prévenu, se prévalant du fait qu'il occupe un loisir déficitaire et vit sur sa fortune, aurait dès lors établir sa situation financière. Ne l'ayant pas fait, une estimation de ses revenus et de ses charges est possible afin de déterminer la valeur du jour-amende.
Contrairement à ce que soutient le prévenu, il ressort du site "[...]" (cf. P. 26 et 35 et P. 4 du bordereau d'appel du Ministère public), qu'il est un joueur de poker professionnel. Il joue au poker depuis le 30 septembre 2007 à tout le moins et ses gains sont réguliers et importants. Il est même capitaine de la [...]. De plus, le conseil du prévenu s'est lui-même prévalu, dans son courrier du 3 juillet 2012 demandant sa dispense de comparution personnelle à l'audience d'appel, du fait que son client est un jouer de poker professionnel. A l'appui de sa requête, il a également expliqué que son client se trouvait à Las Vegas depuis plusieurs semaines avec sa famille et pour plusieurs semaines encore, participant à divers tournois. Le conseil du prévenu a également affirmé que, d'une manière générale, son client se trouvait en déplacement à l'étranger la plupart du temps. Par ailleurs, le niveau de vie fournit un indice supplémentaire. En effet, le prévenu possède un appartement ainsi que deux voitures, dont une Ferrari. De plus, un voyage de plusieurs semaines avec sa famille à Las Vegas démontre qu'il tire des revenus importants de son activité.
En 2010 (P. 26 et 35), il a gagné la somme totale d'environ 403'000 fr., soit 168'753 euros (correspondant à 12'557 euros + 125'846 euros + 15'000 euros + 2'850 euros + 12'500 euros) additionné à 223'459 dollars. Le taux de change étant de 1 fr. 20 pour 1 euros et de 90 centimes pour 1 dollar, cela donne environ 202'000 fr. additionné à environ 201'000 francs.
En 2011 (P. 26 et 35), il a touché la somme totale de 284'000 fr., soit 54'730 euros (3'000 euros + 16'000 euros + 33'330 euros + 2'400 euros), correspondant à 65'676 fr., et 242'636 dollars, correspondant à 218'372 francs.
En 2012, au 23 avril 2012 (P. 4 du bordereau d'appel du Ministère public), il a déjà gagné 79'930 euros (8'300 euros + 2'470 euros + 21'160 euros + 9'500 euros + 18'500 euros + 20'000 euros), soit environ 95'000 francs.
Ainsi, entre le 1
er
janvier 2010 et le 30 avril 2012, soit sur 28 mois, on peut estimé que le prévenu a gagné un total d'environ 782'000 fr., soit un revenu mensualisé d'environ 27'000 francs.
Il ressort de ce qui précède que, contrairement à ce que soutient le prévenu et le premier juge, K._ est un joueur de poker professionnel et son activité lui procure des gains réguliers et importants. Si ces gains ne correspondent pas aux revenus du prévenu, il appartenait à ce dernier de le démontrer.
Quant aux charges du prévenu, et conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral précitée, il convient de retenir des charges mensuelles de 12'000 francs. Cette somme correspond à 3'100 fr. de montant de base du minimum vital, plus 1'000 fr. pour la prime d'assurance maladie du prévenu et de sa famille et à 8'000 fr. pour ses impôts éventuels et ses frais professionnels, montant estimé largement.
Par conséquent, le prévenu a un disponible de 15'000 fr. par mois, soit 27'000 fr. de revenu moins 12'000 fr. de charges. En divisant 15'000 fr. par 30 jours, on obtient la quotité du jour-amende qui s'élève à 500 fr. le jour.
Cette quotité se justifie également au regard de la fortune et du train de vie du prévenu.
8.4.
En conclusion, l'appel du Ministère public, bien fondé, doit être admis et le prévenu condamné à une peine pécuniaire de 50 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 500 francs.
9.
En définitive, l’appel de K._ doit être rejeté. L'appel du Ministère public est, quant à lui, admis en ce sens que le prévenu est condamné à une peine pécuniaire de 50 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 500 francs. Le jugement est confirmé pour le surplus.
Vu l'issue de la cause, les frais de la procédure d'appel doivent être mis à la charge de K._ (art. 428 al. 1 CPP) qui comprennent l'émolument de 2'790 fr. (art. 422 CPP; art. 21 al. 1 et 2 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1]). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
373c3ac6-fa08-4e8a-999e-146a10b05391 | En fait :
A.
Par jugement du 1
er
juin 2011, le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne a, notamment, libéré A.S._ de l’infraction de violation d’une obligation d’entretien (I), l'a condamné pour abus de confiance et escroquerie, à une peine pécuniaire de 90 jours-amende, peine partiellement complémentaire à celle prononcée le 30 janvier 2008, le montant du jour-amende étant fixé à 10 fr. (II), révoqué le sursis octroyé à A.S._ le 30 janvier 2008 et ordonné l’exécution de la peine octroyée (V), pris acte des engagements pris par A.S._ à l’égard d'Y._ (VI), donné acte de ses réserves civiles à T._ (VII) et mis les frais par 1'532 fr. 60 à la charge de A.S._, dont une partie de l’indemnité d’office de son conseil, le solde étant laissé à la charge de l’Etat (VIII).
B.
Les faits retenus sont les suivants :
1.1 A.S._, né en 1949, veuf de feu B.S._, a exercé divers métiers dont celui de chauffeur de car. Il a dû abandonner cette activité à la suite d'un accident subi en 2008, lequel a donné lieu au versement d'indemnités journalières de la SUVA. Ces prestations constituent aujourd'hui son seul revenu et l'assuré est dans l'attente d'une décision de l'AI.
Son casier judiciaire comporte une inscription, relative à une condamnation à une peine pécuniaire de 60 jours-amende avec sursis et délai d'épreuve de deux ans, ainsi qu'à une peine d'amende de 300 fr., prononcées le 30 janvier 2008 par l’arrondissement judiciaire I Courtelary-Moutier-La Neuveville pour vol, escroquerie et violation d'une obligation d'entretien en concours.
1.2 Le 24 octobre 2006, B.S._ a acheté un véhicule automobile auprès du garage exploité par T._. Elle est entrée en possession de la chose vendue. Un acompte de 9'000 fr. a été versé, le solde du prix étant payable plus tard, une fois que l'acheteuse aurait, selon ses dires, encaissé la gain d'une loterie française. Afin d'éviter que la voiture ne soit vendue avant d'être entièrement payée, le vendeur a fait mentionner le code 178 (restriction de transmission du véhicule) sur la carte grise de B.S._. A.S._ était présent lors des discussions et de la transaction, mais n'y a pas pris une part active. Le couple savait pertinemment que le véhicule ne pouvait être vendu avant complet paiement du prix. Quelque huit mois plus tard, A.S._ a demandé à T._ à être enregistré comme détenteur de la voiture achetée par son épouse. Le garagiste a accepté, tout en reportant le code 178 sur la carte grise de l'époux. Il n'avait alors toujours pas été désintéressé, mais nourrissait encore l'espoir d'être entièrement payé. Il a conclu un accord de paiement par acomptes mensuels de 500 fr. avec B.S._.
A Vuiteboeuf, le 22 novembre 2008, les époux A.S._ ont vendu à Y._, pour un prix de 7'500 fr., le véhicule acheté à T._. Originaire du Kosovo, Y._ ne parle pas le français. La carte grise n'était pas dans le véhicule, de sorte que l'acheteur n'a pas pu prendre possession le jour même de la chose vendue. Par la suite, selon Y._, A.S._ a disparu pendant près de quinze jours. Les époux lui ont livré la carte grise avec la voiture à la mi-décembre 2008 seulement. C'est le lendemain, en voulant faire immatriculer le véhicule à son nom, qu'Y._ s'est vu refuser le changement de détenteur par le Service des automobiles et de la navigation, vu, précisément, la restriction au droit d'aliéner découlant du code 178. Après avoir en vain réclamé aux époux le remboursement du prix payé, l'acheteur a finalement déposé la voiture au garage de T._ en juillet 2009.
Les prévenus ont admis aux débats qu'ils savaient que le véhicule était grevé d'une restriction au droit d'aliéner et que dès lors, en le vendant à un tiers, ce dernier ne pourrait immatriculer sans autre la voiture à son nom.
Y._ et T._ ont déposé plainte respectivement le 22 décembre 2008 et le 19 janvier 2010.
2. Appréciant les faits de la cause en ce qui concerne notamment A.S._, le tribunal de police a d'abord tranché la question de savoir qui était propriétaire du véhicule à la suite de la vente, étant précisé qu'aucun contrat de crédit-bail n'avait été signé et que le garagiste T._ n'avait pas inscrit de pacte de réserve de propriété. Le tribunal a considéré que, sur le plan civil, il était indéniable que la propriété du véhicule avait été transférée à B.S._ au moment de la tradition de la chose mobilière. Cela étant, le tribunal a ensuite estimé que, bien que le code 178 n'ait qu'une portée administrative, sa mention n'en constituait pas moins une clause contractuelle, par laquelle le vendeur entendait garantir avec les acheteurs le paiement du solde du prix de vente, ces derniers s'engageant à ne pas aliéner ce véhicule, tant et aussi longtemps qu'il n'était pas payé. Du reste, les époux A.S._ le savaient, comme cela ressort de leurs propos tenus à l'audience.
Il s'ensuit, selon le tribunal de police, que, dès lors que les prévenus avaient trompé la confiance de T._ en le privant d'une garantie contractuelle, ils s'étaient rendus coupables d'abus de confiance.
En ce qui concerne leur comportement à l'égard d'Y._, le tribunal a retenu que les prévenus lui avaient caché la signification du code 178, ce par quoi ils lui avaient causé un préjudice économique direct. Dès lors, ils s'étaient rendus coupables d'escroquerie à son préjudice. A l'audience, les prévenus se sont reconnus débiteurs à son égard de la somme de 7'570 fr. et se sont engagés à le rembourser par acomptes mensuels de 100 fr.
3. Appréciant la culpabilité du prévenu, le tribunal de police a retenu les antécédents et le rôle joué par l'intéressé dans les manœuvres ourdies par le couple, même s'il n'avait fait qu'emboîter le pas à son épouse. La peine pécuniaire prononcée l'a été à titre partiellement complémentaire à celle infligée par le jugement rendu le 30 janvier 2008 par l’arrondissement judiciaire I Courtelary-Moutier-La Neuveville. Pour ce qui est du sursis, il a été relevé que le prévenu, contrairement à son épouse, n'avait, aux débats, pas semblé prendre conscience de l'importance des infractions commises, de sorte que le pronostic était défavorable. Par identité de motifs, le sursis précédent a été révoqué.
C.
Le 10 juin 2011, procédant conjointement avec son épouse, A.S._ a déposé une annonce d'appel contre ce jugement. Par écriture du 21 juin 2011, reçue par le conseil des plaideurs le lendemain, la direction de la procédure a imparti aux parties appelantes un délai de vingt jours pour déposer une déclaration d'appel. Le 12 juillet suivant, A.S._ a déposé une déclaration d’appel. Il a conclu à la réforme de cette décision en ce sens qu’il est libéré des accusations d’abus de confiance et d’escroquerie (II), que le sursis qu’il lui a été octroyé le 30 janvier 2008 n’est pas révoqué (V) et que les frais par 1'532 fr. 60, dont une partie de l’indemnité d’office de son conseil, sont mis à la charge de l’Etat (VIII).
B.S._ est décédée au début du mois de juillet 2011, avant le délai de vingt jours imparti pour déposer la déclaration d'appel, lequel était venu à échéance le 12 juillet 2011. Par écriture du 20 juillet 2011, la direction de la procédure a pris acte de ce que la procédure était devenue sans objet en ce qui concernait cette dernière.
D.
A l'audience d'appel de ce jour, l'appelant a relevé ne pas encore avoir commencé à rembourser la somme due au plaignant Y._, pensant que le jugement avait effet suspensif; il a annoncé qu'il allait commencer à rembourser ce plaignant, mais qu'il avait eu beaucoup de frais, notamment en raison du décès de son épouse. L'appelant a confirmé ses conclusions. Les plaignants, intimés, se sont brièvement exprimés sans prendre de conclusions formelles. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux (cf. art. 399 CPP) contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de A.S._ est recevable.
1.2
B.S._ est décédée durant la procédure. Le fait formateur est survenu entre l'annonce et la déclaration d'appel, durant le délai imparti pour déposer ce procédé-ci. Le jugement restait donc frappé d'appel lors du décès. Partant, il ne peut devenir définitif à l'égard de cette prévenue. Le décès du prévenu en cours de procédure a pour effet de mettre fin à l’action pénale à l’encontre de la partie concernée, ce qui doit être constaté d'office. Cela étant, il n'en reste pas moins que l'appel n'a pas pour effet d'annuler ex tunc les actes de la procédure. Les frais prononcés par le jugement à l'égard de B.S._ sont donc maintenus, étant précisé qu'ils constituent une dette de la succession.
1.3
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
2.
L’appelant conteste d'abord sa condamnation pour abus de confiance, au motif que B.S._ et l'intimé T._ avaient conclu une vente ordinaire, sans réserve ni condition, la mention du code 178 sur le permis de circulation n’ayant strictement aucun effet civil.
2.1
D'après l'art. 138 ch. 1 al. 1 CP, commet un abus de confiance celui qui, pour se procurer ou procurer à un tiers un enrichissement illégitime, se sera approprié une chose mobilière appartenant à autrui et qui lui avait été confiée.
2.1.1
Cette infraction suppose l'existence d'une chose mobilière appartenant à autrui. Elle ne peut porter sur une chose qui appartient déjà à l’auteur. Une autre personne que l'auteur doit avoir un droit de propriété sur la chose, même si ce droit n'est pas exclusif. Ainsi, l'infraction d'abus de confiance peut être réalisée même si l'auteur est lui-même copropriétaire ou propriétaire en main commune de la chose, puisqu'il n'en a pas la propriété exclusive et qu'un tiers a également un droit de propriété sur elle (ATF 88 IV 15; Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. I, Berne 2010, n° 2 ad art. 138 CP, p. 235).
2.1.2
L'abus de confiance suppose qu'une chose mobilière appartenant à autrui a été confiée à l'auteur. Il doit exister un rapport avec autrui (rapport de confiance) qui permet à l'auteur d'entrer en possession de la chose, mais qui détermine l'usage qu'il doit en faire. L'auteur, qui a reçu la chose pour en faire un certain usage dans l'intérêt d'autrui, s'approprie cependant cette chose, en violation de ce rapport de confiance, c'est-à-dire dispose de la chose comme si elle lui appartenait.
Le rapport de confiance est une circonstance personnelle spéciale au sens de l'art. 27 CP, de sorte que seul celui auquel la chose ou la valeur patrimoniale a été confiée peut être auteur ou coauteur d'un abus de confiance (ATF 98 IV 147 c. 4 p. 150). La jurisprudence et la doctrine dominante ont précisé que, si l'abus de confiance porte sur une chose mobilière, les participants auxquels la chose n'a pas été confiée (extraneus) devront être condamnés pour appropriation illégitime. En effet, l'art. 138 ch. 1 al. 1 CP définit un délit propre mixte (unechtes Sonderdelikt), le rapport de confiance étant une circonstance personnelle aggravante par rapport à l'incrimination de base figurant à l'art. 137 CP (appropriation illégitime). Comme, selon l'art. 27 CP, les circonstances personnelles aggravantes n'ont d'effet qu'à l'égard du participant qu'elles concernent, l'extraneus ne répondra que de l'infraction de base (Niggli/Riedo, Strafgesetzbuch II, Basler Kommentar, 2003, art. 138, n. 8, 127 ss; Stratenwerth/Jenny, Schweizerisches Strafrecht, Besonderer Teil I: Straftaten gegen Individualinteressen, 6e éd., Berne 2003, § 13, n. 62; Rehberg/Schmid/Donatsch, Strafrecht III, Delikte gegen den Einzelnen, 8e éd., Berne 2003, p. 104; Trechsel, Schweizerisches Strafgesetzbuch, Kurzkommentar, 2e éd., Zurich 1997, art. 138, n. 18; contra: Graven, L'infraction pénale punissable, Berne 1995, p. 318 ss, n. 246).
2.1.3
Le comportement délictueux consiste dans le fait que l’auteur s’approprie la chose, en violation du rapport de confiance. L’appropriation implique que l’auteur veut d’une part la dépossession durable du propriétaire et, d’autre part, qu’il entend s’attribuer la chose au moins pour un temps; sa volonté doit se manifester par des signes extérieurs (ATF 121 IV 25). L’auteur incorpore le bien à son patrimoine, pour le garder, le consommer ou l’aliéner; il se comporte comme un propriétaire sans en avoir la qualité (ATF 118 IV 151 c. 2a; Corboz, op. cit., n° 7 et 8 ad art. 138 CP, pp. 236 s.).
2.2
En l'espèce, selon les faits retenus, qui ne sont pas contestés par l’appelant, le 24 octobre 2006, B.S._ a acheté un véhicule automobile auprès du garage T._, pour un montant de 24'500 fr. Cette vente était pure et simple, mais assortie d’un certain nombre de modalités de paiement et de conditions En effet, T._ a exposé au premier juge que B.S._ lui avait expliqué qu’elle avait fait un gain important dans une loterie française et qu’elle pourrait dès lors s’acquitter du prix réclamé aussitôt qu’elle aurait touché son lot. Il a été conclu qu’elle paierait un acompte de 9'000 fr., ce qui a été fait, et qu’elle paierait le reste à réception de l’argent. Afin d’éviter cependant que cette voiture, remise avant complet paiement de son prix, ne soit vendue avant qu’elle ne lui ait été entièrement payée, le vendeur a fait mentionner le code 178 sur la carte grise de B.S._. Tout au long des discussions et de la transaction l'appelant était présent, sans prendre une part active aux négociations. Les époux savaient parfaitement que la mention du code 178 sur Ie permis de circulation signifiait que ce véhicule ne pouvait être vendu. Quelque huit mois plus lard, A.S._ a demandé à être enregistré comme détenteur de la voiture achetée par son épouse. Le garagiste a accepté tout en reportant le code 178 sur la carte grise de A.S._. Il n’était alors toujours pas payé. Il a cependant déclaré avoir encore eu de l’espoir de l’être. Il a conclu un accord de paiement par acomptes de 500 fr. avec B.S._. Le 22 novembre 2008, les époux ont vendu la voiture.
2.2.1
On peut admettre, avec le premier juge, que T._ a vendu la voiture en question à B.S._ et que la propriété de ce véhicule a donc bel et bien été transférée à cette dernière par tradition mobilière nonobstant que le prix n'avait été payé que pour partie. En effet, d’une part, T._ a déclaré, lors des débats de première instance, que B.S._ était venue acheter cette voiture d’occasion et qu’il lui avait remis la chose vendue une fois le premier acompte de 9'000 fr. payé. D’autre part, T._ et B.S._ n’ont conclu aucun contrat de crédit-bail, ni inscrit de pacte de réserve de propriété; ils ont uniquement prévu, par la mention du code 178 sur la carte grise, que l’acheteuse ne pouvait aliéner ce véhicule tant et aussi longtemps que le prix de vente convenu n'avait pas intégralement été versé. La voiture n’appartenait donc plus au garagiste, mais à l’acheteuse. Par ailleurs, il résulte des faits décrits ci-dessus que la relation de confiance s’était nouée uniquement entre B.S._ et le garagiste, à l’exclusion de l’appelant, qui n’avait pris aucune part active aux négociations.
2.2.2
Sur le vu de ce qui précède, on doit admettre que les conditions de l’abus de confiance ne sont pas réalisées. En effet, il n’y a pas eu de la part de l’appelant d’appropriation d’une chose mobilière qui appartenait à autrui et qui lui aurait été confiée. Il doit par conséquent être libéré de l’infraction d’abus de confiance. L'appel doit être admis dans la même mesure.
3.
L’appelant conteste ensuite la qualification d'escroquerie retenue par le premier juge. Il fait valoir que l'élément de la tromperie astucieuse n’est pas réalisé.
3.1.1
Aux termes de l'art. 146 CP, se rend coupable d'escroquerie celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais, ou l'aura astucieusement confortée dans son erreur et aura de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers.
3.1.2
L'escroquerie suppose donc une tromperie astucieuse. La tromperie que suppose l'escroquerie peut consister soit à induire la victime en erreur, par des affirmations fallacieuses ou la dissimulation de faits vrais, soit à conforter la victime dans son erreur (art. 146 al. 1 CP). Il y a donc tromperie au sens de l'art. 146 CP, lorsque l'auteur affirme un fait faux, lorsqu'il dissimule un fait vrai ou encore lorsqu'il raffermit la victime dans son erreur, c'est-à-dire lorsque, par des paroles ou par des actes, il lui montre qu'elle est dans le vrai alors qu'en réalité elle se trompe. Pour qu'il y ait tromperie par des affirmations fallacieuses, il faut que l'auteur ait affirmé un fait dont il connaissait la fausseté. Cette affirmation peut résulter de n'importe quel acte concluant. Il n'est donc pas nécessaire que l'auteur ait fait une déclaration. Il suffit qu'il ait adopté un comportement dont on déduit qu'il affirme un fait. S'agissant de la tromperie par dissimulation de faits vrais, la question est plus délicate de savoir s'il suffit que l'auteur - sous réserve des cas où il avait, en vertu de la loi, d'un contrat ou d'un rapport de confiance spécial l'obligation de le faire - se soit borné à ne pas révéler spontanément la vérité. La tromperie par dissimulation de faits vrais est cependant réalisée lorsque l'auteur s'emploie, par ses propos ou par ses actes, à cacher la réalité. Quant au troisième comportement prévu par la loi, consistant à conforter la victime dans son erreur, il ne suffit pas que l'auteur, en restant purement passif, bénéficie de l'erreur d'autrui. Il faut que, par un comportement actif, c'est-à-dire par ses paroles ou par ses actes, il ait confirmé la dupe dans son erreur. Cette hypothèse se distingue des deux précédentes en ce sens que l'erreur est préexistante (cf. Corboz, op. cit., n° 1 ss ad art. 146 CP, pp. 322 ss; Stratenwerth, Bes. Teil I, 5ème éd. Berne 1995, p. 315 ss n° 5 ss; Rehberg/Schmid/Donatsch, Strafrecht III, 8ème éd. Zurich 2003, p. 181 ss).
Il ne suffit pas que l'auteur ait trompé la victime. Encore faut-il que cette tromperie ait été astucieuse. Il y a astuce lorsque l'auteur recourt à un édifice de mensonges, à des manoeuvres frauduleuses ou à une mise en scène, mais aussi lorsqu'il donne simplement de fausses informations, si leur vérification n'est pas possible, ne l'est que difficilement ou ne peut raisonnablement être exigée, de même que si l'auteur dissuade la dupe de vérifier ou prévoit, en fonction des circonstances, qu'elle renoncera à le faire en raison d'un rapport de confiance particulier (ATF 128 IV 18 c. 3 p. 20; 125 IV 124 c. 3a p. 127; 122 II 422 c. 3a p. 426 et les arrêts cités). L'astuce ne saurait toutefois être admise si la dupe pouvait se protéger avec le minimum de prudence que l'on pouvait attendre d'elle. Il n'est cependant pas nécessaire que la dupe ait fait preuve de la plus grande diligence et qu'elle ait recouru à toutes les mesures de prudence possibles. La question n'est donc pas de savoir si elle a fait tout ce qu'elle pouvait pour éviter d'être trompée, mais si elle aurait pu éviter de l'être en faisant preuve du minimum d'attention, notamment en procédant aux vérifications élémentaires qu'on pouvait attendre d'elle. (ATF 128 IV 18 c. 3a p. 20 et les arrêts cités). Pour apprécier si l'auteur a usé d'astuce et si la dupe a omis de prendre des mesures de prudence élémentaires, il ne suffit pas de se demander comment une personne raisonnable et expérimentée aurait réagi à la tromperie. Il faut prendre en considération la situation particulière de la dupe, telle que l'auteur la connaît et l'exploite (ATF 128 IV 18 c. 3a p. 21; 120 IV 186 c. 1a p. 188).
Outre une tromperie astucieuse, l'escroquerie suppose, sur le plan objectif, que la victime ait été induite en erreur, que cette erreur l'ait déterminée à des actes de disposition de son patrimoine ou de celui d'un tiers, une lésion dommageable de ce patrimoine ainsi qu'un lien de causalité entre tous ces éléments. Du point de vue subjectif, l'auteur doit avoir agi intentionnellement et dans un dessein d'enrichissement illégitime (ATF 119 IV 210 c. 3 p. 212; 118 IV 55 c. 2 p. 37; 115 IV 31 c. 3a p. 32).
3.2.1
Le 22 novembre 2008, les époux A.S._ ont vendu à Y._, pour un montant de 7'500 fr., la voiture achetée à T._. Le paiement était convenu en plusieurs fois. Lorsqu'Y._ a voulu prendre possession de la carte grise du véhicule, il a eu toutes les peines du monde à se la faire délivrer. Finalement, c’est un soir que le couple a livré la voiture et la carte grise. Le lendemain, l’acheteur, voulant immatriculer la voiture à son nom, s’est vu refuser par le Service des automobiles le changement de détenteur vu l’existence du code 178 sur la carte grise. Il s’est alors rendu auprès des époux A.S._ et leur a réclamé le remboursement des 7'500 fr. Lors des débats de première instance, les prévenus ont admis qu’ils savaient que cette voiture avait été frappée d’une restriction d’aliénation et que, s'ils la vendaient à un tiers, ce dernier ne pourrait l’immatriculer sans autre.
3.2.2
Il découle de ce qui précède que les époux A.S._ ont soigneusement caché à Y._, qui est originaire du Kosovo et ne parle pas le français, ce qui ne pouvait leur échapper, la signification du code 178, lequel implique une restriction de transmission du véhicule. Ils se sont employés, par leurs actes et déclarations, à cacher la réalité à leur acheteur et à tromper celui-ci sur les possibilités d’acquérir et d’immatriculer le véhicule en question. Ainsi, après le paiement, ils ont tardé à remettre le véhicule et la carte grise à l’intéressé. De plus, dans le cadre de ses déclarations aux débats de première instance, Y._ a expliqué que les prévenus « combinaient » avec la carte grise, à savoir qu’à une reprise ils l’avaient oubliée à la maison et qu’ensuite, ils ne l’avaient pas sur eux. Par ailleurs, lorsque l'acheteur a dit à l’appelant qu’il voulait partir au Kosovo, ce dernier lui a affirmé qu’il pouvait prendre la route avec les plaques apposées sur le véhicule et qu’il était couvert par son assurance. Enfin, on ne voit pas de quelle manière la dupe aurait pu se protéger, l’inscription du code 178 sur la carte grise n’étant pas un élément connu du public.
Enfin, les époux A.S._ savaient parfaitement que T._ avait mentionné ce code sur le permis de circulation et que cette mention signifiait que le véhicule ne pouvait être vendu. Dans ces circonstances, l’appelant a agi de manière intentionnelle et dans le dessein manifeste de s’enrichir indûment au préjudice de la dupe.
Partant, on doit admettre que les conditions de l’infraction visée par l’art. 146 CP sont réalisées, de sorte que la condamnation de l’appelant pour escroquerie ne viole pas le droit fédéral.
4.
Cela étant, un chef d'accusation devant être abandonné, la peine pécuniaire doit être fixée à nouveau. Cela fait, il y aura lieu d'examiner la question du sursis à l'exécution de cette peine, ce d'office (art. 404 al. 2 CPP), ainsi que celle de la révocation du précédent sursis, ce conformément aux conclusions de l'appel sur ce point.
4.1.1
L'art. 47 al. 1 CP prévoit que la peine doit être fixée d'après la culpabilité de l'auteur, en tenant compte des antécédents et de la situation personnelle de ce dernier ainsi que de l'effet de la peine sur son avenir. L'alinéa 2 de cette disposition énumère, de manière non limitative, une série de critères à prendre en considération pour déterminer la culpabilité de l'auteur. Ces critères correspondent à ceux qui devaient être pris en compte selon la jurisprudence relative à l'art. 63 aCP, à laquelle on peut se référer (ATF 134 IV 17 c. 2.1 p. 19; cf. aussi TF 6B_472/2007 du 27 octobre 2007 et les arrêts cités).
Pour fixer la peine, le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation. Il y a toutefois violation du droit fédéral lorsque le juge sort du cadre légal, lorsqu'il fonde sa décision sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, lorsqu'il omet de prendre en considération des éléments prévus par cette disposition ou lorsqu'il a abuse de son pouvoir d'appréciation en fixant une peine exagérément sévère ou excessivement clémente (ATF 134 IV 17 c. 2.1 pp. 19 s. et les arrêts cités).
4.1.2
En cas de condamnation à une peine pécuniaire, l'octroi du sursis est subordonné à la condition subjective qu'une peine ferme ne paraisse pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits (cf. art. 42 al. 1 et 2 CP). Cette dernière condition suppose l'absence d'un pronostic défavorable quant au comportement futur du condamné. Pour déterminer ce qu'il en est, le juge doit procéder à une appréciation d'ensemble de tous les éléments pertinents, parmi lesquels les circonstances de l'acte, les antécédents et la réputation de l'auteur ainsi que les autres éléments permettant de tirer des conclusions quant au caractère, à l'état d'esprit et aux perspectives d'amendement du condamné, de même que la situation personnelle de ce dernier jusqu'au moment du jugement (ATF 134 IV 60 c. 7.2 pp. 73 s.).
4.1.3
Lorsque le juge est appelé à connaître d'un crime ou d'un délit que l'auteur a commis après une précédente condamnation à une peine assortie du sursis, il est également compétent pour statuer sur la révocation de ce dernier (cf. art. 46 al. 3 CP). Il doit donc examiner si les conditions d'une révocation sont réunies, laquelle postule que le crime ou le délit dont il est appelé à connaître ait été commis pendant le délai d'épreuve du sursis antérieur et qu'il y ait dès lors lieu de prévoir que l'auteur commettra de nouvelles infractions (cf. art. 46 al. 1 CP). Cette dernière condition implique l'existence d'un pronostic défavorable quant au comportement futur du condamné (ATF 134 IV 140 c. 4.3 p. 143). Elle correspond donc à l'une des conditions de l'octroi du sursis, de sorte que, comme dans ce dernier cas, le pronostic à émettre doit reposer sur une appréciation d'ensemble de tous les éléments pertinents (arrêt précité, c. 4.4 pp. 143 s. et les arrêts cités).
Dans l'appréciation des perspectives d'amendement à laquelle il doit procéder pour décider de la révocation d'un sursis antérieur, le juge doit tenir compte des effets prévisibles de l'octroi ou non du sursis à la nouvelle peine. Il peut parvenir à la conclusion que l'exécution, le cas échéant, de la nouvelle peine aura un effet dissuasif suffisant, justifiant de renoncer à la révocation du sursis antérieur. L'inverse est également admissible: si le sursis précédent est révoqué, l'exécution de la peine qui en était assortie peut, par l'effet de choc et d'avertissement (
Warnungswirkung
) issu de la condamnation précédente, y compris en ce qui concerne l'aménagement ultérieur de la vie de l'intéressé, conduire à nier l'existence d'un pronostic défavorable pour la nouvelle peine et, partant, à assortir cette dernière du sursis (ATF 134 IV 140 c. 4.5 p. 144 et c. 5.3 pp. 147 s.).
De ce qui précède et, en particulier, du dernier arrêt cité, il résulte que l'existence d'un pronostic défavorable quant au comportement futur du condamné, bien qu'elle soit une condition aussi bien du sursis à la nouvelle peine que de la révocation d'un sursis antérieur, ne peut faire l'objet d'un unique examen, dont le résultat suffirait à sceller tant le sort de la décision sur le sursis à la nouvelle peine que celui de la décision sur la révocation du sursis antérieur. Le fait que le condamné devra exécuter une peine - celle qui lui est nouvellement infligée ou celle qui l'avait été antérieurement avec sursis - peut apparaître suffisant à le détourner de la récidive et, partant, doit être pris en considération pour décider de la nécessité ou non d'exécuter l'autre peine. Il constitue donc une circonstance nouvelle, appelant un réexamen du pronostic au stade de la décision d'ordonner ou non l'exécution de l'autre peine. Il va par ailleurs de soi que le juge doit motiver sa décision sur ce point (art. 50 CP), de manière à ce que l'intéressé puisse au besoin la contester utilement et l'autorité de recours exercer son contrôle (TF 6B_855/2010 du 7 avril 2011).
4.2.1
Dans le cas particulier, l’appelant s’est, comme déjà relevé, rendu coupable d’escroquerie. Ce crime est punissable d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire.
Compte tenu de la libération du chef d'accusation d’abus de confiance, la réduction de la quotité de la peine doit être significative. Le jugement énonce, de manière pertinente, les éléments à charge et à décharge (p. 24), auxquels il suffit de renvoyer. Il doit en particulier être relevé que l'appelant a un antécédent, relativement récent, et qu'il persiste à ne pas prendre la mesure de l'infraction commise. Il n'en reste pas moins que son rôle a été secondaire par rapport à celui de son épouse. Au vu de ces divers éléments, la peine pécuniaire doit être arrêtée à 60 jours-amende.
4.2.2
Le montant du jour-amende, fixé à 10 fr., n'est pas contesté et peut être confirmé d'office au regard de la situation financière de l’appelant. En effet, l'intéressé ne dispose que de ressources modiques et n'est actuellement plus en mesure de travailler.
4.3
La nouvelle peine étant de nature pécuniaire, la question du sursis à son exécution entre dans le champ d'application de l'art. 42 al. 1 CP. A noter que l'antécédent de l'appelant, bien qu'antérieur de moins de cinq ans à l'infraction ici en cause, ne constitue pas une peine d'une quotité suffisante pour tomber sous le coup de la règle exceptionnelle posée par l'art. 42 al. 2 CP. Il suffit dès lors que le pronostic ne soit pas défavorable pour que le sursis soit accordé.
L’appelant a déjà été condamné à une reprise, soit en date du 30 janvier 2008, pour vol, escroquerie et violation d’une obligation d’entretien en concours, à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à 30 fr. avec sursis pendant deux ans, et à amende de 300 fr. Il a récidivé dans le délai d'épreuve, peu de temps même après cette première condamnation, à savoir en novembre 2008. De plus, aux débats tant de première que de deuxième instance, il n’a pas semblé prendre conscience de l’importance de l’infraction commise. Par ailleurs, il n'a pas commencé à dédommager le plaignant, malgré les engagements pris lors des débats de première instance. L'appelant persiste donc à ne pas prendre la mesure des conséquences que l'infraction a eues au préjudice du lésé. Plus encore, il a fait preuve à cet égard d'une certaine désinvolture, comme cela est apparu à l'audience d'appel. Il y a en outre récidive spéciale. Certes, le montant de l'escroquerie est d'une quotité limitée et les faits incriminés ne portent que sur un seul véhicule, au préjudice d'un unique lésé. L'appelant, dont le rôle a été secondaire par rapport à celui de son épouse, ne peut donc être qualifié de délinquant d'habitude. Il apparaît même relativement bien socialisé. Néanmoins, en particulier vu son attitude durant les deux instances, force est d'admettre que les éléments défavorables l'emportent sur les quelques facteurs à décharge. Les facteurs déterminants permettent ainsi de déduire que l'appelant n'a pas tiré les leçons de sa précédente condamnation.
Il existe dès lors des éléments déterminants de nature à prévoir que l'auteur commettra de nouvelles infractions. Un pronostic défavorable quant au comportement futur du condamné doit donc être posé sous l'angle de l'art. 46 al. 1 CP. Partant, il y a lieu de révoquer le sursis accordé précédemment à l’appelant.
Pour ce qui est de l'octroi du sursis à la nouvelle peine, l'exécution de la peine précédente est susceptible d'amener l'appelant à résipiscence, par un effet d'avertissement et de choc suffisant pour le dissuader de commettre de nouvelles infractions. Partant, la nouvelle peine peut être assortie du sursis. Le délai d'épreuve (art. 44 al. 1 CP) doit être fixé à deux ans.
5.
En conclusion, l’appel est partiellement admis, en ce sens que l’appelant est libéré de l’infraction d’abus de confiance et est condamné à une peine pécuniaire de 60 jours-amende, avec sursis pendant deux ans, le montant du jour-amende étant fixé à 10 fr. En outre, le sursis assortissant la peine précédente est révoqué, l’exécution de la peine infligée le 30 janvier 2008 par l’arrondissement judiciaire I Courtelary-Moutier-La Neuveville étant ordonnée. L'appel est rejeté pour le surplus.
6.
Vu la mesure dans laquelle l'appelant obtient gain de cause, les frais de la procédure d'appel selon l'art. 424 CPP, y compris l’indemnité allouée au défenseur d’office pour la procédure d’appel, sont mis pour moitié à sa charge, le solde étant laissé à la charge de l’Etat (art. 428 al. 1, 1
ère
phrase, CPP). Ces frais comprennent l'indemnité de son défenseur d’office, étant précisé que les intimés n'ont pas procédé avec l'assistance de mandataires professionnels. Elle doit être arrêtée à 982 fr. 80, débours et TVA compris, au vu de l'ampleur des opérations effectuées par le mandataire en procédure d'appel.
L'appelant ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant de l'indemnité prévue ci-dessus que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
375fc242-293d-4090-8112-8e029e2f1a78 | En fait :
A.
Par jugement du 25 mars 2014, rectifié par prononcé du lendemain, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de l'Est vaudois a libéré Z._ de l'infraction d'agression (I), libéré R._ de l'infraction d'agression (II), condamné Z._ pour tentative de meurtre, lésions corporelles simples qualifiées, infraction à la LArm (loi fédérale du 20 juin 1997 sur les armes, les accessoires d'armes et les munitions; RS 514.54) et contravention à la LStup (loi fédérale du 3 octobre 1951 sur les stupéfiants et les substances psychotropes; RS 812.121) à une peine privative de liberté de trois ans et demi, sous déduction de 118 jours de détention provisoire, et à une amende de 100 fr., la peine privative de liberté de substitution étant d’un jour (III), condamné R._ pour lésions corporelles simples et contravention à la LStup à une peine privative de liberté de 15 mois, avec sursis durant cinq ans, et à une amende de 100 fr., la peine privative de liberté de substitution étant d'un jour (IV), dit que Z._ était le débiteur d'E._ et lui devait immédiat paiement des montants de 18'213 fr. 50, TVA et débours compris, sous déduction du montant de 9'298 fr. 30, TVA et débours compris, alloué à titre d’indemnité d’office à Me Peca sous chiffre VIII ci-dessous, ainsi que de 15'000 fr. à titre d’indemnité pour tort moral (V), donné acte à A._ de ses réserves civiles à l’encontre de Z._ et R._ (VI), ordonné la confiscation et la destruction de la drogue séquestrée sous fiches numéros 3559 et 3560 (VII), mis les frais de la cause par 32'981 fr. 95 à la charge de Z._, dont l’indemnité due à Me Astyanax Peca, conseil d’office d’E._, arrêtée à 9'298 fr. 30, TVA et débours compris, et par 18'854 fr. 60 à la charge de R._, dont l’indemnité due à son défenseur d’office, Me Yan Schumacher, arrêtée à 6'608 fr. 45, TVA et débours compris (VIII), dit que le remboursement à l’Etat des indemnités versées aux défenseurs d’office ne serait exigé que si la situation financière de Z._ et R._ s’améliorait (IX) et ordonné que Z._ soit soumis à un traitement psychothérapeutique ambulatoire (X).
B.
Par annonce du 26 mars 2014 suivie d’une déclaration motivée du
15 avril 2014, Z._ a formé appel contre ce jugement, concluant, avec suite de frais, principalement à sa réforme en ce sens qu'il est libéré de l'accusation de l'accusation de lésions corporelles simples qualifiées et que la prescription pour la contravention à la LStup est admise jusqu'à la date de l'audience de jugement devant la Cour d'appel pénale, la peine prononcée devant être ramenée à deux ans, sous déduction de 118 jours de détention provisoire, et à une amende de 100 fr., la peine étant en outre assortie du sursis. Subsidiairement, il a conclu à ce qu'il soit condamné à une peine privative de liberté inférieure à trois ans et mis au bénéfice d'un sursis partiel, la peine à exécuter n'excédant pas une année.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
1.1
Le prévenu Z._
est né le [...] 1990 à [...], au Kosovo, Etat dont il est ressortissant. Il est le benjamin d’une fratrie de sept enfants. Sa famille est arrivée en Suisse en 1991 et il bénéficie d’un permis C. Le prévenu a suivi sa scolarité primaire d’abord à Aigle, puis à Clarens. Il a difficilement vécu le déménagement, changeant de fréquentations et commençant à abuser de l'alcool. Il a terminé sa scolarité en classe de développement, puis mis en échec le SEMO. Il travaille actuellement comme agent de nettoyage dans un fitness. Il est très soutenu et cadré par sa famille, notamment par sa sœur [...]. Une formation, soutenue par l’AI, est envisagée, mais conditionnée par le sort pénal du prévenu.
1.2
Pour les besoins de la présente cause, Z._ a été détenu du 1
er
octobre 2011 au 26 janvier 2012, soit durant 118 jours.
Depuis sa sortie de détention provisoire, il se soumet sur une base volontaire à une abstinence contrôlée médicalement. A l'exception de deux mois au printemps 2013, le suivi a été régulier et le résultat des tests effectués atteste d'une abstinence à l'alcool.
1.3
Pour les besoins de la cause, Z._ a été soumis à une expertise psychiatrique, confiée au Dr [...] et à la psychologue [...]. Par rapport du 30 janvier 2013, les experts ont constaté que l'expertisé souffrait d'un trouble psychotique chronique et posé un diagnostic de probable schizophrénie simple ainsi que de syndrome de dépendance à l’alcool, tout en relevant que l'abstinence de l'expertisé était régulièrement contrôlée. Ils ont également relevé une immaturité importante associée à un manque de confiance et à une influençabilité.
S'agissant de l'état psychique de l'expertisé au moment des faits, les experts ont retenu que l'intéressé était vraisemblablement en mesure d'apprécier le caractère illicite de son acte, mais que sa capacité à se déterminer d'après cette appréciation était altérée en raison de la nature de ses troubles, probablement accentués par l'alcoolisation. Ils ont considéré que la responsabilité de l'expertisé devait être qualifiée de restreinte dans une mesure moyenne.
Les experts ont également retenu que le risque de commission de nouveaux actes délictueux n'était pas négligeable au vu du passé délinquant de l'expertisé. Ils ont toutefois nuancé ce pronostic en relevant une relative prise de conscience chez l'expertisé, son abstinence et le fait qu'il se montrait collaborant dans son suivi. Les experts ont préconisé la mise en place d'une mesure ambulatoire, prenant la forme de la poursuite de la prise en charge alcoologique et de la mise en place d'un traitement psychiatrique.
L’expert [...] a été entendu aux débats de première instance. Il a confirmé le degré de diminution de responsabilité, expliquant notamment qu’en raison de ses troubles psychiques, l'expertisé ne maîtrisait pas l’ampleur de sa consommation d’alcool. Il a également confirmé que le risque de récidive était nettement diminué en cas d’abstinence.
1.4
Le casier judiciaire suisse de Z._ comporte les inscriptions suivantes :
- 09.06.2009, Tribunal des mineurs, voies de faits, vol, vol en bande, brigandage, dommages à la propriété, violation de domicile, contravention à la LStup, peine privative de liberté DPMin de six mois, avec sursis durant un an;
- 13.01.2011, Ministère public de l’arrondissement de l’Est vaudois, vol d’usage, conduite sans assurance-responsabilité civile, 50 jours-amende à 30 francs.
2.
2.1
2.1.1
Dans la nuit du 30 septembre au 1
er
octobre 2011, vers minuit, les prévenus Z._ et R._, qui avaient bu et se trouvaient sous l'influence du cannabis, souhaitaient manger au restaurant Mac Donald's. Cet établissement était cependant fermé. Z._, mécontent et énervé, a tapé violemment sur la porte d'entrée. T._, qui se trouvait à proximité du restaurant en compagnie notamment de deux amis, E._ et A._, a adressé une remarque aux prévenus, qui se sont alors approchés du groupe. Z._ a brandi un couteau de type papillon, arme prohibée qui était en sa possession, et a menacé ses interlocuteurs en demandant "qui voulait être planté en premier". Les personnes ainsi interpellées ont cherché à éviter la confrontation en quittant les lieux, mais R._, qui avait plié sa ceinture en deux pour l'utiliser comme arme, les a suivis et a pris à partie A._. Il a fini par donner un coup de tête à A._, qui l'a alors empoigné. Z._ s'est rapidement dirigé vers A._ et lui a donné un coup de couteau par derrière, l'atteignant au haut du dos, au niveau du trapèze. E._ est intervenu pour défendre A._. Z._ a alors donné à E._ trois coups de couteau au niveau du thorax et un coup de couteau au niveau du cou, atteignant la veine jugulaire interne. Il y a ensuite eu un échange de coups de poing et de ceinture, avant qu'E._ et A._ ne quittent les lieux en courant.
2.1.2
Un examen clinique d'E._ a été effectué le 1
er
octobre 2011. Selon le rapport du Centre universitaire romand de médecine légale du 2 novembre 2011, l’ensemble des éléments cliniques à disposition témoigne d’une mise en danger de la vie de celui-ci. Les médecins ont notamment mis en évidence les plaies suivantes :
- au niveau de la région sus-claviculaire (basicervicale) droite, une plaie à bords nets, d’environ 3 cm de long, oblique vers le bas et l’intérieur, d’une profondeur d’environ 7 à 8 cm avec une atteinte de la veine jugulaire interne, découverte lors de l’exploration avec probablement un pneumothorax;
- au niveau axillaire antérieur droit, en regard du 7ème arc intercostal, une plaie à bords nets, d'environ 5 cm de long et I à 2 cm de profondeur, intéressant le tissu graisseux sous-cutané;
- au niveau axillaire moyen droit, en regard du 6ème arc intercostal, une plaie à bords nets, d'environ 10 cm de long, s'étendant jusqu'au muscle intercostal, d'environ 3 cm de profondeur;
- au niveau axillaire postérieur droit, en regard des 4ème et 5ème arcs postérieurs, une plaie à bords nets, d'environ 3 à 4 cm de long et environ 1 à 2 cm de profondeur;
- au niveau interphalangien de la face dorsale du pouce gauche, une plaie superficielle;
- au niveau de la face dorsale de l'articulation métacarpophalangienne de l'index gauche, une plaie superficielle d'environ 2 cm de long.
Un examen clinique d'A._ a été effectué le 1
er
octobre 2011. Selon le rapport du Centre universitaire romand de médecine légale du 2 novembre 2011, les lésions constatées n’ont pas mis en danger la vie de la victime. Elles sont compatibles avec des coups de ceinture et de poing.
2.2
Entre le mois d'août 2010 et le 1
er
octobre 2011, Z._ a occasionnellement consommé du cannabis. Le 1
er
octobre 2011, avant son interpellation, il a consommé un joint de cannabis. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et dans le délai légal par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de Z._ est recevable.
2.
2.1
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
2.2
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves (TF 6B_78/2012 du 27 août 2012). L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l'appel (art. 389 al. 3 CPP).
3.
L'appelant fait en premier lieu valoir qu'il y a concours imparfait entre la tentative de meurtre et les lésions corporelles simples qualifiées, de sorte que le Tribunal correctionnel n'aurait pas dû le condamner pour les deux infractions.
Tel est effectivement le cas lorsque ces qualifications ont trait aux même faits (cf. ATF 137 IV 113 c. 1.4 et 1.5). Toutefois, en l'espèce, la condamnation pour tentative de meurtre concerne les coups donnés à E._, tandis que celle pour lésions corporelles simples qualifiées concerne le coup donné à A._. Il s'agit donc d'actes distincts dirigés contre deux victimes différentes, si bien que l'on est en présence non pas d'un concours imparfait, mais d'un concours réel d'infractions (cf. p. ex. Dupuis et al., Code pénal, Petit commentaire, Bâle 2012, n. 8 ss ad art. 49 CP).
Au vu de ce qui précède, ce premier moyen est mal fondé.
4.
L'appelant soutient ensuite que l'écoulement du temps jusqu'à l'audience d'appel devant la Cour de céans aurait pour conséquence que les faits fondant la condamnation pour contravention à la LStup seraient aujourd'hui en partie prescrits.
Selon l'art. 97 al. 3 CP, la prescription ne court plus si, avant son échéance, un jugement de première instance a été rendu, de sorte que la prescription ne peut plus être acquise en procédure de recours (cf. p. ex. Dupuis et al., op. cit., n. 5 ad art. 97 CP).
Au vu de ce qui précède, ce deuxième moyen est mal fondé.
5.
L'appelant reproche encore au Tribunal correctionnel de ne pas avoir suffisamment tenu compte des éléments à décharge dans le cadre de la fixation de la peine. En particulier, il n'aurait pas indiqué dans quelle mesure sa diminution de responsabilité exerçait un effet atténuant sur la culpabilité du prévenu et n'aurait pas suffisamment tenu compte de cette diminution de responsabilité. L'intérêt à punir aurait en outre sensiblement diminué en raison du temps écoulé depuis l'infraction principale et le Tribunal correctionnel aurait dû prendre en compte le fait que l'appelant aurait lui-même été "sérieusement blessé" au cours de l'altercation.
5.1
5.1.1
Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de la situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
5.1.2
Si, en raison d'un ou de plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine (art. 49 al. 1 CP).
L'auteur d'un meurtre s'expose à une peine privative de liberté de cinq ans au moins (art. 111 CP).
Le juge peut atténuer la peine si l'exécution d'un crime ou d'un délit n'est pas poursuivie jusqu'à son terme ou que le résultat nécessaire à la consommation de l'infraction ne se produit pas ou ne pouvait pas se produire (art. 22 al. 1 CP).
5.1.3
Selon l’art. 19 al. 2 CP, le juge atténue la peine si, au moment d’agir, l’auteur ne possédait que partiellement la faculté d’apprécier le caractère illicite de son acte ou de se déterminer d’après cette appréciation. Le Tribunal fédéral a eu l'occasion d'exposer les principes qui président à la fixation de la peine en cas de diminution de la responsabilité (ATF 136 IV 55 c. 5, JT 2000 IV 127; cf. ég. TF 6B_356/2012 du 1
er
octobre 2012 c. 3.2; TF 6B_1092/2009 du 22 juin 2010 c. 2.2.2). Partant de la gravité objective de l'acte (
objektive Tatschwere
), le juge doit apprécier la faute (subjective;
subjektives Tatverschulden
). Il doit mentionner, dans le jugement, les éléments qui augmentent ou diminuent la faute dans le cas concret et qui permettent d'apprécier la faute en relation avec l'acte. Le législateur mentionne plusieurs critères, qui jouent un rôle important pour apprécier la faute et peuvent même conduire à diminuer celle-ci de telle manière qu'il convient de prononcer une peine inférieure au cadre légal ordinaire de la peine. Parmi ceux-ci, figure notamment la diminution de la responsabilité au sens de l'art. 19 CP. Dans ce cas, contrairement à la lettre de la disposition, il s'agit de diminuer la faute et non la peine; la réduction de la peine n'est que la conséquence de la faute plus légère.
Le juge dispose également d'un large pouvoir d'appréciation lorsqu'il détermine l'effet de la diminution de la responsabilité sur la faute au vu de l'ensemble des circonstances. Il peut appliquer l'échelle habituelle : une faute objective très grave peut être réduite à une faute grave en raison d'une diminution légère de la responsabilité. La réduction pour une telle faute très grave peut conduire à retenir une faute moyenne à grave en cas d'une diminution moyenne et à une faute légère à moyenne en cas de diminution grave. Sur la base de cette appréciation, le juge doit prononcer la peine en tenant compte des autres critères de fixation de la peine. Un tel procédé permet de tenir compte de la diminution de la responsabilité, sans lui attribuer une signification trop vaste (ATF 136 IV 55 c. 5.6).
En bref, le juge doit procéder comme suit en cas de diminution de la responsabilité pénale : dans un premier temps, il doit décider, sur la base des constatations de fait de l’expertise, dans quelle mesure la responsabilité pénale de l’auteur doit être restreinte sur Ie plan juridique et comment cette diminution de la responsabilité se répercute sur l’appréciation de la faute. La faute globale doit être qualifiée et désignée expressément dans le jugement (art. 50 CP). Dans un second temps, il convient de déterminer la peine hypothétique, qui correspond à cette faute. La peine ainsi fixée peut enfin être modifiée en raison de facteurs liés à l’auteur (
Täterkomponente
) ainsi qu’en raison d’une éventuelle tentative selon l’art. 22
aI. 1 CP (ATF 136 IV 55 c. 5.7, JT 2000 IV 127; cf. ég. TF 6B_356/2012 du 1
er
octobre 2012 c. 3.2; TF 6B_1092/2009 du 22 juin 2010 c. 2.2.2).
5.2
En l'espèce, le Tribunal correctionnel a en bref retenu qu'après prise en compte tous les critères pertinents, l'appelant aurait été condamné à une peine de liberté de l'ordre de sept ans en cas de responsabilité pleine, puis a décidé de prononcer en définitive une peine de 42 mois, manifestement pour tenir compte de la diminution de responsabilité (jugement entrepris, p. 45). Cette façon de faire, qui correspond à une pratique encore récemment admise par le Tribunal fédéral (cf. ATF 134 IV 132 c. 6.2), n'est plus conforme à sa jurisprudence actuelle telle que résumée plus haut (cf. spéc. TF 6B_1092/2009 du 22 juin 2010 c. 2.2).
Conformément à la jurisprudence actuelle du Tribunal fédéral, il convient d'abord de décider dans quelle mesure la responsabilité pénale de l'appelant est diminuée. Ainsi que l'a retenu le Tribunal correctionnel, il n'y a pas lieu de s'écarter des conclusions des experts (cf. ch. 1.3), claires et motivées, et il faut retenir une responsabilité moyennement diminuée.
En l'absence de responsabilité pénale diminuée, la faute de l'appelant devrait être qualifiée d'écrasante. Comme l'a retenu le Tribunal correctionnel, celui-ci n'a pas hésité à s'en prendre aux biens les plus précieux de notre ordre juridique, la vie et l'intégrité corporelle, pour des motifs futiles. Uniquement parce qu'il était frustré d'être confronté à une porte de restaurant close, l'appelant a agressé sauvagement des inconnus au moyen d'une arme prohibée. C'est également à juste titre que le Tribunal correctionnel a qualifié le mode opératoire de vil, puisque l'appelant a frappé A._ par l'arrière, alors que celui-ci tentait déjà de se défendre contre l'attaque de R._. De même, l'appelant a frappé E._ de son couteau à plusieurs reprises et l'a atteint à la jugulaire, alors que sa victime n'avait pas d'arme. En tenant compte de la diminution moyenne de responsabilité qui a été retenue, la faute reste grave.
Pour le surplus, le Tribunal correctionnel a à juste titre pris en considération l'âge de l'appelant, son évolution récente, cadrée par les proches et un suivi médical, ainsi que, dans une moindre mesure, sa collaboration partielle et les excuses présentées. De même, c'est à raison que le Tribunal correctionnel n'a accordé qu'un poids très limité au fait que l'infraction de meurtre soit demeurée au stade de la tentative, puisqu'il ressort en substance des constatations médicales que ce n'est que de peu qu'E._ a échappé à la mort.
5.3
L'appelant reproche au Tribunal correctionnel de ne pas avoir tenu compte de l'ancienneté des actes et de son bon comportement depuis lors.
Le juge atténue la peine si l'intérêt à punir a sensiblement diminué en raison du temps écoulé depuis l'infraction et que l'auteur s'est bien comporté dans l'intervalle (art. 48 let. 5 CP). Cette disposition procède de la même idée que la prescription, à savoir la diminution de la nécessité de punir en raison de l'effet guérisseur du temps écoulé (Dupuis et al., n. 31 ad art. 48 CP et les références citées). Le comportement de l'auteur postérieurement à l'acte et au cours de la procédure pénale est également un aspect de la situation personnelle au sens de l'art. 47 CP (cf. Dupuis et al., op. cit., n. 6 ad art. 47 CP).
Le jugement a été rendu environ deux ans et demi après les faits, ce qui n'est pas particulièrement long pour un dossier de ce type, étant rappelé qu'un co-prévenu a également été mis en accusation et condamné. On demeure en particulier encore loin de la prescription. Il est vrai que l'appelant, qui travaille et se montre collaborant dans le suivi de son abstinence alcoolique, s'est comporté correctement depuis les faits. On ne saurait toutefois considérer que son bon comportement durant ce laps de temps témoigne d'un mérite particulier. Enfin, les actes en cause relèvent de la violence physique gratuite, soit de la pire des criminalités, si bien que l'intérêt à punir demeure intact. Il n'y a dès lors pas lieu de réduire la peine pour ce motif, même dans le cadre général de l'art. 47 CP.
5.4
L'appelant soutient également qu'il aurait été "sérieusement blessé" dans l'altercation, ce dont son "hospitalisation" attesterait. Il aurait ainsi déjà subi les conséquences de ses actes et il y aurait lieu d'en tenir compte dans la fixation de la peine. Il se réfère à l'art. 54 CP, dont il admet cependant que les conditions ne sont "peut-être" pas réalisées.
Selon cette disposition, si l'auteur a été directement atteint par les conséquences de son acte au point qu'une peine serait inappropriée, l'autorité compétente renonce à le poursuivre, à le renvoyer devant le juge ou à lui infliger une peine.
En l'espèce, les conditions de cette disposition ne sont manifestement pas réalisées. Contrairement à ce que prétend l'appelant, les coups qu'il a reçus ne l'ont pas "sérieusement" blessé, puisqu'ils lui ont essentiellement valu trois plaies au niveau du front, qui ont été rapidement désinfectées et suturées (cf. P. 33, p. 7), ainsi que quelques plaies superficielles, dermabrasions et ecchymoses. L'appelant n'a en définitive passé qu'une nuit "de surveillance" à l'hôpital (ibidem). Ces blessures, d'un caractère bénin, résultent en outre de la défense de victimes désarmées face à une agression armée. Elles sont sans commune mesure avec ce que l'appelant a lui-même infligé, de sorte qu'il ne saurait être question d'une exemption de peine au sens de l'art. 54 CP, ni même d'une prise en compte au titre d'élément à décharge dans le cadre général de l'art. 47 CP.
5.5
En définitive, la peine prononcée par le Tribunal correctionnel apparaît adéquate au vu de l'ensemble des circonstances et doit être confirmée. Au vu de la quotité de la peine prononcée, la question du sursis ne se pose pas (cf. art. 42 al. 1 et 43 al. 1 CP).
6.
En définitive, l’appel de Z._ doit être rejeté et le jugement entrepris intégralement confirmé.
Sur la base de la liste des opérations produites, l'indemnité allouée au défenseur d'office de l’appelant doit être fixée à 1’922 fr. 40, TVA et débours inclus.
Vu l’issue de la cause, les frais de la procédure d'appel, par 3'752 fr. 40, constitués en l'espèce de l'émolument de jugement, par 1'830 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du
28 septembre 2010; RSV 312.03.1]), et de l’indemnité du défenseur d’office de l'appelant, par 1’922 fr. 40, TVA et débours inclus, doivent être mis à la charge de ce dernier, qui succombe (art. 428 al. 1 CPP).
L’appelant
ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant de l’indemnité allouée à son défenseur d'office que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
37c34137-5e49-4edb-b259-97bbace33cd4 | En fait :
A.
Par jugement du 20 février 2014, le Tribunal de police de l’arrondissement de l'Est vaudois a constaté que X._ s'est rendu coupable de violation simple des règles de la circulation routière (I), a condamné X._ à une amende de 650 fr. et dit que la peine privative de liberté de substitution en cas de non paiement de l'amende sera de six jours (II) et a mis les frais de justice, par 400 fr., à la charge de X._ (III).
B.
Le 25 février 2014, X._ a annoncé faire appel à l'encontre de ce jugement. Par déclaration d'appel du 17 mars 2014, il a conclu implicitement à son acquittement.
Par avis du 26 mars 2014, le Président de céans a informé les parties que l’appel serait traité en procédure écrite par un juge unique. Il a imparti à l'appelant un délai au 10 avril 2014 pour déposer un mémoire motivé.
Le 7 avril 2014, X._ a produit un mémoire d'appel motivé, reprenant pour l'essentiel le contenu de sa déclaration d'appel du 17 mars 2014.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
X._, de nationalité portugaise, est né le 14 février 1970 au Portugal. Divorcé, il vit seul et n'a pas d'enfants. Il exerce la profession de monteur en chauffage sanitaire pour le compte de la société Q._ à [...] et réalise un revenu net mensuel de l'ordre de 5'300 francs. Sa prime d'assurance-maladie se monte à 350 fr. par mois et sa charge fiscale représente environ 900 fr. par mois.
Son casier judiciaire comporte l'inscription suivante :
- 6 mai 2011, Ministère public du canton de Fribourg, violation grave des règles de la circulation routière, peine pécuniaire de 45 jours-amende à 100 fr. le jour-amende, sursis pendant 5 ans, amende de 1'800 francs.
Au registre ADMAS du Service des automobiles et de la navigation figurent les annotations suivantes :
- un avertissement prononcé le 11 février 2010 pour excès de vitesse ;
- un retrait de permis d'un mois prononcé le 29 novembre 2010 pour excès de vitesse ;
- un retrait de permis d'un mois prononcé le 28 juin 2011 pour excès de vitesse ;
- un retrait de permis de cinq mois prononcé le 22 juin 2011 pour distance insuffisante, autres fautes de circulation et inobservation des signaux ;
- une révocation et un cours d'éducation routière prononcés le 20 février 2013.
2.
Le 22 avril 2013, dans la localité de [...], X._ a dépassé la limitation de vitesse autorisée en roulant à 74 km/h (vitesse nette) au lieu des 50 km/h autorisés. Le dépassement de vitesse a été constaté par radar.
Par ordonnance du 27 juillet 2013, le Préfet du district de Lavaux-Oron a condamné X._ à une amende de 600 fr. pour violation simple des règles de la circulation routière.
Contestant les faits reprochés, le prévenu a formé opposition à cette ordonnance par courrier du 27 août 2013. Le Préfet a décidé de maintenir sa décision et le Ministère public a transmis le dossier de la cause à l’autorité de première instance en vue des débats, en application de l’art. 356 al. 1 CPP.
Devant le Tribunal de police, X._ a une nouvelle fois contesté les faits, affirmant qu'il n'était pas le conducteur de la voiture incriminée. | En droit :
1.
1.1
Selon l’art. 399 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit (al. 1). La déclaration d’appel doit être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (al. 3).
Interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de X._ est recevable.
1.2
S'agissant d'un appel dirigé contre une contravention, la procédure applicable est écrite (art. 406 al. 1 let. c CPP) et la cause ressort de la compétence d'un juge unique (art. 14 al. 3 LVCPP [loi vaudoise d'introduction du Code de procédure pénale suisse du 19 mai 2009; RSV 312.01]).
1.3
Selon l’art. 398 al. 4 CPP, lorsque seules des contraventions ont fait l’objet de la procédure de première instance, l’appel ne peut être formé que pour le grief que le jugement est juridiquement erroné et que l’état de fait est établi de manière manifestement inexacte ou en violation du droit. Aucune nouvelle allégation ou preuve ne peut être produite. Cet appel restreint a été prévu pour les cas de peu d’importance, soit concernant des infractions mineures, le droit conventionnel international admettant en pareil cas des exceptions au droit à un double degré de juridiction (Kistler Vianin, in: Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, nn. 22 et 23 ad art. 398 CPP).
En l’espèce, seule une contravention à la législation sur la circulation routière a fait l’objet de l’accusation et du jugement de première instance, de sorte que l’appel est retreint.
2.
L'appelant conteste être le conducteur du véhicule incriminé au moment où celui-ci a été flashé. Il fait valoir que la photographie prise par le radar ne permet pas de le reconnaître et que les témoins se seraient mis d’accord pour le dénoncer.
Toutefois, l'appelant se borne à exposer sa version des faits et ne dit pas en quoi l'appréciation des preuves effectuée par le premier juge serait arbitraire, contrairement à ce que prévoit l’art. 398 al. 4 CPP.
De toute manière, le Tribunal de police s’est fondé sur un ensemble d’éléments probatoires, à savoir la première audition du prévenu du 9 juillet 2013 et les témoignages de ses collègues de travail ainsi que de son employeur sur l’utilisation du véhicule, pour asseoir sa conviction et écarter les dénégations de l’appelant. Le raisonnement convaincant du premier juge échappe ainsi à toute critique.
L’amende infligée à l’appelant est en outre conforme à l’art. 106 CP.
3.
En définitive, l'appel de X._ doit être rejeté et le jugement attaqué entièrement confirmé.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel, par 450 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]), doivent être mis à la charge de X._ (art. 428 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
37df9547-2b6a-4418-b3bb-917bcd8604e0 | En fait :
A.
Par jugement du 3 février 2015, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de l’Est vaudois a libéré J._ des infractions d’appropriation illégitime sans dessein d’enrichissement, d’abus de confiance, de gestion déloyale et de violation à la LCD (loi fédérale du 19 décembre 1986 contre la concurrence déloyale ; RS 241) (I), a libéré P._ des infractions d’appropriation illégitime sans dessein d’enrichissement, d’abus de confiance, de gestion déloyale et de violation à la LCD (II), a rejeté les conclusions civiles et en dépens prises par C._SA à l’encontre de J._ et P._ (III), a rejeté les conclusions civiles prises par les masses en faillite R._SA, Y._SA et I._SA à l’encontre de J._ et P._ (IV), a laissé les frais de la cause à la charge de l’Etat, dont les indemnités due à Me Angelo Ruggiero, défenseur d’office de J._, par 18'576 fr., TVA et débours compris, et à Me Matthias Burnand, défenseur d’office de P._, par 23'522 fr. 40, TVA et débours compris (V) et a dit qu’il n’a pas lieu d’indemniser J._ et P._ au titre de l’art. 429 CPP (VI).
B.
Par annonce du 4 février 2015, puis par déclaration du 5 mars suivant, le Ministère public a formé appel contre ce jugement, concluant à sa réforme en ce sens que les deux prévenus sont condamnés, pour gestion déloyale qualifiée et infraction à la LCD, à une peine privative de liberté de 13 mois, avec sursis pendant 2 ans, les frais de la cause étant mis à leur charge, sous réserve des frais d’appel qui sont laissés à la charge de l’Etat.
Par annonce du 10 février 2015, puis par déclaration du 5 mars suivant, C._SA a également formé appel contre ce jugement, concluant à sa réforme en ce sens que les prévenus sont condamnés pour abus de confiance, s’en remettant à justice s’agissant de la quotité de la peine à prononcer. Elle a conclu en outre à l’octroi d’une indemnité au titre de l’art. 433 CPP pour la procédure d’appel à la charge des prévenus, a demandé qu’acte lui soit donné de ses réserves civiles et que les frais d’appel soient mis à la charge des prévenus.
Y._SA et I._SA ne se sont pas déterminées sur les appels.
Par courriers des 8 et 9 juin 2015, les intimés ont sollicité, à titre de réquisitions de preuves, la mise en œuvre d’une expertise comptable et analytique.
A l'audience d'appel, les intimés ont renouvelé leur réquisition de preuves telle que formulée précédemment. La Cour de céans l’a rejetée en procédant à une appréciation anticipée des preuves, dont la motivation est exposée au considérant 3 infra.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
1.1
J._ est né le [...] 1937 à Montreux. Il a été élevé par ses parents. Après sa scolarité obligatoire, il a fait un apprentissage d’employé de commerce avec CFC. Il a été employé d’une agence de voyages. Il s’est ensuite lancé dans la distribution de vins, opportunité qu’il a eue en raison des cours qu’il donnait. Il est resté dans la distribution et a fondé avec P._ la société Y._SA, qui existe depuis une quarantaine d’années. Retraité, il perçoit une rente AVS à hauteur de 2'340 fr. par mois. Il n’a aucune fortune. Il a également des engagements personnels vis-à-vis de X._ et a perdu ses parts sur un immeuble de [...], dont il était propriétaire, en raison de la vente forcée de ce bien-fonds.
Son casier judiciaire est vierge.
1.2
P._ est né le [...] 1951 à Lausanne. Il a été élevé par ses parents. Après sa scolarité obligatoire, il a fait un apprentissage de boucher-charcutier et a obtenu un CFC. Il a travaillé quelques années dans ce métier, puis s’est tourné vers un emploi dans des chaînes alimentaires pour s’occuper de boucheries se situant dans les magasins de quartiers jusqu’en 1976. A cette date, il a créé avec J._ la société Y._SA. Il est partiellement à l’assurance-invalidité (Al) et travaille pour le reste à 40 %. Il perçoit à ce titre mensuellement une rente Al à hauteur de 1'657 fr., un salaire de 1'366 fr. 25 et une rente LPP de 899 fr. 90. Il est encore actuellement associé-gérant d’une société à raison limitée, inactive depuis quelques années. Son loyer s’élève à 750 fr. par mois et ses primes d’assurance-maladie à 729 fr. 85 par mois. Il n’a pas de fortune. Il était propriétaire d’un immeuble à [...] qui est parti en vente forcée. Il est en outre en procédure pour plusieurs centaines de milliers de francs avec X._ en raison des engagements personnels qu’il a pris envers cette société.
Son casier judiciaire est vierge.
2.
Les considérants qui suivent (2.1 à 2.10) portent sur le contexte des faits pénalement reprochés aux prévenus, lesquels seront mentionnés ci-après (3.1 à 3.3).
2.1
J._ et P._ sont les actionnaires et administrateurs d’un groupe de sociétés actives dans la distribution, groupe qu’ils ont fondé dès 1976, date de l’exploitation de leur premier magasin d’alimentation. Ce groupe est composé d’une société-mère, I._SA, laquelle n’a pas d’activité propre, et de deux sociétés filles, R._SA et Y._SA. La première s’occupait principalement de la distribution de boissons tandis que la seconde gérait un réseau de magasins de distribution, dont certains à l’enseigne X._, en leur offrant trois types de service, à savoir la mise à disposition de locaux commerciaux – dont la société était soit propriétaire soit locataire –, la mise à disposition d’équipements ainsi que la fourniture de services fiduciaires (comptabilité, salaire, etc.). Ces trois types de prestations étaient réunies dans un seul et même contrat liant les détaillants à Y._SA ; chaque prestation était chiffrée, mais l’exploitant payait mensuellement un montant global (cf. P. 88/3/6 notamment). Le chiffre d’affaires d’Y._SA se constituait ainsi des loyers et des paiements d’honoraires versés par les exploitants pour ces prestations.
2.2
Au milieu des années 2000, J._ et P._, pour des raisons d’âge et de santé, ont souhaité se retirer des affaires en cédant leur groupe. Des contacts ont été pris, notamment avec la société [...] et C._SA.
Après une phase de négociation, J._ et P._ ont conclu avec C._SA une convention du 3 juin 2005 (cf. P. 4/1), par laquelle ils se sont engagés à céder la totalité du capital-action d’I._SA, moyennant la mise à disposition, par l’acheteuse, d’une "enveloppe" de 10 millions de francs devant permettre aux vendeurs de rembourser la totalité des engagements figurant au passif du bilan consolidé d’I._SA au 31 janvier 2005 ; l’opération devait être effective au 31 janvier 2006, mais au plus tard le 31 mars 2006 (art. 1 par. 4 de la convention précitée).
La convention, à son art. 3 par. 3, fait état des cautionnements personnels de J._ et P._ envers X._ en faveur de douze magasins et prévoit l’effacement de ces garanties personnelles moyennant l’acquisition par C._SA d’un immeuble sis à [...], dont les prénommés étaient propriétaires, pour un montant de 3 millions de francs (art. 6). Ladite convention prévoit par ailleurs les conseils et l’appui de C._SA à J._ et P._ pour le désengagement (art. 1), que le passage des risques et profits doit être effectif lorsque les sociétés acquises auraient été épurées (art. 9 par. 2) et que les vendeurs certifiaient qu’aucun engagement particulier n’existait entre les détaillants et la société (art. 8 par. 2).
2.3
Un premier acompte de 500'000 fr. a été versé à J._ et P._, conformément à l’art. 1 par. 5 de la convention. Par la suite, C._SA a régulièrement versé, sur un compte miroir d’I._SA, les acomptes demandés par les vendeurs, les demandes étant accompagnées de listes détaillées permettant de contrôler l’affectation des montants. Les parties ont respecté leurs obligations, à tout le moins jusqu’à fin mars 2006, sans toutefois que l’opération ne soit effective à la date butoir du 31 mars 2006.
Au printemps 2006, il restait à épurer des dettes pour un montant de 1'710'000 fr. ; C._SA, qui avait versé un total de 8’290'000 fr. en chiffres ronds n’a pas contesté que ce montant de 1'710'000 fr. restait dû. Ni la reprise de l’immeuble de [...] ni la libération des cautionnements personnels de J._ et P._ n’étaient également parvenus à chef.
2.4
Pour des motifs exacts que l’instruction n’a pas permis d’établir, les opérations se sont bloquées à mi-2006. Les causes sont probablement à rechercher d’une part dans des difficultés de trésorerie rencontrées par l’acheteuse et le constat que la reprise des enseignes X._ pour les remplacer par des enseignes [...] n’allait pas de soi.
J._ et P._ ont dénoncé pour le 31 mars 2006 les divers crédits des sociétés en cause. Cette dénonciation a eu pour conséquence que, faute de finalisation des opérations d’épurement et sans apport financier complémentaire rapide, la poursuite de l’exploitation des trois sociétés en cause était compromise (cf. P. 43/8).
Dans ce contexte, J._ et P._ ont décidé, lors d’une séance du 19 mai 2006, de prendre diverses mesures (cf. lettre C.3 infra).
2.5
Les discussions avec C._SA se sont cependant poursuivies. Une assemblée générale s’est tenue le 30 juin 2006. Lors de celle-ci, J._ et P._ ont remis leur démission du conseil d’administration par courrier à C._SA. II est indiqué au procès-verbal de cette assemblée que
« la mission de désengager dévolue à MM. P._ et J._ a été remplie. Le rapport de l’Organe de révision, ainsi que la lettre de ce dernier au Conseil d’administration, datée du 25 avril 2006, le confirment
»
(cf. P. 35/5 p. 5). C._SA a cependant demandé à J._ et P._ d’assumer la gestion intermédiaire du groupe jusqu’à la désignation des nouveaux organes et à l’établissement d’un décompte final de transition.
En réalité, le désengagement n’était pas terminé et les prénommés ont poursuivi leurs activités d’administrateurs, restant d’ailleurs inscrits au registre du commerce jusqu’à fin 2008.
2.6
Entre mai 2006 et décembre 2006, les contacts entre les vendeurs et l’acheteuse sont restés constants et constructifs. Cela a amené C._SA à demander à Y._SA un prêt de 3 millions en décembre 2006, prêt accordé par la banque [...] et garanti par les immeubles propriété d’Y._SA, mais dont le montant a finalement été intégralement remis à C._SA le 20 décembre 2006. Cette dernière n’en a pas assumé la charge financière, sous réserve du paiement d’un premier amortissement. A aucun moment, même durant les périodes les plus difficiles, il n’a toutefois été question que C._SA, soit reverse le prêt à Y._SA, soit en assume la charge financière.
2.7
Si les discussions étaient encore harmonieuses en 2006, nonobstant que la convention du 3 juin 2005 ne soit pas intégralement exécutée, la situation s’est considérablement tendue dès juin 2007 avec l’arrivée de H._, mandaté par V._SA – filiale de C._SA – pour procéder à l’intégration complète d’I._SA et de ses sociétés filles.
Le 5 juillet 2007, une séance a eu lieu entre J._ et P._, d’une part, et H._ notamment, d’autre part. Elle a fait l’objet d’un procès-verbal traitant en particulier de la remise à l’acheteuse des copies de baux et documents comptables et du sort des locaux sis [...].
2.8
Entre 2007 et 2008, les parties à la convention du 3 juin 2005 se sont battues pour la mainmise et la gestion des trois sociétés du groupe, l’acheteuse soutenant que la vente des actions avait eu lieu le 3 juin 2005 et qu’elle était devenue propriétaire ; les vendeurs soutenant que cette vente n’était pas à chef car le prix convenu n’avait pas entièrement été payé. Diverses procédures judiciaires ont divisé les parties (pour statuer sur la titularité des actions du groupe I._SA ; pour trancher la question des organes de ces sociétés ; pour interdire aux uns ou aux autres diverses manœuvres). Parmi ces procédures, il faut rappeler les décisions suivantes :
- des mesures superprovisionnelles du 29 juillet 2008 rendues par le juge instructeur de la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois, ordonnant à J._ et P._ de remettre diverses pièces et objets à H._.
- un arrêt de la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois du 29 juillet 2008, confirmant les mesures superprovisionnelles et interdisant à J._ et P._ de faire concurrence à I._SA, Y._SA et R._SA de quelque manière que ce soit.
Ces mesures provisionnelles n’ont pas été suivies d’une action au fond. La qualité d’administratrice des sociétés impliquées est en outre restée fluctuante pour C._SA en fonction de ses intérêts, puisque celle-ci, dans un courrier du 30 janvier 2008 précisait à l’attention de J._ et P._, s’agissant du paiement des intérêts et amortissements du prêt de 3 millions de francs concédé à Y._SA, mais versé à C._SA, que
« étant donné que c’est votre administration qui est actuellement en charge de la gestion de cette société, nous vous remercions donc de bien vouloir procéder à leur régularisation dans les plus brefs délais »
(cf. P. 248).
2.9
Durant la même période, les détaillants des magasins ont été informés de la reprise du groupe I._SA et de ses filles par C._SA, tant par les vendeurs que par l’acheteuse, chaque partie invitant les exploitants à lui faire confiance et à payer les montants dus sur les comptes dont elle avait la maîtrise. Au final, les détaillants ont décidé de continuer à faire confiance à J._ et P._.
2.10
En avril 2008, H._, en qualité d’administrateur, a dénoncé les crédits bancaires d’Y._SA et de R._SA.
Une procédure d’avis au juge en cas de surendettement, fondée sur l’art. 725 CO (Code des obligations du 30 mars 1911 ; RS 220), a également été initiée par J._ et P._ devant le Tribunal de district de [...]. Lors de l’audience du 6 août 2008, C._SA, J._ et P._ ont convenu de désigner conjointement un curateur aux trois sociétés. Cette convention est restée sans effet, C._SA ne répondant pas aux propositions de ceux-ci relatives au curateur.
Finalement, le 16 septembre 2008, J._ et P._ ont dénoncé la convention du 3 juin 2005, ce que C._SA a accepté sous réserve de la restitution des fonds avancés.
Pour permettre la réouverture des lignes de crédit d’Y._SA et de R._SA, ensuite de la dénonciation par [...] en juin 2008, J._ et P._ se sont engagés personnellement à hauteur de 650'000 fr., en nantissant à concurrence de ce montant des cédules hypothécaires en 2
ème
rang qui grevaient leur immeuble de Fribourg, de sorte que ces lignes de crédit ont été rouvertes le 24 novembre 2008. Pour Y._SA, la ligne de crédit s’élevait en particulier à 200'000 fr. alors que pour R._SA, il y avait deux lignes de crédit de 150'000 fr. et de 530'000 fr., également dépassées. P._ était caution solidaire à concurrence de 180'000 fr. dans chacun des deux cas, non seulement du crédit octroyé à Y._SA par [...] depuis le mois de mai 1986, mais également du crédit octroyé à R._SA par cette banque depuis le mois de juillet 1993 (cf. P. 43/3 et P. 43/7).
Malgré cela, la situation est restée critique ; H._ a avisé le juge conformément à l’art. 725 CO et la faillite des trois sociétés a été prononcée le 9 janvier 2009.
Tout au long du litige les opposant à C._SA, J._ et P._ se sont entourés de divers fiduciaires et avocats, qu’ils ont mandatés.
3.
3.1
Entre mai 2006 et novembre 2008, les prévenus ont pris une série de mesures, étant précisé que seule la dernière revêt un caractère pénal (cf. consid. 4-5 infra).
3.1.
Lors d’un conseil d’administration restreint d’Y._SA tenu le 19 mai 2006, J._ et P._, agissant comme administrateurs de cette société, ont décidé de modifier les baux liant Y._SA aux détaillants. Ils ont intercalé ainsi O._SA, une société inactive qui leur appartenait, entre Y._SA et ces commerçants. Des contrats de location ou de sous-location ont été conclus entre ces deux sociétés. Dès lors, les exploitants ont versé le loyer à O._SA, laquelle faisait suivre ces montants à Y._SA, déduction faite des frais liés à la nouvelle structure.
3.2
Le 3 janvier 2008, les prévenus, en leur qualité d’administrateurs d’Y._SA, ont adressé une lettre à O._SA valant « contrat de fiduciaire et services » (cf. P. 174/20) ; à teneur dudit contrat, O._SA pouvait prélever ses honoraires sur les redevances dues par chaque magasin, la première société cédant toute son activité à la seconde, sans contrepartie.
C’est en l’occurrence à partir du mois de février suivant que la cession de la clientèle est devenue effective et où le personnel de cette société a été repris par O._SA.
3.3
En septembre-octobre 2008, les prévenus ont créé la société N._Sàrl qui reprenait l’activité développée à l’origine par Y._SA concernant la réalisation de travaux administratifs. J._ et P._ n’étaient pas actionnaires ou administrateurs de N._Sàrl. Il est toutefois admis qu’ils ont tous deux coopéré à la naissance de cette société par leurs conseils et leurs adverses interventions, et qu’ils l’ont gérée au moment des faits litigieux, peut-être sous la forme de consultants.
Au vu des problèmes rencontrés avec les repreneurs, les prévenus, en tant qu’administrateurs d’Y._SA, ont convaincu les détaillants de résilier les contrats de services les liant à cette entité. Ils les ont convaincu ensuite de signer de nouveaux contrats sous forme d’avenant avec leur société O._SA, laquelle avait repris le personnel d’Y._SA en février 2008.
Ces nouveaux contrats prévoyaient en particulier qu’O._SA continuerait à mettre à disposition les locaux et les agencements fournis en amont par Y._SA, mais qu’une société tierce, N._Sàrl, délivrerait désormais les prestations de services complémentaires. La structure de la redevance payée par les points de vente était en outre profondément remaniée : la part destinée à payer le coût de la location des murs et des installations, qui devait continuer à revenir à Y._SA, a été baissée de manière importante dans plusieurs contrats ; à l’inverse, la part consacrée au défraiement des services administratifs, qui allait revenir à la nouvelle société de services, elle, a augmenté fortement. Ce remaniement était hautement préjudiciable à Y._SA, laquelle ne percevait dès lors plus que la part « loyer » de la redevance, part de surcroît fortement diminuée.
4.
I._SA a déposé plainte par courrier du 21 avril 2008. C._SA s’est constituée partie civile le 27 janvier 2009 et a pris des conclusions civiles à hauteur de 5’815'900 fr. le 19 juillet 2012. Les masses en faillite, I._SA, R._SA et Y._SA se sont constituées parties civiles par déclaration du 18 octobre 2010. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de C._SA est recevable. Il en va de même de l’appel du Ministère public.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3). L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier ; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, Niggli/Heer/Wiprächtiger [éd.], Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, Jugendstrafprozess-ordnung, 2
e
éd. Bâle 2014, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP ; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
Il convient d’examiner en premier lieu la réquisition de mesure d’instruction déposée par les intimés, renouvelée à l’audience d’appel.
Les intimés requièrent la mise en œuvre d’une expertise comptable et analytique afin de déterminer notamment quels auraient été les agissements des prévenus, s’ils se sont enrichis ou encore quel aurait été le montant du dommage subi par la plaignante.
3.1
Selon l'art. 389 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance (al. 1). La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (al. 3). L'immédiateté des preuves ne s'impose ainsi pas en instance d'appel (TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 consid. 3.1). L'autorité peut notamment refuser des preuves nouvelles, lorsqu'une administration anticipée de ces preuves démontre qu'elles ne seront pas de nature à modifier le résultat de celles déjà administrées (ATF 136 I 229 consid. 5.3).
Les tribunaux peuvent avoir recours à un expert lorsqu’ils ne disposent pas des connaissances et des capacités nécessaires pour constater ou juger un état de fait (art. 182 CPP). Sous réserve de quelques dispositions légales, c’est en général une faculté, non une obligation.
3.2
En l’espèce, une expertise comptable et analytique est inutile dès lors que la matérialité des faits n’est pas contestée. De plus, tout un volet de l’acte d’accusation a été abandonné ; il s’agissait du seul pan qui aurait éventuellement pu nécessiter une telle mesure. L’expertise requise est également inutile dès lors que, comme on le verra ci-après, l’existence d’un dommage est manifeste, le préjudice certain – aucun revenus ne remontant à Y._SA depuis 2008, laquelle a été vidée de sa substance –, sans qu’il soit nécessaire d’en déterminer la quotité avec précision. Du reste, il n’appartient pas à un expert, mais à l’autorité judiciaire, de se prononcer sur la réalisation des conditions des infractions pénales en ce qui concernent les agissements des prévenus. Les éléments figurant au dossier sont ainsi suffisants pour examiner les faits reprochés et trancher les questions litigieuses, de sorte qu’il y a lieu d’écarter la mesure d’instruction requise par les intimés.
4.
Le Ministère public et la partie plaignante remettent en cause la libération des prévenus du chef d’accusation de gestion déloyale (art. 158 ch. 1 CP). Dans la mesure où les griefs se regroupent, il y a lieu de traiter les deux appels simultanément.
4.1
A titre liminaire, on précisera, s’agissant de l’appel de C._SA, que l’entier de la motivation de cette écriture est axé sur la gestion déloyale, mais que l’appelante conclut à la condamnation des intimés pour abus de confiance (P. 257, conclusion III). Il faut toutefois considérer qu’il s’agit manifestement d’une erreur de plume, dès lors qu’en audience d’appel, l’intéressée a plaidé l’infraction prévue par l’art. 158 CP. Partant, l’examen qui suit se rapportera à cette infraction.
4.2
4.2.1
A teneur de l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
La présomption d’innocence, garantie par les art. 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 ; RS 101), art. 6 par. 2 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ; RS 0.101) et art. 14 par. 2 Pacte ONU Il (Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 ; RS 0.103.2), ainsi que son corollaire, le principe
in dubio pro reo
, concernent tant le fardeau de la preuve que l’appréciation des preuves. En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d’innocence signifie que toute personne prévenue d’une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu’il appartient à l’accusation de prouver la culpabilité de celle-là (ATF 127 I 38 consid. 2a ; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 consid. 2.2.1). Comme règle d’appréciation des preuves, le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l’accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes ; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 la 31 consid. 2c ; TF 6B_831/2009 précité consid. 2.2.2).
4.2.2
L'art. 158 CP punit celui qui, en vertu de la loi, d'un mandat officiel ou d'un acte juridique, est tenu de gérer les intérêts pécuniaires d'autrui ou de veiller sur leur gestion et qui, en violation de ses devoirs, aura porté atteinte à ces intérêts ou aura permis qu'ils soient lésés (ch. 1 al. 1). Le cas de la gestion déloyale aggravée est réalisé lorsque l'auteur a agi dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime (ch. 1 al. 3).
Sur le plan objectif, il faut que l'auteur ait un devoir de gestion ou de sauvegarde, qu'il ait violé une obligation qui lui revient en cette qualité et qu'il en soit résulté un dommage. L'infraction réprimée par l'art. 158 ch. 1 CP ne peut être commise que par une personne qui revêt la qualité de gérant. Selon la jurisprudence, il s'agit d'une personne à qui incombe, de fait ou formellement, la responsabilité d'administrer un complexe patrimonial non négligeable dans l'intérêt d'autrui (ATF 129 IV 124 consid. 3.1). La qualité de gérant suppose un degré d'indépendance suffisant et un pouvoir de disposition autonome sur les biens administrés. Ce pouvoir peut aussi bien se manifester par la passation d'actes juridiques que par la défense, au plan interne, d'intérêts patrimoniaux, ou encore par des actes matériels, l'essentiel étant que le gérant se trouve au bénéfice d'un pouvoir de disposition autonome sur tout ou partie des intérêts pécuniaires d'autrui, sur les moyens de production ou le personnel d'une entreprise (ATF 123 IV 17 consid. 3b ; ATF 120 IV 190 consid. 2b).
Pour qu’il y ait gestion déloyale, il faut que le gérant ait violé une obligation liée à la gestion confiée (ATF 123 IV 17 consid. 3c). Le comportement délictueux consiste à violer le devoir de gestion ou de sauvegarde. Pour dire s'il y a violation, il faut déterminer concrètement le contenu du devoir imposé au gérant. Cette question s'examine au regard des rapports juridiques qui lient le gérant aux titulaires des intérêts pécuniaires qu'il administre, compte tenu des dispositions légales ou contractuelles applicables (TF 6B_967/2013 du 21 février 2014 consid. 3.2 ; TF 6B_223/2010 du 13 janvier 2011 consid. 3.3.2 ; TF 6B_446/2010 du 14 janvier 2010 consid. 8.4.1).
La notion de dommage au sens de l'art. 158 CP doit être comprise comme pour les autres infractions contre le patrimoine, en particulier l'escroquerie (ATF 122 IV 279 consid. 2a ; TF 6B_967/2013 précité consid. 3.3). Ainsi, le dommage est une lésion du patrimoine sous la forme d'une diminution de l'actif, d'une augmentation du passif, d'une non-augmentation de l'actif ou d'une non-diminution du passif, mais aussi d'une mise en danger de celui-ci telle qu'elle a pour effet d'en diminuer la valeur du point de vue économique (ATF 129 IV 124 consid. 3.1 ; ATF 123 IV 17 consid. 3d). Il n'est pas nécessaire que le dommage corresponde à l'enrichissement de l'auteur, ni qu'il soit chiffré ; il suffit qu'il soit certain (TF 6B_986/2008 du 20 avril 2009 consid. 4.1). Il doit être en rapport de causalité avec la violation des devoirs (Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. I, 3
e
éd., Berne 2010, n. 10 ad art. 158 CP).
Sur le plan subjectif, il faut que l’auteur ait agi intentionnellement ; le dol éventuel suffit, mais il doit être caractérisé (TF 6B_967/2013 du précité consid. 3 ; Corboz, op. cit., n. 13 ad art. 158 CP).
La notion de dessein d'enrichissement illégitime, contenue à l’art. 158 ch. 1 al. 3 CP, est commune à plusieurs infractions contre le patrimoine. Par enrichissement, il faut entendre tout avantage économique. La notion est large : tout avantage patrimonial suffit. Le dessein d'enrichissement étant une question subjective, une erreur sur les faits est concevable. L'auteur doit vouloir, même sous la forme du dol éventuel, son enrichissement ou celui d'un tiers, même s'il n'est pas sûr que cet enrichissement survienne (cf., avec des développements, Corboz, op. cit., n. 14 ad art. 138 CP). Il faut encore que l'enrichissement puisse être qualifié d'illégitime. L'enrichissement n'est pas illégitime si l'auteur y a droit ou croit qu'il y a droit en raison d'une erreur de fait (cf. Corboz, op. cit., n. 15 ad art. 138 CP et les références citées).
4.3
En l’espèce, la partie plaignante soutient pour l’essentiel qu’entre mai 2006 et novembre 2008, J._ et P._ ont, par étapes successives, vidé de toute substance la société Y._SA qu’ils avaient vendue à C._SA et pour laquelle celle-ci avait versé 7'790'000 fr. en vue de rembourser les passifs et 500'000 fr. directement en mains des prévenus à titre d’acompte sur le prix de vente ; selon l’appelante, toutes les mesures prises ressortiraient de la gestion déloyale.
Le Ministère public considère en revanche que seule la troisième mesure prise constitue l’acte de gestion déloyale caractérisé.
Pour leur part, les prévenus contestent avoir agi contrairement aux intérêts des sociétés dont ils avaient la maîtrise : le 19 mai 2006, s’ils avaient certes dénoncé tous les crédits des sociétés, un solde de 1’710’000 fr. restait toutefois ouvert et non financé par C._SA. Ils disposaient par ailleurs d’un rapport d’une fiduciaire faisant état d’un risque de faillite des sociétés. Dans ces circonstances, ils auraient voulu, par les différentes mesures prises, à la fois sauvegarder leurs propres intérêts du fait des importants cautionnements solidaires qui les concernaient, mais également sécuriser les points de vente en les maintenant bénéficiaires et, de ce fait, également préserver les intérêts de C._SA.
Il convient de reprendre ces mesures afin de déterminer si celles-ci relèvent du droit pénal, notamment de la gestion déloyale.
4.3.1
S’agissant de la première mesure prise par les prévenus, qui a consisté par la réactivation, puis par l’immixtion de la société O._SA leur appartenant dans les baux à loyers liant les détaillants à Y._SA, les premiers juges ont considéré que la condition d’un dommage n’était pas réalisée au motif que l’intégralité des montants dus à Y._SA lui étaient parvenus par l’intermédiaire d’O._SA.
Cette appréciation doit être confirmée. En effet, on peut admettre que, prise isolément, cette mesure – qui est néanmoins nécessaire à l’ensemble du montage qui va suivre, comme le relève C._SA – n’est manifestement pas constitutive de gestion déloyale, faute de dommage en raison du fait qu’O._SA reversait bel et bien les montants encaissés auprès des détaillants directement à Y._SA. Il n’est donc pas établi que par l’immixtion de la société O._SA dans les baux à loyer conclus entre les détaillants et la première société, les prévenus ont privé celle-ci des loyers, partant lui ont causé un préjudice économique. La plaignante ne le conteste d’ailleurs pas, se bornant à soutenir d’une part que l’opération ne présentait aucun avantage particulier pour Y._SA ou les exploitants, mais qu’elle profitait aux prévenus qui conservaient la mainmise sur les baux à loyers et gardaient par conséquent la maîtrise effective sur la relation contractuelle avec les détaillants et d’autre part que cette opération préparait les décisions qui allaient être prises au début de l’année 2008.
Au vu de ces éléments, il faut retenir que cette première mesure ne revêt pas un caractère pénal.
4.3.2
La deuxième mesure est la conclusion d’un contrat de service entre Y._SA et O._SA le 3 janvier 2008, par lequel la première société a transféré à la seconde société la partie « prestation de service » des détaillants.
Cette mesure, prise à nouveau isolément, ne constitue pas davantage une gestion déloyale, à défaut de dommage, comme l’ont retenu à juste titre les premiers juges, l’instruction ayant permis d’établir que l’intégralité des montants, sous déduction des charges désormais assurées par O._SA remontait à Y._SA, les prestations fournies par la première l’étant à leur coût effectif.
Selon la plaignante, en cédant gratuitement à une société tierce dont ils étaient propriétaires l’intégralité de la clientèle, le personnel et en emportant des pièces comptables, les prévenus ont privé la société Y._SA dont ils avaient la gestion de toutes ressources, la vidant au final de sa substance. C._SA tente à ce titre de démonter, pièces à l’appui, que les flux financiers ne remontaient plus jusqu’à Y._SA à partir de février 2008, soit dès le moment où la cession de la clientèle était devenue effective et où le personnel de cette société avait été repris par O._SA. En ce qui concerne l’extrait de compte [...] (P. 162/7), cette pièce n’autorise aucune comparaison avec l’année 2007 dès lors que les mouvements mis en évidence à partir du 1
er
février 2008 ne concernent pas le compte cité par l’appelante pour 2007. Quant aux déclarations de H._ s’agissant de la procédure de surendettement du 6 août 2008 ou au courrier de la banque [...], l’une des créancières principales d’Y._SA (PV aud. 30 et P. 167/7), desquelles il ressort que tous les débiteurs à l’actif d’Y._SA ont été cédés et qu’il n’existe plus de fonds de roulement pour assurer son exploitation, on ne saurait en déduire que la deuxième mesure litigieuse constitue la cause de ce problème de trésorerie, cette allégation n’étant quoi qu’il en soit pas suffisamment documentée.
Au contraire, il faut plutôt retenir qu’O._SA facturait ses services de la même manière que le faisait Y._SA et qu’à revenus moindres, les charges pour Y._SA étaient moindres également, de sorte qu’en définitive la conclusion d’un « contrat de service » entre les deux sociétés n’a pas privé Y._SA de ses revenus.
Il s’ensuit que cette deuxième mesure ne revêt pas un caractère pénal.
4.3.3
S’agissant de la troisième mesure prise, elle se rapporte, d’une part, à la création en septembre-octobre 2008 par les prévenus, derrière des prête-noms, de la société N._Sàrl qui a repris l’activité développée à l’origine par Y._SA concernant la réalisation de travaux administratifs et, d’autre part, au fait que les prévenus, toujours administrateurs d’Y._SA, vont convaincre les détaillants de résilier les contrats de services les liant à Y._SA et d’en signer de nouveaux sous forme d’avenant avec la société O._SA, laquelle avait repris le personnel d’Y._SA en février 2008. Avec les nouveaux avenants, les redevances dues par les détaillants sont ventilées de manière différente, la part des loyers revenant à Y._SA étant diminuée alors que le prix payé pour les services administratifs effectués par N._Sàrl est augmenté.
A cet égard, les premiers juges ont considéré que les conditions de gérant et du dommage étaient réalisées. Ils ont laissé indécise la question de savoir si l’on pouvait admettre une violation du devoir de gestion dans la mesure où en dénonçant la convention de vente et d’achat d’actions, les prévenus étaient redevenus actionnaires. Ils ont estimé en revanche que l’élément subjectif de l’infraction de gestion déloyale n’était de toute manière pas réalisé.
4.3.3.1
Objectivement, il faut admettre que les prévenus – qui agissaient comme gérants (de fait et de droit) – ont supprimé la raison d’être d’Y._SA, en la privant de tous ses clients, alors même qu’ils étaient chargés de défendre ses intérêts économiques. Malgré le fait que convention du 5 juin 2005 avait été résiliée et que l’avis au sens de l’art. 725 CO avait été effectué, ces derniers avaient encore un pouvoir de disposition autonome sur les biens de la société. Il ressort en particulier du dossier que les prévenus ont été sollicités afin d’assumer la gestion intérimaire du groupe jusqu’à la désignation de nouveaux organes et qu’ils sont restés inscrits au registre du commerce en qualité d’administrateurs jusqu’à fin 2008. Peu importe ainsi qu’ils soient devenus actionnaires ensuite de la dénonciation de la convention précitée, étant relevé au demeurant que la qualité de gérant est reconnue tant à l’administrateur unique d’une société (cf. ATF 117 IV 259), qu’à l’actionnaire unique qui dirige en fait la société, sans pour autant être un organe formel (cf. TF 6B_66/2008 du 9 mai 2008 consid. 6.3.1 ; Dupuis et al., Petit commentaire du Code pénal, Bâle 2012, n. 11 ad art. 158 CP).
4.3.3.2
A l’instar du Ministère public, on ne voit pas, avec cette mesure, ce que les prévenus auraient pu faire de pire pour nuire à une société dont ils étaient encore les administrateurs. Certes, Y._SA conservait encore quelques sources de revenus par les loyers qu’elle percevait au travers d’O._SA et par la mise à disposition des équipements.
Les prévenus ont toutefois fait résilier les contrats liant les détaillants à Y._SA, en signant eux-mêmes ou en établissant pour le compte des exploitants les lettres de résiliation. Or, en vertu de leur devoir de diligence et de leur obligation de fidélité, il leur appartenait de sauvegarder les intérêts économiques de cette société. De plus, en établissant, par la société O._SA, des avenants aux contrats qui réduisaient drastiquement la part « loyer » par une augmentation de la part « service », les prévenus ont encore affaibli Y._SA, ce qui était tout aussi contraire à leurs obligations découlant de l’art. 717 CO. Compte tenu de ces éléments, force est de considérer que leur comportement se révèle gravement incompatible avec la défense des intérêts économiques de la société Y._SA et qu’il est constitutif d'une violation du devoir de gestion.
4.3.3.3
La violation par les prévenus de leur devoir de gestion a en outre clairement prétérité la société et le dommage apparaît certain. Y._SA a en effet perdu toute sa clientèle ainsi que son personnel ; la seule source de revenus que représentaient les loyers a été fortement diminuée. A ce titre, la partie plaignante a chiffré ses conclusions civiles à 5'815'900 fr., même s’il elle admet que la détermination du préjudice est complexe. Il convient en l’occurrence de s’en tenir à cet ordre de grandeur, étant précisé que les parties à la convention du 3 juin 2005 ont considéré que les mille actions du groupe I._SA valaient 10'000'000 fr., soit 10'000 fr. l’action, qu’une procédure de surendettement avait été ouverte durant l’été 2008 et que la faillite du groupe avait été prononcée en 2009, de sorte que l’action était alors tombée à zéro. Dans ces conditions, même à supposer qu’une bonne part de l’enveloppe de dix millions de francs devait être destinée à désengager les prévenus, on peut raisonnablement estimer que le préjudice porte sur plusieurs centaines de milliers de francs, soit sur une somme considérable. L'existence d'un dommage doit dès lors être reconnue, à tout le moins au degré de la mise en danger (cf. Dupuis et al., Petit commentaire du Code pénal, Bâle 2012, n. 25 ad art. 158 CP).
4.3.3.4
Enfin, du fait qu’en résiliant les contrats de service liant les détaillants à Y._SA les prévenus ont supprimé une source importante de revenus de la société dont ils avaient la gestion, il est clair que la violation du devoir de gestion est en rapport de causalité avec le dommage.
En conséquence, toutes les conditions objectives posées par l’art. 158
ch. 1 CP sont réunies.
4.3.3.5
Au plan subjectif, les actes reprochés aux prévenus revêtent à l’évidence un caractère intentionnel. Sur ce point, les premiers juges paraissent avoir commis une confusion, en englobant le dessein spécial d’enrichissement dans la notion d’intention (cf. jgt, pp. 57-58).
Comme déjà exposé ci-avant, les prévenus ont pris des mesures qui, superposées les unes aux autres, ont privé Y._SA de ses sources de revenus. On ne discerne pas l’intérêt d’avoir fait transiter les loyers des détaillants par une société tierce, sauf s’il s’agissait de prendre ultérieurement la mainmise sur les revenus d’Y._SA. Le contrat conclu le 3 janvier 2008 entre Y._SA et O._SA procède de la même intention : il a permis de réduire à brève échéance, la part loyer des détaillants en augmentant la part services, sans que l’on puisse dire que la part service était proportionnelle à une augmentation des services de la société N._Sàrl ; de ce fait, les loyers touchés par Y._SA ont été réduits. Il est absolument certain que les prévenus en étaient conscients et qu’ils voulaient délibérément reprendre la maîtrise puisqu’ils avaient dénoncé la convention de vente et d’achat d’actions. De façon générale, l’ampleur et la durée des agissements excluent tout doute sur l’intention, en particulier si l’on reprend la chronologie des mesures entreprises par les prévenus, qu’on les associe entre elles et que l’on n’oublie pas le contexte civil de l’affaire, soit que les parties se disputaient la titularité du capital social d’Y._SA, titularité finalement tranchée en défaveur des prévenus.
Les premiers juges ont été particulièrement ébranlés par le fait que les prévenus s’étaient engagés personnellement à hauteur de 650'000 fr., en novembre 2008, pour permettre la réouverture des lignes de crédit d’Y._SA et de R._SA auprès d’[...] ; le Tribunal de première instance a considéré qu’il était insoutenable que, d’un côté, les prévenus aient voulu, même par dol éventuel, nuire à Y._SA, tandis que de l’autre, ils s’engageaient personnellement pour un montant considérable afin de la sauver. Il convient d’analyser la portée de cet engagement. La pièce 43 du dossier et de ses annexes sont à cet égard déterminantes. Il en ressort en particulier qu’en juin 2008, [...] a dénoncé au remboursement les lignes de crédit en compte courant octroyées à Y._SA et à R._SA ; pour Y._SA, la ligne de crédit s’élèvait à 200'000 fr. alors que pour R._SA, il y avait deux lignes de crédit de 150'000 fr. et de 530'000 fr., également dépassées. [...] a fait alors notifier des commandements de payer aux deux sociétés. Ce que le jugement de première instance ne relève pas – alors qu’il s’agit d’un élément capital –, c’est que P._ était caution solidaire à concurrence de 180'000 fr. du crédit octroyé à Y._SA par [...] depuis le mois de mai 1986 (P. 43/3). Ce même prévenu était aussi caution solidaire du crédit octroyé à R._SA par la banque à concurrence de 180'000 fr. depuis le mois de juillet 1993. L’intéressé avait ainsi tout intérêt à négocier avec [...] pour s’éviter d’être recherché personnellement pour le remboursement de ces crédits. C’est du reste ce qu’il fera, avec succès, puisqu’à l’issue des négociations la banque retirera les poursuites intentées aux deux sociétés et renoncera à rechercher la caution (P. 43/7), moyennant des garanties ; à titre de garantie précisément, P._ et J._ ont nanti à concurrence de 650'000 fr. des cédules hypothécaires en 2
ème
rang qui grevaient leur immeuble de [...].
Compte tenu de ces éléments, force est de constater que l’engagement des prévenus s’avérait très relatif, ces derniers ayant au final troqué un engagement personnel contre une garantie réelle portant sur des cédules de deuxième rang, soit des cédules de rang postérieur à l’emprunt hypothécaire de 750'000 fr. contracté auprès du [...]. Dans sa lettre du 18 juin 2009, [...] n’a pas manqué de souligner le caractère très relatif de cette garantie lorsqu’elle a maintenu sa poursuite en réalisation de gage (cf. P. 95/25). Comme le relève à juste titre le Ministère public, on ne discerne dès lors pas en quoi le maintien par [...] d’une ligne de crédit entièrement épuisée permettait à la société Y._SA de poursuivre leurs activités, dès lors qu’elle n’avait plus de clientèle pour assurer sa survie. Il s’ensuit que l’opération négociée avec [...] était surtout dans l’intérêt des prévenus.
Enfin, il faut encore relever les déclarations de P._, lesquelles permettent de conforter l’idée que la négociation avec [...] n’avait pas pour but de sauver Y._SA, mais de sauver les détaillants, dont J._ et P._ ont ensuite consciemment sacrifiés les intérêts au profit de leurs intérêts propres, en ce sens que trois mois après la réouverture des lignes de crédits, soit en septembre 2008, les prévenus ont résilié tous les contrats de service liant ces exploitants à Y._SA. Le fait que J._, qui n’était pas caution solidaire, s’est engagé, selon ses dires, « plus que nécessaire » n’est pas de nature à exclure l’élément constitutif subjectif, étant rappelé qu’il a surtout agi dans son intérêt personnel. Dès lors que les prévenus étaient expérimentés dans leur domaine d’affaires, il importe peu également qu’ils aient été assistés par des fiduciaires ou des avocats.
L’appréciation des premiers juges est donc erronée et même lacunaire sur ce point, dans la mesure où elle a passé sous silence les aspects de la négociation relatif à ce cautionnement, singulièrement les motifs des intimés.
4.3.3.5
L’intention dolosive étant manifeste, il reste à déterminer si l’on est en présence de gestion déloyale simple (art. 158 ch. 1 al. 1 CP) ou qualifiée (art. 158 ch. 1 al. 3 CP), respectivement si les prévenus ont agi dans un dessein d’enrichissement.
Après avoir obtenu une avance de quelque 8.2 millions de francs dans le cadre de la convention de vente et d’achat d’actions, les prévenus ont mis en place une série de mesures destinées à redevenir les maîtres du groupe qu’ils cédaient par l’entremise de sociétés qui, soit leur appartenaient – comme Y._SA –, soit dont ils étaient les associés-gérants de droit ou de fait – comme O._SA et N._Sàrl. Il n’y a donc pas seulement des actes intentionnels commis à l’encontre d’Y._SA, mais également une volonté de s’enrichir à son détriment, en particulier en reprenant tous les contrats qui liait ladite société aux détaillants. On soulignera également qu’ils ont encaissé 500'000 fr. à titre personnel.
Dans ces conditions, c’est bien la forme qualifiée de la gestion déloyale qui trouve application.
4.4
Eu égard à l’ensemble des éléments qui viennent d’être exposés, J._ et P._ doivent être reconnus coupable de gestion déloyale qualifiée (art. 158 ch. 1 al. 3 CP).
5.
Il convient d’examiner si les faits relèvent d’une infraction à la LCD.
5.1
L’art. 23 al. 1 LCD dispose que quiconque, intentionnellement, se rend coupable de concurrence déloyale au sens des art. 3, 4, 4a, 5 ou 6 est, sur plainte, puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire.
Aux termes de l’art. 4 let. a LCD, agit de façon déloyale celui qui incite un client à rompre un contrat en vue d’en conclure un autre avec lui. Selon l'interprétation donnée à cette disposition par la jurisprudence, on ne peut parler de rupture de contrat au sens de l’art. 4 let. a LCD que lorsqu'un contrat est violé, soit lorsque le concurrent déloyal incite le tiers à ne pas respecter les obligations qu'il a contractées avec autrui pour prendre la place de ce dernier. En revanche, il n'y a pas d'incitation déloyale lorsque la résiliation du contrat est conforme aux clauses contractuelles ou qu'elle repose sur de justes motifs, dès lors qu'elle constitue l'utilisation d'un droit prévu par le contrat ou par la loi (ATF 129 II 497 consid. 6.5.6 et les références citées ; cf. également CREP 30 juin 2011/274 et les références citées).
Pour qu’il y ait acte de concurrence déloyale, il ne suffit pas que le comportement apparaisse déloyal au regard de la liste d’exemples figurant aux art. 3 à 8 LCD. Il faut encore, comme le montre la définition générale de l’art. 2 LCD, qu’il influe sur les rapports entre concurrents ou entre fournisseurs et clients. Autrement dit, il doit influencer le jeu de la concurrence ou le fonctionnement du marché. Certes, il n’est pas nécessaire que l’auteur de l’acte soit lui-même un concurrent. Il n’empêche que l’acte doit être objectivement propre à avantager ou désavantager une entreprise dans sa lutte pour acquérir de la clientèle, ou à accroître ou diminuer ses parts de marché. L’acte doit être dirigé contre le jeu normal de la concurrence et propre à influencer le marché. Il doit être objectivement apte à influencer la concurrence (ATF 126 III 198 consid. 2 c/aa ; ATF 124 III 297 consid. 5d ; ATF 124 IV 262 consid. 2b ; ATF 120 II 76 c. 3a ; TF 6B_824/2007 du 17 avril 2008 consid. 2.1.1).
5.2
En l’espèce, il est établi qu’à la fin de l’année 2008, les prévenus ont amené tous les exploitants à résilier les contrats les liant à Y._SA au profit de N._Sàrl, cette dernière société se livrant exactement à la même activité qu’Y._SA. Ils ont en fait de même pour O._SA. Or, en incitant et en amenant les détaillants à rompre leurs relations d’affaires avec Y._SA pour en conclure de nouvelles avec des sociétés qui leur étaient proches, les prévenus ont clairement violé l’art. 4a LCD. La résiliation était en outre accompagnée d’un avenant qui modifiait le contrat de base, en défaveur de la société. Ces comportements déloyaux, découlant de la troisième mesure prise, ont aussi influé gravement sur les rapports de concurrence entre les sociétés, de sorte qu’ils sont constitutifs, sur le plan objectif, d’un délit à la LCD.
Subjectivement, les prévenus ont agi intentionnellement. En effet, sur le plan civil, ils sont devenus les rivaux de C._SA et, alors qu’ils savaient qu’ils n’étaient plus titulaires des actions du groupe I._SA, mais seulement administrateurs, ils ont tourné cette décision de justice à leur avantage en évinçant Y._SA dans les circonstances que l’on vient d’examiner.
Par ailleurs, on ne saurait suivre le raisonnement des premiers juges concernant le fait que la société I._SA, seule a avoir porté plainte, ne serait pas lésée pour le motif que les actes déloyaux avaient été commis à l’encontre d’Y._SA. En l’occurrence, I._SA est la société mère du groupe, Y._SA la société fille. Ces deux sociétés étaient étroitement liées, non seulement au travers de la détention du capital-actions de la seconde par la première, mais encore par le fait qu’elles constituaient entre elles une société simple dans le cadre de la détention de plusieurs immeubles commerciaux, au sein desquelles Y._SA déployait son activité commerciale. En prétéritant la situation d’Y._SA, la situation de la société mère s’en trouvait directement affectée aussi ; dans cette mesure, I._SA était légitimée à porter plainte. Dès lors que la résiliation des contrats remonte à la fin du mois de septembre 2008 et que la plainte d’I._SA est antérieure, soit du mois d’avril 2008, la plainte n’est pas prescrite (cf. art. 30 CP).
5.3
Il résulte de ce qui précède que J._ et P._ doivent être reconnus coupable de délit à la LCD (art. 4 let. a et 23 LCD).
6.
Il reste à examiner la peine à infliger aux prévenus.
6.1
Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale
(ATF 134 IV 17 consid. 2.1 ; ATF 129 IV 6 consid. 6.1).
6.2
En l'espèce, les prévenus sont reconnus coupables de gestion déloyale qualifiée et de délit à la LCD, infractions qui entrent en concours (art. 49 al. 1 CP). Il faut souligner que la gestion déloyale avec dessein d'enrichissement illégitime est un crime passible d'une peine privative de liberté de cinq ans (cf. art. 10 al. 2 et 158 ch. 1 al. 3 CP). Rompus aux affaires, exerçant leur activité d’administrateur de sociétés depuis de nombreuses années, les prévenus ont acquis une connaissance certaine de leur domaine d’activité, qui aurait dû leur permettre d’assurer la sauvegarde des intérêts économiques d’Y._SA. Ils n’ont toutefois pas hésité à profiter de l’indépendance de gestion conférée par leur statut pour prendre des mesures gravement incompatibles avec la défense des intérêts de la société, privilégiant au contraire leurs intérêts personnels. Les montants en jeu n’étaient à cet égard pas négligeables. En outre, tout au long de la procédure, tant J._ que P._ n’ont cessé de nier le caractère illicite de leur comportement.
A décharge, il sera tenu compte de l’âge des prévenus et de leur parcours professionnel et personnel exempt de tout reproche, étant rappelé que l’absence d’antécédents à un effet neutre sur la fixation de la peine (ATF 136 IV 1 consid. 2.6.4). On relève aussi l'écoulement du temps depuis les faits incriminés.
Au regard de la culpabilité de J._ et de P._, une peine privative de 13 mois est adéquate pour sanctionner leurs agissements.
6.3
Une peine ferme ne paraissant pas nécessaire pour détourner les auteurs d’autres crimes ou délits, la peine prononcée sera assortie du sursis complet (art. 42 al. 1 CP) avec un délai d'épreuve de deux ans (art. 44 al. 1 CP).
7.
S'agissant des conclusions civiles prises par l’appelante, compte tenu des implications de nature civile complexes et multiples de la cause, la Cour de céans constate qu'elle n'est pas en mesure de statuer sur les conclusions civiles de C._SA ; cette dernière a d’ailleurs déclaré ne pas s’opposer à l’application de l’art. 126 al. 3 CPP.
Il convient dès lors de donner acte à C._SA de ses réserves civiles à l’encontre de J._ et P._ et de la renvoyer à agir contre eux par la voie civile.
8.
Vu la condamnation des prévenus, le sort des frais de la procédure de première instance doit être réglé.
8.1
Aux termes de l’art. 426 CPP, le prévenu supporte les frais de procédure s'il est condamné (al. 1). Lorsque la procédure fait l'objet d'une ordonnance de classement ou que le prévenu est acquitté, tout ou partie des frais de procédure peuvent être mis à sa charge s'il a, de manière illicite et fautive, provoqué l'ouverture de la procédure ou rendu plus difficile la conduite de celle-ci (al. 2).
Seul un comportement fautif et contraire à une règle juridique, qui soit en relation de causalité avec les frais imputés, entre en ligne de compte (ATF 119 Ia 332 consid. 1b ; TF 6B_439/2013 du 19 juillet 2013 consid. 1.1). Pour déterminer si le comportement en cause est propre à justifier l'imputation des frais, le juge peut prendre en considération toute norme de comportement écrite ou non écrite résultant de l'ordre juridique suisse pris dans son ensemble, dans le sens d'une application par analogie des principes découlant de l'art. 41 CO (TF 6B_439/2013 précité c. 1.1 ; TF 6B_99/2011 du 13 septembre 2011 c. 5.1.2 ; Chapuis, in : Kuhn/Jeanneret [éd.], Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 2 ad art. 426 CPP). Le fait reproché doit constituer une violation claire de la norme de comportement (ATF 119 Ia 332 consid. 1b ; TF 6B_439/2013 précité consid. 1.1). L'acte répréhensible n'a pas à être commis intentionnellement. La négligence suffit, sans qu'il soit besoin qu'elle soit grossière (ATF 109 Ia 160 consid. 4a ; TF 6B_439/2013 précité consid. 1.1). La relation de causalité est réalisée lorsque, selon le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le comportement de la personne concernée était de nature à provoquer l'ouverture de la procédure pénale et le dommage ou les frais que celle-ci a entraînés (TF 6B_99/2011 précité c. 5.1.2 et les références citées). En outre, le juge doit fonder sa décision sur des faits incontestés ou déjà clairement établis (ATF 112 Ia 371 consid. 2a ; TF 6B_87/2012 du 27 avril 2012 consid. 1.2). La condamnation d’un prévenu acquitté à supporter tout ou partie des frais viole en revanche la présomption d’innocence lorsqu’elle laisse entendre directement ou indirectement que ce dernier serait néanmoins coupable des infractions qui lui étaient reprochées ou qu’il aurait commis une faute pénale (TF 6B_87/2012 précité consid. 1.2 ; TF 1B_21/2012 du 27 mars 2012 consid. 2.1 ; TF 1B_12/2012 du 20 février 2012 consid. 2 ; CREP 16 septembre 2013/578 consid. 2a et les références citées).
8.2
En l’espèce, les frais de la procédure de première instance doivent être mis entièrement à la charge des prévenus, par moitié chacun. Certes, tous les faits reprochés n’ont pas été considérés comme constitutifs d’une infraction pénale (cf. consid. 4.3.1 et consid. 4.3.2 supra). Sur le plan civil cependant, les prévenus ont clairement violé leur obligation de loyauté vis-à-vis de la société Y._SA en prenant les mesures n° 1 et 2 susmentionnées ; en outre, ces mesures leur ont également permis de mener à chef leurs agissements délictueux.
Compte tenu des éléments qui précèdent, il faut considérer que les prévenus ont violé des règles générales de comportement de l’ordre juridique suisse. Leur comportement est donc illicite et se trouve directement à l’origine de l’action pénale.
9.
Il convient enfin de traiter les prétentions en dépens de la partie plaignante pour la procédure de première instance.
9.1
Aux termes de l’art. 433 al. 1 CPP, la partie plaignante peut demander au prévenu une juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure lorsqu’elle obtient gain de cause (let. a) ou si le prévenu est astreint au paiement des frais conformément à l’art. 426 al. 2 (let. b). La partie plaignante adresse ses prétentions à l’autorité pénale et doit les chiffrer et les justifier (al. 2).
Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, la partie plaignante a obtenu gain de cause au sens de cette norme lorsque le prévenu a été condamné et/ou si les prétentions civiles ont été admises. La juste indemnité, notion qui laisse un large pouvoir d’appréciation au juge, couvre les dépenses et les frais nécessaires pour faire valoir le point de vue de la partie plaignante, à l’exclusion de toutes démarches inutiles ou superflues (TF 6B_965/2013 du 3 décembre 2013 consid. 3.1.1 ; TF 6B_159/2012 du 22 juin 2012 consid. 2.2 et les références citées). Il s'agit en premier lieu des frais d'avocat de la partie plaignante. En d’autres termes, les démarches doivent apparaître nécessaires et adéquates pour la défense du point de vue de la partie plaignante raisonnable (TF 6B_495/2014 du 6 octobre 2014 consid. 2.1 et les références citées).
L'indemnité visée par l'art. 433 al. 1 CPP doit correspondre au tarif usuel du barreau applicable dans le canton où la procédure se déroule et englober la totalité des coûts de défense, de sorte à couvrir l'entier des frais de défense usuels et raisonnables ; lorsqu'un tarif cantonal existe, il doit être pris en considération pour fixer le montant de l'indemnisation. Il sert de guide pour la détermination de ce qu'il faut entendre par frais de défense usuel (TF 6B_561/2014 du 11 septembre 2014 consid. 2.2.1 ; TF 6B_392/2013 du 4 novembre 2013 consid. 2.3). Tel est le cas dans le canton de Vaud depuis le 1
er
avril 2014 par l’adoption d’un nouvel art. 26a TFIP (tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale ; RSV 312.03.1), qui énonce les principes applicables à la fixation des indemnités allouées selon les art. 429 ss CPP à raison de l'assistance d'un avocat dans la procédure pénale. Cette disposition prévoit que l'indemnité pour l'activité de l'avocat est fixée en fonction du temps nécessaire à l'exercice raisonnable des droits de procédure, de la nature des opérations effectuées, des difficultés de la cause, des intérêts en cause et de l'expérience de l'avocat (al. 2). Le tarif horaire déterminant – hors TVA – est de 250 fr. au minimum et de 350 fr. au maximum pour l'activité déployée par un avocat. Il est de 160 fr. pour l'activité déployée par un avocat stagiaire (al. 3). Dans les causes particulièrement complexes ou nécessitant des connaissances particulières, le tarif horaire déterminant peut être augmenté jusqu'à 400 fr. (al. 4).
9.2
Sur le principe, les conditions d’octroi à la partie plaignante d’une juste indemnité sont réalisées.
Il ressort de la liste d’opérations produite (P. 250), que l’activité de Me Joël Crettaz s’élève à 125 heures, avec 194 fr. 10 de débours. Compte tenu de la nature et des caractéristiques de la cause, le temps allégué paraît adéquat. Il est d’ailleurs dans la cible de ce qu’ont demandé et obtenu les défenseurs d’office des prévenus, à un tarif horaire de 180 francs. S’agissant du tarif horaire déterminant, on peut s’en tenir au tarif usuel pratiqué dans le canton de Vaud pour un avocat de choix chevronné, soit 350 francs. Cela étant, il faut souligner que certains chefs d’accusation ont été abandonnés par les premiers juges. L’indemnité doit ainsi être diminuée, dans une légère mesure.
Tout bien considéré, il convient d’allouer
ex aequo et bono
une indemnité de 40'000 fr., TVA et débours inclus en sus, ce qui porte le montant final à 43'409 fr. 60. Cette indemnité doit être supportée par les intimés, solidairement entre eux.
10.
En définitive, l'appel du Ministère public doit être admis et l’appel de C._SA doit être partiellement admis. Le jugement entrepris doit être réformé dans le sens des considérants qui précèdent et confirmé pour le surplus.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel, par 10'334 fr. 80, doivent être mis par moitié à la charge de chacun des intimés en ce qui concerne les frais communs, J._ et P._ supportant en plus l’entier de l’indemnité allouée à son défenseur d’office (art. 428 al. 1 CPP).
Outre l'émolument, qui se monte à 4’330 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFIP), ces frais comprennent les indemnités allouées aux défenseurs d’office de J._ et de P._.
Une indemnité pour la procédure d'appel d'un montant de 3'294 fr., TVA et débours inclus, sera allouée au défenseur d'office de J._. Il faut s’écarter de la liste des opérations produite (P. 268), laquelle mentionne une activité de 25 heures, sans compter l’audience d’appel du 29 juin 2015. Ce temps allégué apparaît toutefois de manière générale excessif, étant précisé que, dans la liste précitée, le temps consacré à chaque opération n’est pas précisé et que seul le total d’heures est indiqué. Il convient par conséquent de retenir un total de 16 heures pour l’activité déployée, audience d’appel comprise, au tarif horaire de 180 fr., ainsi qu’une vacation à 120 fr. et des débours à 50 fr., auxquels on ajoute la TVA, par 244 francs. On précisera que les débours allégués sont également excessifs – notamment pour des frais de téléphones qui n’ont pas à être comptabilisés à ce poste –, de sorte qu’il y a lieu de retenir un forfait de 50 francs.
Sur la base de la liste des opérations produite (P. 269), une indemnité pour la procédure d'appel d'un montant de 2'710 fr. 80, TVA et débours inclus, sera allouée au défenseur d'office de P._ (2'340 fr. [13 heures] + 120 fr. [vacation] + 50 fr. [débours] + 200 fr. 80 [TVA]).
J._ et P._ ne seront tenus de rembourser à l’Etat le montant de l'indemnité allouée à leur défenseur d'office respectif que lorsque leur situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP).
Enfin, la partie plaignante a droit à une indemnité pour ses dépenses occasionnées par la procédure d'appel en application de l'art. 433 CPP. Sur la base de la liste des opérations produite (P. 270), une indemnité pour la procédure d'appel d'un montant de 8'694 fr., TVA incluse, sera allouée à C._SA (8'050 fr. [23 heures x 350] + 644 fr. [TVA]), à la charge des prévenus, solidairement entre eux. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
37e82054-1ffe-470b-8f1b-07b0a0b74fce | En fait :
A.
Par lettre du 19 mars 2013, l’avocat N._ a requis du Président de la Cour d’appel qu’il soit immédiatement relevé de son mandat de défenseur d’office de U._, dans la cause pénale PE10.018953-BBA actuellement pendante devant la Cour d’appel du Tribunal cantonal.
A l'appui de sa requête, l’avocat fait valoir une rupture des liens de confiance avec son client ensuite des allégations tenues par ce dernier lors de l’audience d’appel du 13 mars 2013. En effet, lors de cette audience, U._ a déclaré ce qui suit:
"[je] n’accepte pas d’être défendu par Me S._. [Je] rappelle que c’est Me N._ qui est censé assurer [ma] défense. [Je] veux que ce soit lui qui vienne plaider à l’audience d’appel ou cas échéant un autre avocat qui ne soit pas Me S._"
.
Dans cette même lettre, cet avocat a produit son relevé des opérations. Il réclame un montant de 1'766 fr. 90, débours et TVA compris, pour un travail totalisant 8,9 heures au tarif horaire de 180 francs. Il a précisé que c’était son collaborateur, Me S._, qui s’était occupé de la procédure pénale, sous réserve de la présente lettre valant déterminations au courrier du Président de céans du 13 mars 2013 ensuite de l'audience d'appel. La teneur de cet écrit est la suivante (P. 100):
"Maître,
Vous trouverez en annexe copie du procès-verbal de l’audience de ce jour dans la cause dirigée contre U._ notamment.
En bref, l’audience a dû être renvoyée car votre client n’acceptait pas d’être défendu par votre collaborateur. Il s’est également plaint du fait qu’il n’arrivait pas à avoir des contacts avec vous, alors même que vous aviez été désigné comme étant son défenseur d’office au pénal.
La Cour d’appel pénale, pressentant une rupture du lien de confiance avec votre mandant, envisage de vous relever de votre mandat de défenseur, sans indemnité, au vu des circonstances qui ont été exposées par votre client et compte tenu du motif juridique fondant la décision incidente. Par ailleurs, elle envisage de mettre à votre charge les opérations liées au renvoi de l’audience.
Un délai de 10 jours vous est imparti pour vous déterminer".
B.
lI ressort ce qui suit des pièces du dossier:
- Par décision du 20 mai 2011, la Procureure de l’Est vaudois a désigné
ad personam
l’avocat N._ en qualité de défenseur d'office de U._.
- Selon les déterminations de cet avocat, le mandat a tout de suite été transféré à son confrère, Me S._, collaborateur de l’étude. Une procuration prévoyant un pouvoir de substitution a été signée par le mandant.
- Il ressort du procès-verbal de l’audience de jugement de 1
ère
instance que Me S._ a assumé la défense de U._ (jgt., p. 4). Cet avocat a également rédigé l’annonce, puis la déclaration d’appel (P. 86 et 91/1), Me N._ s'étant borné, selon les explications de ce dernier, "
à suivre l’avancée du dossier en interne et à participer uniquement aux différentes prises de décision quant à son suivi
" (P. 102, p. 2).
- Le procès-verbal de l’audience de jugement ne mentionne pas que U._ souhaitait être défendu par l’avocat qui lui avait formellement été désigné. En revanche, par courrier du 5 décembre 2012, soit avant l’échéance du délai de 20 jours pour déposer la déclaration d’appel, ce dernier a fait savoir à Me N._ qu’il n’était pas satisfait de la défense de ses intérêts. Il s’est notamment plaint du fait que Me S._ n’avait pas sollicité l’audition de témoins de moralité (notamment son épouse) ni requis d'expertise psychiatrique, alors même qu’il rencontrait des problèmes de cet ordre. Dans une précédente lettre, reçue le 26 novembre 2012 selon le timbre de l’étude, U._ a traité Me S._ "
d’apprenti avocat
" et prié Me N._ de lui fixer un rendez-vous "
avec lui-même et non [ses] apprentis aussi vite que possible
" (cf. P. 90).
- Par courrier du 7 décembre 2012, reçue au greffe du Tribunal cantonal le 10 du même mois, U._ s’est plaint du fait qu’il n’avait aucune nouvelle de Mes N._ et S._, malgré ses précédentes lettres, et a requis que le présent courrier soit considéré comme une déclaration d’appel (P. 90).
- Le 11 décembre 2012, le greffe du Tribunal cantonal a enregistré la déclaration d’appel faite pour le compte de U._ par son avocat. Cette déclaration est signée: S._ "excusant" N._ (P. 91).
- A réception de cette déclaration, le Président de céans a signifié à U._ que sa lettre du 7 décembre 2012 valant déclaration d’appel était devenue sans objet, dans la mesure où son avocat avait fait le nécessaire (P. 96).
- Aucun autre échange d’écritures n’a eu lieu jusqu’à l’audience d’appel du 13 mars 2013. Lors de cette audience, la Cour a rendu le jugement incident suivant:
"Vu la requête de l’appelant U._ qui souhaite être défendu par l’avocat qui lui a été désigné et non par son collaborateur,
Considérant que le mandat de défenseur d’office est ad personam,
Que la requête de U._ est admise,
Que Me N._ sera interpellé par courrier séparé,
Que l’audience doit en l’état être renvoyée, les co-appelants et le Ministère public ne s’y opposant pas,
Qu’il sera statué ultérieurement sur la question des frais au vu des explications qui seront fournies par Me N._,
Par ces motifs, la Cour d'appel pénale:
I. Ordonne le renvoi des débats.
II. Renvoie la décision sur frais à un prononcé ultérieur".
C.
Par lettre du 13 mars 2013, Me [...], défenseur d’office des co-appelants, a produit un relevé de ses opérations en précisant qu’il avait d’ores et déjà pris bonne note que les frais inhérents à cette audience d’appel n'allaient pas être mis à la charge de ses clients et ce, même dans l’hypothèse d’un rejet de leur appel. Au surplus, il s’en est remis à justice quant à savoir qui devait porter la responsabilité et la charge de ces frais (P. 101). | En droit :
1.
Me N._ requiert d’être relevé de son mandat de défenseur d’office de U._. A l'audience d'appel, l'appelant a indiqué qu’il n'avait pas d’objection à ce que cet avocat assume sa défense, pour autant que ce soit à titre personnel, cas échéant qu’un autre conseil d’office lui soit désigné.
1.1
Selon l'art. 130 CPP (Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007, RS 312.0), le prévenu doit avoir un défenseur notamment lorsque le Ministère public intervient personnellement devant le tribunal de première instance ou la juridiction d'appel (let. d).
Aux termes de l'art. 134 al. 2 CPP, si la relation de confiance entre le prévenu et le défenseur d'office est gravement perturbée ou si une défense efficace n'est plus assurée pour d'autres raisons, la direction de la procédure confie la défense d'office à une autre personne.
La relation entre l'avocat désigné d'office et le prévenu comporte une dimension personnelle importante. L'autorité compétente pour désigner un autre défenseur d'office est la direction de la procédure (Moreillon et Parein-Reymond, Petite commentaire CPP, Bâle, 2013, n. 5 ad art. 134). La loi n'indique pas les circonstances justifiant le changement de défenseur d'office. Des dissensions passagères entre prévenu et défenseur, des critiques personnelles subjectives du prévenu ne suffisent pas (TF 1B_307/2012 du 4 juin 2012 c. 2; ATF 114 Ia 101 c.3; Moreillon/Parein-Reymond, op. cit., n. 6 ad art. 134 et les références citées). Il importe que, objectivement, le conflit soit tel que la poursuite du mandat ne puisse plus être raisonnablement exigée (Moreillon/Parein-Reymond,
ibid
.). L'avocat d'office qui souhaite être relevé de son mandat doit indiquer, avec réserve, les raisons justifiant sa requête. Il reste en effet tenu par le secret professionnel au sens de l'art. 320 CP (Code pénal suisse du 21 décembre 1937, RS 311.0). L'autorité devrait se contenter des explications générales, données par ce dernier (Moreillon/Parein-Reymond, op. cit., n. 7 ad art. 134).
1.2
En l’espèce, il s'agit d'un cas de défense obligatoire, le Ministère public intervenant personnellement devant la juridiction de céans (art. 130 let. d CPP). Au vu des éléments qui précèdent (cf. c. B), il est manifeste que le lien de confiance — si tant est qu’il ait pu exister – entre le prévenu et son conseil d’office est gravement perturbé. Dans ces circonstances, il convient de relever Me U._ de sa mission de défenseur d’office et de désigner un nouveau conseil au prévenu en la personne de Me [...], avocate à Lausanne.
2.
Dans son courrier du 19 mars 2013, Me N._ a produit une liste de ses opérations (P. 102/2). Il s'agit dès lors de fixer l’indemnité qui lui revient.
2.1
La première question à résoudre est celle de savoir si l’indemnité réclamée par cet avocat est adéquate eu égard aux opérations que nécessitaient la procédure d’appel.
Me N._ allègue avoir consacré 8,9 heures à l'accomplissement du mandat. Si le temps annoncé par cet avocat n’apparaît pas excessif, il y a toutefois lieu de déduire la demie-heure consacrée à ses déterminations ensuite de l’interpellation du Président de céans, ce travail ne faisant en effet pas partie de la mission du défenseur d’office.
En outre, il convient également de réduire la demie-heure consacrée aux débats. En effet, Me N._ ne pouvait ignorer que son client, ayant perdu toute confiance en la personne de son collaborateur, souhaitait qu’il l’assiste à l’audience d’appel. Il est vrai que la délégation de travaux à des collaborateurs ou à des stagiaires est possible, sous réserve toutefois de l’opposition du mandant (CR LLCA, Michel Valticos, n. 135 ad art. 12). En l'espèce, l’opposition de U._ à une substitution de mandat était parfaitement connue à l’issue de la procédure de première instance. En outre, l’art. 12 let. g LLCA (Loi fédérale du 23 juin 2000 sur la libre circulation des avocats, RS 935.61) impose à l’avocat d’accepter des défenses d’office. Sur ces bases, Me N._ ne saurait se retrancher derrière une procuration pour justifier de son absence aux débats d'appel.
Enfin, pour chaque audience, l’avocat a droit à une indemnité forfaitaire de 120 fr. qu'il convient toutefois de déduire, dès lors que Me N._ devait se présenter personnellement à l’audience d’appel.
Le décompte se présente dès lors comme il suit:
1. Honoraires:
8,9 h. – 0,5 h. – 0,5 h. = 7,9 heures (soit 7 heures et 50 minutes) ;
7.9 h. x 180 fr. = 1'410 francs
TVA à 8% = 112 fr. 80
Total = 1'552 fr. 80
2. 1'552 fr. 80 – 120 fr. =
1'402 fr. 80
2.2
Aux termes de l’art. 417 CPP, en cas de défaut ou d’autres actes de procédure viciés, l’autorité pénale peut mettre les frais de procédure et les indemnités à la charge des participants à la procédure qui les ont occasionnés, quelle que soit l’issue de la procédure.
Selon la doctrine, ces frais peuvent être mis à titre personnel à la charge de l’avocat qui serait considéré comme un tiers au sens de l’art. 105 let. f CPP (J. Pitteloud, Code de procédure pénale suisse, Commentaire à l'usage des praticiens, 2012, n. 1276, p. 847-848f; Griesser in: Donatsch/ Hansjakob/ Lieber (éd.), Kommentar zur Schweizerischen Strafprozessordnung, 2010, n. 4 ad art. 417; N. Schmid, Schweizerische Strafprozessordnung, Praxiskommentar, 2010, n. 10 ad art. 336 et n. 2 ad art. 417; Winzap in: Kuhn/Jeanneret (éd.), Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle, 2011, n. 6 ad art. 336; Crevoisier in: Kuhn/Jeanneret (éd.), op. cit., n. 2 ad art. 417).
En l’espèce, la Cour d’appel pénale a dû ajourner les débats (art. 336 al. 5 CPP) en considérant que le défenseur d’office n’avait pas comparu. Certes, U._ était assisté d’un avocat. Toutefois, il ne pouvait échapper au défenseur d’office nommément désigné que l’appelant ne souhaitait plus être défendu par son collaborateur. Il se devait ainsi de représenter personnellement son client aux débats d’appel, sauf à contraindre la Cour à ajourner ses débats en application de l’art. 336 al. 5 CPP.
Il s’ensuit que Me N._ doit supporter les frais inutiles liés à son absence de comparution personnelle. Pour une audience d’appel ayant duré moins d’une heure, l’art. 21 al. 2 2
e
phrase TFJP (Tarif des frais judiciaires pénaux, RSV 312.03.1) prévoit un émolument réduit à 400 francs. S’ajoutent à cela le jugement incident, soit une page, comptée à 110 francs (art. 21 al. 1 TFJP).
2.3
En définitive, l'indemnité allouée à Me N._ sera fixée 892 fr. 80, soit 1'402 fr. 80 moins 510 francs.
3.
Le présent prononcé est rendu sans frais. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
384e0859-53c0-43d4-85d4-a99664c61ca2 | En fait :
A.
Par jugement du 29 juin 2012, le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne a libéré V._ du chef d'accusation d'homicide par négligence et mis fin à l'action pénale dirigée contre lui (I), dit que l'Etat de Vaud est le débiteur de V._ et lui doit paiement d'un montant de 10'800 fr. à titre d'indemnité pour ses frais de défense (art. 429 CPP), sous déduction du montant versé à Me Stefano Fabbro dans le cadre de sa mission de défenseur d'office au chiffre IV ci-dessous (II), renvoyé L._, A.Z._ et B.Z._ à agir par la voie civile (III), dit que l'indemnité allouée à Me Stefano Fabbro est fixée à 8'029 fr. 80 (IV) et laissé les frais de justice à la charge de l'Etat (V).
B.
Le 2 juillet 2012, L._, A.Z._ et B.Z._ ont annoncé faire appel de ce jugement. Par déclaration d’appel du 25 juillet 2012, elles ont conclu, avec suite de frais et dépens, à l'admission de l'appel (I), à ce que l'intimé V._ soit reconnu coupable d'homicide par négligence (II), à sa condamnation à la peine requise par le Ministère public en première instance, soit à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à 30 fr. le jour, avec sursis pendant deux ans, et à une amende de 900 fr. convertible en 30 jours de peine privative de liberté de substitution en cas de non-paiement fautif dans le délai qui sera imparti (III), à ce qu'il soit condamné au paiement de l'entier des frais de la cause (IV) et à ce que les appelantes soient renvoyées à agir par la voie civile à l'encontre de V._, tant pour leurs dépenses obligatoires occasionnées par la procédure que pour des dommages et intérêts (V).
Le 3 juillet 2012, le Ministère public a annoncé faire appel de ce jugement. Par déclaration d’appel du 12 juillet 2012, il a conclu à l'admission de l'appel (I), à ce que l'intimé V._ soit reconnu coupable d'homicide par négligence (II), à sa condamnation à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à 30 fr. le jour, avec sursis pendant deux ans, et à une amende de 900 fr. convertible en 30 jours de peine privative de liberté de substitution en cas de non-paiement fautif dans le délai qui sera imparti (III), à ce que les frais d'enquête et de jugement de première instance soient mis à sa charge (IV) et à ce que les frais de la procédure d'appel soient aussi mis à sa charge (V).
Dans ses déterminations du 2 novembre 2012, l'intimé V._ a conclu, avec suite de frais, à sa libération des fins de la poursuite pénale et à l'octroi d'une équitable indemnité pour ses frais de défense, dont le détail sera produit à l'audience d'appel. Il a renoncé à toute réquisition de preuve.
A l'audience d'appel, les parties ont confirmé leurs conclusions respectives. L'intimé V._ a, par son défenseur d'office, produit une liste d'opérations de première et de deuxième instances.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.1 Le dimanche 1
er
mai 2011, vers 14 h 45, le prévenu V._, né en 1982, circulait sur la route cantonale au volant de son véhicule de livraison agricole depuis [...] à [...]. Il était en état de conduire et titulaire du permis idoine. Il était alors en compagnie de son amie [...], qui était assise sur le siège passager. Occupée à caresser son chien, elle ne regardait pas la route. Parvenu au croisement du lieu-dit [...], V._ s'est déplacé sur la gauche de sa voie de circulation pour traverser la voie de circulation opposée par un demi-tour afin de rejoindre le chemin vicinal menant au pré où pâturait son troupeau de moutons. Il a ralenti jusqu'à l'arrêt, puis a obliqué à gauche dans le but d'enfiler la desserte agricole, comme cela est autorisé au croisement en question. Au même moment est arrivé en sens inverse le motocycliste [...]. Le motard a effectué un freinage d'urgence, manœuvre qui a laissé des traces sur la chaussée. Son véhicule s'est couché sur le côté gauche et a glissé sur une distance de 13 mètres avant de heurter le véhicule du prévenu à la hauteur de la roue arrière droite.
Le choc a été si violent que [...] a perdu une jambe dans l'accident. Au moment de la collision, l'automobiliste X._ suivait la bétaillère au volant de sa propre voiture, étant précisé qu'un véhicule était alors, selon son souvenir, intercalé entre lui-même et le prévenu. Il circulait en compagnie de son épouse, [...], et de leurs trois enfants. Accourue immédiatement sur les lieux, Dame [...], infirmière de profession, a constaté que le cœur du motard accidenté ne battait déjà plus.
Le défunt circulait alors depuis la matinée en compagnie de son ami M._, tous deux ayant échangé leurs motocycles pour l'occasion. Les deux motards communiquaient par un système audiophonique reliant leurs casques. Ils se sont présentés ensemble au giratoire de [...] pour s'engager sur la route cantonale menant à [...].
Le camion du prévenu était un véhicule utilisé pour le transport du bétail, communément appelé bétaillère. Il mesurait 6,55 m de long pour un poids à vide de 2,5 tonnes. Pour sa part, le motocycle chevauché par le défunt, de 1000 cm
3
de cylindrée, pesait 186 kg à vide. Le jour de l'accident, la visibilité était excellente, il faisait beau et la chaussée était sèche; alors à son point culminant, le soleil ne représentait aucune gène pour les deux conducteurs. Le lieu de l'accident est situé au milieu d'une ligne droite, à un endroit où les usagers de la route disposent d'une visibilité étendue pour vérifier l'arrivée éventuelle d'un véhicule venant en sens inverse; au bout de la ligne droite se trouve un virage à gauche, en faux plat montant. Sur cette route, la vitesse maximale est limitée à 80 km/h (art. 4a al. 1 let. b OCR).
1.2 Il ressort des déclarations de M._ que le défunt avait doublé le véhicule qui précédait les motards peu après la sortie du giratoire. Ce faisant, il avait franchi la ligne de sécurité, avant de réintégrer sa voie. M._ a à son tour dépassé le véhicule en question, en atteignant une vitesse voisine de 100 km/h; à ce moment, son ami avait pris de l'avance sur lui et il le voyait, déhanché, négocier la courbe à gauche qui conduisait à la ligne droite empruntée par la bétaillère au même instant. Entendu le 6 mai 2011, puis à l'audience de première instance, le témoin a qualifié la conduite de son ami de "sportive" sur un plan général, par opposé à la sienne, décrite comme "pèpère"; cette différence de comportement était du reste un sujet de discorde entre eux. Ainsi, il arrivait régulièrement que M._ doive utiliser le système audiophonique déjà mentionné pour demander à son ami de l'attendre. Qui plus est, le défunt avait tendance à conduire plus rapidement encore, sans respecter les limitations, après avoir suivi un cours de pilotage sur circuit en France, durant lequel il avait notamment appris à se déhancher dans les courbes pour atteindre des vitesses plus élevées qu'auparavant du fait de l'abaissement de son centre de gravité. Il avait du reste tellement apprécié cette formation qu'il souhaitait suivre d'autres cours similaires. La propension du défunt à transgresser les limitations de vitesse alors qu'il était seul sur sa machine a été confirmée par son amie, [...], qui a ajouté que son partenaire roulait cependant sans prise de risque quand elle prenait place à l'arrière (PV aud. 9).
Durant sa première audition, menée le jour des faits encore, M._ a estimé qu’il se trouvait environ 500 mètres derrière la victime lors du choc (PV aud. 1, p. 2, R. 4); il a confirmé cette distance plus bas dans la même audition (PV aud. 1, p. 2, R. 5). Il a ajouté qu’il avait remarqué la camionnette probablement arrêtée, clignoteurs enclenchés, alors qu’il se trouvait à l’intersection menant à [...]. il a précisé qu’ayant pensé que le conducteur de celle-ci laisserait passer le premier motard, il avait coupé les gaz et que, simultanément, il avait vu la camionnette bifurquer, couper la route à son compagnon, dont la roue arrière s’était levée lorsqu’il avait freiné, avant de chuter et de percuter la roue arrière droite du véhicule du prévenu (PV aud. 1, p. 2, R. 4).
Lors de son audition ultérieure, le 6 mai 2011, il a confirmé que le défunt, qui roulait plus vite que lui, sa propre vitesse étant d’environ 100 km/h, l’avait distancé et qu’il avait vu la camionnette sur la voie opposée, clignoteurs enclenchés. Il a ajouté qu’il ne l’avait pas vue bifurquer à gauche, mais qu’il avait uniquement revue lorsqu’elle était en travers et que son compagnon était presque à sa hauteur lorsqu’il avait freiné (PV aud. 4, p. 2).
Aux débats, il a cependant relevé ne plus se souvenir de ses propres actes; se référant à ses déclarations antérieures, il a précisé que tout s’était passé très vite et qu’il lui restait l’image de son ami roulant et de la camionnette avec son clignotant, puis celle de la bétaillère en travers avec le freinage de la motocyclette et l’impact. Il a précisé ce qui suit : "J'ai vu la camionnette en sortie de virage. Lorsque je sors du virage elle est encore sur sa voie à elle mais elle a un clignotant. J'ai pensé qu'il (sic) allait passer après [...] mais avant moi. J'ai aussitôt lâché les gaz. Je n'ai pas pensé que je devais freiner pour laisser passer la camionnette (...). Je ne me suis pas posé la question de savoir si la camionnette pouvait passer avant [...]" (jugement, pp. 4 s.).
En ce qui concerne la distance le séparant de son ami, il a parlé de 200 à 300 mètres selon sa première impression, puis de 500 à 600 mètres en revoyant les choses avec la police. Cependant il a finalement déclaré ce qui suit : "Vous me demandez à quelle distance j’étais situé de [...]. Pour moi il y avait une bonne distance. En sortant du virage, pour moi, [...] était presque sur le lieu de l’accident" (jugement, p. 5).
Pour sa part, le témoin X._, entendu à l'audience de première instance, a relevé ce qui suit : "Je n'ai vu le motard arriver qu'après que la bétaillère ait effectué une partie de sa manœuvre. Auparavant elle me bouchait la vue. En voyant le motard, j'ai tout de suite pensé qu'il y aurait un accident (...)" (jugement, p. 6).
1.3 Les questions de savoir si le prévenu avait enclenché son signophile gauche, d'une part, et s'il s'était arrêté au croisement au lieu de seulement ralentir, d'autre part, ont fait l'objet de mesures d'investigation particulières.
Entendu par la police à deux reprises, les 1
er
et 5 mai 2011, le prévenu a prétendu avoir ralenti avant de s'arrêter complètement au croisement, ce en ayant au préalable enclenché son indicateur de direction gauche. Il a déclaré que ce n'était qu'après un temps d'arrêt d'une à deux secondes qu'il avait débuté sa manœuvre consistant à traverser la voie de circulation opposée pour pénétrer sur le chemin vicinal (PV aud. 2, p. 2, R. 2; PV aud 3, p. 2, R. 3). Il a confirmé sa version des faits lors de son audition par le Procureur le 8 août 2011 (PV aud. 12, p. 1, ligne 27).
Pour sa part, M._ a confirmé le jour des faits que le conducteur de la bétaillère avait enclenché son clignoteur gauche; il a précisé que la camionnette "(...) était probablement arrêtée ou (...) circulait à faible allure" (PV aud. 1, p. 2, R. 4).
La passagère de la bétaillère a également répondu par l'affirmative quant à savoir si le prévenu s'était arrêté au croisement, pour une durée si brève soit-elle, avant de s'engager sur le chemin vicinal, plutôt que de simplement ralentir (PV aud. 8). Pour sa part, le témoin X._ a déclaré aux débats de première instance ne pas avoir prêté attention à la question de savoir si le clignotant de la bétaillère était enclenché ou pas; il a dit avoir eu le sentiment, sans pouvoir être affirmatif, que la bétaillère ne s'était pas arrêtée avant que le prévenu effectue sa manœuvre, mais qu'elle avait fortement ralenti alors même qu'elle circulait déjà extrêmement lentement auparavant (jugement, p. 6). Interrogé le jour des faits, ce même témoin avait alors relevé ne rien pouvoir dire quant à savoir si l'indicateur de direction gauche de la bétaillère était enclenché avant l'accident; il a toutefois précisé que la bétaillère avait obliqué à gauche à faible allure (PV aud. 5). Enfin, son épouse, [...], déjà mentionnée, qui se trouvait sur le siège passager de la voiture de son mari, a relevé que la bétaillère était alors "au pas", mais qu'elle ne pensait pas qu'elle se fut arrêtée (jugement, p. 7).
1.4 Une expertise a été mise en œuvre auprès de [...], ingénieur automobile, de [...], à [...]. Dans son rapport du 14 mai 2012 (P. 55), l'expert a estimé que la vitesse du motocycle piloté par le défunt était comprise entre 104 et 126 km/h au point de réaction, c'est-à-dire au moment où il avait entrepris sa manœuvre de freinage d'urgence. A l'endroit du choc, le prévenu disposait d'une visibilité suffisamment étendue pour permettre aux usagers de la route de s'apercevoir mutuellement sur une distance de 220 mètres environ, voire légèrement plus en fonction de la végétation. Sur la base d'une vitesse de 126 km/h, la motocyclette conduite par le défunt se trouvait à 211,8 m devant le véhicule du prévenu à l'instant où celui-ci a appuyé sur l'accélérateur pour s'engager en direction du chemin vicinal; cette distance est de 174,3 m sur la base d'une vitesse de 104 km/h. Entendu à l'audience de première instance, l'expert a confirmé et étayé sa position. Il a notamment précisé qu'à la vitesse de 126 km/h, le point de réaction se situerait à 66,9 m, "ce temps comprenant le temps de réaction humain qui doit intervenir avant la réaction mécanique". Il a ajouté qu'il avait effectué ses calculs en retenant "les données les plus favorables au motocycliste par rapport au temps de réaction humain et au temps de réaction mécanique" (jugement, p. 11).
Des photographies du site de l'accident prises immédiatement après les faits ont été versées au dossier (P. 5, 16 et 24/2); le rapport d'expertise comporte d'autres clichés, pris le 27 avril 2012 (P. 55 susmentionnée).
1.5 L._, A.Z._ et B.Z._, respectivement mère et sœurs du défunt, ont déposé plainte. Les parties plaignantes se sont constituées demanderesses au pénal et au civil (P. 28 et 30). A l'audience du tribunal de police, elles ont demandé à être renvoyées à agir devant le juge civil.
2. Appréciant les faits de la cause, le tribunal de police a d'abord considéré que le prévenu avait arrêté son véhicule durant une à deux secondes avant de s'engager dans le virage et qu'il avait au préalable enclenché son signophile. Sur la base d'une vitesse de la motocyclette de 126 km/h, retenue conformément au principe
in dubio pro reo
au vu des dégâts subis par ce véhicule et par celui du prévenu, le premier juge a ensuite estimé que le défunt se trouvait à une distance de 276 m lors de l'arrêt de la bétaillère, soit au moment où le prévenu avait effectué son contrôle visuel pour vérifier que la voie de circulation opposée était libre pour lui permettre de traverser la chaussée. Pour le reste, c'est également en se fondant sur l'expertise que le premier juge a retenu qu'en fonction de cette vitesse, la motocyclette conduite par le défunt se trouvait à 211,8 m devant le véhicule du prévenu à l'instant où celui-ci avait appuyé sur l'accélérateur pour s'engager en direction du chemin vicinal.
3. Appréciant le devoir de prudence incombant au prévenu sur la base des faits ainsi tenus pour établis, le premier juge a estimé que celui-là n'avait pas fautivement coupé la priorité à l'usager venant en sens inverse, soit au défunt, en entamant sa manœuvre de bifurcation impliquant de traverser la voie opposée. En effet, toujours de l'avis du tribunal de police, le prévenu avait au préalable voué une attention suffisante aux véhicules auxquels il devait accorder la priorité, puisqu'il ne pouvait lui être reproché d'avoir naturellement porté son attention sur la gauche de la route, soit dans la direction qu'il entendait prendre. Or, dans la seconde qui a précédé le démarrage de la bétaillère, la motocyclette pilotée par le défunt se trouvait à une distance comprise entre 211,8 et 246,8 m, étant précisé qu'à 126 km/h, un véhicule parcourt 35 m à la seconde. Il s'ensuit que le défunt se trouvait alors à l'extrême limite de la visibilité du prévenu, voire hors de son champ de vision de 220 m environ. A ceci s'ajoute que la position déhanchée du motard diminuait sa hauteur et, partant, la visibilité qu'il offrait aux autres usagers. Au vu de ces éléments, le tribunal de police a retenu, au bénéfice du doute, qu'au moment où le prévenu avait achevé le contrôle visuel de la route cantonale qu'il entendait quitter pour porter son regard sur la gauche afin d'engager son véhicule sur le chemin vicinal, le motard était encore hors de son champ de vision, soit à plus de 220 m de lui. Quoi qu'il en soit, le prévenu était légitimé à effectuer la manœuvre en question conformément au principe de la confiance, n'étant pas tenu de compter avec l'arrivée d'un véhicule circulant à une vitesse largement supérieure à la limitation. Partant, il a été considéré que la violation d'un devoir de prudence comme élément constitutif objectif de l'infraction d'homicide par négligence n'était pas réalisée.
Le tribunal de police a alloué au prévenu sa conclusion portant sur une indemnité fondée sur l'art. 429 al. 1 let. a CPP sur la base de la liste d'opérations déposée par son conseil, nonobstant le fait qu'il ait été assisté d'un avocat d'office exclusivement. | En droit :
1.1
Interjeté dans les formes et délais légaux (art. 399 CPP) contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), chacun des appels est recevable.
1.2.1
L’art. 382 al. 1 CPP prévoit que toute partie qui a un intérêt juridiquement protégé peut recourir. L’art. 382 al. 2 CPP limite le recours de la partie plaignante en ce sens que celui-ci ne peut pas porter sur la question de la peine ou de la mesure prononcée. S'agissant de dispositions générales, ces normes sont applicables à l'appel.
La doctrine majoritaire admet que la partie plaignante, pour autant qu’elle soit directement touchée par une infraction (art. 115 CPP) et qu’elle se soit constituée comme "demandeur au pénal" (art. 118 CPP), peut recourir sur la culpabilité du prévenu. En effet, cette question peut constituer un élément déterminant pour l’appréciation de ses prétentions civiles qu’elle n’est pas tenue de faire valoir dans le procès pénal et peut présenter dans un procès civil séparé; elle a ainsi un intérêt à pouvoir recourir, au pénal, sur l’élément de la faute (Calame,
dans
: Kuhn/Jeanneret [éd.], Code de procédure pénale suisse, Commentaire romand, Bâle 2011, n° 11 ad art. 382 CPP; Schmid, Schweizerische Strafprozessordnung, Praxiskommentar, Zürich/Saint-Gall 2009, n° 1462 ad art. 382 CPP; Piquerez/Macaluso, Procédure pénale suisse, 3
e
éd., Genève/Zurich/Bâle 2011, n° 1912, p. 632; Ziegler,
dans
: Niggli/Heer/Wiprächtiger [éd.], Schweizerische Strafprozessordnung, Basler Kommentar, Bâle 2011, n° 4 ad art. 382 CPP).
L’art. 391 al. 2 CPP, qui ne limite pas la
reformatio in pejus
au seul Ministère public, et l’art. 407 al. 2 CPP, qui mentionne expressément un appel de la partie plaignante portant sur la culpabilité, parlent du reste pour cette interprétation.
1.2.2
En l’espèce, les parties plaignantes se sont constituées demanderesses au pénal et au civil. Comme proches de la victime au sens de l’art. 116 al. 2 CPP, ces parties sont des lésés ayant qualité pour agir contre le prévenu (art. 115 al. 2 et 117 al. 3 CPP). Elles ont donc qualité pour interjeter appel dans les limites de l’art. 382 al. 2 CPP.
On relèvera en outre que c’est à tort, même si cela importe peu en l'espèce, que les appelantes se prévalent de l’art. 382 al. 3 CPP. En effet, cette norme ne concerne que le cas du décès de la partie plaignante en cours de procédure, ce qui est sans objet ici.
2
2.1
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
2.2
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
2.3.
L'art. 117 CP, sous la note marginale
homicide par négligence
, réprime le comportement de celui qui, par négligence, aura causé la mort d'une personne. Il s'agit de la seule infraction ici en cause. La réalisation de cette infraction suppose la réunion de trois conditions: le décès d'une personne, une négligence et un lien de causalité naturelle et adéquate entre la négligence et la mort (ATF 127 IV 34 c. 2a p. 38; ATF 122 IV 145 c. 3 p. 147). La négligence, définie par l'art. 12 al. 3 CP, constitue l'élément subjectif de l'infraction (Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. I, 3
e
éd, Berne 2010, n° 52 et suivants ad art. 117 CP)
Il y a négligence si, par une imprévoyance coupable, l'auteur agit sans se rendre compte ou sans tenir compte des conséquences de son acte. L'imprévoyance est coupable quand l'auteur de l'acte n'a pas usé des précautions commandées par les circonstances et par sa situation personnelle (art. 12 al. 3 CP). Pour qu'il y ait négligence, il faut tout d'abord que l'auteur ait, d'une part, violé les règles de prudence que les circonstances lui imposaient pour ne pas excéder les limites du risque admissible et que, d'autre part, il n'ait pas déployé l'attention et les efforts que l'on pouvait attendre de lui pour se conformer à son devoir (ATF 135 IV 56 c. 2.1 p. 64; ATF 133 IV 158 c. 5.1 p. 161 s.; ATF 122 IV 17 c. 2b p. 19 s.). Elle suppose que l'auteur ait eu conscience ou pu avoir conscience de la situation de danger et de sa possibilité d'agir efficacement pour éviter la survenance du résultat (Corboz, op. cit., n° 59 ad art. 117 CP).
S'agissant, comme en l'espèce, d'un accident de la route, il convient de se référer aux règles de la circulation routière pour déterminer plus précisément quels étaient les devoirs imposés par la prudence (ATF 122 IV 133 c. 2a p. 135).
2.4
L'art. 26 al. 1 LCR (loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958; RS 741.01) prescrit à chacun un devoir de prudence qui lui impose de se comporter, dans la circulation, de manière à ne pas gêner ni mettre en danger ceux qui utilisent la route conformément aux règles établies. L'art. 36 al. 3 LCR dispose qu'avant d’obliquer à gauche, le conducteur accordera la priorité aux véhicules qui viennent en sens inverse.
3.
L'un et l'autre des appels font valoir les griefs de violation du droit (matériel) et de constatation incomplète ou erronée des faits au sens de l’art. 398 al. 3 let. a et b CPP. Les moyens des deux appels se recoupent largement, de sorte qu’ils seront traités ensemble.
4.
4.1
Le premier élément de fait contesté est le point de savoir si la bétaillère s'est arrêtée, même brièvement, avant de bifurquer ou, bien plutôt, si elle a seulement ralenti, même fortement.
Le premier juge a retenu que le prévenu avait immobilisé son véhicule durant une à deux secondes avant de débuter sa manoeuvre pour quitter la route cantonale (jugement, pp. 19-20). Sans étayer plus avant sa motivation, il s’est fondé sur les déclarations du prévenu et de sa passagère [...], ainsi que sur la déposition de M._.
Les appelants critiquent cette appréciation en faisant valoir ce qui suit :
- le prévenu plaide sa propre cause et ne pourrait dès lors pas être cru sans autre;
- sa passagère est son amie intime et elle ne prêtait pas attention à la circulation; si elle a dit que "V._ s’(était) immobilisé sur notre voie car il devait quitter la route principale", elle n'en a pas moins précisé qu’elle ne regardait pas la route car elle était occupée à caresser son chien (PV aud. 8);
- le témoin X._, qui circulait derrière le prévenu, a déclaré immédiatement après les faits que la bétaillère avait ralenti et circulait à faible allure au moment où elle a bifurqué (PV aud. 5), même s’il a été moins affirmatif à l’audience de jugement (jugement, p. 6);
- [...] a déclaré immédiatement après les faits que le véhicule avait ralenti et obliqué à gauche (PV aud. 6); aux débats de première instance, elle a indiqué que la bétaillère avait ralenti, qu’elle était au pas mais qu’elle ne pensait pas qu’elle s’était arrêtée (jugement, p. 6);
- le fait de s’arrêter ne répond à aucune nécessité, dès lors que la route était droite et que la visibilité était bonne sur plus de 200 mètres; dans ces conditions, il ne serait pas conforme à l’expérience de la vie de s’arrêter avant d’obliquer, ce d'autant que le prévenu a toujours dit qu’il n’avait pas vu le motocycliste.
4.2
Ces moyens, même considérés dans leur ensemble, n'emportent pas la conviction. En effet, le tribunal de police ne s'est pas fondé uniquement sur les dépositions du prévenu et de son amie, qui avait perçu l'arrêt du véhicule non par sa vision, mais par sensation physique, sachant qu'elle ne regardait pas la route. L'affirmation du prévenu n'est infirmée par aucun élément matériel qui serait notamment établi par l'expertise. Les témoins en faveur de la thèse opposée ne sont du reste guère affirmatifs et leurs dépositions comportent des réserves en faveur de la thèse de l'arrêt de la bétaillère. Retenir l'arrêt plutôt que le simple freinage est en outre conforme au principe
in dubio pro reo
, étant précisé que, s'il est établi que le prévenu a dit la vérité quant à savoir s'il avait enclenché son clignotant gauche, il n'y a aucune raison de ne pas ajouter foi à sa déposition quant à savoir s'il s'était arrêté. Du reste, il n'a été convaincu de mensonge à aucun stade de l'enquête, sur quelque point que ce soit.
Il doit donc être retenu en fait que l'intimé ne s'est pas contenté de ralentir fortement son véhicule avant d’entamer sa manœuvre en direction du chemin vicinal, mais qu'il l’a ensuite aussi immobilisé une à deux secondes, ainsi qu'il l'a toujours prétendu.
5.
5.1
Le second point de fait contesté par les appels est la vitesse du motocycliste au moment où il a perdu le contrôle de sa machine en entreprenant sa manœuvre de freinage d'urgence, soit au point de réaction au sens défini par l'expert et retenu par le jugement.
Le premier juge a retenu qu'au moment où il a entrepris sa manoeuvre de freinage d’urgence, le défunt roulait à 126 km/h, soit à la vitesse maximale possible selon l'expertise, étant rappelé que l'évaluation minimale est de 104 km/heure. Il s’est fondé sur l’expertise, d'abord, sur l’état du motocycliste et les dégâts aux véhicules accidentés, ensuite, et sur le principe
in dubio pro reo
, enfin.
Les appelants invoquent une mauvaise appréciation des preuves par le premier juge, en faisant valoir que les calculs de l’expert reposent sur des hypothèses infirmées par les témoignages de M._ et de X._.
La vitesse retenue par l’expert, évaluée entre 104 et 126 km/h, n’est pas fondée sur des hypothèses, mais sur des calculs scientifiques, ainsi que cela résulte des tableaux figurant en pages 7 et 8 du rapport (P. 55). Ce qui est fondé sur
des hypothèses est le calcul de vérification effectué par l’expert : en fonction notamment de la courbe et de l’inclinaison maximum de la motocyclette, l’expert considère ce qui suit : "Afin d’être sûr qu’il était possible pour la moto de circuler à ces vitesses (soit entre 104 et 126 km/h,
réd
.) dans la courbe à gauche précédant le lieu de l’accident, il a été procédé à l’estimation de la vitesse de passage en courbe maximale. Cette vitesse devait être au maximum de 123 km/h en fonction de l’adhérence de la chaussée, avec suffisamment de distance entre la sortie de la courbe et le point de réaction pour atteindre les 126 km/h déterminés précédemment" (expertise, p. 2).
Ce raisonnement arithmétique échappe à toute critique. En particulier, aucun témoignage – nécessairement affecté d'une part de subjectivité – ne saurait remettre en cause les éléments objectifs sur lesquels il se fonde. Ce premier moyen doit donc être rejeté. Il y a ainsi lieu de retenir en fait que le défunt circulait à une vitesse comprise entre 104 et 126 km/h au point de réaction.
5.2
En revanche, autre est la question de la vitesse vraisemblable de la motocyclette à l'intérieur de cette fourchette. A cet égard, les appelants soutiennent que la vitesse maximum de 126 km/h prise en compte par le premier juge résulte d’une mauvaise appréciation des preuves dans la mesure où cette appréciation, fondée sur la présomption d'innocence, ne prend pas en compte le témoignage de M._. Ils tirent argument du fait que ce témoin, qui roulait derrière le défunt, a expliqué avoir vu la bétaillère, sur la voie opposée avec ses clignoteurs gauches enclenchés, pensant que ce véhicule allait céder la voie à son compagnon et passer entre les deux motocyclettes (PV aud. 1 et 4; jugement, p. 5).
Ce témoignage n'a pas la portée que lui confèrent les appelants. En effet, il a été vu (cf. 4.2 ci-dessus) que les dépositions du prévenu et de son amie ne sont infirmées par aucun élément matériel. Elles doivent donc être retenues selon le principe
in dubio pro reo
.
6.
6.1
Cela étant, la question de fait déterminante pour le sort des appels n'est pas celle de la vitesse du véhicule du défunt au lieu du point de réaction
en tant que
telle
, qui constitue en fait l'unique objet du témoignage de M._. Il s'agit bien plutôt de savoir si la victime était ou non visible du prévenu lorsque celui-ci a amorcé sa manœuvre consistant à tourner à gauche et non pas au moment où la bétaillère est arrivée au croisement. Ce point ne pourrait être tranché avec certitude même si la vitesse du défunt était déterminée au km/h près, donc à défaut de toute marge d'imprécision irréductible, et ce même si le champ de vision du prévenu (220 m) est connu quasiment au mètre près. En effet, la manœuvre de virage du prévenu a fatalement pris un certain temps, si bref soit-il, et cet élément est de poids compte tenu de la vitesse considérable du motard même dans l'hypothèse basse, comme on le verra plus en détail ci-dessous. En d'autres termes, la question déterminante ne saurait être tranchée en faisant fi de la durée – même brève – de la manœuvre du prévenu.
Trancher la question de savoir si le défunt était visible par le prévenu au moment déterminant dépend de l’appréciation de preuves contradictoires à cet égard. Le tribunal de police s'est fondé sur l’expertise en raison de son objectivité dans la détermination de la vitesse du motocycle accidenté, alors que les appelants se réclament du témoignage de M._ et, dans une moindre mesure, de celui de X._ en raison de leur réalité vécue.
6.2
Tant l’expertise (P. 55 p. 5, 12 in fine, 13 in fine) que le jugement (pp. 19, 20 et 21) évoquent les dépositions de M._, mais sans se pencher outre mesure sur l'affirmation initiale de ce témoin selon laquelle la manœuvre du prévenu avait eu lieu, plus précisément avait débuté, alors que les
deux
motards circulaient
déjà
sur le tronçon rectiligne menant au point de choc. Les considérables variations des dépositions de ce témoin quant à la distance qui le séparait de son compagnon justifient cependant une plus ample analyse. En effet, M._ a d'abord estimé cet écart à environ 500 m, pour l'évaluer ensuite à 200 à 300 m selon sa première impression et enfin faire état à nouveau d'un éloignement de 500 à 600 mètres après avoir revu les choses avec la police. Cependant il a finalement déclaré ce qui suit : "Vous me demandez à quelle distance j’étais situé de [...]. Pour moi il y avait une bonne distance. En sortant du virage, pour moi, [...] était presque sur le lieu de l’accident" (jugement, p. 5, précitée).
On peut tirer de la synthèse de ces dépositions, et notamment de la dernière déclaration faite à l'audience, que la distance entre les deux motards, même appréciée de manière imprécise par le témoin, était toutefois importante, soit très proche ou en tout cas voisine des quelque 220 mètres de visibilité que présentait le tronçon de route droit pour le prévenu. Compte tenu de cette distance, lorsque M._ est sorti du virage, [...] était déjà presque au point de choc, comme ce témoin l'a expressément relevé à l'audience de première instance. Or, cette description est incompatible avec la vision, par ce même témoin, d’une camionnette d’abord arrêtée, ou presque, sur la voie opposée. En effet, elle ne tient pas compte du temps nécessaire à la camionnette pour bifurquer et couper la trajectoire du défunt avec son essieu arrière. Or, une durée d'une seconde au moins n'est pas négligeable au regard de la vitesse de déplacement de la motocyclette, soit de 104 km/h au moins, et ce même si cette vitesse était inférieure à 126 km/h; en effet, le cumul des deux hypothèses minimales donne une distance de 28,88 m (parcourue en une seconde à 104 km/h). Cette distance procède du reste d'une vitesse hypothétique d'autant plus minimaliste que, lors de son audition du 6 mai 2011, M._ a dit avoir remarqué que le défunt roulait plus vite que lui et qu'il l’avait distancé, sa propre vitesse étant d’environ 100 km/h. Or, une vitesse de 104 km/h doit être réputée perçue de manière identique à une allure d'environ 100 km/heure. Il est donc vraisemblable que [...] roulait à une vitesse sensiblement plus élevée que 104 km/h au point de réaction, même si, comme on l'a vu, l'estimation supérieure de 126 km/h est excessive. Il s'ensuit que le champ de vision maximal possible dont disposait alors le prévenu n'était en toutes hypothèses pas suffisant pour inclure également cette distance supplémentaire au moment de la manœuvre en cause. En d’autres termes, M._ a vu la bétaillère pour la première fois non pas alors qu’elle était sur la voie opposée, mais lorsqu’elle faisait déjà mouvement et se plaçait sur sa propre trajectoire.
Le témoignage de X._ va du reste dans le même sens (PV aud. 5 et jugement, p. 6). En effet, c’est lorsque le prévenu effectuait son tournant à gauche que ce témoin a brièvement aperçu les deux motards séparés par une bonne distance.
6.3
En définitive, l’appréciation du témoignage de M._, confortée par la déposition de X._, ne permet pas de retenir que le prévenu ait débuté son tournant alors qu’il était en mesure de voir que [...] arrivait. Les témoignages dont se prévalent les appelants ne sont donc pas de nature à infirmer l’expertise; à l'opposé, l'assertion du prévenu selon laquelle il n'avait pas vu le motocycliste en effectuant son dernier contrôle visuel avant d'entamer sa manœuvre est crédible.
7.
Il en résulte qu'une violation d'un devoir de prudence ne saurait être reprochée au prévenu, qui a entamé sa manœuvre l'engageant sur le chemin vicinal alors qu'il ne pouvait voir aucun autre usager arriver auquel il aurait dû céder la priorité, notamment selon l'art. 36 al. 3 LCR. A défaut d'une telle violation, soit de négligence ou d'imprévoyance coupable, l'élément subjectif de l'infraction réprimée par l'art. 117 CP n'est pas donné. Le prévenu doit dès lors être libéré des fins de la poursuite pénale.
8.
L’appel du Ministère public tend à la condamnation de l'intimé avec suite de frais d'enquête et de jugement de première instance. Il doit en être déduit que cet appelant conteste également, dans son principe, l'indemnité allouée au prévenu en application de l'art. 429 al. 1 let. a CPP au titre de l'activité de son défenseur d'office du fait de sa libération des fins de la poursuite pénale, ce indépendamment des conclusions portant sur l'action pénale. Il doit donc être statué sur cet objet. Il est constant que Me Fabbro n'a jamais été conseil de choix.
Dans un arrêt du 14 août 2102 (6B_753/2011), le Tribunal fédéral a statué que la défense d’office exclut l’application de l'art. 429 CPP, les frais imputables à la défense d’office faisant partie des frais de procédure (cf. l’art. 422 al. 2 let. a CPP). Il n'y avait donc pas matière à octroyer à l'avocat du prévenu une autre ou plus ample indemnité que celle déjà allouée au titre de la défense d'office, dont il est incontesté qu'elle s'élève à 8'029 fr. 80 (ch. IV du dispositif du jugement). L’appel du Ministère public doit donc être très partiellement admis dans cette mesure.
9.
Vu l'issue des appels, l'intimé obtenant entièrement gain de cause sur le principe, les frais de la procédure d'appel doivent être mis à la charge de l’Etat (art. 428 al. 1, 1
ère
phrase, CPP). Outre les frais d'arrêt selon l'art. 424 CPP, ces frais comprennent en outre l’indemnité allouée au défenseur d’office de l'intimé, pour les opérations liées à la procédure d'appel (art. 135 al. 2 et 422 al. 2 let. a CPP; TF 6B_150/2012 du 14 mai 2012).
Vu les opérations nécessaires à l'accomplissement du mandat, l'indemnité allouée au défenseur d'office du prévenu doit être fixée à 2'386 fr. 80 pour douze heures d'activité du conseil et 50 fr. de débours, TVA comprise. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
38597ca1-d1a5-4c87-92bd-ac004e054bdf | En fait :
A.
Par jugement du 25 septembre 2013, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a libéré T._ des chefs d'accusation de calomnie et de lésions corporelles simples qualifiées (I), a constaté que T._ s'était rendu coupable de viol, de voies de fait, d'injures et de menaces qualifiées (II), l'a condamné à une peine privative de liberté de 3 ans, à une peine pécuniaire de 40 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 20 fr. ainsi qu'à une amende de 300 fr., la peine privative de liberté de substitution en cas de non-paiement fautif de l'amende étant de 3 jours (III, IV et V), a dit que T._ était le débiteur de N._ de la somme de 1'000 fr., valeur échue, à titre de tort moral, et en devait immédiat paiement (VI), a mis les frais de justice, par 7'671 fr. 10, à la charge de T._ (VII), a arrêté l'indemnité de défenseur d'office de Me Martine Rüdlinger à 4'873 fr. TTC (VIII), a arrêté l'indemnité de conseil d'office de Me Pascal de Preux à 4'802 fr. TTC, sous déduction de l'avance de 2'000 fr. versée le 5 décembre 2012 (IX), a dit que lorsque sa situation financière le permettrait, T._ serait tenu de rembourser à l'Etat les montants des indemnités allouées sous chiffres VIII et IX ci-dessus, ainsi que de l'indemnité de 2'040 fr. 10 versée à son précédent défenseur d'office, Me Albert Graf, le 17 janvier 2013 (X).
B.
Par annonce du 26 septembre 2013 puis par déclaration motivée du 29 octobre 2013, T._ a formé appel contre le jugement précité et conclu à sa réforme en ce sens qu'il est aussi libéré de l'accusation de viol et que, reconnu coupable de voies de fait, injures et menaces qualifiées, il est condamné à une peine privative de liberté fixée à dire de justice, avec sursis.
A sa demande, N._ a été dispensée de comparaître personnellement aux débats d'appel.
Lors des débats, l'appelant a pris des conclusions subsidiaires en ce sens que, dans l'hypothèse où un sursis complet ne lui est pas accordé, la peine prononcée est assortie d'un sursis partiel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Ressortissant portugais né en 1962, T._ a été élevé par ses parents au sein d'une fratrie composée de dix frères et sœurs. Le prévenu, qui a encore de la famille dans son pays d'origine, est arrivé seul en Suisse en 1988 et a travaillé dans le génie civil. Après avoir passé son permis de machiniste, il a exercé cette profession jusqu'au 18 novembre 2008, date à laquelle il a été victime d'un accident du travail. A ce jour, T._ ne travaille plus. Il perçoit une rente de la Suva, par 1'668 fr. par mois, et a déposé une demande de rente auprès de l'assurance-invalidité.
T._ et N._ se sont mariés le 17 août 1991. Ils sont aujourd'hui divorcés. Trois enfants, Z._, B._ et P._ sont issus de cette union, respectivement nés en janvier 1991, le 27 janvier 1995 et le 28 janvier 1995. T._ ne contribue pas à l'entretien de ses enfants, majeurs, actuellement en formation et vivant avec leur mère.
Le casier judiciaire suisse de T._ est vierge.
2. a)
A Lausanne, entre le 1
er
avril 2004 et le 13 septembre 2011, le prévenu a contraint son épouse N._ à entretenir des relations sexuelles complètes malgré l'opposition de cette dernière, qui lui en faisait part. Pour parvenir à ses fins, le prévenu lui a tenu les mains et a déchiré des chemises de nuit. Afin de lui échapper, la plaignante avait pris l'habitude de dormir au salon ou dans la chambre de ses fils.
La lésée a déposé plainte le 29 septembre 2011.
b)
A Lausanne, entre le 14 mars 2007 et le 13 septembre 2011, le prévenu a régulièrement menacé sa femme N._ en lui disant "crève en enfer", en lui affirmant qu'il allait l'étrangler, la tuer, lui casser un bras, lui mettre un couteau dans le vagin jusqu'à la bouche. Il l'a aussi régulièrement insultée en la traitant de "pute" ou de "salope".
La lésée a déposé plainte le 29 septembre 2011.
c)
A Lausanne le 3 septembre 2011, à leur domicile, le prévenu a volontairement renversé un seau d'eau chaude sur les pieds de sa femme et l'a menacée avec un verre vide qu'il a brandi devant son visage.
La lésée a déposé plainte le 29 septembre 2011. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux contre un jugement du tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP [Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007; RS 312.0), l’appel de T._ est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 al. 2 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement. L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l'appel (art. 389 al. 3 CPP ; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
3.
L'appelant conteste sa condamnation pour viol. Il reproche aux premiers juges d’avoir préféré la version de la plaignante à la sienne. Il relève, en bref, que cette dernière n’a pas déposé de plainte pendant plus de 7 ans, qu’elle ne s’est pas séparée de lui malgré les violences évoquées et l’absence de représailles, aucun document ne venant attester les déclarations de la victime, qui n’a par ailleurs requis qu’un montant de 1’000 fr. à titre d’indemnité pour tort moral.
3.1.
3.1.1
L'art. 10 CPP dispose que toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le Tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l’état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
La présomption d'innocence, garantie par l'art. 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, RS 101), ainsi que son corollaire, le principe in dubio pro reo, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves. En tant que règle d'appréciation des preuves, le principe in dubio pro reo est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (ATF 120 la 31 c. 2c; TF 6B_831/2009 du 23 mars 2010 c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s'agir de doutes importants et irréductibles, qui s'imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38 c. 2a).
3.1.2
Selon l’art. 190 CP, se rend coupable de viol, celui qui, notamment en usant dé menace ou de violence, en exerçant sur sa victime des pressions d’ordre psychique ou en la mettant hors d’état de résister, aura contraint une personne de sexe féminin à subir l’acte sexuel.
Cette disposition vise une infraction de violence, qui suppose, en règle générale, une agression physique. La violence désigne l'emploi volontaire de la force physique sur la personne de la victime dans le but de la faire céder (ATF 122 IV 97 c. 2b; TF 6B_267/2007 du 3 décembre 2007 c. 6.3). En introduisant la notion de "pressions psychiques", le législateur a voulu viser les cas où la victime se trouve dans une situation sans espoir, sans pour autant que l'auteur ait recouru à la force physique ou à la violence (ATF 128 IV 106 c. 3a/bb; 122 IV 97 c. 2b et les références citées). L'auteur provoque intentionnellement chez la victime des effets d'ordre psychique propres à la faire céder et à permettre l'acte (TF 6B_28/2013 du 13 juin 2013 c. 5.2; ATF 131 IV 167 c. 3.1 et 3.2; Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. I, 3e éd., Berne 2010, n. 18 ad art. 189 CP). Le Tribunal fédéral a considéré qu'un climat de psycho-terreur entre époux pouvait, même sans violence, exercer une telle influence sur la volonté que la victime considère, de manière compréhensible, qu'elle n'a pas de possibilité réelle de résister (ATF 126 IV 124). La jurisprudence a également précisé que la pression psychique avait l'intensité requise pour que l'on retienne un acte de contrainte lorsque l'on était en présence de comportements laissant craindre des actes de violence à l'encontre de la victime ou de tiers (ATF 131 IV 167, JT 2007 IV 101).
L'infraction de viol est intentionnelle, le dol éventuel étant suffisant. L'auteur doit savoir que la victime n'est pas consentante ou en accepter l'éventualité. Il doit vouloir accepter que la victime soit contrainte par le moyen qu'il met en œuvre ou la situation qu'il exploite. Il doit enfin vouloir ou accepter que la femme se soumette à l'acte sexuel sous l'effet de la contrainte (Corboz, op. cit., n. 11 ad art. 190 CP).
3.2
Tout comme le tribunal correctionnel, la Cour de céans est convaincue que la version de la plaignante doit l'emporter sur celle de l'appelant et ce pour les motifs indiqués ci-après.
3.2.1
Les déclarations de N._ ont été constantes, claires et précises. Elle n'a jamais varié dans ses propos au cours de la procédure et, de plus, ses allégations sont corroborées par les dires de ses fils et du témoin D._. Le prévenu a, par contre, varié dans ses déclarations et fait preuve d'une mémoire sélective, n'hésitant pas à adapter ses propos en fonction des éléments de la procédure.
3.2.2
Les enfants des parties, P._ et P._, ont par ailleurs confirmé le climat de haine, de menace et de violence que faisait régner leur père au sein du domicile conjugal. B._ a ainsi expliqué que son père avait toujours été provocateur, menaçant et violent, qu'il lui avait gâché son enfance, qu’il l’avait insulté, que sa mère avait dû appeler la police à 6 ou 7 reprises, qu’il avait tenté de l’étrangler, qu’elle avait souvent des bleus sur le corps, qu’il avait peur pour sa famille et surtout pour sa mère (cf. PV aud. 1, p. 2). S’agissant de rapports intimes entre ses parents, il a indiqué qu’à l’époque, il n’avait pas compris ce qui se passait, qu’il se souvenait que, lorsque son père était ivre, il voulait se réconcilier avec sa mère, qu’elle n’était pas d’accord, qu’il lui disait "viens dormir, viens dans la chambre", qu’elle lui répondait par la négative, que finalement elle y allait pour qu’il la laisse tranquille, mais qu’elle n’était pas d’accord. Il a également souligné que sa mère venait dormir dans sa chambre, qu’elle venait après des disputes, qu’une fois elle était venue car le père l’avait saisie par le cou et qu’elle restait quelques jours, voire une semaine. Il a relevé qu’à l’époque il n’avait pas réalisé ce que son père voulait imposer à sa mère (cf. PV aud. 5, l. 56 ss). Quant à P._, il a également relevé les insultes et menaces régulières du père sur toute la famille. S’agissant des relations intimes entre ses parents, il a précisé qu’il se souvenait que son père voulait entraîner sa mère dans leur chambre en la tirant par un bras, que celle-ci ne voulait pas, qu’elle résistait, mais qu’il pouvait insister pendant quelques minutes, que, dans ces cas-là, elle passait la nuit dans la chambre des enfants ou au salon, voire même par terre et qu’à l’époque, il se disait qu’aucune femme ne pouvait vouloir dormir avec un homme comme son père (cf. PV aud. 6, l. 61 ss).
Il n’y a aucune raison de douter de la sincérité et de la véracité des déclarations des fils des parties. Par ailleurs, leurs témoignages sont encore renforcés par le fait que ceux-ci ne se sont prononcés que sur les faits qu’ils ont pu constater personnellement.
3.2.3
Enfin, D._ a expliqué que la plaignante s’était peu à peu confiée à elle, qu’elle lui avait raconté que son mari la frappait parfois, qu’il la menaçait et qu’il l’injuriait. Elle lui avait également dit qu’il considérait que toutes les femmes étaient des "putes" et qu’il lui reprochait constamment d’avoir des amants lorsqu’elle avait un quelconque contact avec un homme. Il l’avait aussi menacée de la tuer ou de lui mettre un couteau dans le vagin jusqu’à la bouche. La plaignante lui avait aussi dit que son mari voulait entretenir des rapports intimes avec elle alors qu’elle ne voulait pas, qu’il l’insultait tous les jours et qu’il voulait du sexe tous les jours, alors qu’elle ne voulait pas de tels rapports. Elle lui avait également raconté qu’à une reprise il lui avait déchiré une chemise de nuit, qu’elle restait comme un glaçon et qu’elle n’avait pas envie de ces rapports et qu’elle avait aussi dormi par terre dans la chambre de son fils aîné car elle ne voulait pas rester dans le lit conjugal. Pour ce témoin, la plaignante était forcée (cf. PV aud. 8, l. 33 ss).
3.2.4
Le fait que l’intimée n’ait pas déposé de plainte durant plusieurs années, ni demandé le divorce, s’explique aisément en raison du climat de terreur que l'appelant faisait régner sur l'ensemble de sa famille, et en particulier sur son épouse. En effet, le témoin D._ a dit à plusieurs reprises à la plaignante ne pas comprendre comment elle pouvait rester avec son mari. Celle-ci lui a répondu qu’il l’avait menacée dans ce sens qu’il lui avait dit qu’elle devrait partir seule si elle le quittait ou l’avait menacée de la tuer ou de lui mettre un couteau dans le vagin jusqu’à la bouche (cf. PV aud. 8, l. 46 ss).
3.2.5
Pour le reste, le fait que la victime n’ait pas produit de certificat médical ne permet pas de douter de sa version des faits. En effet, l‘absence de documents de ce genre est précisément, et souvent, caractéristique des situations de violence domestique qui se déroulent à huis clos. Par ailleurs, dans le cas d’espèce, il n’y pas eu de violence physique avérée, sous réserve de l’utilisation par le prévenu de la force de ses bras. De plus, compte tenu de la présence des enfants, les faits se sont déroulés sans cris et sans violence physique importante, la mère ayant ainsi voulu protéger ses fils. On peut admettre enfin qu'il était difficile, au regard des circonstances, et notamment du climat familial et du traumatisme subi, pour N._ de parler.
3.2.6
S’agissant enfin du faible montant requis à titre de réparation du tort moral subi, la plaignante s'est expliquée en ce sens que seule était importante la reconnaissance des actes subis. Ces explications sont pertinentes et convaincantes et, contrairement à ce que prétend l'appelant, on ne saurait y voir le signe que les faits ne se sont pas déroulés de la manière dont la plaignante les a exposés.
3.3
Au vu de l'ensemble des éléments qui précèdent, on ne saurait douter de la version de la victime. Les premiers juges ont dès lors apprécié correctement les éléments de preuve à disposition et ils ont, à juste titre, considéré les déclarations de la plaignante comme plus probantes que celles de l'appelant.
Cela étant, c'est à juste titre que le tribunal a considéré que l'infraction de viol était réalisée dans le cas particulier. A cet égard, il est important de souligner la pression psychique exercée par le prévenu sur la plaignante, ce qui lui a permis d'imposer l'acte sexuel à cette dernière contre son gré. Dans le climat familial de terreur tel qu'il a été clairement décrit dans le jugement de première instance, N._, isolée socialement par son mari, n'avait pas d'autre choix que de se laisser faire, voulant au surplus protéger ses enfants.
4.
L'appelant conteste la quotité de la peine qui lui a été infligée. Il demande aussi à pouvoir bénéficier du sursis, le cas échéant d'un sursis partiel. A l'appui d'un pronostic qu'il considère comme favorable, il relève l'absence d'antécédents, son attitude irréprochable depuis la séparation, sa collaboration durant la procédure et sa situation personnelle, en particulier son état de santé.
4.1
Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts dé l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de la situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 c. 2.1; ATF 129 lV6 c 6.1).
4.2
Selon l’art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l’exécution d’une peine pécuniaire, d’un travail d’intérêt général ou d’une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu’une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l’auteur d’autres crimes ou délits. L’art. 43 CP prévoit que le juge peut suspendre partiellement l’exécution d’une peine pécuniaire, d’un travail d’intérêt général ou d’une peine pécuniaire d’un an au moins et de trois ans au plus afin de tenir compte de façon appropriée de la faute de l’auteur (al. 1). La partie à exécuter ne peut excéder la moitié de la peine (al. 2).
De jurisprudence constante, les conditions subjectives auxquelles l'art. 42 CP soumet l'octroi du sursis intégral s'appliquent également à l'octroi du sursis partiel prévu à l’art. 43 CP (ATF 134 IV 1 c. 5.3.1; cf. aussi TF 6B_664/2007 du 18 janvier 2008 c. 3.2.1; TF 6B_353/2008 du 30 mai 2008 c. 2.3). Sur le plan subjectif, le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. La question de savoir si le sursis serait de nature à détourner l'accusé de commettre de nouvelles infractions doit être tranchée sur la base d'une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Le pronostic doit être posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement. Il n'est pas admissible d'accorder un poids particulier à certains critères et d'en négliger d'autres qui sont pertinents (ATF 134 IV 1 c. 4.2.1). Le nouveau droit pose des exigences moins élevées quant au pronostic pour l'octroi du sursis. Auparavant, il fallait que le pronostic soit favorable. Désormais, il suffit qu'il n'y ait pas de pronostic défavorable. Le sursis est désormais la règle dont on ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable. Il prime en cas d'incertitude (TF 6B_492/2008 précité c. 3.1.2; ATF 134 IV 1 c. 4.2.2).
4.3
En l'occurrence, la culpabilité de T._ est très lourde, le prévenu ayant fait régner, comme l'ont souligné les premiers juges, un climat de haine et de terreur à domicile et se comportant en tyran domestique. Il n'a eu aucun respect pour l'intégrité physique et psychique de son épouse, réduisant celle-ci à un objet sexuel et à un souffre-douleur. Les actes commis, qui entrent en concours, sont graves et l'ont été sur une longue période. T._ peine au demeurant à reconnaître la gravité des infractions commises et, s'il reconnaît partiellement les insultes, il semble s'inscrire dans une dynamique d'inversion des rôles, invoquant son problème d'alcool et sa blessure professionnelle pour se justifier, ce qui n'est pas admissible. A décharge, il convient de retenir l'absence d'antécédents et de tout comportement déplacé depuis le dépôt de la plainte ainsi que le fait que le prévenu a désormais entrepris une psychothérapie, qui semble laisser présager d'un début de prise de conscience.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, une peine privative de liberté de 34 mois, ainsi qu'une peine pécuniaire de 40 jours-amende à 20 fr. le jour et une amende de 300 fr., sont adéquats à réprimer le comportement coupable de T._.
4.4
Au vu de la quotité de la peine retenue, le prononcé d'un sursis au sens de l'art. 42 CP n'entre pas en ligne de compte dans le cas particulier. Seule reste ouverte la question de l'octroi éventuel d'un sursis partiel.
En l'occurrence, l’autorité de première instance a posé un pronostic défavorable, retenant la négation des faits, l’absence de regrets, d’excuses et de prise de conscience.
Certes, les éléments précités sont défavorables. Reste que l’appelant est un délinquant primaire, son casier ne comportant aucune inscription. De plus, la victime a confirmé que les menaces et violences à son encontre avaient désormais cessé. Par ailleurs, le prévenu suit un traitement psychiatrique qui lui offre un soutien apprécié. Au regard de ces éléments, on peut admettre que le pronostic n’est pas totalement défavorable mais plutôt mitigé, et, par conséquent, accorder à l’intéressé un sursis partiel. Une quotité de 12 mois fermes sera suffisante au regard du temps écoulé depuis la commission des infractions et de l'état de santé de l'appelant. La peine pourra ainsi être suspendue à raison de 22 mois.
5.
En définitive, l’appel est partiellement admis et le jugement entrepris réformé ce sens que T._ est condamné à une peine privative de liberté de 34 mois, dont 12 mois fermes et 22 mois assortis du sursis, la durée du délai d’épreuve étant fixée à 5 ans, ainsi qu'à 40 jours-amende, le montant du jour-amende étant de 20 fr., et à une amende de 300 francs. L'appel est rejeté pour le surplus.
Vu l’issue de la cause, les frais de la procédure d'appel doivent être supportés par T._ à raison des deux tiers, le solde étant laissé à la charge de l’Etat (art. 428 al. 1 CPP). Ces frais sont constitués d'un émolument de 2'130 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1]), de l’indemnité allouée au défenseur d’office de T._ ainsi que l'indemnité allouée au conseil d'office de N._.
Au vu de la nature de la cause, des opérations mentionnées dans la note d'honoraires et de la procédure d'appel, il convient d’allouer à Me Martine Rüdlinger une indemnité de 2'700 fr., correspondant à 15 heures consacrées à l’exercice de la défense des intérêts de T._, à laquelle il y a lieu d’ajouter un montant forfaitaire de 120 fr. à titre de vacation et de 50 fr. à titre de débours, en sus de la TVA par 229 fr. 60, soit un montant total de 3'099 fr. 60, TVA et débours compris.
Au vu des circonstances, notamment du fait que Me de Preux a renoncé à se présenter à l'audience d'appel, une indemnité de 360 fr., plus la TVA, par 28 fr. 80, lui sera allouée pour la défense des intérêts de N._ dans le cadre de la procédure d'appel.
T._ ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant des deux tiers de l’indemnité en faveur de son défenseur d’office que lorsque sa situation financière le permettra. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
3869561e-963a-499c-96c1-2aa52817ba96 | En fait :
A.
Par jugement du 24 octobre 2012, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a constaté que B._ s'est rendu coupable de lésions corporelles simples qualifiées, voies de fait qualifiées, dommages à la propriété, violation de domicile, violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires (I), l'a condamné à une peine privative de liberté de 3 (trois) mois ainsi qu'à une amende de 1'000 fr. (mille francs), la peine privative de substitution en cas de non paiement fautif étant de 10 (dix) jours (II), a dit qu'il est débiteur d'E._ de la somme de 2'000 fr. (deux mille francs), valeur échue, au titre de dommages-intérêts (III), a dit qu'il est débiteur du D._ de la somme de 200 fr. (deux cents francs), valeur échue, au titre de dommages-intérêts (IV) et a statué sur les frais et dépens (V à VIII).
B.
Le 25 octobre 2012, B._ a formé appel contre ce jugement. Par déclaration d'appel motivée du 8 novembre 2012, il a conclu, sous suite de frais et dépens, à la réforme des chiffres I à III du jugement en ce sens qu'il est libéré de l'accusation de violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires, condamné à la peine de 60 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 20 fr. et libéré de tout montant envers E._ au titre de réparation de tort moral.
Par courrier du 20 décembre 2012, E._ a demandé sa dispense de comparution personnelle à l'audience d'appel du 21 janvier 2013, ce qui lui a été accordé par lettre du 21 décembre 2012.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
B._ est né au Cap Vert le 16 janvier 1984 ou le 19 décembre de la même année, selon ses déclarations fluctuantes à ce sujet. Il est le seul enfant commun de ses parents qui, chacun, ont eu plusieurs autres enfants de partenaires différents. L'appelant a grandi dans un petit village avec sa mère. Ses grands-parents se sont beaucoup occupés de lui. Sa mère vivrait toujours au Cap Vert où elle aurait travaillé comme vendeuse dans les marchés. Quant à son père, il vivrait en Suisse. De sept à quinze ans, B._ a fréquenté l'école primaire du Cap Vert tout en travaillant à la ferme de son grand-père paternel. A l'âge de quinze, il est venu en Suisse, où il a vécu avec son père. Il a d'abord travaillé comme aide boulanger, puis deux ans comme peintre en bâtiment, avant de trouver un emploi dans la menuiserie. Il a bénéficié ensuite de l'aide sociale et a été employé par une firme d'ascenseurs. Il a souffert d'une maladie du foie qui l'a empêché de travailler jusqu'à ce jour. Selon ses dires, il pourrait reprendre son travail depuis le mois de février de cette année et réaliser un revenu d'environ 4'200 fr. par mois. Sa santé va mieux et il dit avoir totalement arrêté de boire. Il a également déclaré avoir commencé une thérapie il y a environ une année. Enfin, il n'a aucune assurance quant au renouvellement de son permis B.
Le casier judiciaire suisse de B._ comporte les inscriptions suivantes:
- 3 octobre 2005, Juge d'instruction de Lausanne, violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires, emprisonnement 10 jours, sursis à l'exécution de la peine, délai d'épreuve 2 ans, amende de 300 francs;
- 4 juin 2007, Juge d'instruction de Lausanne, violation des règles de la circulation routière, vol d'usage, circuler sans permis de conduire (permis d'élève conducteur), infractions à la loi fédérale sur la circulation routière, peine pécuniaire 10 jours-amende à 30 fr., sursis à l'exécution de la peine, délai d'épreuve 2 ans;
- 21 février 2011, Cour de cassation pénale Lausanne, lésions corporelles simples, injure, utilisation abusive d'une installation de télécommunication, menaces, opposition aux actes de l'autorité, peine pécuniaire 180 jours-amende à 30 fr., traitement ambulatoire 63 CP, détention préventive 18 jours, remplace le jugement du 10 décembre 2010 du Tribunal correctionnel de La Côte à Nyon.
2.
Dans le cadre d'une précédente affaire, B._ a été soumis à une expertise psychiatrique. Le diagnostic posé en 2009 par les experts était celui de retard "mental léger et séquelles de psychose infantile avec structure psychotique". Les médecins soulignaient à l'époque que l'on était à la limite du retard mental moyen et que ce trouble, de par son impact sur le mode de fonctionnement général de l'expertisé, pouvait être considéré comme grave. Au moment des faits, si l'appelant était pleinement capable d'apprécier le caractère illicite de ses actes, il était entravé dans sa capacité à se déterminer d'après cette appréciation de façon moyenne, voire importante. A l'époque, les experts estimaient important le risque de récidive s'agissant d'actes de même nature que ceux qui lui étaient reprochés en 2008, soit des violences sur son amie de l'époque.
Lors de son dernier jugement, il a été imposé à l'appelant un traitement psychiatrique ambulatoire au sens de l'art. 63 CP, mesure encore en cours et qui doit être poursuivie aussi longtemps que nécessaire. L'appelant ne se soumet pas, sauf exceptionnellement, au traitement en question et oublie soigneusement de se rendre aux rendez-vous fixés par le psychiatre chargé dudit traitement.
3.
3.1
Le 30 novembre 2010, à Lausanne, avenue de la [...] 15, B._ s'est disputé avec E._, avec qui il faisait ménage commun. Il l'a projetée au sol, s'est mis en dessus d'elle et l'a saisie à la gorge. D'après ses dires, E._ n'a pas suffoqué et n'a pas eu de douleur au cou. Elle n'a pas consulté de médecin ensuite de cette altercation.
La victime a accepté de suspendre la procédure en application de l'art. 55a CP le 3 mai 2011 et a révoqué cet accord le 8 juillet 2011.
3.2
Le 16 janvier 2011, à Lausanne, avenue de [...] 21, B._ a pénétré dans la Tour [...], dépendance du D._, alors qu'une interdiction d'entrée lui avait été signifiée le 3 juin 2010. Il s'est rendu à la chambre [...] occupée par E._, laquelle avait rompu leur relation depuis le début de l'année 2011. L'appelant a insisté pour pouvoir entrer dans la chambre, ce qu'E._ a refusé. Il a alors enfoncé la porte de la chambre et y a pénétré.
Alertés par E._, par l'entremise d'une amie, deux agents de la société Z._ SA sont arrivés sur les lieux. B._ s'est alors barricadé à l'intérieur de la chambre [...]. Les agents se sont efforcés de le maîtriser et ont fait usage de la force. Une bagarre a éclaté. L'appelant a asséné un coup de poing sur l'avant-bras d'E._ et a lancé un fer à repasser et une poêle en direction des deux agents de sécurité. Le fer à repasser a atteint l'agent X._ au visage et à la main droite.
L'agent X._ a présenté une trace en V sur la joue droite à type de brûlure du 1
er
degré, un hématome au niveau du triceps droit et un hématome à l'avant-bras gauche ainsi qu'une petite tuméfaction en regard de l'articulation métacarpophalangienne du 4
ème
doigt avec légère douleur à la pression dorsale.
Les lésés E._ et le D._ ont déposé plainte, respectivement le 16 janvier 2011 et les 1
er
, 7 et 21 mars 2011. Le D._ a déposé des conclusions civiles à hauteur de 200 fr., représentant les frais de remise en état de la porte de la chambre [...].
3.3
Le 24 avril 2011, à Lausanne, avenue de [...] 21, B._ a pénétré dans la Tour [...], dépendance du [...], alors qu'une interdiction d'entrée lui avait été notifiée le 3 juin 2010.
Le D._ a déposé plainte le 5 mai 2011. | En droit :
1.
Selon l'art. 399 al. 1 CPP, l'appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d'appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
Interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant qualité pour le faire (art. 382 al. 1 CPP) et dirigé contre un jugement d'un tribunal ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel formé par B._ est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
3.
Invoquant une violation des art. 285 et 110 al. 3 CP, B._ conteste qu'un agent de sécurité soit un fonctionnaire au sens des dispositions précitées. Il relève que, dans le cas particulier, l'agent concerné n'était pas nommé par un établissement de droit public, ni n'exerçait une activité officielle, ni se trouvait avec le pouvoir public dans un rapport de dépendance.
3.1
3.1.1
L'art. 285 al. 1 CP réprime le comportement de celui qui se sera livré à des voies de fait sur un membre d'une autorité ou un fonctionnaire pendant qu'il procédait à un acte entrant dans ses fonctions. L'art. 285 CP n'exige pas que l'auteur essaie d'empêcher l'acte officiel par les voies de fait. Il peut s'agir d'une pure réaction de colère, sans aucun espoir de modifier le cours des événements. Il suffit que le membre de l'autorité ou le fonctionnaire agisse ès qualité dans le cadre de sa mission officielle et que c'est en raison de cette activité que l'auteur se livre à des voies de fait sur lui. En revanche, l'art. 285 CP n'est pas applicable si l'auteur règle un compte privé avec le fonctionnaire, mais à un moment où celui-ci est en fonction (ATF 110 IV 91 c. 2; TF 6B_834/2008 du 20 janvier 2009 c. 3.1).
La notion pénale de fonctionnaire comprend aussi bien les fonctionnaires d'un point de vue institutionnel que fonctionnel. Les premiers sont les fonctionnaires au sens du droit public comme les employés des services publics. Pour les seconds, la forme juridique selon laquelle ils exercent leur activité pour la collectivité importe peu. La relation peut-être de droit public ou de droit privé. C'est la fonction des devoirs à la charge de l'agent public qui est plutôt d'une importance décisive. Si ces devoirs consistent en la réalisation d'activités publiques, alors les fonctions sont publiques et les personnes qui les accomplissent sont des fonctionnaires au sens du droit pénal (ATF 135 IV 198).
3.1.2
Dans un arrêt du 20 janvier 2009, le Tribunal fédéral a admis qu'un infirmier du D._ est un fonctionnaire au sens de l'art. 110 al. 3 CP (TF 6B_834/2008 c. 3.2).
Dans un arrêt du 22 décembre 2008, le Tribunal d'accusation vaudois (décision n° 704) a admis qu'un agent de sécurité du D._ doit également être considéré comme un fonctionnaire. En bref, il a relevé que le D._ et Z._ SA avaient signé, en juillet 1997, un contrat de surveillance aux termes duquel cette entreprise s'obligeait à assurer la sécurité des bâtiments, ainsi que des biens et des personnes qui s'y trouvaient, que ses agents devaient intervenir sans délai pour supprimer ou limiter les effets de tout sinistre, incident ou accident, soit directement, soit en prévenant la personne à même de remédier à la situation telle que la police ou les pompiers et que les employés de Z._ SA affectés au D._ exerçaient donc, par délégation de compétence, une tâche d'intérêt publique, à savoir le maintien de la sécurité publique dans les locaux de l'hôpital. Le Tribunal d'accusation a également souligné que le D._ était tenu, pour assurer sa mission de service public telle que définie à l'art. 1 LHC (loi vaudoise sur les Hospices cantonaux du 16 novembre 1993; RSV 810.11), de mettre en place un service de sécurité efficace, que cette activité, bien qu'accessoire, n'en était pas moins nécessaire à sa vocation principale de prestataire de soins, que les agents de sécurité agissaient selon les directives du personnel médical, auxquels ils étaient subordonnés, qu'ils n'avaient aucun pouvoir de décision ou d'appréciation propre, que l'activité de sécurité qu'ils déployaient ne pouvait dès lors être totalement dissociée de l'activité de soins, les employés de Z._ SA apparaissant par conséquent comme de simples auxiliaires de ceux du D._.
3.2
En l'espèce, on peut suivre en tous points la jurisprudence du Tribunal d'accusation telle qu'exposée ci-dessus. En effet, il est indéniable que les devoirs qui incombent à l'agent de sécurité consistent bel et bien en la réalisation d'activités publiques, soit le maintien de la sécurité dans les locaux dépendant de l'hôpital. Le contrat de surveillance qui lie le D._ et Z._ SA prévoit que celle-ci s'engage à assurer la sécurité, notamment des personnes, sur le site de la cité hospitalière – qui inclut la Tour [...], soit le bâtiment sis à l'avenue [...] 21 – (cf. art. 1). Pour tout sinistre, incident, accident, etc, Z._ SA doit intervenir, sans délai, pour en supprimer, ou tout au moins en limiter, les effets, soit directement, soit en prévenant immédiatement le responsable désigné ou la personne la plus à même de remédier à la situation (cf. art. 2.3). Le fait que l'agent de sécurité soit un employé de la société Z._ SA, et non directement du D._, importe peu. En outre, contrairement à l'appréciation de l'appelant, on doit admettre que l'agent, qui travaille pour Z._ SA sur le site du D._, se trouve bel et bien dans un rapport de dépendance par rapport à l'établissement précité. En effet, selon la convention, le D._ a le droit de contrôler le niveau de compétence du personnel mis en place par Z._ SA (cf. art. 3.1) et de former et instruire les agents, qui sont au demeurant soumis au secret professionnel (cf. art. 3.3). Enfin, les agents chargés de maintenir la sécurité au sein du D._ forment une brigade spécialisée dont les membres sont formés par le D._ directement pour agir au sein d'un établissement hospitalier et ne sont pas interchangeables (cf. art. 3.2).
Au regard de ces éléments, on doit admettre que l'agent de sécurité revêt bel et bien la qualité de fonctionnaire au sens de l'art. 110 al. 3 CP. Contrairement à l'appréciation de l'appelant, on ne saurait toutefois déduire de cette conclusion que tous les agents privés actifs puissent être considérés comme des fonctionnaires, indépendamment de l'endroit où ils effectuent leurs missions et de la qualité de leur mandant.
Pour le surplus, il n'est à juste titre pas contesté que les conditions de l'art. 285 CP sont réalisées. En effet, en projetant un fer à repasser et une poêle en direction des agents de sécurité et en occasionnant à l'agent X._ une brûlure, deux hématomes et une tuméfaction, l'appelant s'est livré à des voies de fait à l'égard de l'agent qui agissait dans le cadre de ses fonctions. Enfin, il a agi avec conscience et volonté.
Mal fondé, le moyen de l'appelant doit être rejeté.
4.
L'appelant conteste la nature de la peine qui lui a été infligée et invoque une violation des art. 34 et 41 CP.
4.1
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
Aux termes de l'art. 41 al. 1 CP, le juge peut prononcer une peine privative de liberté ferme de moins de six mois uniquement si les conditions du sursis à l'exécution de la peine (art. 42) ne sont pas réunies et s'il y a lieu d'admettre que ni une peine pécuniaire, ni un travail d'intérêt général ne peuvent être exécutés.
A titre de sanctions, le nouveau droit fait de la peine pécuniaire (art. 34 CP) et du travail d'intérêt général (art. 37 CP) la règle dans le domaine de la petite criminalité, respectivement de la peine pécuniaire et de la peine privative de liberté la règle pour la criminalité moyenne. La peine pécuniaire constitue la sanction principale. Les peines privatives de liberté ne doivent être prononcées que lorsque l'Etat ne peut garantir d'une autre manière la sécurité publique. Quant au travail d'intérêt général, il suppose l'accord de l'auteur. En vertu du principe de la proportionnalité, il y a en règle générale lieu, lorsque plusieurs peines entrent en considération et apparaissent sanctionner de manière équivalente la faute, de choisir celle qui restreint le moins sévèrement la liberté personnelle de l'intéressé, respectivement qui le touche le moins durement. La peine pécuniaire et le travail d'intérêt général représentent des atteintes moins importantes et constituent ainsi des peines plus clémentes. Cela résulte également de l'intention essentielle, qui était au coeur de la révision de la partie générale du Code pénal en matière de sanction, d'éviter les courtes peines de prison ou d'arrêt, qui font obstacle à la socialisation de l'auteur, et de leur substituer d'autres sanctions. Pour choisir la nature de la peine, le juge doit prendre en considération l'opportunité de la sanction déterminée, ses effets sur l'auteur et son milieu social, ainsi que son efficacité préventive (ATF 134 IV 97 c. 4; TF 6B_128/2011 du 14 juin 2011 c. 3.1).
4.2
L'appelant s'est rendu coupable de lésions corporelles simples qualifiées, de voies de fait qualifiées, de dommages à la propriété, de violation de domicile et de violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires. A charge, en plus de la violence dont il a fait preuve à l'égard de son ancienne compagne notamment, on doit tenir compte du concours d'infractions, des difficultés qu'a l'intéressé à reconnaître les faits qui lui sont reprochés pour en imputer la responsabilité à sa victime, du risque de récidive et de ses antécédents. A décharge, il faut prendre en considération la diminution de responsabilité pénale de l'appelant, conformément à l'expertise effectuée en 2009.
Au regard des condamnations antérieures de l'appelant et de sa difficulté à reconnaître les faits, le pronostic est défavorable et le sursis est par conséquent exclu, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté par l'intéressé.
Les précédentes condamnations de l'appelant attestent un mépris des règles et une absence de considération pour autrui, l'intéressé ayant déjà été notamment condamné pour violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires ainsi que pour lésions corporelles simples. Il s'est vu infliger, avant les faits qui lui sont reprochés, une peine d'emprisonnement et une peine pécuniaire, qui n'ont à l'évidence eu aucun effet dissuasif sur lui. Dans ces conditions, on peut considérer qu'une peine pécuniaire ferme est dénuée de toute efficacité et doit être exclue.
Reste à examiner la possibilité d'un travail d'intérêt général. En l'espèce, il est douteux que l'appelant soit apte au travail, dès lors qu'il souffre d'une maladie du foie pour laquelle il a été opéré. Il n'a pas non plus donné son accord à un travail d'intérêt général et ni d'ailleurs requis cette forme de sanction. Enfin, une telle peine ne paraît pas adéquate, le prononcé antérieur de peines qui étaient censées le toucher plus durement, comme l'emprisonnement et la peine pécuniaire, n'ayant eu aucun effet dissuasif sur l'intéressé. Ce dernier semble ainsi insensible aux sanctions pénales de toutes sortes. On ne saurait lui infliger une sanction moins incisive là où une peine plus sévère a échoué. Ainsi, pour des motifs de prévention spéciale, et s'agissant d'un prévenu qui doit savoir que ses récidives sont sanctionnées par des peines privatives de liberté, un travail d'intérêt général est également exclu.
Compte tenu de ce qui précède, notamment de la culpabilité de l'appelant et de sa situation personnelle, la nature et la quotité de la peine infligée par le premier juge sont adéquates et doivent être confirmées, étant précisé que cette peine est partiellement complémentaire à celle infligée par la Cour de cassation pénale vaudoise le 6 juillet 2011.
Mal fondé, le moyen doit être rejeté.
5.
B._ invoque l’art. 49 CO (loi fédérale du 30 mars 1911 complétant le code civil suisse [Livre cinquième: Droit des obligations]; RS 220) et soutient que les conditions pour l’allocation d’une réparation morale à E._ ne sont pas réalisées.
5.1
En vertu de l’art. 47 CO, le juge peut, en tenant compte de circonstances particulières, allouer à la victime de lésions corporelles une indemnité équitable à titre de réparation morale. Les circonstances particulières à prendre en compte se rapportent à l’importance de l’atteinte à la personnalité du lésé, l’art. 47 CO étant un cas d’application de l’art. 49 CO. Les lésions corporelles, qui englobent tant les atteintes physiques que psychiques, doivent donc en principe impliquer une importante douleur physique ou morale ou avoir causé une atteinte durable à la santé. Parmi les circonstances qui peuvent, selon les cas, justifier l’application de l’art. 47 CO, figurent une longue période de souffrance et d’incapacité de travail, de même que les préjudices psychiques importants (TF 4A_373/2007 du 8 janvier 2008 c. 3.2, non publié in ATF 134 III 97; 132 Il 117 c. 2.2.2; TF 6B_970/2010 du 23 mai 2011 c. 1.1.2). Des lésions corporelles, même si elles sont objectivement de peu d’importance, justifient en principe l’allocation d’une indemnité pour tort moral lorsqu’elles ont été infligées de manière volontaire dans des circonstances traumatisantes. Cela est d’autant plus le cas lorsqu’elles ont des conséquences psychiques à long terme (TF 6S.334/2004 du 30 novembre 2004 c. 4.2; TF 6S.28/2003 du 26 juin 2003 c. 3.2).
5.2
Le 30 novembre 2010, l’appelant s’est disputé avec E._, avec qui il faisait ménage commun. Il l’a projetée au sol, s’est mis en dessus d’elle et l’a saisie à la gorge. D’après ses dires, la victime n’a pas suffoqué et n’a pas eu de douleur au cou. Elle n’a pas consulté de médecin suite à cette altercation. Le 16 janvier 2011, l’appelant s’est introduit dans la Tour [...], dépendance du D._, s’est rendu à la chambre [...], occupée par E._, laquelle avait rompu leur relations depuis le début de l’année 2011, a enfoncé la porte de la chambre et y a pénétré. Deux agents de sécurité sont arrivés et une bagarre a éclaté. Au cours de celle-ci, l'appelant a assené un coup de poing sur l'avant-bras de l'intimée.
Certes, les conséquences physiques des coups infligés à la plaignante paraissent peu importantes, cette dernière n’ayant pas eu de douleurs particulières. Reste qu’elles sont relativement importantes sur le plan psychologique. En effet, dans un certificat médical du 14 août 2012, le Dr [...] a attesté qu'E._ était suivie par ses soins depuis le 8 octobre 2010, à la fréquence d’une séance hebdomadaire. La soeur de la lésée a également confirmé, lors des débats de première instance, que l’intéressée était plus triste qu’auparavant et qu’elle allait nettement mieux depuis qu’elle n’était plus avec l’appelant. Enfin, les comportements répréhensibles tels que relevés ci-dessus constituent des marques susceptibles d’effrayer durablement et de blesser sérieusement une personne dans sa santé psychique. Au regard de ces éléments, on doit admettre que les conditions pour l’allocation d’une réparation morale à E._ sont réalisées.
Pour le surplus, la quotité de l'indemnité octroyée par le premier juge est adéquate.
Mal fondé, le dernier moyen soulevé par l'appelant doit également être rejeté.
6.
En définitive, l’appel doit être rejeté et le jugement de première instance intégralement confirmé.
Vu l'issue de la cause, les frais de la procédure d'appel doivent être mis à la charge de B._ (art. 428 al. 1 CPP).
Au vu des opérations effectuées en appel, il se justifie d'arrêter à
799 fr. 20, TVA et débours compris, l'indemnité allouée au défenseur d'office de l'appelant et à 669 fr. 60, TVA comprise, l'indemnité allouée au conseil d'office de l'intimée. L'appelant ne sera tenu de rembourser à l’Etat les montants des indemnités en faveur de son défenseur d'office et du conseil d'office de l'intimée que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
38a469af-46c1-4fbd-be04-f9bb97518df3 | En fait :
A.
Par jugement du 7 août 2014, le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne a constaté que Y._ s’est rendu coupable de violation d’une obligation d’entretien (I), l’a condamné à la peine pécuniaire de 195 jours-amende, la valeur du jour-amende étant fixée à 40 fr., peine partiellement complémentaire à celle prononcée le 4 octobre 2012 par le Tribunal de police de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois et le 3 juin 2013 par le Tribunal de police de l'arrondissement de l’Est vaudois (II), a renoncé à révoquer les sursis octroyés le 4 octobre 2012 par le Tribunal de police de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois et le 3 juin 2013 par le Tribunal de police de l'arrondissement de l’Est vaudois mais a prononcé un avertissement et a prolongé le délai d’épreuve d’un an, respectivement de deux ans (III), a mis les frais de la procédure, par 6'445 fr. 20, à la charge de Y._, y compris l’indemnité allouée à son conseil d’office, l’avocat Pierre-Yves Brandt, par 3'283 fr. 20, TTC (IV), et a dit que l’indemnité allouée sous chiffre IV ci-dessus ne sera exigible de Y._ que pour autant que sa situation financière le permettra (V).
B.
Y._ a annoncé faire appel de ce jugement le 15 août 2014. Il a déposé une déclaration d’appel motivée le 13 octobre 2014. Il a conclu, avec suite de frais et dépens, principalement à la modification du jugement en ce sens que le prévenu est libéré de l’accusation de violation d’une obligation d’entretien, que les délais d’épreuve des sursis ne sont pas prolongés et que les frais de première instance sont laissés à la charge de l’Etat. Subsidiairement, il a conclu à l’annulation du jugement, le dossier étant renvoyé à un autre tribunal de même rang pour nouvelle instruction et nouveau jugement dans le sens des considérants. Plus subsidiairement, il a conclu à la réforme du jugement en ce sens qu’il est condamné à une peine pécuniaire de 90 jours-amende, la valeur du jour-amende étant fixée à 30 fr., avec sursis pendant deux ans, peine partiellement complémentaire à celle prononcée le 4 octobre 2012 par le Tribunal de police de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois et le 3 juin 2013 par le Tribunal de police de l'arrondissement de l’Est vaudois.
L’appelant a confirmé ses conclusions à l’audience d’appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.1 Né en 1970, le prévenu Y._ est séparé d’avec son épouse [...], née [...]. Le couple a deux enfants, nés respectivement en 2005 et en 2009. La séparation est hautement conflictuelle. Une procédure de divorce est pendante devant le Tribunal d’arrondissement de Lausanne.
Par prononcé du 13 décembre 2010, le Président du Tribunal d’arrondissement de Lausanne, statuant en qualité de juge des mesures protectrices de l’union conjugale, a dit que le prévenu était tenu envers son épouse et ses enfants au versement d’une pension mensuelle payable d’avance le premier jour de chaque mois, en mains d’ [...], de 3'250 fr. par mois du 1
er
mai au 30 juin 2010, 1'500 fr. du 1
er
au 31 juillet 2010 et 2'000 fr. dès le 1
er
août 2010, allocations familiales en sus. En dernier lieu, ce montant a été confirmé, toujours à titre provisionnel, dès et y compris le 1
er
octobre 2013, par arrêt du 28 novembre 2013 du Juge délégué de la Cour d’appel civile (n° 629, annexé au jugement entrepris). Cet arrêt, rendu sur appel de l’épouse, réforme une ordonnance de mesures provisionnelles rendue le 24 septembre 2013, ramenant la pension mensuelle du débiteur d’aliments à 700 francs.
1.2 Il ressort notamment de cet arrêt que le prévenu avait été associé-gérant de la société [...], avec signature individuelle en qualité de salarié, jusqu’à son licenciement, avec effet au 31 décembre 2010. Il a également travaillé pour [...] (entité dont il sera fait état plus en détail ci-dessous), avant de perdre également cet emploi, avec effet au 11 mars 2011. N’ayant pas retrouvé d’emploi salarié, le prévenu a, selon ses déclarations, eu depuis lors une activité d’indépendant dans le "coaching privé" (arrêt, p. 10).
Le juge civil a retenu que le prévenu avait reçu, du mois de janvier au 23 mai 2011, le montant de 59'264 fr. 55, soit l’équivalent de 11'853 fr. par mois entier. Pour 2012, le débiteur d’aliments a annoncé un revenu indépendant total de 37'976 fr., ce qui correspond, sur douze mois, à un revenu mensuel moyen de 3'164 francs. Toutefois, à la lecture de quelques extraits de compte produit par l’intéressé, le revenu moyen pour les mois de juin à septembre 2012 s’élève à 5'050 francs. Pour 2013, le prévenu a estimé à 4'000 fr. son revenu mensuel déterminant pour la détermination des acomptes à la Caisse AVS de la FVP (arrêt, p. 10).
Le relevé de carte de crédit VISA du prévenu fait état d’un montant total de dépenses de 6'496 fr. 50, dont 2'148 fr. pour des dépenses au [...] en 2012. Le juge civil a retenu en fait que les charges mensuelles incompressibles du prévenu s’élevaient à 3'430 fr. 65 (arrêt, p. 11). Il ressort en outre de l’arrêt précité du Juge délégué de la cour d’appel civile qu’un décompte de [...] établi le 28 août 2013 faisait état de versements de 23'300 fr. pour la période du 1
er
janvier au 30 juin 2013, soit 3'883 fr. 30 par mois. En revanche, pour cette même période, l’extrait des comptes bancaires du prévenu indique qu’il a reçu 12'300 fr. (arrêt, p. 11). | En droit, l’arrêt sur appel relève en particulier ce qui suit :
"(...) les arguments soulevés par l’appelante (soit l’épouse du prévenu,
réd
.) concernant les difficultés à déterminer la situation financière réelle de l’intimé (soit le prévenu,
réd
.) sont pertinents. Lorsque les mesures protectrices de l’union conjugale ont été prononcées le 23 décembre 2011, l’intimé venait de démarrer son activité indépendante. Il paraissait alors normal de ne pas pouvoir déterminer son revenu avec précision. Or, après presque deux années d’exercice, l’intimé n’est pas parvenu à faire état de ses revenus réels. Selon lui, il comptait sur un revenu de 4'000 fr. en 2013 (...). Les pièces qu’il produit sont contradictoires, puisque les versements mentionnés sur le décompte établi par [...] pour la période du 1
er
janvier au 30 juin 2013, pour un total de 23'300 fr. ne correspondent pas au total des versements constatés sur le compte bancaire détenu par l’intimé auprès de la [...] qui est de 12'300 fr. seulement pour la même période. En relation avec ce compte, on constate que seules les menues dépenses sont assurées via ce compte. On n’y trouve par exemple aucun paiement de loyer. L’intimé prétend connaître de grandes difficultés financières et ne pas pouvoir subvenir à l’entretien de ses enfants. Il parvient toutefois à couvrir ses frais de carte de membre du [...]. Ses liens avec [...], dont il est présenté comme le principal acteur selon le site Internet de cette société, sont peu clairs. Par exemple, sa mère est administratrice avec signature individuelle alors qu’elle ne semble exercer aucune fonction dans la société. Sur le site Internet [...], il indique être recruteur, chasseur de tête et coach professionnel auprès de [...] depuis 15 ans et 5 mois. Ainsi, la situation financière réelle de l’intimé est confuse (...).
Au bénéfice d’une solide formation et d’une longue expérience professionnelle, l’intimé exerce une profession à même de lui procurer un revenu élevé. (...).
L’argument de l’intimé concernant ses problèmes de santé n’est pas étayé, que ce soit par un constat médical signé par un médecin ou par une description de la mesure dans laquelle ses problèmes de santé l’affectent. Dès lors, les problèmes allégués ne sauraient faire obstacle à la fixation d’un revenu hypothétique pour l’intimé" (arrêt, c. 4c, pp. 16 s.).
Le juge d’appel civil a considéré que le salaire hypothétique de l’appelant n’était pas inférieur à 6'150 fr. par mois, ce revenu étant nettement inférieur à celui ressortant des statistiques "pour des activités liées à l’emploi exercées de manière indépendante par un homme", soit 9'252 fr. mensuellement dans le canton de Vaud (arrêt, c. 4c p. 17).
1.3 Aux débats de première instance, le prévenu a nié être en mesure de verser quelqu’aliment que ce soit. Il a exposé être indépendant, cette activité étant exercée en son propre nom à l’égard des tiers, d’une part, et en qualité de consultant pour une société [...], d’autre part. Il était associé-gérant de cette société avec signature individuelle en qualité de salarié. Il percevait alors une rémunération mensuelle de 7'984 fr. 40. L’entreprise était active dans le domaine de l’encadrement et du placement de personnel. Elle bénéficiait notamment de mandats de l’Etat, soit du Service de l’emploi, pour 92 % de son chiffre d’affaire. Actuellement, elle n’a pas d’employés et ne déploie que très peu d’activité à dires de témoin. En effet, elle a perdu l’Etat comme client, ce mandant n’étant pas satisfait des services de la société. Il s’ensuivit que le prévenu a été licencié, comme le reste du personnel, avec effet au 31 décembre 2010. Dès le 1
er
juillet 2010, il a œuvré pour [...] pour une rémunération nette de 6'322 fr. 10 par mois.
Le prévenu a en outre relevé avoir eu une activité accessoire jusqu’au 30 juin 2010 auprès de l’association [...], dont il était à la fois fondateur, président et salarié. A ce titre-ci, il percevait un revenu mensuel de 2'933 fr. 50. Il a, selon lui, été licencié au 31 mars 2011 et non au onze du même mois comme retenu par le juge civil. Sa fonction de président a pris fin en août 2011 (jugement, p. 6).
Le prévenu a déclaré qu’il travaillait toujours en qualité d’indépendant. Il "jongle[rait] entre divers soutiens et béquilles pour régler [s]on minimum vital". Il a expliqué qu’il ne pouvait pas "déboucher un trou pour en boucher un autre" (jugement, p. 5). S’il a cherché à être engagé comme employé, il a revanche actuellement renoncé à poursuivre ses recherches d’emploi. En effet, d’abord, aujourd’hui, le marché de l’emploi est difficile dans son domaine, parce qu’on exige un brevet fédéral ou un diplôme qu’il n’a pas; ensuite, son âge est un handicap, les jeunes étant plus formés et répondant d’avantage aux exigences du poste; enfin, les employeurs potentiels lui faisaient remarquer qu’ils attendaient du chiffre d’affaire et se demandaient dès lors comment il pourrait le leur assurer s’il n’arrivait pas à le garantir pour son entreprise ou pour lui-même. Il a dès lors pris l’option, pour vivre et payer le loyer et les factures, de créer sa propre activité, toujours liée à [...]. Il vit donc sur les revenus que génère son activité de consultant indépendant auprès de [...]. Sa part de loyer s’élève à 1'353 fr. par mois; ses primes d’assurance maladie ascendent à 413 fr. par mois, plus sa participation. Il ne paie pas d’impôts. Il n’a pas de véhicule privé, mais utilise celui de la société. En fonction de sa situation, le prévenu a déclaré qu’il ne pouvait s’engager par écrit à verser quelque chose maintenant pour ses enfants. Ses dettes se montent, selon lui, à plus de 250'000 francs. Il est titulaire de la carte de membre du club privé du [...], dont il s’acquitte personnellement des cotisations.
A dires de témoins, [...] a très peu de charges hormis le loyer; les frais administratifs et de télécommunications sont peu élevés. Les créanciers principaux sont la banque, en relation avec une ligne de crédit, et le prévenu. Depuis 2009 à 2012, la société a généré plus de frais qu’elle n’a engrangé de produits (jugement, pp. 9 s.).
1.4 L’extrait du casier judiciaire suisse du prévenu comporte les inscriptions suivantes :
- une condamnation à une peine pécuniaire de 20 jours-amende à 30 fr. le jour, avec sursis pendant deux ans, et à une amende de 100 fr., prononcée le 4 octobre 2012 par le Tribunal de police de la Broye et du Nord vaudois, pour enlèvement de mineurs;
- une condamnation à une peine pécuniaire de 120 jours-amende à 30 fr. le jour, avec sursis à l’exécution de la peine pour 60 jours et délai d’épreuve de quatre ans, et à une amende de 300 fr., prononcée le 3 juin 2013 par le Tribunal de police de l’Est vaudois, pour voies de fait, dommages à la propriété, injure, diffamation, menaces (conjoint durant le mariage ou dans l’année qui a suivi le divorce), tentative de contrainte et insoumission à une décision de l’autorité.
2.1. Les faits retenus à l’encontre du prévenu sont les suivants, selon l’acte d’accusation :
"(...). Entre mai 2011 et octobre 2013, Y._ ne s’est jamais acquitté de la pension alimentaire due alors qu’il avait les moyens de la verser, à tout le moins partiellement. On relève en effet que durant la période concernée, des sommes pour un montant total de plus de CHF 200'000.- ont été créditées sur son compte courant [...], soit en moyenne environ CHF 7'000.- par mois. En outre, l’ordonnance de mesures provisonnelles du 24 septembre 2013 a fixé sa capacité contributive à CHF 700.- par mois sur la base d’un revenu réel et non hypothétique. Refusant néanmoins de s’acquitter d’un quelconque montant à titre de contribution alimentaire, le prévenu a accumulé un arriéré pénal à hauteur de CHF 58'656.40 au 10 octobre 2013.
Le Service de prévoyance et d’aide sociales, à qui [...] a cédé ses droits, a déposé plainte."
2.2 Il ressort des pièces produites par le prévenu ce qui suit :
- La comptabilité de [...] pour l’exercice 2011 (P. 40/6) fait état de dettes envers l’associé-gérant de 5'211 fr. 84 (rubrique 2060) et envers d’autres créanciers de 7'800 fr. (rubrique 2062); les travaux de tiers non soumis se sont élevés à 42'220 fr. (rubrique 4061); le loyer et les charges locatives se sont élevés à 19'600 fr. (rubrique 6000); le loyer de la place de parc s’est élevé à 545 fr. (rubrique 6002);
- la comptabilité de [...] pour l’exercice 2012 (P. 40/7) fait état de dettes envers le prévenu de 10'046 fr. 48 (rubrique 2060); les travaux de tiers non soumis consultant externe le prévenu se sont élevés à 42'550 fr. (rubrique 4061), le loyer et les charges locatives se sont élevés à 20'350 fr. 50 (rubrique 6000); le loyer de la place de parc s’est élevé à 4'030 fr. 40 (rubrique 6002);
- la comptabilité de [...] pour l’exercice 2013 (P. 40/8) fait état de dettes envers le prévenu d’un montant de 12'354 fr. 91 (rubrique 2060); les travaux de tiers non soumis consultant au nom du prévenu se sont élevés à 43'500 fr. (rubrique 4061); le loyer et les charges locatives se sont élevés à 19'839 fr. 96 (rubrique 6000); il n’y a plus de loyer de place de parc.
Il ressort du compte [...], ouvert au nom du prévenu auprès de la [...] (P. 10/2 et 28/2) que l’intéressé a reçu de [...], entre le 1
er
avril 2011 et le 14 octobre 2013, des sommes qui ascendent au total à 147'850 fr., ce qui représente, sur 31 mois, 4'769 fr. 35 mensuellement.
Il ressort du compte [...], ouvert au nom du prévenu auprès de la même banque, qu’au 31 décembre 2010, il avait un solde créditeur de 52'046 fr. 35. Cette somme provient d’un montant reçu de sa mère, qui a fait l’objet d’explications confuses du prévenu. Il a néanmoins puisé dans cet argent pour subvenir à ses besoins. Il ressort également de ce compte épargne que le prévenu a reçu de [...] un montant de 35'154 francs. Le relevé du compte [...] établit que des versements ont été effectués sur ce compte, depuis le compte épargne, sur ordre du prévenu, à hauteur de 29'900 francs.
3. Appréciant les faits de la cause, le tribunal de police a estimé que les montants versés au prévenu par [...] constituaient des salaires. L’addition des deux montants, soit 147'850 fr. et 35'154 fr., donne un total de 183'004 fr., ce qui représente, sur 31 mois, un montant de 5'903 fr. 35 par mois. Si l’on ajoute encore à ces montants les 52'046 fr., que le prévenu a admis utiliser pour ses propres besoins, on arrive à un total de 235'050 fr., ce qui représente, sur 31 mois, un montant de 7'582 fr. 25 par mois.
Le premier juge a ajouté que les comptes de [...] produits surprenaient. Si, comme il l’avait soutenu, le prévenu devait avancer le loyer de [...], dont les locaux se trouvaient au domicile qu’il partage avec sa compagne, on ne comprend pas que sa créance en faveur de la société ne soit pas plus élevée. En effet, le bail à loyer est de 4'060 fr. par mois, charges comprises (P. 40/2). Si l’on divise ce loyer par trois, cela représente un montant de 1'353 fr. pour la part du prévenu, celle de sa compagne et celle de la société. Sur une année, chaque part équivaut ainsi à 16'236 francs. Or, ce chiffre ne ressort pas non plus de la rubrique concernant le loyer de la société.
L’addition des montants versés par [...] au prévenu pour les années 2011, 2012 et 2013 représente 128'170 francs. Manifestement, le prévenu aurait, toujours de l’avis du premier juge, obtenu plus de revenus de la part de [...] pour son activité en faveur de cette entreprise, compte tenu des versements reçus de la part de celle-ci sur ses comptes. Même s’il devait recevoir des remboursements d’avances qu’il aurait effectuées en faveur de la société, celles-ci devraient être incluses dans ses revenus. Le tribunal de police a aussi relevé qu’il est surprenant que le prévenu fasse des avances pour [...], alors qu’il ne verse pas un centime pour sa famille.
Si l’on tient compte des charges mensuelles du prévenu, telles qu’elles ressortent de l’arrêt du 28 novembre 2013 du Juge délégué de la Cour d’appel civile, soit 3'430 fr. 65 par mois, le débiteur d’aliments pouvait payer la pension de 2'000 fr. mise à sa charge en faveur des siens. Si l’on ajoute ces 2'000 fr. au minimum vital, il lui restait encore un excédent de 2'151 fr. 60. Même si l’on peut admettre que le montant de 7'582 fr. 25 par mois de revenus est brut, l’excédent lui permettait largement de retenir les charges sociales (7'582 fr. 25 x 12 % = 909 fr. 90; 7'582 fr. 25 – 909 fr. 90 = 6'672 fr. 35 nets). En outre, toujours de l’avis du premier juge, même si le montant obtenu par sa mère ne devait pas être pris en considération, le prévenu avait les moyens de payer la pension mise à sa charge, puisque ses revenus mensuels s’élevaient alors à 5'903 fr. 35.
Le tribunal de police a enfin relevé que le prévenu remboursait des montants importants au titre de ses cartes de crédit, de sorte qu’il dépense trop, préférant maintenir son train de vie plutôt que favoriser sa famille.
En droit :
1.
Interjeté dans les forme et délais légaux par une partie ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel est recevable.
2.
2.1
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour et (c) pour inopportunité (al. 3).
2.2
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
Aux termes de l'art. 217 al. 1 CP, celui qui n’aura pas fourni les aliments ou les subsides qu’il doit en vertu du droit de la famille, quoiqu’il en eût les moyens ou pût les avoir, sera, sur plainte, puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire.
D’un point de vue objectif, l’obligation d’entretien est violée lorsque le débiteur ne fournit pas intégralement, à temps et à disposition de la personne habilitée à la recevoir, la prestation d’entretien qu’il doit en vertu du droit de la famille (Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. I, 3
e
édition, Berne 2010, n. 14 ad art. 217 CP). En revanche, on ne peut reprocher à l’auteur d’avoir violé son obligation d’entretien que s’il avait les moyens de la remplir ou aurait pu les avoir (Corboz, op. cit., n. 20 ad art. 217 CP). Par là, on entend celui qui, d’une part, ne dispose certes pas de moyens suffisants pour s’acquitter de son obligation, mais qui, d’autre part, ne saisit pas les occasions de gain qui lui sont offertes et qu’il pourrait accepter (ATF 126 IV 131 c. 3a; Message du 26 juin 1985 concernant la modification du code pénal et du code pénal militaire, FF 1985 II 1070). Le juge pénal est lié par la contribution d’entretien fixée par le juge civil (ATF 106 IV 36; TF 6B_264/2011 du 19 juillet 2011 c. 2.1.3). En revanche, la question de savoir quelles sont les ressources qu’aurait pu avoir le débiteur d’entretien doit être tranchée par le juge pénal s’agissant d’une condition objective de punissabilité au regard de l’art. 217 CP. Il peut certes se référer à des éléments pris en compte par le juge civil. Il doit cependant concrètement établir la situation financière du débiteur, respectivement celle qui aurait pu être la sienne en faisant les efforts pouvant raisonnablement être exigés de lui.
4.
Faisant grief aux premiers juges d’une constatation incomplète ou erronée des faits, l’appelant demande d’abord une expertise comptable à l’effet de déterminer ce qu’il gagne réellement; il soutient en outre qu’il doit être libéré de toute astreinte vu la modicité de ses revenus. Une expertise comptable n’amènera rien. Les éléments de revenus et fortune ont été étudiés à chaque nouvelle décision. De plus, l’art. 217 CP punit la mauvaise volonté dans la même mesure que l’art. 176 CC autorise le recours au revenu hypothétique. S’ajoute à cela que l’appelant n’a rien versé aux créanciers d’aliments. La question n’est donc pas de savoir s’il pouvait leur verser 2'000 fr. par mois, voire même une somme inférieure. Bien plutôt, le fait déterminant est qu’il ne verse jamais le moindre centime, étant précisé que l’obligation d’entretien ici en cause s’étend de 2011 à 2013. En outre, comme on le verra plus en détail ci-dessous, il existe une confusion dans les comptes de la société du débiteur, vu le mélange de revenus et des remboursements de créances par le seul fait de l’appelant lui même. Or, le comptable commis en qualité d’expert ne pourrait dissocier ces deux types de revenus. Cette confusion – admise du reste par l’intéressé – est donc opposable au débiteur, qui n’a nullement étayé son moyen articulé à l’audience d’appel selon lequel ses dettes avaient augmenté et ses revenus baissé. Qui plus est, l’appelant avait du disponible, ses revenus déclarés à l’AVS excédant de quelque 300 fr. les charges incompressibles mensuelles retenues par le juge d’appel civil. En outre, les avances faites par l’appelant à sa société impliquent qu’il disposait de liquidités. Enfin, le débiteur a un train de vie dispendieux, disposant en particulier d’un abonnement au [...]. Une expertise comptable serait donc vaine. En outre, la requête d’expertise apparaît dilatoire.
5.
5.1
Comme déjà relevé, le juge d’appel civil a considéré que le salaire hypothétique de l’appelant n’était pas inférieur à 6'150 fr. par mois, ce revenu étant nettement inférieur à celui ressortant des statistiques "pour des activités liées à l’emploi exercées de manière indépendante par un homme" (9'252 francs). C’est sur cette base qu’il a fixé la pension à 2'000 fr. par mois.
Dès lors que la loi pénale recourt aussi à la notion de revenu hypothétique dans la mesure où elle punit le débiteur qui aurait pu être en mesure d’honorer son obligation d’entretien, le constat posé par le juge civil doit être repris par le juge pénal. L’appelant fait certes valoir que le juge des mesures provisionnelles peut statuer sur la base du critère de la vraisemblance, notion étrangère au droit pénal. C’est parfaitement exact. Il oublie cependant qu’il a intentionnellement rendu confuse sa situation financière, brouillant les cartes quant à l’origine de ses différents revenus. De surcroît, cette situation a été examinée successivement par différents juges qui l’ont tous astreint au paiement d’aliments en retenant une capacité contributive significative, notamment au vu de son niveau de formation professionnelle. Dès lors, l’appelant est mal venu de soulever ce grief. De toute manière, le revenu hypothétique déterminant est établi au-delà de la vraisemblance par le nombre de prononcés rendus sur cet objet.
5.2
Cela étant, l’appelant considère qu’il était arbitraire de retenir que les montants crédités sur ses comptes bancaires ( [...] et épargne) constituaient des revenus. Selon lui, il s’agirait parfois de revenus, parfois de remboursements de montants avancés. Il se prévaut d’un relevé établi à cet effet (P. 1 du bordereau de l’appelant du 9 avril 2014, sous P. 40 du dossier). Il s’agit d’un document rédigé par ses soins pour les besoins de la cause (civile ou pénale).
5.3
La première question à trancher, au sujet des avances alléguées, est celle de savoir comment l’appelant peut faire des avances à sa société alors même qu’il se prétend incapable de verser un centime à sa famille, se disant totalement démuni. Dans la rubrique "loyer" figurant sur la pièce produite, le loyer avancé par l’appelant à la société, qui devrait annuellement totaliser 16'236 fr. selon le calcul mentionné par le tribunal de police (jugement pp. 19 s.), se serait monté à 25'600 fr., 13'000 fr. et 5'000 fr. pour les années entières 2011, 2012 et 2013 respectivement. Or, les comptes de [...] infirment les avances de loyer alléguées. En effet, pour que les deux comptabilités soient concordantes, le loyer 2011 devrait figurer, sous le compte 2060, pour 25'600 fr., puisque le loyer est avancé par l’appelant à la société et qu’elle le rembourse, et ainsi de suite pour les deux années subséquentes. Or, pour l’exercice 2011, il ressort du compte 2060 que la dette envers l’associé-gérant est de 5'211 fr. 84 (P. 40/6). En 2012, le compte 2060 s’élève à 10'046 fr. 48 au lieu de 16'236 fr. et la pièce 40/1 indique que la société aurait payé 13'000 francs. En 2013, le compte 2060 montre une dette en faveur de l’associé gérant de 12'354 fr. 91 au lieu de 16'236 fr. et, sous pièce 40/1, ce n’est que 5'000 fr. que l’appelant aurait touché. Ce qui précède illustre la confusion qui règne au sujet de la situation financière réelle du débiteur. L’appelant soutient que, si les chiffres varient, c’est parce qu’il n’avance pas toujours le montant du loyer à la société. Mais il n’explique pas pourquoi la pièce 40/1 ne correspond pas au compte 2060 et cette discordance ne saurait être expliquée au vu du dossier.
Les contradictions irréductibles mises en exergue ci-dessus ôtent toute valeur probante au tableau produit par l’appelant. Il y a donc lieu de retenir en fait que l’appelant avait les moyens de remplir son obligation d’entretien ou aurait pu les avoir. Dès lors qu’il n’a pas versé les aliments auxquels il était tenu, allant jusqu’à refuser de prendre aucun engagement écrit dans ce sens aux débats, il s’est rendu coupable de violation d’une obligation d’entretien, les éléments constitutifs objectifs et subjectifs de l’infraction réprimée par l’art. 217 CP étant réalisés.
6.
Pour ce qui est de la culpabilité du prévenu à l’aune de l’art. 47 CP, le comportement adopté par l’appelant est exécrable. Comme on l’a vu ci-dessus, il n’a jamais versé le moindre centime sur la contribution d’entretien mise à sa charge. Il aurait pu montrer une certaine bonne volonté en versant des montants même réduits. S’il ne l’a pas fait, c’est qu’il ne le voulait pas. Un tel comportement n’est pas admissible. Il n’appartient pas à l’Etat d’assumer les suites de la mauvaise volonté d’un débiteur d’entretien. L’appelant a déjà été condamné à deux reprises, chaque fois pour des infractions commises à l’encontre de sa famille. Ces condamnations ne l’ont pas amené à réfléchir. Bref, il n’entend strictement rien changer à son comportement et n'a démontré aucune volonté de réparer le dommage dans quelque mesure que ce soit. De plus, il laisse volontairement planer le flou sur ses affaires, ainsi que cela ressort du relevé comptable établi par ses soins. Il s’agit d’autant d’éléments à charge.
A décharge, on peut admettre que la situation familiale hautement conflictuelle qu’il vit doit être difficile à gérer. L’un dans l’autre, sa culpabilité est néanmoins lourde.
7.
La peine à prononcer est partiellement complémentaire à celles prononcées le 4 octobre 2012 par le Tribunal de police de la Broye et du Nord vaudois et le 3 juin 2013 par le Tribunal de police de l’Est vaudois. L’appelant ne le conteste du reste pas. Le fait que la cour ne dispose pas du dernier jugement pénal antérieur ne fait pas obstacle au prononcé d’une peine d’ensemble au sens de l’art. 49 al. 2 CP. Comme l’indique le tribunal de police (jugement, p. 21), si un juge unique avait eu à connaître de l’ensemble des infractions, la peine infligée à l’appelant aurait été de 330 jours-amende. Au vu de sa culpabilité, c’est dès lors une peine pécuniaire de 195 jours-amende qui sanctionnera la culpabilité du prévenu.
La prolongation des délais d’épreuve assortissant les sursis des deux peines antérieures procède au surplus d’une correcte application de l’art. 46 al. 2, 2
e
phrase, CP, le délit ici en cause ayant été commis durant les délais d’épreuve.
8.
8.1
L’appelant conteste également la quotité du jour-amende.
Le juge fixe le montant du jour-amende selon la situation personnelle et économique de l'auteur au moment du jugement, notamment en tenant compte de son revenu et de sa fortune, de son mode de vie, de ses obligations d'assistance, en particulier familiales, et du minimum vital (art. 34 al. 2, 2
e
phrase, CP). Les principes déduits de cette disposition ont été exposés dans l'arrêt publié aux ATF 134 IV 60 c. 6 pp. 68 ss et dans l'arrêt 6B_845/2009 du 11 janvier 2010 c. 1.1, auxquels il suffit de renvoyer.
Le législateur, préférant s'en remettre à l'appréciation du juge dans chaque cas particulier, a exclu la fixation d'un montant minimum en matière de fixation du jour-amende. Il s'agit-là d'une décision délibérée du législateur, qui exclut l'adoption d'un montant plancher par la voie jurisprudentielle. Le montant du jour-amende ne saurait toutefois être réduit au point de ne plus avoir qu'une valeur symbolique (TF 6B_217/2007 du 14 avril 2008 c. 2.1.5 et les références citées, BJP 2007 n°190).
Le Tribunal fédéral a considéré que, même s'agissant des auteurs les plus démunis, le montant du jour-amende devait atteindre la somme de 10 fr., faute de quoi la peine pécuniaire n'aurait plus qu'une valeur symbolique (ATF 135 IV 180 c. 1.4.2, précisant ATF 134 IV 60 c. 6.5.2).
8.2
Le prévenu n'a donné que très peu de renseignements sur sa situation financière. Plus encore, il a produit un relevé comptable au contenu douteux.
Fondamentalement, le prévenu a le droit de ne pas collaborer à l'instruction et de refuser de fournir au juge les informations relatives à sa situation patrimoniale. Lorsqu’il use de cette prérogative ou si les renseignements fournis ne paraissent pas plausibles, l'art. 34 al. 3 CP permet au juge de s'adresser aux administrations pour obtenir des informations complémentaires. Si ces moyens s'avèrent insuffisants ou inefficaces, le juge peut encore recourir aux autres moyens ordinaires d'instruction (Cimichella, Die Geldstrafe im schweizerischen Strafrecht, 2006, p. 130; Jeanneret,
in
: Commentaire romand, Code pénal I, 2009, n° 42 ad art. 34 CP). Le juge dispose en outre d'un large pouvoir d'appréciation, lui permettant de procéder à une estimation du montant du jour-amende en fonction des informations dont il dispose (Jeanneret, op. cit., n° 44 ad art. 34 CP et les références citées). Le prévenu ne peut dans ce cas se prévaloir du principe
in dubio pro reo
(cf. TF 6P.155/2006 du 28 décembre 2006 c. 10.3). Le train de vie peut également être pris en compte lorsque le revenu doit être estimé car son établissement exact s'avère impossible ou car l'auteur ne fournit pas d'indication suffisante à ces fins (cf. ATF 134 IV 60 c. 6.3 p. 70; TF arrêt 6B_152/2007 du 13 mai 2008 c. 8.4.1; arrêt 6B_568/2012 du 16 novembre 2012; CAPE du 17 décembre 2012/248 c. 7.3).
Dans le dernier arrêt cité, la cour de céans avait retenu que le fait que le débiteur d’aliments roulait en véhicule
Porsche Cayenne Turbo
immatriculé à la raison sociale d’une société dont il tirait une part importante de ses revenus n'était pas compatible avec la modique rétribution qu’il alléguait par ailleurs. La cour a ajouté qu’un tel revenu apparaissait de toute façon peu commun pour une personne présentant son profil professionnel, de sorte que le train de vie du prévenu n’était manifestement pas celui qu’il alléguait. Dans ces circonstances, la cour a évalué directement la situation personnelle et économique de l'auteur en tenant compte en particulier de son mode de vie (arrêt cité, ibid. c. 7.3).
8.3
Le premier juge a fixé la valeur du jour-amende à 40 fr. en se fondant sur le revenu mensuel net de 6'672 fr. 35, diminué de charges à hauteur de 5'430 fr. 65, soit 1'241 fr. 70 par mois ou 41 fr. 40 par jour, ajoutant qu’il n’y avait pas lieu à retenir les impôts puisque le prévenu a déclaré qu’il n’en payait pas.
Le juge d’appel civil a retenu que les charges incompressibles du débiteur d’aliments s’élevaient à 3'430 fr. 65 (arrêt du 28 novembre 2013, p. 11). Cela étant, le revenu hypothétique retenu par le tribunal de police est quelque peu optimiste. En effet, [...] et [...] n’ont guère déployé d’activité depuis 2011, en tout cas dès 2012, du fait de la perte de leur principal client. Même si les revenus de l’appelant sont assurément supérieurs à ceux qu’il allègue, il n’en reste pas moins qu’ils présentent une certaine instabilité et s’avèrent même à certains égards peu pérennes à dires de témoin, au vu de la situation de [...]. Ils ne peuvent être déterminés au franc près, vu la confusion entretenue par le débiteur. Par identité de motif, on ne voit pas ce qu’apporterait le dossier fiscal ou le dossier AVS de l’appelant.
Dans ces conditions, il y a lieu de se fonder sur le train de vie du débiteur, faute de pourvoir déterminer un revenu hypothétique. L’abonnement au [...] dont il bénéficie, lequel a occasionné des dépenses de 2'148 fr. en 2012 et reste en vigueur actuellement, commande de retenir que ce train de vie est dispendieux. Il n’est toutefois pas somptuaire pour autant, du moins au vu du dossier, le total des dépenses effectuées par l’appelant au moyen de sa carte de crédit s’élevant à 6'496 fr. 50 toujours en 2012. Il doit néanmoins être tenu compte du profil professionnel favorable du prévenu, qui est un indépendant qualifié se trouvant au début de la quarantaine. Ces facteurs excluent assurément de se fonder sur le montant minimum de 10 fr. prévu par la jurisprudence. Cela étant, les revenus déclarés à l’AVS par le débiteur, à hauteur de 4'000 fr. par mois, constituent un instrument d’évaluation de son train de vie, précisé par les charges incompressibles estimées par le juge civil à 3'430 fr. 65 mensuellement.
Au vu de l’ensemble de ces éléments et sans pour autant considérer comme arbitraire le revenu pris en compte par le premier juge, la cour de céans retiendra un jour-amende de 20 francs. L'appel doit être partiellement admis et le jugement réformé d’office dans cette mesure.
9.
L’appelant succombe entièrement sur ses conclusions, dès lors qu’il n’obtient gain de cause que sur un point accessoire, revu d’office. Partant, les frais de la procédure d'appel seront entièrement mis à sa charge (art. 428 al. 1 CPP).
Outre l'émolument, les frais d’appel comprennent l’indemnité allouée au défenseur d’office du prévenu, pour les opérations liées à la procédure d'appel (cf. les art. 135 al. 2 et 422 al. 2 let. a CPP; art. 2 al. 2 ch. 1 TFIP).
Au vu de la cause déférée en appel et des opérations utiles accomplies, l'indemnité allouée au défenseur d'office du prévenu, qui s’en est remis à l’appréciation du tribunal pour taxer son indemnité, doit être fixée, sur la base d'un tarif horaire de 180 fr., à un total de 1'800 fr., débours et TVA compris.
Le prévenu ne sera tenu de rembourser à l’Etat
le montant
de l’indemnité en faveur de son défenseur d’office que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
38c3c915-e9c9-4123-b47a-2e80feadbb72 | En fait :
A.
Par jugement du 22 mai 2015, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de La Côte a libéré C._ du chef de prévention d’escroquerie (I), a constaté que Q._ s’était rendu coupable d’escroquerie (II), l’a condamné à une peine privative de liberté de six mois, la peine étant complémentaire à celles prononcées le 17 octobre 2011 par le Tribunal correctionnel de La Côte et le 6 août 2014 par le Ministère public de l’arrondissement du Nord vaudois (III), a rejeté la conclusion de C._ tendant à l’allocation d’une indemnité au sens de l’art. 429 CPP (IV), a rejeté la conclusion de Q._ tendant à l’allocation d’une indemnité au sens de l’art. 429 CPP (V), a renvoyé V._ à agir par la voie civile à l’encontre de Q._ (VI), a rejeté la conclusion d’V._ tendant à l’allocation d’une indemnité au sens de l’art. 433 CPP (VII), a fixé l’indemnité allouée aux défenseurs d’office de C._ et de Q._ (VIII et IX), a mis les frais de procédure par deux tiers à la charge de Q._, le solde étant laissé à la charge de l’Etat (X) et a dit que Q._ ne sera tenu de rembourser à l’Etat l’indemnité allouée à son défenseur et mise à sa charge que pour autant que sa situation financière le permette (XI).
B.
Par annonce du 5 juin 2015, puis par déclaration motivée du 13 juillet 2015, Q._ a formé appel contre ce jugement, en concluant, avec suite de frais et dépens, à la réforme des chiffres I, II, III et V, en ce sens que C._ s’est rendu coupable du chef de prévention d’escroquerie (I), au prononcé d’une peine à dire de justice (II), à la libération de Q._ du chef de prévention d’escroquerie (III) et à l’allocation en sa faveur d’une indemnité au sens de l’art. 429 CPP d’un montant de 3'973 fr. 10 (V).
Par acte du 3 août 2015, le Ministère public a présenté une demande de non-entrée en matière s’agissant de la question de la libération de C._ et conclu au rejet de l’appel de Q._ pour le surplus et à la confirmation du jugement entrepris.
Par acte du 5 août 2015, C._, par l’intermédiaire de son défenseur d’office, a présenté une demande de non-entrée en matière.
Par lettre du 7 août 2015, le Ministère public a conclu à la non-entrée en matière sur l’appel formé par Q._ au motif qu’au regard de la jurisprudence récente, le jugement rendu par défaut qui n’a pas été notifié personnellement au prévenu ne clôt pas la procédure par défaut de sorte que le délai de 10 jours prévu par l’art. 368 al. 1 CPP ne court pas.
Par courrier du 31 août 2015, Q._ a déclaré s’en remettre à justice s’agissant de la demande de non-entrée en matière concernant l’acquittement de C._. Il a au demeurant conclu à la recevabilité et au maintien de son appel, s’en remettant à justice s’agissant de l’application de la jurisprudence mentionnée.
Par lettre datée du 5 août 2015 (recte : 1
er
septembre 2015), le défenseur de C._ a requis qu’il soit expressément statué sur la requête de non-entrée en matière de son client. | En droit :
1.
1.1
D’après l’art. 368 al. 1 CPP, si le jugement rendu par défaut peut être notifié personnellement au condamné, celui-ci doit être informé sur son droit de demander un nouveau jugement au tribunal dans les dix jours, par écrit ou oralement.
L’art. 371 al. 1 CPP dispose que tant que court le délai d’appel, le condamné peut faire une déclaration d’appel contre un jugement rendu par défaut parallèlement à sa demande de nouveau jugement ou au lieu de celle-ci. Il doit être informé conformément à l’art. 368 al. 1 CPP.
S’agissant du délai de 10 jours de l’art. 368 al. 1 CPP, il faut que le jugement ait été notifié personnellement au condamné pour le faire partir (Thalmann in : Kuhn/Jeanneret [éd.], Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, 2011, n. 4 ad art. 368 CPP; Moreillon/Parein-Reymond, Petit commentaire, Code de procédure pénale, Bâle 2013, n. 4 ad art. 368 CPP). Le Tribunal fédéral a précisé que cette disposition n'avait d'autre portée que de permettre de déterminer le point de départ du délai de dix jours pour demander un nouveau jugement (TF 6B_346/2011 du 1er juillet 2011 c. 3 et les références citées).
L'art. 371 al. 1 CPP donne au condamné par défaut la possibilité de faire à la fois une demande de nouveau jugement et un appel, la procédure d'appel se poursuivant en cas de rejet de la demande de nouveau jugement. De ce fait, le délai d'appel part en même temps que le délai pour demander un nouveau jugement, soit au moment de la notification personnelle (Thalmann, op. cit., n. 2 ad art. 371 CPP). La notification personnelle exclut la notification à l'avocat du condamné absent, de même qu'une notification dans la feuille d'avis officielle (Thalmann, op. cit., n. 3 ad art. 368 CPP et la référence citée; Moreillon/Parein-Reymond, op. cit.).
La procédure par défaut doit être distinguée de la dispense de comparution personnelle au sens de l’art. 336 al. 3 CPP. Dans ce dernier cas, le prévenu, bien qu’absent, est jugé en contradictoire et n’est pas réputé défaillant (Moreillon/Parein-Reymond, op. cit., n. 12 ad art. 336 CPP).
1.2
Dans le cas d’espèce, Q._ n’a pas été dispensé de comparution personnelle pour des motifs importants par la direction de la procédure au regard de l’art. 336 al. 3 CPP. Depuis l’entrée en vigueur du nouveau Code de procédure pénale suisse, le jugement est réputé rendu par défaut bien que le défenseur ait la possibilité de participer activement à l’audience, ainsi que de plaider. Q._ ne s’est pas présenté aux audiences de première instance des 11 novembre 2014 et 22 mai 2015, bien que régulièrement cité à l’étude de son défenseur d’office, puisqu’il a définitivement quitté le territoire suisse (P. 56). Par conséquent, les premiers juges ont engagé la procédure par défaut en application de l’art. 366 al. 2 CPP. Le jugement rendu par défaut le 22 mai 2015 à l’encontre du prévenu, ainsi que le jugement motivé, ont été notifiés au défenseur d’office. A ce jour, le jugement n’a pas pu être notifié personnellement à Q._. Ainsi, tant le délai de 10 jours prévu à l’art. 368 al. 1 CPP que celui de l’art. 371 al. 1 CPP n’ont donc pas encore commencé à courir. Le jugement du 22 mai 2015 n’a dès lors pas clos la procédure par défaut. Dans ces conditions, l’appel interjeté par la défense – avant la notification personnelle du jugement à son client – s’avère prématuré et doit donc être déclaré irrecevable en application de l’art. 403 al. 1 let. b CPP.
2.
2.1
Reste à examiner le courrier du Me Dubuis qui demande qu’il soit statué sur sa requête de non-entrée en matière afin que son client, C._, obtienne une confirmation du jugement pour que son acquittement ne puisse plus être remis en cause.
2.2
L’art. 382 CPP prévoit que toute partie qui a un intérêt juridiquement protégé à l’annulation ou à la modification d’une décision a qualité pour recourir contre celle-ci.
L’intérêt doit être juridique et direct. A noter que l’intérêt juridiquement protégé se distingue de l’intérêt digne de protection qui n’est pas, lui, nécessairement juridique mais peut aussi être un pur intérêt de fait ; ce dernier ne suffisant pas à fonder une qualité pour recourir. La partie recourant doit démontrer en quoi la décision attaquée viole une règle de droit destinée à protéger ses intérêts et en quoi elle en déduit un droit subjectif (Moreillon/Parein-Reymond, op. cit., n. 2 s. ad art. 382 CPP et les références citées).
2.3
Dans le cas d’espèce, Q._ n’est pas directement atteint par l’acquittement de C._. Ainsi, les conclusions I et II de sa déclaration d’appel sont irrecevables pour ce motif également.
3.
Finalement, il faut encore statuer sur l’indemnisation du défenseur d’office lors d’un appel déposé suite à une procédure par défaut.
3.1
Pour ce qui est appels interjetés par la défense avant la notification personnelle du jugement à son client, et de ce fait déclarés irrecevables, la Cour d’appel pénale a relevé dans un arrêt du 6 mai 2015 que les défenseurs d’office, agissant de la sorte, encourraient le risque de se voir refuser toute indemnisation en raison de l’inutilité des opérations effectuées (CAPE 6 mai 2015/188).
3.2
La publication de cette décision étant intervenue après le dépôt de l’appel (JT 2015 III 145), Me Morzier sera toutefois rémunéré. Ces frais seront exceptionnellement laissés à la charge de l’Etat.
4.
En définitive, l’appel est irrecevable.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel seront laissés à la charge de l’Etat. Outre l'émolument, qui se monte à 770 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [Tarif des de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]), ces frais comprennent les indemnités allouées au défenseur d'office de l'appelant, ainsi qu'au défenseur d'office de C._. Une indemnité de défenseur d’office pour la procédure d'appel d'un montant de 584 fr. 50, TVA et débours inclus, correspondant à 2 heures 55 d’activité, 17 fr. 50 de débours, plus la TVA, est allouée à Me Benoît Morzier et une indemnité de défenseur d'office pour la procédure d'appel d’un montant de 905 fr. 90, TVA et débours inclus, correspondant à 4 heures 40 d’activité, plus la TVA, est allouée à Me Alain Dubuis. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
394428b7-ead2-433b-a063-17f14f180451 | En fait :
A.
Par jugement du 19 avril 2013, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a condamné H._, pour brigandage, vol et recel, à dix-huit mois de peine privative de liberté, dont six mois à titre ferme et douze mois avec sursis pendant trois ans (I), renoncé à révoquer le sursis accordé à H._ le 21.01.11 par le Ministère public de Lausanne, mais prolongé la durée d’une année (II), pris acte, pour valoir jugement définitif et exécutoire, de la convention passée au procès-verbal de l’audience du 19.04.13 entre H._ et J._ (III) et mis une part des frais, par 9'544 fr. 10, à la charge de H._ incluant l’indemnité au conseil d’office par 4'806 fr. (dont 1'600 fr. ont déjà été payés), dont le remboursement ne sera exigible que si la situation financière du débiteur le permet (IV).
B.
Le 24 avril 2013, H._ a formé appel contre ce jugement. Par déclaration motivée du 28 mai 2013, il a conclu, avec suite de frais et dépens, principalement, à la modification du chiffre I du dispositif du jugement en ce sens qu’il est condamné à peine privative de liberté de huit mois, avec sursis pendant deux ans. Subsidiairement, il a conclu à l’annulation du jugement attaqué et au renvoi de la cause à l’autorité inférieure pour nouvelle instruction et nouvelle décision.
Par acte du 13 juin 2013, le Ministère public de l’arrondissement du Nord vaudois a déposé un appel joint, concluant à la modification du chiffre II du dispositif du jugement en ce sens que le sursis accordé à H._ le 21 janvier 2011 est révoqué, les frais étant mis à la charge de ce dernier.
H._ ne s’est pas présenté à l’audience d’appel. Son avocate a indiqué n’avoir pas pu le contacter et le mandat de comparution a été valablement notifié. Le Procureur a retiré son appel joint afin de permettre la poursuite de la procédure compte tenu de l’absence du prévenu (cf. art. 407 al. 2 CPP).
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
H._ est né le 19 juillet 1992 en France. Ressortissant français, il est détenteur d’un permis de séjour annuel B. Il est en 1
ère
année d’apprentissage de peintre en bâtiment et son apprentissage semble bien se dérouler. La situation financière de l’intéressé est modeste. Il est sous le coup de nombreuses poursuites, introduites notamment par les services du contentieux de l’Etat de Vaud et la plupart des entreprises de transports publics de la région. Il bénéficie d’une bourse d’apprentissage s’inscrivant dans le cadre d’un programme de sortie du RI. Il a pris un domicile à [...]. Il dit avoir stabilisé sa vie, arrêté ses bêtises et mûri.
Son casier judiciaire comporte une inscription, soit une peine pécuniaire de 10 jours-amende à 30 fr. le jour, avec sursis pendant deux ans, prononcée le 21 janvier 2011 par le Ministère public de l’arrondissement de Lausanne pour opposition aux actes de l’autorité. Au dossier figurent deux jugements du Tribunal des mineurs, des 17 juillet 2009 et 20 août 2010, prononçant des peines fermes pour des infractions contre le patrimoine.
2.
2.1
Le 6 janvier 2011 vers 20h15, J._ et R._ étaient de sortie à Lausanne pour fêter l'anniversaire du premier nommé. Alors qu'ils se déplaçaient à pied au [...] pour se rendre dans un restaurant, les deux camarades ont été accostés par H._, qui a pris l'initiative de les braquer avec l'aide de deux individus non identifiés, dont l'un portait un bonnet beige.
Tandis que l'auteur "sans bonnet" demandait une cigarette à J._, les deux autres hommes se sont interposés de manière à empêcher les plaignants d'accéder au restaurant. H._ a alors saisi J._ et R._ au niveau du col de leur veste, les a "entrechoqués" puis traînés à l'arrière du restaurant "[...]", plus précisément sur la voie du [...], tout en leur disant de se laisser faire. Au cours de cette manœuvre, H._ a également donné un coup de genou dans la cuisse gauche de J._. Parvenu dans un coin sombre et discret, H._ a plaqué les deux amis contre une grille métallique et leur a ordonné de vider leurs poches, faute de quoi il les frapperait; il a en particulier exigé de J._ qu'il lui remette son [...]. Les deux plaignants ont alors demandé à H._ de les laisser aller, sans succès toutefois. A ce moment-là, l'individu coiffé d'un bonnet beige se tenait près de H._ tandis que le troisième auteur faisait le guet un peu plus loin.
Par crainte des réactions de ses agresseurs, R._ a tendu à H._ les trois coupures de 20 fr. qu'il détenait, argent dont l'inconnu vêtu d'un bonnet beige s'est emparé. H._ a insisté auprès de R._ pour qu'il lui donne tout ce qu'il possédait. Ce lésé lui a alors remis son téléphone portable de marque [...], après en avoir extrait la carte SIM, et son porte-monnaie qui renfermait encore une dizaine de francs en monnaie, une carte d'étudiant et un abonnement [...]. H._ a demandé à qui appartenait le natel [...]. Comme R._ a répondu qu'il était à lui, le prévenu lui a donné une gifle sur le côté gauche du visage, sans pour autant le blesser.
Pour sa part, J._ a imploré H._ de lui laisser son téléphone, en réponse à quoi ce prévenu lui a asséné un coup de poing au niveau de la tempe gauche. Sous l'effet du choc, la tête de la victime a heurté la grille métallique et J._ est tombé par terre, où il est demeuré quelques secondes inconscient. Lorsqu’il est revenu à lui, H._ lui a plaqué le visage contre la grille métallique et a fouillé ses poches. Il a ainsi fait main basse sur son [...], un flacon contenant un médicament destiné à réguler la tension, un porte-monnaie en cuir noir renfermant environ 320 fr., plusieurs cartes "[...]" valant une centaine de francs, une carte du magasin "[...]" d'une valeur de 140 fr. et diverses autres cartes, dont sa pièce d'identité.
Après avoir fini de détrousser J._, H._ a restitué le téléphone de marque [...] à R._. De son côté, l'inconnu au bonnet beige a donné deux gifles sur le haut du visage à chacun des lésés. H._ a ensuite remis à J._ une bouteille d'alcool entamée et a ironisé en lui disant quelque chose comme "désolé pour ton anniversaire, tiens c'est pour toi !". Les trois auteurs ont finalement demandé aux victimes de marcher en direction de [...] en même temps qu'ils quittaient les lieux vers la place de [...]. Après un cours instant, J._ et R._ ont fait appel à la police.
Suite à ces événements, J._ a présenté une bosse au niveau du cuir chevelu et a légèrement saigné en raison du coup de poing que H._ lui a donné. Il n'a pas consulté de médecin.
L'argent dérobé aux lésés a tout d'abord servi à acheter une bouteille d'alcool, que les auteurs ont consommée ensemble. Quant au solde, H._ en a conservé une moitié et a remis l'autre à ses complices. Pour finir, les auteurs se sont débarrassés du porte-monnaie de J._ dans un buisson.
J._ a déposé plainte et s'est constitué partie civile le 6 janvier 2011. Il a complété sa plainte le 5 février 2011 pour le vol de sa carte d'identité suisse.
R._ a déposé plainte et s'est constitué partie civile le 6 janvier 2011, avant de retirer sa plainte par lettre du 17 janvier 2011.
2.2
Dans la nuit du 26 au 27 février 2011, H._ est sorti en ville de Lausanne et a consommé diverses boissons alcoolisées. Il s'est notamment rendu au "[...]", où, le 27 février entre 03h15 et 03h45, son attention a été attirée par le sac à main que X._ avait laissé dans les escaliers qui conduisent au sous-sol. Il a aussitôt fouillé cet objet et s'est emparé du téléphone de marque [...], [...], ainsi que du
porte-monnaie qu'il renfermait. Il a fait main basse sur la somme de 157 fr. 65 que contenait le porte-monnaie et l’a jeté dans une poubelle située à l'entrée de la discothèque. H._ s'est finalement rendu aux toilettes du "[...]", où les agents de sécurité l'ont interpellé.
D'emblée, le prévenu a reconnu les faits et indiqué le lieu où se trouvait le porte-monnaie, que X._ a immédiatement pu récupérer. Avec l'accord de H._, la lésée s'est également vue restituer sur le champ son téléphone et la somme de 157 fr. 65.
Les contrôles effectués ont établi que H._ présentait un taux d'alcoolémie de 0.86 gramme pour mille le 27 février 2011 à 04h30.
X._ a déposé plainte et s'est constituée partie civile le 27 février 2011.
2.3
Lors de la fouille à laquelle il a été soumis le 27 février 2011 au "[...]", H._ a été trouvé porteur d'un téléphone de marque [...] que P._ s'était fait dérober le 30 janvier 2011 à la discothèque "[...]" sise à [...].
Interrogé, le prévenu a dit avoir acquis cet objet trois semaines auparavant, soit au début du mois de février 2011, au prix de 180 fr. auprès d'un inconnu rencontré sur la place [...] à [...]. Il a néanmoins concédé s'être douté qu'il s'agissait du produit d'une infraction.
Avec l'accord du prévenu, l'[...] a été restitué à son propriétaire le 12 mars 2011.
P._ a déposé plainte le 30 janvier 2011. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de H._ est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L’appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d’appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L’appel tend à la répétition de l’examen des faits et au prononcé d’un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398 CPP). L’immédiateté des preuves ne s’impose toutefois pas en instance d’appel. Selon l’art. 389 al. 1 CPP, la procédure d’appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d’appel administre, d’office ou à la demande d’une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
3.
Invoquant une violation des art. 47 et 50 CP, l’appelant conteste la quotité de la peine qui lui a été infligée.
3.1
Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale (TF 6B_759/2011 du 19 avril 2012 c. 1.1; ATF 136 IV 55; ATF 134 IV 17 c. 2.1 p. 19 s.; 129 IV 6 c. 6.1 p. 20).
La comparaison avec d’autres cas concrets est délicate, compte tenu des nombreux paramètres qui interviennent dans la fixation de la peine, et généralement stérile dès lors qu’il existe presque toujours des différences entre les circonstances, objectives et subjectives que le juge doit prendre en considération dans chacun des cas (ATF 120 IV 136 c. 3a p. 144; 116 IV 292). La jurisprudence a par ailleurs toujours souligné la primauté du principe de la légalité sur celui de l’égalité (ATF 124 IV 44 c. 2c p. 47), de sorte qu’il ne suffirait pas que le recourant puisse citer l’un ou l’autre cas où une peine particulièrement clémente a été fixée pour prétendre à un droit à l’égalité de traitement (ATF 120 IV 136 c. 3a p. 144 et les arrêts cités).
3.2
Se prévalant d’une inégalité de traitement, l’appelant estime que sa peine est trop sévère au regard de précédentes condamnations prononcées en matière de brigandage.
L’appelant mentionne plusieurs arrêts de la Cour d’appel pénale vaudoise. Il se réfère tout d’abord à une affaire (CAPE 26 novembre 2012/264), dans laquelle l’auteur a été condamné à une peine de douze mois dont six fermes pour avoir commis deux brigandages en moins de quatre mois en maintenant deux jeunes femmes au sol pour leur voler leurs effets et assénant des claques à l’une d’elle. Dans la deuxième affaire citée (CAPE 19 janvier 2012/6), le prévenu a été condamné à une peine de dix-huit mois pour brigandage qualifié, tentative d’extorsion, tentative d’utilisation frauduleuse d’un ordinateur et contravention à la LStup, l’accusé ayant obtenu son butin sous la menace d’un opinel.
En l’occurrence, l’appelant ne saurait se prévaloir d’une inégalité de traitement en raison des verdicts précités ou encore d’autres affaires, les infractions, de même que les circonstances des actes commis et les situations personnelles des intéressés étant chaque fois différentes.
3.3
L’appelant estime que le but du brigandage et la violence des événements ne sauraient être érigés en circonstances aggravantes. Il considère que sa peine est trop sévère et reproche aux premiers juges de ne pas avoir tenu compte des circonstances atténuantes, à savoir que ses actes n’ont pas été prémédités, qu’il était jeune, qu’il a pu surmonter ses difficultés passées et modifier radicalement son mode de vie, qu’il a bien collaboré à la procédure et qu’il a présenté des excuses.
A charge, il convient de retenir, comme les premiers juges, que la culpabilité du prévenu est relativement lourde, eu égard notamment à la violence avec laquelle le brigandage a été commis et le motif futile poursuivi, puisqu’il s’agissait d’acheter à nouveau de l’alcool alors que les brigands en avaient déjà consommé plus que de raison ce jour-là. En effet, conformément à la jurisprudence précitée, tant le mode d’exécution de l’acte que les mobiles poursuivis constituent des éléments pertinents pour évaluer la culpabilité de l’intéressé. En outre, on ne saurait nier la futilité du but poursuivi, le peu d’argent dérobé, soit 60 fr. à R._ et 320 fr. à J._ ayant servi à l’achat d’une bouteille d’alcool, le solde ayant été conservé par moitié par le prévenu et par moitié par ses complices. On ne saurait davantage ignorer la violence de l’acte commis et ce nonobstant l’absence de séquelles chez J._. En effet, ce dernier a tout de même reçu un coup de poing au niveau de la tempe gauche; sous l’effet du choc, sa tête a heurté la grille métallique et il est tombé par terre, où il est demeuré inconscient. Le fait qu’il n’ait finalement pas subi de séquelles ne diminue en rien la violence de l’acte et la gravité de la faute commise. Enfin, bien que régulièrement convoqué, H._ ne s’est pas présenté à l’audience d’appel et il est dès lors impossible de savoir s’il a honoré ses remboursements auprès de J._.
A décharge, il convient de tenir compte du jeune âge de l’intéressé, qui avait dix-huit ans et demi à l’époque des faits, de la situation de désoeuvrement dans laquelle il se trouvait et de sa consommation d’alcool. De plus, il a présenté des excuses au plaignant et admis lui devoir 600 fr. en dommages intérêts, 100 fr. ayant d’ailleurs été versés en audience de première instance. En outre, le prévenu a été collaborant, n’a pas contesté les faits et a présenté des excuses, qui paraissent sincères. Par ailleurs, il semble être parvenu à changer de mode de vie et de fréquentations. Il suit ainsi désormais un apprentissage et son employeur est satisfait de lui. Il y a ainsi lieu de tenir compte de la volonté du prévenu de se socialiser par l’acquisition d’une formation professionnelle adéquate. Il convient de relever que ces éléments n’ont aucunement été ignorés par les premiers juges.
Au regard de l’ensemble des éléments à charge et à décharge cités
ci-dessus, la peine prononcée doit être confirmée.
4.
Il convient d’examiner la question du sursis à la peine précitée et de la révocation du précédent sursis.
4.1
Lorsque la peine privative de liberté est d’une durée telle qu’elle permette le choix entre le sursis complet (art. 42 CP) et le sursis partiel (art. 43 CP), soit entre un et deux ans au plus, l’octroi du sursis au sens de l’art. 42 est la règle et le sursis partiel l’exception. Cette dernière ne doit être admise que si, sous l’angle de la prévention spéciale, l’octroi du sursis pour une partie de la peine ne peut se concevoir que moyennant exécution de l’autre partie. La situation est comparable à celle où il s’agit d’évaluer les perspectives d’amendement en cas de révocation du sursis (ATF 116 IV 97). Lorsqu’il existe – notamment en raison de condamnations antérieures – de sérieux doutes sur les perspectives d’amendement de l’auteur, qui ne permettent cependant pas encore, à l’issue de l’appréciation de l’ensemble des circonstances, de motiver un pronostic concrètement défavorable le tribunal peut accorder un sursis partiel au lieu du sursis total. On évite de la sorte, dans les cas de pronostics très incertains, le dilemme du « tout ou rien ». L’art. 43 CP permet alors que l’effet d’avertissement du sursis partiel autorise, compte tenu de l’exécution partielle ordonnée simultanément, un pronostic largement plus favorable pour l’avenir (ATF 134 IV 1 c. 5.5.2 p. 14 s.).
4.2
Lorsque le juge est appelé à connaître d'un crime ou d'un délit que l'auteur a commis après une précédente condamnation à une peine assortie du sursis, il est également compétent pour statuer sur la révocation de ce dernier (art. 46 al. 3 CP). Il doit donc examiner si les conditions d'une révocation sont réunies, laquelle postule que le crime ou le délit dont il est appelé à connaître ait été commis pendant le délai d'épreuve du sursis antérieur et qu'il y ait dès lors lieu de prévoir que l'auteur commettra de nouvelles infractions (art. 46 al. 1 CP). Cette dernière condition implique l'existence d'un pronostic défavorable quant au comportement futur du condamné (ATF 134 IV 140 c. 4.3). Elle correspond donc à l'une des conditions de l'octroi du sursis, de sorte que, comme dans ce dernier cas, le pronostic à émettre doit reposer sur une appréciation d'ensemble de tous les éléments pertinents (ATF 134 IV 140 c. 4.4 et les arrêts cités).
Dans l'appréciation des perspectives d'amendement à laquelle il doit procéder pour décider de la révocation d'un sursis antérieur, le juge doit tenir compte des effets prévisibles de l'octroi ou non du sursis à la nouvelle peine. Il peut parvenir à la conclusion que l'exécution, le cas échéant, de la nouvelle peine aura un effet dissuasif suffisant, justifiant de renoncer à la révocation du sursis antérieur. L'inverse est également admissible : si le sursis précédent est révoqué, l'exécution de la peine qui en était assortie peut conduire à nier l'existence d'un pronostic défavorable pour la nouvelle peine et, partant, à assortir cette dernière du sursis (ATF 134 IV 140 c. 4.5). Ainsi, un critère déterminant pour juger du risque de réitération et, partant, pour poser le pronostic prévu par la loi est celui de l'effet de choc et d'avertissement (
Warnungswirkung
) issu de la condamnation précédente, y compris en ce qui concerne l'aménagement ultérieur de la vie de l'intéressé; s'il est avéré, un tel effet constitue un facteur favorable – même s'il n'est pas déterminant à lui seul – dans l'examen du pronostic (cf. ATF 134 IV 140 c. 5.3).
4.3
Certes, plusieurs éléments favorables peuvent être relevés en faveur de l’appelant, à savoir qu’il a été collaborant, n’a pas contesté les faits, a présenté des excuses et suit désormais un apprentissage. Reste que le casier judiciaire de H._ comporte déjà une inscription pour opposition aux actes de l’autorité. Il a aussi été condamné à deux reprises par le Tribunal des mineurs. Il a d’ailleurs récidivé très rapidement après le jugement condamnatoire du 21 janvier 2011. Enfin, comme l’ont relevé les premiers juges (cf. jgt., p.10), la formation professionnelle de l’appelant ne sera pas affectée par l’exécution de la peine à effectuer au regard de la quotité de cette dernière.
Au regard de l’ensemble de ces éléments, le pronostic est mitigé, ce qui exclu l’octroi du sursis complet. Le sursis partiel doit donc être confirmé. La renonciation à la révocation du sursis accordé le 21 janvier 2011 par le Ministère public de l’arrondissement de Lausanne et la prolongation de la durée d’une année doivent également être confirmées.
5.
En définitive, l’appel formé par H._ est rejeté et le jugement rendu le 19 avril 2013 par le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne est confirmé.
6.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel doivent être mis à la charge de H._ (art. 428 al. 1 CPP). Outre l'émolument, qui se monte à 1’720 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]), ces frais comprennent l’indemnité allouée à son défenseur d’office.
Au vu de la complexité de la cause, des opérations mentionnées dans la note d'honoraires et de la procédure d'appel, il convient d'allouer au défenseur d’office de l’appelant une indemnité arrêtée à 1'933 fr. 20, TVA et débours inclus,
dont 1’414 fr. 80 lui ont déjà été versés.
H._ ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant des indemnités en faveur de son défenseur d’office que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
3998cb6a-885a-4d52-8913-429d125f6252 | En fait :
A.
Par jugement du 5 mai 2015, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a libéré A._ des chefs de prévention de tentative de viol, de menaces et de lésions corporelles simples (I), a constaté qu’A._ s’est rendu coupable d’injure, de contrainte sexuelle, de viol et de contravention à la Loi fédérale sur les stupéfiants (II), a condamné A._ à une peine privative de liberté de 4 (quatre) ans et 6 (six) mois, sous déduction de 551 jours de détention avant jugement, soit 290 jours de détention préventive, 1 jour à titre de compensation pour détention dans des conditions illicites durant 2 jours et 260 jours à titre d’exécution anticipée de peine, peine complémentaire à celle prononcée le 28 mars 2014 par le Ministère public de l’arrondissement de Lausanne (III), a condamné A._ à une peine pécuniaire de 30 (trente) jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 30 francs (trente francs) (IV), a condamné A._ à une amende de 200 francs (deux cents francs) (V), a dit qu’à défaut de paiement de l’amende, la peine privative de liberté de substitution sera de 2 (deux) jours (VI), a dit qu’A._ doit immédiat paiement à S._ de la somme de 15'000 fr. (quinze mille francs) à titre de réparation du tort moral (VII), a dit que le CD inventorié sous fiche n° 56448 est laissé au dossier à titre de pièce à conviction (VIII), a arrêté à 7'188 fr. 20 TTC, le montant de l’indemnité allouée à Me Astyanax Peca, conseil d’office de S._ (IX), a arrêté à 18'125 fr. 80 TTC l’indemnité allouée à Me Pierre Charpié, défenseur d’office d’A._ (X), a dit que lorsque sa situation financière le permettra, A._ sera tenu de rembourser à l’Etat le montant des indemnités allouées sous chiffres IX et X ci-dessus (XI) et a mis les frais de justice par 47'814 fr. 50 à la charge d’A._ (XII).
B.
Par annonce du 12 mai 2015, puis déclaration motivée du 9 juin suivant, A._ a formé appel contre ce jugement, en concluant, avec suite de frais et dépens, à sa réforme en ce sens qu’il est condamné à une peine privative de liberté de vingt mois pour lésions corporelles simples et contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants, qu’il est libéré de tous les autres chefs d’accusation retenus à son encontre et qu’une partie des frais de justice et des indemnités allouées aux conseils d’office est laissée à la charge de l’Etat.
Par acte du 18 juin 2015, S._ a formé un appel joint concluant à ce que le prévenu soit reconnu coupable d’injure, de contrainte sexuelle avec cruauté, de viol avec cruauté et de contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants et qu’il soit condamné à une peine privative de liberté de six ans.
Par déclaration d’appel joint du 25 juin 2015, le Ministère public de l’arrondissement de Lausanne a conclu à ce que A._ soit condamné à une peine privative de liberté de cinq ans, sous déduction de la détention avant jugement.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
1.1
Célibataire, A._ est né le 15 août 1979 à Casablanca au Maroc. Il y a effectué sa scolarité obligatoire jusqu’en 1994-1995. Il a ensuite travaillé dans une entreprise de chaussures jusqu’en 2001, année où il a quitté le Maroc pour la Libye. Il est resté dans ce pays jusqu’en 2011, enchaînant de petits emplois, en particulier dans la restauration. En 2011, il est parti en Italie où il a vécu clandestinement jusqu’au 10 septembre 2013, date à laquelle il est arrivé en Suisse. Intercepté par le Corps des gardes-frontière à Mendrisio, il a déposé une demande d'asile, qui a fait l’objet d’une décision de non-entrée en matière avec renvoi vers l’Italie. Celle-ci est entrée en force le 30 octobre 2013. Le prévenu n’a toutefois pas été transféré en raison des arrestations dont il a été l’objet. La décision de non-entrée en matière a dès lors été levée et une nouvelle procédure d’asile a été ouverte. A._ a ainsi bénéficié du statut de requérant d’asile en Suisse. Avant d’être incarcéré, il avait été attribué au Centre EVAM de [...] et vivait à l’abri PC EVAM de [...].
Le casier judiciaire suisse du prévenu fait état des deux condamnations suivantes :
-
4 octobre 2013, Ministère public cantonal Strada à Lausanne, vol, dommages à la propriété, infractions d’importance mineure (vol), peine privative de liberté de 2 mois, amende 200 francs ;
-
28 mars 2014 Ministère public de l’arrondissement de Lausanne, lésions corporelles simples, violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires, peine privative de liberté de 2 mois.
1.2
Pour les besoins de la présente cause, A._ a été détenu provisoirement du 2 novembre 2013 au 18 août 2014, soit durant 290 jours. Depuis le 19 août 2014, il exécute sa peine de manière anticipée.
2.
S._ a rencontré A._ à la gare de Prilly-Malley le 1
er
novembre 2013 entre 17h30 et 18h00. Ne sachant pas où dormir, elle a demandé un peu d'argent au prévenu afin de pouvoir aller dormir au "Sleep-in". Par la suite, les prénommés ont sympathisé. A._ a dit à S._ connaître un endroit où ils pourraient manger et elle a accepté de le suivre. Tous deux se sont ainsi rendus au Centre EVAM de [...] où ils ont mangé une pizza. A._ a pour sa part bu plusieurs bières. Dans le cours de la conversation, il a dit à S._ qu'il connaissait un endroit où elle pourrait dormir car il avait déjà tout prévu. Cette dernière a alors suivi le prévenu pensant qu'il allait lui montrer un endroit pour passer la nuit et partir en la laissant sur place. Ce dernier l'a conduite à Prilly.
A Prilly, vers 22h30-23h00, A._ a emmené S._ dans une caravane délabrée laissée à l'abandon sur le site [...]. Une fois à l'intérieur de la caravane, il lui a donné un coup de tête, lui a dit qu'elle n'allait pas s'échapper et «
je te niquerai que tu le veuilles ou pas
». Puis, il a fermé la porte avec du fil de fer et est devenu entreprenant. Comme il devenait de plus en plus agressif, S._, dans l’espoir que cela le calmerait, lui a proposé un joint, qu'ils ont consommé ensemble.
Le prévenu a déclaré à S._ qu'il allait lui montrer ce qu'était un Marocain puisqu'elle n'en fréquentait pas. Il l'a traitée de «
pute
», «
grosse pute
», «
salope
», lui a dit qu'il voulait la «
baiser
» et «
je vais te le mettre
» en parlant de son sexe. Il a encore dit «
qu'il fallait qu'ils se marient sinon ils n'avaient qu'à se tuer
». S._ a essayé de l'apaiser en allant dans son sens mais dit « avoir vu la mort arriver ». Elle a été prise de panique et a compris qu'elle était coincée. A._ est devenu nerveux et agité. Il a frappé la plaignante sur le visage et sur le nez et l'a étranglée avec son avant-bras en lui disant «
espèce de pétasse, c'est ça que vous voulez, y a que la violence qui marche avec vous
». Plus cette dernière se débattait, plus il la serrait au cou. Il lui a ensuite demandé de se déshabiller, mais elle a refusé. Il lui a alors baissé son pantalon et sa culotte de force en lui disant «
vas-y, couche-toi, que Dieu maudit ta mère
». Il l’a maintenue et l’a poussée fortement contre la banquette de la caravane tout en la tenant par les cheveux. Comprenant qu’il allait arriver à ses fins et ne trouvant aucune autre échappatoire, S._ a sorti deux préservatifs de son sac tout en lui indiquant être atteinte du SIDA, pour l'encourager à se protéger. A._ lui a alors dit qu'il voulait la pénétrer par derrière et lui a demandé de dérouler un préservatif, ce qu'elle a fait. Il a poussé la victime sur la banquette, l'a maintenue et pénétrée vaginalement de façon incomplète avec son sexe et analement avec son doigt, avant d'éjaculer. Il a ensuite mis un nouveau préservatif, soulevé la plaignante pour la mettre sur le ventre et a tenté de la pénétrer analement à plusieurs reprises sans toutefois y parvenir car il avait de la peine à maintenir une érection et S._ se débattait. Dans ces circonstances, il lui a encore saisi la tête avec les deux mains en la faisant tourner, comme s'il voulait l'énuquer, lui a donné des claques et frappé la tête contre la banquette de la caravane. Par la suite, il l’a à nouveau pénétrée vaginalement tout en lui donnant des claques et a éjaculé rapidement.
A._ a encore exigé que S._ lui prodigue une fellation en empoignant cette dernière par les cheveux et en lui disant «
suce moi salope
». Elle s'est exécutée. Par la suite, il lui a embrassé et touché les seins. A un certain moment, la plaignante a demandé au prévenu s'il avait des sœurs. A sa réponse positive, elle lui a encore demandé ce qu'il penserait si quelqu'un se comportait de la même manière avec elles. Le prévenu est alors devenu violent et lui a dit «
tu ne parles pas de ma famille
» et l'a jetée de l'autre côté de la caravane. Il lui a ensuite dit «
si tu ne m'épouses pas, je te tue
» et que de toute façon ce soir-là était la fin. A un certain moment, profitant d'une absence du prévenu qui était sorti de la caravane pour uriner, S._ a composé à plusieurs reprises le « 117 », ne parlant pas directement à son interlocuteur, mais laissant le téléphone portable allumé, afin que la personne au bout du fil puisse l'entendre et qu’A._ ne s'aperçoive pas qu'elle avait appelé la police. Lorsque le prévenu a vu le téléphone, il lui a pris la tête et la lui a mise par la fenêtre de la caravane qui était cassée et où il restait encore des bris de verre. A._ l'a alors pénétrée analement. Un moment plus tard, le téléphone portable de la plaignante a sonné et cette dernière a répondu à la police en faisant semblant d'être en communication avec sa mère. Elle a donné un maximum de renseignements sur l'endroit où elle se trouvait afin que la police puisse la retrouver. Lors de l’un des appels avec la police, elle était en pleurs et a notamment dit «
pas avec violence comme ça Aye
» et «
pourquoi tu me fais ça ?
». Finalement, le prévenu a encore tenté de la pénétrer une nouvelle fois, cela juste avant que la police n'intervienne dans la caravane le 2 novembre 2013 vers 2h00.
S._ a déposé plainte pénale le 2 novembre 2013.
Un prélèvement de sang a été effectué sur le prévenu le 2 novembre 2013 à 20h30. Les analyses de l’échantillon prélevé ont révélé un taux moyen d’alcool de 0.25 g ‰. | En droit :
1.
1.1
La qualité pour former appel est définie à l’art. 382 CPP disposition générique en matière de qualité pour recourir. Selon cette norme, toute partie qui a un intérêt juridiquement protégé à l’annulation ou à la modification d’une décision a qualité pour recourir contre celle-ci (al. 1). La partie plaignante ne peut pas interjeter recours sur la question de la peine ou de la mesure prononcée (al. 2).
1.2
Interjetés dans les formes et délais légaux (art. 399 CPP) par des parties ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel d’A._ ainsi que les appels joints du Ministère public et de S._ sont recevables. En revanche, la conclusion de l’appel joint de la plaignante qui tend à une aggravation de la peine infligée au prévenu est irrecevable (art. 382 al. 2 CPP).
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier ; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1 et la doctrine citée).
I. L’appel d’A._
3.
L’appelant soutient que les premiers juges auraient méconnu des faits importants.
3.1
La constatation des faits est incomplète lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, op. cit., n. 19 ad art. 398 CPP).
A teneur de l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
La présomption d’innocence, garantie par les art. 14 par. 2 Pacte ONU Il (Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 ; RS 0.103.2), 6 par. 2 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ; RS 0.101) et 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 ; RS 101), ainsi que son corollaire, le principe in dubio pro reo, concernent tant le fardeau de la preuve que l’appréciation des preuves. En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d’innocence signifie que toute personne prévenue d’une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu’il appartient à l’accusation de prouver la culpabilité de celle-là (ATF 127 I 38 consid. 2a ; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 consid. 2.2.1). Comme règle d’appréciation des preuves, le principe in dubio pro reo est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l’accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes ; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 la 31 consid. 2c ; TF 6B_831/2009 précité, consid. 2.2.2).
L’appréciation des preuves est l’acte par lequel le juge du fond évalue la valeur de persuasion des moyens de preuve à disposition et pondère ces différents moyens de preuve afin de parvenir à une conclusion sur la réalisation ou non des éléments de fait pertinents pour l’application du droit pénal matériel. L’appréciation des preuves est dite libre, car le juge peut par exemple attribuer plus de crédit à un témoin, même prévenu dans la même affaire, dont la déclaration va dans un sens, qu’à plusieurs témoins soutenant la thèse inverse ; il peut fonder une condamnation sur un faisceau d’indices ; en cas de versions contradictoires, il doit déterminer laquelle est la plus crédible. En d’autres termes, ce n’est ni le genre ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (Jean-Marc Verniory, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 34 ad art. 10 et les références citées).
3.2
3.2.1
L’appelant estime que les premiers juges n’ont pas tenu compte de la personnalité de la victime, notamment de ses séjours en hôpital psychiatrique.
En l’espèce, ce grief est infondé, car sur la base de la pièce 16 du dossier d’instruction, le jugement retient expressément une hospitalisation à l’Hôpital psychiatrique de Prangins comme une conséquence de l’agression. Du reste, on peine à comprendre quel argument l’appelant tente de tirer de ce grief.
3.2.2
L’appelant reproche, sans étayer son propos, au tribunal correctionnel d’avoir méconnu les déclarations enregistrées de la victime.
En l’espèce, rien dans le jugement ne laisse penser que les déclarations de la victime n’ont pas été prises en compte par les premiers juges.
3.2.3
L’appelant se plaint ensuite de ce que le tribunal n’a pas tenu compte des différences culturelles entre son pays et le nôtre. Il critique également l’interprétation des déclarations ténorisées par le truchement d’un interprète au motif que le mot « fellation » n’existerait pas en langue arabe.
En l’espèce, lorsqu’il a été interrogé sur la fellation, l’appelant s’est contredit, mais n’a pas laissé apparaitre d’incompréhension par rapport au sens de ce terme, se limitant à déclarer qu’il avait peut-être oublié d’en parler la première fois, puis qu’il y en avait eu une, puis que non, puis qu’il avait oublié s’il y avait eu fellation ou pas (PV aud. 2, p. 5 avant-dernier paragraphe ; PV aud. 5, lignes 101 ; PV aud. 7, lignes 113-117). Le grief est donc infondé.
3.2.4
L’appelant soutient qu’il est aisé de le faire se contredire avec le concours d’un interprète en raison de la complexité de la langue arabe.
L’appelant a toujours été clair dans ses déclarations et il l’a aussi été lorsqu’il s’est contredit notamment sur la fellation oubliée, sur la pénétration anale contestée puis admise et sur un couteau qu’aurait détenu la victime (PV aud. 5, lignes 108-123). Le grief doit donc être rejeté.
3.2.5
L’appelant se livre à une interprétation de l’état d’esprit de la victime au moment des faits et affirme qu’il serait notoire que les femmes marocaines se plaignent souvent de violences domestiques qu’elles n’oseraient pas dénoncer. Il soutient en outre que la plaignante pourrait s’estimer disposer d’un pouvoir mystique de rendre justice en dénonçant un compatriote.
En l’espèce, les considérations du prévenu ne reposent sur aucun élément concret et n’engagent que lui. Ces affirmations ne constituent pas un grief admissible à l’égard du jugement, qui s’est fondé sur les éléments du dossier et non sur des considérations relevant de la pure fantaisie. On ne discerne par ailleurs aucun élément dans l’écriture d’appel qui permettrait d’arriver à la conclusion que l’appelant n’a pas eu droit à un procès équitable. Le grief est dès lors infondé.
3.2.6
L’appelant reproche aux premiers juges de ne pas s’être attardés sur le fait de savoir qui de lui ou de la plaignante connaissait l’emplacement de la caravane et lequel des deux avait eu l’idée d’y aller. Il estime qu’il y aurait plus d’indices allant dans le sens que c’est la plaignante qui l’y aurait amené plutôt que dans le sens retenu par le tribunal.
En l’espèce, le jugement explique, certes lapidairement mais de façon compréhensible, que c’est en raison de ses propres contradictions que la version de l’appelant n’a pas été suivie sur ce point (jgt., p.15). Il est vrai qu’A._ a donné des explications fluctuantes sur ce point aussi : «
elle m’a dit qu’elle n’avait pas d’endroit pour dormir mais qu’elle connaissait une caravane
» (PV aud. 5, lignes 78-79), puis «
Je lui ai demandé si elle avait un endroit où dormir. Elle m’a répondu qu’elle avait une place à Prilly-Malley. Vous me demandez si je parle du Sleep-in. C’était dans une caravane. Elle m’a proposé d’aller dans cette caravane pour y dormir. Elle m’a dit que c’était chez elle. Précisément, elle m’a dit : je t’emmène dans un endroit à moi.
» (PV aud. 7, lignes 62-65). La première déclaration souligne que la plaignante n’avait pas d’endroit pour dormir alors que la seconde laisse penser qu’elle habitait dans cette caravane. Quoi qu’il en soit, ce qui est reproché à l’appelant, c’est de s’être rendu coupable de viol et de contrainte sexuelle une fois dans la caravane et non d’en avoir connu l’emplacement. Le grief doit donc être rejeté.
3.2.7
L’appelant fait valoir que la plaignante aurait exagéré dans la description des violences et dans ses déclarations.
En l’espèce, le tribunal s’est fondé sur les constatations médicales figurant au dossier selon lesquelles les lésions observées sont compatibles avec le mécanisme proposé par la victime (P. 16). Les lésions observées figurent dans ce rapport et il y est expliqué que les ecchymoses et tuméfactions constatées trois jours et demi après les faits peuvent être la conséquence de coups portés, de chocs ou de pressions locales fortes (P. 16, p.3-4). La conviction des premiers juges rejoint ainsi les constatations médicales. Par contre, l’explication de l’appelant, selon lequel les parties ont entretenu «
simplement
» un «
rapport sexuel intense qui a pu conduire à quelques marques sur le corps
» ne permet pas de comprendre la survenance en particulier de la tuméfaction du nez. Surtout qu’en cours d’enquête, il a déclaré qu’ils avaient eu «
une relation sexuelle comme tout le monde
» (PV aud. 7, ligne 110). Sa version est donc incompatible avec les lésions subies par la plaignante, de sorte que c’est à raison que le tribunal a écarté ses déclarations. Son grief est encore mal fondé.
3.2.8
L’appelant soutient que les premiers juges auraient dû tenir compte du temps que la plaignante et lui ont passé ensemble.
En l’espèce, l’intéressé rediscute à nouveau librement les faits sur la base de ce qu’il semble estimer être l’expérience générale de la vie. Ce grief est lui aussi inconsistant.
4.
L’appelant reproche aux premiers juges d’avoir violé son droit d’être entendu en refusant de réentendre un enregistrement.
4.1
Tel que garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 ; RS 101), le droit d'être entendu comprend, notamment, le droit pour l'intéressé de prendre connaissance du dossier, de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 135 Il 286 consid. 5.1 ; ATF 132 Il 485 consid. 3.2 ; ATF 127 I 54 consid. 2b). Le droit d’être entendu n’empêche pas l’autorité de mettre un terme à l‘instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que, ces dernières ne pourraient pas l’amener à modifier son opinion (cf. ATF 134 I 140 c. 5.3 et les références citées).
4.2
En l’espèce, la requête de l’appelant a fait l’objet d’une réquisition devant les premiers juges, qui l’ont rejetée au motif que cet enregistrement avait déjà été entendu par les parties et le tribunal (jgt., p. 9). L’appelant explique que l’audition de cet enregistrement est importante. Les premiers juges ont procédé à cette audition et l’appelant ne le conteste pas. Ce dernier n’a toutefois pas expliqué en quoi il aurait été indispensable de réentendre cet enregistrement une nouvelle fois en audience. Il n’y a donc aucun vice qui affecte le jugement pour ce motif. L’appelant n’a par ailleurs pas requis que cette bande soit entendue devant la Cour de céans. Il livre ensuite son sentiment sur les enregistrements de façon général, mais ne formule pas réellement d’argumentation. Tout au plus relève-t-il qu’il «
n’est pas anodin qu’au cours d’une conversation avec la police, les protagonistes aient un rapport sexuel
». Si cette manière de l’appelant de présenter les faits est en effet étrange, on comprend mieux l’état de fait retenu par le tribunal, selon lequel S._ est parvenue à composer le 117, ne parlant pas directement à son interlocuteur, mais laissant le téléphone portable allumé, afin que la personne au bout du fil puisse l’entendre et que l’appelant ne s’aperçoive pas qu’elle avait appelé la police. Infondé, le grief doit être rejeté.
II. Appel joint de S._
5.
L’appelante par voie de jonction fait valoir que les premiers juges auraient dû retenir les circonstances aggravantes des art. 189 al. 3 et 190 al. 3 CP à l’encontre du prévenu en lieu et place des art. 189 al. 1 et 190 al. 1 CP.
5.1
L'art. 9 CPP consacre la maxime d'accusation. Selon cette disposition, une infraction ne peut faire l'objet d'un jugement que si le ministère public a déposé auprès du tribunal compétent un acte d'accusation dirigé contre une personne déterminée sur la base de faits précisément décrits.
Le prévenu doit ainsi connaître exactement les faits qui lui sont imputés et les peines et mesures auxquelles il est exposé, afin qu'il puisse s'expliquer et préparer efficacement sa défense (ATF 126 I 19 consid. 2a ; ATF 120 IV 348 consid. 2b). Le tribunal est lié par l'état de fait décrit dans l'acte d'accusation, mais peut s'écarter de l'appréciation juridique qu'en fait le ministère public (art. 350 al. 1 CPP), à condition d'en informer les parties présentes et de les inviter à se prononcer (art. 344 CPP). Le principe de l'accusation découle également de l'art. 29 al. 2 Cst. (droit d'être entendu), de l'art. 32 al. 2 Cst. (droit d'être informé, dans les plus brefs délais et de manière détaillée, des accusations portées contre soi) et de l'art. 6 par. 3 let. a CEDH (droit d'être informé de la nature et de la cause de l'accusation). Les art. 324 ss CPP règlent la mise en accusation, en particulier le contenu strict de l'acte d'accusation. Selon l'art. 325 CPP, l'acte d'accusation désigne notamment les actes reprochés au prévenu, le lieu, la date et l'heure de leur commission ainsi que leurs conséquences et le mode de procéder de l'auteur (let. f) ; les infractions réalisées et les dispositions légales applicables de l'avis du ministère public (let. g). En d'autres termes, l'acte d'accusation doit contenir les faits qui, de l'avis du ministère public, correspondent à tous les éléments constitutifs de l'infraction reprochée à l'accusé (TF 6B_489/2013 du 9 juillet 2013 consid. 1.1).
5.2
En l’espèce, A._ n’a pas été mis en accusation pour contrainte sexuelle et viol aggravés, mais uniquement pour les infractions simples prévues aux art. 189 et 190 CP. Les premiers juges ne pouvaient pas retenir les aggravantes dans leur jugement, aucune requête d’aggravation n’ayant été présentée en audience. En outre, sans réaliser l’aggravante, la cruauté a expressément été prise en compte dans le jugement lors de la fixation de la peine (jgt, p.16). Le grief doit donc être rejeté.
III. Appel joint du Ministère public
6.
Le Ministère public conteste la peine qui a été infligée au prévenu. Il estime qu’il s’agirait d’un cas limite qui se situerait sur l’échelon supérieur des viols et contraintes sexuelles dits « simples » et que c’est une peine privative de liberté de cinq ans qui devrait être prononcée.
6.1
Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale (TF 6B_85/2013 du 4 mars 2013 consid. 3.1 ; ATF 134 IV 17 consid. 2.1)
6.2
En l’espèce, A._ s’est rendu coupable de viol en concours avec des actes de contrainte sexuelle. Ces infractions sont graves. Il a frappé, insulté et menacé sa victime pendant plus de deux heures et ce n’est que grâce à l’intervention de la police que ses actes ont pris fin. On retiendra encore qu’il a tenté par divers moyens de se disculper en se confondant en explications contradictoires et imprécises. A décharge, il sera tenu compte du fait qu’il était alcoolisé, ce qui a, quelque peu, diminué son seuil de contrôle. Malgré cela, sa culpabilité reste lourde.
Ainsi, sur la base des éléments qui précèdent, une peine privative de liberté de quatre ans et six mois tel que fixée par les premiers juges réprime adéquatement les agissements d’A._. Les griefs du Ministère public doivent ainsi être rejetés.
7.
En définitive, l’appel d’A._ ainsi que les appels joints de S._ et du Ministère public doivent être rejetés et le jugement entrepris entièrement confirmé.
7.1
Me Pierre Charpié a produit une liste des opérations faisant état notamment de 30 heures d’activité débours inclus et de 420 fr. de déplacements (P. 134). Compte tenu de la connaissance du dossier acquise en première instance et des opérations accomplies pour la défense des intérêts de son client, le temps consacré à la présente procédure est un peu trop élevé. Tout bien considéré, c’est une indemnité de 4'341 fr. 60 correspondant à 20 heures d’activité à 180 fr. et trois vacations et demie à 120 fr., plus la TVA, qui doit être allouée au défenseur d’office d’A._ pour la procédure d’appel.
7.2
L'indemnité de conseil d'office allouée pour la procédure d'appel à Me Astyanax Peca est fixée à 1'836 fr., TVA comprise, comprenant 8h30 d’activité, 50 fr. de débours et une vacation à 120 francs.
7.3
Vu l’issue de la cause, les frais de la présente procédure, constitués de l’émolument de jugement, par 2’460 fr., et des indemnités d’avocat, doivent être mis par deux tiers à la charge d’A._ (art. 428 al. 1 CPP).
A._ ne sera tenu de rembourser à l’Etat les deux tiers des indemnités en faveur de son défenseur d’office et du conseil d’office de S._ que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |